Les outils agricoles dans la Chine du xive siècle d`après le

Transcription

Les outils agricoles dans la Chine du xive siècle d`après le
Les outils agricoles
dans la Chine du xive siècle
d'après le Nongshu de Wang Zhen
Olivier Guyonvarch1
Mon père a le dos courbé comme une harpe,
la tête comme le bec d'un poulet,
Ses muscles endoloris, ses os moulus,
il pousse des gémissements de douleur.
Moi, je caracole sur mon cheval en bois d'orme,
que je peux soulever d'une seule main,
La tête et les reins fièrement redressés,
le ventre et les côtes vers le bas.
Su Dongpo (1036-1101)
Le Nongshu (Traité agricole) de Wang Zhen est le premier traité en Chine
à donner une description précise et étendue des outils agricoles. L'auteur,
originaire du Shandong, fut nommé à son premier poste officiel dans
l'Anhui en 1295, puis dans le Jiangxi en 1303. Ayant ainsi pris connaissance des techniques de production agricole et artisanale de ces régions,
il voulut en informer les fonctionnaires locaux afin qu'ils pussent à leur
tour en faire profiter leurs administrés. Son traité, dont la première édition
est de 13042, apparaît donc comme un ouvrage destiné à la diffusion de
ces techniques. Rappelons que Wang Zhen écrit après l'invasion mongole
de 1272, ses guerres et ses dévastations. Il dépeint dans son Nongshu une
1
2
Cet article se fonde sur un mémoire de maîtrise entrepris à l'Université de
Paris 7, sous la direction de Georges Métailié, auquel l'auteur exprime toute sa
gratitude.
Nous utilisons l'édition complète du texte de Wang Zhen, commentée par Wang
Yuhu et publiée en 1981 (ci-après : WZNS).
Études chinoises, vol. XII, n° 2, automne 1993
Olivier Guyonvarch
situation idéale, avec l'espoir que les paysans pourront la connaître sous
la direction de fonctionnaires éclairés3. À plusieurs reprises dans son
texte, il laisse en effet paraître son désir de modernisation et d'optimisation des techniques, ce qui donne à penser que beaucoup restait à faire
dans ce domaine : « Aujourd'hui, les paysans considèrent qu'un labour
profond suffit et ne savent plus achever la préparation du sol en affinant
la terre avec la herse. » Dans « La chanson du cheval à repiquer », que
Wang Zhen reprend de Su Dongpo, la peine du père, qui travaille sans
équipement spécial, contraste avec la facilité du fils, qui utilise l'outil
nouveau. Dans l'article sur la houe à col de cygne, Wang Zhen explique
que dans les régions où elle est utilisée, les rendements sont supérieurs
et qu'il souhaite qu'elle remplace partout l'ancienne houe qu'il juge peu
efficace. Il peut ainsi y avoir introduction à un moment donné d'une technique nouvelle, mais sa diffusion sera plus ou moins large selon les
régions.
Le Nongshu de Wang Zhen comprend notamment cinq juan traitant
des outils agricoles («Nongqi tupu»). Notre propos est d'en présenter ici
une traduction commentée afin de dresser, à partir de l'outillage utilisé,
un inventaire aussi fidèle que possible des pratiques culturales à l'époque
des Yuan4. Nous analyserons celles-ci sous un angle résolument technique, et nous jugerons de leur pertinence agronomique à la lumière des
connaissances et conceptions actuelles. En ayant l'espoir d'intéresser le
sinologue non technicien comme le technicien non sinologue, nous voudrions dans cet article mettre en lumière la manière dont les hommes ont
travaillé la terre chinoise pour nourrir des populations à fortes densités.
Mais tout d'abord, pourquoi s'intéresser aux techniques agricoles,
sujet trivial s'il en est ? Combien de citadins ont de l'agriculteur du XTV
siècle (quand ce n'est pas de leurs contemporains) l'image d'un pauvre
hère, l'échiné douloureusement courbée sous le labeur et l'entendement
3
4
Cf. Liang Jiamian (1989), p. 459.
Nous nous sommes limité aux outils dont la présentation offre le plus d'intérêt
pour le lecteur non spécialiste. Ils apparaissent dans l'ordre normal de leur
utilisation aux champs, et non dans l'ordre où ils sont classés dans le traité de
Wang Zhen.
10
Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
engourdi par la famine endémique ? Le paysan semble uniquement
capable de répéter les gestes appris de ses ancêtres pour tirer de la glèbe
sa maigre subsistance. Cette image est radicalement erronée, comme nous
le verrons, et c'est ailleurs qu'il faut chercher la raison du manque
d'intérêt du public. Comme le fait observer François Sigaut, la complexité
des techniques agricoles peut expliquer leur désaffection par les
historiens. En effet, « les systèmes de culture sont si cohérents, on le sait,
et les techniques agricoles si liées entre elles, qu'il est difficile de parler
de l'une sans parler de beaucoup d'autres. En agriculture, plus peut-être
qu'ailleurs, un fait isolé n'a pas de sens. Pour le comprendre, il faut le
situer dans le ou plutôt les ensembles auxquels il appartient, dont il
devient, en quelque sorte, l'intersection. L'étude des techniques traditionnelles de l'agriculture est négligée, car la complexité intellectuelle des
modèles qu'elle a mis en place est sous-estimée. »5
Nous nous proposons ici de réaliser une « coupe verticale » dans le
patrimoine technique de l'époque des Yuan. Lorsque Wang Zhen écrit
son traité, les outils les plus importants, comme la charrue, le semoir, les
rouleaux, les herses, sont déjà au point depuis l'époque des Han ; les Song
ont vu l'apogée de techniques agricoles comme le labour ou le semis, qui
n'ont pratiquement pas évolué jusqu'aux années 19506. Ainsi tout le
développement économique, démographique, culturel et politique de la
Chine jusqu'à une période récente sera sous-tendu par les techniques
agricoles traditionnelles7. Et même dans la Chine d'aujourd'hui, en bien
des endroits, ces dernières sont toujours en usage : si, pour paraphraser
Mariel J.-Brunhes Delamare, les outils que nous présentons ici sont un
témoignage du passé, ils restent, pour l'essentiel, d'actualité pour les
paysans chinois d'aujourd'hui8.
5
6
7
8
Cf. Sigaut (1975), p. 6.
Cf. Liang Jiamian (1989), p. 383.
Sur les rapports techniques agricoles/population, voir Cartier (1985), p. 43-62.
Cf. J.-Brunhes Delamare (1985), p. 6.
11
Olivier Guyonvarch
Cohérence et diversité des techniques agricoles
Il est important de souligner que chaque outil, tel qu'il est décrit, s'inscrit
dans un ensemble de pratiques complémentaires et indissociables les unes
des autres. Il faut distinguer les pratiques culturales du nord du Yangzi,
zone de culture sèche, de celles du sud du Yangzi, où prédomine la rizière
irriguée. Les exigences agronomiques des cultures dans ces deux régions
sont radicalement différentes et les techniques employées doivent s'y
conformer. Dans son texte, Wang Zhen ne manque jamais de distinguer
celles-ci selon leur utilisation en culture sèche ou irriguée.
Sur un plan strictement technique, les travaux agricoles peuvent être
répartis entre trois grandes phases qui consistent à assurer à la plante les
conditions optimales de son développement. En premier lieu, il s'agit de
préparer le sol à recevoir les semences. Puis, lorsque la plante a germé,
de l'accompagner tout au long de sa croissance, en désherbant et en
fertilisant les champs. Enfin, après maturation, il reste à l'agriculteur à
récolter les fruits (au sens propre comme au sens figuré) de son travail.
Les trois étapes de ce cycle sont d'une égale importance, chacune à son
niveau, et le fait d'en négliger une entraîne une diminution de l'efficacité
des autres. L'agriculteur n'a donc pas droit à l'erreur : de sa dextérité et
de sa capacité à prendre les bonnes décisions au bon moment dépend sa
survie. Nous allons étudier, au cours de ces trois étapes, les outils décrits
par Wang Zhen, répartis en cinq grands types : les outils pour le labour
(charrue/houes), la préparation du lit de semences (herses/rouleaux), le
semis (semoir), le désherbage (houes/herses manuelles) et la récolte
(faucilles/faux).
De la préparation du sol au repiquage
Dans le Nord, en zone de culture sèche, l'agriculteur doit se plier à deux
grandes exigences, commandées par la nécessité de réaliser le semis dans
les meilleures conditions possibles. Ce sont l'affinage de la terre et la
conservation de son humidité. Pour comprendre l'enchaînement des
pratiques culturales, il nous faut exposer brièvement la physiologie de la
12
Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
germination. La graine a besoin d'eau pour germer. Cette eau ramollit son
enveloppe extérieure et génère les phénomènes hormonaux déclencheurs
de la croissance. Il faut donc que la terre soit suffisamment humide et les
mottes suffisamment fines, ce qui augmente d'autant la surface d'échange
de l'eau avec la graine. Compte tenu de ces exigences, pour préparer le
semis, il faut d'abord ameublir grossièrement le sol au moyen d'une houe
ou d'une charrue, puis réduire les mottes de terre à la taille voulue par
des passages successifs d'outils comme les herses ou les rouleaux.
1 — La charrue
Pour une meilleure compréhension du texte de Wang Zhen, rappelons que
la charrue est un outil asymétrique qui retourne la terre sur un côté au
moyen d'un soc et d'un versoir (Fig. I)9. Quant à son fonctionnement, il
nous suffit de nous reporter au texte. Wang Zhen a ici repris à son compte
le Classique de la charrue (Leisi jing), compilé par Lu Guimeng en 879.
