Syndicat Pénitentiaire des Surveillant(e)s

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Syndicat Pénitentiaire des Surveillant(e)s
Syndicat Pénitentiaire des Surveillant(e)s
DISP de LILLE
Tél portable : 06.09.92.67.32
Bureau SPS : 02.32.63.34.76
Mail : [email protected]
Lettre d’un Surveillant à sa mère
C
hère Maman,
J’ai quitté l’école de surveillants pénitentiaires depuis plusieurs
maintenant. Comme on le dit entre nous, nous portons plusieurs casquettes.
mois
Nous avons donc reçu une multitude de formations, toutes sommaires (tir,
self-défense, feux de cellules...).
On nous demande de jongler entre autorité et réinsertion, faire respecter le
règlement et éviter le conflit avec les détenus, on nous demande de ne pas porter
de jugement, de s’adapter à eux et de répondre aux agressions physiques que l'on
subit par la « force strictement nécessaire ». Sacré programme !
J’ai changé de travail, changé de région, changé de vie, je suis loin de toi mais
il le fallait vis-à-vis de ma situation, tu le sais bien Maman !
Je suis désormais Fonctionnaire. On nous a même dit à l’école que nous étions
la 3ème force de sécurité publique, et qu’il fallait en être fier !
Oui, j’étais fier de ce changement de vie, fier de porter l’uniforme, en pensant
à Papa, qui en portait un lui aussi.
Mais aujourd’hui, je ne le suis plus vraiment…
Tout est si confus en moi et si clair en même temps !
Il y a une semaine, ma collègue a été agressée par un détenu. Juste pour avoir
fait son travail, parce qu’elle devait fouiller la cellule de ce dernier.
Elle est actuellement en convalescence, son jolie visage est abîmé, son moral bien
plus encore !
Elle n’a pas eu de soutien de la part de notre Administration, elle a même appris
hier, qu’on allait lui retirer des Congés Annuels à cause de son absence pour
Accident de Travail.
Il faut que je t’avoue quelque chose aussi. Bien que j’ai souhaité ce changement
de vie parce qu'il était aussi nécessaire, mes amis, ma famille si chère à mon cœur,
ma région, je ne les retrouverai pas tout de suite... Je ne pourrai pas être à tes côtés
pour t’aider ni te soutenir Maman., J’ai compris qu’il me faudrait entre 10 et
15 ans avant de pouvoir prétendre à une mutation chez nous…
Je suis désabusé, démoralisé à cette idée…
Tu dois certainement te réjouir en pensant que mon salaire de fonctionnaire est
satisfaisant... Hélas, ce n’est pas le cas non plus.
Pour chaque nuit effectuée, soit plus de 11h de travail de nuit, nous touchons 17
euros de plus pour :
- passer la nuit en prison, de 18h45 ou 19h45 la veille jusqu’au lendemain matin 7h.
- gérer des détenus qui s’entaillent les bras pour avoir du tabac.
- gérer des détenus qui nous insultent et nous menacent.
- gérer des détenus qui se bagarrent en cellule.
- conduire très souvent les détenus à l'hôpital pour le moindre petit bobo avec pour
seule arme notre sifflet pour nous défendre.
En sortant de nuit, nous devons également prier toute la matinée que personne
nous appelle à cause d’un détenu qui se serait suicidé lors de la nuit.
Et prier pour ne pas passer notre descente de nuit au poste de police à tenter
d’expliquer notre boulot et le peu de moyens que nous avons.
Je t’épargne les détails mais l’Administration estime que nous ne méritons pas
plus, et encore moins un véritable 13ème mois !
Ce qui me fait « sourire », c’est que mon Administration
du nombre de démissions dans la profession. Mais si ce n’était que ça…
s’étonne
Mon collègue, un ancien, a perdu deux de ses collègues qui se sont suicidés.
Je peux te dire qu’il attend la retraite avec impatience et qu’il est dégoutté par
le changement de politique pénitentiaire qui fait que les surveillants ont perdu
toute autorité, tout repère, toute motivation.
Il m’a expliqué que le taux de suicide était 31% plus important dans notre métier
et que nous perdions chaque année entre 10 et 15 collègues.
Souvent, l’Administration évoque des problèmes personnels pour se dédouaner de
ses drames… Oui Maman, une belle hypocrisie !
Mais tant que mon Administration fermera les yeux, tant que les Gardes
des Sceaux qui se succèdent penseront d’avantage au bien être des détenus qu’aux
conditions d'exercice des missions des surveillants, rien ne changera.
La prison change, changez-là avec nous, qu’ils disaient…Tu parles !!
Cette lettre n’est pas réjouissante je sais. Je pense que je vais passer un autre
concours Maman. La fierté et la reconnaissance que j’espérais, je ne les aurais
jamais ici !
Alors tant pis, je ne porterais peut-être plus l’uniforme, mais je serais plus
heureux et plus rapidement près de toi et notre famille !
Je ne rentrerai pas ce week-end car j’ai été rappelé par le service des agents,
je profiterai de mes repos lundi ou mardi...
Je ne verrai pas grand monde du coup, mais je te verrai toi !
Je t’embrasse,
Ton fils.
Val de Reuil, le 08/02/2016
Bihan Nicolas,
Délégué Régional SPS

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