actualités sur l`amnésie épileptique transitoire
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Le point Actualités sur l’amnésie épileptique transitoire Une forme originale d’épilepsie temporale tardive n Cette synthèse des dernières publications sur le syndrome d’amnésie épileptique transitoire (SAET) est le prétexte à un bref regard historique sur ce thème. Elle est surtout l’occasion d’attirer l’attention des neurologues, neuropsychologues et épileptologues sur les caractéristiques cliniques critiques et intercritiques du SAET. Autant d’éléments nécessaires aussi bien pour le diagnostic que pour la compréhension de cette forme résolument originale d’épilepsie temporale tardive. L’ amnésie épileptique transitoire (AET) n’est pas de description tout à fait récente. Les premiers cas ont été publiés par Kapur et al. en 1993 [1] et les critères diagnostiques (Encadré p. 66) ont été formulés à sa suite en 1998 par Zeman [2]. L’AET est une forme particulière de crise du lobe temporal interne, dont la caractéristique est d’entraîner une amnésie antéro-rétrograde brève (< 3h en principe, le plus souvent < 1h). Elle s’associe très fréquemment à des troubles mnésiques intercritiques. Ainsi, crises et perturbations cognitives intercritiques définissent ensemble un syndrome particulier, le syndrome d’amnésie épileptique transitoire (Fig. 1) de description relativement récente [3]. Dans la pratique quotidienne ce syndrome concerne certainement plus les neuropsychologues que les épileptologues, compte tenu *Département de Neurologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ; Centre Mémoire, de Ressources et de Recherche d’Alsace (Strasbourg-Colmar) ; Laboratoire ICube, CNRS-Université de Strasbourg ; Centre de Compétences des démences rares des Hôpitaux universitaires de Strasbourg Neurologies • Février 2015 • vol. 18 • numéro 175 Benjamin Cretin* de l’appartenance incontestable de sa sémiologie au champ de la cognition. Pourtant, s’il ne fait pas de doute aux épileptologues qu’il faut se préoccuper de cognition, il faut toujours encourager les neuropsychologues à se préoccuper d’épilepsie… Ce que l’on sait du SAET En 15 ans, à partir des trois principales séries de patients publiées [1-3], les caractéristiques essentielles du SAET ont été dégagées (Fig. 1). Elles peuvent être récapitulées en 3 points : 1. Les AET sont des amnésies transitoires antéro-rétrogrades pures qui touchent les sujets âgés de 50 à 70 ans. “Pures” signifie qu’elles ne sont pas accompagnées de troubles prolongés de la conscience ni de symptômes dyscognitifs comme le seraient d’habituelles crises partielles complexes. Néanmoins, des automatismes moteurs (oro-ali- mentaires ou gestuels) ou une aura (hallucination olfactive notamment) peuvent être associés à l’épisode amnésique et ont évidemment une grande valeur diagnostique. Les témoins pourront souvent mieux attester de ces éléments, de même qu’ils pourront signaler une brève rupture de contact et l’absence d’anxiété ou de questions itératives. En outre, les AET sont brèves et durent moins d’une heure en général. Un autre indice d’AET est la précipitation de l’événement amnésique par le réveil. Malgré toutes ces caractéristiques ictales typiques, il faut bien dire que la distinction est ardue en comparaison de l’ictus amnésique (Tab. 1). 2. Le deuxième point est que la plainte cognitive intercritique est très courante sans être systématique (80 %) [3] et qu’elle a pu précéder la survenue de la première amnésie transitoire [4, 5]. Le cas échéant, il s’agit d’un petit indice supplémentaire en faveur d’une AET plutôt que d’un ictus amnésique [6]. Ce qui est carac63 Le point Facteur étiologique variable : téristique de cette plainte, c’est qu’elle concerne exclusivement les capacités de mémoire sur une temporalité longue : les patients oublient des informations nouvellement assimilées d’une semaine à l’autre, mais pas d’un jour à l’autre (oubli accéléré) ; ils oublient aussi certaines périodes de leur vie dans les 10-15 années passées, voire plus (oublis autobiographiques). De fait, les tests usuels des consultations mémoire – inscrits dans une temporalité courte – sont fréquemment normaux chez ces patients, mais pas toujours : Gallassi avait signalé depuis longtemps que le profil pouvait être celui d’un MCI amnésique simple ou multi-domaines [7, 8]. 