Les passages entre crochets <...> ont été omis par lui, mais il nous a
semblé utile à l'intelligence du texte de restituer la version originale de
Lu Guimeng10.
m
-t
U
Outil utilisé pour défricher. La charrue tranche, découpe et soulève la
terre, puis sectionne les racines des mauvaises herbes. [...] [D'après le]
Leisi jing, [cet outil] est appelé leisi dans les livres, mais les paysans ont
coutume de l'appeler IL Le soc et le versoir sont en fer moulé. Le sep,
le presse-soc, le support de versoir, l'étançon, le timon, le mancheron, le
régulateur de profondeur, la cheville de régulateur et le palonnier sont en
bois. La charrue est constituée au total de onze pièces de bois ou de fer
assemblées. La bande de terrain labourée est appelée le sillon, et elle
présente l'aspect de mottes de terre. < Les mauvaises herbes continueront
à pousser sur les sillons si les racines et les tiges ne sont pas retournées. >
9 Cf. Haudricourt et J.-Brunhes Delamare (1986), p. 26-27.
10 Nous conseillons au lecteur de se référer aux illustrations pour les termes
techniques, que nous avons toujours traduits dans leur équivalent exact en
français. Pour la version intégrale du texte de Lu Guimeng, voir Zhou Xin
(1990), p. 16-17.
13
Olivier Guyonvarch
C'est pourquoi le soc, placé sous le versoir, soulève la terre ; le versoir,
placé obliquement au-dessus du soc, la retourne. < L'avant du soc est
pointu, et le versoir est arrondi en sa partie inférieure. Le soc est emboîté
sur le sep. Les artisans appellent « chair de tortue » la partie avant du sep
qui pénètre dans le soc. Le presse-soc est ajusté sur le dessus du sep. À
l'arrière du versoir, deux trous permettent de le fixer de chaque côté du
presse-soc. > Le support de versoir est fixé au-dessus du soc < et repousse
le versoir >. Le versoir, son support et le soc sont assemblés les uns aux
autres. L'étançon traverse le support de versoir et se prolonge jusqu'au
sep11. Le timon, pièce de bois courbée vers le bas, est disposé à l'avant
de la charrue. Le mancheron est une longue pièce de bois située à l'arrière
de la charrue et permettant de la diriger. Le timon est percé d'un trou
traversé par l'étançon qui peut ainsi être réglé en hauteur. La partie de
l'étançon située au-dessus du timon est mortaisée et reçoit un ajusteur.
L'ajusteur, qui peut être avancé ou reculé, a la forme d'un coin dont la
partie la plus épaisse est tournée vers l'avant et la plus mince vers l'arrière. Lorsqu'on le pousse vers l'avant, l'étançon s'allonge vers le bas et
augmente la profondeur de labour. Lorsqu'on le recule, l'étançon est
raccourci et diminue la profondeur de labour. < L'étançon est appelé
« flèche », car il peut être allongé ou raccourci. L'ajusteur est appelé [de
la sorte], car il permet de modifier la profondeur de labour. > Une cheville
courbée traverse perpendiculairement l'ajusteur pour le solidariser avec le
timon. Sans cette cheville, les deux pièces se déboîteraient et l'étançon ne
pourrait être maintenu en place. Le palonnier est fixé au bout du timon,
perpendiculairement, et de sorte à pouvoir pivoter. Les traits sont fixés
aux deux extrémités et le relient au jouguet. Le mancheron, par lequel le
laboureur tient la charrue, est à l'arrière du timon12. Le timon est comme
la « poitrine » d'une charrette, le mancheron comme le gouvernail d'un
navire.
[WZNS, p. 200]
Il est important de s'arrêter quelque peu sur cette charrue. Elle est en effet
assez différente de son homologue occidental à la même époque. Elle s'en
11 M.P. Hommel donne, dans son célèbre ouvrage China at Work, une bonne
description, ainsi qu'une illustration, des positions respectives du presse-soc et
du support de versoir. Voir Hommel (1937), p. 42-43.
12 Le timon et le mancheron sont en fait deux pièces différentes, car la charrue
chinoise décrite ici est dite « carrée ».
14
Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
Figure 1 : La charrue li
1. lishao, mancheron ; 2. lijian, étançon ; 3. lijian, cheville de régulateur de
profondeur ; 4. liping, régulateur de profondeur ; 5. liyuan, timon ; 6. libi,
versoir ; 7. lichan, soc ; 8. yachan, presse-soc ; 9. ce'e, support de versoir ;
10. lidi, sep ; 11. guirou, «chair de tortue » (partie avant du sep dans laquelle
le soc est emboîté).
Dessin de l'auteur fait à partir de la photographie publiée dans Hommel (1937),
p. 41.
15
Olivier
Guyonvarch
distingue par la forme du soc et celle du versoir, par l'absence de coutre13
et d'avant-train, par un timon courbe et par le fait qu'elle n'est tirée que
par un seul animal.
La différence essentielle réside dans la forme et la nature du versoir,
qui conditionne, à notre sens, les autres. Le versoir chinois est métallique
et régulièrement incurvé. Placé dans le prolongement direct du soc (il
s'agit parfois d'une seule et unique pièce), il présente ainsi le minimum
de résistance à l'avancement. Le bord le plus avancé du versoir joue le
rôle du coutre. Le versoir occidental à l'époque médiévale est souvent une
planche de bois plate ou légèrement courbe, montée en discontinuité par
rapport au soc. Cet agencement nécessite un effort de traction bien plus
considérable et requiert l'utilisation d'un coutre pour découper la terre
verticalement14. La bande de terre découpée est ensuite retournée par la
force que lui applique le versoir, alors que dans le cas du versoir courbe
chinois, elle est en partie retournée sous l'effet de son propre poids. La
charrue occidentale est de facture plus lourde et doit être attelée le plus
souvent à deux animaux, alors que la charrue chinoise ne nécessite qu'un
seul animal. La charrue occidentale requiert aussi une plus grande dépense d'énergie de la part du laboureur. Ces remarques techniques sur les
différences entre les charrues occidentale et chinoise sont très importantes : elles expliquent en partie les différences entre deux systèmes agraires.
Une fois que le sol a été retourné par la charrue, il reste à l'affiner
pour le préparer à recevoir les semences. C'est la fonction des deux types
d'outils qui suivent, les herses et les rouleaux.
13 Le coutre découpe la terre verticalement, le soc horizontalement.
14 Cf. Haudricourt (1987), p. 268. A noter que cet ouvrage, par ailleurs fondamental, analyse l'araire et la charrue dans les milieux européens et méditerranéens
principalement. Les chapitres traitant de ces outils en Asie orientale sont propres
à stimuler la recherche, car ils posent plus de questions qu'ils n'apportent de
réponses.
16
Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
2 — Les herses
Les herses remplissent deux rôles principaux : elles servent à l'affinage
de la terre et à la conservation de l'humidité du sol, qui pose un problème
capital dans le nord de la Chine, dont le climat est aride en hiver et au
printemps. Wang Zhen décrit deux types de herses : la herse à dents, pour
un premier affinage, et la herse-buisson, pour la préparation du lit de
— La herse à dents (ou herse horizontale)
Dans son article, Wang Zhen décrit très précisément le rôle de cet outil,
ainsi que sa fabrication.
$£J
ba
Il convient de herser après chaque labour pour émietter les mottes de terre
et éliminer les mauvaises herbes. Un vieux dicton paysan dit : « Il faut
six [passages de] herse après un [passage] de charrue. » Aujourd'hui, les
paysans considèrent qu'un labour profond suffit et ne savent plus achever
la préparation du sol en affinant la terre avec la herse. Si l'on ne herse
pas correctement, la [texture] de la terre sera grossière et creuse16. Plus
tard, même si la culture germe, les racines ne seront pas en contact étroit
avec la terre. Les plantes ne résisteront alors pas à la sécheresse, elles
seront échaudées, subiront les morsures des bestioles17 et mourront
desséchées. Si le sol a été correctement hersé, la texture sera fine et
rassise18. Après un passage de rouleau, les racines seront en contact intime
avec la terre. Elles résisteront naturellement à la sécheresse et ne subiront
pas les problèmes que j'ai décrits plus haut. Il faut herser toute la surface
du champ, et ce n'est qu'après plusieurs passages que la texture idéale
15 On appelle lit de semences la couche superficielle du sol dans laquelle les graines
sont semées. Le lit de semences idéal est constitué de mottes de terre très fines
et légèrement tassées.
16 Ce terme utilisé dans le vocabulaire agronomique moderne nous paraît le
meilleur équivalent. Un sol est dit « creux » lorsque les mottes, trop grosses,
laissent entre elles des cavités.
17 Traduction proposée par G. Métairie pour le caractère chong.
18 Nous traduisons le terme shi par « rassis », qui signifie que le sol est tassé, mais
sans excès, pour permettre l'aération et un bon contact terre/racines. Cf. Chi
Renli et Zuo Shuzhen (1988), p. 86-102.
17
Olivier Guyonvarch
sera obtenue, c'est-à-dire lorsque la parcelle sera couverte d'une boue
[suffisamment fine] pour qu'un œuf puisse y être englouti19. Les
traverses20 [de la herse] sont longues de cinq pieds, larges d'environ
quatre pouces et espacées entre elles d'environ cinq pouces. Elles sont
percées de trous carrés alternés les uns par rapport aux autres, dans
lesquels sont emboîtées des dents de bois, longues d'environ six pouces.
