Robotisation du champ de bataille

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Robotisation du champ de bataille
Robotisation du champ de bataille
Problématique pour le pôle « Action globale et forces terrestres »
Version 05 – 24 juin 2009
Didier DANET et Jean-¨Paul HANON
Le programme de recherche sur la robotisation du champ de bataille est placé sous la direction
scientifique du pôle « Action globale et forces terrestres » qui en assurera le pilotage.
La présence croissante de robots dotés d’une certaine autonomie de décision représente, à
l’évidence, une mutation profonde de la conflictualité susceptible de conduire à des changements de
nature dans l’emploi des forces terrestres. En première approche, la robotisation du champ de bataille
est le processus par lequel des robots ou des systèmes de robots dotés d’un degré d’autonomie
variable et mis en œuvre par les forces terrestres se trouvent intégrés dans le cadre de leur action
globale. Ce processus, dans lequel l’armée des Etats-Unis
est aujourd’hui largement engagée,
modifie substantiellement l’ensemble des dimensions de l’action terrestre et, au-delà des seuls
théâtres d’opérations, l’articulation des acteurs politiques, militaires et industriels ainsi que les
conditions de mise en œuvre de la coercition.
.Le présent document entend situer la question de la robotisation dans le programme général de
recherche du pôle, mettre en œuvre son exploration interdisciplinaire et conduire à la création d’un
centre d’expertise sur les questions de robotisation du champ de bataille.
Ce document a vocation à être complété et amendé avant sa parution définitive de sorte que chacun
puisse trouver sa place dans ce qui est appelé à devenir un domaine de recherche prioritaire de notre
pôle.
1
PREMIERE PARTIE. PROBLEMATIQUE
1 - Problématique générale
L’expérience des conflits afghan et irakien a définitivement mis en lumière l’échec
des interventions extérieures qui ne sont pas fondées sur la primauté du politique et
dans lesquelles les opérations militaires trouvent en elles-mêmes leur propre fin. En
Afghanistan comme en Irak, la supériorité manifeste des forces armées occidentales
leur a procuré une victoire rapide sur le terrain mais, a tout aussi sûrement été suivie
de leur enlisement dans des combats asymétriques longs et coûteux. Il en est résulté
l’impossibilité de parvenir à l’objectif initial, c'est-à-dire la reconstruction politique,
sociale et économique d’Etats en crise car cette reconstruction est conditionnée par
l’adhésion des populations au projet porté par la coalition étrangère.1
Pour autant, bien que cet enseignement soit désormais très largement partagé,
l’ensemble des conséquences n’en a pas encore été tiré. Certes, les Etats-Unis ont
été capables de mettre en œuvre une révision majeure de leur doctrine en faisant de
la contre-insurrection et de la conquête des cœurs et des esprits le nouveau leitmotiv
de leur intervention.2
Cependant, les réformes entreprises n’atténuent que très partiellement le processus
de désengagement de l’Etat, processus entamé par le recours croissant à des
acteurs qui ne sont pas directement soumis au pouvoir politique. On songe ici en
particulier aux sociétés militaires et de sécurité privées dont l’intervention remet en
cause la nécessaire adhésion des populations.3
Ce processus pourrait se poursuivre avec l’augmentation rapide du nombre des
robots utilisés sur le champ de bataille soit à des fins de soutien des combattants soit
dans des opérations à haut risque où ils peuvent user de la force de manière
autonome ou semi-autonome. Dès aujourd’hui, mais plus encore dans les années à
venir, la dépendance à l’égard des robots et des systèmes de robots qui seront
1
Centre de Doctrine et d'Emploi des Forces, Gagner la bataille. Conduire à la paix., Ministère de la Défense Armée de Terre., FT-01, 2007
2
D. H. Petraeus et James N Mattis , Counterinsurgency, Department of the Army., FM 3-24 (Juin : 2006)
3
Christian Olsson, “Vrai procès et faux débats: perspectives critiques sur les argumentaires de légitimation des
