Poésie

Transcription

Poésie
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
A
ISSN 1660-5713
“xolotl”
Revue littéraire et trimestrielle indépendante
N° 52 - Nouvelle série - Août 2009
Conditions de publication:
Les auteurs désireux de voir publier leurs
textes sont priés de les faire parvenir sur
support informatique exclusivement (de
préférence Word 2005 pour MacIntosh ou
compatible) à l’adresse de la rédaction. Au
besoin, une épreuve leur sera envoyée pour
ultime contrôle avant parution.
De manière générale, les textes publiés
doivent être inédits. Un délai est à prévoir
entre la date de retour de l’épreuve éventuelle à “Axolotl” et la date de publication.
Ce délai peut se prolonger pour les textes de
prose dépassant les 3’000 signes.
Délai rédactionnel pour le prochain numéro:
15 octobre 2009
SOMMAIRE
(En guise d’) Editorial
2
et
3
Poésie:
3
à
8
Prose:
9 à 11
Page d’outre-langues:
12 et 13
Essais:
14 et 15
Librairie virtuelle:
Notes de lectures:
16
17 à 20
Adresse de la rédaction:
J. Grin - Avenue Edouard-Rod 15 - (CH) 1007 Lausanne
Diffusion:
Editions de l’Escarboucle - Case postale 894 - (CH) 1401 Yverdon-les-Bains
www.escarboucle.ch
Axolotl : Larve de l’amblystome — salamandre d’origine du Mexique — qui a la
particularité de ne se métamorphoser, pour atteindre l’état adulte, que dans certaines
conditions, mais qui peut se reproduire à l’état larvaire.
Axolotl : A la quête, par son immobilisme, d’une réconciliation du temps et de
l’espace, comme ils le furent peut-être jadis, en des temps lointains, où l’univers
appartenait aux Axolotls.
Petit mot de la rédactio
En guise d’éditorial
Un petit mot de la
rédaction
Jean GRIN
Ceci n’est pas une œuvre en prose, mais la
restitution, à partir de ma lecture personnelle
des faits, d’événements réels.
Depuis plusieurs années, le rédacteur en chef
de la revue belge Inédit Nouveau, Monsieur
Paul Van Melle, me fait l’honneur et l’amitié
de lire tous les numéros d’“Axolotl” et de les
commenter à chaque fois. Ce qu’il en dit ? Il
commente le graphisme –qui n’est pas toujours
à son goût – apprécie ou déprécie les textes
retenus… En bref, il effectue ainsi un véritable
travail de critique littéraire. Puis, il me fait
parvenir par courrier postal la photocopie de la
page de sa revue où figure son compte-rendu.
Ainsi, je ne manque jamais de lui adresser le
nouvel “Axolotl” in extenso, et non la simple
photocopie du sommaire, ce qui serait peutêtre une idée à retenir… Il n’a pas remarqué
que, depuis le numéro de novembre 2007
(Nº 45), j’exige une version numérique des
textes destinés à publication, ce juste pour
m’éviter la fastidieuse tâche de devoir ressaisir
à l’ordinateur un nombre considérable de
poèmes, nouvelles, recensions critiques, etc…
Mon temps est trop précieux pour que je le
gaspille et, tant qu’à faire, je préfère encore
saisir mes propres productions. En revanche,
avec la nouvelle formule graphique d’“Axolotl”
(dès août 2008, Nº 48), cette exigence étant
désormais placée en première page, et non plus
en dernière, Monsieur Van Melle l’a remarquée.
Elle lui a suggéré un commentaire dudit numéro
que je cite ici : « Axolotl 48 est également bien
sympathique, mais (encore un !) je regrette
fort que Jean Grin exige désormais le “support
informatique exclusivement”. De surcroît en
Word 2005 et MacIntosh. Il est triste d’exclure
ainsi les poètes et autres écrivains qui ne sont
pas encore passés à l’informatique absolue. Exit
Gérard Lemaire ? Lamentable ! On n’exigerait
pas en plus des références ? » (Inédit Nouveau,
Nº 226, page 18).
Sur le moment, j’ai pensé que Monsieur Van Melle
trouvait à la fois le moyen de palier une panne
d’inspiration éventuelle et de défendre un poète
que par ailleurs il édite. Son compte-rendu de
l’“Axolotl” de novembre de la même année (Nº
49) m’a par contre surpris. Là encore je le cite :
« Axolotl 49, comme trop d’autres aujourd’hui,
exige des textes sur support informatique. Et
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
je m’étonne d’y trouver par exemple notre ami
Gérard Lemaire, que je sais aussi démuni que
nous dans ce domaine. Je n’admets pas ces
exigences purement techniques. On dirait que
l’on veut contraindre les poètes à s’équiper à
grands frais ! (…) » (Inédit Nouveau, Nº 228,
page 23).
Idem pour l’“Axolotl” de ce mois de février
(Nº 50). « (…) trouvant ici d’excellent poètes
engagés comme Béatrice Gaudy, mais surtout
plus divers qu’avant, maintenant que Jean Grin
rejette les manuscrits sur papier et ne joue
plus qu’avec l’informatique. C’est vraiment
dommage, et il a fallu sans doute une exception
pour un Gérard Lemaire. (…) ». (Inédit Nouveau,
Nº 231, page 18). Si cela ne représente pas de la
persévérance…
C’est alors que j’ai préféré m’amuser plutôt
que me fâcher. C’est ainsi que j’ai glissé un
petit papillon de format 10 sur 21 centimètres,
de couleur rouge, dans les seuls exemplaires
destinés aux dénommés Lemaire et Van Melle de
l’“Axolotl” de ce mois de mai (Nº 51), où j’avisais
les auteurs en mal d’ordinateur, ou désireux
de s’éviter de payer les services d’un écrivain
public, qu’ils avaient la possibilité d’envoyer
leurs manuscrits pour saisie informatique
audit Van Melle, qui le ferait gratuitement et
transmettrait à “Axolotl”. Ils ne pouvaient, ni
l’un ni l’autre, le manquer !
La réaction ne s’est pas faite attendre. Le jeudi
11 juin, en cours d’après-midi, je recevais
un coup de téléphone alarmé d’une dame de
Nyon, anciennement domiciliée en Belgique
et amie de Paul Van Melle, me certifiant que
jamais, ô grand jamais, un tel accord n’avait
été convenu et m’explicitant la surprise
– pour le moins légitime ! – du destinataire.
Il l’avait mandatée de découvrir mon numéro
de téléphone et de me contacter. J’avoue ici,
ouvrant une parenthèse, que je regrette fort de
n’avoir pas pu être présent au moment où il a
ouvert son courrier ; j’aurais aimé voir sa tête.
Mais, trêve de cruauté : j’ai expliqué toute
l’histoire et ses justifications à la Dame, qui fut
par ailleurs fort surprise d’apprendre que je ne
refuserais pas, le cas échéant, de m’entretenir
avec ma « victime ». Par ailleurs, Monsieur Van
Melle n’a pas tardé à me téléphoner dans les
minutes qui suivirent ; cela m’a permis de lui
confirmer que mon éthique m’avait interdit
de reproduire ce canular à l’ensemble des
abonnés et correspondants de la revue et qu’il
ne serait pas envahi de textes à saisir pour mon
seul confort personnel. Je me suis par ailleurs
engagé à ne pas récidiver sans l’en informer au
préalable.