L'extrémité des traverses est fixée sur deux longerons d'environ trois
pieds de long. La partie avant des longerons, légèrement relevée, est
pénétrée de part en part par deux chevilles de bois auxquelles sont
attachés les traits reliés au jouguet de l'animal qui lui permet de tirer la
herse. Il existe aussi une herse en forme de « V »21 dont les dents sont
en fer. [...] Lorsqu'il herse son champ, le paysan se tient debout sur la
herse afin que les dents pénètrent profondément dans la terre. Il doit
fréquemment libérer avec son pied les tiges et les racines des mauvaises
herbes qui s'emmêlent entre les dents. La herse horizontale est un outil
indispensable en culture irriguée comme en culture sèche.
[WZNS, p. 104-105]
— La herse-buisson (Fig. 2)
Le rôle de la herse à dents pour un premier affinage est clair. Examinons
maintenant celui de la herse-buisson pour la conservation de l'humidité22.
lao
Cette herse n'a pas de dents. Ce sont des branches tressées entre les
traverses qui assurent l'affinage de la terre. Le paysan passe la hersebuisson après le labour et doit [à cette occasion] veiller à l'humidité de
la terre. Le passage de la herse-buisson permet d'aplanir le sol et de le
rendre fertile. L'effet de la herse horizontale [à dents] est très différent de
celui de la herse-buisson : la première ratisse le sol, alors que la seconde
19 Cette phrase fait allusion à la préparation de la boue des rizières, avant le
repiquage.
20 Sur lesquelles sont fichées les dents.
21 Les Chinois disent : « renziba » (herse en forme de caractère ren).
22 M.P. Hommel, dans les années 1930, décrit et photographie une herse tout à fait
semblable, à ceci près que les dents sont métalliques, en forme de lames, et que
les longerons sont munis sur le dessous de lames de guidage. La photographie
qu'il produit présente la herse en position de transport, c'est-à-dire que les
traverses ont été emboîtées de sorte que les dents soient parallèles au sol, et non
perpendiculaires comme en position de travail. Voir Hommel (1937), p. 56-59.
18
Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
Figure 2 : La herse-buisson lao
D'après l'édition du Palais de 1783 du Nongshu de Wang Zhen.
19
Olivier Guyonvarch
le tasse et l'affine. Après les labours de printemps, il faut passer la hersebuisson sans attendre. Après les labours d'automne, il convient d'attendre
que la surface du sol blanchisse23 avant de herser. [En effet], il y a beaucoup de vent au printemps, et si l'on ne passe pas la herse-buisson
immédiatement après le labour, le sol se dessèche et des crevasses se
forment24. A l'automne, le sol est gorgé d'eau, et il est à craindre qu'il
durcisse si l'on passe trop tôt la herse-buisson. Si le labour est grossier,
il faut effectuer plusieurs passages. Après un labour suivi d'un hersage
avec une herse à dents, il est nécessaire de passer la herse-buisson avant
de semer.
[WZNS, p. 206-207]
Le problème de la conservation de l'humidité du sol est récurrent dans
le Nongshu de Wang Zhen. En effet, durant l'hiver et le printemps dans
le nord de la Chine, l'air très sec et le vent sont responsables d'une évaporation très forte au niveau du sol. Or, le labour, aux mottes anguleuses,
expose une surface de terre importante à l'action du vent et de la sécheresse. Le hersage permet de créer un effet de mulch, puisqu'il consiste à
affiner la terre en surface, entraînant un dessèchement rapide du sol sur
une profondeur de quelques centimètres. Ainsi la continuité des filets
capillaires, vecteurs de l'évaporation, est interrompue en surface et l'évaporation de l'eau stoppée. Cette méthode, en Chine du Nord, revêt une
importance capitale, car il en va de la survie même des hommes25 : les
graines ont besoin, en automne ou au printemps, d'humidité pour germer.
Si le sol est trop sec, la germination se fera mal, affectant l'ensemble du
cycle de végétation de la plante, et par là même l'abondance de la récolte.
23 À l'automne, le sol doit être suffisamment sec, sinon la herse aura pour effet de
« glacer » la surface sous l'action de la pluie et de former une croûte, empêchant
la pénétration de l'eau et asphyxiant les racines des plantes.
24 Le vent a effectivement un effet désastreux sur les terres légères de la Chine du
Nord, particulièrement en zone de lœss. Le vent accélère l'évaporation, et le sol
ainsi desséché subit une érosion éolienne importante.
25 Cf. Liang Jiamian (1989), p. 248.
20
Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
— La herse verticale (Fig. 3)
Avec la herse verticale nous quittons la Chine du Nord pour nous tourner
vers le Sud, pays de rizières. C'est en effet un outil spécifique de la
culture inondée26. Lisons d'abord Wang Zhen.
¥
chao
Cet outil est utilisé pour draguer la boue des rizières. La herse verticale
est haute d'environ trois pieds et large de quatre. La partie supérieure est
constituée du manche horizontal, la partie inférieure d'une rangée de
dents. Ces dents sont deux fois plus longues et sont également plus serrées
que celles de la heise horizontale. La herse est tirée par un bœuf et l'agriculteur la tient à deux mains. Il faut pour une herse verticale un homme
et un bœuf. Les « herses assemblées », avec deux hommes et deux bœufs,
permettent d'effectuer rapidement le travail, particulièrement dans les
champs étendus27. La boue sera correctement préparée après un labour, un
hersage à la herse horizontale, puis un hersage à la herse verticale.
[WZNS, p. 206]
La herse verticale est donc une sorte de grand peigne dont les dents fines
et allongées ratissent en profondeur la boue des rizières. Elle est d'un
emploi assez délicat, car l'agriculteur doit la maintenir droite, alors que
la force de traction de l'animal a tendance à la plaquer sur le sol. C'est
la raison pour laquelle les traits sont fixés à l'extrémité de deux courts
brancards, afin d'équilibrer l'outil, compte tenu de la traction et de la
résistance de celui-ci28.
3 — Les rouleaux
Dans la suite des opérations de préparation du lit de semences, les
rouleaux lisses, en bois ou en pierre, sont utilisés après les herses, et ce
pour deux raisons : il s'agit, une dernière fois, d'affiner les mottes de
terre, mais aussi de tasser le sol avant le semis. On se rappelle en effet
26 Cf. Hopfen (1970), p. 76.
27 II s'agissait donc de mobiliser deux attelages sur une même parcelle, non pas
parce que le travail était particulièrement dur, mais pour en hâter l'exécution.
28 Cf. J.-Brunhes Delamare (1985), p. 58.
21
Olivier Guyonvarch
Figure 3 : La herse verticale chao
Outil servant à la préparation de la boue des rizières. L'illustration montre clairement
la large poignée. Les deux barres auxquelles sont attachés les traits sont nécessaires
à l'équilibrage de la herse.
D'après l'édition du Palais de 1783 du Nongshu de Wang Zhen.
22
Les outils agricoles dans la Chine du XIVe siècle
que le passage de la herse a permis d'éviter l'évaporation de l'eau stockée
dans les couches moyennes du sol. Le rouleau, lui, en tassant le sol,
reconstitue la continuité des filets capillaires, autorisant à nouveau la
remontée de l'eau, la mettant à la disposition de la graine. Le rouleau est
également passé après le semis, afin d'assurer un contact intime entre la
terre et la graine. Nous allons d'abord examiner la description des rouleaux lisses, en pierre ou en bois.
— Le rouleau lisse
fâ$~
Indu (liuzhou)
Le rouleau lisse est utilisé après le passage de la herse horizontale. La
herse plate et le rouleau à dents sont munis de dents, alors que le rouleau
lisse présente des arêtes. [Le rouleau lisse] est en bois, le meilleur étant
un bois dur et lourd. D'après moi, si le nom de ce rouleau s'écrit avec
l'élément sémantique « pierre », c'est qu'il était à l'origine en pierre.
Aujourd'hui, dans le Nord, les rouleaux sont en pierre, alors que dans le
Sud, ils sont tous en bois. C'est que l'on n'utilise pas le même rouleau
pour les rizières et les cultures sèches ; chaque [type] est adapté [à un sol
particulier]29. Le rouleau mesure environ trois pieds de large et son diamètre importe peu. Il peut être en bois ou en pierre. Il est entouré d'un
bâti de bois, et un axe médian lui permet de rouler. Le rouleau est tiré
par un bœuf que dirige le paysan. Il écrase les mottes de terre qu'il réduit
aisément. Le rouleau peut aussi être utilisé pour décortiquer le grain sur
l'aire de battage30. Le rouleau est d'un emploi courant en culture irriguée
comme en culture sèche.
[WZNS, p. 217]
Le rouleau lisse en bois a disparu de la riziculture dans la première moitié
du xvnr= siècle ; il a été remplacé par le rouleau à dents31. Les rouleaux
29 En effet, le rouleau de pierre, trop lourd, est inutilisable sur le sol humide et mou
d'une rizière.
30 Pour décortiquer le grain, on utilise un rouleau de forme tronconique, qui décrit
ainsi un cercle sur le sol. Ce genre de rouleau, en pierre, est d'usage courant en
Chine contemporaine. Cf. Haudricourt et J.-Brunhes Delamare (1987), p. 202.
31 Cf. Bray (1984), p. 234.
23
Olivier Guyonvarch
à dents ou à ailettes assurent un malaxage énergique de la boue, la rendant
suffisamment fine pour recevoir les plants repiqués.
