La prévention des risques naturels en France

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La prévention des risques naturels en France
Le contrat de rivière :
variation sur le thème de la solidarité de
bassin versant
Alexandre Brun
Membre du GDR 2524 CNRS
Chercheur invité au CRAD Université Laval
1950-1960
aux origines de la politique de l’eau en France
ƒ
De l’après guerre à la fin des années 1950, le gestion de l’eau n’est pas
une priorité gouvernementale
Modernisation de l’l’agriculture (irrigation, drainage, mé
mécanisation, remembrements, élevage intensif, utilisation
massive d’
d’intrants)
Reconstruction des industries lourdes et des infrastructures liné
linéaires
Construction de logements équipé
quipés de salles de bain et de toilettes
Développement du programme de production hydroé
hydroélectrique
ƒ
De la fin des années 1950 au début des années 1960 : premières
réactions des pouvoirs publics
La qualité
qualité de l’l’eau se dé
dégrade : elle devient insuffisante pour certaines industries (IAA)
(IAA)
Les pressions des pêcheurs dé
débouchent sur l’l’ordonnance de 1959
Des économistes alertent le gouvernement qui cré
crée le SPEP sur l’l’impact des pollutions sur la croissance
De jeunes ingé
é
nieurs
franç
ç
ais
du
Plan
et
de
la
DATAR
(Ché
ing
fran
(Chéret, Antoine, Monod…
Monod…) s’
s’inté
intéressent
aux expé
expériences étrangè
trangères de gestion par bassin
1964
la première loi sur l’eau en France et ses principes directeurs
1981
Mise en place des contrats de rivière : enjeux et perspectives
ƒ
De premières expériences locales concluantes
1974 : Les opé
opérations « Riviè
Rivières propres » rempotent un relatif succè
succès
1975 : Les journé
journées de nettoyage des fleuves côtiers bretons mobilisent 600 jeunes
jeunes durant l’é
l’étté
ƒ
La perspective d’agir pour le ministère autrement que par la loi
- Créé
Créé en 1971, le jeune ministè
ministère de l’l’environnement – qui est alors une vraie « administration de mission » cherche à formaliser ces initiatives locales et à se positionner par rapport aux agences de l’l’eau, plus anciennes
et beaucoup plus riches
- L’évolution
’évolution de la qualité
qualité des eaux et la vulné
vulnérabilité
rabilité croissantes faces aux risques d’
d’inondation poussent
le ministè
è
re,
le
contrat
est
l’
’
occasion
d’
’
expé
é
rimenter
des
politiques
alternatives
pour
inciter les agents à
minist
l
d exp
modifier leurs pratiques
ƒ
Les contrats constituent une opportunité pour les acteurs locaux
- Les contrats de riviè
rivière comblent une des lacunes de la loi de 1964 : l’l’absence d’
d’outil de planification
- Ils se mettent en place au moment où
où la dé
décentralisation renforce les compé
compétences des collectivité
collectivités
- Ils ré
répondent aux besoins des syndicats de riviè
rivières qui se substituent peu à peu aux proprié
propriétaires riverains
1981
Objectifs et caractéristiques des contrats de rivière
ƒ
Un programme initialement tourné vers la remise en état d’un cours d’eau
-
Programme pluriannuel (5ans) d’é
tudes et de travaux à l’échelle
d’études
’échelle du sous bassin versant
Il a pour principal objectif l’l’amé
amélioration de la qualité
qualité des eaux
Il s’
s’articule autour d’
d’un exé
exécutif local, le Comité
Comité de riviè
rivière, dé
dédié
dié à l’orientation du contrat
Il s’
’
accompagne
souvent
d’
’
un
comité
é
technique
composé
é
de
techniciens des services de l’É
tat
s
d
comit
compos
l’État
ƒ
Le contrat de rivière : un «ovni» en matière de politique publique
-
Le contrat n’
n’a pas de porté
portée ré
réglementaire, mais il sert de directive pour la programmation et
l’action ulté
ultérieure de l’l’Administration
Les signataires peuvent changer d’
d’un contrat à l’autre
Sa procé
procédure est dé
détaillé
taillée mais sa dé
définition diffè
diffère entre le Ministè
Ministère et les agences de l’l’eau
ƒ
Un démarrage encourageant, des difficultés persistantes de montage
-
En 1983, les 3 premiers contrats concernent des cours d’
d’eau assez diffé
différents (Loiret, la Thur, Trieux)
Trieux)
Les contrats sont initié
tat puis « porté
initiés ou suggé
suggérés par les services de l’É
l’État
portés » par des élus locaux
Autre difficulté
difficulté : trouver une clef de ré
répartition jugé
jugée équitable pour assurer fonctionnement et investissements
La difficulté
difficulté réside dans le choix de la maî
maîtrise d’
d’ouvrage (EPTB, syndicats locaux…
locaux…)
1981
La logique des contrats de rivière
Initiatives locales en faveur d’un contrat de rivière
Et/Ou
Suggestion des services de l’État ou d’un EPTB
Identification ou création d’une structure assurant la maîtrise
d’ouvrage du contrat de rivière dans le périmètre dédié
(syndicat intercommunal, EPCI, EPTB, autres)
Mise en œuvre puis évaluation du contrat de rivière
(syndicat intercommunal, EPCI, EPTB, autres)
Renouvellement ou arrêt du contrat ou articulation avec un
autre dispositif
(syndicat intercommunal, EPCI, EPTB, autres)
Une procédure « souple, simple et évolutive »
ETAPES
OBJECTIFS
EXEMPLE DE LA REYSSOUZE
Il est réalisé à l’initiative des élus et des usagers locaux. Une
« structure porteuse» du projet de contrat est désignée. Un
technicien est généralement embauché à ce stade.