Que retenir de cette histoire, si ce n’est que je
me suis bien amusé ? Je crois qu’il appartient
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Poésie
à tout auteur qui tient à se faire publier de
tenir compte des impératifs – techniques et/ou
littéraires – qu’impose un éditeur, à moins que
ce ne soit son agenda – plus qu’à son talent pur
et intrinsèque.
J’ai une famille, des projets de rédactions, trois
emplois à temps partiels officiellement – quatre
officieusement – et le souci de ne pas faire un
infarctus à cinquante ans. J’aime autant cuisiner
des petits plats pour mes proches que de passer
de longues après-midi à lire sur ma terrasse
lorsqu’il fait beau, ou encore à me ressourcer
en été quelques semaines dans les paysages
merveilleux du Pays d’EnHaut (fromages,
fondues, balades, fondues, fromages, voire
encore fendre du bois à la hache). De ce fait,
je maintiens mes exigences d’un texte fourni
en version numérique et je remercie ici les
nombreux auteurs qui jouent le jeu. Les autres ?
Le petit monde des revues à tirage confidentiel
ou semi confidentiel (ce qui revient au même)
comporte encore assez de réfractaires à
l’informatique – que ce soit par conviction ou
par nécessité – pour trouver une petite place.
Le « bastion » d’Axolotl” ne leur est pas fermé,
il suffit de faire preuve de collaboration.
Caveau
Raymond Tschumi
La source de l’esprit est à jamais enfouie
sous les ossuaires des peuples disparus.
Les pinceaux et les pioches des archéologues
l’attestent quelquefois sans la ressusciter,
afin qu’elle soit pour chacun son seul secret.
Les vedettes paradent devant salle comble:
les déçus, les frustrés, les miséreux
s’embourbent,
oubliés des secours, loin de toute assistance.
La vérité sourd au plus noir de la caverne
pour ne laisser couler que sa propre lumière.
Ceux qui survivent sur le sable ou dans la boue,
notre Dieu incarné voulut les secourir.
En vain. Devenus prolétaires, Marx les prit
sous sa baguette théorique inspiratrice
de haine programmée au rythme des slogans.
Comment ne pas les reconnaître en les sondant
au fond de ta détresse, où le choc de ta chute
ranime le désir de te désenchaîner?
C’est dans la pénurie qu’il convient de fêter
la victoire de la conscience sur le mal.
Tandis que la fourmi s’évertue sans répit,
tu te replies sur ton mystère inaccessible.
Silence bienvenu, pause revigorante.
Décontracte-toi donc, laisse le cours d’eau claire
guider tes pas dans les ténèbres assoiffées!
La Madelomphe
Guillaume RODIEN
Au coucher du soleil, sur les bords de la Meuse
Brillent les feux des camps Gallas et Somalis
Et leurs flammes dorées sur la rive brumeuse
Prennent leur vol vers les lendemains abolis.
Et puis, dans la nuit verte aux phosphores subtils
S’ouvrent les roses des amours, ô seins de lis !
Et viennent se dresser les cheveux des pistils
Et rôder les fennecs dans les volubilis !
Mais par le matin blême où rumine l’exil
− Mais où l’Ophir lui-même échoue sous le grésil −,
Monte, plus raide qu’un cadavre : la Daromphe !
… Et dans tes yeux, sous un vaste soir zinzolin
Couchent les larmes noires d’un rêve orphelin
Et l’astrale berlue d’un bateau qui triomphe.
Poésie
Chips aux crevettes et pot
de confiture
Jean-David Christinat
Pot de confiture et chips aux crevettes
Ciné, théâtre, et un brin de causette
Communauté et du pâté en croûte
Amour à la montagne et sur la route
Ranger, ménages, et une danse érotique
Chasse aux paillons et soirée au cirque
Pot de confiture et chips aux crevettes
Clin d’œil complice, respect de la planète
Partir à l’aventure sans rien prévoir
Manger à l’aveuglette, rencontres d’un soir
Rire sans se moquer, et sympathies
Libertés, rêves, et un plat de rösti
Pot de confiture et chips aux crevettes
Faire des folies et perdre la tête
Cornichons, galipettes et ananas
Sport d’hiver, athlétisme, vol en delta
Socialisme, cyclisme et parachutisme
Vacances, aller voter, alcool, civisme
Chips aux crevettes et pot de confiture
Mégot, gigot, ragot, littérature
Examens du permis de bien s’conduire
Pyjama à petits pois, avenir
Du fromage et un croissant au jambon
Des pastèques, musique tzigane et gens bons
Claude LUEZIOR
Faut-il l’urgence de la foi ou celle du jeu
pour jeter sur papier des fractals de mots :
faut-il qu’elle soit chanoinesse drapée
d’oraisons ou païenne cachée au bout
des sens ; faut-il des oracles ou quelque
virtuelle caresse ; faut-il un semis d’encre,
faut-il le sang d’une rose noire sur vélin ;
faut-il une jumelle presque utérine ; faut-il
la nonchalance d’une moniale, la fourrure
d’une louve, les arcanes d’une conteuse ;
faut-il l’alcool rare du manque ?
Faut-il une vouivre qui affleure mes racines :
là-bas et qui m’attend.
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Ivresse
Marianne Charlotte MYLONASSVIKOVSKI
En titubant lentement il s’empresse,
embrasse le lampadaire,
éructant ces mots de profonde sagesse
cachés dans l’ivresse
de sa vie en détresse
Dans le brouillard de sa tête, il s’oriente
sans perdre le nord
au fond de la bouteille pendouillant de ses
bras ballants
Il parle a ses fantômes discourant dans une
langue
que personne ne comprend,
s’agrippant aux mots, les éructant du
tréfonds de ses boyaux,
les pourchassant. Les idées s’enchaînent
dans une logique que lui seul saisi ;
anesthésié, transi,
sa tête éclate dans un ailleurs étouffant,
ses entrailles se révulsent dans un vide
terrifiant
se dévidant dans le vomis d’une vie qu’il
vomit.
Verte, visqueuse est sa vie ; il la noie dans
ce vide de néant écoeurant,
dans cet oubli sécurisant
Ci-devant,, un quelconque autre … il
frappe, cogne, gueule,
se venge de tout ce qui le démange et
mange, ronge
le passé, la vie ; il ne se maîtrisent plus.
C’est la bouteille sa maîtresse,
cette garce exigeante qui lui donne
l’ivresse,
l’insatiable envie qui le triture sans cesse,
le réduit en un tas de fiel, lui suce le sang
jusqu’à la moelle, jusqu’à la cirrhose,
noire et morose.
Chute dans le sommeil-entonnoir
Finalement le noir !
