Les débuts de la science-fiction : des origines européennes à la

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Les débuts de la science-fiction : des origines européennes à la
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Mardi 15 janvier 2008, Bibliothèque-Médiathèque de Bagneux, « Université
pour tous »
Les débuts de la science-fiction : des origines européennes à la
prépondérance américaine (1880-1940)
Jean-Luc Rivera
La SF est un domaine fort vaste : il recouvre non seulement la littérature mais aussi la bande
dessinée, le dessin animé et le cinéma. Les plus grands succès aujourd’hui sont des films
comme Star Wars, Rencontres du IIIème type, Independence Day, Men In Black ou I, Robot.
Je me contenterais donc, afin de rester dans les temps, de ne parler que la littérature de SFdont
il est déjà très difficile de poser les limites. Le grand spécialiste de l’histoire de la SF qu’était
Pierre Versins, dans son Encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la
science-fiction, sortie en 1972 et qui fait toujours autorité,
001 Encyclopédie Versins
englobait dans sa définition les premiers mythes et légendes de l’humanité comme les
voyages de Gilgamesh datant de Sumer, les utopies et les satires de Cyrano de Bergerac
(Voyages dans les Empires et Etats de la Lune et du Soleil, 1657 et 1662) ou de Jonathan
Swift (Les voyages de Gulliver, 1726). Le problème est qu’ils ne contiennent pas ou peu de
science (à l’exception de l’île volante de Laputha) !
Restif de la Bretonne, avec La découverte australe par un homme volant (1781) et L’An 2000
ou la Régénération (1789) se rapprochent plus du genre anticipation.
Mais je m’en tiendrais personnellement au fait que dans science-fiction il y ale mot
« science » et la science moderne, telle que nous la concevons, n’apparaît qu’avec les
premiers expérimentateurs de la fin du XVIIIème siècle, Lavoisier, Galvani etc… Je
considère donc que le premier « vrai » roman de SF est celui de Mary Woolstone-Craft
Shelley
002 Frankenstein ou le Prométhée moderne
Paru en 1818, il fit sensation et marqua durablement les esprits, surtout grâce au film de
James Whale en 1931 avec l’inoubliable Boris Karloff !
Est-il besoin de rappeler les circonstances et l’histoire (femme du poète Percy Shelley, soirée
et pari avec Byron etc… monstre de Frankenstein, fin dans les glaces)
Ensuite assez longue pause avec peu de choses jusqu’à Jules Verne car prépondérance du
fantastique : citer les histoires de vampires (Varney, Paul Féval etc…) et Edgar Allan Poe
(1809-1849) (nouvelles à la limite comme Les aventures d’Arthur Gordon Pym, 1836, avec
île perdue et races inconnues) mais il écrit plutôt du fantastique.
Profitons-en pour essayer aussi de définir la différence entre SF et fantastique ainsi
qu’aujourd’hui ce domaine très populaire que constitue la fantasy , anciennement heroic
fantasy : citer pour le fantastique fantômes, vampires, tous les êtres de légendes, la magie
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mais surtout l’atmosphère est importante : un bon exemple est Bram Stoker, l’immortel auteur
de Dracula
003 Dracula 1897
mais aussi du Joyau des sept étoiles
004 Joyau 1907
ou Seabury Quinn avec les 93 aventures de son détective de l’étrange Jules de Grandin parues
dans l’entre-deux-guerres
005 Jules de Grandin
La fantasy est plus centrée sur la magie, les dragons, etc…des mondes sans rapport avec le
nôtre : Tolkien avec le Seigneur des Anneaux, Randall Garrett avec les enquêtes de Lord
Darcy
006 C’est dans les yeux
ou Fritz Leiber avec le Cycle des épées
007 Royaume de Lankhmar
Les romans actuels sont trop nombreux pour être cités mais nous pouvons citer parmi les
auteurs français récents Claire Panier-Alix
008 L’Echiquier d’Einar
(qui sera présente le 16 février et a créé l’un des univers les plus originaux de la fantasy
moderne).
Comme vous le verrez lors la suite de mon exposé, ces limites sont bien entendu floues et
seront souvent transgressées, et ce toujours pour de bonnes raisons naturellement.
Revenons-en maintenant à notre sujet : nous pouvons dater le véritable essor de ce que l’on
appelle la proto science-fiction, c’est-à-dire celle publiée avant que le mot ne soit inventé, à
deux grands auteurs, l’un français Jules Verne, l’autre anglais Herbert George Wells qui
incarneront deux grands courants de la SF qui perdurent jusqu’à aujourd’hui.
Commençons par la France avec Jules Verne (1828-1905) : est-il même besoin de le
présenter, après l’année Jules Verne en 2005 pour le centième anniversaire de sa mort ?
Parmi l’œuvre fourmillante de celui-ci, publiée par Hetzel dans sa collection des « Voyages
Extraordinaires », certains seront ce que l’on peut qualifier de récits d’anticipation : Verne est
un vulgarisateur qui prend des inventions existantes ou des projets en discussion et projette à
très court terme ce que l’on pourrait en faire.