entreprises de coercition para-privées,” Cultures & Conflits 52, no. 4 (2003): 11-48
2
présents sur les théâtres d’opération s’accroîtra de manière significative. Les
autorités politiques déchargeront les forces armées de certaines missions ou de
certaines tâches pour les confier à des machines dotées d’un degré d’autonomie et
de décision variables et capables de comportements autonomes à partir de scénarii
prédéfinis. A cet égard, l’Irak et l’Afghanistan semblent déjà être devenus le champ
privilégié de l’expérimentation des robots militaires dans le domaine aérien et
terrestre.4 Or, s’il s’agit de réaffirmer la primauté du politique, de convaincre les
populations et de « gagner les cœurs et les esprits », l’emploi de robots soulève un
ensemble d’interrogations qui ne tiennent pas seulement à des considérations
techniques ou opérationnelles (même si ces dernières sont d’une importance
manifeste) mais surtout à la continuité du commandement, au lien social à établir
avec la population et aux nouveaux types de responsabilité qui en découleront.
Les considérations techniques ou opérationnelles, au-delà de la tactique et de
l’emploi des forces, posent deux types de problèmes : celui du caractère décisif de
ce qui est souvent considéré comme une nouvelle rupture technologique et, dans le
cas particulier de la robotisation, celui du lien à établir entre les acteurs industriels,
militaires et politiques. Il pourrait en résulter des changements essentiels
(opérationnels, économiques, politiques, culturels, sociaux…) dans la nature et la
manière de faire la guerre ou dans le mode d’application de la coercition à des fins
politiques.
Plus précisément, on tentera dans un premier temps, de définir et de caractériser les
enjeux de la robotisation du champ de bataille pour l’action globale des forces
terrestres. Quel est le sens et la portée des changements qui se dessinent ?
Introduisent-ils une véritable rupture dans la continuité des techniques et de la
pensée militaire, tactique et stratégique ? Sont-ils plus simplement une étape dans
une suite de perfectionnements techniques dont ils ne changement pas
fondamentalement l’équation générale et les applications ?
On s’attachera ensuite à l’exploration des relations homme / robot qui sont
susceptibles de se construire sur le champ de bataille. Dans la mesure où il est doté
d’une autonomie significative, le robot est un acteur nouveau qui a vocation à
interagir avec toutes les parties prenantes du théâtre des opérations : autres robots
4
P. W Singer, Wired for War: The Robotics Revolution and Conflict in the Twenty-First Century (New York:
Penguin Press, 2009) L’auteur estime que plusieurs milliers de robots sont actuellement utilisés en Irak où ils
constitueraient la « troisième force » mobilisée après les forces régulières américaines et les sociétés privées.
3
avec lesquels il est susceptible de constituer un système d’armes, combattants
humains qui le mettent en œuvre ou servent dans son environnement, populations
dont il s’agit d’emporter l’adhésion, ennemis contre lesquels les robots sont déployés.
C’est ici la question du degré d’autonomie et la relation entre l’homme et le robot qui
apparaît cruciale.
Une fois les enjeux tracés et les modes possibles d’interfaçage homme / robot
explorés, il conviendra d’en dégager les implications possibles en matière de
rapports de puissance. Dans la mesure où il semble appelé à modifier assez
profondément la configuration du champ de bataille et les conditions d’emploi de la
force, le processus de robotisation est susceptible de modifier en profondeur le
système des relations internationales s’agissant de thèmes aussi importants que
ceux de la dépolitisation des conflits, de leur neutralisation, de la place des systèmes
de robots dans le champ de la coercition (politique).
Ce sont ces différents axes d’effort que le programme de recherche se donne pour
ambition de parcourir.
4
2. Axes de recherche
La mutation en cours soulève un ensemble de questions qui touchent :