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Poésie
Temps perdu
Chère inconnue
Albert ANOR
Jacques HERMAN
Que de temps perdu
Dans nos rêves mortels
A compter les flocons
De neige à mesure
Qu’ils descendent du ciel
A dénombrer
Les étoiles
A séparer
Dans le tissu des souvenirs
Le bon grain de l’ivraie
A gommer ces chagrins
Qu’on voudrait oublier
Mais qui reviennent en force
Comme pour vous narguer
Puis colorent de gris
Pas même nuancé
Les jours à venir
Que de temps perdu
A noircir le papier
A gémir
A se plaindre
A supplier les dieux
De s’asseoir près de nous
Et de nous soutenir
Que de temps perdu
A regarder tourner
Les aiguilles du temps
Sur les heures gravées
En chiffres romains
Dans le bois d’un cadran
Floralie
Béatrice GAUDY
La corolle pourpre d’un coquelicot
rêvait de se faire oiseau
Les doigts d’une brise compatissante la
cueillirent
dans le chant du ciel l’élevèrent
Ainsi naquit l’aurore
Extrait du recueil inédit Légendes vraies de l’Orbe
Chère inconnue tu ne seras pas mon escapade
Ni ma fuite en avant toutes voiles dehors
Tu ne seras pas mon bol d’air au fond de l’eau
Mon école buissonnière ma planche de salut
Ma dérive émotionnelle flottante
Mon radeau de la Méduse ma plaisance
Mon escale mon port d’attache
Chère inconnue
Tu ne seras pas mon projet de société secrète
Ma compensation ma récompense
Mon lieu noir ma veine cave
Chaire d’inconnue tu seras juste un
battement une pulsation
Ma fraction de seconde d’un bonheur inachevé
arraché au monde
Lacet
Jean-Marc THEVENIN
Gardait le bout de figue en ses mains de crevard
D’un essaim de lacets de la terre qui berce
Sa verdure échappée de la prière éclose
Soudure qui rougeoit dans l’automne des peaux.
De vos grâces cuivrées en métronome gourd
Et la rondeur du vent que tassent les pesants
Dont les fientes lavées tachent le crépuscule
Des leurres effrités que soignent les copains.
Aux sources de la clope en des ronces qui bavent
Ses lèvres abusées de la fleur oportune
Et la haie retrouvée que souillent les berceaux.
Les sales punitions que le social engendre
Plus proches du larcin des ombres dominos
A déjouer la brise en des luttes de feuilles.
Poésie
La flamme de la paix
Brigitte NEULAS BERMOND
Dans les cœurs, des flammèches d’espoir
vacillent parmi les souffles des vivants.
6 février 2008 ! 40ème Anniversaire des JO
de Grenoble. Ils ont allumé la flamme
olympique dans la vasque-souvenir, à
l’entrée du parc Paul Mistral. Festivités.
Des tambourinaires habillés en vert,
collerettes rouges, battent ardemment du
tambour. Trois-quatre hommes flocons en
blanc
sont montés sur des échasses. Ils
rebondissent comme des balles neigeuses
sur l’espace clôturé près du monument en
fer noir
semblable à des crêtes stylisées « Afin que
la paix règne sur le monde » ; et, autour
de la statue du chasseur alpin sous les
pierres crêtées d’un autre où il est aussi
écrit : « A La Gloire des Diables Bleus. Ils
ont aussi apporté un skieur en carton pâte
auquel ils mettront le feu. Ces hommes
géants et floconneux jonglent avec leurs
torches allumées. Un avaleur de flammes
fait sortir un feu d’enfer de sa bouche.
A côté de l’anneau de vitesse, la grande
rampe sur laquelle descendaient les
athlètes est illuminée. Un feu d’artifices
jaillit en grandes étincelles au cœur du
noir. Et des fumées roses et mauves sortent
de la Tour Perret environnées de petites
torches éclairantes. Une colonne blanche
de petits enfants
s’avancent dans l’allée. Ils viennent de
l’école maternelle Driant.
Ce sont des angelets muets pareils à des
statuettes en marbre
Qui ouvrent leurs esprits à l’amour de la
beauté à travers la célébration de sports
olympiques !
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
A la nuit tombante
Luce Péclard
C’est l’heure des pipistrelles
Au ciel crépusculaire.
Leur incessant va-et-vient
Entre chêne et noyer
Tisse le hamac invisible
Où je m’endors sous les étoiles.
Ah ! Quelle nostalgie affleure
En cet instant d’éternité !
Le monde se balance en moi
Dans son véritable équilibre.
Je le berce comme un enfant !
Adelina LENOIR CICAICI
Dans mon enfance,
ma mère me disait souvent : « Tiens-toi
droite ! »
A l’époque,
je pensais à la position de la colonne
vertébrale.
Elle voulait dire :
tiens-toi droite
devant la vie
devant ton destin
devant l’amour
devant les échecs
et n’ oublie pas de sourire…
Mélange de physiologie et de philosophie.
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Poésie
Chemin faisant
Amalita HESS
Sur tes chemins de claire verdure
et ses failles de noire caillasse
sur tes sentiers de roses trémières
et ses abords griffés d’épines
sur tes falaises de mer safranée
et ses fossés mordus de ronces
le cœur ouvert à deux battants
à ta rencontre j’irai
et nous danserons
sur les routes du monde
n’empruntant que les itinéraires
de l’espoir!
A Arthur Rimbaud
Adelina LENOIR CICAICI
Nous avons vu
la roue des mots
glissant
sur la paupière
des chars stellaires
nous avons eu
des ailes en or
devant les labyrinthes de feu
nous avons bu
le sein du blé
et les cascades
des champs sauvages
et nous nous sommes agenouillés
pour rendre amour à La Beauté…
Îles du vent
Guillaume RODIEN
Elles abritent des rivières de brocart
Bâtissent un voussoir au galop de l’absence
Où glissent vers le soir les îlots du hasard
Et où gravitent des bannières de silence.
Des chevaux de Gauguin se promènent
tranquilles
Parmi les flancs prasins des naines altitudes
Amis et souverains d’indigènes nubiles
Leurs songes pélerins des vaines solitudes,
Pareils à ceux des peupliers des cimetières
Brillent des feux du sablier de leurs crinières;
Et du chemin blanchi qui tombe sur la mer
Moulu par l’anarchie des trombes de soleil
Je contemple et contourne l’ombre de l’éther
Puis m’en retourne au temple sombre du
sommeil.
La mue de la bestiole
Béatrice GAUDY
Dans Vienne la fraîche
le serpent est un symbole
dont la peur se décortique
en interprétations psychobibliques
Dans les arides contrées
de pauvreté
où loin de tout secours
gens et bêtes
meurent
d’une morsure
Le serpent
est un danger
Extrait du recueil inédit Profils satiriques
Poésie
Didier OBER
«La poésie, c’est fini !» m’a-t-on dit un jour
Mais tout est fini...
La nature est à l’agonie
ainsi que tout ce qui fait de nous des êtres
vivants
Il ne peut pas y avoir de poésie
dans un monde où les voitures et les
machines font la loi
dans un monde où les supermarchés de
l’arnaque et les centrales nucléaires
ont remplacé la forêt
où les lumières artificielles aveuglantes ont
remplacé la lune et le soleil
où les écrans ont remplacé le monde
où les machines ont remplacé les êtres vivants
où les êtres humains ne sont plus que des
accessoires encombrants
perturbant le bon déroulement du flot
perpétuel des voitures qui puent
et qui tuent
La poésie n’existe pas dans ce monde
n’a jamais existé
dans ce monde où les êtres humains vivent
par procuration
Conscience portative modulable
parasitée
n’ayant plus besoin de corps
qui ne peut que les encombrer
dans cet univers qui fonctionne en vase clos
et où règnent les machines et les écrans
tout-puissants
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Compagnons
Nicole DIENER-CARTON
Ils sont guerriers de marbre aux portes du
sommeil,
immobiles, guettant le sable et ses mirages,
ils gardent les déserts de mes livres d’images
et les temples perdus sous un autre soleil.