Prenons l’un de ses plus célèbres romans
009 Vingt mille lieues sous les mers 1869-70
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le Nautilus fait partie des engins sous-marins que l’on commence à étudier de manière
sérieuse
il en va de même pour l’Albatros de Robur
010 Robur le Conquérant 1886
Il faudra attendre beaucoup plus longtemps pour aller
011 De la Terre à la Lune 1865
mais les calculs et les anticipations seront relativement proches des réalisations scientifiques
futures. Il en va de même pour les nombreux autres romans d’anticipation de Verne. Le seul
où il se lâchera plus et deviendra proche de la SF moderne sera
012 Voyage au centre de la Terre 1864
avec ses belles images de la mer intérieure, des animaux préhistoriques et de l’homme géant
inconnu… On se prend à rêver de l’impulsion qu’il aurait pu donner aux auteurs français qui
le suivront et le copieront mais qui resteront avec une vision étriquée et peureuse de l’avenir
et de la science. Jules Verne sera cependant l’une des influences dominantes avant la guerre
de 1914 et marquera les autres auteurs français dont les thèmes seront des aventures
fantastiques en des parties inconnues de notre globe, des guerres futures technologiques et, de
temps en temps, des voyages spatiaux (rares cependant).
Parmi ces auteurs, nous pouvons citer Paul Adam qui publiera un petit roman de guerre future
en 1893
013 Le conte futur
ou encore l’inépuisable capitaine Danrit avec ses innombrables guerres inter-européennes,
contre les noirs ou les jaunes, toutes plus illisibles les unes que les autres aujourd’hui (environ
10 000 pages au total)
014 La Guerre de demain ed. de 1906
qui est une guerre future contre les Allemands.
Notons quand même que le commandant Driant (son vrai nom), visionnaire dans ce cas
particulier, mourra au combat en 1916.
Il y aura aussi Pierre Luguet en 1909 avec
015 Descente au monde sous-terrien
belle histoire de terre creuse – préciser le concept
Il ne faut pas oublier le grand écrivain J.H. Rosny Aîné (1856-1940), l’immortel auteur de La
guerre du feu – ce superbe roman préhistorique de 1909 – mais qui a écrit un magnifique
roman de SF intitulé Les Xypehuz (1887) que vous pouvez lire dans
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016 Lehman
Rappeler l’histoire
Je peux aussi citer de cet auteur La mort de la Terre (1910) où les hommes disparaissent à
cause de la sécheresse, remplacée par les ferromagnétaux, forme de vie issue de la rouille puis
017 Les navigateurs de l’infini 1925
Pour en finir avec cette période de la Belle Epoque française, un auteur incontournable mais
plus célèbre pour ses dessins que pour ses romans est Robida, quelque peu oublié. Et pourtant,
de 1869 à 1925, Robida écrit et illustre 15 ouvrages d’anticipation parmi lesquels dominent
Le Vingtième Siècle (1883), un ouvrage visionnaire où la police de l’air règle la circulation et
assure la sécurité des aéronautes. Le grand public bénéficie d’un merveilleux moyen de
communication :
018 le téléphonoscope
avec son écran mural plat qui diffuse les dernières informations à toute heure du jour et de la
nuit, les dernières pièces de théâtre, des cours et toutes formes de téléconférences
Les revendications féministes sont satisfaites. Les femmes portent pantalon, fument dans la
rue. Elles sont médecins, notaires, avocats. Elles sont électrices et éligibles. La peine de mort
a été abolie.
La vie électrique (1892) décrit des inventions curieuses comme
019 le phono-opéragraphe
qui ressemble beaucoup au walkman ; Robida se préoccupe aussi de problèmes auxquels on
ne pense absolument pas à son époque comme
020 la pollution
Un auteur à redécouvrir donc.
Passons à la Grande-Bretagne, la grande rivale de la France à cette époque, y compris en
matière littéraire ! Avant de parler de Wells, je voudrais mentionner un autre auteur, qui est à
la limite de la SF grâce à ses histoires de mondes perdus et de civilisations inconnues aux
pouvoirs mystérieux. Je veux parler de Sir Henry Rider Haggard (1856-1925) qui nous a
donné les différentes aventures d’Allan Quatermain, l’aventurier africain qui découvrira les
Mines du roi Salomon en 1885
021 King Solomon’s Mines ed. 1886
021bis Les Mines du roi Salomon
et l’immortelle Ayesha en 1887, toujours dans une région inexplorée d’Afrique
022 Elle (original : She)
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sans compter les derniers survivants de Mu qui veulent redevenir les maîtres du monde à
partir des ruines de leur cité souterraine de l’île d’Oroferna dans le Pacifique (1918)
023 Le jour où la Terre trembla
Un autre auteur pré-wellsien, connu pour un roman historique Les derniers jours de Pompéi,
est Sir Edgard George Bulwer Lytton (1803-1873) : il a écrit un pur roman de SF
023bis La race à venir ou La race qui nous exterminera
(The Coming Race, 1871) : rappeler le vril et l’histoire
N’oublions pas non plus Robert Louis Stevenson (1850-1894) qui nous donnera un chef
d’œuvre en 1886 avec
024 L’étrange cas du Dr. Jekyll et M. Hyde
Venons-en maintenant à celui que l’on peut appeler le père de la SF moderne : Herbert
George Wells (1866-1946), l’un des écrivains britanniques les plus célèbres de la 1ère moitié
du XXème siècle !