3. Le troisième point est enfin que ce syndrome est en lien avec un dysfonctionnement temporal interne comme le suggère l’EEG intercritique qui montre, dans environ 2/3 des cas, des anomalies en Altérations hippocampiques limitées dysimmunitaire, tumoral, dégénératif... Manifestations critiques Manifestations intercritiques Plainte cognitive portant sur la mémoire à long terme - Difficultés autobiographiques (70 %) - Oubli accéléré (≈ 50 %) Amnésies transitoires brèves constamment présentes - Durée < 1h - Possiblement au réveil - Accompagnées de “signes épileptiques” (hallucinations olfactives, aura épigastrique ascendante, automatismes oro-alimentaires, rupture de contact) Tests neuropsychologiques - Epreuves usuelles = résultats normaux ou MCI amnésique ± altérations exécutives modérées - Epreuves spécifiques = confirment la plainte cognitive Autres types de crises - Crises focales sans amnésie associée = possible - Généralisation = rare Examens paracliniques - EEG prolongé anormal dans au moins 2/3 des cas (pointes ou anomalies lentes de localisation temporale ou temporo-frontale, uni- ou bilatérale) - IRM fréquemment normale Figure 1 - Récapitulatif des points-clés (étiologie, clinique, paraclinique) du syndrome d’amnésie épileptique transitoire. projection temporale ou temporofrontale, uni- ou bilatérale [3]. Au sein du lobe temporal, on a pu préciser que les perturbations étaient hippocampiques grâce à des analyses volumétriques en IRM [9, 10]. Ces techniques d’imagerie étaient nécessaires car les acquisitions conventionnelles ne montrent qu’exceptionnellement des lésions (IRM dite normale jusqu’à 98 % des cas) [3]. Quelques cas histopathologiques ont démontré des anomalies microvasculaires et gliotiques dans Tableau 1 - Critères sémiologiques du diagnostic différentiel entre amnésie épileptique transitoire et ictus amnésique. Amnésie épileptique transitoire Ictus amnésique Age moyen 50-70 ans 50-70 ans Histoire médicale antérieure Ø Migraine Facteur favorisant ou déclenchant Réveil Eau froide, antéflexion du tronc, exercice physique, stress psychologique Profil mnésique ictal -M émoire antérograde massivement - Mémoire antérograde altérée de façon variable, questions répétitives dans 50 % des altérée avec questions répétitives fréquentes, anxiété et perplexité nettes cas, patient peu perplexe ou anxieux -A mnésie rétrograde présente (concer- Amnésie rétrograde absente ou présente nant une durée variable) (concernant une durée variable) - Mémoire non déclarative indemne - Mémoire non déclarative indemne Durée et récupération En général < 1h (plus prolongée chez 30 %, jusqu’à plusieurs jours) Récupération progressive 1-24h Typiquement 4-10h Récupération progressive Récurrence Habituelle (de 2 à plusieurs dizaines d’épisodes) En moyenne > 10 épisodes/an Rare Autres symptômes durant l’épisode amnésique ± Rupture de contact ± Hallucinations olfactives/gustatives ± Automatismes oro-alimentaires ± Céphalées ± Nausées 64 Neurologies • Février 2015 • vol. 18 • numéro 175 Actualités sur l’amnésie épileptique transitoire les hippocampes de certains patients, qui tendent à confirmer une compromission ammonienne dans ce syndrome [11, 12]. Les nouvelles séries de SAET publiées en 2013 et 2014 • Une première série italienne est sortie en novembre 2013 [13]. Elle concerne 11 patients. L’âge moyen était de 55 ans, avec une prédominance d’hommes (n = 7), et les patients étaient référés en épileptologie pour des amnésies transitoires récurrentes brèves de moins de 10 minutes (n = 8 ; en moyenne = 4,4 min) et/ou des malaises avec troubles de la conscience (n = 3). Deux patients avaient également présenté des crises convulsives généralisées. Le nombre moyen d’AET par patient était de 14 (extrêmes : 3-48) ; elles avaient commencé un peu plus d’un an et demi auparavant (délai