Les Araignées de nos Régions

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Les Araignées de nos Régions
LES DIFFERENTES ESPECES D’ARAIGNEES
Raymond LEBORGNE et Alain PASQUET
Les Araignées de nos Régions
Le groupe des araignées fait l’objet de nombreuses idées préconçues. Il a mauvais
renom et on l’ignore souvent dans les présentations du monde vivant. Il est vrai que ces
animaux discrets se manifestent en général de façon désagréable : bête sombre, velue, à
longues pattes, qui traverse une pièce, toiles disgracieuses dans les maisons, fils de soie qui
collent au visage des promeneurs… Pourtant, le monde des araignées est riche en formes,
couleurs et modes de vie. Il réserve de nombreuses satisfactions et des spectacles
étonnants à qui sait s’y intéresser.
Les arachnides (scorpions, faucheurs, tiques, araignées) sont des chélicérates,
animaux caractérisés par la présence de chélicères (appendices pourvus de crochets en
avant de la bouche). Les arachnides appartiennent, comme les crustacés et les insectes à
l’embranchement des arthropodes. Les araignées (aranéides) ne possèdent ni aile, ni
antenne, mais présentent quatre paires de pattes et un corps non segmenté composé de
deux parties (céphalothorax et abdomen) reliées par un étroit pédoncule. Suivant la position
des chélicères, les araignées sont divisées en deux groupes : les orthognathes (mygales) à
chélicères horizontaux avec crochets parallèles, et les labidognathes à chélicères verticaux
avec crochets croisés.
Les araignées se caractérisent par une production particulière : la soie, qu’elles utilisent
à des fins multiples tout au long de leur vie. La soie est excrétée au niveau des filières
généralement au nombre de six à l’extrémité postérieure de l’abdomen. Ce type d’appareil
séricigène est caractéristique des araignées écribellates, qui s’opposent aux araignées
cribellates. Celles-ci présentent, à la place de deux filières antérieures, une ou deux plaques
percées de nombreux pores (cribellum). La soie qui sort par ces orifices est peignée, étirée,
cardée par une rangée de poils en peigne (calimistrum) située sur la dernière paire de
pattes. Ce travail donne à la soie un aspect duveteux particulier. Cribellum et calamistrum
sont caractéristiques des araignées cribellates. L’homme s’est intéressé à la soie en tant
que matière première. Elle a servi, pour sa finesse, à la confection de réticules d’instruments
optiques, et elle a été testée comme textile. Mais elle n’a jamais réellement été
concurrentielle des matériaux analogues, des difficultés de production n’ont pas permis de la
rendre rentable.
Les araignées, par leur répartition, leur nombre, leur caractère prédateur, ont un rôle
écologique important dans la régulation des écosystèmes. Elles sont présentes partout sur
le globe : de l’Arctique aux déserts les plus chauds et arides, des profondeurs des grottes
aux plus hautes altitudes (7000 m sur l’Everest). Elles occupent tous les types de sol et de
végétation. Tous les aspects du milieu terrestre ont été conquis par ces animaux. Certaines
espèces habitent les anfractuosités naturelles du sol, d’autres creusent des terriers ouverts
ou fermés, et les pierres posées sur le sol sont des retraites rarement inoccupées.
Nombreuses sont les espèces qui vivent à même le sol, dans les feuilles mortes ou la
végétation rase. Les végétaux de toute taille, herbes, buissons, arbustes, arbres (sous
l’écorce ou dans le feuillage) sont des sites colonisés. Bien que moins pourvu en espèces, le
milieu aquatique n’a pas échappé à cette colonisation (argyronète). Certaines espèces que
l’on peut qualifier de domestiques tirent parti des nouveaux milieux créés par l’homme, elles
se sont bien adaptées aux habitations.
Malgré une apparence sédentaire, la plupart des araignées, surtout aux stades jeunes,
peuvent parcourir des distances considérables. En lâchant un fil de soie, elles se laissent
emporter au gré des vents. Ce comportement particulier, appelé « ballooning », peut les
emmener à de hautes altitudes. On en a signalé au niveau d’avions volant à 1500 m. Ce
phénomène de « vol » permet le parcours de grandes distances, et le franchissement
d’obstacles naturels. Il favorise la dispersion des espèces et la colonisation d’espaces
nouveaux.
Cette vaste répartition dans tous les milieux nécessite de nombreux modes de vie
particuliers. Ceci se reflète au niveau du nombre important d’espèces (on peut avancer le
chiffre de 40 000). En plus de cette variété de forme, les araignées peuvent être très
nombreuses en un lieu donné, par exemple de 100 à 800 individus au mètre carré en prairie.
De telles densités de prédateurs ne peuvent être sans influence sur les populations
d’insectes proies. Les araignées sont des prédateurs exclusifs, mais elles ne sont pas
hautement spécialisées vis-à-vis d’un type donné de proie. Par leur répartition spatiale et
temporelle dans le milieu, et par l’utilisation de stratégies de capture variées, elles ont
néanmoins un impact différentiel sur les populations d’insectes.