Leurs rêves sont faits d’or, de pourpre et
de vermeil
enroulés à leur cou comme un collier de mage,
grains de mémoire à moudre, à donner en
partage
à des seigneurs du temps, maîtres de mes
éveils.
L’opacité des nuits se brise en mille étoiles
à l’heure où l’horizon peu à peu se dévoile
et montre la poussière et le bleu du néant.
Sentinelles du point du jour, dans l’aube grise
où le silence a pris sa couleur indécise,
elles vont se dresser comme des récitants.
Pandore
Adelina LENOIR CICAICI
Es-tu un rêve
dans l’harmonie
d’une lente musique
couvrant
les pas énigmatiques ?
Es-tu la grâce
des blanches colonnes
dans les écharpes
brûlées de vent ?
Es-tu la main furtive
chargée de songes
de diamants ?
Es-tu frisson
des autres terres ?
Es-tu le dernier éclat ?
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Prose
L’héros binait
(roman autobiographique TGV)
Jean-Paul GAVARD-PERRET
Tel un Bourguignon je suis négociant en
vain. Mes souvenirs me servent à rien car ma
mémoire d’éléphant me trompe énormément.
Je n’ai guère de capacité même si comme tout
le monde j’ai une intelligence supérieure. Mais
une étoile d’araignée tel un marlou a envahi ma
tête pour lui emboîter le trou. Je ne suis plus
que le e muet de ma presqu’île. D’une carpe je
n’ai même pas pu soutirer le mot diem. Et je ne
suis pas de ceux capables de peindre en jaune
les canaris quand ils se fâchent tout rouge.
Pourtant je ne prends pas la lune pour l’autre. A
savoir l’amie pour laquelle je gagne la croûte et
qu’après avoir couverte du regard je déshabille
des yeux. J’ai toujours su persévérer pour
aboutir à l’échec jusqu’à être incapable d’imiter
ma propre signature lors de mon mariage. J’en
attendant mieux mais pensant que toute chair
étant faible il fallait l’accalmer. Cyclope louche
je descends plus facilement au fond des choses
que je n’en remonte. Mais je ne suis pas de
ceux qui se font tant de mal à vouloir toujours
les derniers maux. Non il faut que vieillesse
se trépasse jusqu’à ce que l’infini reste sur sa
faim. C’est pour cela sans doute que mes petits
pois sont rouges, que mes discours n’en disent
pas long et que mes fins de moi sont difficiles.
Fini le temps où je cherchai sans cesse le petit
endroit sous un string où satisfaire mes désirs.
Je m’en repends même ! (tout en changeant la
corde). Tel le nain Atchoum il ne me reste que
peut d’éternuité devant moi et dans mon compte
à rebours le sable émouvant m’effraie. Jeter de
l’huile sur le feu sacré n’y change pas plus que
de battre un chien d’aveugle avec une canne
blanche. Mais muselons la logique, laissons là
aux philosophes musichiens ou autrichiens.
A mon âge mieux vaut deux comprimés qu’un
con promis. Sachez qu’il n’y a plus d’O dans
mon histoire. Les nonnes dont le beau cou plaît
beaucoup peuvent montrer leurs saints. Mes
appâts rances sauront les saluer sans ambiguïté.
Je ne suis plus ce catalan qui franchissait les
périnés. C’est pourquoi je vais vous laisser sur
ces mots dont vous ne tarderez pas à mesurer
la portée comme on disait les géniteurs des 101
dalmatiens. Si vous avez des doutes sur mon
hume annie thé je vous enverrai sous peu mon
appareil hydraulique à identifier l’humain. Je
reste tout à fait conscient de l’importance de
ma découverte et de sa pompe funèbre. En
attentant je vous remercie de votre attention.
( Ce roman fleuve je le dédie à une Miss si
chipie).
Invitation à un « samedi lecture »
Un « samedi lecture » est un samedi après-midi où des écrivains se réunissent pour
lire leurs textes. Ces rencontres proposées par l’Association Valaisanne des Ecrivains,
en étroite collaboration avec le Village Suisse du Livre, offrent à ceux qui écrivent
une occasion de faire entendre leur voix. Elles s’adressent à ceux qui désirent aller
jusqu’au bout de leur démarche créative par une lecture publique.
Rectorat du Village Suisse du Livre
Saint-Pierre-de-Clages – à 14 heures
Les 26 septembre et 21 novembre 2009.
Entrée libre à la condition d’amener au moins une personne dans le public, mais
inscription indispensable auprès de :
Pierrette Kirchner-Zufferey – Petit Mâconnais 28 – 1805 Jongny - % 021 921 12 72 –
[email protected]
10
Prose
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Portefaix
Patrice PERRON
L’homme, plutôt de stature solide et flatteuse,
marche depuis déjà dix jours, son fardeau
sur le dos. Il touche au but, les traits tirés,
la silhouette légèrement courbée, le souffle
court, les habits sales de la poussière du chemin
et odorants de la transpiration du jour. Il sent
monter en lui la hâte de se décharger le dos.
Pourtant, cette ruelle silencieuse, sombre, aux
pavés humides et gras, desservant des maisons
aux murs fatigués et cintrés, contient tous
les ingrédients d’un classique traquenard. Le
numéro 51 nécessite de s’engager profondément
dans la ruelle partant en forte courbe dès les
premiers mètres. C’est par là que le portefaix
doit remettre le contenu de son fardeau. C’est
bien par là qu’il est attendu. Suspense…
La nuit joue à l’appareil photo : le rayonnement
des étoiles ne suffit pas à y voir. Il ne subsiste que
la lente accommodation des yeux à l’obscurité
pour se diriger. L’homme fatigué, courbé sous
le poids de la charge, s’adosse un moment à
l’angle de la première maison, à proximité d’un
porche. Il laisse glisser le sac de ses épaules, lève
la tête à la recherche d’un peu d’air. Il s’essuie
lentement le front d’un revers de manche tout
en soupirant profondément. Il tend l’oreille aux
menus bruits et mouvements possibles dans la
ruelle. Pas un chat. C’est bien là qu’il faut aller.
S’enfoncer avec prudence dans ce coupe-gorge,
approcher de la bonne porte et, enfin, livrer la
marchandise.
En de tels moments de tension, le répit octroyé
ne s’avère pas forcément être du repos, même
si l’homme à l’arrêt à l’angle de la rue respire,
prend son temps. Ce répit laisse l’esprit courir,
gamberger, passer en revue des suites de scenarii
tous plus fous les uns que les autres.
