Microélectronique - École des Mines de Saint

Transcription

Microélectronique - École des Mines de Saint
RESSO RTS
N U
U M
M ÉÉ RR OO
1 1
• •
S A
E P
U TT EO MM B N R E E
22 00 00 3
ZOOM
Microélectronique
Où en est
le secteur ?
Les futures
applications
p.6
Pourquoi le CMP
Georges Charpak
p.9
sommaire
éditorial
trimestriel • numéro 1 • automne 2003
De formidables promesses
zoom
Microélectronique
Une brève histoire des puces
Testez vos connaissances
Performance : la course
infernale
2015, l’odysée de la
nanoélectronique
De plus en plus d’objets
“intelligents”
Comment fabrique-t-on
une puce ?
3
4
5
6
La microélectronique n’a pas
fini de nous étonner, ni de bouleverser notre vie. On ne saurait
douter que, quittant le point
bas du cycle où elle se trouve
encore, elle ne reprenne bientôt
sa formidable marche en avant.
Nouvelles applications, nouveaux procédés, nouvelles
L’Ecole Nationale Supérieure
des Mines de Saint-Étienne a
été choisie pour créer cet établissement, qui sera son cinquième centre de formation et
de recherche : le Centre
Microélectronique
de
Provence Georges Charpak. Il
sera implanté à Gardanne, au
cœur d’une région qui produit
37% de la microélectronique
française.
7
8
expertise
Le CMP Georges Charpak
en trois questions
Un éventail de filières
et de formations
Un démarrage accéléré
9
10
11
point de vue
Noël Communod
Emploi : “ Une vision à
Créer une nouvelle
espèce d’ingénieurs en
microélectronique :
polyvalents,
créatifs et
réactifs, capables
d’imaginer, dans des
domaines de plus en
plus variés, des
applications inédites.
3 ou 6 mois, pas plus ”
Robert Germinet
12
R E S S O R TS
Un e p u b l i c a t i o n d e
l ’ E c o l e Na t i o n a l e S u p é r i e u re
d e s M i n e s d e S a i n t- E t i e n n e
w w w. e m s e . f r
Directeur de la publication:
Ro b e r t G e r m i n e t
Conception, rédaction
et réalisation: ADH
w w w. a d h - p r e s s e . c o m
Ont collaboré à ce numéro :
Daniel Bois, Philippe Collot
Nu m é r o C P PA P : e n c o u r s
2
service des entreprises : des
ingénieurs polyvalents, créatifs
et réactifs, capables d’imaginer,
dans des domaines de plus en
plus variés, des applications
inédites. Ces ingénieurs seront
l’interface entre la microélectronique et les autres
secteurs de l’économie.
technologies : la microélectronique, toujours plus petite, toujours plus présente dans notre
vie quotidienne, reste l’un des
premiers vecteurs de la croissance économique mondiale.
Le ministère de l’Industrie l’a
bien compris, qui a décidé la
création d’un nouveau centre
de formation et de recherche.
Pour pallier un déficit en ingénieurs, mais aussi pour en
créer une espèce nouvelle au
Disposant d’une solide expérience en génie industriel, travaillant depuis toujours au plus
près des entreprises et de leurs
besoins, notre école était particulièrement qualifiée pour
cette mission. Elle l’est aussi
par son attachement aux
pédagogies innovantes,
indispensables à la formation
de ces nouveaux ingénieurs.
Comment pourrait-il en être
autrement dans ce secteur où
tout change et se périme si
vite ? Au-delà des connaissances scientifiques, ce qui leur
sera demandé, ce sont des
méthodes de travail leur permettant de naviguer dans des
savoirs et des technologies sans
cesse renouvelés, pour conduire des projets dans des situations complexes et incertaines.
Des formidables promesses de
la microélectronique comme
des efforts que l’Ecole déploie
à son service, le lecteur pourra
juger à travers ce journal, le
premier d’une série qui permettra, je l’espère, de renforcer
encore nos liens avec les
entreprises.
#1 • RESS ORTS • automne 2003
microélectronique z o o m
Une brève histoire des puces
Où en est la microélectronique ? Touché de plein fouet par le retournement de la conjoncture, le secteur n’en continue pas moins de progresser. Dans le secret des laboratoires de
recherche, il prépare même sa révolution technologique pour accroître encore ses performances alors que les procédés actuels atteignent leurs limites. En quoi consistent ces procédés, et où se situe le progrès ? Un coup d’œil en arrière s’impose.
u commencement (ou peu
s’en faut) était le transistor.
Après plusieurs années de
recherches, trois inventeurs mettent au point en 1947 aux laboratoires Bell (New Jersey) un composant
qu’ils baptisent “ transresistor ”
(pour “ transfer resistor ”), bientôt
abrégé en “ transistor ”. Il était à
pointe, manquait de stabilité, de
puissance et son prix de revient
était élevé. Quatre ans plus tard est
présenté le premier transistor à
jonction fiable, formé de trois couches de germanium dans un boîtier
métallique de 1,25 cm.
A cette époque, plusieurs chercheurs travaillent séparément à
intégrer les composants électroniques fabriqués à partir du même
matériau semi-conducteur sur un
bloc unique. Le premier circuit
intégré naît de cette idée, constitué
d’une fine tranche de germanium
de 6 cm de long sur laquelle sont
disposés cinq composants reliés
par des fils soudés, le tout noyé
dans de la cire.