à la définition et à l’évaluation de la rupture technologique que représente la
robotisation du champ de bataille ;

à la relation des robots avec les individus et groupes sociaux acteurs des
conflits ;

et aux modifications des rapports de puissance qui pourraient influer sur le
système actuel des relations internationales.
2.1 Définition, état de l’art et enjeux de la robotisation du champ de
bataille.
Définition
Le terme de « robots » est susceptible de recouvrir un ensemble de machines ou de
systèmes de machines très divers par leurs capacités, leurs fonctions, leur degré
d’autonomie. Le champ de la réflexion est donc largement ouvert mais la recherche
pâtit du fait qu’il n’existe pas de définition conventionnelle des robots. Chaque étude
est ainsi amenée à produire son propre cadre conceptuel. De manière générale, un
robot militaire est le plus souvent défini comme un système :

possédant des capacités de perception, de communication, de décision et
d’action,

supervisé par des combattants humains ou agissant de manière autonome en
fonction de règles comportementales prédéfinies ;

capable
d’améliorer
ses
propres
performances
par
apprentissage
automatique.
Un centre universitaire américain5 a récemment proposé la définition suivante : « A
powered machine that (1) senses, (2) thinks (in a deliberative, non-mechanical
sense), and (3) acts. » Un document français6 propose de définir le robot comme
« un équipement complexe, éventuellement armé, apte en premier lieu à l’autonomie
décisionnelle, ensuite au retour à son point de départ, avec l’aide éventuelle de
5
6
Préciser la référence
idem
5
l’homme ». Toutes ces définitions, dont les plus complexes sont sans doute les
moins utilisables, comportent un point commun qui est le véritable critère distinctif du
robot par rapport à d’autres machines, à savoir le degré d’autonomie vis-à-vis de
l’humain.
Par ailleurs, il n’existe pas non plus de typologie universellement acceptée et
l’analyse de
nature
la bibliographie met en évidence une pluralité de classifications de
différente :
classifications
techniques
(par
poids
des
plates-formes
robotiques), fonctionnelles, ou opérationnelles (par missions ou tâches des robots).
Au-delà de la définition du robot, toute caractérisation doit insister sur deux des
dimensions fondamentales de la robotisation du champ de bataille : son caractère
systémique (les robots n’agissent pas seul mais en groupes) et le degré d’autonomie
des systèmes de robots.
Etat de l’art
De la même manière que les armes létales ont donné lieu à une classification des
technologies et des armements, un état de l’art en matière de robotisation du champ
de bataille devrait procéder à un effort de recensement et de catégorisation.
L’objectif de ce recensement serait d’analyser les technologies en termes d’emploi
potentiel et de mieux percevoir la notion de systèmes de robots. Il s’agirait ensuite, à
partir des leçons tirées des zones de conflit que constituent l’Afghanistan et l’Irak, de
recenser les robots et les systèmes à l’œuvre ainsi que les enseignements tirés de
leur emploi en termes d’efficacité et de doctrine. Le questionnement pourrait alors
s’établir de la manière suivante : Comment définir la notion de « robots » et de
« systèmes de robots » ? Quelles en sont les applications actuelles et potentielles ?
Quelles sont les fonctions remplies par les robots et les systèmes de robots ? Quels
sont les développements prévisibles à moyen terme ? Quelle est la réalité du
processus de robotisation sur des théâtres comme l’Irak ou l’Afghanistan ? Quels
sont, au total, les enjeux opérationnels, stratégiques, géo-politiques… de ce
processus de robotisation du champ de bataille ?
Au vu du recensement ainsi dressé, il conviendrait d’évaluer le degré de rupture
introduit par l’emploi effectif de robots et de systèmes de robots sur le champ de
bataille. Les robots sont-ils de nouveaux combattants, complémentaires ou
substituables des forces armées traditionnelles, ou offrent-ils seulement de nouvelles
6
capacités à des acteurs inchangés ? La robotisation du champ de bataille pose-t-elle
la question « Qui fait la guerre ? » ou seulement « Comment faire la guerre ? » Ne
fait-elle qu’amplifier des capacités existantes ou en crée-t-elle de nouvelles dont les
usages restent à définir ? Si le robot est bien l’ « arme supérieure » évoquée par le
capitaine Mérat7 dans un article précurseur, c’est autour d’elle que se regrouperont
un jour les autres armes, moyennant un renouvellement de la structure des forces et
des schémas tactiques qui conduiront à un nouvel ensemble de convictions et de
pratiques dont la théorisation s’imposera
Analysant les conséquences militaires de la Deuxième Guerre mondiale, Pierre
Gallois, en 1945, constatait à propos de la logique technologique qui avait été à
l’œuvre au cours de la Seconde guerre mondiale, la vérification de deux quasi-lois de
l’Histoire militaire : la loi des « armes révolutionnaires » et la « loi des formations »8.
La première énonce que les armes révolutionnaires sont trop nouvelles et encore
immatures pour bouleverser le conflit en cours et en renverser l’issue mais qu’elles
ont le potentiel suffisant pour transformer radicalement les conflits futurs. Selon la
seconde loi, l’arme révolutionnaire ne prend sa véritable dimension qu’au sein d’un
système plus complexe, système hommes-machines dans le cas de la robotisation.
Cette mise en perspective historique doit permettre de situer la robotisation dans la
longue suite des innovations technologiques afin de déterminer si elle s’inscrit dans
la continuité des progrès techniques antérieurs ou si elle instaure une véritable
rupture dans la conception et la conduite des opérations militaires.
Sans prendre parti, a priori, sur la nature du changement que constitue la
robotisation du champ de bataille et dans l’attente d’une évaluation plus fine de sa
portée véritable, elle apparaît comme une innovation suffisamment significative pour
que son appréhension se garde de deux écueils opposés : la sous-estimation de la
portée révolutionnaire du phénomène robotique d’une part, la tentation de voir dans
le robot la solution technologique ultime. Face à ces deux écueils, une interrogation
sur la définition des robots et systèmes de robots ne peut pas se priver d’une
réflexion
sur
la
production
de
science
fiction,
cinématographique, dans la mesure où elle permet :
7
8
L Mérat, Extrapolations, Revue Militaire Générale, mars 1920
A compléter
7
qu’elle
soit
littéraire
ou

