Florian Pugnaire - David Raffini Energie sombre

Transcription

Florian Pugnaire - David Raffini Energie sombre
Florian Pugnaire - David Raffini
Energie sombre
Musée national Pablo Picasso
la Guerre et la Paix, Vallauris
vernissage samedi 12 janvier à 11h
12 janvier - 13 mai 2013
Energie sombre, 2012 © Florian Pugnaire - David Raffini
Cette exposition est organisée par les musées
nationaux du XXe siècle
des Alpes-Maritimes
communiqué
Bien que travaillant chacun à leur oeuvre personnelle, Florian Pugnaire et David Raffini collaborent
régulièrement à des projets communs. Les vidéos et installations qu’ils réalisent suivent un scénario
minutieusement établi dont le fil narratif aboutit fréquemment à de spectaculaires catastrophes, figures
fortes et convaincantes d’une poétique de la métamorphose. L’exposition au musée national Pablo Picasso,
La Guerre et la Paix, permettra de découvrir une toute inouvelle production – Énergie sombre - dans
laquelle un véhicule lancé à vive allure est l’objet d’un traitement particulier et d’une étonnante mise en
scène. La course effrénée de l’engin, les transformations qu’il connaît, les distorsions qu’il subit, la mue
toute animale qu’il accomplit ouvrent sur une sorte d’allégorie de la création artistique, laquelle, pour
reprendre les mots mêmes de Picasso, « est une somme de destructions ». Au-delà du récit fictionnel et
des séquences choc, au-delà des images vertigineuses et des effets spéciaux, l’œuvre vidéo de Pugnaire et
Raffini questionne le processus même de l’acte créateur dont le véhicule supplicié est, en l’occurrence,
l’outil désigné.
……………..
Although both work on their own artistic creations, Florian Pugnaire and David Raffini regularly co-operate on joint projects. The
videos and installations, which they produce, follow a meticulously prepared script whose narrative thread frequently ends in
spectacular catastrophes, strong and convincing figures of a poetic metamorphosis. The exhibition at the national Pablo Picasso
museum, La Guerre et la Paix (War and Peace) takes you on an exploration of a totally new production Energie sombre (dark
energy) in which a vehicle launched at breakneck speed is subjected to a specific treatment and an astonishing choreography. The
car’s frantic race, the transformations that it undergoes, the distortions that it is subjected to, the totally animal-like moult which it
achieves leads to a kind of allegory of artistic creation, which to use the same words of Picasso “is a sum of destructions”. Beyond
the fictional story and the shock sequences, beyond the vertiginous images and special effects, the video work of Pugnaire and
Raffini questions the process even of the creative act for which the tortured vehicle is, in this case, the designated tool.
……………..
Commissariat : Maurice Fréchuret, conservateur en chef du Patrimoine, directeur des musées nationaux du XXème
siècle des Alpes-Maritimes
……………..
ouverture tous les jours de 10h à 12h15 et de 14h à 17h
sauf le mardi et le 1er mai
tarifs sous réserve de modifications : gratuité pour les
moins de 26 ans (U.E) et pour tous le 1er dimanche du
mois. Tarifs : 3,25€, réduit 1,70€
musée national Pablo Picasso
Place de la Libération - 06220 Vallauris
T +33 (0)4 93 64 71 83
contacts presse :
Hélène Fincker
[email protected]
T+33(0)6 60 98 49 88
Françoise Borello
[email protected]
T+ 33(0)6 70 74 38 71 / + 33(0)4 93 53 75 73
Energie sombre : chronique d’une fin annoncée
Texte de Sylvie Coëllier - historienne de l'art contemporain et critique
« Energie sombre » est la fiction vraie d’un petit camion qui se précipite vers sa propre destruction. Mais ce
scénario qui s’énonce en toute brièveté n’est que la trame d’un drame allégorique à plusieurs entrées et plusieurs
strates de significations. « Energie sombre » : le titre même de la vidéo de Florian Pugnaire et de David Raffini
nous intime à saisir la face cachée du film qui va s’offrir à notre regard, à soupçonner sous l’apparence de