diagnostique moyen = 19,5 mois ; extrêmes : 6-39). Lors des amnésies transitoires, 4 patients présentaient des signes concomitants évocateurs d’épilepsie temporale (hallucination olfactive, sensation épigastrique ascendante ou gêne abdominale, automatismes oro-alimentaires). Les autres éléments syndromiques étaient les suivants : - L’EEG prolongé (ambulatoire) intercritique était normal chez 2 patients et montrait pour les autres des ondes à front raide et/ou des pointes en projection bitemporale (grapho-éléments asynchrones) ou fronto-temporale unilatérale (droite ou gauche). - L’imagerie était fréquemment pathologique avec des anomalies temporales (n = 5) ou frontales (n = 3) : gliose post-traumatique (n = 3), sclérose hippocampique uni- ou bilatérale (n = 2), lésions vasculaires (n = 2) et tumeur gliale de bas grade (n = 1). Neurologies • Février 2015 • vol. 18 • numéro 175 - Les tests cognitifs étaient normaux dans 8 cas sur 11, et montraient pour les 3 autres des difficultés en mémoire antérograde (rappel et reconnaissance notamment) associées à des difficultés modérées sur le Stroop. - S’agissant des AET, les patients étaient tous répondeurs au traitement, avec même une liberté de crises dans 90 % des cas. Ils étaient principalement sous lévétiracétam (posologie de 750 mg à 1 000 mg/j ; n = 6) ou carbamazépine (200 à 800 mg/j ; n = 3). La lamotrigine n’a pas été utilisée. • L’autre série fraîchement sortie est française (mai 2014). On la doit à l’équipe des épileptologues et neurologues-neuropsychologues de Marseille [14]. Elle porte sur un plus grand nombre de sujets (n = 30) et sa particularité est de communiquer des résultats scintigraphiques en plus des éléments syndromiques habituels. Certains facteurs de risque d’épilepsie étaient présents (dépression dans 1/3 des cas, histoire familiale d’épilepsie dans 10 % des cas), alors qu’au niveau étiologique une pathologie auto-immune était notée dans environ 1/4 des cas (thyroïdite et syndrome de Gougerot essentiellement). L’âge moyen du diagnostic était de 62 ans, alors que les amnésies transitoires avaient débuté en moyenne 3 ans auparavant. La durée moyenne des amnésies était variable : < 5 min pour 23 %, 5 à 10 minutes pour 37 %, 30-60 min pour 13 % et > 60 min pour 27 %. Un indicateur d’épilepsie était associé aux épisodes amnésiques transitoires dans 80 % des cas : signes dysautonomiques (n = 7), peur intense (n = 7), aura épigastrique ascendante (n = 7), secousses myocloniques (n = 6), déjà-vu (n = 5), automatismes oro-alimentaires (n = 4), troubles du langage (n = 3), hallucinations olfactives (n = 2) principalement. De façon intéressante, les patients étaient capables de se remémorer partiellement leur épisode dans un tiers des cas et ne posaient des questions répétées que dans 1 cas sur 5. La survenue au réveil ne concernait qu’un quart des sujets. Les autres aspects syndromiques étaient comme suit : - L’EEG de veille était normal pour 43 %, alors que l’EEG de sommeil était anormal dans la grande majorité des cas (96 %). Les anomalies du tracé consistaient en des grapho-éléments paroxystiques (ondes à front raide, pointes ou pointes-ondes) ou en un ralentissement thêta de projection majoritairement temporale (soit bilatérale : 53 % ; soit unilatérale gauche : 20 %, ou droite : 23 %). - L’imagerie était généralement normale (près de 3/4 des sujets) ou montrait une atrophie corticale modérée (n = 3), des hypersignaux corticaux temporaux internes (n = 2) ou des lésions hémisphériques droites (n = 2 ; méningiome pariétal, séquelles ischémiques). - Les tests cognitifs usuels étaient normaux à l’échelle du groupe, bien que 9 patients marquèrent des troubles de la mémoire antérograde et 6 des difficultés exécutives modérées. Les paradigmes spécifiques de mémoire1 confirmèrent chez tous des déficits mnésiques particuliers (en mémoire autobiographique sur les 5 dernières années et en consolidation à 6 semaines). - S’agissant des AET, les patients étaient tous répondeurs au traitement (liberté complète de crises dans environ 3/4 des cas) et étaient principalement sous lamotrigine (96 %) en monothérapie (93 %)2. - La TEP révélait des anomalies 1. De passation difficile en pratique courante. 