Le Syndicat Intercommunal d’Aménagement et d’Entretien de la
Reyssouze (SIAER) est créé en 1956. De 1967 à 1984, il élargit
ses compétences. Il est chargé du diagnostic. Les premières
réflexions remontent à 1990.
Dossier préalable
Les grandes lignes du contrat sont définies
après études et négociations relatives aux actions. Etat et agence
de l’eau se positionnent par rapport au projet de contrat.
Le SIAER s'impose comme maître d'ouvrage principal d'études et
de travaux. Il emporte aussi la maîtrise d’œuvre de plusieurs
projets hydrauliques.
Présentation du
projet
Le Comité National d’Agrément (CNA) avalise le projet après avis
des services de l’Etat, du CSP et de l’agence de l’eau.
Le dossier sommaire de candidature est présenté au CNA en avril
1994.
Constitution du
Comité de rivière
Représentant les acteurs locaux
le comité pilote les études et élabore
le dossier définitif.
La constitution du Comité de rivière est effectuée en février 1995.
Un comité de travail ad hoc est également mis en place.
Dossier définitif
Proposé par la structure porteuse
les actions sont précisément définies
chiffrées et localisées
Le dossier définitif est proposé courant 1995.
Deuxième évaluation du CNA
Agrément du CNA, septembre 1996.
Signature du contrat puis réalisation sur 5 ans ou 7 ans (avenant
possible)
Signature du contrat, février 1997. Les travaux d’assainissement
sont alors prioritaires.
Les taux de réalisation sont calculés pour chaque volet. Il s’agit de
préparer l’après contrat (nouveau contrat de rivière, mise en place
d’un SAGE, défi territorial…)
Le bilan est réalisé par le SIAER depuis 2002. Les pollutions
agricoles causent toujours des dommages, l’agence de l’eau
propose de mettre en place un nouveau dispositif incitatif.
Diagnostic
Agrément
Réalisation
Bilan du contrat
Elaboration et mise en œuvre d’un contrat de rivière étape par étape :
le cas de la Reyssouze (Ain, France). Source : Brun (2003).
1992
Le contrats de rivière : volet opérationnel du SAGE ?
ƒ
Une programmation qui s’élargie peu à peu
- Au plan spatial : le contrat est dé
désormais applicable à toute entité
entité hydrographique cohé
cohérente
(sous bassin, vallé
vallée, baie, estuaire, lac…
lac…)
- Au plan thé
é
matique
:
la
plupart
des
contrats comportent 4 volets (lutte contre
th
contre la pollution,
lutte contre les inondations, restauration des milieux naturels et sensibilisation des usagers)
- Les contrats peuvent maintenant pré
précéder, accompagner ou prolonger un SAGE. Par exemple :
1.
Le contrat Drôme pré
précède le SAGE
2.
Le contrat Liane est conduit en parallè
parallèle au SAGE
3.