— Le rouleau à dents ou à ailettes
~tfk_
At^r
lize
Il ressemble au rouleau lisse, mais il est pourvu [de plusieurs] rangées de
dents. Il est utilisé uniquement dans les champs inondés, pour briser les
mottes de terre et les réduire en boue.
[WZNS, p. 210]
Ce passage décrivant le rouleau à dents est relativement court en comparaison de l'importance de l'outil. Comme il était déjà d'un usage très
répandu, il est possible que Wang Zhen n'ait pas jugé utile de s'étendre
plus longuement sur son sujet.
Les illustrations du Nongshu de Wang Zhen montrent des rouleaux de
ce type équipés de dents ou de lames. L'auteur donne plus loin une autre
description d'un rouleau équipé de lames, et il explique ses avantages. Il
s'agit d'un outil utilisé dans le Sud pour le désherbage des rizières.
mi
gunzhou
Dans le Nord, le riz n'est pas repiqué, mais simplement semé à la volée.
[Dans ces régions], les champs peuvent être roulés avec un rouleau sur
lequel sont montées de petites planches de bois appelées « ailes d'oie ».
L'outil ressemble alors à un rouleau à dents, mais [d'un diamètre] plus
faible. Ce dispositif permet de malaxer la terre et l'eau pour obtenir de
la boue. [...] Au Jiangnan, il est facile de préparer la boue [des rizières],
c'est pourquoi on utilise un rouleau lisse. Mais dans le Nord, les champs
naturellement humides sont très rares. Aussi, après avoir mis le champ en
eau, il faut employer ce rouleau à ailettes pour malaxer la terre.
[WZNS, p. 247]
Ce rouleau à ailettes est très intéressant. Comme l'explique Wang Zhen
dans la première partie de l'article (non reproduite ici), il est caractérisé
par un faible diamètre. Muni d'ailettes, il peut tourner rapidement sur luimême, assurant alors un brassage énergique de la terre humide qu'il transforme en une boue fine. C'est pourquoi cet outil est utilisé pour la prépa-
24
Les outils agricoles dans la Chine du xrf siècle
ration des rizières dans le nord de la Chine, où les sols ne sont pas
naturellement marécageux comme dans le sud. Il est aujourd'hui très
courant en Chine comme au Japon.
Lorsque la boue a été correctement malaxée et qu'elle est suffisamment fine et liquide, il reste à niveler le sol de la rizière, afin que la
surface soit parfaitement plane avant le semis et la mise en eau.
4 — Le semis
Le semis est l'opération la plus délicate de tout le cycle de production
agricole. De sa bonne réalisation dépend l'avenir de la culture, et donc
l'importance de la récolte. Le semis nécessite une grande précision quant
à la quantité de semences mises en terre. En Chine a été développée une
technique originale pour répondre à ce besoin de précision : le semis en
ligne au moyen d'un semoir. JJ existe en fait trois méthodes pour mettre
les semences en terre : le semis en poquets, le semis à la volée et le semis
en lignes. Nous ne traiterons pas ici du semis en poquets, mais nous nous
attacherons aux différences existant entre le semis à la volée et le semis
en lignes.
Le premier a été pratiqué en Occident jusqu'au milieu du xxc siècle.
C'est une technique moins « primitive » qu'elle ne peut paraître au
premier regard. Elle demande aux agriculteurs une grande expérience. À
ce titre, elle est réservée aux mieux exercés d'entre eux. Les graines sont
précieuses et la dose de semis doit être évaluée au plus juste, en fonction
de la culture, de la fertilité du sol, du climat et de la saison. À ces paramètres dont il faut tenir compte s'ajoute la maîtrise parfaite du geste. Il
convient de répartir régulièrement la quantité de semences nécessaire en
fonction de la surface du champ et de moduler l'ampleur du geste selon
la force et la direction du vent. Le principal inconvénient du semis à la
volée, c'est qu'il demande beaucoup de savoir-faire à celui qui le pratique, et surtout qu'il réclame une grande quantité de semences32.
32 Cf. J.-Brunhes Delamare (1985), p. 66.
25
Olivier Guyonvarch
Le semis réalisé avec un semoir est à la portée de tout agriculteur, il
ne nécessite qu'une moindre habileté par rapport au semis à la volée.
C'est une technique ancienne en Chine, puisque le semoir était utilisé dès
l'époque des Han33. Il est important de s'arrêter sur les avantages du
semis en ligne. Cette technique rend possible l'optimisation des conditions de culture en permettant à l'agriculteur de circuler entre les rangs
de plantes, ce qu'il ne peut faire lorsque la culture est semée à la volée.
Cette optimisation se réalise à deux niveaux : le désherbage et la fumure.
Ainsi, pendant toute la durée du cycle de végétation, le paysan peut
éliminer à la main, avec un râteau ou une houe, les mauvaises herbes qui
sont considérablement gênantes pour la culture. Le désherbage pendant le
cycle de végétation permet par ailleurs d'économiser l'humidité du sol
(les plantes parasites des cultures sont souvent très exigeantes en eau), ce
qui est très profitable dans tout le nord du pays. De la même manière, le
semis en ligne autorise une fertilisation optimale, car l'engrais peut être
apporté au pied de chaque plante, en fonction des besoins physiologiques
qui varient au cours de la vie de la plante.
L'usage du semoir permet également d'économiser des semences. Au
xnc siècle, dans le bassin du Yangzi où le blé et l'orge sont produits en
culture d'hiver, la dose de semis correspond à un dixième de la récolte34.
En Europe, à la même époque, il faut semer au moins un tiers de la récolte
précédente en année normale.
Le semis en ligne est, en liaison avec les techniques de préparation
du sol en amont, de désherbage et de fumure en aval, le point d'orgue
de l'intensification agricole en Chine, et ce depuis l'époque des Han.
Nous tenons là un des facteurs déterminants ayant permis au sol chinois
de nourrir des densités de population élevées. Laissons maintenant Wang
Zhen nous décrire le semoir utilisé en son temps (Fig. 4).
33 Cf. Bray (1984), p. 262.
34 Ibid., p. 287.
26
Les outils agricoles dans la Chine du xiv siècle
Figure 4 : Le semoir louche
Sur l'image on distingue clairement la trémie remplie de graines et les petits socs,
situés à l'extrémité des tubes de descente (en noir). Balancé de droite à gauche,
le semoir dépose quelques graines à chaque fois. Par contre, le système de
régulation de la chute des graines n'est pas visible.
D'après l'édition de 1637 du Tiangong kaiwu (Produits de la nature et de l'industrie).
27
Olivier Guyonvarch
— Le semoir
tojh
louche
^ ? K " C'est un outil utilisé pour mettre les graines en terre. Semer est l'action
-4~ de recouvrir les graines de terre. Les socs métalliques du semoir ressem-**• blent au soc d'une charrue, mais en plus petit. Huangfu Long, préfet de
Dunhuang, [constata que] les paysans de la région ne savaient pas cultiver,
et il leur apprit à fabriquer des semoirs. Les récoltes furent ainsi multipliées par cinq, pour deux fois moins de travail. Zhao Guo, chargé par
Han Wudi de l'approvisionnement en grains de la région métropolitaine,
enseigna aux paysans une technique nouvelle dite des « trois socs tirés par
un bœuf ». Un paysan guide [l'outil] et fait tomber les graines en même
temps. On peut ainsi semer un qing en une journée 35 . [...] Selon moi, la
phrase « trois socs tirés par un bœuf » décrit le semoir à trois rangs que
nous connaissons aujourd'hui. Cependant, les semoirs ne sont pas tous
identiques. Il en existe à un, deux ou trois rangs. Le semoir à deux rangs
est courant dans les provinces de Yan, de Zhao, de Qi et de Lu36, et l'on
trouve des semoirs à quatre rangs à l'ouest des Passes 37 . Ils ne nécessitent
qu'un animal supplémentaire, et le travail est plus rapide. Le semoir est
aussi utilisé partout dans la plaine Centrale. Si l'on n ' a jamais vu de
semoir dans les autres régions, c'est que c'est un outil difficile à fabriquer.
Les deux mancherons, hauts de trois pieds, sont recourbés dans leur partie
supérieure. Les pieds [ou tubes de descente] sont creux et espacés de la
largeur d'une raie. Quatre barres rondes sont disposées horizontalement
[entre les mancherons]. La trémie, installée au milieu du semoir, contient
les graines qui tombent une à une dans les tubes de descente. Deux
brancards sont disposés de chaque côté du semoir, entre lesquels on peut
atteler un bœuf. H faut un homme pour guider ranimai et un second pour
manier le semoir. Celui-ci le secoue tout en avançant, afin que les graines
puissent tomber d'elles-mêmes. L'illustration montre un semoir qui ne
sème que des graines, [...] mais il existe aujourd'hui des semoirs munis
d'un compartiment à l'arrière de la trémie permettant l'épandage d'engrais
fin ou de déjections de vers à soie. Grâce à ce procédé ingénieux et
pratique, l'engrais vient recouvrir les semences au moment du semis 38 .
[WZNS, p 211]
35
36
37
38
Jusqu'à 100 mu (6,1 ha), d'après Bray (1984), p. 263. Selon la glose duNongshu
de Wang Zhen, 1 qing = 35 mu.
C'est-à-dire en Chine du Nord et du Nord-Est.
Gansu et Asie Centrale.