une représentation, un imaginaire de la destruction automatisée que l’œuvre
de H-G Wells9, dès la fin du dix-neuvième siècle, a dépeint s’agissant, par
exemple, de l’extraordinaire nouveauté que constituait alors le bombardement
aérien des villes ;

une appréhension cognitive et presque sensorielle de ce que pourrait être le
ressenti tel qu’il pourrait être vécu par un robot, sachant qu’il semble peu
crédible de penser une intelligence comme le seul résultat d’une construction
logicielle10 ;

un questionnement sur la crédibilité et la validité de tout système de robots
dans la mesure où la science fiction nous oblige à considérer le chemin à
parcourir entre la réalité d’aujourd’hui et l’état fictionnel futur et les étapes qui
y mèneraient.
2.2 Populations, robots et combattants
Les progrès de la technologie permettent d’envisager de multiples applications pour
les robots militaires : reconnaissance, déminage, observation et surveillance, secours
médicaux, acquisition et destruction de cibles…11 Les seules limites apparentes à la
robotisation semblent tenir à l’imagination de leurs concepteurs et aux priorités que
se donnent les responsables des choix militaires ou industriels. Néanmoins,
envisager la robotisation du champ de bataille sous le seul critère de la faisabilité
technique et des capacités de production reviendrait à négliger, voire à ignorer,
l’interface homme machine dans ce qu’elle a de plus subtil et de plus problématique.
Trois facteurs paraissent alors essentiels : le degré d’autonomie des robots dans les
phases de combat, l’impact de la robotisation sur la population et le rapport à
l’ennemi.
Degré d’autonomie des robots dans les phases de combat
Comme cela a été souligné précédemment, toute définition d’un robot ou d’un
système de robots pose la question générale de son degré d’autonomie vis-à-vis du
combattant et de son intégration dans un dispositif humain :
9
A compléter
On notera sur ce thème l’extraordinaire success du film « Blade Runner » qui repose justement sur ce ressenti
par un humanoïde.
11
Office of the Secretary of Defense, Unmanned Systems Roadmap (2007 - 2032), 2007.
10
8

Définir le degré d’autonomie concédé aux robots : la robotisation du champ de
bataille passe par une scénarisation poussée des situations de combat et par
la définition de comportements standardisés, adaptés à l’action à conduire et
respectueux du droit des conflits armés et de l’éthique militaire. Il en résulte
que le comportement du robot doit être déterminé par un ensemble de règles
comportementales qu’il convient de formuler : dès lors se pose la question de
savoir qui est responsable de la formulation de ces règles, de l’architecture
des processus de décision, de la marge d’autonomie concédée au robot (de
l’intelligence
artificielle
para-humaine
à l’intelligence
artificielle
hyper-
12
humaine )… Cette dernière va-t-elle jusqu’à lui permettre de tuer un ennemi
ou de détruire une cible sans l’intervention d’un échelon de décision humain ?
Un robot doit-il être programmé pour évaluer les ordres reçus et refuser
d’exécuter un ordre lorsqu’il est illégal ? Auprès de qui le robot doit-il rendre
compte de son action ? Qui peut décider d’interrompre l’action d’un robot ?