Avec La machine à explorer le temps (1895), L’île du Docteur Moreau (1896), L’homme
invisible (1897), La Guerre des mondes (1898), Quand le dormeur s’éveillera (1899) et Les
premiers hommes dans la Lune (1901)
025 The War of the Worlds ed. 1898
025bis La Guerre des Mondes ed. 1917
025ter les principales œuvres en un volume
en 6 ans, Wells révolutionnera la littérature de merveilleux scientifique en donnant au genre
tous les thèmes qui, depuis, formeront la base – avec des variantes infinies – de la SF !
Discuter ces différents thèmes : voyage temporel, greffes et manipulations des espèces pour
en faire des hommes, technologie future, guerre interplanétaire, évolution de la société,
voyage spatial et civilisation ET
Nous nous trouvons maintenant à cette période de l’immédiate avant-guerre qui, en France,
nous donne dans des publications comme Sciences et Voyages ou Je sais tout, des feuilletons
plus ou moins de merveilleux scientifique, mélangés à des romans d’aventures classiques : un
exemple en est Les gratteurs de ciel (1908) de Louis Boussenard, que je n’ai jamais eu
l’occasion de lire (guerre de dirigeables et armes atomiques tactiques selon Jacques Sadoul).
Ce sera d’ailleurs la caractéristique de la France jusqu’à la 2ème guerre mondiale.
En 1908 sortira un ouvrage remarquable de Gustave Le Rouge, grand écrivain populaire
(1867-1938),
026 Le prisonnier de la planète Mars
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qui est une belle aventure interplanétaire, ainsi que sa suite La guerre des vampires (raconter
le thème en parlant des fakirs). Il faut citer aussi Le mystérieux Docteur Cornélius (1912-13)
027 les œuvres de SF de Le Rouge
Et L’espionne du Grand Lama (1905).
Passons sur Jean de la Hire (1878-1956, auteur de 600 romans et nouvelles !) qui est
totalement décousu et illisible, avec La roue fulgurante (1908) et sa série fort populaire du
Nyctalope (environ 18 romans sur une période allant de 1909 à 1954).
Maurice Renard (1875-1939) sera l’un des grands romanciers de cette époque : il nous
donnera
028 Le docteur Lerne, sous-dieu (1908)
roman sur les greffes d’organes (cerveau greffé dans le corps de Lerne par son assistant
allemand). Citons aussi Le péril bleu (1910).
Juste avant la guerre, Sir Arthur Conan Doyle –l’immortel auteur des aventures de Sherlock
Holmes – fait paraître un roman promis à une grande célébrité :
029 Le monde perdu (1912)
où apparaît pour la 1ère fois le professeur Challenger (raconter brièvement le thème et
mentionner les romans suivants).
Mais que se passe-t-il de l’autre côté de l’Atlantique ? Je n’ai pas encore parlé des Etats-Unis
car, jusqu’en 1912, il se passe peu de choses : Wells est beaucoup lu, Verne est traduit avec
un immense succès et suscite des copies dont le plus célèbre est Luis Senarens. Mais il y a peu
d’auteurs américains originaux et ils se cantonnent dans l’anticipation à court terme pour la
jeunesse, en paraissant en feuilletons dans des magazines d’aventures comme Argosy ou AllStory Weekly
030 Argosy 1907-10
Et arrive alors un auteur qui va marquer de manière indélébile la SF : Edgar Rice Burroughs
(1874-1948). Avec la parution dans All-Story de Under the moons of Mars (février-juillet
1912), les aventures de John Carter, le space opera vient de naître !
031 La princesse de Mars
Citer le cycle en général (10 romans) avec histoire : Barsoom, Dajah Thoris, les différentes
sortes de Martiens ovipares, Tars Tarkas, atmosphère martienne, dieux etc…
032 Les dieux de Mars (1918)
033 Le guerrier de Mars (1919)
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Pour la petite histoire, l’intérêt pour le cycle martien restera tel, qu’outre son influence sur des
auteurs comme Farmer ou Moorcock dont nous parlerons dans ma prochaine intervention, le
grand public sera suffisamment demandeur pour qu’un guide de Barsoom soit publié en 1976
034 A Guide to Barsoom
par un grand éditeur américain.
Burroughs continuera en publiant en octobre 1912 son roman Tarzan of the Apes
035 All-Story
qui introduit son héros le plus célèbre : Tarzan, dont le succès mondial ne se démentira
jamais. Tarzan est de la SF dans une Afrique de rêve, aux multiples civilisations ignorées les
unes des autres.
En français, sont parus de nombreux romans de Tarzan, et, curieusement, il aura fallu attendre
1970 pour pouvoir les lire dans une traduction correcte et non tronquée :
(en montrer quelques-uns en expliquant leurs thèmes, sur les 23 romans moins de la moitié
sont de la vraie SF)
036 Le seigneur de la jungle
037 Tarzan et les joyaux d’Opar (l’Atlantide)
038 Tarzan et l’empire romain
039 Tarzan et les hommes-fourmis
040 Tarzan dans la préhistoire
Il s’agit donc bien là de thèmes de SF caractéristiques des années 1880-1940.
Et en 1914 il recommencera avec un 3ème cycle fort célèbre, celui des aventures de David
Innes et de son compatriote Abner Perry à l’intérieur de la Terre
041 Au cœur de la Terre
Ce cycle dit de Pellucidar, du nom que donnent ses habitants à leur monde de l’intérieur de la
terre, se poursuivra dans plusieurs épisodes (6 romans) comme
042 L’empire de David Innes
et Tarzan lui-même viendra à la rescousse de David Innes en 1930 dans
043 Tarzan et Pellucidar
Pendant que la guerre ravage l’Europe, les Etats-Unis continuent de publier et un nouvel
auteur qui deviendra fort célèbre lui aussi commence à être publié.