Texas Instrument développe
une version améliorée de ces circuits, auxquels on donne bientôt le
nom de “ puces ”. La première puce
mémoire est lancée par Intel, qui
en commercialise une en 1970,
pouvant stocker 1 kilobit (en fait
210 bits, soit 1 024) d’information.
Jusqu’alors, les mémoires étaient
ferromagnétiques.
A
Le seuil des 50 nm
Dès lors, la course à l’intégration et à la miniaturisation est lancée, et ne s’arrêtera plus. Elle est
rendue possible par deux améliorations capitales : le remplacement
du germanium par le silicium,
beaucoup moins coûteux et parfai-
Le premier transistor, mis au point en 1947 dans les laboratoires Bell.
tement stable, et parallèlement une
nouvelle technologie appelée MOS
(Metal Oxide Semiconductor). Par
un enchaînement d’étapes de
micro-lithographie, elle permet de
fabriquer des transistors à effet de
champ, à grille isolée par une couche d’oxyde de silicium, plus petits,
plus rapides et surtout moins gourmands en électricité. Dès 1971, un
microprocesseur commercialisé
sous le nom de “ 4004 ”, à 4 bits et
contenant 2 300 transistors sur une
surface égale à celle d’une punaise,
permet la naissance du micro-ordinateur.
Depuis, la taille des composants
n’a cessé de diminuer : en 30 ans, le
nombre de transistors pouvant être
gravés sur une puce de silicium a
été multiplié par près d’un million.
Le microprocesseur Athlon de
AMD possède 22 millions de transistors et le plus petit transistor au
#1 • RESS ORTS • automne 2003
Doc. AT&T
monde mesure aujourd’hui moins
de 20 nanomètres (nm). Le seuil du
million de transistors au millimètre
carré a été franchi.
En 1965, Gordon E. Moore,
cofondateur d’Intel, avait prédit
que le nombre de transistors sur
une puce doublerait tous les ans.
Dix ans plus tard, il corrigeait sa
théorie en portant le temps de
doublement à dix-huit mois.
Ainsi révisée, sa loi n’a jusqu’à
présent jamais été prise en défaut.
Mais cette course à la performance butte désormais sur des obstacles physiques : en deçà de 50 nm,
on se heurte à des phénomènes
quantiques. La miniaturisation
est-elle encore possible ?
Assurément, mais au prix de ruptures technologiques attendues
vers 2010, et qui nous feront résolument entrer dans l’univers de la
nanoélectronique.
3
z o o m microélectronique
Performance : la
Le secteur est condamné à réduire ses coûts grâce à des
’électronique, qui repose
aujourd’hui entièrement sur la
microélectronique, constitue
le premier secteur industriel, avec
un chiffre d’affaires de 1 000
milliards d’euros à l’échelle mondiale. Au sein de ce secteur, les
composants microélectroniques
ont progressé au rythme de 15% en
moyenne annuelle sur les 40 dernières années.
Dans cet ensemble, les fabricants de composants, notamment
de puces –qui représentent 20% de
l’activité-, se battent sous la pression des industries utilisatrices, à la
fois pour réduire leurs coûts et
pour adapter leur production à la
demande. C’est toute la difficulté
de ce secteur, certes prometteur,
mais très concurrentiel et capitalistique. La part de la recherchedéveloppement, appuyée sur de
grandes collaborations internationales, atteint 15%.
L
8 cycles en 40 ans
Réduire les coûts, cela signifie
mettre au point des lignes de production automatisées à grande
échelle, toujours plus performantes. S’il n’y a pas eu ces dernières
années de rupture technologique
quant aux concepts eux-mêmes des
puces, les fabricants ont rivalisé
d’imagination pour améliorer les
procédés. Le but : amortir les énor-
3 0 a n s d e “ l o i d e Mo o r e ”
La loi de Moore prédisait une croissance exponentielle des performances des circuits
intégrés : un doublement de la capacité des mémoires DRAM tous les 18 mois ; il s’est effectivement réalisé depuis presque 30 ans ! Pour les microprocesseurs, la progression est un
peu plus faible car les “ lois d’échelle ” ne sont pas aussi facilement transposables que dans
le cas des mémoires. Cette loi de croissance dépend de deux facteurs : d’une part le développement d’une technologie permettant en particulier de “ graver ” des composants de plus
en plus petits, d’autre part le développement d’applications nécessitant des circuits toujours
plus petits, performants, rapides, fiables et peu coûteux.
L’axe de droite montre la progression des technologies de lithographie optique qui permettent désormais de franchir la barrière des 0,1µm : on gagne environ 30% sur le contrôle
de la taille du composant tous les 2 ans ; on est ainsi passé à un “ contrôle de trait ” de 1 à
0,17µm en 10 ans.
