Les étapes techniques du scrutin - Espace francophone des Droits

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Les étapes techniques du scrutin - Espace francophone des Droits
Les étapes techniques
du scrutin*
Saïdou AGBANTOU, Avocat
Président de la Commission béninoise des droits de l’Homme,
Ancien Président de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) du Bénin
Depuis 1990, la Francophonie, dans le cadre de son programme d’action en faveur de la consolidation de la
démocratie et de l’État de Droit, dans plusieurs de ses pays membres, a initié et/ou soutenu divers programmes,
dont l’appui aux processus électoraux en cours dans ces pays. À cet égard, ses interventions, dans un cadre d’échanges
d’expériences et de coopération bilatérale ou multilatérale, peuvent se résumer :
– à un appui logistique et financier aux structures impliquées dans les processus électoraux,
– à l’observation des élections, souvent précédée d’une mission exploratoire,
– à l’envoi d’experts auprès des CENI.
En vue de contribuer, d’une part, au renforcement des capacités de fonctionnement des structures de gestion
des élections et, d’autre part, à l’amélioration des processus électoraux en cours dans ses pays membres, l’Agence
Intergouvernementale de la Francophonie (AIF) (Délégation générale) a organisé deux séminaires d’évaluation :
1°) consultations électorales en Afrique 1990 – 1997, à Bordeaux, en 1995, sur le thème « bilan, implication
de la Francophonie et perspectives d’avenir » ;
2°) consultations électorales en Afrique 1995 – 1997, « bilan, implications de la Francophonie et perspectives… », à Dakar en 1997.
Ces deux sessions d’échanges ont fait l’objet d’un rapport publié par l’Agence dont la substance se résume à
la présentation suivante :
A.– Bilan des processus électoraux
1. Le cadre juridique
2. Les différentes étapes techniques de préparation et de déroulement du scrutin
3. Les structures de gestion des opérations électorales
4. L’implication des autres institutions.
B.– Bilan de l’accompagnement par la Francophonie
des processus électoraux et recommandations
1. Les actions de soutien en amont du scrutin
2. Les missions d’observation.
C.– Perspectives
En vue d’améliorer l’implication de la Francophonie dans le processus de démocratisation du pouvoir et l’édification d’un État de droit dans les pays de l’espace francophone, il a été décidé, au dernier Sommet de la Francophonie
à Moncton (Canada, Nouveau-Brunswick), en septembre 1999, de l’organisation, en octobre 2000, à Bamako, d’un
Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés des pays francophones.
À cet égard, diverses rencontres préparatoires ont été prévues, dont le « 3e atelier préparatoire, portant sur les
élections », fixé à Paris, du 25 au 27 avril 2000.
* Étude réalisée à la demande de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie.
Les différentes étapes techniques du scrutin
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Au cours de cette rencontre, il s’agira : dans un esprit de suivi des bilans de Bordeaux de Dakar, de dresser un
inventaire des difficultés rencontrées, ça et là, au travers des textes et des pratiques, au niveau des consultations
électorales, et des structures de gestion des élections, de faire des recommandations :
1. en vue de l’amélioration des processus électoraux ;
2. en vue du renforcement de l’appui de la Francophonie aux processus de démocratisation du pouvoir et de
l’État de droit, en cours dans ses pays membres.
I.– ÉTAT DES LIEUX DU DROIT ET DE LA PRATIQUE RÉGISSANT LES DIFFÉRENTES ÉTAPES TECHNIQUES
DU SCRUTIN EN AFRIQUE DEPUIS DIX ANS
Au préalable : Rappel des différentes étapes techniques du scrutin.
Avant le vote
– établissement des listes électorales et distribution des cartes d’électeurs ;
– révision des listes électorales ;
– dépôt et contentieux des candidatures ;
– convocation du corps électoral ;
– établissement du calendrier électoral.
Le jour du vote
– opérations de vote ;
– dépouillement ;
– centralisation des résultats.