Les chélicères, véritables crocs, permettent la mise à mort de la proie, par morsure
avec inoculation de venin. Il convient à ce sujet de signaler que, dans nos régions, ce venin
n’est pas dangereux pour l’homme, et les morsures vraies ont souvent des conséquences
bénignes. On peut diviser les différentes stratégies de chasse en deux grands groupes,
suivant l’utilisation ou non d’un piège. Les araignées n’utilisant pas de piège sont
représentées par les araignées dites errantes ou vagabondes. Elles chassent à courre lors
de leur déplacement, ou en prenant une position d’affût. Ce sont essentiellement les
pisaurides, lycosides, et clubionides au sol ou dans les herbes, et les salticides et thomises
au niveau des plantes, sur les feuilles ou sur les fleurs. Les proies sont détectées par la
vision ou par les vibrations qu’elles engendrent sur le substrat. La capture se réalise par
bond de l’araignée sur la proie.
La scytode a un mode de capture qui permet de faire la transition avec les espèces
utilisant un piège. Les glandes à venin de cette araignée sont susceptibles de secréter de la
soie. Lorsqu’une proie est détectée, la scytode projette cette substance sur la victime, la
fixant ainsi au sol. Il y a ici en quelque sorte projection d’un piège alors que pour les autres
espèces, les pièges sont statiques : ce sont des toiles. Les araignées à toile sont
généralement appelées « sédentaires ». Ce terme est erroné, il tend à fixer l’animal en un
endroit donné, alors qu’en réalité ces araignées à toile peuvent détruire et abandonner leur
piège pour aller en construire un autre dans un nouveau site. Pour ces espèces, la toile joue
un rôle majeur dans l’ensemble des comportements vitaux. L’animal et sa construction
soyeuse sont indissociables.
Les toiles sont de structure variée. Prises en tant que piège, on peut distinguer les
toiles non collantes sans glue et les toiles collantes engluées. Les toiles sans glue sont
constituées de fils de soie « secs » qui entravent les mouvements des proies. Ces fils
servent d’avertisseur de présence d’une proie pour l’araignée qui se tient en général à l’abri
dans une retraite. Ces toiles n’ont pour la plupart pas de forme caractéristique,
spectaculaire : ce sont des lacis de fils appendus à un support ou tapissant des
anfractuosités, des rayons ou collerettes à la sortie d’une retraite, ou des nappes
horizontales (pholcides agélénides, dyctinides).
Les toiles gluantes possèdent cette propriété grâce au dépôt par l’araignée après
tissage, d’une substance visqueuse en certains endroits de la toile. Cette substance qui
s’observe sous forme de gouttelettes ponctuant les fils des toiles nouvellement construites
retiendra les insectes. Les toiles collantes qui peuvent être en réseaux irréguliers
(théridiides) sont surtout caractérisées par les toiles régulières ou géométriques (argiopides).
Ce rapide survol des différentes techniques de chasse montre combien l’action des
araignées est diversifiée vis-à-vis des populations de proies. La mise à mort des proies
détectées, peut se faire par morsure immédiate, ou après « emmaillotage ». Dans ce cas,
l’araignée par ses filières, projette de la soie qu’elle peut guider avec sa dernière paire de
pattes, puis mord la proie ainsi enrobée. Cet emmaillotage peut servir à immobiliser une
proie avant morsure, mais peut aussi servir au transport après morsure. En effet, la
consommation peut se faire sur place, au lieu de capture ou dans la retraite. Dans ce cas,
l’araignée transporte sa proie, soit en la tenant dans les chélicères, soit en la fixant à ses
filières. Les araignées ne peuvent absorber que des substances liquides, c’est pourquoi
elles malaxent longuement leur victime avec les pièces buccales, tout en les imprégnant
d’une abondante salive. Elles absorbent ensuite le liquide résultant de cette digestion
externe.
La reproduction chez les araignées, fait appel à des organes particuliers. Les
pédipalpes permettent de distinguer les sexes qui, jusqu’à l’avant-dernière mue, ne sont pas
discernables. Ensuite les pédipalpes des mâles se transforment en véritables organes
sexuels qui serviront à la copulation. A l’avant-dernière mue, ces pédipalpes mâles ne
présentent qu’un renflement, à la dernière mue y apparaît le bulbe dans toute sa complexité.
Celui-ci a une organisation spécifique. Le mâle remplit de sperme ses bulbes qui serviront,
comme des « pénis », au dépôt dans les voies génitales femelles. Celles-ci débouchent
ventralement en avant de l’abdomen, souvent au niveau d’une plaque chitinisée (épygine)
dont la forme et les ornementations sont aussi spécifiques. Les organes mâle et femelle sont
l’une des clefs de la détermination des espèces.
Les préludes à l’accouplement sont souvent élaborés et spectaculaires. Quelque temps
après la fécondation, la femelle dépose ses œufs dans des cocons, qu’elle confectionne
grâce à la soie. Les cocons possèdent parfois une architecture complexe, composée de
plusieurs couches de soie, destinées à protéger les œufs puis les embryons des variations
des conditions climatiques du milieu. C’est en général sous cette forme que les araignées
passent l’hiver dans nos régions.
Chez certaines espèces, le rôle de la mère se limite à la confection du cocon qu’elle
abandonne. Pour d’autres, la mère continue à vivre à proximité du cocon (clubionides) ou le
transporte suspendu à ses filières (lycosides), ou bien encore le tient dans ses chélicères
(pisaurides). La mère fait preuve alors d’un comportement maternel, elle entretient son
cocon, par la suite certaines s’occupent encore des jeunes. Le comportement maternel se
manifeste alors essentiellement par un nourrissage, parfois un transport des jeunes.