Combattre aux côtés des robots : la présence de robots commandés à
distance ou dotés d’une large autonomie de décision modifie sensiblement la
pratique du commandement et la formation de l’esprit de corps. Elle implique
presque inévitablement une modification de la manière de concevoir et de
conduire les opérations sur le terrain.
o Pratique du commandement : si l’on analyse la robotisation comme le
remplacement total ou partiel de l’individu par la machine, les unités
commandées évolueront dans le sens d’une moindre densité humaine,
à la fois en termes quantitatifs (ratio hommes / ensemble des forces) et
qualitatifs (prise en charge de missions complexes par des robots
hautement qualifiés). Le commandement s’exercera sur des systèmes
hommes/machines, voir, à moyen terme, sur des systèmes de
machines. La nature du commandement, les aptitudes nécessaires à
son exercice, voire une notion comme le « leadership » semblent
appelées à évoluer de manière sensible.
o Formation de l’esprit de corps : la robotisation devrait avoir pour
conséquence directe de mettre à distance, voire de désaccoupler les
combattants d’une même unité, mise à distance physique caractérisée
12
J. Storrs Hall, Beyond AI: Creating the Conscience of the Machine (Prometheus Books, 2007).
9
par
l’éloignement
entre
celui
qui
télécommande
(ou
dont
la
responsabilité est engagée) et mise à distance psychologique qui
soulève la question plus générale de la cohésion à obtenir entre
hommes et machines. Dans l’hypothèse d’unités fortement robotisées,
la présence de machines dotées d’une certaine autonomie de décision
est-elle sans conséquences sur les relations sociales au sein du groupe
ou risque-t-elle de susciter des modifications du comportement
collectif ?
o Modification des tactiques : le progrès technique permet de doter les
unités militaires de machines capables de les renseigner, de lutter
contre des engins explosifs, de les ravitailler, de leur apporter des
soins… Les possibilités ainsi ouvertes ne sont pas seulement de nature
à amplifier des capacités existantes et dont les conditions de mise en
œuvre demeureraient inchangées. Elles doivent donner lieu à
l’élaboration de nouveaux cadres d’emploi, de nouvelles formes
d’action tactique, de nouveaux modes opératoires.
o Robotisation et automatisation des séquences de combat : si l’on
envisage la robotisation comme la mise en œuvre de véritables
systèmes de robots, la mise au point de ces systèmes débouche
nécessairement sur la conception et la rédaction de scénarii complexes
correspondant à des séquences types de combat qui peuvent
éventuellement à leur tour s’intégrer dans un mode opératoire plus
vaste. Penser l’articulation homme machines, c’est en fait l’inscrire
dans des systèmes automatisés de plus grande échelle. Quelles
pourraient être alors ces séquences types de combat ? En fonction de
quel adversaire ? Doivent-elles être hiérarchisées ou enchaînées ?
Renouvellent-elles les questions de simulation et de jeu de guerre ?
Qui porte la responsabilité générale d’architectures logicielles de ce
type ? L’inscription de ces séquences dans des scénarii prédéfinis
conduit-elle à définir des profils d’adversaires et d’actions hostiles ?
Dans ce cas, l’utilisation de ce type de construction est inséparable de
la notion de prévention.13
13
Cette question fera l’objet d’un traitement particulier dans la 3° partie de la problématique
10
Impact de la robotisation sur les populations
La robotisation s’inscrit à rebours de l’idée centrale des doctrines actuelles de guerre
au sein des populations car l’on voit mal comment un emploi massif de robots
permettrait de créer le lien social indispensable à la conquête des « cœurs et des
esprits ». La robotisation du champ de bataille et, au-delà, de l’ensemble du théâtre
des opérations (renseignement, surveillance, soutien, destruction…) est susceptible
d’engendrer des réactions de méfiance, voire d’hostilité, de la part de la population.
L’absence de sentiments humains peut être considérée comme un avantage sur le
champ de bataille dans la mesure où elle fait disparaître le risque de comportements
déviants impulsés par la haine, la vengeance ou la peur. En revanche, elle constitue
un handicap majeur s’il s’agit de rapprocher forces armées et populations.
Robotisation et rapport à l’ennemi
Les forces armées occidentales n’auront pas le monopole des robots sur le champ
de bataille. On peut, en effet, penser que l’utilisation de technologies caractérisées
par des économies d’échelle et des gains de productivité permettra d’abaisser
rapidement le coût de production de ces robots. Il en découlera que de nombreux
acteurs (forces régulières ou non) pourront s’en doter et en avoir la maîtrise de
l’emploi. En outre, il n’est pas inenvisageable que des robots puissent faire l’objet
d’une capture et d’une reprogrammation par des spécialistes dont les compétences
