les marées vertes en Bretagne
Transcription
les marées vertes en Bretagne
Note de veille scientifique : Les marées vertes en Bretagne. Maury J. Les algues vertes Les algues vertes sont des algues chlorophycées, macrophytes (de grande taille) et nitrophiles (besoin d’azote). En Bretagne, les marées dites « vertes » sont dues à la prolifération d’algues vertes du genre Ulva (figure 1), connues sous le nom de laitue de mer ; ce sont essentiellement les espèces Ulva rotundata (uniquement en Bretagne-sud) et Ulva armoricana, récemment décrite par Dion et al., 1998 (toute la Bretagne, Merceron, 1999). Contrairement aux autres algues, elles ont la capacité d’extraire du milieu et de stoker des réserves importantes d’azote, leur permettant de se développer même lorsque les apports sont irréguliers ou insuffisants, de s’adapter à des éclairements d’intensité variable et de supporter des températures basses (Zdanevitch et al., 2010). Les événements de 2008 et 2009, comme la mort d’un chien, celle d’un cheval, le malaise de son cavalier et la forte médiatisation qui s’en est suivie n’ont fait que remettre au premier plan ce phénomène connu depuis plusieurs décennies, mais qui peut avoir des conséquences sanitaires importantes. Sur la base des suivis réalisés par Ifremer et le Centre d’Etude et de Valorisation des Algues (CEVA), 109 sites d’échouage d’algues vertes ont été identifiés en Bretagne (CESER de Bretagne, 2011). Figure 1 : Illustration des différentes morphologies du genre Ulva (CEVA). Les marées vertes et leurs conséquences Il s'agit d'algues vertes qui, en période printanière et estivale, s'accumulent sur l'estran en quantité très importante, sur des épaisseurs allant jusqu'à plusieurs décimètres. La formation d’une marée verte nécessite que trois conditions soient réunies simultanément : 1/ des flux d’azote importants, 2/ une zone marine étendue de faible profondeur et 3/ un confinement hydrodynamique des eaux côtières. Deux des principaux éléments nutritifs sont l’azote et le phosphore. Lorsque les éléments nutritifs sont peu abondants dans le milieu, la production primaire est limitée et contrôlée par l’élément le moins abondant. Si la teneur en éléments nutritifs augmente, la production primaire augmente jusqu’à un niveau maximal qu’elle ne dépasse plus (Source internet : CEVA, 2011). L’azote joue un rôle limitant dans la prolifération des Ulves (Ménesguen, 2003). C’est sous forme de nitrates que se font les apports azotés ; ils sont issus du lessivage des terres agricoles, domestiques, piscicoles et industrielles (Piriou et al., 1993) Dans les nombreux sites touristiques qu'elles affectent, elles font l'objet de ramassages intensifs (figure 2) ; lors de la saison, cette biomasse algale, parfois énorme, finit par se décomposer et/ou se disperser en grande partie à la fin de l’été. Figure 2 : Ramassage des algues vertes en Bretagne, 2010 (CEVA) Les conséquences écologiques des proliférations d’Ulves ont été peu étudiées en France. Les échouages sur l’estran constituent un stock d’azote et de phosphore sous forme organique ; il est ainsi libéré progressivement dans l’eau où il sera utilisé plus ou moins rapidement par une nouvelle production végétale (phytoplancton ou macrophytes). Lorsque les échouages se font sur le haut des plages, la faune endogène sous-jacente est privée d’oxygène à cause de la décomposition ; elle est en plus irriguée par le jus de fermentation, ce qui lui est néfaste (Merceron, 1999). Pour les populations immergées elles procurent un camouflage, ce qui peut faire diminuer le taux de prédation des jeunes crabes par les poissons (Wilson et al, 1990). D’autre part les ulves sont une nourriture très appréciée par les crustacés brouteurs de petites tailles. Les algues « fraiches » ne sont pas directement dangereuses pour l’homme et les animaux ; par contre, si elles ne sont pas ramassées rapidement ou reprises par la marée, les amas en putréfaction peuvent localement dégager de l’ammoniac (NH3) et surtout de l’hydrogène sulfuré (H2S). Ce dernier est un gaz toxique, à l’odeur caractéristique d’œuf pourri, provoquant des nuisances olfactives et dans le pire des cas la mort quand la concentration est très élevée (Novince et al., 2011). Ces dernières années, l’impact de la prolifération des algues vertes sur la santé humaine et le tourisme a été fortement médiatisé. Outre le coût du ramassage (Figure 3 et 4), la prolifération des algues sur les plages provoque une véritable gêne et l’impossibilité d’y pratiquer la plupart des loisirs habituels : baignades, pêche, jeux de plage… du fait de leur odeur fétide. Les activités primaires sont également