Après le vote
– proclamation des résultats ;
– contentieux électoral.
Par rapport à ces diverses étapes, de nombreuses difficultés ont été notées dans l’application des textes régissant les différents processus électoraux. Ces difficultés proviennent parfois soit de l’inadéquation des textes au
contexte socio-politique, soit de l’organisation matérielle des élections. C’est pourquoi, il convient d’effectuer un
inventaire de tous les problèmes afin de poser un diagnostic et de proposer des remèdes.
A.– Les principaux problèmes identifiés
Le bilan des consultations électorales en Afrique, depuis 10 ans, permet de dégager les principaux problèmes
suivis à travers les différentes étapes techniques du scrutin :
1. établissement des listes électorales et distribution des cartes d’électeurs.
2. organisation matérielle des élections :
– le chronogramme
– le matériel électoral
• isoloirs
• urnes
• bulletins
• documents électoraux
• encre indélébile.
– la mise en place du matériel électoral.
3. La formation du personnel électoral (membres des bureaux de vote, superviseurs) et de tous les intervenants
du processus électoral.
4. Le problème des ordonnances judiciaires.
5. Le financement des élections.
6. La représentation légale des partis à toutes les étapes techniques du scrutin.
A.1. Établissement des listes électorales, confection et distribution des cartes d’électeur
A.2. Listes électorales
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Symposium international de Bamako
L’inscription sur les listes électorales constitue l’étape la plus importante du processus électoral. En effet, c’est
à cette étape que peuvent commencer les erreurs, voire les fraudes, à savoir :
• inscription des mineurs
• inscription des étrangers
• inscription des interdits judiciaires
• inscriptions multiples
• non-radiation des personnes décédées
• inscription des électeurs fictifs
• refus d’inscription de certains électeurs
• etc.…
La procédure d’établissement des listes électorales varie suivant les pays. Dans certains pays, les listes électorales sont établies manuellement, alors qu’elles sont informatisées dans d’autres.
Mais, dans l’un comme dans l’autre cas, il y a un fait saillant : le fichier électoral n’est pas fiable dans les pays
africains parce qu’il n’y a pas de fichier d’état-civil fiable. Les populations de ces pays sont rurales à 80 % et n’ont
pas d’acte de naissance, donc pas de pièces d’identité.
Il en résulte ce qui suit :
1. Dans certains pays les électeurs peuvent s’inscrire sur les listes électorales sans pièce d’identité mais avec
l’attestation des témoins suivant les législations.
– C’est le cas du Bénin : loi n° 98-03 du 15/01/99 (art. 14). Les électeurs peuvent s’inscrire sur les listes électorales avec le témoignage des chefs de quartiers, de villes ou de villages.
– Cameroun : inscription avec ou sans pièces d’identification (voir article 66 de la loi n° 91-20 du 16/12/1991,
fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée Nationale).
N. B. : cartes non distribuées remises aux électeurs sur présentation de pièce d’identité ou sur attestation de
deux témoins inscrits sur la liste électorale du bureau de vote. Cette pratique ne garantit pas la fiabilité de la liste
électorale.
2. En revanche, dans d’autres pays, l’inscription sur les listes électorales se fait obligatoirement avec l’une des
pièces d’identification prévues par la loi.
C’est le cas :
• au Sénégal : art. L. 36 du code électoral
– loi n° 97 – 15 du 08/09/1997
– loi n° 92 – 15 du 07/02/1992 du code électoral.
• au Niger : ordonnance n° 96 – 014 du 16 avril 1996 portant code électoral
– Art. 31 de l’ordonnance sus-visée.
N. B. : toutefois, l’électeur muni de sa pièce d’identification peut voter le jour du scrutin avec le témoignage
de l’autorité coutumière et de deux témoins inscrits sur la même liste.