Te s te z v o s
1. Le père du transistor est
A. William Shockley
B. Bill Gates
C. Ferdinand Braun
2. Un nanomètre mesure
A. 10-12 mètres
B. 10-9 mètres
C. 10-6 mètres
4
3. Nombre de transistors du
Pentium III d’Intel
A. 6,7 millions
B. 7,8 millions
C. 9,3 millions
4. Mises bout à bout, les interconnexions d’une puce de
1 cm2 atteignent
A. 1 km
B. 4 km
C. 10 km
5. Sur un PIB mondial de
30 000 milliards de dollars, la
microélectronique et ses
secteurs périphériques représentent
#1 • RESS ORTS • automne 2003
A. 1 000 milliards de
dollars
B. 3 000 milliards de
dollars
C. 5 000 milliards de
dollars
6. Nombre de transistors élémentaires “ consommés ” par
microélectronique z o o m
course infernale
investissements massifs… sur des lignes de production éphémères.
mes investissements nécessaires en
élaborant simultanément un nombre sans cesse croissant de circuits,
sur des plaques de silicium de plus
en plus grandes, qui seront ensuite
découpées en puces. Ces plaques
atteignent désormais 200 mm de
diamètre et une ligne pilote de
300 mm vient d’être installée à
Grenoble.
Or cette course à la compétitivité se livre sur un marché soumis
à de brusques à-coups liés à la
rapidité du progrès de la miniaturisation et à l’ampleur des investissements, qui conduisent à des
situations de surproduction et
d’effondrement des cours non
encore maîtrisées ; le secteur a
connu 8 cycles économiques en
40 ans, le dernier se terminant en
1998. Non seulement les investissements sont coûteux, mais leur
durée de vie est limitée. Après la
microinformatique, la téléphonie
mobile a ainsi constitué pendant
quelques années un véritable
Eldorado, les fabricants peinant à
suivre une croissance effrénée…
avant que le rythme ne se ralentisse brutalement, avec les conséquences économiques et sociales
que l’on sait. Les télécoms, l’informatique et le multimédia n’en restent pas moins les principaux
débouchés de cette industrie,
avec l’électronique grand public,
l’automobile, la défense et le secteur médical. Ces débouchés,
dont la liste va en s’élargissant
toujours plus, avec l’intégration
des systèmes eux-mêmes sur la
puce et les microsystèmes mécaniques, biologiques, optiques,
etc., constituent pour la microélectronique des gisements de
progrès fantastiques.
L’industrie des composants fait
vivre en amont quantité d’équipementiers, notamment les fabricants de ce que l’on appelle les
“ masques ”, c’est-à-dire le support
en verre contenant le dessin des
circuits que l’on vient dupliquer
par photogravure sur la plaque de
silicium. Le secteur de la CAO
(conception assistée par ordinateur) est lui aussi largement mis à
contribution, de même que les
installateurs de salles blanches,
puisque cette production nécessite
bien sûr un environnement d’une
grande pureté.
Fabrication de puces microélectroniques sur tranches de silicium de 200 mm sur le site STMicroelectronics de Crolles, près de
Grenoble. Ici, l’atelier de photolithographie, en environnement ultrapropre (classe 1).
Photo Antoine Gonin
connaissances...
7. “ Consommation ” de tranches de silicium par terrien en
2002
A. 1 cm2
B. 5 cm2
C. 20 cm2
8. Acronyme associé à une
technologie majeure de fabrication des circuits intégrés
A. DRAM
B. CMOS
C. ASIC
9. Combien de transistors
pourrait-on intégrer actuellement sur une section de cheveu
A. 100
B. 1 000
C. 10 000
d’étapes de photo-lithogravure)
pour fabriquer un circuit intégré ?
A. 8
B. 15
C. 25
10. Combien doit-on enchaîner
de niveaux de masquage (ou
1:A;2:B;3:C;4:B;5:C
;6:A;7:C;8:B;9:B;
10 : B
habitant en 2002
A. 80 millions
B. 200 millions
C. 300 millions
#1 • RESS ORTS • automne 2003
Réponses:
5
z o o m microélectronique
2015, l’odyssée de la
nanoélectronique ?
a-t-il une limite à la miniaturisation des circuits et donc à
leurs performances ? Oui, la
plate-forme technologique CMOS
actuelle se heurtera d’ici une quinzaine d’années à des limitations
physiques incontournables, dès
lors que la miniaturisation atteindra le seuil où la mécanique quantique imposera ses lois. Par exemple, le confinement des électrons
sous la grille des transistors, rendu
Y
Le nano-tube de carbone, 50 000 fois
plus petit qu’un cheveu : un futur ingrédient de la nanoélectronique ?
Photo Chris Ewels (www.ewels.info)
inefficace par cette miniaturisation, se traduira par des fuites électriques (par effet tunnel) impropres
à une demande croissante pour des
circuits peu gourmands en énergie
électrique (téléphones et ordinateurs portables).
On estime qu’à l’horizon 2010
la technologie CMOS - 45nm (la
grandeur 45 nm correspond à la
plus petite dimension contrôlée
sur le circuit : la longueur de grille
des transistors) devrait atteindre le
seuil quantique en dépit de raffinements technologiques propres à
repousser cette limitation : isolants
alternatifs, transistor bi-grille,
transistor à canal contraint SiGe,
hétérostructures SOI (silicon on
insulator), etc.