La respiration se calme enfin, mais l’esprit
s’emballe. Le portefaix imagine un thriller type
cinéma américain, ficelé à point et spectaculaire
à souhait. Ayant retrouvé au moins en partie ses
moyens, il s’engage dans la ruelle, avance pas
à pas en longeant les murs, regardant souvent
en arrière dans le noir de façon mécanique,
tenant un revolver armé à la main, les sens en
éveil à la manière d’un radar. Il lui faut coûte
que coûte livrer cette fichue marchandise à
son destinataire du 51, lieu du rendez-vous,
dans les meilleurs délais. Le plus vite sera le
mieux. Le sort de sa fille, prise en otage, en
dépend. Tout à coup, dans sa tête, le film
démarre, s’accélère, bascule. Des coups de feu
giclent en rafales et résonnent dans la ruelle
transformée en chambre d’échos. Les lueurs
bleues des gyrophares transpercent l’obscurité
et la stridence des sirènes de police percutent
puis déchirent le silence. Des portières de
voitures claquent au carrefour, des hommes
accourent, la rythmique de leurs foulées signe
leur progression. Soudain, dans le faisceau des
lampes apparaissent des traces de sang, un sang
bien rouge, qui après une prompte palpation
gant enlevé du chef, s’avère encore chaud.
A ce moment précis, l’homme est tiré du film
qu’il se jouait dans la tête. Exit l’appartenance
du sang rouge et chaud, tant pis pour sa fille.
Dans la ruelle sombre, étroite et inquiétante,
de légers bruits le ramènent à la réalité de sa
situation. Il se cabre un peu, tend les sens, se
prépare à une accélération de sa vie. Puis expire
en se détendant. Ce n’est qu’un chat qui sans
doute pourchassé, vient de rater un virage et
est parti s’éclater dans les poubelles. L’homme
peut souffler un instant.
Ces quelques secondes dérobées à l’action lui
permettent d’évacuer une partie des symptômes
inhérents à l’appréhension : ne pas être aux
abois mais à l’affût, maîtriser la respiration et la
sudation. Mais rien ne peut empêcher l’esprit de
recommencer à s’emballer et à s’inventer une
histoire tragi-comique de portefaix des récits
de moyen âge, à forte coloration de traditions
campagnardes et de bonhomie de chanson de
geste, façon téléfilm français. A peine l’homme
a-t-il recouvré ses moyens, commencé à
s’aventurer dans la ruelle l’angoisse nouée au
ventre, à peine a-t-il trouvé les mots à dire à son
interlocuteur destinataire du fardeau, à peine at-il levé les yeux au ciel pour négocier quelques
bribes de courage, à peine a-t-il senti du bout
des doigts l’humidité des murs, qu’une bande
de mécréants moustachus, grossiers, sales,
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Prose
rustres, arrogants et probablement féroces
l’encercle. La lueur ondulante et mobile des
flambeaux donne une dimension diabolique à la
scène. Un brusque et éprouvant silence prend
le pouvoir sur tout le reste, comme si par la
magie de la fiction, le plateau d’enregistrement
se transportait à la vitesse de la lumière dans
un autre décor. Les murs fatigués, les pavés
humides et gras se trouvent remplacés par le
fond uniformément coloré d’une bande dessinée
simplifiée. L’imagination de l’homme permet à
la caméra d’opérer au ras du sol et en étant
placée juste derrière les assaillants. Cet angle
accroît la dimension d’oppression et de menace
exercée par les agresseurs, probablement des
bandits de grand chemin.
Or ceux-ci sont malins. Ils veulent rester
discrets et pour ce faire, ils se sont équipés
d’instruments silencieux ou presque : gourdins,
dagues, chaînes et couteaux. Ils ont choisi et
attendu leur victime : ce portefaix à moitié
anémique, à moitié pitoyable, mais véhiculant
peut-être un magot intéressant. C’est l’instant
de vérité. Comment vont-ils s’y prendre ? La
page de publicité tombe à point nommé pour
sortir le portefaix de ses pensées et de la
fâcheuse posture dans laquelle il se trouvait à
ce moment précis du film.
Là, dans la ruelle, l’immobilisme semble
soudain bousculé comme des peupliers par le
souffle de la brise, réactivant la vigilance de
l’homme. Ne pas baisser la garde. Or pendant le
téléfilm cérébral qui vient d’être interrompu, la
transpiration a cessé. L’homme sent le froid de
la nuit tomber sur lui, se glisser entre sa chemise
et sa peau. Il est temps d’avancer et d’agir. Toi,
ami lecteur, tu as pris la place depuis déjà un
moment, tu es adossé à l’angle de la maison,
la peur tend ton ventre, mais tu es fermement
décidé à aller jusqu’au bout de la mission.
C’est au numéro 51, plus avant dans la courbe
de la ruelle, dont tu ne vois qu’une courte partie
à chaque pas, que tu dois te rendre. La prise
de vue d’hélicoptère te montre progressant
prudemment de trois-quarts, dos au mur, bras
armé vers l’avant. Enfin te voilà à portée de
vue estimée dans la pénombre du 51, devant
le numéro 44, une bâtisse construite en léger
retrait des autres, sur le côté gauche de la
ruelle. Endroit parfait pour poser ton fardeau,
observer et te reposer. T’éponger à nouveau
le front, mais cette fois-ci au moyen d’une
serviette délicatement pliée et précieusement
rangée dans le sac. Et t’essuyer soigneusement
11
les mains pour effacer toute moiteur signe
d’appréhension. Puis relâcher le corps et faire
tomber les épaules. Et la nuit défile ainsi.
Le petit matin frais, saturé de lumière blanche
et de rosée, te trouve installé et calé dans le
recoin des murs de façade. Tu as juste légèrement
déplacé la petite carriole bâchée stationnée là,
pour te couvrir du passage. Maintenant que tu te
sais indécelable, tu ouvres ton sac et le soulages
du fardeau transporté jusqu’ici, tout en jetant
un coup d’œil automatique sur le numéro 51, à
une vingtaine de mètres pour t’assurer qu’il est
toujours dégagé.
Voici venue ton heure. Le sourire aux lèvres,
la crosse bien en main, le pouce sur le chien
et l’index sur la gâchette, tu laisses tes yeux
lentement se plisser et ton corps entier ajuster,
attendant le moindre mouvement de la poignée
de porte du numéro 51.
Pour assurer la livraison de la pièce et solder les
comptes une bonne fois pour toutes.
M
«Plume», une illutration due
à Christiane BONDER.
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Pages d’outre-langues
12
Els trens nocturns
Helena CREUS
Em repenjava callade
A la finestra
Quan els trens,
Totes aquells trens nocturns
De Tolosa
Amb un so
De tambours rituals,
Esmicolaven
El silenci embruixat
De la nit florida.
I el torrent ondulat
De les parets
S’omplia de poesie.
Les trains de nuit
Helena CREUS
Traduction Pierrette KIRCHNER-ZUFFEREY
Je m’appuyais silencieuse.
A la fenêtre
Quand les trains,
Tous ces trains nocturnes
De Toulouse
Au son
De rituels tambours,
Emiettaient
Le silence
De la nuit fleurie.
Et le torrent ondulé
Des parois
S’emplissait de poésie.
Retour
Retorn
Helena CREUS
He tornat
A refer el camì,
Per trobar-me
Amb els carrers
Ou viuen, espectrals,
Tantes histories.
Per aturar-me
Un instant,
A les places
Pintades d’albada.
Per trepitjar
Les antigues llambordes,
Color de cendre.
Per sadollar-me
Amb l’olor intensa
Del canal silent.
Per sentir encara
Les vostres petjades
En la boira emergent.