• au Burkina Faso : loi n° 021/98/AN du 07/05/1995 portant code électoral (art. 39) ;
• au Burundi : art. 15 du décret-loi n° 1/022 du 16/03/1993 portant code électoral (sous réserve de toutes modifications ultérieures) ;
• Madagascar : n° 92-041 modifiée par l’ordonnance n° 92-0044 du 23/10/92 (inscription art 9 du code électoral) ;
• Gabon : loi n° 7/96 du 12 mars 1996 modifiée par la loi n° 10/98 du 10 juillet 1998.
N. B. : la loi électorale ne précise par les pièces d’identification à présenter par l’électeur avant son inscription mais l’article 54 relatif au Titre IV (de la carte d’électeur) permet de déduire que l’inscription n’est pas possible sans une pièce d’identification ou d’une pièce d’état-civil en milieu rural.
• Togo : loi 92-003 du 08/07/92 portant code électoral. : inscription avec une pièce d’identification et, à défaut,
sur la base d’une enquête par voie de témoignage devant les notables et les représentants des partis politiques
légalement constitués (art. 16).
• Tchad : – loi N/PR/95 portant code électoral
– loi n° 008/PR/96 portant modification de la loi n° 004/PR/95 du 22/03/95
• inscription avec une pièce d’identification
• à défaut, l’identité de l’électeur peut être attestée par témoignage d’au moins deux notables de la localité.
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B.– Établissement et distribution des cartes d’électeur
La distribution des cartes d’électeur a posé de nombreux problèmes dans certains pays pour des raisons liées
à l’organisation des élections, à savoir :
• impression tardive
• distribution tardive et/ou sélective des cartes
• la pratique du retrait dans les bureaux de vote le jour du scrutin s’est révélée inefficace : à titre d’exemple, le
Sénégal (près de 300.000 électeurs n’ont pas pu retirer leurs cartes)
• erreur sur l’identité ou l’adresse de l’électeur.
Ces problèmes ont été constatés dans les pays où les listes électorales sont informatisées, car les cartes d’électeur sont établies à la suite de l’établissement du fichier électoral.
En revanche, ce type de problèmes n’existe pas dans les pays où la délivrance de la carte d’électeur est concomitante à l’inscription sur les listes électorales.
À titre d’exemples :
Bénin : l’électeur s’inscrit et prend immédiatement sa carte d’électeur.
Mali : en 1997, la mauvaise gestion des listes électorales informatisées a conduit à l’annulation des élections.
À la reprise des élections, l’inscription sur les listes électorales a été faite manuellement avec délivrance des cartes
d’électeur.
C.– Difficultés liées à l’organisation matérielle des élections
1. L’établissement d’un chronogramme
Pour la réussite d’un processus électoral, de la préparation, en passant par le jour du scrutin, jusqu’à la proclamation des résultats, il est nécessaire d’établir un chronogramme comportant toutes les étapes et tâches à accomplir.
La plupart des difficultés liées à l’organisation matérielle des élections en Afrique sont dues soit à une mauvaise appréciation du temps par rapport aux tâches à accomplir, soit à un manque de financement.
À cet égard, les problèmes recensés sont les suivants :
• la lenteur administrative
• l’installation tardive des structures de gestions des élections (CNEA – CENI, etc.…)
• l’inadéquation des textes aux réalités géographiques et pratiques (pays et zone enclavés)
• le silence de la loi face à certaines situations d’ordre pratique
• le chronogramme est bien établi, mais son exécution devient difficile, faute de financement.
2. Le matériel électoral
Les problèmes identifiés sont relatifs à la commande et à la mise en place du matériel électoral :
– commande du matériel électoral : problèmes identifiés
• documents électoraux non livrés à temps
• bulletins de votes non livrés à temps, soit comportant des malfaçons (problème du choix des imprimeurs).
À titre d’exemple : les élections présidentielles ont été reportées deux fois en Centrafrique parce que les imprimeurs ont été choisis sur la base «du moins disant », alors qu’ils n’étaient techniquement pas capables d’exécuter
les travaux dans les délais conventionnels, faute d’équipements appropriées.
