Gestion des pucerons en maraîchage biologique

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Gestion des pucerons en maraîchage biologique
Technique - Maraîchage
Gestion des pucerons
en maraîchage biologique
Par Jérôme Lambion (GRAB)
L’atelier maraîchage des journées techniques Fruits & légumes de décembre 2010 a permis
d’aborder l’ensemble des moyens de contrôle des pucerons. Le Grab a d’ailleurs rappelé que la
protection contre les pucerons repose sur un ensemble de mesures (cf. pyramide de la protection
des plantes), directes et à court terme mais aussi plus indirectes et pouvant entraîner une
recomposition du système de production. Toutes ces techniques impliquent une bonne
connaissance (et reconnaissance !) des pucerons. Les techniques courantes (utilisation de variétés
résistantes, de produits de traitement et lutte biologique classique) ont été rappelées, ainsi que
leurs perspectives. D’autres stratégies plus complexes comme l’exploitation du paysage (lutte
biologique par conservation) ou la mise en place de cultures associées s’avèrent prometteuses,
même si leur mise en place sur les surfaces maraîchères tarde encore.
• La possibilité de produire des
formes de colonisation ailées capables de dispersion sur de
grandes distances.
• Une alimentation à base de sève
élaborée prélevée à l’aide d’un appareil buccal de type piqueur-suceur.
• Les dégâts sont directs (prélèvement de sève entraînant un
affaiblissement de la plante, injection de salive provoquant des galles)
ou indirects (fumagine se développant sur le miellat, transmission de
virus persistants ou non).
La connaissance fine de la biologie
du puceron visé permet d’élaborer
des stratégies de lutte. L’utilisation
de porte-greffes résistants (contre
Phylloxera notamment) ou de va-
Graphique 1 - La protection des cultures repose sur un ensemble de mesures
riétés résistantes (laitues résistantes
à Nasonovia ribis-nigri) fait partie
des opportunités (rares !) à ne pas
négliger.
GRAB
Biologie des pucerons
● Charles-Antoine Dedryver
(AGROCAMPUS-OUEST Centre de
Rennes) a débuté cet atelier avec
une présentation générale des pucerons. Il a rappelé que toutes les
espèces de plantes cultivées sont
attaquées par au moins une espèce de pucerons. Les différentes
espèces de pucerons possèdent
des caractéristiques communes :
• L’alternance entre une phase de
reproduction asexuée vivipare
(assurant une multiplication extrêmement rapide) et une phase
de reproduction sexuée (permettant la recombinaison génétique
et la production d’œufs résistants
au froid hivernal).
Mesures directes
de protection
● Mickael Legrand
(ex FREDON Nord
Pas-De-Calais) a
rappelé le contexte
réglementaire de
l’utilisation de produits de traitement
contre les pucerons en maraîchage biologique :
Autorisation de Mise sur le Marché
(AMM) du produit pour la France
et autorisation de la matière active
par le règlement européen de l’AB.
« Fin Novembre 2010, seules les spécialités à base de pipéronyl butoxide
et pyréthrines, seules ou associées
au Bacillus thuringiensis sont autorisées contre pucerons, en
gamme jardin (coût etconditionnement non adaptés pour les
professionnels) ». Rappelons que
la roténone est interdite sur légumes
depuis 2008 pour lutter contre les
pucerons. Pour trouver des alternatives, de nombreux travaux sont
en cours. La piste la plus prometteuse concerne les pyrèthres
naturels, pour lesquels une AMM
devrait arriver à moyen terme.
D’autres produits comme les extraits de neem, les huiles végétales
MARS-AVRIL 2011 - ALTER AGRI n°106 25
Technique - Maraîchage
Robert / INRA
et de la faune (capacité de dispersion, diversité des régimes
alimentaires, compétition pour les
ressources) interagissent, et il est
encore très difficile de prévoir les
conséquences et de maîtriser les
effets du paysage sur les populations de ravageurs et d’auxiliaires.
Un paysage riche et diversifié a
tendance à améliorer le parasitisme des pucerons (les
parasitoïdes trouvant dans l’environnement des ressources
supplémentaires) mais peut aussi
gêner la dispersion de prédateurs
généralistes efficaces comme les
coccinelles !...
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Mesures indirectes
de protection
● Yann Tricault
(AGROCAMPUSOUEST
Centre
d’Angers) a présenté l’impact du
paysage sur les ravageurs et leurs
auxiliaires. Cet
impact a longtemps été sous-estimé. Les zones non cultivées (bois,
prairies, haies, talus) constituent
des habitats pérennes qui peuvent
héberger une entomofaune beaucoup plus diversifiée que les
milieux cultivés, fréquemment
perturbés par l’Homme et caractérisés par une monoculture, très
favorable aux ravageurs, capables
de se multiplier rapidement sur
une seule plante (pucerons par
exemple). Les mécanismes mis en
jeu sont très complexes : les caractéristiques
du
milieu
(fragmentation de l’habitat, effet
de corridor ou de barrière des
haies, pratique des producteurs)
GRAB
● Emilie Lascaux (KOPPERT) a ensuite fait le point
sur les stratégies de
lutte biologique.
Celle-ci doit être
mise en place dans
les conditions optimales : « un plant
sain dans une serre
propre », et débutée dès que possible. Contre les pucerons, les lâchers
sont réalisés en préventif avec des
micro-hyménoptères parasitoïdes
(comme Aphidius, Aphelinus…) car
ceux-ci sont relativement lents à
s’installer, surtout dans les conditions fraîches des débuts de culture.
Leur capacité de prospection leur
permet de parasiter des pucerons
encore assez isolés. Les parasitoïdes
étant spécifiques d’une espèce particulière de puceron, l’efficacité du
lâcher dépend donc en grande partie de la bonne reconnaissance de
l’espèce de puceron par le producteur. Quand les pucerons se sont
établis, des prédateurs (Aphidoletes,
Chrysopes…) peuvent être utilisés.
Les prédateurs préfèrent en effet les
foyers pour pondre leurs œufs, leurs
larves (prédatrices) disposant alors
de quantités de proies importantes
pour assurer leur développement.
Les prédateurs sont généralistes : ils
présentent donc un intérêt fort pour
des cultures qui abritent potentiellement de nombreuses espèces de
pucerons, comme la fraise.
GRAB
GRAB
ou les extraits de plantes ne sont
pas utilisables : profil toxicologique
défavorable, données insuffisantes
concernant leur efficacité, coût
rédhibitoire du dossier d’homologation…
Modification du système
de production
● Pour finir, Bruno Jaloux
(AGROCAMPUS-OUEST
Centre d’Angers) a
clôturé la matinée
avec un exposé
portant sur l’intérêt des cultures
associées pour limiter les attaques
de pucerons. Ces plantes (récoltées
ou non) peuvent agir de plusieurs
façons :
• Elles perturbent les pucerons
ailés qui colonisent la culture, par
leur couleur et leur odeur.
• Elles peuvent être toxiques ou
répulsives pour le ravageur et ainsi
diminuer ses populations à proximité de la culture (ex : des choux
entourés de moutarde noire ou de
tomate sont moins attaqués par
le puceron cendré).
• Elles peuvent favoriser les auxiliaires en fournissant des proies de
substitution (non problématiques
sur la culture) ou des ressources
alimentaires complémentaires (les
bandes florales procurent du nectar nourrissant les adultes de
syrphes par exemple).
• Elles peuvent concurrencer la
plante cultivée, entraînant une réduction de croissance et de qualité
nutritionnelle, ce qui diminue l’appétence pour les pucerons.