Il s’agit d’Abraham Merritt (1884-1943) qui publie en juin 1918 The Moon Pool
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044 Le gouffre de la Lune
(monde souterrain avec un super-être qui dirige cette civilisation antédiluvienne) ; il sera suivi
par
045 The Metal Monster Argosy 1920
045 Le monstre de métal
(êtres métalliques se nourrissant d’énergie solaire)
et continuera sa carrière avec d’autres romans importants dont nous parlerons plus
loin.
Deux autres auteurs, qui seront très célèbres dans l’entre-deux-guerres aux USA et qui
sombreront dans un oubli un peu injustifié, commenceront aussi leur carrière en 1919-20. Le
premier est Ray Cummings (1887-1957) avec The Girl in the Golden Atom (sur le thème de
l’atome étant un système solaire infiniment petit) qui donnera ensuite, en 1924, un classique
roman d’aventures temporelles avec
047 Le maître du temps
puis, en 1929, un agréable roman
048 La fille fantôme (voyage sur une terre du futur très froide et revenue à la barbarie)
Le second auteur de cette période est Murray Leinster (1896-1975) qui fera ses débuts en
1920 avec The Mad Planet (une nouvelle) à laquelle il donnera deux suites et qu’il
transformera en un roman Forgotten Planet, en 1953 ! qui sera publié en français en 1960
049 La planète oubliée (jolie histoire de crash d’un vaisseau spatial sur une planète et de la
dégénérescence des hommes face à des insectes devenus géants)
Leinster écrira toute sa vie dans tous les magazines de SF et nous aurons l’occasion de le
retrouver lui aussi.
Mais revenons légèrement en arrière pour parler de ce que je considère comme l’évènement
fondateur de la SF moderne, à savoir l’arrivée aux Etats-Unis de Hugo Gernsback.
Je vais m’étendre quelque peu sur lui et sa carrière, vous comprendrez facilement pourquoi.
Curieusement, lui aussi est un Europén, il est né en 1884 au Luxembourg et montrera un
intérêt précoce d’une part pour l’expérimentation scientifique en matière d’électricité et de
radio et d’autre part pour la littérature de proto science fiction et d’aventures. Cela façonnera
de manière indélébile sa personnalité et nous donne la clé de ce qu’il réalisera aux Etats-Unis,
le sujet que je vais maintenant traiter, à savoir comment cet homme, à lui seul, a créé de toute
pièce le milieu de la science fiction américaine, a lancé les premiers magazines et organisé le
fandom américain, et ce en une vingtaine d’années.
Lorsque, en février 1904, il arrive à New York, il monte une entreprise de fabrication de
batteries électriques pour automobiles puis lance en avril 1908 un magazine Modern Electrics
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050 couverture Modern Electrics vol 1 n° 1
qui comprend des articles de fonds et des articles pratiques à destination des expérimentateurs
plus une section courrier. En deux ans les ventes passent de 18 000 exemplaires à 52 000 la
troisième année. En même temps il s’occupe de radio et de télévision, il sera d’ailleurs
considéré à tort comme le père de ce mot (en fait inventé par le grand écrivain et dessinateur
de SF français Albert Robida en 1882) mais il sera incontestablement celui qui fera entrer
l’usage du mot dans le langage de tous les jours !
Il publiera ensuite son premier roman de SF en plusieurs livraisons dans son magazine à partir
d’avril 1911 : Ralph 124C 41 + dont il souligne que les inventions seront celles qui pourront
être développées à partir des connaissances scientifiques actuelles (en 2660 on utilise la
télévision, le téléphone-télévision, les journaux projetés sur un écran, le radar etc…).
051 publicité pour le roman
Au début 1913, il vend Modern Electrics et lance en avril de la même année The Electrical
Experimenter
052 The Electrical Experimenter juin 1913
dans lequel il publiera non seulement des articles de fonds mais aussi les premiers articles de
fiction – ce qu’il appellera la « scientific fiction », souvent inspirés par la guerre en cours,
avec des illustrations qui capturent l’œil et l’imagination
053 The Electrical Experimenter février 1917
054 The Electrical Experimenter juillet 1917
Il y ajoutera en 1919 le sous-titre « Science and Invention » qui est encore plus explicite quant
au double but que poursuit et que poursuivra Gernsback toute sa vie : éduquer le public sur la
science et lui ouvrir l’imagination afin de développer de nouvelles inventions, but bien
démontré sur cette couverture
055 The Electrical Experimenter Science and Invention » janvier 1920
avec une sorte d’hélicoptère, appareil qui n’est pas encore inventé.
En août 1920, le magazine deviendra simplement
056 Science and Invention août 1920
dans lequel il continuera de publier des nouvelles comme celles de la série du Dr. Hackensaw
de Clement Fezandié, développant des idées comme la reproduction artificielle ou le
microscope atomique (l’équivalent aujourd’hui du microscope électronique).