La mise en place du matériel
Problèmes identifiés :
• mauvaise appréciation des quantités par rapport au nombre d’électeurs inscrits par circonscription électorale
ou par bureau de vote. En conséquence, on note une pénurie de matériel sensible dans un centre de vote parce
qu’il y a eu, dans d’autres endroits, surestimation.
• mise en place tardive du matériel électoral, en raison des distances et des disparités géographiques (pays
immense, régions enclavées d’accès difficile, manque d’infrastructures routières ou ferroviaires).
• manque de moyens de transport ou de moyens financiers nécessaires.
3. La formation du personnel électoral
La formation du personnel électoral est une condition sine qua non pour la réussite des opérations électorales
le jour du scrutin. Le personnel électoral doit maîtriser toutes les étapes du déroulement du scrutin telles que prévues par les textes.
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Symposium international de Bamako
Dans ce domaine les problèmes identifiés sont les suivants :
• annulation des résultats dans les bureaux de vote pour mauvais remplissage et /ou non-signature des procèsverbaux des résultats (cette situation constitue une atteinte aux droits des électeurs qui ont opéré leur choix
par leur vote) ;
• certains membres du bureau de vote partisans orientent le vote des électeurs ;
• démarrage tardif du scrutin ;
• mauvaise interprétation du code électoral.
4. Localisation et désignation des bureaux de vote
Il ressort des rapports de mission d’observation de la Francophonie que de nombreuses difficultés, liées au
manque de localisation et d’identification précises des bureaux de vote, ont pu être relevées le jour du scrutin.
5. La centralisation et la publication ou la proclamation provisoire des résultats
Dans la plupart des pays de l’espace francophone, le dépouillement se fait dans le bureau de vote (sans déplacement), aussitôt après la clôture du scrutin. Toutefois, le ramassage des procès-verbaux sous plis fermés et leur
transmission au centre de recensement de vote ne se font pas toujours par les voies les plus rapides pour des raisons diverses :
– problèmes d’éloignement entre les régions et manque d’infrastructures routières ou ferroviaires,
– inexistence de téléphone ou de radio de communication dans certaines localités.
En conséquence, les délais de publication ou de proclamation sont longs et créent une atmosphère de suspicion génératrice de contestations ou de doute.
6. Le vote des citoyens résidant à l’étranger
Conformément au principe de « l’égalité de tous les citoyens devant la loi », nul ne doit être privé de son droit
de vote. Ainsi tous les nationaux vivant dans le ressort d’une représentation diplomatique doivent pouvoir exercer
leur droit de vote. Or il est à noter que de nombreux pays africains n’organisent pas de consultations électorales à
l’étranger. Deux raisons sont évoquées :
– le manque de moyens financiers,
– l’incapacité des structures de gestion des élections.
7. Le financement de la campagne électorale et la corruption électorale
En Afrique, avec l’ère démocratique, le multipartisme a donné naissance à une floraison de partis animant la
vie politique. Ces partis pour la plupart sans programme politique et sans idéologie, ont choisi, pour la conquête
du pouvoir, la voie de la corruption. Il s’agit précisément de solliciter le vote des électeurs contre des libéralités
en nature ou en argent ; l’on parle communément « de l’achat des consciences ». C’est ainsi que pour éviter ces
pratiques antidémocratiques, certaines législations ont fixé le plafond du budget de campagne des partis ou candidats. Un contrôle est exercé par la Chambre ou la Cour des comptes ; chaque candidat devra déposer au préalable un budget prévisionnel de campagne et justifier son exécution après les élections.
À titre d’exemple : Financement de la campagne électorale et dispositions pénales relatives à la corruption
électorale.
• Cas du Bénin : art. 84, 85 et 86 de la loi n° 98-034 du 15 janvier 1999.