chaque plan une sourde machinerie à l’œuvre. Les mots annoncent la prégnance de puissances « maléfiques »,
d’une force destructrice infiltrée au cœur des éléments en jeu. Ils en appellent à notre imagination nourrie des
films fantastiques, des personnages de Dark Vador ou de Sauron et de la surenchère dramatique de leur spectacle
(plus que de leur idéologie du bien et du mal, toujours si évidente). « Energie sombre » semble ainsi nous
convier, depuis ses échos hollywoodiens, à une fiction où le tragique le disputerait à un comique de situation, car
elle raconterait, sur le mode (nécessairement) épique des grandes productions de l’entertainment la fin d’un
simple « utilitaire » Volkswagen, un produit sans aura de notre société. Toutefois ne saisir dans le titre qu’un
appel au divertissement serait ne pas entendre, sous les mêmes mots, « énergie sombre », une autre dimension,
plus grave, plus vaste, cosmique. L’« énergie sombre », c’est en effet le nom donné par les physiciens à des
forces de l’univers, jusqu’ici toujours méconnues et invisibles, et dont l’existence a été découverte récemment
(1998). Si la terminologie des physiciens se doit d’être empreinte d’une neutralité toute scientifique, elle ne peut
éviter la contamination que notre imaginaire attache aux deux mots accolés et dans lesquels résonnent alors les
aspects mystérieux, effrayants, menaçants de l’univers. Cette « énergie sombre », distincte de la « matière
noire » ou des très inquiétants « trous noirs » identifiés plus tôt dans le siècle, occuperait près des trois quarts de
l’univers. Les trous noirs ont depuis longtemps suscité des fantasmes d’avalement de notre planète. La « matière
noire », révélée à notre connaissance parce que la lumière provenant de certaines étoiles observées depuis les
super télescopes était déviée, est un peu plus rassurante depuis que l’on en a produit des modélisations. Ce que
l’on sait de l’ « énergie sombre » est peu de choses, sinon qu’elle est un facteur d’accélération de l’expansion de
l’univers. Dans les théories concernant les origines de ce dernier, l’hypothèse a longtemps prévalu du caractère
constant de son expansion. Mais il est désormais démontré que le mouvement éloignant les étoiles les unes des
autres s’amplifie. Et selon l’un des postulats, l’univers ne serait pas infini mais clos, et l’expansion, parvenant à
ses limites, ne pourrait alors que se rétracter à son point d’origine. Si le Big Bang est l’explosion originaire de
notre univers, il se produirait alors une immense contraction, une réversion de l’explosion, un effondrement
surnommé familièrement le Big Crunch.
Dans ces hypothèses la question du temps est cruciale. Ressentons-nous sur terre le temps comme fléché parce
que nous sommes dans la phase de l’expansion de l’univers ? Le temps peut-il être réversible ? Y a-t-il une
alternative à l’éloignement des planètes et des étoiles, à leur usure progressive, à l’entropie de tout notre
système ? L’inversion du temps, la grande contraction, s’opérera-t-elle brutalement dans une immense
catastrophe?
La vidéo est un mode très fin pour porter ces questionnements à notre imagination. Certes son déroulement sous
nos yeux ne peut que se calquer à notre expérience fléchée de la durée, mais par des procédures d’inversion
filmique, elle est en mesure de nous suggérer des remontées dans le temps et, davantage, des modalités
temporelles extrêmement diverses. Ainsi, une première appréhension de l’œuvre Energie sombre est-elle
susceptible de nous laisser la sensation d’un développement fracturé du temps, de reprises de scène contrariant la
chronologie et la narration. Nous vivons des allers et retours entre des accélérations excitées et des calmes
angoissants, des tribulations entre fracas et enlisement, entre menace d’orage et mornes brumes, entre des
rugissements de moteur et le pépiement ténu d’un oiseau. Les chocs du montage et des sons nous font éprouver