6
Ce ne sera certes pas pour
autant la fin de la progression de la
loi de Moore, car de nouveaux
concepts physiques devraient
prendre, d’ici là, le relais en se substituant au vénérable transistor
MOS. On devrait alors assister
progressivement à l’introduction
de la nanoélectronique dans le
domaine des technologies du traitement de l’information. Cette
nouvelle thématique est d’ores déjà
bien identifiée, avec des axes
actuellement en développement
dans les laboratoires de recherche,
parmi lesquels :
• L’électronique de spin ou
“ spintronique ”, qui combine
magnétisme et électronique, en
exploitant les effets de transport
dépendant du spin des électrons
dans les matériaux ferromagnétiques. D’ores et déjà, des retombées concrètes émergent pour les
futures générations de mémoires
avec les MRAM (Magnetic
Random Access Memories).
• Les nanostructures artificielles qui présentent au moins une
dimension inférieure à 50 nm, avec
par exemple le concept de
“ transistor à un électron ”, les
nano-cristaux pour les futures
mémoires à grille flottante et les
nano-tubes de carbone qui selon
leur morphologie présentent des
propriétés conductrices ou semiconductrices.
• L’électronique moléculaire,
domaine très prospectif, pour la
réalisation ultime de composants
dans une molécule isolée (mémoires
et transistors moléculaires, puces
ADN).
La nanoélectronique apparaît
d’ores et déjà comme un mélange
complexe de physique, chimie et
biologie, qui, du silicium à la molécule, va permettre de construire
des nanocomposants “ atome par
atome ” qui rentreront en particulier dans les briques de base des
circuits dédiés au traitement de
l’information du futur.
#1 • RESS ORTS • automne 2003
De plus
La microélectronique
de supports
oujours plus petites, mais surtout plus mobiles : une fois
surmontés les obstacles qui se
dressent sur la voie de nouvelles
miniaturisations, les puces de
demain, devenues de véritables
microsystèmes, seront surtout
“ embarquées ”. La microélectronique confirmera ainsi en l’amplifiant une tendance générale : au fur
et à mesure de son développement,
elle a quitté l’ordinateur qui l’a vu
naître pour se répandre, d’abord
dans d’autres appareils technologiquement avancés (appareils hi-fi,
téléphones, etc.) puis, bientôt,
dans les objets les plus courants de
la vie quotidienne, et même dans le
corps humain.
Des exemples ? La nanoélectronique ouvre des perspectives fantastiques à la chirurgie. Summum
de la technologie “ embarquée ” : le
corps pourra accueillir des microimplants, pour contrôler certaines
fonctions vitales et déclencher des
systèmes palliatifs en cas de
besoin. L’implantation de rétines
électroniques pour les aveugles est
d’ores et déjà envisagée. D’autres
applications devraient contribuer à
améliorer la sécurité et le confort
de la vie humaine, par exemple à
travers le contrôle de l’environnement, les économies d’énergie,
l’internet mobile, le guidage en
temps réel, la sécurité sur la route
et dans les aéroports.
Autre aspect de ce “ nomadisme ”, l’électronique sur supports
souples, basée sur des polymères
semi-conducteurs, permet d’envisager des puces intégrées à une
feuille de papier, qui enregistrera,
conservera puis dupliquera à la
demande les notes manuscrites de
l’utilisateur. Dans le même ordre
d’idées, les “ étiquettes intelligentes ” sont promises à un grand avenir. Pour peu que l’industrie parvienne à les produire en masse à un
coût réduit, elles remplaceront
T
microélectronique z o o m
en plus d’objets “intelligents”
va devenir sans cesse plus nomade, s’adaptant à toutes sortes
dans des conditions extrêmes.
avantageusement le code à barres,
notamment dans la logistique et la
distribution. Elles contiendront
beaucoup plus d’informations, en
particulier pour le si important
“ traçage ” des produits alimentaires, et seront lues sans manipulation manuelle par des capteurs. La
contrefaçon trouvera là un adversaire efficace. On peut également
s’imaginer d’ici quelques années
faisant ses courses à l’hypermarché,
puis, sans sortir les achats du caddie, franchir un portail de détection qui calculera la somme à
payer…
Grâce aux futures “étiquettes intelligentes”, la
microélectronique va apporter au consommateur des
produits alimentaires mieux “tracés”, donc plus
sûrs.
Les chirurgiens implanteront-ils bientôt des puces
dans le corps humain ?
Des environnements
agressifs
Enfin, même si ce n’est sans
doute pas le plus indispensable, on
parle beaucoup ces temps-ci de
“ vêtements intelligents ”, qui
recouvrent en fait deux réalités. La
première consiste à leur intégrer un
microsystème doté d’une fonction
spécifique déjà usuelle ; le but est
alors seulement d’épargner à l’utilisateur la contrainte d’avoir à l’emporter, à le tenir. France Telecom
travaille ainsi sur un prototype de
blouson avec téléphone intégré.
#1 • RESS ORTS • automne 2003
Dans un second temps,
l’ “ intelligence ” de ce vêtement peut consister à le
faire capter les conditions
météorologiques, et pourquoi pas le faire réagir aux
variations climatiques. On
n’en est pas encore à le rendre plus ou moins chaud
selon la température
ambiante, mais les “ fashion
victims ” porteront paraît-il
bientôt des vêtements qui
s’éclaircissent plus ou
moins selon l’ensoleillement. D’autre part, on
envisage d’implanter des
puces dans des vêtements
de luxe et de prêt-à-porter
pour authentifier chaque
produit et, là encore, traquer la contrefaçon. Un
procédé baptisé Gemetiq a
été lauréat 2003 de
Tremplin Entreprises, rencontre de capital investissement.