N. B. : cette même loi puni toute corruption électorale (art. 111).
Dans les autres pays, le code électoral sanctionne la corruption électorale :
• Niger : art. 150 du code électoral (ordonnance n° 96-014 du 16 avril 1996 avec mise à jour du 12 octobre
1998).
• Sénégal : art. L. 102 du code électoral susvisé sanctionne la corruption électorale.
• Burundi : art. 159 du code électoral (Décret-loi n° 1/022 du 16/03/1993, sous réserves des modifications ultérieures).
• Madagascar : art. 150 du code électoral susvisé.
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« Tout vendeur et tout acheteur de suffrage seront condamnés chacun à une amende égale au double de la valeur des choses reçues ou
promises. En outre, tout citoyen qui, à l’occasion d’une élection aura acheté ou vendu un suffrage à un prix quelconque, sera privé de
ses droits civiques et déclaré incapable d’exercer aucune fonction publique pendant cinq ans au moins et dix ans au plus ».
8. Le financement des élections
Le financement des élections relève du chapitre des dépenses de souveraineté pour un pays. Or, de nombreux
pays africains sont encore dépendant des partenaires au développement pour le financement de leurs élections.
Dans certains pays, le budget des élections a été presque entièrement financé par la communauté internationale (c’est le cas des dernières élections en Centrafrique).
De ce qui précède, il résulte :
• qu’il y a eu des reports d’élection dus à la réception tardive de l’aide extérieure ;
• que, dans certains pays, l’aide extérieure a pu être interprétée comme une abdication de la souveraineté nationale car des bailleurs de fonds ont subordonné leur contribution au respect de certaines conditions (au niveau
de l’organisation des élections).
II.– PROPOSITIONS DE SOLUTIONS AUX DIFFÉRENTS PROBLÈMES CI-DESSUS IDENTIFIÉS
A.– Établissement des listes électorales et distribution des cartes d’électeur
1. L’établissement d’un fichier d’état-civil fiable se fera par étapes progressives
Pour ce faire
• organiser des audiences foraines dans les zones rurales afin de permettre aux citoyens d’avoir des jugements
supplétifs d’acte de naissance ;
• ensuite, sur une période donnée, organiser une campagne de délivrance de cartes d’identité nationale, gratuitement, ou à peu de frais, à ces citoyens.
2. Établissement du fichier électoral
• l’inscription sur la liste électorale devra se faire obligatoirement avec une pièce d’identification dont la liste
est laissée à l’appréciation de chaque pays (obligation légale) ;
• les représentants des partis doivent être associés aux opérations d’inscription sur les listes électorales (à préciser dans le code électoral) ;
• les listes électorales doivent faire l’objet de révision annuelle dont la période devra être précisée dans la loi
électorale ainsi que la publication de sa mise à jour (personnes radiées, nouvelles inscriptions, etc…).
3. L’informatisation des listes électorales
Les listes électorales étant permanentes, il convient de les informatiser.
Pour ce faire
• il est important de concevoir un logiciel qui permettra
– de détecter les doublons, les multiples inscriptions dans le fichier électoral national, quel que soit le lieu où
l’électeur s’inscrit
– d’imprimer des cartes d’électeur automatisées (cas du Niger)
– d’imprimer les listes électorales (ou d’émargement).
N. B. : l’informatisation des listes électorales a l’avantage de réduire considérablement :
– les coûts des inscriptions sur les listes électorales (au Bénin les perdiem des agents recenseurs s’élèvent à
près de cinq cent millions de francs à chaque élection)
– les coûts de l’impression des cartes d’électeur.
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4. La distribution des cartes d’électeur
La distribution des cartes d’électeur doit se faire plusieurs semaines avant le jour du scrutin. Elle s’effectuera
par la voie des structures décentralisées de gestion des élections (l’administration devra être mise à contribution).
Les partis politiques, la société civile (les ONG), ont un rôle de sensibilisation à jouer à ce stade pour inciter les
électeurs à retirer leur carte.