2. Posologie non communiquée. 65 Le point hypométaboliques temporales internes (gyrus parahippocampique droit et uncus gauche) corrélées aux troubles mnésiques antérogrades et rétrogrades. En outre, l’hypométabolisme intercritique touchait aussi certaines régions frontales (précentrales notamment). Les illustrations du diagnostic différentiel du SAET Cette question concerne aussi bien les manifestations inter critiques que critiques. S’agissant des AET, on a déjà dit qu’elles ne sont pas toujours évidentes à distinguer des ictus amnésiques (Tab. 1) mais aussi des amnésies pyschogènes [3]. • Face à une amnésie transitoire avec aphasie, il n’est pas illégitime de suspecter un AVC3 [3, 14] de localisation hippocampique, thalamique ou cingulaire [6, 15, 16], ou une aura migraineuse atypique impliquant l’hémisphère dominant [3, 17]. En cas de confusion associée, AVC et aura migraineuse sont aussi possibles (touchant cette fois l’hémisphère mineur), aussi bien que les effets de certains toxiques (alcool, benzodiazépines, anticholinergiques…) ou d’un traumatisme crânien [3]. • De façon intéressante, deux papiers récents ont rappelé le diagnostic différentiel neuropsychologique, c’est-à-dire intercritique, du SAET [18, 20]. Le premier article [18] insiste sur le fait que les patients atteints de SAET – en général âgés de 50 à 70 ans – peuvent se glisser sans peine dans un suivi de consultation mémoire (CM) pour troubles légers de la mémoire (MCI am3. AIT ou AIC régressif. 66 Critères diagnostiques des amnésies épileptiques transitoires 1. H istoire d’épisodes récurrents d’amnésie transitoire auxquels des témoins ont assisté. 2. A utres fonctions cognitives intactes durant les épisodes amnésiques d’après le jugement d’un(de) témoin(s) fiable(s). 3. E pisodes amnésiques associés à au moins 1 des arguments suivant pour le diagnostic d’épilepsie. a. anomalies paroxystiques à l’EEG ; b. installation concomitante d’autres symptômes épileptiques (ex : automatismes oro-alimentaires, illusions/hallucinations olfactives…) ; c. réponse nette (arrêt ou franche diminution de la fréquence des épisodes) à un traitement antiépileptique. nésique ou plaintes isolées). En conséquence, ces malades sont considérés comme d’éventuels porteurs de pathologies neurodégénératives prodromales et surveillés comme tels. Ceci semble d’autant plus légitime que des anomalies IRM peu spécifiques ne sont pas rares chez eux : leucoaraïose modérée et/ou atrophie temporale interne ± néocorticale [14, 19]. Ainsi, un certain nombre d’“Alzheimer prodromaux” suivis dans les CM n’en sont pas. Ils sont en réalité des SAET et les auteurs insistent sur la nécessité d’un interrogatoire approfondi à la recherche d’épisodes antérieurs d’amnésies transitoires, brefs ou non. Mais pas seulement : désorientations spatiales fugaces et difficultés intermittentes de reconnaissance des visages doivent aussi alerter, surtout quand elles sont associées à des auras épigastriques ascendantes. Les témoins peuvent aussi signaler des fluctuations cognitives, dont l’origine épileptiques pourra être plus aisément suspectée si elles sont ornées de moments d’altération du contact avec fixité du regard et/ou automatismes – mais ce ne sera pas toujours le cas. Malheureusement, l’EEG standard peut être pris en défaut et ne permettra pas toujours de rectifier le diagnostic. Les auteurs plaident pour des enregistrements de haute densité, qui semblent en mesure d’améliorer la détection d’anomalies intercritiques temporales ± frontales. Pourquoi pas, mais nous n’avons pas tous accès à ces méthodes électrophysiologiques. Un traitement antiépileptique d’épreuve peut donc aussi se discuter. • Après ce qui vient d’être dit sur les fluctuations cognitives, on peut imaginer que certains SAET posent le problème d’un diagnostic syndromique compatible avec une maladie à corps de Lewy (MCL) prodromale. En effet, un dysfonctionnement exécutif modéré et des troubles mnésiques en