C'est une technique toujours utilisée chez nous, mais de moins en moins en
28
-Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
Dans cet article, Wang Zhen ne décrit pas le système très original de
régularisation et de descente des graines. Le fond de la trémie est muni
d'une fente ouverte au-dessus de l'embouchure des tubes de descente et
au travers de laquelle passe une tige de bambou flexible dotée d'un
contrepoids39. Le balancement du semoir entraîne le va-et-vient de la tige,
faisant tomber les graines à droite et à gauche alternativement. L'ouverture réglable de la fente et la vitesse d'oscillation permettent de fixer la
quantité de graines semées40.
5 — Le repiquage
Le repiquage du riz est une des techniques agricoles les plus spectaculaires quant à sa pratique et ses effets sur les plantes. Nous rappellerons
brièvement son principe.
Les semences sont d'abord semées, à la volée, dans des pépinières. Au
bout de six semaines en moyenne, les jeunes plantes sont repiquées en
plein champ. Un hectare de pépinière permet ainsi de mettre vingt-cinq
hectares de rizière en culture. Après l'arrachage des jeunes plants, les
racines sont débarrassées de la terre, lavées, et le quart supérieur des
feuilles est coupé. Les plants doivent être transplantés le jour même,
replantés bien droit et peu profondément.
Le repiquage permet également un désherbage soigné de la parcelle.
Toutes les mauvaises herbes peuvent être éliminées avant l'implantation
de la culture en plein champ, et de même les pépinières pourront être
nettoyées avant l'implantation de nouvelles semences. La fréquence des
raison de la concentration élevée des granulés d'engrais qui se révèlent toxiques
s'ils sont trop près de la graine. Par contre, de nombreux modèles de semoirs
construits aujourd'hui en Chine sont équipés d'un dispositif comparable à celui
décrit ci-dessus (observations personnelles au Salon Agro-expo China de Pékin,
1989).
39 Cf. Hopfen (1970), p. 88-91.
40 Cf. Hommel (1937), p. 4447.
29
Olivier Guyonvarch
repiquages au cours de l'année (deux ou trois dans les grandes régions
rizicoles du Sud) rend le désherbage particulièrement efficace.
Sur le plan technique, le repiquage nécessite beaucoup d'énergie
humaine et peu d'appareillage. Il existe cependant un outil particulier
propre à alléger le labeur du paysan : le « cheval à repiquer » (Fig. 5).
— Le cheval à repiquer
.h
yangma
Su Wenzhong [Su Dongpo] écrit dans sa préface : « Je me rendis à Luling,
pour rendre visite à Zeng Anzhi, alors retiré des affaires publiques. Il me
montra son Traité des céréales. Le style en est aimable et distingué, les
descriptions détaillées et complètes. Malheureusement, les outils agricoles
n'y figurent pas, et c'est là son défaut. Autrefois, au cours d'un voyage
dans la région de Wuchang [au Hubei], je vis que les paysans chevauchaient tous des "chevaux à repiquer". Le ventre est en bois d'orme ou
de jujubier41 pour pouvoir glisser, et le dos en Catalpa bungei [qiuY2 ou
en Firmiana simplex [wu]n en raison de leur légèreté. Le ventre ressemble
à un petit bateau dont les deux extrémités sont relevées. Le dos a la forme
d'une tuile retournée pour [que le paysan puisse] bondir facilement dans
la boue, comme un moineau. À l'avant, une tige de plante souple permet
de maintenir une botte de plants [de riz]. On peut parcourir ainsi des
milliers de sillons en une journée. Le cheval à repiquer allège la fatigue
du paysan, alors que sans, il doit peiner, le dos courbé. »
[WZNS, p. 215-216]
41 L'orme est un bois élastique, résistant bien à l'humidité. Il était utilisé pour les
poteaux de mine et la construction des carènes de navires. Le jujubier est un
arbuste ou un arbre épineux, dont le grain très fin du bois permet un bon
polissage.
42 Cet arbre pousse dans les plaines humides du bassin du fleuve Jaune et du
Yangzi. Son bois, résistant à la putréfaction et dont le grain estfin,est utilisé pour
la construction des bateaux comme des maisons, et pour la fabrication des
meubles.
43 Cet arbre pousse sur les sols humides. Il est très léger, très résistant, et est
particulièrement apprécié pour la fabrication d'instruments de musique.
30
Les outils agricoles
dans la Chine du xiV siècle
ffl^-^*^
ijfi/flif
ftjjfr
*——
— — »
j.
/f*tfl \g&-
xn.~~ïit
Figure 5 : Le cheval à repiquer yangma
Ici, le paysan est assis très haut par rapport au sol, ce qui rend son travail plus
difficile. Une autre illustration du Nongshu, datant des Ming, montre les plants
de riz maintenus à l'avant par une ficelle.
D'après l'édition du Palais de 1783 du Nongshu de Wang Zhen.
31
Olivier Guyonvarch
Nous ne résistons pas au plaisir de citer le poème particulièrement pittoresque et savoureux écrit par Su Dongpo, que Wang Zhen reprend intégralement :
La chanson du cheval à repiquer
Au printemps, les nuages sont gonflés d'une pluie glacée.
Pour que les pousses grandissent et verdissent,
il faut les tailler régulièrement44.
Avec mon père, nous arpentons la boue.
Le matin, un sillon nous sépare, le soir venu mille.
Mon père a le dos courbé comme une harpe, la tête comme le bec d'un poulet,
Ses muscles endoloris, ses os moulus, il pousse des gémissements de douleur.
Moi, je caracole sur mon cheval en bois d'orme,
que je peux soulever d'une seule main,
La tête et les reins fièrement redressés, le ventre et les côtes vers le bas.
Le dos de mon cheval est ventru ; il a la forme d'une tuile renversée.
Ses quatre sabots sont mes deux pieds.
Je bondis et glisse comme un canard.
Ces plants [de riz] si fins, je peux les mettre en botte.
Que ferais-je d'une sous-ventrière et d'un licol
Pour parcourir les sillons d'est en ouest ?
Au coucher du soleil, les villes de montagne
ferment leurs portes au son des tambours.
Je bondis par-dessus la rivière Tan45, pour rentrer plus tôt.
De retour au logis, j'accroche [mon cheval] bien haut sur le mur.
Point n'est besoin de fourrage, il ne crie pas famine.
Enfants et vieillards peuvent le monter.
Jamais il ne rue ni ne tombe en franchissant les diguettes.
Le prince, qui se rend en audience au palais, sur sa selle de brocard,
Se rit de moi, qui me traîne ma vie entière derrière la charrue,
Mais il ignore que je possède [également] mon propre destrier — de bois !
44 II s'agit, comme nous l'avons signalé plus haut, de couper le quart supérieur des
feuilles afin de hâter la reprise des plants après le repiquage.
45 Nom ancien d'une rivière au Hubei. Liu Bei l'aurait franchie à cheval pour
échapper au danger.
32
Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
D'après le texte de Wang Zhen, le cheval à repiquer est utilisé au moment
de remettre les jeunes pousses en terre, en plein champ. Aujourd'hui, ce
genre d'instrument a été considérablement simplifié46. Il s'agit d'une
petite barque très basse à fond plat, à l'arrière de laquelle le paysan est
assis, progressant à reculons en prenant appui sur un dossier et en
poussant de ses jambes. Mais il existe également un outil utilisé au
moment de l'arrachage des plants dans la pépinière47. Il s'agit alors d'une
sorte de tabouret dont les pieds sont fixés à une planche afin de pouvoir
glisser sur la boue. Après avoir arraché les plants, le paysan frappe les
racines sur les pieds de son tabouret afin d'en décoller la boue qui y
adhère48. Il est probable que les deux utilisations ont coexisté à l'époque
de Wang Zhen, sans que nous en ayons de preuves explicites49.
Le désherbage
Rappelons en quelques mots l'importance capitale du désherbage. Les
mauvaises herbes peuvent entraîner des baisses de rendement graves. Plus
exigeantes que les cultures, elle entrent en concurrence directe avec
celles-ci pour l'eau, les éléments nutritifs, la lumière et l'espace. Ces
plantes sauvages sont également plus résistantes aux insectes et aux maladies que les cultures, et en cas d'attaque, ce sont celles-ci qui seront les
plus touchées. Enfin, mêlées à la récolte des céréales, les graines de
graminées en diminuent la qualité. L'importance accordée au désherbage
est manifeste dans le Nongshu et Wang Zhen décrit une dizaine d'outils,
dont plusieurs servent spécifiquement à cette opération.
On peut distinguer deux grands types d'outils à désherber selon le
mode de culture : les outils à lame comme la houe sont utilisés en culture
sèche, les outils à dents comme le râteau en culture irriguée.
46
47
48
49
Cf.
Cf.
Cf.
Cf.
Chen Wenhua (1991), p. 383.
Zhou Xiaolu (1985), p. 88-89.
Liu Chongde (1983), p. 199-200.
Liang Jiamian (1989), p. 386.
33
Olivier Guyonvarch
1 — En zone de culture sèche
— La houe à col de cygne
Dans le Nord, en zone de culture sèche, les houes sont les outils les plus
utilisés. Elles travaillent en percussion posée, c'est-à-dire que la lame est
raclée sur le sol sec et dur50. L'outil le plus courant et pour lequel Wang
Zhen fait preuve du plus d'enthousiasme est la houe à col de cygne. Sa
lame est amovible pour s'adapter au type de culture, et le manche
commence par une partie métallique courbe permettant de tourner
commodément autour du pied des plantes cultivées.
m
youchu
La lame de la houe à col de cygne est en forme de demi-lune et [doit être]
légèrement plus étroite que les interlignes. Le dessus de la lame est muni
d'une courte douille recevant la partie métallique du manche, le « cou ».