Le contrat Calavon prolonge le SAGE
ƒ
Le contrat de rivière inspire le législateur en 1992
- En 1992, la loi sur l’l’eau met en place les SDAGE et les SAGE
- Les contrats deviennent les volets opé
opérationnels des SAGE
- Les obligations communautaires de la France dans le domaine de l’eau et l’é
chec relatif des rè
l’échec
règlements
l’incitent à multiplier les dispositifs de cette nature (contrats VitiViti-vini,
vini, CTECTE-CAD, contrats ruraux…
ruraux…)
ENGAGEMENTS DES ÉTATS SUR L’EAU LORS DES
CONFÉRENCES INTERNATIONALES
POLITIQUE COMMUNAUTAIRE DE L’EAU
POLITIQUE DE L’EAU DE L’ÉTAT MEMBRE :
LE CAS DE LA FRANCE
OUTILS
OUTILS
REGLEMENTAIRES
CONTRACTUELS
Approche
Approche
Territoriale
Territoriale
Ex. SAGE
Ex.Contrat de rivière
Approche
Approche
sectorielle
sectorielle
Ex. Règlements
d’assainissement
Ex. Ferti-Mieux
1981-2004
Des contrats de rivière fréquemment déséquilibrés
Participation financière en 1997 des différents partenaires du contrat de la rivière Reyssouze :
le traitement des eaux usées absorbe 80% du budget alloué au contrat.
Etat
Agence de
l'Eau
Conseil
Régional
Conseil
Général
Collectivités
Agents
Privés
Volet A
-
43%
15%
9%
33%
-
Volet B1
14%
8%
17%
7%
54%
-
Volet B2
20%
-
-
30%
50%
-
Volet C
4%
36%
33%
4%
23%
-
% par Volet
Source : SIAER, 1997.
1981-2007
Un bilan contrasté
ƒ
Coût global des contrats au regard des objectifs affichés
-
Montant total 2 milliards € sur la période 1983-2003.
À titre de comparaison, PMPOA 1 = 1,7 milliard €.
-
179 contrats à divers stades contre 25 en 1990.
À titre de comparaison, on compte 127 SAGE fin 2005.
- Une diversification progressive des territoires :
1.
Les contrats des grands lacs alpins
2.
Le contrat de vallée inondable de la Saône
3.
Le contrat d’étang littoral d’Hossegor
4.
Le contrat de rade (Brest, Toulon)
5.
Les contrats de nappes de l’est lyonnais
1981-2007
Un bilan contrasté
ƒ
Évolution du nombre de contrats de rivières en France
- Entre 1990 et 2000 : durcissement du droit communautaire, loi sur
sur l’l’eau de 1992, renouvellement du dispositif CR.
160
140
120
100
80
60
40
20
0
1983
1987
1990
2000
1981-2007
Un bilan contrasté : de fortes disparités régionales
Répartition géographique des contrats de rivière par district hydrographique
(1983-2003)
90
80
Nombre de contrats
70
60
50
40
30
20
10
0
seine
normandie
rhin meuse
artois picardie adour garonne loire bretagne
rhône
Le contrat de rivière
Un dispositif qui séduit de nombreux pays
ƒ
12 contrats en Belgique, dont un contrat transfrontalier
ƒ
10 contrats en Suisse, dont des contrats transfrontaliers
ƒ
Plusieurs projets en Amérique latine, notamment au Vénézuela
ƒ
Un projet porté par la France concerne le bassin du Niger
ƒ
Au Québec, les contrats prévus au titre de la PNE diffèrent
Conclusion
La multiplication des contrats de rivière
ne garantit leur efficacité environnementale
ƒ Faisabilité du contrat
Pas de contrat sans un diagnostic économique et politique du bassin réalisé au préalable
par un organisme « neutre » (ni gouvernemental, et sans lien avec l’un des 3 collèges du
Comité de rivière)
ƒ Un maître d’ouvrage reconnu pour sa légitimité politique et technique
Éviter la multiplicité des maîtres d’ouvrage
La reconnaissance tardive des EPTB devrait assurer davantage de cohérence à l’avenir
ƒ Suivi du contrat de rivière
« Double casquette » et remplacements fréquents des fonctionnaires des services de
l’Etat
Le couple élu local-technicien de rivière doit être stable. Or, élections et marché du travail
jouent un rôle déstabilisateur
Conclusion
La multiplication des contrats de rivière
ne garantit leur efficacité environnementale
ƒ Absence de prise en compte des préconisations des techniciens
ƒ «Culture de la subvention» (contrats en Rhône-Alpes)
ƒ Difficulté à sanctionner les «mauvais élèves»
ƒ Engagement du contrat y compris en cas d’absence des agriculteurs
Bibliographie
ƒ La gestion locale des cours d’eau, Droit de l’environnement, 125,
janv 2005
ƒ Brun et Lasserre, Politiques de l’eau : grands principes et réalités
locales, PUQ, 2006
ƒ Travaux du CERTOP CNRS
ƒ Très nombreux sites (Medad, Gesteau, agences de l’eau…)