A partir de juillet 1920, il va aussi lancer
057 Radio News ici une couverture d’octobre 1924
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Il poursuit le développement de ses publications avec la création de Practical Electrics
058 couverture de mai 1923
tout en développant la publication de nouvelles à tendance « scientifique d’imagination » dans
Science and Invention où il publie Around the Universe de Ray Cummings, l’un des auteurs
dont nous avons déjà parlé, en 6 livraisons à partir de juillet 1923. Il continuera cette ligne
éditoriale en publiant du même Tarrano the Conqueror en 1925-26
059 Tarrano le conquérant
et en développant des nouvelles sur la métapsychique, domaine de recherche qui le
passionnait
060 Science and Invention avril 1926
On retrouve toujours là l’esprit curieux de tout de Gernsback.
Et nous arrivons ainsi au premier grand tournant de l’histoire de la science fiction aux EtatsUnis avec la création de Amazing Stories. En effet, il n’existe aucun magazine spécialisé, à
l’exception du grand Weird Tales
061 couverture du 1er numéro de Weird Tales en mars 1923
qui, après que Farnsworth Wright l’ait pris en main son contenu, publiera cet immense et
mythique auteur qu’est devenu Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), sa première parution
étant Dagon dans
062 Weird Tales octobre 1923
063 Weird Tales mai 1925
où sera publiée La musique d’Erich Zann puis The Outsider (Je suis d’ailleurs) dans
064 Weird Tales avril 1926
Mais ce magazine, qui publiera aussi Robert Howard, Clark Ashton Smith, Seabury Quinn ou
Edmond Hamilton entre autres auteurs prestigieux, est plutôt orienté vers l’étrange, l’aventure
épique dans le passé ou le futur, le macabre et le bizarre.
A travers ses magazines, à travers les concours qu’il organise et son dialogue par courrier
interposé avec les lecteurs, Hugo Gernsback a pu sonder les goûts et les attentes du public
orienté vers la « fiction scientifique », ce qu’il va définir dans son éditorial du premier numéro
d’Amazing Stories par « scientifiction » : un mélange d’histoire romantique, de faits
scientifiques et de vision prophétique.
065 le 1er no. d’avril 1926
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Avec cette définition, Gernsback privilégie maintenant l’aventure sur les faits scientifiques et
nous verrons que c’est cette politique délibérée, soutenue par les couvertures « tape-à-l’œil »
de ce grand artiste qu’est Frank R. Paul, ainsi qu’une technique marketing efficace – grand
format, papier plus épais qui donne l’impression d’en avoir pour son argent car le magazine se
vend 25 cents au lieu de 10 à 15 cents pour les autres pulps – qui va attirer un nouveau
lectorat, souvent plus jeune et surtout beaucoup plus important en nombre : le tirage des
numéros atteindra 150 000 en octobre 1927 et se maintiendra à ce niveau avec des ventes
moyennes de 125 000.
066 Amazing Stories octobre 1926
067 Amazing Stories février 1927
068 Amazing Stories octobre 1927
Cela lui permettra d’une part de faire connaître des auteurs français et allemands – il traduira
Verne d’attirer de nouveaux auteurs – nouveaux du moins pour les publications Gernsback qui développeront de nouvelles idées et tireront ainsi la science fiction vers des domaines
inexplorés, but que se fixe Gernsback avec ses assistants. Deviendront ainsi des collaborateurs
plus ou moins réguliers des auteurs comme A. Hyatt Verrill, Otis Adelbert Kline, Edward
Elmer « Doc » Smith (1890-1965) avec ses Skylark, Ray Cummings, le Dr. David Keller,
Jack Williamson etc… même le grand Lovecraft publiera dans le numéro de septembre 1927
The Colour Out of Space (La couleur tombée du ciel) !
069 Amazing Stories septembre 1927
où l’on remarque d’ailleurs que son nom ne figure pas en couverture !
Et Gernsback continuera de développer le magazine avec succès, publiant un Annual
070 Amazing Stories Annual n° 1
où il fait très fort en publiant un roman inédit de la série martienne d’Edgar Rice Burrough,
Master Mind of Mars, basé principalement sur des transplantations d’organes, et en particulier
de cerveaux, thème nouveau pour l’époque aux USA (nous l’avons déjà découvert avec Le
docteur Lerne en France).
et un Quarterly
071 Amazing Stories Quarterly automne 1928
Ce seront à travers ces diverses publications que la science fiction se transformera : selon
Mike Ashley, le grand connaisseur anglais de cette époque,c’est le numéro d’août 1928
d’Amazing Stories
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072 Amazing Stories août 1928
qui marquera un tournant définitif, Gernsback abandonnant la « scientific fiction » au profit
de la « super-science la plus débridée » et ce grâce à la publication du roman de Doc Smith
The Skylark of Space qui est un parfait exemple du space opera totalement sans complexe
(Doc Smith en est le grand spécialiste : sa série des Skylark avec bons - Seaton - et méchants Du Quesne -superscientifiques se poursuivant sans cesse à travers la galaxie dans des
astronefs surpuissants puis celle des Lensmen – en français les Fulgurs).