les coups du véhicule se jetant vers son anéantissement. Cette perception disloquée n’est pas seulement un
accompagnement adéquatement composé de notre expérience de la destruction. Elle est celle, exacerbée sans
doute, de notre saisie postmoderne du monde, dans laquelle le flux médiatique incessamment renouvelé mêle les
événements du réel à nos réminiscences culturelles, nos rêveries et nos désirs subjectifs que ce même flux
abreuve avec une rapidité déconcertante. Dans la vidéo, cette fragmentation – ce « temps subjectif » peut-on
dire–, se juxtapose à deux autres temporalités principales. Dans l’une d’elles, nous suivons le voyage du camion
Volkswagen du plein midi jusqu’au cœur de la nuit, depuis son intégrité jusqu’à son ultime démembrement :
nous y vivons le temps irréversible, accéléré par la précipitation du véhicule. En alternance à ce parcours, les
vicissitudes du camion sont interrompues par des phases apaisées offrant les images crépusculaires de son
agonie. Ces moments, de quasi stase, diffusent bientôt un trouble. Leur succession en effet semble suivre la
progressivité d’un temps fléché : chaque apparition du véhicule dressé et comme désossé au centre d’un paysage
naturel montre l’émanation de fumées lentes, chaque fois plus denses. Au fur et à mesure que ces phases
interviennent, les fumées se développent en nuées sombres et moutonnantes, rendant manifeste leur
réabsorbement dans la carcasse agonisante. Nous ne pouvons alors que constater la réversion du mouvement, la
ré-aspiration des fumées vers le bloc démantibulé, en éprouvant un temps plein d’étrangeté, bien que la cause
technique – l’inversion du film– en soit identifiable. Et soudain nous comprenons : la déflagration finale dissipe
ce que nous avions attendu sans le savoir. Elle est la rétraction ultime, l’explosion à l’envers, une image inversée
du Big Bang, le Big Crunch, bientôt dissout dans une auréole brumeuse de photons. Fin.
Florian Pugnaire et David Raffini ne sont pas les premiers artistes à traduire en vision cosmologique des objets
banals, sans vocation transcendante apparente. Peter Fischli et David Weiss en ont livré une version célèbre en
1987 avec Der Lauf der Dinge, [Le cours des choses]. On se souvient comment, dans leur vidéo, l’éclair et le
sifflement d’une fusée pyrotechnique faisant tourner un pneu ou avancer un objet bricolé, le passage d’états
liquides à des combustions, la circularité des mouvements font surgir des comètes, des ignitions de météorites,
des conjonctions stellaires par pures rencontres de matières. L’utilisation de pneus, de planches, de sacs ou de
bidons de matière plastique annihile les dérives pompeuses avec lesquelles on aborde volontiers les questions de
la création de l’univers, métaphysiques ou non, ou sa compréhension scientifique souvent énoncée aujourd’hui
comme un nouveau grand Récit. La déflation causée par les objets sans aura ne retire rien à notre
émerveillement, à la fascination qui lie nos yeux aux mouvements des « choses » : les questionnements
existentiels ne nous viennent que de façon subliminale, sous nos sourires provoqués par les surprises pourtant
attendues des événements matériels. C’est que la nature des objets utilisés insinue des liens entre le macrocosme
et la façon dont nous fonctionnons dans nos comiques déplacements ordinaires et le bricolage de nos
connaissances.
Dans la vidéo de Florian Pugnaire et David Raffini, le camion « utilitaire » amène de la même façon ses
résonances quotidiennes alors même qu’il incarne le véhicule – ou la victime – de l’« énergie sombre ». Le rôle
principal donné à l’engin à moteur lui donne une portée métaphorique – voire allégorique – celle d’une
production humaine d’usage ordinaire qui en est venue à incarner une volonté d’autodestruction de l’humain luimême, en phase avec le grand mouvement cosmique dans lequel nous projetons une angoisse métaphysique.