B.– Sur l’organisation matérielle des élections
Propositions pour une bonne organisation des élections.
1. L’établissement d’un chronogramme
Le chronogramme comportera deux parties
• un agenda de travail (calendrier interne) de la structure de gestion des élections qui prévoit toutes les tâches
à accomplir (de la préparation jusqu’à la proclamation définitive des résultats)
• un calendrier électoral établi à partir du décret de convocation du corps électoral qui comportera les précisions relatives à :
– la révision exceptionnelle des listes électorales (éventuellement)
– le dépôt des candidatures
– le contentieux de candidatures
– la campagne électorale
– le jour du scrutin
– la proclamation provisoire des résultats
– les recours
– la proclamation définitive des résultats.
2. S’agissant des structures de gestion des élections
• les CENA-CENI doivent être installées quatre mois avant le scrutin ;
• en tout état de cause, la préparation d’un scrutin doit commencer quatre mois avant le jour du scrutin.
3. Le matériel électoral : la commande et la mise en place doivent se faire
suffisamment à temps afin de ne pas compromettre le déroulement du scrutin
Au demeurant, un accent particulier sera mis sur la commande du matériel sensible (encre indélébile, bulletins de vote, etc.…). Le choix des fournisseurs doit se faire la base des critères techniques qui permettent de faire
une juste appréciation de la qualité et des délais de livraison.
À cette étape, il apparaît opportun de recommander l’usage du bulletin unique (le Bénin est actuellement le
seul pays à avoir fait l’expérience du bulletin unique dans l’espace francophone africain).
Le bulletin unique permet de lutter contre la fraude qui consiste :
• à remettre des bulletins aux électeurs avant le jour du scrutin ;
• à demander aux électeurs de ramener les bulletins non choisis contre des récompenses ;
• à organiser la pénurie des bulletins d’un candidat dans un centre de vote.
Le bulletin unique, par ailleurs, permet de réduire considérablement les coûts d’impression des bulletins.
Enfin, et contrairement aux inquiétudes des uns et des autres sur son utilisation, l’expérience du Bénin est édifiante car l’utilisation du bulletin unique a été décidée un mois avant le scrutin (sensibilisation des partis des électeurs).
4. La formation du personnel électoral et de tous les intervenants des processus électoraux
Pour garantir le bon déroulement du processus électoral, il est indispensable de former tous les intervenants
dudit processus (membres du bureau de vote, les responsables des structures de gestion des élections, les partis
politiques, et toutes les autres structures impliquées).
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La formation du personnel électoral comporte deux étapes techniques :
a) la phase théorique qui consiste à rappeler aux membres du bureau de vote les textes régissant le déroulement des opérations électorales (comment l’électeur doit voter).
N. B. : outils pédagogiques (code électoral et tous textes réglementaires, guides, etc…)
b) la phase pratique qui est une séance de simulation de vote (représentation d’un bureau de vote avec tout le
matériel électoral et le personnel électoral).
D’un point de vue méthodologique, cette formation se fait à deux niveaux
• La formation des formateurs ;
• la formation des agents électoraux par les formateurs.
5. La localisation et l’identification des bureaux de vote
La démocratie, c’est l’expression de la volonté des citoyens par le choix de leurs représentants ou de leurs gouvernants. Ce choix se fait par le vote, donc par leur participation aux élections. C’est pourquoi, il importe de rapprocher les bureaux de vote des électeurs.
Pour ce faire, il faut
– bien localiser et identifier les bureaux de vote afin de permettre à l’électeur de savoir son lieu de vote et son
bureau de vote ;
– préparer un manuel de ventilation des bureaux de vote pour tous les pays. Ce manuel doit être mis à la disposition des candidats et des partis politiques et éventuellement aux observateurs nationaux ou internationaux.