Helena CREUS
Traduction : Pierrette KIRCHNER-ZUFFEREY
J’ai refait
Le chemin
Pour me retrouver
Dans les rues
Où vivent
Tant d’histoires spectrales.
Pour m’arrêter
Un instant,
Aux places
Peintes d’aube.
Pour piétiner
Les anciens pavés
Couleur de cendre.
Pour me rassasier
De l’intense odeur
Du canal silencieux.
Pour sentir encor
Vos empreintes
Dans le brouillard émergeant.
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Pages d’outre-langues
Cantiga do só
13
La chanson du solitaire
Aidenor AIRES
Saber depois que o mar está deserto,
que as ondas e as praias morreram
no itinerário da infância...
Saber depois que a casa continuará
vazia
e que, à mesa, o pão esperará...
Ou será partido
por uma mão somente.
Dans l´anthologie : “Seleta poética”
- Ed. Kelp/UCG 2005 -
Aidenor Aires
Traduction Yvan AVENA
Savoir que la mer est déserte,
que les vagues et les plages sont mortes
pendant le trajet de l´enfance...
Savoir qu´après la maison continuera
vide
et que, sur la table, le pain attendra...
Ou qu´il sera partagé
par une seule main.
Rien
Elizabeth Caldeira Brito
Traduction Yvan AVENA
Nada
Plus de week-end
Elizabeth Caldeira Brito ni de belles aurores.
Não mais fim de semana,
nem lindo amanhecer.
Não mais água de março,
só estar com você.
Não mais pôr-do-sol,
nem chuva na plantação.
Não mais eclipse lunar,
nem luar do sertão.
Não mais brisa da manhã,
nem leve sopro de vento.
Não mais olhar as estrelas,
nem o melhor pensamento.
Não quer mansidão das águas,
nem o silêncio da mata.
Só saciar a fome,
na solidão que desata.
Plus d´eau du mois de mars.
Seulement être avec toi.
Plus de coucher de soleil,
ni de pluie sur les plantations.
Plus d´éclipse de lune,
ni de lune du sertão.
Plus de fraicheur matinale,
ni de léger souffle du vent.
Plus d´observation des étoiles,
ni de superbes pensées.
Plus de mansuétude de l´eau,
ni de silence de la brousse.
Seulement le rassasiement de la faim
dans la solitude qui libère.
“L´Envers des heures & autres”
Ed. Université Catholique de Goiás 2007
14
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Essais
Jacqueline Thévoz à la droite du Père
Paule d’ARX
Si saint Anselme de Canterbury et saint Thomas
d’Aquin ont tenté d’apporter une preuve
ontologique de l’existence de Dieu, si les plus
éminents théologiens ont proposé des visions
fort divergentes de l’Eternité, Jacqueline
Thévoz a recréé dans ses Contes et légendes de
l’Au-Delà un paradis qui ressemble parfois à la
cour de Louis XIV. Au sommet de la hiérarchie
céleste règne un Être Suprême dont Michel-Ange
a laissé des portraits frappants sur les voûtes de
la Sixtine. Retranché derrière son père, le Christ
ne participe guère davantage que le Grand
Dauphin au gouvernement du royaume. Colbert
et Louvois ont cédé leur place à saint Pierre,
prompt à exécuter les ordres et les contrordres
de son Maître. A l’instar de Mme de Maintenon,
la Vierge, cloîtrée au fond de ses mystérieux
appartements, prétend ne se mêler de rien pour
mieux glisser son nez partout. Les anges, que
commandent les archanges, constituent l’armée
et la garde rapprochée du Souverain.
Excédé des folies de la Terre, le Très-Haut
a subitement déclenché le big bang et les
infortunées victime de sa Colère, Il les a
recueillies sous le toit de sa vaste Demeure dont
le Paradis occupe l’étage supérieur et l’Enfer
les sous-sols. Les illustres Réformateurs et les
terribles Inquisiteurs ont également promis
aux hommes que, le Parvis sacré franchi, ils
ne seraient plus que des âmes désincarnées,
pures et parfaites. Le Seigneur en a décidé
autrement. Il a revêtu les élus d’une toge
bleue, agrémentée de deux ailes blanches avant
d’assigner des logements distincts aux adeptes
des différentes religions monothéistes. Mais
Il a concédé si peu de sagesse aux nouveaux
immortels qu’ils gardent en sa Présence les
défauts, les travers et les ridicules dont ils ont
toujours souffert. Même devenus saints, ils
n’aspirent qu’à gravir les degrés de l’échelle
sociale au détriment de leurs biens chers frères.
Parmi la gent écrivassière, l’envie et la jalousie
atteignent évidemment leur paroxysme. Des
concours richement dotés attisent les haines et
les rivalités entre des poètes et des romanciers
qui manient le dénigrement avec une rare
dextérité. Afin de rétablir la concorde au ciel
des cieux, plusieurs concerts sont organisés et
ils permettent à l’auteur de témoigner de ses
goûts ou de son ample culture musicale. A l’issue
de ces festivités, le Tout-Puissant distribue
« chocolat…, bêtises de Cambrai, calissons d’Aix,
caramels…, fruits confits, dragées, … pralines,
roudoudous, sucettes … et pâtisseries. » Puis, Il
convie ses hôtes à un banquet où se succèdent les
apéritifs, les vins et les viandes, « des légumes
bio …et des desserts succulents. » Calvin doit se
retourner dans sa tombe ! Mais Dieu n’est-il pas
« l’incompréhensible, incontestable 1 » ?
Jacqueline Thévoz, en janvier 2009
Le Prince des Ténèbres
Les actions ou les manœuvres de Lucifer, de
Lucie Ferraille, son épouse et de leurs acolytes
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Essais
divertissent moins que les jeux des angelines et
des angelots. Toutefois, entre les brasiers et les
grils de l’Enfer, l’auteur s’abandonne volontiers
à la satire mordante, à de vives critiques ou à
des jugements sévères dont les plaines célestes
sont exemptées. Au milieu des damnés comme au
milieu des élus se pressent d’anciens terriens que
les lecteurs identifieront aisément. Cependant,
l’écrivain ne s’abaisse à aucun règlement de
compte mesquin. La gentillesse, cette qualité
très anoblissante, si longtemps et si sottement
vitupérée en Romandie, oriente et anime les
démarches littéraires ou humaines de Jacqueline
Thévoz, mais elle se double d’une ferme lucidité
et d’une subtile malice. Aussi, sans nullement
s’acharner contre les coupables, la romancière
livre à Satan, outre les criminels ordinaires, les
spéculateurs et les profiteurs, les politiciens et
les agitateurs professionnels, « les chasseurs et
les enfants mal élevés » ou plus bizarrement
« les mouches et les guêpes ». Le Nez d’Adèle,
un récit largement autobiographique incitera les
lecteurs à comprendre pourquoi Mme Thévoz,
après avoir frôlé le pire, précipite les médecins
incompétents dans les eaux noires du Styx.
