Adrian Vasquez pré-mémoire, design graphique, erba - esad
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Adrian Vasquez pré-mémoire, design graphique, erba Valence 2008-09 Valences 1 Canard-lapin, publié dans Fliegende Blätter, 1892. 2 Valences Intro, 5 Revivals, 6 Valences, 9 Recherches, 10 Moderne, 13 Outro, 15 Bibliothèque, 16 3 Intro Il peut être nécessaire de se référer au livret imprimé pour le DNAT et au caractère typographique Valence, à download ici: adrienvasquez.free.fr/valence> Le mémoire me semble indissociable (et décrit comme tel dans le catalogue des cours) du projet de 5e année. Ce ‘pré’-mémoire est donc écrit autour des différents axes de recherche que j’ai pu faire dans le but d’amorcer ce projet, à partir de mon projet de DNAT. Il introduit une série de questions, non-exhaustive, que je pourrais développer l’année prochaine, et regroupe une série de références et d’illustrations qui pourront faire partie d’une bibliographie et d’une iconographie. 5 Revivals James Mosley, ‘New life for old faces: the retro view of types’, Revival, St Bride library conference, 24 avril 2009. Pour mon projet de DNAT, soutenu en octobre 2008, j’avais présenté le dessin d’un caractère typographique sanserif que j’avais nommé Valence. Valence est un revival, c’est-à-dire que son dessin est directement issu d’une source historique. Cette piste du revival s’était montrée comme une manière d’entrer dans le sujet : avoir une base sur laquelle construire son dessin permettait d’acquérir une connaissance des formes des lettres et de se poser rapidement des questions techniques. Le terme revival est lié à l’évolution des techniques d’imprimerie et nous renvoie à une période précise de l’histoire récente de la typographie. Au début du 20e siècle, les nouveaux systèmes de composition Monotype et Linotype ne disposent alors que d’un choix limité de caractères mal adaptés à la composition mécanique. Souhaitant développer de nouveaux caractères pour leurs machines, Monotype, puis Linotype, entreprennent de d’adapter des caractères historiques. Cette approche, reprise à chaque nouvelle évolution des techniques d’imprimerie, est un point de départ pour de nombreuses relectures et interprétations. Les questions posées par cette approche permettent de considérer le résultat comme autre chose qu’une copie. Littéralement revival signifie renaissance, ou reconstitution. On peut aussi parler de ressusciter. Dans mon texte envoyé au jury de DNAT, j’avais introduit les termes hommage et fiction. Cet exercice m’a permis de me confronter au dessin de caractères. Mais ma lecture reste assez timide, se voulant simplement authentique par rapport au dessin d’origine. Aujourd’hui, si je veux continuer ce travail, je pense qu’il faut aussi prendre une certaine distance, sans forcément remettre en question ce qui à déjà été fait. C’est pour cette raison que je souhaiterais faire un point sur le revival et de montrer comment différents designers se confrontent à la question et quelles pourraient être ces distances. ‘Accuracy is not the truth.’ Henri Matisse. John Hudson, ‘Same difference or What is the type designer doing and why ?’, Revival, St Bride library conference, 23 avril 2009. Will Hill, ‘Alternative histories & historical alternates: fluidity and fiction in typographic revivals’, Revival, St Bride library conference, 24 avril 2009. Matthew Carter, ‘Genuine imitations: a type designer’s view of revivals’, The Justin Howes memorial lecture, 28 mai 2009. Lors de leurs conférences à la St Bride Library, à Londres, John Hudson parle de conversation, d’échange, et d’apprentissage. Will Hill présente des différences entre plusieurs types de revivals : chaque revival est un acte d’interprétation, qui reflète la philosophie du designer. Cela peut être un moyen de s’intéresser à l’histoire, ou à la critiquer. Le revival peut aussi être une spéculation. Il reprend le terme de fiction, qui peut être le moyen d’explorer de nouveaux chemins. Matthew Carter soutient que recréer l’original exactement serait un pastiche, qui n’aurait que peu d’utilité et qui n’intéresserait pas grand monde. 6 Valence Adrien Vasquez, Valence. Founder’s Caslon Justin Howes, Founder’s Caslon 12. Mrs Eaves Zuzana Licko, Mrs Eaves. Helvetica Frantisek Storm, John Sans. Max Miedinger, Helvetica. Jocelyn Cottencin et Richard Louvet, Lissitzky vs Brody. Adrien Vasquez, My Helvetica. Helvetica X ÅAbake (?), Helvetica X. Dead History Jonathan Barnbrook, Prototype. P. Scott Makela, Dead History. Akzidenz Akzidenz Grotesk. Bau Christian Schwartz, Bau. Radim Pesko, F Grotesk. Didot Firmin Didot, Didot. Walbaum J.G. Justus Erich Walbaum, Walbaum. Futura Paul Renner, Futura. Valences Lors du DNAT, j’avais proposé une ouverture qui consistait en des variations d’un dessin, comme un écart à un programme fixé qui serait le squelette de la lettre. Ces variations étaient appelées valences, qui indique une valeur de liaison (en physique et en chimie) et de variation (en informatique). Dans le cadre du revival, qui a pour origine les évolutions techniques, ces valences posaient la question de l’influence de l’histoire sur ce programme. Elles pourraient être la distance que je recherche pour passer d’un revival à un travail plus personnel. 