6. La centralisation des résultats et la publication ou la proclamation des résultats
La centralisation des résultats se fait suivant deux méthodes
a) soit le recensement de vote se fait au niveau local puis les résultats sont transmis au niveau régional, lequel
transmet la sommation de tous les résultats locaux au niveau national (cas du Sénégal) ;
b) soit les résultats sont transmis directement par les structures de gestion départementales (ou régionales) à
une unité centrale installée au niveau national (cas du Bénin et du Niger).
N. B. : la bonne exécution des deux méthodes dépend des moyens techniques et humains dont disposent les
structures de gestion des élections.
L’utilisation des lignes de télécopie permet de garantir la fiabilité de la transmission des procès-verbaux des
résultats issus des bureaux de vote (cas du Bénin et du Niger).
Au Bénin, aux dernières élections législatives 1999, tous les bureaux de vote créés étaient codifiés et des fiches
de résultats comportant lesdits codes étaient remplies au niveau de chaque bureau, puis collectées et transmises
par télécopie au siège de la CENA. Deux sociétés d’informatique, recrutées sur la base d’un appel d’offre, étaient
chargées du traitement des fiches de résultats et des feuilles de dépouillement. Les résultats ne sont validés qu’après
comparaison des résultats desdites sociétés.
7. Le vote des citoyens résidant à l’étranger
Il est à recommander aux pays qui ne l’ont pas encore fait, de prévoir le vote des nationaux résidant à l’étranger dans le code électoral.
Ensuite, il faut assurer de façon effective le vote de ces citoyens à l’étranger.
8. Le financement de la campagne électorale et la corruption électorale
Il est recommandé de prévoir dans le code électoral :
• un plafond pour le budget de campagne électorale des candidats ou partis politiques ;
• un budget prévisionnel qui sera adressé à la Chambre des comptes de la Cour Suprême (ou à la Cour des
Comptes) avant le début de la campagne électorale ;
• un bilan relatif à l’exécution du budget de campagne qui sera déposé à l’institution de contrôle ;
• des sanctions doivent être prévues en cas d’inobservation des dispositions sus-proposées ;
• de même en est-il des dispositions pénales contre la pratique de l’achat des suffrages auprès des électeurs.
Symposium international de Bamako
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III.– PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
A.– Bilan de l’accompagnement, par la Francophonie, des processus électoraux
En exécution des recommandations issues des sessions de Bordeaux, en 1995, et de Dakar, en 1997 (cf. pages
1 à 70 du document Bilan et Perspectives), la Francophonie a mené des actions significatives de soutien aux processus électoraux dans l’espace francophone.
Son appui s’est notamment traduit par :
1. La mise à disposition de l’expertise électorale auprès des structures qui en avaient manifesté le besoin
– auprès de la CENI du Mali, lors des élections de 1997 ;
– auprès de la CEMI de la République centrafrique, lors des élections législatives de 1998 et de l’élection présidentielle de 1999 ;
– auprès de la CENI du Niger, lors des dernières consultations électorales de 1999 qui ont permis de revenir à
une vie constitutionnelle normale ;
– auprès de la Cour suprême de Guinée-Bissau (contentieux), lors des élections législatives et présidentielles
de 1999 et 2000 ;
– auprès de la CEN du Togo (informatisation des listes électorales), lors des élections présidentielles de mai 1998.
N. B. : cet expert électoral a contribué à la formation des agents électoraux au Niger, tout autant qu’il a apporté,
assistance et conseil à la CEMI en République centrafricaine dans l’organisation matérielle des élections.
2. Un appui logistique et financier
– aux structures de gestion des élections (CEMI – CENI) ;
– aux Cours constitutionnelles et aux Hautes autorités de l’audiovisuel et de la communication ;
– aux ONG impliquées dans la formation et l’information des citoyens sur le processus électoral.
Cependant certaines activités demeurent non exécutées ou partiellement exécutées à savoir :
– l’appui à l’établissement d’un état-civil et de listes électorales fiables ;
– la mise au point d’un logiciel permettant d’informatiser les listes électorales, adapté à chacun des pays.