semblent assez largement réparties sur la planète.14 Les forces occidentales doivent
donc se préparer à des formes de combat « hybrides » où l’ennemi sera lui aussi
capable de mettre en œuvre des systèmes de robots, peut-être moins sophistiqués
mais dont l’emploi peut correspondre à des schémas tactiques inusités.
L’usage de robots pour exécuter des missions à haut risque, augmenter la capacité
de destruction ou surveiller les populations répond, chez leurs utilisateurs
occidentaux, à une rationalité et à une logique de réduction des pertes qu’il n’est plus
nécessaire de démontrer. Or, cette rationalité ne doit pas faire oublier que, pour la
plupart des nations en guerre, Israël et les Etats-Unis en particulier, la priorité est la
14
Il n’est d’ailleurs pas indifférent de noter que les capacités en termes de logiciels et d’informatique se trouvent
aujourd’hui concentrées dans un certain nombre de pays dits émergents.
11
sauvegarde de la vie de leurs propres hommes, quel que soit le prix à payer pour
l’adversaire et éventuellement les populations civiles des zones de combat. En
d’autres termes, l’’ennemi qui doit combattre une armée robotisée n’a certainement
pas la même perception de la situation. Il y a donc de fortes chances qu’il soit
conforté dans le sentiment qu’il se bat contre des adversaires qui disposent une
nouvelle fois d’une suprématie technologique face à laquelle il sera nécessairement
défait. Si cette hypothèse se vérifiait, la robotisation du champ de bataille jouerait
alors comme un accélérateur du combat asymétrique sous ses formes les plus
extrêmes et inattendues ; elle pourrait dès lors conforter le caractère normal, justifié
et eficace de certains modes d’action que nous jugeons irréguliers (guérillas,
terrorisme, attentats suicide, attaques informatiques…)
2.3 Robots, rapports de puissance et système des relations
internationales
Il ressort des enjeux exposés précédemment une interrogation nécessaire sur les
modifications que va entraîner le phénomène de la robotisation à grande échelle sur
la mise en œuvre de la coercition dans le système des relations internationales.
Tenter de répondre à cette interrogation, c’est aborder les notions de dépolitisation
des conflits et de leur neutralisation, de modification des rapports de puissance
politique et économique pour déboucher sur une réflexion plus large qui concerne la
place relative de ces systèmes robotiques de toute nature dans le champ de la
coercition.
Dépolitisation des conflits
On appellera ici dépolitisation des conflits la volonté marquée des Etats, qui en ont la
capacité, d’euphémiser politiquement et juridiquement les conséquences politiques,
morales et médiatiques du conflit.
Si l’on considère qu’un robot est défini par son degré d’autonomie vis-à-vis de
l’humain et qu’il opère par ailleurs au sein d’un système qui, lui-même, prend place
dans des scénarii automatisés, il est possible d’affirmer que la robotisation induit
nécessairement une mise à distance de la chaîne hiérarchique traditionnelle jusqu’au
plus haut niveau. Les dommages collatéraux provoqués par les tirs automatisés des
drones en Afghanistan sont l’une des illustrations de cette euphémisation. Il s’avère
12
d’ailleurs que leur responsabilité morale et politique n’a jamais été revendiquée par
les Etats. Seule l’erreur technique a été mise en avant pour expliquer et justifier la
destruction de populations civiles.
Au-delà de cet aspect technique, il existe un réel intérêt et donc une réelle volonté
des Etats à déployer des robots sur le champ de bataille dans la mesure où ce
déploiement est synonyme d’une diminution des pertes humaines, en particulier dans
des pays comme les Etats-Unis ou Israël où la vie des militaires est surévaluée par
rapport à celle des citoyens ordinaires. L’Etat, comme pour le mercenariat, n’a pas à
supporter le poids moral, politique et économique de la disparition humaine.
Il n’en porte pas non plus la responsabilité juridique puisque l’ensemble des principes
et des règles internationales écrits et non écrits n’est jusqu’à présent pas applicable
dans des conflits armés internationaux mettant en présence des robots. Quel sera à
l’avenir l’impact de leur utilisation sur les concepts et les principes fondamentaux du
droit des conflits armés ? Les robots pourraient-ils se voir reconnaître une
personnalité juridique et être insérés dans un système juridique qui reconnaîtrait la
personnalité des objets décisionnels autonomes ?
Neutralisation des conflits
La robotisation du champ de bataille va offrir une nouvelle gamme d’options
stratégiques au déploiement de la puissance militaire. Ces options pourraient être
décisives en matière de prévention et de neutralisation des conflits. Le déploiement à
grande échelle de robots dans des zones potentiellement à risque permettrait de