Celui-ci est courbe, comme le cou d'une oie, et il est doté en son extrémité inférieure d'une douille profonde dans laquelle s'emboîte le manche
de bois. Le « cou » ainsi que le manche mesurent deux pieds et cinq
pouces. Aux endroits où la culture est clairsemée, il faut biner, puis
replanter pour combler les vides [entre les plants de la culture] 51 . Seule
une petite houe convient aux « cinq grains »52. Même s'il n'y a plus de
mauvaises herbes, il ne faut jamais cesser de biner. Au printemps, l'usage
de la houe permet de « soulever » la terre 53 , et, en été, d'éliminer les
mauvaises herbes. Ainsi, pour le binage de printemps, il n'est pas néces-
50
51
Cf. Leroi-Gourhan (1971), p. 120-122.
Wang Zhen apporte indirectement une illustration à cette phrase dans un autre
article, celui concernant la binette : « Les plantes qui auront poussé les premières
donneront de beaux grains, alors que celles qui poussent les dernières ne
produiront que des grains vides. C'est pourquoi il faut éliminer avec une binette
les plantes les plus chétives et laisser pousser les plus vigoureuses. Si l'on bine
sans discernement, on éliminera les meilleures plantes et l'on protégera les
moins bonnes, ce qui conduira à ne récolter que des grains vides au lieu de grains
pleins. Ce serait méconnaître les principes d'utilisation de la binette. »
52 Les cinq grains désignent dans les textes classiques : les millets (setaria et
panicum ), le riz, le blé, l'orge et les légumes. Cf. Bray (1984), p. 432.
53 Avec sa houe, le paysan brise les mottes de terre et ameublit le sol. Cf. Miao Qiyu
(1990), p. 326-330.
34
Les outils agricoles dans la Chine du x/V siècle
saire de se préoccuper de l'humidité du sol54. Après le sixième mois, bien
que la terre soit humide, il ne faut pas reculer devant le binage55. Quatre
principes doivent être respectés : il faut utiliser une houe aiguisée, travailler toute la surface des interlignes, butter les plantes et recommencer ce
travail sans cesse. Un dicton paysan dit : « Il y a trois pouces de terre
humide sous la lame de la houe56, et après son passage les cultures sont
abondantes. » [Les paysans] utilisent tous la houe à col de cygne dans le
Nord [pour désherber] les cultures sèches. Entre la Huai et le Yangzi, bien
qu'il y ait des champs exploités en culture sèche, les paysans sont habitués
à cultiver les rizières. Ils ne sont pas familiarisés avec la culture des légumineuses et des millets et ils ne connaissent pas cette houe ni la manière
de s'en servir. Au contraire, ils utilisent une houe dont l'emmanchement
est droit et qui, bien qu'ayant une lame ressemblant à celle d'une houe,
est utilisée comme une pioche : elle est donc appelée houe-pioche. Voilà
la raison pour laquelle les rendements des cultures sèches [entre la Huai
et le Yangzi] sont très faibles57. J'espère qu'après avoir décrit les avantages de la houe à col de cygne elle sera utilisée partout, dans le Nord
comme dans le Sud.
[WZNS, p. 229-230]
— La bêche à désherber
La bêche à désherber, munie d'un long manche et poussée par l'agriculteur, est également un outil efficace, mais la manière de l'utiliser diffère
de celle de la houe : ce n'est pas un outil tiré.
. j . chan
jfef$ Le manche est long de plusieurs pieds, la lame large de quatre pouces
environ. Le paysan tient la bêche à deux mains et la pousse devant lui [par
à-coups] rapides. Il tranche les mauvaises herbes le long des sillons,
54 Littéralement « tâter avec la main l'humidité du sol ».
55 Pour montrer l'importance du binage, Wang Zhen fait entorse au principe
général qui est de ne pas travailler le sol lorsqu'il est trop humide pour éviter qu'il
ne se compacte.
56 Ce proverbe rappelle le dicton paysan de chez nous : « Un binage vaut deux
arrosages. »
57 Cette remarque est intéressante. Elle montre l'importance attachée à l'utilisation
d'un outil adapté au travail auquel il est dévolu. Le choix de l'outil doit donc être
pensé, et ne pas être le simple fruit du hasard.
35
Olivier
Guyonvarch
recouvrant dans le même temps les racines des plantes cultivées, ce qui
demande rapidité et dextérité.
[WZNS, p. 232]
— La houe-étrier
Wang Zhen décrit là un outil intéressant, puisqu'il s'agit d'une houe
spécifiquement utilisée pour le désherbage, à l'exclusion de toute autre
fonction.
®to
dengchu
C'est un outil utilisé pour éliminer les mauvaises herbes. Sa forme est
semblable à celle d'un étrier, c'est-à-dire que la lame, très coupante, est
maintenue à ses extrémités par deux tiges de fer. Sur le dessus, une douille
permet d'emboîter un manche droit long de quatre pieds. La lame de la
houe-étrier, à la différence de la lame des houes traditionnelles, n'a pas
deux coins qui blessent les tiges et les racines de la culture lorsqu'elles
les heurtent. En cas de légère sécheresse ou lorsque l'interligne est un peu
sec après le mûrissement des céréales, les mauvaises herbes peuvent
repousser et on ne peut les éliminer avec le râteau ou les griffes de
désherbage. C'est alors qu'on utilise avec grand profit cette houe-étrier
pour racler le sol et se débarrasser de ces herbes.
[WZNS, p. 232]
Enfin sont utilisés les râteaux ou herses manuelles, plus pratiques lorsque
les mauvaises herbes sont encore jeunes et faciles à extirper. Nous les
décrirons ci-dessous, puisqu'ils sont destinés au désherbage des rizières.
2 — Dans le Sud, en rizière irriguée
En rizière, la texture du sol empêche l'emploi d'outils à lame comme la
houe ; seuls les outils à dents sont efficaces. La méthode de désherbage
consiste à arracher les mauvaises herbes à la main, ou avec les orteils, et
à les enfouir dans la boue. La herse manuelle est utilisée pour égaliser la
surface du sol après cette opération58.
58 Cf. Hommel (1937), p. 66.
36
Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
— Les protège-doigts
yunzhua
Cet instrument est constitué de tubes de bambou [que le paysan] coupe
à la longueur de ses doigts. Es peuvent dépasser un pouce de long. Ils per7 ^ mettent de trancher et d'arracher [les mauvaises herbes], et ressemblent
à des griffes. En fer, ils sont plus résistants et plus coupants. Lorsqu'il
désherbe sa rizière, le paysan les utilise comme un oiseau se sert de ses
griffes. [...] [En effet, le paysan] se hâte, car il craint la venue de la pluie.
[De même,] l'oiseau qui picore se presse, car il craint d'être capturé.
[Cette technique] s'appelle « désherber comme un oiseau », en raison de
la crainte et de la hâte. On peut observer les paysans dans leurs champs,
se courbant et se redressant. Le paysan arrache les mauvaises herbes à la
main comme l'oiseau déterre sa nourriture en sautillant. Comment ne pas
appeler cette tâche « désherber comme un oiseau » ?
[WZNS, p. 234]
Mais l'outil permettant le travail le plus rapide est la herse manuelle.
— La herse manuelle
% & •
yundang
[La herse manuelle] a la forme d'une socque de bois. Elle est longue de
plus d'un pied et large d'environ trois pouces. En dessous sont disposées
en rangées une vingtaine de courtes dents métalliques. Sur le dessus est
fixé un manche de bambou long de plus de cinq pieds. Lorsqu'il désherbe,
le paysan enfonce les mauvaises herbes dans la boue et pousse la herse
manuelle entre les interlignes. De cette façon, les champs sont maintenus
parfaitement propres. [La herse manuelle] permet de désherber en un jour
une surface deux fois plus grande qu'à la main.
[WZNS, p. 233]
Nous avons vu plus haut que le désherbage n'est pas une opération
ponctuelle, mais que c'est un travail qui se poursuit sans cesse pendant
toute la durée du cycle de végétation, jusqu'à ce que la récolte soit mûre.
37
Olivier Guyonvarch
La récolte
La récolte est le point d'achèvement des travaux. C'est une opération
délicate. Son moment doit être soigneusement choisi : trop tôt, le grain
n'est pas assez mûr et se conservera mal, car il est trop humide ; trop tard,
le paysan s'expose aux accidents climatiques et risque de voir sa récolte
gâtée. Ce dernier doit donc récolter au bon moment, et rapidement. Pour
ce faire, trois grands types d'outils ont été inventés : le couteau à moissonner, la faucille et la faux.
1 — Le couteau à moissonner
Le couteau décrit par Wang Zhen est une petite lame, de forme rectangulaire ou oblongue, tenue dans la paume de la main. C'est en fait une
aide à la cueillette manuelle des épis. L'agriculteur saisit l'épi et un petit
bout de tige en dessous avec la main qui tient le couteau. Il fait pivoter
son poignet pour amener la lame au contact de la tige, perpendiculairement à celle-ci. Enfin, d'un mouvement sec du poignet vers le bas, il
tranche la tige et l'épi lui reste dans la main.