Reprenons le fil de la vidéo. Energie sombre commence par l’image de la carcasse du camion dressée presque à
la renverse dans un calme paysage au ciel sans nuage : une mort annoncée. Puis très vite surgissent le
vrombissement du moteur, le ras de l’asphalte, la sensation du circuit automobile. Le spectateur est dans l’œil de
la caméra ; il conduit comme ivre de vitesse, en collant à la route, ou comme dans un jeu vidéo. Le son est
agressif, jubilatoire. Rupture : un grondement sinistre s’ouvre sur des images et des sons qui seraient bucoliques
si le ruisseau qui frémit n’était envahi de coulées noirâtres, si des branchages ne dégouttaient d’un jus boueux et
vert. Le contraste est donné entre la force brutale, inexorable, de l’engin mécanique (notre production humaine)
et une nature souillée, fragile (on ne saisit de chant d’oiseaux que lointains et mélancoliques ou que de discrets
coassements de grenouilles). L’opposition fait du véhicule le représentant d’une société dédiée au moteur à
explosion, à l’exaltation virile du dépassement, à la toute puissance des énergies. La nature est pourtant
résistante, puisqu’elle gagne de ses broussailles les carcasses rouillées de voitures rejetées. Mais lorsque le
camion apparaît à nos yeux dans sa compacité têtue, il semble animé d’une détermination pernicieuse à traverser
tous les obstacles que la nature lui oppose. Il se précipite avec une ardeur jouissive dans une fange marécageuse,
ses roues labourent un limon épais qui jaillit en éventail et le couvre de giclures picturales tandis qu’il patine et
s’enlise, qu’un pneu fume de vapeurs soufrées. La sensualité brutale des roues qui dérivent dans la boue lui
donne un corps, l’agressivité du moteur une volonté. Aucun conducteur n’est visible. Il est à la fois déshumanisé
et personnifié, comme le camion du Duel de Spielberg, ou comme Christine, la voiture maléfique du film
éponyme de John Carpenter : une incarnation de ce que les hommes construisent et qui les mènent. Toutefois
Energie sombre joue sur un registre en dessous : l’utilitaire n’est ni un truck monstrueux ni l’une de ces « belles
américaines » des années 1950 aux ailerons rutilants. L’effet confère une légère dimension parodique qui extrait
du spectateur un sourire. L’humour produit ainsi sur lui, sur nous, un recul réflexif sur la construction de notre
imaginaire par les grands groupes de productions culturelles. Des réminiscences de films à suspense affluent
lorsque la caméra cadre une menaçante poutrelle métallique dressée sur le ciel et que le son prend des tonalités
d’émetteurs mystérieux. Et lorsque la poutrelle s’abat sur le camion pris dans le guet-apens du marécage, nous
voyons un combat de forces où l’humain est exclu. Mais alors le montage fracturé répète et déconstruit tout en
même temps le suspense. Nous sourions, car dans la montée des sons, dans les ralentis, nous avons un subreptice
effet de dé-fascination en même temps qu’un retour sur des souvenirs réjouissants.
Bientôt la première épreuve du camion se résout dans un répit : le moteur repart, la boue qui transformait le parebrise en monochrome blanc, séchée, s’effrite et craquèle, un arpège harmonieux de guitare monte en un son
glorieux et apaisé, accompagnant le manège de la roue et du cardan dégagés. Mais ce n’est que reprise de souffle
avant la deuxième épreuve, le redémarrage vers la dernière course et le versement du véhicule dans un ravin.
Lorsque le camion, après une sorte d’élévation, se jette en bas de la falaise, celle-là même de sa mort annoncée,
il semble que l’effroyable froissement des tôles, laissant la carrosserie démembrée, ait eu raison du véhicule.
Pourtant une ultime fois le moteur est relancé, les cardans se mettent à tourner. Des sursauts se produisent ; un
mouvement se réamorce : désormais c’est l’ « anatomie » interne du camion qui se révèle, tel un organisme
pathétique qui hoquète et offre au regard des soubresauts où giclent des liquides comme un dernier sang. Mais le
cognement des bielles se ralentit et cesse, tandis que la nuit gagne. Le scénario, les prises de vue, complètent ici
ce que les artistes avaient amorcé dans Expanded Crash, de 2008, et dans In fine, une vidéo de 2010. Dans ces
œuvres, Pugnaire et Raffini invitaient le spectateur à éprouver à quel point les hommes projettent dans leurs
propres productions un effet miroir qui les lie intimement à elles. Sans mentionner le désir de créer une
intelligence artificielle, cette projection, on le sait, investit tout particulièrement les engins à moteurs auxquels ils
ont conféré la capacité de s’animer. Expanded Crash était l’installation d’une 2 CV « mue par un dispositif
interne » qui l'"auto-compressaiti " de façon extrêmement lente puisque la contraction s’est poursuivie sur
plusieurs expositions. Cette automobile, déjà obsolète, suscitait alors une forte empathie de la part des
spectateurs, tant ses plis et ses phares pendants la transformaient en vieille chose anthropomorphe et pathétique.