9 Recherches Si je souhaite continuer ce travail, c’est pour terminer, en partie du moins, ce que j’ai commencé au DNAT, motivé par des réactions positives. La volonté de dessiner un caractère complet devrait me conduire à corriger le dessin actuel, dessiner plusieurs graisses, et développer de nouvelles glyphes, ainsi qu’une version italique (voir plus loin). Ce travail, si il est basé sur le seul dessin que je possède, me permettrait déjà de prendre une certaine distance. Cela reste un travail assez long, que je souhaite développer en parallèle d’autres projets, je ne m’attends pas à avoir fini une version définitive pour mon diplôme. J’avais introduit une chronologie de l’apparition des caractères sanserif pour le DNAT, axée sur les différentes versions des caractères sanserif allemands (grotesque) de la fin du 19e siècle. J’ai pu avoir un entretien avec Paul Barnes qui a confirmé ces informations et m’en as indiqué de nouvelles. … ‘the group of typefaces know today as sanserif (still often misleadingly called Gothic in English speaking countries) first appeared in 1832. It seemed so weird at first the Germans called it ‘Grotesque’.’ Jan Tschichold, Treasury of Alphabet and lettering (Meisterbuch der schrift, Ravensburger Buchverlag, 1952, 1965). Publié au Royaume-Uni par Lund Humphries, London, 1992. Handbuch der Schriftarten,1927. L’absence de marque d’une fonderie sur les plombs prévient une réelle identification, mais d’après certains spécimens, une date vraisemblable serait comprise entre 1870 et 1890. A cause des rachats et des vols de casses entre fonderies, il reste difficile de donner un nom précis à un caractère, ces derniers étant de façon générique nommés Akzidenz Grotesk ou Breite Grotesk. Les fonderies ayant distribué ce caractère seraient par exemple D. Stempel A.-G. (Frankfurt), J. John Söhme, Schelter & Giesecke (Leipzig), puis Haas (Münchenstein), avant une diffusion en Europe (Nebiolo, Milan) au cours du 20e siècle (il semble cependant que ces caractères n’ont pas atteint le Royaume-Uni). Jan Tschichold présente ce caractère dans une planche de son livre Treasury of alphabets and lettering, sous le nom allemand Französische Grotesk et en donne la description suivante : ‘French Sans Serif. One of the common sans serifs of the 19th century, this type has numerous names, ‘Gothic’, for one. It has a pleasant weight, good forms ans good letterspacing. Haas Type Foundry, Münchenstein, Germany.’ Ilona Holmboe, Urwald-Abenteur (l’Aventure dans la Jungle), Holbein Verlag, Basel, 1946. Il l’utilise pour composer le livre pour enfant Urwald-Abenteuer. Malgré quelques différences dans le dessin de certaines lettres (notamment le ‘g’), je suis maintenant sûr des informations que j’avais avancées auparavant. Paul Barnes me dit que le Bau, dessiné par Christian Schwartz, est un revival de ces caractères selon ce qu’il considérait comme les formes les plus justes et les plus répandues (Schelteresche Grotesk, Schelter & Giesecke, fin du 19e siècle). Je sais aussi 10 John Hudson propose aussi cette hypothèse, en faisant un lien entre le Didot et l’Helvetica. Le texte de Majoor est paru dans Eye, et est aussi disponible sur le site du magazine. que Radim Pesko a aussi dessiné un revival de ce caractère (F Grotesk), vraisemblablement d’après les versions utilisées par Tschichold. Le nom donné par Tschichold, Französische Grotesk, est très intéressant, parce qu’il permet de faire le lien entre Valence et une hypothèse soutenue par Martin Majoor selon laquelle le squelette des premiers grotesque est calqué sur celui des caractères (serif) courants de l’époque, auxquels les designers étaient familiers. Il est plus que probable que le squelette des Akzidenz Grotesk soit basé sur celui du Walbaum. On pourrait conclure que le dessin du Französische Grotesk, ayant une origine similaire aux Akzidenz Grotesk, est lui-même basé sur un caractère serif. Dans La nouvelle typographie, un manuel pour les créateurs de notre temps, Tschichold fait l’apologie des caractères sanserif, selon lui les seules formes en accord avec l’esprit de l’époque et de sa société (Zeitgeist). ‘None of the typefaces to whose basic form some kind of ornament has been added (serifs in roman type, lozenge shapes and curlicues in fraktur) meet our requirements for clarity and purity. Among all the types that are available, the so-called “Grotesque” (sanserif) or “block letter”» (“skeleton letter” would be a better name) is the only one in spiritual accordance with our time.’ Jan Tschichold, The new typography, p. 73 (Die neue Typographie, 1928). Publié en anglais par University of California Press, 2006. Dans sa recherche du style de l’époque, il condamne cependant des caractères ‘artistiques’ ou ayant des caractéristiques trop prononcées. Le Futura de Paul Renner (1927) emprunte la bonne direction. Comme Majoor plus tard, Tschichold ne pense pas que les nouveaux caractères sanserif apportent quoi que ce soit de nouveau : trop artistiques, trop artificiels, il leur préfère les anciens grotesque. Le caractère qu’il recherche doit se détacher de caractéristiques personnelles, et devrait être dessiné par un groupe, qui se devrait de comporter un ingénieur. Cependant, Tschichold a conscience que ce qu’il demande, à l’époque où il le demande, n’est pas toujours réalisable. Dans le cas où un caractère sanserif adapté ne serait pas disponible, un caractère serif (roman) peut être utilisé, il en propose trois qui lui semblent convenir : Sorbonne, Nordische Antiqua, et Französische Antiqua (romain français). ‘To my mind, looking at the modern romans, it is the unpretentious works of the anonymous type-designers that have best served the spirit of their age: Sorbonne, Nordische Antiqua, Französische Antiqua, and so on. These three typefaces and their derivates are the best designs from the pre-war period. They are easily legible; they are also above all in a technical sense of the word, uninteresting. They can therefore be used everywhere, when a roman type has to be used because no appropriate sanserif is available.’ Jan Tschichold, The new typography, p. 76. 11 J’ai tout de suite fait un lien entre le Französische Grotesk et l’Antiqua. A propos de ce dernier, dont le dessin devrait être proche du Didot comme tout semble l’indiquer, Tschichold soutient que le dessin d’un sanserif est la prochaine étape logique. Je n’ai malheureusement pas encore trouvé de visuels concernant l’Antiqua, mais il est tentant de penser qu’un lien étroit existe. ‘It is often overlooked that one further typeface resulted from the development of the Französische Antiqua - the sanserif. Its origins can be found in the type specimens of the first half of the 19th century. Sanserif is a logical development from Didot. The letters are free of all extra accessories: their essential shape appear for the first time pure and unaltered.’ Jan Tschichold, The new typography, p. 20. Ce rapprochement entre serif modernes et grotesque m’avait déjà intéressé lors du DNAT, mais j’avais laissé de côté ces recherches. Dans son texte, Majoor soutient que si ces grotesque sont basés sur des dessins serif, il ne serait pas trop difficile d’imaginer une vraie italique, alors que la plupart des grotesque n’ont que des versions obliques. Ceci est peut-être du au fait que les designers avaient à travailler rapidement, et qu’une version oblique était plus facile à produire. Ce qui est étrange est que cela est devenu une sorte de standard dans les italiques des caractères sanserif. ‘All roman letters forms since 1540, with the exception of the egyptian, have a matching italic. This always relates to the upright letters but the a and e are always borrowed from the written form… It is regrettable that some recent modern italics show an a and e which are essentially of the same design as the roman a and e but slanted. Aside from its narrower and cursive character, it is particularly the typical form of the a and e which gives the italic alphabet its distinction. To do away this difference defeats the purpose of italic letters.’ Jan Tschichold, Treasury of alphabets and lettering. Cette question de l’italique peut être une piste intéressante, dans la comparaison avec des caractères serif, et aussi dans le dessin de formes plus calligraphiques (recréer un caractère serif à partir d’un sanserif serait aussi un exercice très intéressant, mais ce n’est pas mon point pour l’instant. Mais l’idée de travailler dans le sens inverse, sanserif étant une négation de serif, est tentant). 