Outre leur miniaturisation, ces systèmes devront
gagner en solidité, s’implanter grâce à un packaging spécifique dans des
environnements forcément
plus agressifs, des objets
manipulés sans ménagement et dans toutes
les conditions atmosphériques ; sans parler des
contraintes particulières du
corps humain, qui appellent
naturellement une fiabilité à
toute épreuve.
La recherche-développement a donc encore un long
chemin devant elle. Mais
sous ces réserves, de vastes
perspectives s’ouvrent
à la microélectronique
de nouvelle génération,
notamment dans trois secteurs : les télécoms, l’automobile et la médecine.
7
z o o m microélectronique
Comment fabrique-t-on une puce ?
Intégrer plusieurs milliers de composants et leurs interconnexions sur une surface de
quelques millimètres carrés et sur une épaisseur de quelques microns, c’est la
prouesse qu’appelle la fabrication des circuits intégrés. Voici une description très simplifiée du procédé CMOS, qui comprend au moins quinze niveaux successifs et une
centaine de traitements.
8
a toute première étape de
fabrication d’une puce, qui
n’est pas représentée ici, comprend les opérations de CAO
(conception assistée par ordina-
L
compte tenu des modifications
apportées. Au terme de cette étape
initiale, il aura conçu un circuit
extraordinairement détaillé, mais à
l’échelle microscopique : à peu près
teur). Compte tenu des fonctions
qui en sont attendues, le concepteur puise dans des bibliothèques
informatisées les millions de cellules élémentaires qui vont constituer le circuit. Il va ensuite les
assembler pour définir l’architecture du circuit. Tout au long de ce
processus, il simule sur ordinateur
le fonctionnement de la puce
comme si l’on représentait la ville
de Saint-Étienne, avec tous ses
bâtiments et ses voies, sur 1 cm2.
Quand le résultat de la simulation
correspond aux attentes, on peut
passer à la production.
Les procédés de fabrication
microélectronique sont constitués
d’un enchaînement d’étapes permettant de définir l’architecture du
#1 • RESS ORTS • automne 2003
circuit intégré, couche par couche,
en trois dimensions, par photolithogravure UV. En terminologie
microélectronique, on appelle
ces couches, des “ niveaux de masquage ”, car le dessin de
chaque couche est consigné sur un masque en
verre, sorte de pochoir à
l’échelle “ micronique ”. En
technologie CMOS, on
dénombre au moins 15
niveaux de masquage qui
doivent être empilés les
uns sur les autres avec une
précision diabolique, sur
des wafers de silicium pouvant atteindre 300 mm de
diamètre.
La technologie microélectronique
silicium
front-end se décompose en
quatre principaux domaines de compétence qui
apparaissent de façon
récurrente au cours de la
fabrication d’un circuit
intégré : la photolithographie, le dépôt des couches
minces isolantes et métalliques, la micro-gravure,
enfin le dopage par implantation ionique.
Dans l’exemple
ci-contre, les premières
étapes (1–4) permettent de
définir les composants
actifs (transistors MOS)
avec une précision submicronique (la photolithographie
actuelle permet de contrôler l’élaboration de traits de 65 nm de largeur !) Les étapes suivantes (5-6)
génèrent les interconnexions
métalliques entre les transistors et
le monde extérieur sur plusieurs
niveaux (six pour les technologies
les plus évoluées) afin de réaliser la
fonction électronique désirée.
expertise
Le CMP Georges Charpak en trois questions
Réclamée par les industriels du secteur, la création du Centre Microélectronique de
Provence Georges Charpak, à Gardanne, répond à leurs impératifs de développement.
Bref éclairage sur ce qui a motivé la décision du CIADT (comité interministériel d’aménagement et développement du territoire) du 9 juillet 2001.
Maquette du futur Centre de Microélectronique de Provence Georges Charpak, dont la construction doit commencer en octobre 2004.
A l’issue du concours international, c’est le projet d’Aymeric Zublena, l’architecte du Stade de France, qui a été retenu le 4 juin par
le jury.
ARTEFACTORY - Jean-François Marcheguet
• Pourquoi un nouveau centre
de microélectronique ?
D’excellents établissements,
publics ou privés, forment déjà
quelque 900 ingénieurs en microélectronique chaque année en
France. Ce chiffre reste cependant
insuffisant pour assurer au secteur
la poursuite de sa croissance fantastique, en moyenne 15% par an. A
ce déficit quantitatif s’ajoute la
nécessité d’un changement qualitatif dans la formation. La microélectronique aura toujours besoin
d’experts pour produire sans cesse
plus petit, à plus grande échelle et à
un coût sans cesse moindre. Mais
ce qu’il lui faut surtout désormais,
ce sont des ingénieurs généralistes,
capables de relayer sa croissance
dans de nouveaux secteurs : non
plus seulement les piliers qu’ont
été pendant des années les télécommunications et l’électronique
grand public, mais l’environnement, la sécurité, la vie domestique ou encore ce formidable
gisement d’applications que constitue la santé, avec notamment la
perspective de microsystèmes
implantés in vivo. De vastes oppor-
tunités de développement s’ouvrent encore à la microélectronique,
pourvu qu’elle puisse s’appuyer sur
des ingénieurs ingénieux, créatifs,
véritables interfaces entre elle et le
reste de l’industrie.