C’est un même sentiment d’empathie qui traverse le spectateur lorsque, dans In fine, il entend les craquements
par à-coups des tôles du tractopelle déjà usé sous la pression d’un puissant vérin. Et lorsque la caméra, dans In
fine et dans Energie sombre, cadre le « cœur », le « ventre » de la machine hoquetant et légèrement ridicule, la
sensation d’une mort humaine est la plus forte. Ainsi s’insinue dans le film cette ambiguïté qui est avant tout la
nôtre, un sentiment partagé entre ce qu’incarne de « maléfique » le véhicule avec sa détermination à
l’autodestruction, et notre investissement si intime dans ces machines qui nous prolongent.
La dernière phase de la destruction du camion est peut-être celle où l’empathie que nous éprouvons pour le
véhicule parvient à son comble. Les vues nocturnes à la lumière d’un projecteur, les fumées pâles et lentes qui
dressent une atmosphère romantique, les bruits plus rares de mécanique qui tombe transforment la fresque
épique du camion en récit d’un martyr. Les mises en lumière de la carcasse, qui en démontrent les aspects
sculpturaux, la laissent tantôt tel un animal monstrueux et abattu invitant la pitié, tantôt comme un corps
enchaîné, bafoué, humilié. C’est bel et bien la force structurale de l’engin déconstruit, sa composante plastique
qui ouvrent le regard du spectateur à une hagiographie de souffrance et de mort, voire à un récit christique.
L’ascension du véhicule intervient alors comme une épiphanie, ou comme une rédemption de la sombre énergie
qui l’animait. L’esprit de sérieux gagnerait alors volontiers le spectateur si les bruits de vérin, et surtout un
enchaînement musical rappelant les sons employés dans les films sur les extra-terrestres ne le rappelait à
l’humour de la situation, lorsqu’il voit s’élever la carcasse telle une soucoupe volante repartant enfin vers
d’autres cieux. Et c’est, subrepticement, l’esprit de L’Hôpital et ses fantômes, cette série télévisuelle loufoque de
Lars von Trier, qui flotte dans les plans nocturnes précédant l’explosion finale, avec son flux de phares livrant
une temporalité onirique. Dans l’hôpital du cinéaste, l’équipe de nuit se livrait à un jeu consistant à parier sur
l’ambulance lancée à fond à contre-courant de l’autoroute… (tandis que le conducteur demeurait invisible,
fantomatique…)
Dans un texte de 2005, le philosophe Peter Sloterdijk rappelle que les premiers « esclaves mécaniques » à la fin
du XVIIIème siècle « se prêtaient particulièrement à établir des associations d’idée mythologiques » alors même
que l’esprit des Lumières préconisait le rejet des superstitions. Dans Energie sombre, ou dans In fine, les engins
mécaniques sont montrés à la fois comme des « utilitaires » et fantasmatiquement glorifiés, humains et extrahumains. Le tractopelle d’In fine prend des allures d’animal archaïque, et l’on retrouve, dans les différents plans
finaux d’Energie sombre, des figures animales impressionnantes. Ainsi ces machines mécaniques sont-elles
associées à l’idée d’ancestralité quasi mythiques en même temps qu’elles sont métaphoriques de l’« homo
faber », cette définition de l’homme à jamais agité, à jamais pris du désir de fabriquer – et en conséquence, de
transformer son environnement. C’est cet entêtement même que le camion sans conducteur portraiture lorsqu’il
semble animé de la rage d’avancer au-delà de toute raison (le tractopelle d’In Fine serait, lui, l’image de la
destruction infligée à la terre). Leur ancestralité convoquée laisse suggérer que leur vocation destructrice est trop
ancienne pour être transformée. A moins que nous ne choisissions une autre hypothèse interprétative. La mort à
laquelle sont voués le camion ou le tractopelle énoncerait l’obsolescence en même temps que la perversion
autodestructrice de leur modèle : voici la fin de notre course au progrès, voici les blessures causées à la nature
(qui reprendra ses droits), voici l’anéantissement annoncé. Dans Energie sombre, sous l’humour (rappelons-le)
de la situation, l’entrelacement de l’aventure du camion à l’hypothèse de la déflagration cosmique laisse
pendante la question : la ruée vers l’autodestruction est-elle irréversible ?
