Les tontons flingueurs

Transcription

Les tontons flingueurs
Les tontons flingueurs (1963), Georges Lautner. 1h 45min
Un scénario prend également en compte les dialogues prononcés à l’image par les
personnages. Une grande partie de l’habileté d’un dialoguiste consiste à donner les bonnes
informations au moment opportun, à éviter de tout donner au début du film et distribuer plutôt
les informations au fur et à mesure de son avancée, si bien sûr les elles semblent nécessaires
pour comprendre l’intrigue et connaître les personnages. Leurs relations sont ainsi
progressivement identifiables en fonction du contenu de leurs dialogues, de même que le
passé de chacun d’eux. Ces dialogues seront écrits de telle sorte que les personnages puissent
vous donner les informations de la manière la plus naturelle possible. Mais n’oubliez pas que
les personnages, si vous pouvez les caractériser en fonction de leurs propos, s’identifient aussi
en fonction de leur manière de parler, voire de leur accent. Georges Lautner et Michel
Audiard vous livrent dans Les tontons flingueurs un guide du bon parler barbouzes, lui-même
terme d’argot pour désigner les espions. Le vocable, s’il est approprié, est également bien
choisi en fonction des situations et des rebondissements.
L’avis de Nekochka :
Même en ne considérant que la séquence du règlement de compte entre barbouzes, qui
commence à leurs arrivées successives dans la maison de Fernand pour s’achever à coups de
canons pris ensemble, les dialogues vous font vite sentir la nature des relations entre les
protagonistes. Fernand, mécontent de tant de monde chez lui, en fait la remarque à sa
Nekochka : filmothèque du net
« nièce ». Vous repérez aussi l’adversité entre deux groupes de barbouzes : Fernand, Jean,
maître Folace d’une part et ceux qui sonnent nerveusement à la porte d’autre part. Eux que
Fernand identifie sans les avoir vus puisque « les cons ça ose tout, et c’est même à ça qu’on
les reconnaît ! ». Cette expression compte parmi les nombreuses répliques de Michel Audiard
à être restées célèbres. La réussite pour un dialoguiste est probablement lorsque ses répliques
sont reprises bien au-delà du film, passant parfois dans le langage courant.
Quant au comique de situation, là encore les dialogues jouent leur rôle : Raoul, venu régler
son compte à Fernand mais désarmé sitôt passé la porte de la cuisine, déclare : « on n’est
quand même pas venus pour beurrer des sandwiches !». Dans cette séquence presque toutes
les répliques sont devenues, comme on dit aujourd’hui, des « répliques cultes ». Mais parmi
elles, l’une est encore souvent évoquée entre spectateurs, celle où maître Folace, faisant un
bref historique sur le seul alcool qu’il leur reste rappelle que sa vente avait été arrêtée car
« y’a des clients qui devenaient aveugles, alors ça faisait des histoires ».
Drôle d’histoires en effet. Car ce film, contemporain de la Nouvelle Vague, propose une toute
autre conception du cinéma. Et tout comme les films de Truffaut, Godard, Chabrol et autres
Rivette il appartient désormais au patrimoine cinématographique français : c’est ensemble
qu’ils en constituent la richesse et la diversité.
Nekochka : filmothèque du net