contexte de fluctuations cognitives sont évocateurs de MCL prodromale. Si l’on rajoute à cela des crises nocturnes avec agitations (pouvant donc être prises pour un trouble du comportement moteur en sommeil paradoxal) et des crises diurnes avec forte composante visuelle (flashbacks ou états de rêve critiques), alors la critériologie de la MCL est respectée et l’on se trompe dans la prise en charge. C’est exactement ce qu’ont déNeurologies • Février 2015 • vol. 18 • numéro 175 Actualités sur l’amnésie épileptique transitoire montré Park et al. très récemment [20]. Ils rappellent de ce fait la nécessité d’analyser la durée des fluctuations et des “hallucinations” visuelles, toujours brèves en cas d’épilepsie (1 à 5 minutes). • Cela se situe dans la lignée de Rabinowicz et al. qui suggéraient de rechercher certaines autres caractéristiques “épileptiques” des fluctuations cognitives des patients : 1. déambulation ; 2. désorientation dans des lieux pourtant très familiers ; 3. exacerbation brutale et transitoire de l’amnésie du sujet sans autre symptôme cognitif évident. Figure 2 - Un exemple de SAET lié à une pathologie tumorale limitée à l’hippocampe. Le patient, âgé de 62 ans, présente depuis plusieurs semaines des épisodes d’amnésie transitoire associés à des manifestations évocatrices de crises temporales (aura épigastrique ascendante, pilo-érection hémicorporelle gauche). Leur fréquence est croissante et les troubles mnésiques intercritiques en aggravation subaiguë depuis quelques semaines. L’imagerie révèle une tumeur gliale de bas grade, localisée dans les structures temporales internes gauches. A = coupe axiale en séquence FLAIR montrant un hypersignal de la tête de l’hippocampe gauche. B = coupe sagittale en séquence T1 Y a-t-il un intérêt au traitement du SAET ? Ce point a été abordé dès la publication de Butler en 2007 [3], qui indiquait clairement que les patients traités continuaient à se plaindre de leur mémoire pour la plus grande partie d’entre eux. On pouvait donc penser qu’il ne fallait pas promettre de normalisation cognitive aux malades sous traitement. • La série marseillaise [14] apporte plus d’espoir sur ce point, en décrivant non seulement une amélioration subjective des 12 patients réévalués à 1 an, mais aussi une augmentation de leurs capacités de rappel en mémoire autobiographique concernant la période s’étalant des 12 derniers mois aux 5 années passées. La nature du traitement ne peut qu’être interrogée face à cela : la lamotrigine – majoritairement utilisée par ces auteurs – ne doit-elle pas être favorisée dans le SAET au vu de l’évolution cognitive publiée ? On est tenté de répondre OUI. • Des travaux complémentaires sont bien sûr nécessaires. Dans Neurologies • Février 2015 • vol. 18 • numéro 175 montrant la formation tumorale en hyposignal limitée à l’hippocampe gauche, qui apparaît ici tuméfié (astérisque). Clichés dus à l’amabilité du Dr Nathalie Philippi (CHU Strasbourg, CMRR d’Alsace). cette perspective, les 4 patients de Del Felice et al. [18] voyaient leurs scores de MMS s’améliorer discrètement sous traitement (score moyen = 26,75 avant traitement et 27,5 après), mais pas leurs plaintes subjectives, alors qu’un seul était traité par lamotrigine (150 mg/j). Deux étaient sous carbamazépine (600 et 800 mg/j respectivement) et un sous valproate (600 mg/j). Quoi qu’il en soit, l’élimination des fluctuations cognitives et des récidives d’amnésie est pratiquement assurée par l’utilisation d’un antiépileptique, compte tenu de la bonne pharmaco-sensibilité du SAET [20]. On évitera aussi l’accidentologie inhérente à la récidive et à l’aggravation des malaises. Le problème majeur du SAET : l’étiologie A la lecture des parties précédentes, on aura compris que le SAET n’est pas en soi une maladie. C’est un syndrome qui reconnaît – comme tous les syndromes – plusieurs causes possibles. On a beaucoup insisté sur la bénignité de cette forme particulière d’épilepsie temporale dans la mesure où les premiers cas publiés ne présentaient pas d’anomalies radiologiques ou alors une discrète atrophie ± des