Dans tous les cas, les jeunes vivent ensemble pendant quelque temps, effectuant leur
première mue en groupe, avant de se disperser. Cette phase grégaire, qui dure plus
longtemps quand existe un comportement maternel, fait intervenir des mécanismes de
tolérance, d’interattraction et de reconnaissance que l’on retrouve au niveau des populations
d’adultes chez les araignées sociales. Ce mode de vie en colonie sociale n’existe que chez
peu d’espèces d’araignées, et il est limité géographiquement aux régions tropicales.
Les Araignées Errantes
Ne tissant pas de piège soyeux, les araignées errantes présentent une grande liberté
de déplacement. Elles sont encore appelées araignées vagabondes. Marcheuses,
sauteuses, les araignées errantes chassent sans construction particulière, en bondissant
directement sur leurs proies. Ceci ne signifie pas que la soie n’a aucune fonction pour elles.
Elle reste toujours un élément caractéristique et fondamental de leur vie : comme fil de
sécurité lors des déplacements, comme piste permettant aux mâles de trouver les femelles,
pour l’élaboration des cocons et des structures qui les protègent et pour la construction de
logettes d’hivernage. Sous la dénomination générale d’araignées errantes se trouvent
regroupées de nombreuses familles, une grande variété de forme et de mode de vie dont
nous décrirons succinctement quelques aspects.
Courant sur le sol ou dans la litière forestière, nous trouvons des lycosides. Dans nos
régions, les Trochosa sont parmi les plus grosses. Plus petites et très vives, les Pardosa,
sont certainement celles que l’on rencontre le plus couramment, souvent en troupe de
nombreux individus. Dans les zones humides, Pirata piraticus, à l’abdomen bordé de petites
taches blanches, n’hésite pas à se déplacer sur l’eau. Toujours au niveau du sol mais
généralement retranchées sous les pierres, vivent aussi des drassides, dysdérides et
certaines gnaphosides (zelotes).
Parmi les nombreuses araignées errantes (clubionides qui morphologiquement
rappellent les drassides, oxyopides et zodarides) présentes dans la végétation, quatre
familles (pisaurides, sparassides, salticides, thomises) sont aisément identifiables.
Pisaurides et sparassides sont des araignées de belle taille de la strate herbacée, dont notre
faune ne possède que peu de représentants. Notre seule Pisaura (P. mirabilis) se rencontre
dans toutes les prairies. En bordure des mares, étangs, ruisseaux, se tient à la base des
plantes une autre pisauride : Dolomedes fimbriatus. De couleur brun-chocolat, bordée autour
de l’abdomen et du céphalothorax d’un liseré blanc-jaune, cette magnifique araignée (15
mm) peut chasser en courant sur l’eau. Parmi les sparassides, Micrommata virescens est la
plus commune dans toute la France. Les femelles sont d’un vert tendre uniforme alors que
les mâles sont ornés sur l’abdomen de bandes longitudinales rouges. Plus trapue avec
de longues pattes fortes, Olios spongitarsis ne se rencontre que dans le sud.
Capable de réaliser des bonds spectaculaires de brin d’herbe en brin d’herbe, les
salticides ou araignées sauteuses, se caractérisent par des yeux bien développés (surtout
les antérieurs médians), des pattes relativement courtes mais trapues, et une grande agilité.
Déterminer qu’une araignée appartient à cette famille est assez facile mais encore faut-il
savoir reconnaître que l’on est en présence d’une araignée. En effet, certaines salticides
peuvent être confondues avec des fourmis. C’est le cas pour Myrmarachne formicatia dont
le corps allongé (5-6 mm) est séparé nettement en deux parties par le pédicule, bien
apparent du dessus. A ce mimétisme de forme, s’ajoute celui du comportement. D’allure
saccadée comme les fourmis, ces araignées se déplacent en n’utilisant que les trois paires
de pattes postérieures, la première paire tendue en avant est en mouvement permanent,
rappelant les antennes des fourmis. Les fins pédipalpes sont quasiment invisibles, tenus
serrés contre le céphalothorax et les chélicères. Seule une observation attentive permet de
reconnaître en elle une araignée. Les araignées myrmécomorphes vivent souvent avec ou
au voisinage des fourmis, mais on connaît peu de choses sur les relations qu’elles
entretiennent entre elles, et sur les avantages que peut conférer un tel mimétisme.
Enfin, la dernière famille importante d’araignées errantes, se rencontre sur les fleurs,
les buissons et les arbustes. Ce sont les thomises, dont les pattes des deux premières
paires sont beaucoup plus longues que les autres. De plus, les pattes sont dirigées
latéralement, ce qui donne à ces araignées un aspect et une démarche qui rappellent ceux
du crabe d’où leur nom commun d’araignées crabes. A partir de la forme de l’abdomen, on
peut reconnaître quelques genres : les Xysticus et les Oxiptila où il est arrondi est globuleux,
les Philodromus où il est anguleux à l’arrière (les pattes sont aussi presque toutes de
longueur égale), et les Thanatus et Tibellus où l’abdomen est beaucoup plus long que large.
Pour toutes ces araignées qui n’utilisent pas de piège pour la capture des proies, on
distingue classiquement deux types de chasse : la chasse à l’affût et la chasse à courre.
Pour la première, l’araignée postée en un endroit attend le passage de la proie à proximité.
Pour la seconde, l’araignée capture les proies au cours de ses déplacements, au hasard des
rencontres. Cette division est sans doute artificielle et révèle notre manque de connaissance
quant aux stratégies prédatrices des araignées. Il serait intéressant de savoir si les
déplacements ey les prises d’affût se font réellement au hasard, s’il n’y a pas alternance ou
succession de prise d’affût et de déplacement en fonction des captures déjà réalisées, des
proies disponibles dans l’environnement, etc. Des études dans ce domaine permettraient de
préciser le rôle des araignées dans les biotopes.