concernées. Les bassins conchylicoles sont souvent touchés par les marées vertes ; le plaquage des Ulves sur les mollusques diminue le renouvellement de l’eau et l’apport de nourriture au cheptel, voire même étouffe les coquillages (Merceron, 1999 ; CESER de Bretagne, 2011). Figure 3 : Chantier de ramassage en baie de la Fresnaye - mai 2009 (CEVA) Figure 4 : Chantier de ramassage en baie de Lannion - juin 2010 (CEVA) L’UE menace de poursuivre la France sur la question des algues : En France, l’été dernier, des dizaines de sangliers ont été retrouvés morts à cause de ces algues. Certaines plages françaises ont été fermées en août 2011 pour des raisons sanitaires liées à la prolifération des algues vertes. En octobre dernier la Commission a demandé par deux fois à la France de prendre des mesures plus strictes pour lutter contre la pollution de l’eau (propagation des effluents d’élevage et des fertilisants riches en azote) causée par les nitrates et d’identifier toutes les zones sensibles. En même temps la ministre de l’écologie a publié un décret (n°2011-1257, 2011) révisant le programme d’actions à mettre en œuvre pour protéger les eaux de cette pollution. Mais plusieurs organisations de défense de l’environnement ont critiqué ce décret qu’ils jugent peu efficace ; pour eux il n’a fait que relever les plafonds pour la propagation des nitrates dans les fermes. Pour la Commission, les marées vertes de 2011 en Bretagne ont atteint une magnitude sans précédents. C’est pour cela qu’elle a demandé «une évaluation actualisée de l’ensemble des mesures réglementaires, administratives et financières, prises pour lutter contre les algues vertes» ; elle a joint à cette demande une annexe de dix pages de questions. La France lui a donné sa réponse le 23 octobre 2011; la réponse officielle de la Commission est attendue en fin d’année 2011. (Source internet : Euractiv, 2011 ; Lettre de la Commission 17/07/2011). Programme de lutte contre les algues vertes Le Centre de valorisation des algues participe à un programme en faveur de l’action régionale et interdépartementale pour la maîtrise des phénomènes de marées vertes 2007-2013. CEVA intervient dans quatre thèmes : 1/ l’expertise et le conseil, 2/ le suivi et l’évaluation des proliférations d’ulves, 3/ la modélisation de l’origine des flux et de leur impact sur la croissance des algues, 4/ l’amélioration des connaissances sur l’origine, le fonctionnement et les moyens de lutte contre les marées vertes. Un plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes 20102015 a été mis en place en vue d’améliorer la gestion des algues et d’en prévenir la prolifération. Ce plan comprend trois volets : 1/ l’amélioration des connaissances et la gestion des risques, 2/ l’amélioration du ramassage et du développement des capacités de traitement des algues échouées, 3/ les actions à mettre en œuvre pour limiter les flux d’azote vers les côtes (Source internet : CEVA, 2011) Références -CESER de Bretagne, 2011. Les marées vertes en Bretagne : pour un diagnostic partagé, garant d’une action efficace. Rapports du CESER, p.32. -CEVA, 2007. Prolittoral : programme régional et interdépartemental de lutte contre les marées vertes en Bretagne. Année 2006. Rapport CEVA, p.57. -Dion P., Reviers B., Coast G., 1998. Ulva armoricana sp. Nov.(Ulvales, Chlorophyta) from the coasts of Brittany (France). I. Morphological identification. Eur. J. Phycol., 33, 73-80. -Ménesguen A., 2003. Les marées vertes en Bretagne, la responsabilité du nitrate. Document IFREMER, p12. -Merceron M.,1999. Marées vertes en Bretagne : état actuel des connaissances. Colloque "Pollutions diffuses : du bassin versant au littoral ». Ploufragan, 23-24 septembre 1999. -Novince E., Baert A., Robert C., Piriou J-Y., Ballu S., 2011. Les risques et nuisances causées par les marées vertes. www.bretagne-environnement.org, (consulté 14/11/11). . -Piriou J.-Y., Merot P., Jégou A.-M., Garreau P., Yoni C., Watremez P., Urvois M., Hallegouet B., Aurousseau P., Monbet Y., Cann C., 1993. Cartographie des zones sensibles à l'eutrophisation, cas des côtes bretonnes. Rapport de synthèse. , Rapport IFREMER, p.78. -Wilson K.A., Able K.W., Heck K.L.J., 1990. Predation rates on juvenile blue crabs in estuarine nursery habitats: evidence for the importance of macroalgae (Ulva lactuca). Marine Ecology Progress Series, 58, 243-251. -Zdanevitch I., Adam K., Clincke A-S., 2010. Algues Vertes : Description des phénomènes et procédés et enjeux de maîtrise des risques. Rapport d’étude 11/06/2010, N° DRC-10-113094-05297A, p.116. Site internet consulté le 16/11/11 -CEVA : http://www.ceva.fr -Euractiv : http://www.euractiv.com