12 Moderne Neville Brody et Jon Wozencroft, Fuse. Comme pour revival, le terme anglais reloading semble plus juste que sa traduction, il est plus imagé car proche des termes upload/download utilisés sur Internet. Martin Herbert, ‘The new modernism, Sifting defunct modernity in search of something useful’, Tate etc., no 15, printemps 2009. En typographie, l’idée de Zeitgeist, reprise par exemple par Max Bill dans son attaque contre la typographie tardive de Tschichold, est une idée forte, au coeur de l’émergence de ce que l’on appellera le style typographique international, et de ce que l’on peut considérer comme moderne. Paul Renner, dans le texte qu’il écrit suite à la controverse en Max Bill et Jan Tschichold dans Schweizer Graphische Mitteilungen, fait la différence entre deux interprétations de ce que pourrait être la typographique moderne. D’un côté, le style typographique moderne, issu de la typographie du Bauhaus et qui conduira au style typographique international, encouragé par Tschichold dans La nouvelle typographie, de l’autre, le concept du moderne comme quelque chose qui remplit parfaitement la fonction pour laquelle il a été conçu, détaché d’un point de vue strictement stylistique. Je pense que ces deux points de vue sont à la fois opposés et proches, la volonté première de la nouvelle typographie n’étant pas uniquement stylistique, mais aussi fonctionnelle, en réponse au paysage artistique et graphique de l’époque. Cela rend le concept de typographie moderne encore plus intéressant. En réfléchissant au dessin de caractères, quelles pourraient en être les valences ? On cite aussi souvent le terme postmoderne. J’avais voulu l’étudier plus tôt dans l’année en m’intéressant au magazine Fuse. En typographie, je ne suis plus sûr que ce terme soit vraiment justifié, ce qu’on qualifie souvent de typographie postmoderne, souvent en rupture avec des travaux du style typographique international par exemple, me semble proche de l’idée de Zeitgeist. La différence se veut plus une rupture historique qu’idéologique. La modernité est sûrement une sorte de cercle vicieux. Nicolas Bourriaud, commissaire de l’exposition Altermodern à la triennale de la Tate Britain (2009), propose un concept intéressant, celui d’altermoderne (‘alter’ signifie autre, dans le sens de différent). Après le modernisme et le postmodernisme, Nicolas Bourriaud souhaite commencer une nouvelle période et redéfinir la modernité à notre époque de globalisation et de mobilité. Dans les travaux présentés, les artistes s’interrogent à travers la géographie et l’histoire, et explorent le paysage actuel pour tisser des liens entre différents formats d’expression et de communication. Cette idée d’altermodernité avait déjà été introduite en 2005 par Bourriaud. Le terme est emprunté au poète croate Filip Erceg. L’altermodernisme serait comme un reloading du modernisme en accord les problèmes du 21e siècle. Peut-être que ce concept d’altermodernité est un peu superlatif à cause de sa visée artistique, mais je me plais à considérer ce que pourraient devenir les valences comme quelque chose d’altermoderne, ou du moins influencé par cette idée. … ‘today’s take on modernism might be considered a fantasy of going back, Marty McFly-like, into vanished moments 13 and tweaking them before they explode. Or, perhaps more accurately, of dragging past into present - ‘reloading it’, as Bourriaud would have it - hymning its potentials, exposing its failing for careful repair, and, in the process, tentatively ressurecting something that feels like hope.’ 14 Outro J’ai essayé ici d’introduire un éventail des pistes qui s’offrent à moi et que je souhaite explorer si je continue mon projet. L’idée de valences peut ainsi prendre différentes formes, qui chacune me permet de me détacher du projet initial, pour un travail plus personnel et peut-être plus expérimental, que ce que le terme revival me laissait supposer l’année passée, et ainsi continuer à apprendre. 15 Bibliothèque Max Bill, ‘On typography’, Typography papers, no 4, Hyphen Press, 2000. Nicolas Bourriaud, ‘Altermodern manifesto’, How altermodern are you ?, Tate Britain, 2009. Christopher Burke, Paul Renner, the art of typography , Hyphen Press, 2000. Christopher Burke and Robin Kinross, ‘The dispute between Max Bill and Jan Tschichold, with a later contribution by Paul Renner’, Typography papers, no 4, Hyphen Press, 2000. Martin Herbert, ‘The new modernism, Sifting defunct modernity in search of something useful’, Tate etc., no 15, printemps 2009. Robin Kinross, Modern typography, an essay on critical history, Hyphen Press, 2004. Martin Majoor, ‘Inclined to be dull’, Eye, no 63, 2007. Jan Tschichold, ‘Belief and reality’, Typography papers, no 4, Hyphen Press, 2000. Jan Tschichold, The new typography, University of California Press, 2006. Introduction par Robin Kinross. Jan Tschichold, Treasury of alphabets and lettering, Lund Humphries, 1992. Paul Renner, ‘On modern typography’, Typography papers, no 4, Hyphen Press, 2000. 16 Robert Zemeckis, Back to the future, 1985. 17 18