Nous manquons également de données sur les mécanismes de détection des proies.
Mis à part quelques familles comme les salticides et les lycosides, on considère de manière
générale que la vision ne joue aucun rôle chez les araignées. Les salticides sont sans doute
les araignées qui possèdent la meilleure vision. Elles sont capables d’une bonne
appréciation des distances, elles peuvent détecter des proies distantes d’une quinzaine de
centimètres. De plus, elles peuvent s’en approcher en réalisant des détours pour se
déplacer en bonne position de capture. La vue intervient aussi chez les lycosides, mais ce
canal de perception est certainement complété par une sensibilité aux vibrations transmises
par les substrats.
La plupart des thomises chassent à l’affût, parfois en des endroits bien particuliers. Par
exemple, Misumena vatia se rencontre le plus souvent sur les fleurs, où elle attend que ses
victimes se posent pour les saisir. On constate que cette araignée possède souvent une
coloration (jeune, blanc-vert) très proche de celle de la fleur sur laquelle elle se tient.
Certains auteurs considèrent que cette thomise est capable de changer de couleur,
l’homochromie se réaliserait en quelques jours (ce qui suppose une certaine sédentarité des
individus). Mais d’autres mécanismes comme la sélection du site et la sélection des proies
peuvent aussi intervenir pour expliquer cette concordance des colorations.
Il peut arriver de rencontrer des Misumena portant sur leur dos une thomise plus petite
et sombre avec de longues pattes. Il s’agit du mâle. En effet, dans cette espèce existe un
fort dimorphisme sexuel qui peut faire penser que les deux araignées appartiennent à des
espèces différentes.
Lors de la période de reproduction, le rapprochement des sexes donne lieu à des
parades, « danses nuptiales », de la part des mâles. Ces comportements de cour,
spectaculaires surtout chez les salticides et les lycosides, correspondent à un échange de
signaux visuels et de signaux vibratoires transmis par le substrat. Les informations visuelles
résultent de mouvements de pattes et des pédipalpes qui font penser à une signalisation de
type sémaphore. Ces mouvements qui constituent des parades spécifiques sont parfois
renforcés par des couleurs particulières sur les appendices mis en jeu. Ces danses
permettent généralement de déterminer les espèces aussi bien que les critères
morphologiques. Les signaux vibratoires sont dus essentiellement à des coups de pattes,
pédipalpes ou abdomen sur le substrat. Chez certaines lycosides, ces éléments des
parades, lorsqu’ils sont émis sur des substrats favorables (feuilles mortes par exemple), sont
à l’origine d’émissions sonores audibles à quelques mètres.
Comme chez les araignées à toile, les cocons peuvent être simplement fixés à la
végétation, les femelles restant parfois à proximité jusqu’à leur mort. Chez la plupart des
salticides et certaines clubionides (Chiracanthium), le cocon est enfermé dans une logette
soyeuse un peu plus vaste qui peut aussi contenir la mère. Les logettes de Chiracanthium
punctorium se trouvent principalement au sommet de la strate herbacée. Blanches, grandes
de quelques centimètres, elles sont soutenues par la réunion de quelques brins d’herbe ou
tiges de graminée. Au printemps, on peut trouver mâle et femelle ensemble dans une même
logette. L’ouverture d’une de ces coques permet de constater l’agressivité des mères qui,
dérangées, apparaissent les chélicères grandes ouvertes.
Les logettes des salticides sont situées sous les écorces, dans les fentes de piquets ou
les brins d’herbe, comme celles qui servent à l’hivernage. On ne connaît rien du
comportement maternel de ces espèces qui s’enferment ainsi avec leur cocon. Ce
comportement est mieux connu chez les pisaurides et lycosides chez qui il est bien
développé. Dans ces familles, les femelles transportent leur cocon, soit dans les chélicères
(pisaurides), soit accroché aux filières (lycosides). Chez Pisaura mirabilis, le transport d’une
« boulette » blanche n’est pas propre aux femelles. En effet, les mâles de cette espèce qui
partent à la recherche d’une femelle emportent, tenue dans leurs chélicères, une proie
enrobée de soie. Celle-ci sera offerte à la femelle juste avant la copulation. Lorsque le cocon
est prêt à éclore, les femelles de Pisaura et de Dolomèdes cessent son transport, elles le
fixent dans les herbes et l’entourent d’un réseau de fil en forme de tente. La mère reste sur
cet édifice jusqu’à sa mort qui survient après que les jeunes sont nés. Ceux-ci restent dans
cette toile « pouponnière » jusqu’à la dispersion.
Les lycosides prennent aussi grand soin de leur progéniture. Certaines grosses lycoses
s’enferment dans un terrier avec leur cocon, mais celles que l’on rencontre le plus sont les
petites pardoses qui semblent avoir doublé de volume soit à cause du cocon pendu aux
filières, soit à cause des jeunes qui à la naissance se regroupent sur l’abdomen de la mère.
La mère s’occupe de son cocon en l’exposant au soleil et en distendant les enveloppes à
l’approche de l’éclosion. Ensuite, elle transporte les jeunes agrippés aux poils de son
abdomen, les expose à bonne température, les emmène en des lieux humides où ils
peuvent boire. Souvent, les jeunes qui descendent de la mère sont capables d’y remonter (fil
de sécurité) si celle-ci leur en laisse le temps. Nous ne savons pas comment se fait
exactement la dispersion, ni pourquoi elle se fait pour toutes ces espèces qui ont une vie
familiale relativement importante.