disposer d’un système de vigilance et d’alerte qui pourrait conduire à neutraliser en
amont les conflits potentiels, ce que la communauté internationale avait les plus
grandes difficultés à réaliser jusqu’à présent.
Ce système de vigilance organisé
pourrait également permettre un suivi des accords de paix beaucoup plus efficace.
En résulterait-il pour autant une plus grande implication des organisations
internationales dans des situations conflictuelles de faible intensité ? Serait-il
possible de déployer plus rapidement et à moindre coût des dispositifs destinés à
contrôler les tensions dans une zone donnée ? Le monde serait-il plus sûr si la
prévention et le traitement des conflits reposaient sur des systèmes de robots plus
que sur les forces internationales que nous connaissons aujourd’hui ?
Enfin, le déploiement de ces robots contiendrait également une menace beaucoup
plus grande pour les perturbateurs du système international dans la mesure où ils
13
seraient soumis logiquement à des formes d’interdiction robotiques. Leurs frontières,
leurs espaces aériens et maritimes, voire certaines zones de leur territoire se
trouveraient investis par des « phalanges robotisées » matérialisant une menace
permanente complétant « l’inquisition spatiale » déjà à l’œuvre.15
Modification des rapports de puissance
La dimension technique et opérationnelle de l’autonomie pose la question plus
générale de savoir si les robots représentent une étape supplémentaire dans la
transformation de la guerre, comparable à la mutation mécanique des années trente
ou à celle plus récente de la Révolution dans les affaires militaires, ou bien si le
rapport entre l’homme et la technique n’est pas modifié plus profondément, de sorte
qu’on entrerait dans un nouvel âge de l’armement. En affectant l’outil militaire et les
conditions d’exercice de la puissance offensive et de la puissance défensive, les
évolutions techniques peuvent provoquer des modifications sensibles dans l’équilibre
des puissances, et une recomposition du panorama stratégique.
A cet égard, la robotisation ne manquera pas de remettre en cause le classement et
la typologie actuels des puissances militaires tels que l’illustre le tableau suivant.
15
On peut considérer que la création par les Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre d’une
double « smart boarder” (frontière électronique) préfigure cette automatisation de la surveillance dont on peut
également se demander si elle est réellement efficace puisqu’elle n’a jamais réussi à ralentir le flot de
l’immigration mexicaine vers le sud des Etats-Unis.
14
Typologie des forces armées futures
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Etats-Unis: :panoplie
panopliecomplète
complète
••Etats-Unis
Forcenucléaire
nucléairestratégique
stratégique(contre-forces
(contre-forces?)
?)++Ballistic
BallisticMissile
MissileDefense
Defense
••Force
Puissanteforce
forceexpéditionnaire
expéditionnairehigh-tech
high-tech++contre-insurrection
contre-insurrection
••Puissante
Posturede
dedomination
dominationEspace
Espace/ /cyberespace
cyberespace
••Posture
Mercenaires++troupes
troupesindigènes
indigènes
••Mercenaires
Puissancesmoyennes
moyennesoccidentales
occidentalesalliées
alliées
••Puissances
Petitesforces
forcesd’intervention
d’interventionhigh-tech
high-tech
••Petites
Suffisancenucléaire
nucléairepour
pourFrance
France/ /Grande-Bretagne
Grande-Bretagne
••Suffisance
Puissancesrévisionnistes
révisionnistes: :Chine,
Chine,Inde,
Inde,Russie
Russie
••Puissances
Suffisancenucléaire
nucléaire
••Suffisance
Moyensd’attaque
d’attaquespatiale
spatialeetetinformatique
informatique
••Moyens
3 avril 2009
Arméesterritoriales
territorialesimportantes
importantes(réserves,
(réserves,milices,
milices,gardes-frontières)
gardes-frontières)
••Armées
Petiteforce
forced’intervention
d’interventionhigh-tech
high-techy/c
y/chaute
hautemer
mer
••Petite
Etatsfaibles
faibles
••Etats
Combinaisonmutante
mutanteforces
forcesrégulières
régulières/ /irrégulières
irrégulières(Iran,
(Iran,Corée
Coréedu
duN.,
N.,Hezbollah)
Hezbollah)
••Combinaison
10
Nucléairedans
danscertains
certainscas
cas
••Nucléaire
Land
& Joint
Systems
Lutte
informatique
••Lutte
informatique
Source ?
Ce nouvel âge de l’armement sera également porteur d’une redistribution des
positions acquises dans le monde techno-industriel. D’une part, il modifiera les
relations entre les branches qui contribuent à la production des systèmes d’armes.
D’autre part, il entraînera une redistribution de la puissance économique entre les
pays traditionnellement dominants (Etats-Unis, Europe, Russie…) et les pays
émergents qui maîtrisent les technologies de l’automatisation, de la miniaturisation et
de l’informatique.
Au plan interne, la redistribution éventuelle du pouvoir entre les branches
industrielles qui contribuent à la production des systèmes d’armes soulève les
questions suivantes :