Les délices du Purgatoire
Omniscient et omnipotent, le Dieu de Jacqueline
Thévoz n’est pas infaillible. Les Limbes, qu’Il
avait supprimés, Il les rétablit à l’intention
des personnes indisciplinées dont les excès de
langage, de coquetterie, de vanité, d’égoïsme ou
de passions désordonnées troublent la sérénité
du ciel. Si l’écrivain croit à la rédemption de
ces pénitents et de tous les pécheurs, elle n’en
dénonce pas moins, à la faveur de ses petites
histoires apparemment anodines, le danger de
nouvelles pandémies, des armes atomiques et
de la conquête spatiale. Des illusions, elle n’en
nourrit guère sur l’évolution de la société, les
joies de la famille ou le bonheur des couples.
« Dans le mariage, il y a … la pomme et la poire,
l’une grignotant l’autre », soutient-elle. Quant
aux aléas de la circulation routière, qui causent
fréquemment à Jacqueline Thévoz des ennuis
plutôt cocasses ou burlesques, ils lui inspirent
les meilleures pages de son livre. En vue d’aller
prendre Un Repas au bord de l’eau bénite,
l’ange Absalon-Thévoz accueille dans sa drôle
de machine Boucles d’or accompagnée de son
mari et pour les lecteurs commence une fête
qui leur arrachera des larmes de rire.
15
En dépit de son âge avancé. et de sa santé
précaire, Jacqueline Thévoz signe d’un conte à
une légende de l’Au-Delà un ouvrage habilement
structuré dont le style fluide et précis s’émaille
constamment d’un humour délicat et fin, unique
dans les lettres romandes. Pourquoi notre pays
n’a-t-il pas encore récompensé un tel talent
de quelques distinctions ou de quelques prix
importants ?
Grandeur et misères de la nature
Comme j’ai déjà présenté aux lecteurs
d’“Axolotl” l’œuvre et la philosophie de Robert
Hainard, je ne m’arrêterai que brièvement
à l’ombre de ses Forêts sauvages, illustrées
de gravures et de dessins. Au gré de cette
anthologie, la famille et les proches de l’artiste
ont judicieusement rassemblé des extraits
significatifs de textes qui inviteront chacun à
prendre rapidement connaissance des idées
majeures du célèbre Romand. Devant nos villes
et nos villages défigurés, devant le massacre
impitoyable des arbres le long de nos sentiers,
de nos routes, de nos rues, devant le bétonnage
irrémédiable du moindre carré verdoyant,
devant nos rivières encagées et nos montagnes
ravagées, il est l’heure de nous souvenir que
Robert Hainard s’est élevé le premier contre la
densification frénétique des sols qu’entraîne une
surpopulation incontrôlée, néfaste ou suicidaire
même. En ces temps obscurs, nous ne traversons
pas uniquement une grave crise économicosociale, nous vivons dans l’amertume et la
résignation la fin chaotique d’une civilisation.
Alors, n’aurions-nous pas tout intérêt à écouter
la voix chaleureuse, intrépide et prophétique
de Robert Hainard ?
Jacqueline THEVOZ : Contes et légendes de l’AuDelà, Sierre, Editions A la Carte, 2008.
Robert HAINARD : Les Forêts sauvages, Genève et
Saint-Claude-de-Diray, Editions Hesse et Fondation
Hainard, 2008.
1
Victor HUGO ; Choses vues, Paris, Gallimard, 1972,
Tome III, p. 357.
Librairie virtuelle
16
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Un de ces livres vous
intéresse-t-il?
Contactez
la
rédaction
d’“Axolotl”, qui se chargera
gracieusement de transmettre l’information à l’éditeur
ou l’auteur…
Jacqueline THEVOZ: Contes et légendes de l’Au-delà, Sierre, Editions A la
Carte, 154 p., 2008.
Frs 30.00
Jacqueline THEVOZ: 44 leçons de
foi, Sierre, Editions A la Carte, 172 p.,
2008.
Frs 30.00
Jean-Paul COMTESSE: Le Valanvron,
trois détours, Sierre, Editions Monographic, 67 p., 2008.
Frs 21.00 – € 12.00
L’écriture de Bocampe semble décidément vouloir avancer vers ce qui
sous-tend davantage le désir de création, sa nécessité, que la création ellemême.
Ce stupéfiant processus d’arrachements et de reconstitution de soi que
provoque tout de même le besoin de créer ne nourrirait-il pas finalement
notre désir de néant, que nous n’ayons de cesse d’en rechercher la trace,
ce qui, de ce point de vue là, rendrait l’agir au moins aussi fascinant que
l’attente ?
Et est-ce que la poésie, celle qui avance à visage découvert et nous
surprend en flagrant délit de factuel comme de merveilleux, n’aurait pas
quelque chose à voir avec la vacuité, mais une vacuité qui merveilleusement
répondrait à l’attente, la comblerait ?
Autrement dit, l’amour n’entretiendrait-il pas un rapport avec
l’inconscient désir de rejoindre ce plein vide?
Parce que dans ce texte l’attelage du rêve au langage est prétexte aussi à
essayer de comprendre, une réalité explose sur le plan de sa conscience.
Eléonore c’est la compassion, évidement, et les Enfants Blessés sont parmi
les humains ceux qui, intuitivement, sentent que leur indécrottable
nostalgie, leur spleen, n’est autre que le symptôme résurgent de la mémoire
oubliée d’une très ancienne blessure d’amour.
Bocampe pense le monde en conduisant son véhicule poétique avec toujours
autant de fraîcheur, de gravité et de spontanéité.
Régis NIVELLE
Bocampe, libre penseur comme il aime se définir, est né en France
dans les Cévennes. Issu d’un milieu modeste et en contact avec un
vieux berger, il apprendra très jeune le travail de la pierre sèche.
Dès lors, cette passion ne le quittera plus. Ses pérégrinations de
bâtisseur dans le sud de la France le conduiront en Suisse où il suivra
une formation de socio-thérapeute en 1988. En relation depuis
vingt ans avec des personnes en situation de handicap, il est aussi
responsable d’un atelier de céramique et de pierre sèche à Yverdonles-Bains. Aujourd’hui, à travers cette collection, il souhaite partager
avec le lecteur ses pensées par amour pour la littérature.
Les Editions de l’Escarboucle
15 €
ISBN: 978-2-9700557-9-2
www.escarboucle.ch
Editions de l’Escarboucle
Martine MAGNARIDES: Deux ailes, Paris, Editions La Bruyère, 190 p., 2008.
€ 18.00
Bocampe
Les enfants blessés
Jacques HERMAN: L’Homme de Paille,
poèmes, Pailly, Editions du Madrier,
108 p., 2009.
Frs 15.00
LES ENFANTS BLESSES
Les auteurs intéressés à y
figurer sont priés de fournir
les références exactes du
volume (auteur, titre, soustitre, lieu d’édition, éditeur,
collection éventuelle, nombre de pages, année d’édition et prix, ainsi qu’une reproduction de la couverture
en jpeg ou PDF.
Coût: abonné gratuit; non
abonné Frs 8.00 € 5.00
Durée: En fonction de la
place disponible, mais maximum un an.
Luce PECLARD: Le gué des jours,
Pailly, Editions du Madrier, 117 p.
2008.
Frs 27.-
Luc-André REY : La rue, la vérité, le
vent, Bruxelles, MaelstrÖm Editions,
31 p., 2009.
€ 3.00
Bocampe
Jean GRIN : Le génie Winnicott (Essais
sur la créativité en psychanalyse),
Yverdon-les-Bains, Editions de l’Escarboucle, 101 p., 2008.