Les Araignées à Toile Irrégulière
Les araignées à toile régulière (géométrique) s’opposent à toutes les autres araignées
fileuses. En effet, pour les araignées à toile irrégulière (non géométrique), qui sont les plus
nombreuses, il est difficile d’effectuer des regroupements à partir de la forme des pièges.
Par leur architecture particulière, les toiles régulières sont facilement reconnaissables, il est
possible de les définir à partir d’éléments de géométrie : spirales, rayons, cadres… En
revanche, pour les autres toiles, les descriptions, les définitions, les classifications sont
rendues malaisées par le manque d’éléments remarquables. Bien que l’on puisse parfois
reconnaître un aspect global particulier (tube, collerette, nappe), l’organisation de ces toiles
est rarement évidente. Les frontières entre les différents types de construction ne sont pas
tranchées et, de plus, de nombreuses toiles irrégulières se présentent simplement comme
un réseau diffus et confus de fils de soie. Enfin, les différentes formes de toile ne sont pas
des critères systématiques absolus dans la mesure où un même aspect de structure peut se
rencontrer dans plusieurs familles et au sein d’une même famille, peuvent exister diverses
formes de toile.
Nous distinguerons cependant, par l’organisation générale des structures soyeuses,
plusieurs types de toiles : tube, collerette, nappe et réseau diffus – ce dernier terme
s’appliquant aux toiles qui ne sont qu’un enchevêtrement confus de fils. Cette présentation
permet de mettre en évidence la variété des pièges mis au point par les araignées et peut
fournir quelques indications facilitant la reconnaissance de certaines espèces.
Concernant l’opposition toile géométrique – toile irrégulière, nous pouvons faire deux
remarques générales. La première a trait à la « longévité » des toiles. Les araignées
orbitèles détruisent régulièrement leur toile (parfois tous les jours), la consommant avant
d’en construire une nouvelle, alors que les araignées à toile irrégulière conservent la même
construction, la renforçant, la réparant par des dépôts répétés de soie, ce qui favorise
l’extension du piège. Les tégénaires (agélénides) de nos caves, greniers, garages, nous en
donnent un exemple remarquable avec leurs grandes nappes très solides et plus ou moins
poussiéreuses qui ornent les encoignures. La seconde remarque concerne le
fonctionnement du piège. Si les toiles géométriques sont en majorité gluantes, l’inverse est
de règle pour les toiles irrégulières. En effet, ces dernières sont pour la plupart constituées
par un lacis plus ou moins dense de fils secs dans lequel s’empêtrent les proies. Celles-ci
pourraient s’échapper si les ébranlements imprimés à la toile n’avaient alerté l’araignée. Les
proies ne sont retenues que temporairement par ces pièges, mais cela suffit pour que le
prédateur ait le temps de les capturer.
Les différentes formes de toiles sont celles qui interviennent dans la capture des proies.
En effet, certaines constructions soyeuses, même en leur ressemblant, ne sont pas des
pièges. C’est le cas par exemple des toiles pouponnières des pisaurides (araignées
errantes) qui protègent le cocon puis les jeunes. De même, de nombreuses formations ne
servent que de retraite. Chez les avicularides (araignées orthognathes de type mygale) dont
certaines se rencontrent dans le midi de la France, ces retraites sont des tubes endogés
dont l’extrémité aérienne possède un opercule que l’araignée entrebâille lorsqu’elle est à
l’affût des proies qui passent à proximité.
Les tubes
Les formations tubulaires ne sont pas rares, mais elles n’ont souvent qu’un rôle de
retraite et peuvent être prolongées par une structure piège : collerette ou nappe. Les
araignées utilisant leur tube pour la capture des proies sont peu nombreuses ; ce sont
surtout les Atypus, petites mygales (1 à 2 cm) que l’on peut rencontrer dans nos régions.
Elles vivent dans des terriers qu’elles tapissent d’une gaine de soie qui se prolonge à
l’extérieur en un manchon fermé à son extrémité. Ce tube aérien, accroché à la végétation
ou s’appuyant sur un tronc ou un mur, passe généralement inaperçu car il est fréquemment
recouvert de débris divers qui s’y accrochent. Les proies, en se posant ou en se déplaçant
sur ce manchon, alertent l’araignée qui vient les capturer à travers la toile par morsure. La
mygale entraîne ensuite la proie dans sa retraite en déchirant la soie ; puis vient refermer
l’orifice.
Les collerettes
Ce sont des structures soyeuses appliquées au substrat, entourant l’entrée d’une
retraite généralement tubulaire et établie dans une anfractuosité d’un talus, d’un mur, sous
les pierres ou les écorces. Ce type de toile est répandu aussi bien chez les araignées
cribellates (dyctinides, filistatides) qu’écribellates (dysdérides, agélénides).
Chez les Amaurobius (dyctinides), dont trois espèces (A. ferox, A. similis, A .
fenestralis) peuvent être présentes au niveau des habitations, et chez Filistata (filistatides),
la collerette se présente comme un tissu floconneux de fils lâchement enchevêtrés. La soie
des Filistata, très adhésive, retient bien les proies alors que celles-ci ne font que s’empêtrer
dans les toiles d’Amaurobius.