Et ce numéro publie aussi le roman de Philip Francis Nowlan Armageddon – 2419 A.D. où
son héros, Buck Rogers, se réveille au 25ème siècle, où l’Amérique courbe le dos sous la
tyrannie de Mongols à la science hyper-avancée. Cette histoire classique de « péril jaune »
connaîtra un succès immense puisque Buck Rogers deviendra une bande dessinée reproduite
dans nombre de journaux
073 les comics Buck Rogers
sans cesse réédités, y compris de nos jours, et donnera naissance à un serial avec Larry Buster
Crabb, au charme naïf et désuet aujourd’hui mais qui sera un très grand succès à l’époque
074 poster du serial de 1939
L’autre immense contribution de Gernsback au domaine émergeant de la science fiction est
son action décisive pour organiser les lecteurs dans ce qu’on appelle le « fandom »,
particulièrement bien structuré dès ses débuts. Nous avions vu que Gernsback accordait une
grande importance à la liberté d’expression de ses lecteurs à travers un dialogue constant
grâce à la rubrique « courrier » de ses magazines. Dès janvier 1928, il commence à mettre
l’adresse de ses correspondants afin que ceux-ci puissent rompre leur isolation. C’est ainsi
qu’apparaîtront les noms d’une nouvelle génération talentueuse : outre Forrest J. Ackermann
– le plus grand fan au monde –, on y trouve Raymond Palmer, A. Bertram Chandler, Jack
Williamson par exemple. Cela mènera à la création du premier club de l’histoire de la science
fiction, le « Science Correspondance Club », en mars ou avril 1929.
Mais va se produire, au début de 1929, un coup de tonnerre : Hugo Gernsback est poursuivi
en justice par son imprimeur et son fournisseur de papier qui n’ont pas été payés, sa
compagnie « Experimenter Publishing Company » déclarée en faillite par le juge et transférée
à l’Irving Trust. Celui-ci vendra la station de radio-télévision de Gernsback, source de ses
malheurs financiers, et sauvera ainsi les publications dont Amazing Stories.
Le dernier numéro d’Amazing sous la direction de Gernsback sera celui d’avril 1929 :
075 Amazing Stories avril 1929
Mais celui-ci rebondira quasi immédiatement et ce sera la nouvelle impulsion qu’il donnera
ainsi à la science fiction américaine qui lui donnera sa forme finale pour plusieurs années – en
fait jusqu’à la 2ème guerre mondiale – grâce au nouveau magazine que Gernsback sortira en
mai 1929, moins de trois mois après le prononcé de sa faillite : Science Wonder Stories
076 Science Wonder Stories juin 1929 1er numéro
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077 Science Wonder Stories novembre 1929
Impossible de les manquer ! Et le succès sera au rendez-vous ce qui permettra de décliner
aussi le pulp sous forme de Quarterly dès l’automne de 1929
078 ScienceWonder Quarterly premier numéro
Dans la foulée, Gernsback créera dès juillet 1929 un second pulp intitulé Air Wonder Stories
079 Air Wonder Stories septembre 1929
080 Air Wonder Stories novembre 1929
aux couvertures tout aussi attirantes !
Dans les deux magazines, Gernsback donnera une liste impressionnante de conseillers
scientifiques dont, entre autres, le Dr. Keller pour la médecine, le Dr. Lee De Forest,
considéré comme le père de la radio, et Donald Menzel, astronome et fan de science-fiction,
qui deviendra directeur de l’Observatoire de Harvard. Il sera un fidèle ami et collaborateur de
Gernsback jusquà la fin
C’est ainsi que Hugo Gernsback créera et fera entrer dans le langage de tous les jours le terme
de « science-fiction », l’utilisant dès avril 1929 en remplacement de « scientifiction ». La
« science-fiction » en tant que telle est enfin née, résultat d’un processus de maturation initié
et nourri par la réflexion et la volonté d’un seul homme : Hugo Gernsback que nous voyons
ici en plein travail :
080 Hugo Gernsback au bureau
Parallèlement à Air Wonder Stories, Gernsback lancera en décembre 1929 un magazine alliant
histoires de détectives – très en vogue - et promotion de la recherche scientifique : ce sera
Scientific Detective Monthly
082 Scientific Detective Monthly février 1930
083 Scientific Detective Monthly avril 1934
Les couvertures le montrent parfaitement bien : histoires de crimes scientifiques, histoires de
détectives utilisant toutes les ressources de la science, en particulier celles de cette nouvelle
discipline qu’est la médecine légale, le mélange que Gernsback a toujours mis en avant.
Dans les mois qui suivront, Air Wonder Stories s’arrêtera et Gernsback procèdera à une
réorganisation de ses magazines : il sera obligé d’abandonner le mot « science » dans ses
titres pour ne pas effrayer une partie de son lectorat potentiel qui recherche la fiction au
détriment de la science.
Après avoir transformé son magazine policier en Amazing Detective Tales, Gernsback vendra
le titre à la fin de 1930.
Quant à Science Wonder Stories, il deviendra simplement Wonder Stories
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084 Wonder Stories février 1932
085 Wonder Stories juin 1934
Et Science Wonder Stories Quarterly abandonnera lui aussi le mot science
086 Wonder Stories Quarterly été 1930
et, suivant la nouvelle politique éditoriale décidée par Gernsback et mise en œuvre par son
rédacteur David Lasser, Wonder Stories publiera des histoires de science-fiction écrites par
des auteurs développant de nouvelles idées et de nouvelles pistes : en 1932, cette politique a
porté ses fruits et « Wonder » est considéré comme le magazine leader en matière de sciencefiction, abordant des thèmes nouveaux pour le domaine. Citons le sexe et le rôle de la femme,
le socialisme, la religion avec des nouvelles de Clifford D. Simak ou John Beynon Harris (le
futur John Wyndham), l’exploration interplanétaire décrite de manière plus « réaliste » grâce
aux efforts de Edmond Hamilton ou P. Schuyler Miller.