Arrêtons-nous quelque peu sur cette pratique. Le cas du couteau à
moissonner est un bon exemple pour démontrer qu'en matière de techniques agricoles des considérations importantes peuvent se cacher derrière
l'outil le plus simple. Voyons d'abord ce que dit Wang Zhen du couteau
à moissonner.
f
sujian
La lame en fer est longue de plus d'un pouce. Sur le dessus, un anneau
de fer permet de passer l'index, et [le tranchant] est dirigé vers la paume
de la main. Lorsqu'il moissonne [avec cet outil], le paysan choisit et
cueille les épis un à un.
[WZNS, p. 241]
Wang Zhen souligne clairement le rôle particulier de ce couteau qui, en
permettant une moisson « sélective », présente deux avantages par rapport
à la moisson « en masse » pratiquée avec la faucille ou la faux. En effet,
le riz, comme toutes les céréales, talle, c'est-à-dire qu'un pied émet une
tige principale et une ou plusieurs tiges secondaires. Ces talles n'arrivent
38
Les outils agricoles dans la Chine du XIVe siècle
pas à maturité en même temps, il est donc important de pouvoir récolter
en plusieurs fois et de ne couper que les épis mûrs59. Le temps de récolte
s'en trouvant allongé, il n'est pas nécessaire de mobiliser une maind'œuvre importante sur une période très courte, ce qui rend cette technique particulièrement bien adaptée à la petite exploitation familiale.
D'autre part, fait capital, ce ramassage individualisé des épis permet
de sélectionner les graines des plantes présentant les caractéristiques les
plus intéressantes (précocité, rendement, résistance aux maladies et aux
parasites). Ces graines seront utilisées pour le semis de l'année suivante.
Un tel mode de sélection n'est pas permis lorsque la récolte est moissonnée avec une faucille ou avec une faux. Ainsi, pour le bassin Méditerranéen, où la faucille est l'instrument de récolte de prédilection, les
agronomes romains ne citent qu'une douzaine de variétés différentes de
blé et d'orge60. Jia Sixie, l'auteur du Qimin yaoshu (Techniques essentielles à l'usage des paysans, vr= siècle), qui préconise la récolte des millets
au couteau afin de pouvoir choisir les épis, donne, quant à lui, une liste
de quatre-vingt-dix-huit noms de variétés de millet et trente-sept noms de
variétés de riz (alors que le riz était peu cultivé en Chine du Nord à son
époque)61.
Signalons que les agronomes occidentaux contemporains commencent
à s'inquiéter de la dangereuse diminution du nombre de variétés cultivées
et qu'il a fallu créer, pour y pallier, des « banques de gènes ». Après avoir
imposé, entre autres, ses modes d'agriculture au monde, l'Occident va se
retrouver seul en possession du patrimoine génétique dont seront faites les
espèces cultivées de demain. La solution pratique la plus immédiatement
efficace et à la portée des pays en voie de développement résiderait dans
l'emploi d'un outil aussi simple que le couteau à moissonner.
2 — La faucille
Nous ne nous étendrons pas sur cet outil, bien connu de tous. Le seul
point qui mérite d'être signalé est le fait que les faucilles chinoises,
59 Cf. Hopfen (1970), p. 122.
60 Cf. Bray (1984), p. 330.
61 Cf. Miao Qiyu (1990), p. 330.
39
Olivier Guyonvarch
comme les faucilles japonaises, présentent la particularité de ne pas être
équilibrées. Tout le poids de la lame est déporté sur un côté du manche.
Par contre, depuis le monde méditerranéen jusqu'au Moyen-Orient, la
faucille est toujours équilibrée. La lame est courbée en forme de croissant
de lune, de sorte que le poids est réparti de manière égale de chaque côté
du manche. En effet, en Occident, la faucille est utilisée en percussion,
alors qu'en Asie orientale, elle l'est en friction.
3 — La faux armée et son traîneau
Avec la faux armée, Wang Zhen présente une combinaison d'outils
particulièrement intéressante. Il s'agit d'une faux dotée d'un dispositif
permettant, dans un même mouvement, de couper les céréales, de les
récupérer, puis de les envoyer sur un traîneau que tire le moissonneur
derrière lui. Cette faux est réservée à la récolte du blé et du sarrasin.
Dans la courte préface introduisant la section décrivant la faux armée
et son traîneau, Wang Zhen en expose l'intérêt :
Tous les paysans de la plaine Centrale sont habitués [à utiliser la faux
armée et le traîneau] pour récolter le blé. Les terres emblavées [en blé]
y sont étendues, et il faut utiliser cette méthode afin de faciliter la récolte.
Si l'on compare la récolte à l'aide de la faux armée et celle à la faucille
ou à la main, la première apparaît d'une rapidité prodigieuse. J'ai décrit
et dessiné ces outils un à un pour que les paysans de tous les horizons
puissent les copier, s'épargnant ainsi de la peine.
[WZNS, p. 363]
Signalons qu'en France la faux armée ne devient réellement efficace et
ne remplace la faucille qu'au xvmc siècle, dans les grandes plaines céréalières d'Île-de-France. Il faut attendre la fin du xrxe siècle pour qu'elle soit
d'un emploi courant dans tout le pays62. Par ailleurs, en Occident, le
moissonneur n'a jamais traîné de corbeille derrière lui pour récupérer les
céréales. Les plantes coupées étaient soit alignées en andains sur le sol,
soit abattues en javelles contre la récolte sur pied, avant d'être liées en
gerbes.
62 Cf. Bray (1984), p. 336.
40
Les outils agricoles dans la Chine du xiv" siècle
La faux armée est constituée de la lame de faux elle-même et du
berceau (Fig. 6). La lame, rectiligne, ainsi que le berceau sont montés sur
un manche droit, recourbé vers le haut. Lisons la description de Wang
Zhen.
— La lame de faux
jte
^t
•
& •/
maishan
C'est une lame allongée, comme celle de la faucille, mais elle est très
droite. Elle est plus mince et un peu plus légère que la lame d'une faux
[ordinaire] 63 . Elle est tranchante, car on l'utilise à la manière d'une hache.
[...] Elle est fixée à la base du manche, par ses extrémités, au niveau du
berceau. [Cette lame] permet de multiplier la quantité de céréales récoltées.
La lame est effilée, semblable à celle de la faux.
Comment deviner qu'elle est d'une efficacité merveilleuse
pour récolter les céréales ?
On se retourne pour contempler une surface immense,
jaune comme les nuages.
Point de faucille, mais la récolte est déjà engrangée.
[WZNS, p. 364]
Sur le manche, au niveau de la lame, est fixé le berceau qui récupère les
céréales coupées.
Le berceau
maichao
[Le berceau] est fait de lanières de bambou tressées. Il a la forme d'un
tamis, mais il est moins profond et plus large. Il est monté sur la portion
du manche où est fixée la lame. Le manche mesure trois pieds de long ;
il est muni d'une poignée en « T » à son extrémité, que le moissonneur
63
La lame de la faux ordinaire chinoise, en effet très courte, est montée à
l'extrémité d'un long manche. Utilisée pour la récolte des fourrages, à la manière
d'un club de golf, elle ne permet pas de récolter les céréales, car l'effet de
percussion sur les tiges égrènerait les épis. Cf. Hommel (1937), p. 67 et 69.
41
Olivier
Guyonvarch
Figure 6 : La faux armée
En haut, l'artiste a bien montré la disposition générale de la faux armée et de son
traîneau (mailong), mais sans en comprendre les caractéristiques.
En bas, la faux armée actuelle (dans le Henan), très proche de celle décrite par
Wang Zhen.
D'après l'édition du Palais de 1783 du Nongshu de Wang Zhen (en haut), et
Hopfen (1970), p. 113 (en bas).
42
Les outils agricoles
dans la Chine du xW
siècle
tient de la main droite. Une corde permettant de tirer l'outil par petits
coups est reliée [au manche] au niveau de la lame. Pour éviter que la corde
ne soit tranchée, la section la plus proche de celle-ci est remplacée par une
lanière de bambou. Le moissonneur tire sur cette corde de la main gauche
et coupe les céréales d'un mouvement coordonné des deux bras. Elles sont
[alors] récupérées dans le berceau et envoyées dans le panier [qu'il traîne
derrière lui]. J'ai vu cet outil utilisé dans le Nord pour récolter le blé et
le sarrasin, mais alors [le berceau est tressé] de manière plus serrée 64 .
[WZNS, p. 364]
— Le traîneau
Voici en dernier lieu la description du traîneau, accroché à la taille du
moissonneur, et dans lequel il rejette les céréales qu'il vient de couper.
^fe
^V
+,!?•
mailong
C'est un panier de bambou que l'on remplit avec les céréales coupées
[pendant la récolte]. Il est fait de lamelles de bambou tressées. Il est haut
de deux pieds avec un fond plat et une ouverture large de six pieds. Le
panier repose sur un châssis de bois muni de quatre roues lui permettant
d'avancer. Le moissonneur l'accroche à sa taille au moyen d'une corde
et d'un crochet, et avance en le tirant. Il coupe les céréales devant lui avec
la faux armée et les envoie dans la corbeille. Lorsque celle-ci est pleine,
il la vide, entasse la récolte et reprend ses allées et venues dans le champ,
sans s'arrêter. Le traîneau permet de moissonner une surface de plusieurs
mu en une journée.
[WZNS, p. 363]
Conclusion
À travers les descriptions que nous en a laissées Wang Zhen, le lecteur
d'aujourd'hui peut apprécier à quel point les techniques agricoles traditionnelles constituent un domaine d'étude vaste et complexe à la fois.