Peut-on appliquer aux robots terrestres la notion de « génération » telle qu’elle
est reconnue dans les industries de haute technologie, avec quels effets en
termes de capacités et de coûts et avec quel degré d’anticipation ?

Quelle est la réalité de la dualité supposée entre les techniques de la
robotique domestique et celles nécessaires à la robotique militaire ? La
production des robots militaires suivra-t-elle plutôt les lois économiques
applicables
aux
secteurs
civils
15
correspondants
(informatique,
télécommunications)
caractérisés
par
des
économies
d’échelle
très
importantes et une diminution rapide des coûts de production ou suivra-t-elle
les lois économiques de l’industrie d’armement ?

Le coût de création et de fonctionnement d’unités robotisées sera-t-il
nécessairement moindre que celui des unités actuelles du fait de la réduction
des pertes humaines découlant de l’attribution aux robots militaires de tâches
présentant un danger certain ? L’investissement nécessaire pour la
« formation des robots » (rédaction des scénarios d’emploi, écriture des
logiciels comportementaux, mise au point des systèmes de communications
au sein des systèmes robotiques et entre le robot et l’homme…) peut-il donner
lieu à un gain du fait de la réplication possible à faible coût des dispositifs
techniques et logiciels ?

Quelle gouvernance convient-il de mettre en place pour favoriser l’articulation
des
besoins
opérationnels,
des
choix
politiques
et
des
ambitions
industrielles ? Une structure comme celle de la DGA est-elle susceptible de
résoudre les problèmes posés par la relation complexe qui caractérisent
habituellement la production des systèmes d’armes ?

Comment favoriser l’éclosion d’entreprises nouvelles de robotique de défense
en France ? Quel rôle peuvent jouer les pôles de compétitivité dans le
développement des technologies robotiques fondamentales et dans la
constitution des réseaux techno-industriels nécessaires au développement de
la robotique militaire ?
Au plan externe, la robotisation du champ de bataille est-elle susceptible de modifier
substantiellement la hiérarchie des producteurs de systèmes d’armes ? On sait, par
exemple, que les Etats-Unis disposent d’une avance certaine en matière de
navigation en environnement ouvert, d’architecture robotique ou d’applications
robotiques militaires. En revanche, le Japon et la Corée dominent les questions de
mobilité, de robots humanoïdes, l’Europe étant pour sa part très présente dans la
mobilité en environnement structuré (réseaux urbains par exemple). Des pays
comme Israël ou l’Australie disposent également de forces spécifiques dans le
domaine. Ces pays sont, pour certains, déjà présents dans la production
traditionnelle d’armement ; d’autres sont appelés à y prendre une place qui remettre
en cause les situations acquises. Quelle est la carte actuelle du développement de
l’industrie robotique dans le monde ? Quels sont les acteurs et les stratégies
16
majeurs ? Quels sont les besoins et les budgets ? Quels sont les enjeux
géopolitiques ? Quelles sont les nouvelles alliances à mettre en place ?
Place des robots dans le système général de la coercition
Depuis les années 1980, on assiste à une réarticulation des principaux acteurs de la
coercition. Sous l’effet de la mondialisation des échanges, de l’indifférenciation entre
sécurité intérieure et sécurité extérieure, de l’émergence de doctrines centrées sur le
contrôle ou la protection des populations, on assiste dans les principaux pays
occidentaux à la diminution constante des forces armées et, concomitamment, à la
montée en puissance des forces de police et de sécurité privée. 16 A cet égard, la
diminution continue des effectifs militaires alors même que le succès des opérations
dans lesquelles ils sont engagés est de plus en plus relatif démontre que les Etats
sont à la recherche d’une autre équation de l’emploi général des forces. Cette
nouvelle équation qui voit l’émergence des systèmes de police et de renseignement,
l’apparition d’agences spécialisées dans le crime organisé ou le contrôle des trafics,
l’intervention des systèmes judiciaires qu’accompagnent de profondes modifications
du Droit, compte désormais un nouvel acteur : les robots. Il s’agit alors de
comprendre comment s’établit la place de ces derniers dans ce nouveau champ des
acteurs de la coercition.
Notre hypothèse de départ est que les systèmes de robots se placent à l’interface de
deux tendances majeures :

Celle qui met l’accent stratégiquement et politiquement sur les capacités de
prévention et de surveillance de masse des individus dans une société de plus
en plus fluide où le contrôle des populations passe par le contrôle du
mouvement sous toutes ses formes déclinées (marchandises, capitaux,
individus, information…) ;

Celle qui, au nom d’une prévention générale, fait de l’anticipation, de la
rapidité de réaction et du moindre coût de l’intervention dans toutes ses
dimensions, des facteurs qui privilégient les systèmes automatisés de recueil
et de traitement de l’information ainsi que la constitution de scénarii et de
profils automatisés.
16
La France peut être cite comme un exemple de cette tendance.
17
Les systèmes robotisés, parce qu’ils réunissent l’ensemble de ces critères (recueil et
traitement de l’information de toute nature (notamment policière et militaire),
autonomie, efficacité, désengagement des chaînes hiérarchiques, devraient à terme
constituer un acteur privilégié de cette nouvelle continuité qui restructure le champ de
la coercition en termes de répartition des rôles, de pratiques et d’impact sur les
sociétés concernées et sur le système des relations internationales tout entier.
C’est cette dimension qui fait de la robotisation et des systèmes robotisés un objet
d’étude qui dépasse de beaucoup le cadre de l’emploi opérationnel sur le champ de
bataille et lui donne sa véritable portée.
18
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