Malgré les effets de la Grande Dépression, « Wonder » continuera de sortir mais sa qualité
commencera malheureusement à baisser face à la concurrence très rude d’Astounding Stories
of Super-Science
087 Astounding Stories vol. 1 n° 1 janvier 1930
le magazine qui dominera la science-fiction pendant des dizaines d’années, sous la houlette de
John W. Campbell qui prendra la rédaction-en-chef en 1938. Mais ceci est une autre histoire
sur laquelle nous reviendrons plus tard.
C’est d’ailleurs dans ce même Astounding que sera publié en avril 1934 le premier roman
d’une trilogie de Jack Williamson (1908-2006) qui deviendra mythique, celle de la Légion de
l’espace
087bis La légion de l’espace
(mentionner John Star et Aladoree Anthar, l’arme suprême, John Habibula et le modèle des 3
mousquetaires) . Nous aurons l’occasion de retrouver Williamson à de nombreuses reprises.
Wonder Stories souffre aussi d’une gestion quelque peu chaotique des auteurs par le jeune
rédacteur choisi par Gernsback courant 1933 : Charles D. Hornig n’a que 17 ans et vient du
fandom ! Son coup d’éclat consistera quand même à avoir accepté et publié ce grand classique
qu’est A Martian Odyssey de Stanley G. Weinbaum (1900-1935) dans ce numéro
088 Wonder Stories juillet 1934
(mentionner brièvement l’histoire de Tweel)
C’est cette même année que Gernsback, reprenant une autre de ses idées habituelles, lancera
la « Science Fiction League » qui sera un immense succès puisque, organisée en chapitres,
elle comptera jusqu’à 36 chapitres officiels à travers les USA. Elle marquera de manière
indélébile ses membres qui deviendront pour certains des auteurs et des éditeurs de science
fiction : trop nombreux à citer, mentionnons quand même Frederic Pohl ou Donald Wollheim,
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Forrest J. Ackermann, Raymond Palmer, ou Otto Binder ! C’est grâce à cette initiative de
Gernsback, gérée par Hornig, que le fandom américain prendra conscience de sa force et de
son nombre, publiera nombre de fanzines, s’organisera avec les 1ères conventions mondiales
de SF et de petites maisons d’éditions faniques.
Mais les ventes déclineront, le contenu et la qualité n’étant plus ce qu’ils étaient 4 ou 5 ans
auparavant et la concurrence étant féroce, grâce et à cause de lui qui avait su identifier ce
marché et ses besoins avant tous les autres éditeurs. Le 21 février 1936, Hugo Gernsback clôt
sa grande période dans la SF en vendant Wonder Stories.
Outre ses compagnies d’import-export de matériels électriques et de pièces pour radios, il
restera dans le domaine de l’édition grâce à deux magazines qui le feront bien vivre :
089 Sexology août 1937
et
090 Radio-Craft décembre 1942
Hugo Gernsback ne reviendra plus jamais professionnellement à la science -iction – à
l’exception d’une tentative en 1953 avec
091 Science Fiction Plus mai 1953
qui ne durera guère.
Cependant, il ne tombera pas dans l’oubli et la reconnaissance des auteurs, lecteurs et fans de
science fiction se traduira par le Prix le plus prestigieux remis par ces fans qu’il avait
contribué à organiser : je veux parler, bien entendu, du Prix Hugo, nommé ainsi en son
honneur, remis pour la première fois en 1953. Il recevra le Prix lui-même pour l’ensemble de
son œuvre en 1960 :
092 Prix Hugo 1960
En 1970, 3 ans après le décès d’Hugo Gernsback, son vieil ami et collaborateur Donald
Menzel, devenu le directeur du prestigieux observatoire d’Harvard, obtiendra qu’un cratère de
la face cachée de la Lune soit nommé après lui : le cratère Hugo Gernsback, qui fait 48 miles
de diamètre. Cela aurait certainement fait un grand plaisir à ce visionnaire qui passa sa vie à
promouvoir la science par les faits et par la fiction et qui, fidèle à ses idéaux jusqu’au bout, fit
don de son corps à la science à sa mort.
Mais que se passe-t-il en France depuis la fin de la guerre, alors que, comme nous l’avons vu,
les Etats-Unis ont vu une croissance colossale de la SF ?
En fait, malheureusement, très peu de choses : quelques nouvelles et romans sont publiées en
ordre dispersé dans des collections d’aventures populaires comme chez Ferenczi ou Tallandier
Je n’en possède malheureusement pas de cette époque et n’ai que des rééditions d’aprèsguerre. Nous y trouvons des auteurs comme Maurice Limat (1914-2001) soit sous son pseudo
de Maurice Lionel
093 Drame au fonds de la mer (1936)
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soit sous son vrai nom
094 L’araignée d’argent
095 Le fantôme volant (1936)
Nous retrouverons Limat après la guerre où il deviendra l’un des grands auteurs de la
littérature de SF populaire française.
D’autres romans seront publiés un peu n’importe comment : citons par exemple Charles
Derennes en 1919 dans une aventure de civilisation oubliée
096 Les Conquérants d’idoles
ou Pierre Vernou avec
097 Les pirates de l’air (1921)
Outre les traductions de Wells, on en trouve quelques autres - rares - comme par exemple en
1928 ce roman de T.C. Bridges
098 Le voyage dans l’inconnu
098bis La cité mystérieuse (1940)
ou cette traduction de l’allemand
099 Comment Paris sera détruit en 1936
par un bon militaire allemand, le major von Helders !