• Pourquoi est-ce l’École des
Mines de Saint-Étienne qui l’a
créé ?
Puisqu’il s’agit de répondre aux exigences particulières des industriels
de ce secteur, nul n’était mieux
placé pour le faire qu’une École des
Mines. En effet, chiffres en main,
les Ecoles des Mines représentent à
elles seules le quart de l’ensemble
des contrats de recherche technologique passés chaque année, avec
près de 40 millions d’euros. C’est la
preuve d’une collaboration étroite
avec le monde industriel, d’une
écoute permanente de ses besoins,
d’une connaissance pointue de ses
pistes de progrès les plus actuelles.
Pourquoi celle de Saint-Étienne ?
Elle possédait déjà des compétences très importantes, reconnues sur
le plan international, dans le
domaine des matériaux ; son expérience en génie industriel la plaçait
#1 • RESS ORTS • automne 2003
d’autre part en excellente position
pour relever le défi essentiel de la
microélectronique : la maîtrise de
la complexité.
• Pourquoi à Gardanne ?
Le choix de la Provence allait de
soi : à elle seule, cette région
concentre 37% des industries de la
microélectronique nationale et
l’on y trouve les plus grands noms,
principalement sur la zone d’activité de Rousset, à une dizaine de
kilomètres de Gardanne. C’est le
cas des deux géants du secteur, le
franco-italien STMicroelectronics,
quatrième fabricant mondial de
composants à semiconducteurs, et
le californien Atmel. C’est encore
tout près, à Gémenos, qu’est
installé Gemplus, le leader mondial de la carte à puces. En élargissant à peine le périmètre, on trouve le fabricant de masques Dupont
Photomasks, des équipementiers
renommés
comme
Applied
Material, Canon, Tencor, Lam
Research, enfin des fournisseurs
de produits chimiques et de gaz
haute pureté : Merck, Air Liquide,
Proxair, etc. Conscientes que le
9
expertise
CMP Georges Charpak permettra
de conforter ce domaine d’excellence, les collectivités territoriales, partenaires du projet, ont joué
un rôle déterminant dans sa création et consenti un effort financier considérable.
Ce projet devait être porté par
une Ecole des Mines, celle de
Saint-Étienne avait plus d’un
titre à faire valoir, la Provence et
Gardanne s’imposaient d’ellesmêmes. Le choix final est parfaitement cohérent.
Un éventail de filières
Qui seront les quelque 330 élèves bientôt
Microélectronique de Provence Georges
8 d a te s c l é s
‹ 4 septembre 2000
Lettre de mission par laquelle le secrétaire
d’Etat à l’Industrie confie à Benoît Legait et
Yves Mathieu une étude de faisabilité
“ d’une formation supérieure dans le secteur des technologies supports (microélectronique et nanotechnologies) des
systèmes et réseaux d’information ”.
‹ 9 juillet 2001
A la suite du CIADT (comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire), le secrétaire d’Etat à
l’Industrie confie à Robert Germinet,
directeur de l’Ecole Nationale Supérieure
des Mines de Saint-Étienne, l’étude de
préfiguration.
‹ 13 mars 2002
Les partenaires s’engagent : la convention
de financement de la construction est
signée.
‹ 4 juin 2003
Le jury spécialement constitué à cet effet,
qui comprend neuf membres dont
Georges Charpak et trois architectes,
choisit le projet architectural : c’est celui
d’Aymeric Zublena qui est retenu.
‹ 5 septembre 2003
Première rentrée scolaire à Gardanne,
dans des locaux provisoires.
‹ Octobre 2004
Début des travaux.
‹ Mai 2006
Date prévue de la fin des travaux.
‹ Septembre 2006
Première rentrée dans les locaux
définitifs.
10
Les locaux provisoires du CMP à Gardanne.
e CMP Georges Charpak va
abriter trois filières en formation initiale :
• Une formation d’ingénieurs généralistes, qui obtiendront le titre
d’ingénieur civil des Mines. Ils
auront vocation à diriger à terme
des projets ou des unités de fabrication. Pour assurer cette formation, l’ENSM-SE ajoute deux nouvelles options à celles qui peuvent
déjà être choisies à Saint-Étienne :
‹ Intégrateur de systèmes microélectroniques ;
‹ Génie industriel microélectronique.
Les 50 élèves de chaque promotion passeront la première année à
Saint-Étienne et les deux suivantes
à Gardanne.
• Des formations d’ingénieurs de spécialité, reprenant la formation
ISMEA auparavant dispensée par
l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs de
Marseille, qui transfère ses moyens au
centre de Gardanne. En trois ans, une
cinquantaine d’élèves, soit le double
des promotions actuelles, seront préparés à la conception des systèmes
embarqués et leurs applications.
L
#1 • RESS ORTS • automne 2003
• Le CMP accueillera chaque
année une vingtaine de doctorants,
soit un effectif permanent de 80
chercheurs.
Lorsqu’il aura atteint son rythme de croisière, le Centre se
propose en outre d’accueillir une
Le CMP en
chiffres
Le Centre Microélectronique de
Provence Georges Charpak représente un
investissement de 61,25 millions d’euros.