64
Car le sarrasin présente la particularité d'avoir des graines très fines qui tombent
facilement sur le sol lorsque l'on coupe la plante.
43
Olivier Guyonvarch
En examinant le Catalogue des outils agricoles du Ministère de
l'Agriculture chinois publié en 195865, nous avons pu constater que la
quasi-totalité des outils figurant dans le Nongshu de Wang Zhen étaient
toujours d'un emploi courant six siècles et demi plus tard. Les rares
exceptions ne concernent que des outils secondaires ou déjà obsolètes au
xiv5 siècle. Si l'on fait abstraction des outils occidentaux modernes, il n'y
a pas de différences technologiques entre les deux ouvrages. Nous avons
donc là un phénomène de continuité, qui prend ses racines dès l'époque
des Han.
Depuis les quarante dernières années, la mécanisation de l'agriculture
a été présentée comme la panacée, alors que l'animal de trait symbolisait
l'arriération et le sous-développement. Mais il convient de nuancer cette
vision des choses. Depuis l'instauration du système de responsabilité à la
campagne, la production céréalière a augmenté, alors que la surface
cultivée avec des tracteurs n'a fait que diminuer au profit de celle mise
en valeur avec des animaux de trait. Aujourd'hui, 70 % du parc de tracteurs est affecté au transport de marchandises, contre 30 % aux travaux
proprement agricoles. Il en résulte donc que les moyens de production
traditionnels sont toujours largement utilisés. Ils répondent aux besoins
d'une agriculture intensive basée sur la petite exploitation familiale, dont
Os permettent le développement. Fabriqués à base de bois ou de bambou,
ils nécessitent peu de métal et sont bon marché. Ils peuvent être construits
ou réparés sur place et facilement adaptés aux besoins locaux. Légers et
simples, ils demandent une faible vitesse de travail (donc peu d'énergie)
et sont facilement transportables d'un champ à l'autre par un homme
seul66. Enfin, il faut noter le caractère universel de l'outil : une simple
houe permet de labourer, de désherber, de creuser des rigoles, de récolter
des tubercules ou de dresser des billons. La faucille permet de récolter
tous les types de végétaux ; le semoir, de semer tous les types de graines
et d'épandre l'engrais en même temps. De la sorte, tous les travaux
agricoles peuvent être effectués avec peu d'outillage, ce qui représente
une charge faible pour le ménage, mais suppose beaucoup de savoir-faire.
65 Cf. Nongju tupu (1958).
66 Cf. Hinton (1971), photographie hors-texte au début de l'ouvrage montrant un
paysan qui transporte son semoir sur les épaules.
44
Les outils agricoles dans la Chine du XIVe siècle
Références bibliographiques
Bray (1984)
Francesca Bray, Science and Civilisation in China, vol. 6, part II,
Agriculture, Cambridge, Cambridge University Press, 1984.
Cartier (1985)
Michel Cartier, « Conditions technologiques, sociales et politiques de
la croissance démographique chinoise », in Pierre Gourou et Gilbert
Etienne, éds., Des labours de Cluny à la révolution verte. Techniques
agricoles et population, Paris, PUF, p. 43-62.
Chen Wenhua (1991)
Chen Wenhua, Zhongguo gudai nongye keji shi tupu, Pékin, Nongye
chubanshe, 1991.
# . * • - £ . +iS**£jt-f-*HUL!l|lS
Chi Renli et Zuo Shuzhen (1988)
Chi Renli et Zuo Shuzhen, « Gengceng gouzao shi chutan », Nongye
kaogu, 1988, 2, p. 86-102.
Haudricourt (1987)
André Georges Haudricourt, La technologie science humaine. Recherches d'histoire et d!ethnologie des techniques, Paris, Éditions de la
Maison des Sciences de l'Homme, 1987.
Haudricourt et J.-Brunhes Delamare (1986)
André Georges Haudricourt et Mariel J.-Brunhes Delamare, L'homme
et la charrue à travers le monde, Lyon, La Manufacture, 1986. [lère
éd., Gallimard, 1955]
45
Olivier Guyonvarch
Hinton (1971)
William H. Hinton, Fanshen, Paris, Pion, 1971.
Hommel (1937)
M.P. Hommel, China at Work : an Illustrated Record of the Primitive
Industries of China s Masses, whose Life is Toil, and thus an Account
of Chinese Civilisation, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1937. [rééd.,
1969]
Hopfen (1970)
HJ. Hopfen, L'outillage agricole pour les régions arides et tropicales, Rome, FAO, 1970.
J.-Brunhes Delamare (1985)
Mariel J.-Brunhes Delamare, La vie agricole et pastorale dans le
monde, Meudon, Joël Cuenot, 1985.
J.-Brunhes Delamare et Hairy (1971)
Mariel J.-Brunhes Delamare et Hugues Hairy, Techniques de production : l'agriculture, Paris, Éditions des Musées Nationaux, 1971.
[Guides ethnologiques 4/5, 2e éd.]
Leroi-Gourhan (1971)
André Leroi-Gourhan, Évolution et techniques, t. 2, Milieu et techniques, Paris, Albin Michel, 1971. [l ère éd., 1945]
Liang Jiamian (1989)
Liang Jiamian, Zhongguo nongye kexue jishu shigao, Pékin, Nongye
chubanshe, 1989.
4f % &. + g J.1r#£ «LtffMfc
Liu Chongde (1983)
Liu Chongde, « Guanyu yangma de tuiguang ji yongtu », Nongye
kaogu, 1983, 2, p. 199-200.
46
Les outils agricoles dans la Chine du ~W siècle
Miao Qiyu (1990)
Miao Qiyu, « Wang Zhen de weiren, zhengji he Wang Zhen
Nongshu », Nongye kaogu, 1990, 2, p. 326-330.
Nongju tupu (1958)
Nongju tupu, Pékin, Zhonghua renmin gongheguo nongyebu, 1958,
4 vols.
1 * H **
Sigaut (1975)
François Sigaut, L'agriculture et le feu, Paris, Mouton/EHESS, 1975.
[Cahiers d'études rurales]
WZNS
Wang Zhen, Nongshu, 1304, in Wang Yuhu, éd., Wang Zhen Nongshu, Pékin, Nongye chubanshe, 1981.
Zhou Xiaolu (1985)
Zhou Xiaolu, « "Yangma" zhi shiwu lizheng », Nongye kaogu,
1985,1, p. 88-89.
A *h fk ^
V -c f m if] %%r
Zhou Xin (1990)
Zhou Xin, « Leisi jing » yu Lu Guimeng, Pékin, Nongye chubanshe,
1990.
47
Olivier Guyonvarch
Caractères chinois
gimm yaoshu * £ f - ^ j f £ qing ï j j
chong
^^
Dunhuang »X^9C ')"JÉ—
Han Wudi j j | ^
%•
Huai 1%
[
Huangfu Long J L $} fi
Jia Sixie # «?„ -2J?Jiangnan ^
^
Leisi jing
^
Ou Bei g,J
^J£
qiu
Iff
&£, 3T
& *if £>
renziba A
shi <&-
Su Dongpo § ^ f . * $ _
Su Wenzhong | V ^
^
Tan %%
'"^
Wang Zhen ^ - -fj|
wu i S Wuchang iïA^ ^
Yan i$t
Yangzi ^
-^~
Zeng Anzhi # J ^ - jfc_
Zhao ^T|_
Zhao Guo
^
^
Lu ,f*
.
.
,.
Lu (ft:
(Juimeng 5* ife î&
^
Luling J E ^fe
mu
^
Nongqi tupu
Nongshu
Qi
^
48
Les outils agricoles dans la Chine du xiV siècle
Résumé
Olivier GUYONVARCH : Les outils agricoles dans la Chine du xtve siècle d'après
le Nongshu de Wang Zhen
Cet article est une traduction partielle et commentée des chapitres (juan) regroupant les outils aratoires dans le Traité agricole de Wang Zhen (xivc siècle).
L'approche n'est pas philologique ni littéraire, mais résolument technique. L'auteur s'intéresse à la pertinence du texte du point de vue de l'agronomie et au
regard des connaissances actuelles. Les outils retenus ici sont les plus représentatifs et les plus intéressants pour le lecteur non-spécialiste : la charrue, pour le
labour ; les houes, herses et rouleaux, pour la préparation du lit de semences ;
le semoir ; les houes et râteaux, pour le désherbage ; les couteaux, faucilles et faux
armées, pour la récolte. Leur description donne ainsi accès à l'univers technique
du paysan chinois. Par ailleurs, le texte nous éclaire sur la spécialisation de
l'outillage et sur ses modes d'utilisation selon qu'on se trouve en zone de culture
sèche ou en zone de rizière inondée.
Abstract
Olivier GUYONVARCH : Agricultural Tools in Fourteenth-Century China in the
Light of Wang Zhen's Nongshu
This paper is a partial and annotated translation of the chapters (juan) describing
agricultural tools in the Agricultural Treatise of Wang Zhen. This study is not
philological or litterary, but resolutely technical. The author is dealing with
agronomical relevance of the text, compared with présent knowledge. The tools
that are chosen are the most représentative and of the most interest for nonspecialist readers: the plow for plowing; hoes, harrows, and rolls to prépare the
seed-bed; the drill; small hoes and rakes for weeding; knifes, scythes, and cradlescythes for harvesting. Readers hâve thus an access to the technical environment
of the Chinese peasanL In other respect, the text présents clearly the specialization
of the tools and the way of using them, according as they are used in dry farming
or in irrigated paddy-fields.
49

Documents pareils