N’oublions pas non plus ce roman magnifique de Jacques Spitz
099bis La guerre des mouches (1938)
parmi d’autres bons romans de SF de lui.
Il n’existe pas en France d’équivalent des pulps américains : un concept légèrement similaire
est celui des fascicules hebdomadaires, concept allemand qui sera importé en France dès
1907. Le plus célèbre de tous ces héros sera Harry Dickson, le Sherlock Holmes américain, à
partir du moment où les récits originaux étant absolument, Jean Ray demandera à les écrire au
lieu de les traduire (rappeler couverture). Et cela donnera, vu la personnalité et le talent de ce
grand écrivain gantois (de son vrai nom Jean Raymond de Kremer, 1887-1964), des récits
souvent magnifiques, souvent fantastiques et parfois à la limite de la SF. Il en écrira ainsi 105
sur 178, commençant à partir du n° 64
100 fac similé fascicule
101 vol. 4 de Marabout qui contient la réédition du Lit du Diable
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une histoire de cité babylonienne souterraine colossale, sous un lac des Grampians en Ecosse !
Et toutes les enquêtes de Harry Dickson et de son fidèle élève Tom Wills sont souvent
fantastiques. Un plaisir à ne pas se refuser !
Nous reparlerons de Jean Ray à nouveau.
Comme vous le voyez c’est maigre… Les amateurs, peu nombreux - citons George H. Gallet,
Jacques Bergier et Régis Messac qui lisent les pulps américains – ne sont pas organisés. Régis
Messac (1893-1943) publiera la 1ère collection spécialisée de SF en 1935 (Les hypermondes,
qui ne connut que 3 volumes : Quinzinzinzilli et La cité des asphyxiés, de lui, et la traduction
française de La guerre du lierre du Dr. Keller). Et les projets de Gallet pour sortir ce qui
aurait été la première revue française de SF, Conquêtes, resteront lettre morte : le n° 00
sortira le 3 septembre 1939 ! Inutile de dire que Gallet aura d’autres occupations à ce
moment-là. Quant à Messac, il mourra hélas en déportation, Bergier y survivra. Nous le
retrouverons avec Gallet après la guerre.
J’en terminerai en vous présentant, face à cette situation française au moment de la guerre, ce
qu’est l’héritage de Gernsback aux USA : là où rien n’existait rien en SF 15 ans auparavant, il
y a maintenant, dans le désordre, d’une part les pulps spécialisés dans les aventures d’un seul
héros, comme par exemple Doc Savage l’homme de bronze, publié sous le nom maison de
Kenneth Robeson mais en fait écrit principalement par Lester Dent (1904-1959) :
101bis n° 1 mars 1933
101ter n° octobre 1934
qui est un supersavant et un superman vivant des aventures délirantes avec son équipe
(mentionner quelques thèmes)
et d’autre part, les pulps classiques comme
102 Thrilling Wonder Stories octobre 1936
103 Dynamic Science Stories février 1939
104 Tales of Wonder 1937
105 Planet Stories hiver 1939
106 Fantastic Novels janvier 1940
107 Super Science juillet 1940
108 Astounding Stories mai 1935
109 Startling Stories mars 1939
110 Future Fiction novembre 1939
111 Fantastic Adventures mai 1939
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112 Famous Fantastic Mysteries avril 1940
113 Amazing Stories décembre 1938
qui ouvriront les portes de l’Age d’Or de la science fiction américaine (1940-1950) !
(mentionner aussi les différences thématiques entre USA et France & état vis-à-vis de la
science si il reste du temps)
C’est ce que nous verrons la semaine prochaine avec La science-fiction américaine de l’Age
d’Or et son influence sur la science-fiction française (1940-1970).
Je vous remercie de votre attention.
Bibliographie :
Pierre Versins
114 (1972)
Brian Aldiss
115 (1986)
116 (1976)
Jacques Sadoul
117 (1973)
Guy Costes et Joseph Altairac pour le thème de la Terre creuse et des mondes souterrains aux
civilisations perdues
118 l’étude définitive
Francis Saint-Martin pour les pulps
119 (2000)
Serge Lehman pour nouvelles françaises de vieille SF
120 (2006)
Jacques Goimard pour panorama général de la SF
121 (2004)
19
Jacques Sadoul pour sélection nouvelles pulps
122 en 13 vol.
Jules Verne beaucoup de choix
H.G. Wells
123 (2007)
ou plus simple
124 (1998)
Robida
125 (2006)
Doc Savage
125bis (une quarantaine d’aventures publiées)
Edgar Rice Burroughs :
Cycle de Mars
126 (très laid mais complet, en 2 vol. 1994-95)
Cycle de Pellucidar
127 (même remarque, en 3 vol. 1996)
Tarzan
128 (Edition Publications Premières, en 12 vol. 1970-71) ou Editions Neo
Abraham Merritt
129 (en 2 vol. 1997-98)
H.P. Lovecraft
130 (en 3 vol. 1991-92)
131 autobiographie (2005)
132 analyse de l’univers (1999)
Jean Ray
133 la plus complète (en 21 vol. 1984-86)
20
134 une comparaison de Lovecraft et Ray (2003)