Il occupera 130 permanents :
70 enseignants chercheurs
60 administratifs et techniciens
pour un effectif de 660 élèves ingénieurs
et chercheurs.
A Gardanne, 12 200 m2 seront consacrés à l’enseignement, la recherche, l’administration et le terrain de sports, plus
10 100 m2 pour la maison des élèves et le
gymnase.
Le budget annuel global sera de 9,8
millions d’euros.
expertise
et de formations
admis chaque année au Centre
Charpak ? Revue de détail.
centaine d’étudiants en “ mastère
spécialisé ” (MS) et “ master of ”.
Dès cette rentrée, deux MS
accueillent une première promotion : SIME (systèmes d’information et microélectronique) et
TMPM (technolog i e s e t m a n a g e m e n t d e l a production en
microélectronique), ce dernier en
collaboration avec l’Ecole de
Physique de Marseille et ST
University.
Des pédagogies
innovantes
Le Centre assurera également
une mission de formation en alternance, pour des effectifs qui
devraient croître progressivement
jusqu’à atteindre 90 élèves par an.
Enfin, les étudiants d’autres écoles
d’ingénieurs pourront suivre au
CMP des options de la filière
généraliste ou spécialisée non
disponibles dans leur école.
Comme tout ingénieur, mais
plus encore dans ce secteur où
technologies et connaissances se
périment très vite, l’ingénieur en
microélectronique doit avoir
acquis, non pas un bagage scientifique qui serait utilisable tout au
long de sa carrière, mais des
méthodes de travail lui permettant
de tirer le meilleur parti de progrès
sans cesse renouvelés. Le Centre se
fait donc une règle de recourir à
des pédagogies innovantes, destinées à stimuler la créativité et la
réactivité de l’élève, son aptitude à
imaginer des solutions, à affronter
des situations d’incertitude. Les
nouvelles méthodes pédagogiques,
dont l’objet est de développer la
créativité et la réactivité, joueront
un rôle majeur, notamment APA
(apprentissage par l’action, développé à l’Ecole des Mines de
Nantes) et deux méthodes mises au
point à l’Ecole des Mines de SaintÉtienne : APPEX (activité personnelle de physique expérimentale)
et les simulateurs pédagogiques.
Les quatre thèmes
de recherche
Les ingénieurs peuvent être formés
pour la recherche, mais le sont de toute
façon par la recherche. Elle s’intègre
donc harmonieusement aux deux missions du CMP, l’enseignement et le
transfert de technologies. Le Centre a
tenu à définir des programmes s’inscrivant nettement en complément de ce
qui existait déjà, en région PACA et
ailleurs, pour éviter “ doublons ” et
gaspillages.
Quatre thèmes ont ainsi été retenus :
• Les sciences de la fabrication :
génie industriel et contrôle de procédés
• La conception de systèmes intégrés robustes et de sécurité
• La microélectronique sur plastique et le packaging des nano-objets
pour les bio-technologies;
• Les applications des systèmes
intégrés dans le domaine de
la sécurité.
Dans ces domaines, le CMP s’attachera à satisfaire des besoins en recherche exprimés par l’industrie et, se gardant
de tout isolement, entend travailler en
forte symbiose avec elle, éventuellement à
travers des programmes de recherche
communs.
#1 • RESS ORTS • automne 2003
Un démarrage
accéléré
Bien avant d’entrer dans ses locaux définitifs, le Centre Microélectronique de
Provence Georges Charpak connaît un
démarrage accéléré en cette rentrée 2003,
tant pour l’enseignement que pour la recherche, avec des moyens démultipliés, les
moyens accordés par l’Etat ayant permis un
effet de levier important.
Il assure ainsi, dès la rentrée 2003, avec
260 élèves, le tiers des activités de formation
prévues à terme. Le recrutement des élèves
pour la filière microélectronique a atteint
cette année un niveau bien supérieur à celui
connu par l’ISMEA précédemment. En 2002,
sous la bannière de l’ISMEA, 9 élèves
avaient été recrutés sur la banque de notes
du concours commun Mines-Ponts ; cette
année, sous la bannière de l’Ecole Nationale
Supérieure des Mines de Saint-Etienne, ce
sont 40 élèves qui ont été recrutés sur le
même concours. Pour ce qui est de la formation doctorale, trois thèses ont déjà
démarré, dont deux financées par les industriels. Sept autres sont programmées.
Côté recherche, le centre s’est engagé
dans le programme " Rousset 2 ", au titre
duquel 1,2 million d’euros doivent lui être
affectés par les collectivités locales pour la
période allant de septembre 2003 à mars
2004, somme qui devrait être complétée par
le FEDER à hauteur de 360 000 euros. Le
CMP Georges Charpak joue de plus un rôle
fédérateur au sein du Centre Intégré de
Microélectronique PACA, projet de plus de
100 millions d’euros d’investissements dont
il pourrait héberger deux plates-formes.
Les moyens augmentent en proportion
des activités d’enseignement et de recherche
du Centre. L’équipe du CMP Georges
Charpak, à la rentrée 2003, est composée de
27 personnes dont 10 sur postes d’Etat dans
des locaux provisoires portés à 1 500 m2.