lésions vasculaires fixées [1-3, 19]. Certains méningiomes de la base du crâne ont pu aussi être rapportés [3]. Mosbah et al. [14] démontrent aussi une implication de l’auto-immunité qui, si elle n’est pas très agressive, doit néanmoins être surveillée. Cela dit, il y a des situations dans lesquelles le SAET est symptomatique de pathologies plus urgentes, notamment tumorales comme cela a été décrit dans l’article de Lapenta et al. [13] et comme nous l’avons rencontré dans notre pratique au CMRR d’Alsace (Fig. 2). L’imagerie est donc toujours rapidement recommandée, idéalement une IRM pour ne pas man67 Le point quer les tumeurs de bas grade. Enfin la plainte cognitive chronique des patients et sa régulière résistance aux médicaments anti épileptiques pose la question de perturbations limbiques dégénératives précoces. C’est le cas dans un certain nombre d’observations que notre équipe a publiées, en lien avec une MA très prodromale (démontrée sur la base d’une analyse du LCR et par l’évolution démentielle des patients sur une durée de plusieurs années) [21, 22]. En résumé le SAET n’est donc pas toujours bénin. Conclusion Après l’article de Butler et al. en 2007 [3], un engouement majeur a eu lieu autour du SAET et a abouti à de nouvelles publications qui ont permis de préciser le phénotype de ce syndrome très singulier d’épilepsie temporale interne. Les publications que nous avons présentées ici valident les trois grandes caractéristiques du SAET décrites en première partie de cette synthèse. Ils introduisent cependant des nuances qui méritent d’être récapitulées : variabilité étiologique (rôle de l’auto-immunité, attention aux pathologies malignes ou dégénératives débutantes), épisodes courts d’amnésie (bien moins qu’une heure dans une grande partie des cas, en fait moins de 10 minutes) dont la survenue au réveil est certes typique mais pas si courante, signes épileptiques associés jusqu’à 80 % des cas (et pas 20 à 40 % comme initialement rapporté) et bénéfice du traitement médicamenteux peut-être meilleur qu’annoncé (à condition d’utiliser de la lamotrigine ?) . Le SAET dévoile en outre que le terme de fluctuations cognitives ne recoupe pas une réalité monolithique. Leur mécanisme ici épileptique les colore d’une clinique particulière et reconnaissable à l’anamnèse (cf. supra), pour peu que l’on se donne la peine de fouiller l’interrogatoire des patients et des témoins. En tout état de cause, les manifestations critiques et intercritiques du SAET sont le reflet de désorganisations hippocampiques subtiles et limitées (au début, même si elles peuvent ensuite s’aggraver). De fait, le SAET est une opportunité unique pour les neurologues, qui permet d’étudier et comprendre l’intervention de l’hippocampe dans la physiologie de la mémoire à long terme. On ne s’étonnera pas, dès lors, que le gros de la littérature actuelle sur le SAET soit constitué par des articles de cognition traitant de l’oubli accéléré, des oublis rétrogrades autobiographiques et des modalités de leur constitution [23]. Nous laissons les lecteurs intéressés découvrirent par eux-mêmes ce corpus scientifique. Conflits d’intérêt : aucun. Correspondance : Dr Benjamin Cretin CMRR d’Alsace - Département de Neurologie - Hôpitaux Universitaires de Strasbourg - Pôle Tête et cou Hôpital de Hautepierre 1 Avenue Molière 67200 Strasbourg E-mail : [email protected] Mots-clés : Amnésie épileptique transitoire, Epilepsie temporale, Plainte cognitive, Hippocampe, Tests cognitifs, Antiépileptiques, Lamotrigine, IRM, PET, Diagnostic différentiel, Ictus amnésique, Amnésies psychogènes, AVC, Migraine, MCI, Maladie d’Alzheimer prodromale, Maladie à corps de Lewy prodromale, Tumeurs cérébrales Bibliographie 1. Kapur N. Transient epileptic amnesia. A clinical update and a reformulation. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1993 ; 56 : 1184-90. 2. Zeman AZ, Boniface SJ, Hodges JR. Transient epileptic amnesia: a description of the clinical and neuropsychological features in 10 cases and a review of the literature. 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