La collerette de Segestria (dysdérides) se prolonge par des fils rayonnants légèrement
surélevés par rapport au substrat grâce à de petits ponts de soie. Ces rayons avertisseurs
détectent le passage des proies.
Chez Coelotes terrestris, la collerette peut être réduite, analogue aux nappes des
autres agélénides, elle est constituée de fils entrecroisés de manière dense.
Dans l’ensemble, ces araignées sont nocturnes. Le jour elles se tiennent dans leur
retraite, parfois nous les observons le soir, se tenant à l’entrée de leur tube, les pattes
antérieures posées sur la collerette et prêtes à bondir au moindre ébranlement. La victime
capturée est ensuite entraînée rapidement dans la retraite pour y être consommée.
Les nappes
Ces toiles sont caractérisées par la présence d’une surface soyeuse plane, horizontale,
véritable nappe suspendue par des fils verticaux accrochés à des supports. Dans nos
régions, ce type de toile ne se rencontre que chez des araignées écribellates, et surtout
chez les agélénides et les lyniphiides, qui présentent deux formes de nappe très différentes,
facilement reconnaissables.
La nappe des agélénides est un feutrage de fils serrés, formant un tapis blanchâtre
épais, très solide, dû à la superposition de couches successives de soie au fur et à mesure
du vieillissement de la toile. Ces rajouts permettent à la nappe de s’étendre, certaines
peuvent dépasser 50 cm dans leur plus grande longueur. Ces nappes d’agélénides sont
fixées aux supports par leur pourtour, mais souvent elles sont aussi maintenues par des fils
à tendance verticale qui se dressent au-dessus d’elle. Ces fils entravent le déplacement des
proies, les déséquilibrent et les font tomber sur la nappe où elles seront capturées. En
période d’activité, l’araignée se tient toujours sur la partie supérieure de la nappe à l’inverse
des lyniphiides.
Il est intéressant de noter que les toiles des différentes espèces d’agélénides montrent
une continuité entre le tube et la nappe sans retraite. Les constructions de Coelotes
terrestris se composent essentiellement d’un tube retraite s’épanouissant à son entrée par
une petite collerette. Agelena labyrinthica construit dans la strate herbacée un tube
relativement long, oblique, s’enfonçant dans la végétation, ouvert à son extrémité inférieure
vers le sol et à son extrémité supérieure, sur une nappe horizontale qui englobe les tiges ou
les brins d’herbe. Chez plusieurs espèces de tégénaires, le tube toujours présent est
beaucoup plus réduit par rapport à la nappe. C’est le cas pour les espèces domestiques qui
construisent des nappes triangulaires dans les encoignures : la très grande Tegenaria
parietina et les plus petites Tegenaria domestica et pagana. Enfin, certaines nappes ne
présentent plus de tube associé (Tegenaria agrestis, T. atrica).
Les toiles de Lyniphia se rencontrent en forêt ou dans les espaces ouverts, dans les
herbes, les buissons, les arbustes. Les nappes, moins grandes, moins solides que les
précédentes, sont doublement suspendues. En effet, des fils à tendance verticale existent
aussi bien au-dessus qu’au-dessous de la nappe. Les fils supérieurs forment un réseau
serré qui entrave les proies avant qu’elles ne tombent sur la nappe. L’araignée, qui en
général n’a pas de retraite, se tient suspendue sous la toile, la face ventrale vers le haut, elle
capture à travers la soie de la nappe. Dégagées de la soie, les proies sont souvent
consommées sur place à l’inverse des agélénides qui les emportent dans leur retraite.
Les réseaux diffus
Ce type de toile regroupe les araignées dont les constructions qui ne semblent avoir
aucun plan défini apparaissent comme un enchevêtrement lâche de fils tissés en tout sens.
Dans les habitations, il n’est pas rare de rencontrer de tels treillis de soie dans les
encoignures en hauteur, le plus souvent appendus au plafond. L’araignée, généralement
présente au sein de ces fils, se tient face dorsale vers le bas, c’est un Pholcus (pholcides)
caractérisé par son petit corps allongé et ses longues pattes grêles. Si on le dérange, on le
verra osciller très rapidement sur place.
Certains réseaux sont reliés au substrat sous-jacent par des fils verticaux qui selon les
espèces peuvent être munis de gouttelettes de glu. Ces pièges que l’on trouve aussi
fréquemment dans les maisons sont l’œuvre de théridiides (Theridion, Teutana). Theridion
tepidarorum, Teutana grossa ne construisent pas de retraite alors que Theridion saxatille,
Th. Sisyphium en élabore une à partir de feuilles roulées ou accolées, ou de brins d’herbe.
Pour la capture, les fils verticaux peuvent fonctionner comme des « fils pêcheurs ».
Quand une prise se débat dans ces fils, ceux-ci cassent au niveau du substrat, attirant la
proie vers le haut. L’araignée n’a plus alors qu’à venir « cueillir » ce « pendu ». Une
utilisation extrême de cette technique existe chez les Episinus (théridiides). Leur piège se
réduit à deux fils englués verticaux que l’araignée, suspendue par les pattes postérieures à
une brindille ou une feuille, maintient dans ses pattes antérieures.
La célèbre veuve noire (Latrodectus mactans) du continent américain, dont le venin est
considéré comme le plus dangereux, appartient aussi à la famille des théridiides et possède
une parente en Corse : Latrodectus 1-3 guttatus.
Les réseaux diffus ne sont pas l’apanage des araignées écribellates que nous venons
de voir, ils existent aussi chez les cribellates, en particulier chez les Dyctina (dyctinides).