L’essentiel de cette surface est gracieusement mis à disposition par la ville de
Gardanne. L’ensemble est équipé par
l’ENSM.SE (mobilier de bureau, salles de
cours, équipements informatiques et techniques, etc.) pour un montant de 850 000
euros, dont un tiers devrait être pris en charge par le FEDER. Ces investissements seront
transférés dans les locaux définitifs, dont le
processus de construction est entamé.
Deux facteurs se sont combinés pour
assurer le succès de cette rentrée : d’une part
l’intégration au CMP Georges Charpak de
l’Institut Supérieur de Microélectronique
Appliquée (ISMEA) de la Chambre de
Commerce et d’Industrie Marseille-Provence
(CCIMP), d’autre part l’implication effective
de l’ENSM-SE dans les grands programmes
de recherche régionaux.
11
point de vue
Emploi : “ Une vision à
3 ou 6 mois, pas plus ”
Pour Noël Communod, PDG de Menway Consultants, cabinet de recrutement spécialisé
dans le secteur microélectronique, le marché reste largement imprévisible. Pour les élèves
ingénieurs, une formation généraliste n’en est que plus nécessaire.
• En microélectronique, le
marché de l’emploi semble
imprévisible. Faut-il s’y résigner ?
La microélectronique est un secteur qui enregistre des variations de
chiffre d’affaires de 40%, et même
60%, d’une année sur l’autre.
Fatalement, les besoins en personnel suivent avec la même brutalité.
Il faut gérer ces à-coups. Le problème, en fait, c’est le décalage entre le
cycle industriel et celui de la formation. Il est impossible de dire de
quels ingénieurs la microélectronique
aura besoin dans cinq ou dix ans.
D’ici là, le monde n’aura plus rien à
voir avec ce qu’il est aujourd’hui. Il
faut le dire franchement : personne
n’a la réponse. Nous avons une
vision à trois ou six mois, pas plus ;
on ne va tout de même pas former
les ingénieurs en six mois !
• Comment les écoles peuvent-elle répondre à cette
incertitude ?
La seule réponse, c’est de former
des ingénieurs aussi généralistes que possible, qui puissent
s’adapter aux aléas du secteur. Il
faut absolument éviter de refaire
l’erreur que l’on a parfois commise
dans l’informatique ou les télécoms : on a formé des gens ultra
spécialisés, et puis un jour les entreprises n’ont plus recherché leur spécialité. Cela dit, on a besoin aussi de
spécialistes : conception, process,
production ; on cherche des spécialistes en implantation, en vide, etc.
• Et les managers, ce sont
des ingénieurs qui ont échappé
à la spécialisation ?
Oui, mais pour eux c’est surtout
une question de personnalité, indépendante de la formation reçue. Il
faut des qualités personnelles : pou12
voir assumer une pression très forte,
savoir manager une équipe, faire
preuve de souplesse, de ténacité, s’adapter, savoir faire des reportings.
Ils doivent être capables de fonctionner dans une structure, savoir
aussi bien recevoir des directives
qu’en donner.
petit frémissement. Mais si des
besoins existent dans quelques
sociétés, ils n’ont pas encore reçu le
feu vert des directions générales,
qui restent prudentes. D’autre
part, des usines européennes se
sont délocalisées en extrême
orient ; même des concepteurs
Ancien responsable des ressources humaines chez
Thomson, puis SGS et STMicroelectronics, Noël Communod
a tiré parti de son expérience pour créer en 1990 Menway
Consultants, qui s’est d’abord développé dans le domaine du
recrutement en microélectronique, semiconducteurs et hautes technologies. Aujourd’hui, le groupe Menway
International (100 personnes) est présent sur tout le territoire, intervient aussi dans plusieurs pays d’Europe et dans
d’autres secteurs de l’économie, notamment pour le recrutement de cadres, experts et dirigeants et le reclassement de
personnels.
• En microélectronique, ces
structures sont plus contraignantes qu’ailleurs ?
Je le crois, oui. Ce sont des
organisations où tout est lié ; le
moindre retard peut avoir des
conséquences très graves. La pression est permanente, la solidarité
forte, le maillage interne très
étroit. Ce sont en tout cas des
structures
plus
complexes
qu’ailleurs.
• Quelle est la situation du
marché de l’emploi, en cette
rentrée 2003, pour les ingénieurs en microélectronique ?
Nous sommes toujours dans les
basses eaux qui ont suivi le renversement de tendance du printemps
2001. A ce moment, le gel des
embauches est devenu presque
général. Aujourd’hui, on sent un
#1 • RESS ORTS • automne 2003
sont maintenant embauchés en
Chine, en Inde, en Russie, à
Singapour. En fait, les pronostics
sont presque impossibles.
• Vraiment ?
Depuis vingt ans que je m’occupe de ressources humaines dans le
secteur de la microélectronique,
j’ai déjà vécu sept ou huit crises,
avec parfois des renversements de
tendance opérés en trois mois. En
1999, en 2000, on n’arrivait plus à
fournir ; début 2001, on croyait
encore que ça allait durer ; et en
avril, c’était fini ! J’ai traversé plusieurs périodes pendant lesquelles
j’entendais les professionnels s’exclamer : “ Il y a trop d’ingénieurs ! ”,
et juste après se lamenter parce
qu’on en manquait. Aujourd’hui,
nous sommes dans le creux de la
vague, mais on ne peut exclure une
pénurie dès l’an prochain.