N. B. : la Francophonie a contribué, par un appui technique, à l’informatisation des listes électorales au Togo
lors des dernières présidentielles.
B.– Perspectives et recommandations
1. Nécessité d’un appui à l’établissement d’un fichier d’état-civil et des listes électorales fiables
On ne le dira jamais assez : « la démocratie, c’est d’abord l’expression de la souveraineté du peuple par la
voie des urnes ». C’est pourquoi tous les citoyens doivent pouvoir exercer leur droit de vote.
À cet égard, on peut lire dans Lucien Leuwen de Stendhal : « Je ne vous demande qu’une chose, c’est qu’il soit
électeur et du pays ».
Mais pour éviter les fraudes électorales, l’exercice du droit de vote est régi, dans chaque pays, par des lois qui
en fixent les conditions.
Au commencement de toute élection, l’acte le plus important est l’inscription sur la liste électorale. À cet effet,
il convient de rappeler que la liste électorale est « la pierre angulaire de la démocratie et lui est consubstantielle »
(arrêt du Conseil d’État du 10 juin 1949). Il en résulte que la liste électorale doit être fiable, mais elle ne saurait
l’être sans un état-civil fiable.
Dans cette perspective, il serait souhaitable que dans un cadre de coopération bilatérale ou multilatérale, la
Francophonie apporte, aux États, son appui à l’établissement d’un fichier d’état-civil. Il s’agira, dans ce cadre, de
concevoir un programme d’aide à l’organisation des audiences foraines par la justice afin d’obtenir des jugements
supplétifs d’acte de naissance aux populations rurales.
Après cette phase, les États eux-mêmes peuvent organiser des séances de délivrance de carte d’identité nationale aux citoyens.
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2. La mise au point, par la Francophonie, d’un logiciel pour informatiser les listes électorales
Ce programme peut consister
– à faire un bilan technique des expériences faites par les pays qui ont informatisé leurs listes électorales ;
– ensuite, concevoir le logiciel qui pourra être adapté à l’environnement socio-politique et géographique de
chaque pays ;
- assurer, par la suite, la mise en œuvre de ce programme, par la formation des utilisateurs.
3. Nécessité de la formalisation du Réseau de compétences créé par la Francophonie en 1995 (RECEF) pour assurer
l’assistance technique électorale aux structures de gestion des électeurs dans les pays de l’espace francophone
Ce réseau d’experts sera chargé :
– de concevoir et d’assurer un programme de formation du personnel électoral et de tous les intervenants du
processus électoral avant les élections ;
N. B. : il s’agira de former des formateurs et d’assurer le suivi de la formation des agents électoraux par les
formateurs
– dans un cadre d’échange d’expériences, d’aider les structures de gestion des élections à l’organisation matérielle des opérations de vote ;
– de produire des analyses sur les processus électoraux en cours, afin de favoriser les échanges d’expériences
et les améliorations adéquates.
Les propositions ci-dessus pourront être mises en exécution dans le cadre de l’Observatoire francophone de la
démocratie.
N. B. : il est recommandé de privilégier les relations Sud-Sud dans le cadre de l’assistance électorale dans les
pays africains, compte tenu des problèmes socio-politiques spécifiques à ces pays.
4. La Francophonie devra poursuivre les missions d’observation des élections compte tenu de ce que les processus
électoraux en cours se situent encore dans une phase de transition démocratique
Mais il est nécessaire de poursuivre l’amélioration des conditions d’exécution de ces missions en suivant les
étapes ci-après :
– mission exploratoire et d’identification des besoins et de l’état de la préparation des élections ;
– séjour de la mission dans le pays organisateur des élections deux semaines avant le scrutin et jusqu’à la proclamation des résultats ;
– communiqué provisoire sur le scrutin, le lendemain des opérations de vote ;
– communiqué définitif avec les recommandations, après la publication provisoire des résultats (car la phase
de la centralisation des résultats est une étape significative sur la sincérité des résultats).