Celles-ci tissent des lacis de soie dans les feuillages des buissons et des arbustes ou,
comme le fait fréquemment Dystina arundinacea, au sommet des plantes herbacées dans
les inflorescences sèches.
Les Araignées Orbitèles
Les araignées regroupées sous ce terme n’ont en commun que la forme circulaire, en
orbe, de leur toile. Encore appelées « araignées à toile géométrique », elles appartiennent à
des familles différentes, aussi bien cribellates (Uloboridae), qu’écribellates (Argiopidae,
Tetragnathidae). Leur toile, qui a soulevé l’admiration de nombreux naturalistes, se
caractérise par sa configuration géométrique remarquable, que nous avons tous pu
observer.
L’édifice soyeux, pratiquement plan, est construit à partir de supports naturels.
L’araignée lâche un fil, qui flottant au gré des courants aériens, se fixe sur un second
support. Elle parcourt ensuite plusieurs fois ce fil, en le renforçant à chaque passage avec
d’autres fils. Ainsi se forge un pont solide (fil suspenseur), pièce maîtresse qui soutient la
surface piège. Cette dernière est constituée par une spirale tissée sur des rayons fixés au fil
suspenseur et aux fils de cadre périphériques. Ce type de construction fournit un piège à la
fois élastique et résistant qui permet la capture d’une grande variété de proies.
L’un des éléments de la toile, des plus importants pour la capture des proies, est la
spirale. Chez les araignées cribellates comme Uloborus, elle est constituée de soie peignée
cribellée mais sèche, alors que chez les araignées écribellates elle est formée d’un fil de soir
ponctué de gouttelettes de glu. En effet, les araignées écribellates tissent d’abord une
spirale provisoire, puis la parcourent en sens inverse (de la périphérie vers le centre) en
déposant une spirale définitive gluante. Ensuite ou en même temps, elles consomment la
spirale provisoire.
A partir de cette structure générale de la toile, on peut distinguer des particularités de
construction, qui peuvent être des éléments importants pour l’identification de certaines
espèces sur le terrain. Ces particularités peuvent résulter d’une réduction des éléments de la
toile ou au contraire de l’adjonction de nouvelles structures. Parmi ces dernières, la plus
courante est le stabilimentum. Celui-ci est constitué par un épais dépôt de soie en zigzag
entre deux rayons, mis en place après la construction de la spirale de capture. C’est à
propos de cette structure, que certains naturalistes ont parlé de signature de la toile par
l’araignée. Le rôle du stabilimentum demeure inconnu : rôle anti-prédateur ? rôle de
soutien ? augmentation de la résistance de la toile ? Des questions du même ordre se
posent pour Cyclosa conica qui dépose en ligne ses restes de proies sur son stabilimentum.
Cette araignée se tient immobile parmi ses détritus ; on pense qu’elle est ainsi camouflée
vis-à-vis des prédateurs éventuels.
La majorité des araignées à toile géométrique ne restent pas en permanence sur leur
toile. Durant les périodes de repos, elles se tiennent dans une retraite plus ou moins
élaborée et plus ou moins cachée dans la végétation. Ces retraites peuvent être de simples
plages de soie (Araneus redii, Araneur adiantus), des demi-sphères soyeuses ouvertes vers
le bas (Araneus quadratus, Aranus ceropegius) ou des interstices tapissés de soie : écorce,
fente de piquet, anfractuosité d’un mur (Aranus umbraticus) ou feuilles enroulées.
Bien que cette retraite soit située en dehors de la toile, elle reste en relation avec le
piège par un certain nombre de fils. L’araignée, toujours en contact par les pattes avec au
moins un de ces fils, est à tout moment renseignée sur ce qui se passe au niveau de sa
toile. Dès qu’une proie potentielle entre en contact avec la toile, l’araignée en est avertie ; les
structures adhésives, glu ou soie cribellée, la retiendront suffisamment de temps pour que
l’araignée puisse la capturer.
Les araignées possèdent de nombreux récepteurs sensibles aux vibrations, souvent
sous la forme de poils spéciaux sur les pattes. A partir des vibrations produites par l’impact
de la proie sur le piège et des secousses qu’elle imprime à la toile pour s’échapper, ces
récepteurs renseignent l’araignée sur la localisation dans le piège, le poids, la vigueur de
cette proie, et lui permettent ainsi d’adapter son comportement de capture. Les
déplacements de l’araignée sur la toile peuvent être guidés par les vibrations engendrées
par la proie qui se débat. L’araignée passe en général par le centre de sa toile pour exercer
des tractions et des secousses des rayons de manière à localiser sa prise, vers laquelle elle
s’avance ensuite pour la mise à mort. La proie capturée est ensuite emportée au centre de
la toile ou dans la retraite pour ingestion.
On peut rencontrer des araignées orbitèles dans l’ensemble du milieu terrestre. Les
zones les plus riches en araignées orbitèles sont sans nul doute les espaces herbacés non
fauchés ni pâturés. Nous y trouvons Argiope bruennichi, toujours au niveau du sol, puis
Araneus redii, A. ceropegius, A. quadratus, A. marmoreus, A. diadematus, Mangora
acalypha réparties dans la strate herbacée. Dans les zones plus humides, nous pouvons
retrouver certaines de ces espèces, mais surtout Araneus cornutus, et Meta segmentata.