BIOGRAPHIE
FLORIAN PUGNAIRE - DAVID RAFFINI
Nés en 1980 et 1982
Vivent et travaillent à Nice, France
Formation
2006-2007 DNSEP à la Villa Arson, Nice, France
2006-2008 Le Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains, France
Expositions personnelles
2013
FPDR, galerie Torri, Paris, France (mars 2013 )
Energie Sombre, Musée Picasso, Vallauris, France (12 janvier – 13 mai 2013.)
Matières temps, Centre d’art contemporain Les églises, Chelles, France (février 2013)
2012
Florian Pugnaire & David Raffini, Centre culturel Una Volta, Bastia, Corse, France
2011
Amnesia, Espace contemporain Domaine Orenga, Patrimonio, Corse, France (D.Raffini)
Glissements (commissaire Jean Marc Avrilla), Le Dojo, Nice, France
Berlin Paris 2011, carlier I gebauer, Berlin, Allemagne
2010
Hors Gabarit, galerie Torri, Paris, France
In Fine, Friche du Palais de Tokyo, Paris, France
E figura si l’isula, fantasy island, FRAC Corse, France (D. Raffini)
2009
Expanded-Crash, Centre National d’Art Contemporain de la Villa Arson, Nice, France
Expanded-Crash, Module 2, Palais de Tokyo, Paris, France
Expositions de groupe
2013
Group show, MendesWood, Sao Paolo, Brésil (mars 2013)
Fondre, battre, briser, Le pavillon blanc, Centre d’art de Colomiers, France (janvier 2013)
2012
First Shanghai Sculpture Project, Shanghai Art Institute, Chine
Sunshine and Precipitation, Catalyst Arts, Belfast, Irlande
Texture/Material (Berlin Paris 2012), KLEMM’S Gallery, Berlin, Allemagne
Les feux de l’amour, FRAC Aquitaine, Bordeaux, France
(F. Pugnaire)
Paper, MAMAC, Nice, France (F. Pugnaire)
New Abstract generation, Le Box, Fonds M-ARCO, Marseille, France
2011
La fabrique sonore, Domaine Pommery, Reims, France
Art-o-rama, Friche Belle de Mai, Marseille, France
Focus, Parcours associé de la Biennale de Lyon, Vienne, France
Programme video, Module 1 du Palais de Tokyo, Paris, France
(F. Pugnaire)
Collectionneurs en situation, Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux, France
La Sculpture autrement, Ecoparc, Mougins, France
Que sera, sera…, CAN, Neuchâtel, Suisse
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blanc, CAPC, Bordeaux, France (F. Pugnaire)
2010
Dynasty, Palais de Tokyo et MAMVP, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, France
Reset, Fondation d’entreprise Ricard, Paris, France (F. Pugnaire)
2009
Kit invite n°2, Paris- Group show, RDF Galerie, Nice, France
Points, lignes et plans-séquences, Galerie des musées, Toulon, France (F. Pugnaire)
<< II >>, RDF Galerie, Nice, France
2008
Home Cinema, Traffic, Lausanne, Suisse (F. Pugnaire)
Panorama 9-10, Le Fresnoy, Tourcoing, France (F. Pugnaire)
Accidents de parcours, Performance, Corte, France
Pavillon 7, Palais de Tokyo, Paris, France (D. Raffini)
2007
Temps d’images, La ferme du Buisson, Noisiel, France
Panorama 8, le Fresnoy, Tourcoing, France (F. Pugnaire)
2006
L’égosysteme, le Confort Moderne, Poitiers, France
Liste 09, Villa Arson, Nice, France
Génération 2006, galerie de la Marine, Nice, France (F. Pugnaire)
Résidences (F. Pugnaire)
2009-2010 : Cité Internationale des Arts, Paris, France
2009 : Synagogue de Delme, France
VISUELS DISPONIBLES POUR LA PRESSE
Mentions obligatoires pour l’ensemble des visuels :
Energie sombre 2012
© Florian Pugnaire - David Raffini

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