Dans les espaces buissonnants et plus sombres de ces zones humides, habitent les
tetragnathes (Tetragnatha extensa, montana). Si les lisières des bois peuvent être
relativement riches en espèces déjà citées, à l’intérieur nous ne rencontrons que peu
d’espèces d’araignées orbitèles (Araneus umbraticus, certaines tetragnathes). Plus près de
nous, au niveau des habitations, nous trouvons Zygiella x-notata, Meta menardii, Araneus
umbraticus et A. diadematus.
Si l’on peut citer un grand nombre d’espèces pour un milieu donné, cela ne signifie
pas que l’on peut rencontrer tous les adultes en même temps. La plupart des espèces de
nos régions n’ont qu’un cycle de reproduction par an. Après l’éclosion, les jeunes mènent
une vie grégaire pendant deux à trois semaines, avant de se disperser en pratiquant le
« ballooning ». Dès cette dispersion, les jeunes sont capables de construire des toiles
géométriques dont l’architecture est comparable à celle des adultes. Cependant, les
moments d’éclosion, de dispersion, et les durées de développement pour arriver à l’état
adulte, ne sont pas identiques pour toutes les espèces. Ceci entraîne un décalage temporel
dans l’apparition des individus reproducteurs. Ainsi, nous trouverons à l’état adulte en juinjuillet : Araneus ceropegius, A. redii, A . cornutus, Tetragnatha montana, en août-septembre
et même octobre : Araneus quadratus, A. marmoreus, Argiope bruennichi, Meta segmentata.
Toutes ces considérations de répartition spatiale et temporelle, sont encore peu
étudiées, mais elles sont importantes dans la mesure où elles conditionnent l’impact de la
prédation des araignées. A la belle saison (printemps et été), la majorité des toiles que l’on
peut rencontrer, sont l’œuvre d’immatures ou de femelles. En effet, il est admis qu’après leur
dernière mue, les mâles ne construisent plus de toile et partent à la recherche des femelles.
Certaines observations montrent cependant que des mâles peuvent s’installer sur des toiles
de femelles de leur espèce ou d’espèces différentes, soit en cohabitant avec le propriétaire,
soit en le délogeant. Ces mâles, réputés comme ne se nourrissant pas à l’état adulte, sont
alors capables d’effectuer des captures à partir du piège de la femelle. Dans ce domaine
aussi, nous avons encore beaucoup de choses à apprendre.
En période de reproduction, les fils de soie des femelles sont attractifs pour les mâles,
sans doute grâce à une phéromone (substance chimique) associée à la soie. Les mâles qui
suivent préférentiellement les fils de femelle de leur propre espèce abordent la toile en
présentant des comportements particuliers. Ceux-ci sont appelés comportements de cour ou
de parade ; ils consistent en tiraillements, secousses et vibrations du corps qui ébranlent la
toile. Ces vibrations organisées de manière spécifique sont, comme les phéromones, des
éléments de communication permettant aux partenaires sexuels de se retrouver, de se
reconnaître, et de coopérer pour que l’accouplement ait lieu. La toile est donc pour les
araignées un prolongement sensoriel et informatif important, non dissociable de l’individu.
Lorsqu’elles sont fécondées, les femelles grossissent rapidement, avant de pondre des œufs
en grand nombre (jusqu’à 1000 pour Argiope bruennichi), œufs qu’elles enferment dans un
cocon. Les cocons peuvent être élaborés, d’architecture complexe, mettant en évidence un
comportement constructeur qui n’est pas sans rappeler les oiseaux et leurs nids. C’est le
cas, par exemple d’Argiope bruennichi dont le cocon, caractéristique, ressemble à une
montgolfière suspendue à l’envers dans les herbes. Il n’est pas rare que les cocons soient
inclus dans une feuille sèche roulée, fermée par des liens soyeux. C’est le cas d’Uloborus
walkenarius, qui de plus suspend ce cocon dans sa toile.
Les cocons sont fréquemment constitués de plusieurs enveloppes soyeuses, plus ou
moins épaisses, constituant une excellente coque protectrice, isolante du froid hivernal. En
effet, c’est souvent dans ces cocons que les œufs où les jeunes passeront la mauvaise
saison jusqu’au printemps suivant qui verra le développement et la dispersion d’une nouvelle
génération. Certaines espèces qui se développent rapidement et se reproduisent très tôt, au
milieu du printemps comme Araneus redii, A. Cornutus, peuvent présenter un deuxième
cycle de reproduction en automne, si les conditions climatiques sont favorables.
Par la régularité et la géométrie de leur construction, les araignées orbitèles
fournissent une merveilleuse et énigmatique architecture. Cette beauté cache un piège
redoutablement efficace. Par leur placement dans le milieu, par la structure de leur piège,
par leur comportement de capture, ces araignées détruisent d’importantes quantités
d’insectes. Elles jouent un rôle non négligeable dans la régulation des peuplements de
l’entomofaune, et concourent ainsi à l’équilibre des écosystèmes.
Références
Leborgne, R. & Pasquet, A., 1980. Les araignées de nos régions. Le Courrier de la
Nature, 68 : 38-42.
Leborgne, R. & Pasquet, A., 1980. Les araignées orbitèles de nos régions. Le Courrier
de la Nature, 70 : 36-40.
Leborgne, R. & Pasquet, A., 1981. Les araignées à toiles irrégulières. Le Courrier de la
Nature, 73 : 13-17.
Leborgne, R. & Pasquet, A., 1982. Les araignées errantes. Le Courrier de la Nature,
77 : 9-13.

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