Frs 24.00 – € 15.00
Jean GRIN : John Lennon, militant
pour la paix, Yverdon-les-Bains, Editions de l’Escarboucle, 94 p., 2008.
Frs 19.00 – € 12.00
LES EDITIONS DE L’ESCARBOUCLE
BOCAMPE : Les enfants blessés, Yverdon-les-Bains, Editions de l’Escarboucle, 108 pages, 2008.
€ 15.00
Jean GRIN : Habiter le livre, Yverdonles-Bains, Editions de l’Escarboucle,
142 p., 2009.
Frs 30.00 – € 20.00
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Notes de lectures
Jean GRIN : Habiter le livre, Les Editions
de L’Escarboucle. Yverdon-les-Bains. Avril
2009. 142 pages. Format carré 17x17 cm.
30 F Suisses. 20 €.
Dans ce livre dense et touffu, Jean Grin nous
conte sa relation à la lecture, à l’écriture et
au livre. Non pas d’un point de vue scientifique
(d’autres s’y sont essayés dans des revues
spécialisées), mais du point de vue original et
personnel de son expérience, de l’enfance à l’âge
adulte, la structure du livre en témoignant.
L’utile préface de Robert Curtat déblaye le
terrain des rappels (histoire, évolution des
supports et des techniques, diffusion entre
autres) et laisse à l’auteur tout le loisir de se
concentrer sur son sujet et son vécu.
A la différence du scientifique qui démontre,
Jean Grin a choisi de parler de son rapport
au livre par « une brève esquisse d’instants
parsemés tout au long de (son) existence ».
Cette démarche est « forcément subjective »
(chapitre d’introduction). Nous sommes
donc dans le qualitatif propre aux sciences
humaines. Il n’y a pas de table des matières,
juste un sommaire. Ce dernier joue le rôle de
GPS permettant au lecteur de naviguer dans le
livre et d’en comprendre l’esprit et la méthode
d’écriture.
Ainsi, le premier chapitre (architecture d’une
bibliothèque) nous plonge dans son enfance.
Nous suivons l’auteur dans la maison familiale et
nous découvrons que la bibliothèque ne siégeait
pas en un lieu unique mais dans presque toutes
les pièces. Et pourquoi donc ? Et pour moi,
lecteur, comment était-ce ? Voilà d’emblée
les deux questions qui vont lier le lecteur et
l’auteur. Si la bibliothèque s’avère multi sites, il
convient de chercher plusieurs réponses : qui l’a
organisée ? (les parents). A qui sont destinés les
différents sites ? (père, mère, chaque enfant).
Quels sont les livres contenus dans chacun des
sites ? (spécifiques à l’occupant de la pièce). Qui
sont les fournisseurs ? (multiples). Et à quelle
époque sont-ils arrivés là ? (âge, scolarité,
cadeaux, activités professionnelles, etc..). Et
pour moi lecteur, comment les choses se sontelles passées ? Pas de la même façon.
Et là, Jean Grin évoque le contrôle parental,
les bonnes lectures, le sens social de la lecture
(c’est bien vu de lire mais pas n’importe quoi),
le refus et l’opposition de l’adolescent rebelle.
Toutefois, même rebelle, l’adolescent Grin
n’abandonne pas la lecture. Il est même bon en
français, écrit des textes, certes pour lui, mais
aussi pour les autres à leur demande pour les
petites copines ! Pour lui, cette capacité à écrire
17
facilement lui ouvre les portes de l’autonomie,
« d’une liberté inconnue jusque-là ».
Plus tard, l’écriture devient une activité, « un
acte citoyen », afin d’exprimer des avis, des
convictions, de rechercher le dialogue. D’où en
1986, la naissance d’Axolotl, la revue permettant
de faire connaître des auteurs. Parler des
autres auteurs devient son activité principale
en écriture, en terme de motivation. Une fois que le lecteur a capté ce premier
chapitre, la logique du livre est manifeste. Dès
lors, l’existence du chapitre « habiter le livre »
éponyme du titre général de l’ouvrage, est
cohérente. Et l’auteur aborde la place de tous
les acteurs faisant vivre le livre, que ce soit les
auteurs, les ouvriers participant à sa création
et les lecteurs. Mais je ne dévoilerai pas le
contenu des autres chapitres, afin de maintenir
votre intérêt à la lecture de ce livre.
Je dirai simplement que la conclusion permet
à Jean Grin d’élargir son propos à des
préoccupations contemporaines et futures
autour du livre, des techniques nouvelles et des
jeunes générations, en délivrant un message
d’optimisme contenu et somme toute, chargé
d’espoir.
Quelque part dans le livre, Jean Grin dit avoir
perdu la facilité d’écrire de sa jeunesse. Ce
propos est étonnant, car le style, le rythme, la
richesse maîtrisée du vocabulaire et l’étendue
des références citées, tendraient à nous faire
penser le contraire. La lecture de cet ouvrage
est agréable, dynamique, enrichissante,
teintée d’une touche d’humour et d’une dose
d’autodérision. Jean Grin vit son livre comme
il montre qu’une bibliothèque se construit
et s’articule autour de ses créateurs et
habitants. Il manque juste, en annexe, une liste
récapitulative des références bibliographiques
et des personnages évoqués, (Winnicott, Lacan
et les autres ne sont pas forcément bien connus
de tous les lecteurs, dont moi !).
Par ailleurs, Jean Grin a récemment publié chez
le même éditeur :
- Le génie Winnicott. Essai sur la créativité
en psychiatrie. Ouvrage lié à ses activités
professionnelles.
- John Lennon, militant pour la paix. Biographie
d’un pacifiste méconnu. Ouvrage lié à son
militantisme non-violent.
Il participe activement à la vie de
revues dont “Axolotl”, Sillages, Terres civiles,
Commentaires, et Le scribe, pour n’en citer
que quelques-unes.
Patrice PERRON
Première parution dans la Lettre contact de
l’Associaton des écrivains bretons, 2/2009.
18
Notes de lecture
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Ivan Watelle : Divagation Impénitente, présentant des situations à la fois plausibles et
Editions Poèmes Epars, Villeurbanne, non angoissantes. Le lecteur découvrira sans peine
les liens à établir entre trois historiettes qui se
paginé, 10 €.
Don Quichotte sans armure Ivan Watelle parcourt
depuis longtemps les chants de la poésie comme
autant de champs de bataille. A sa Dulcinée qui n’est pas du Toboso - il adresse parfois ses
prières dépressives et enragées : « Rappelle-toi
mes joies / Rappelle-toi mes peines ». Et face
au « Grand Ordre » qu’il combat il a peu de
chance de sortir vainqueur. Mais qu’importe :
ce qui compte est de lancer un cri dans l’air
acre pour le hanter. La tête chauffe, brûle, le
corps suit parfois. Mais face aux magmas des
univers coercitifs et injustes le tout est de tenir
et de parier sur la blondeur de l’absolu au sein
de la dureté des nuits obscurs. Rien ne sert de
se laisser envahir par la mauvaise fièvre d’un
fiel qui ne ronge que celui qui l’éprouve. Il
vaut mieux de faire reculer l’informe par une
« langue bavarde » que le poète reprend en
insomniaque rêveur face à la dureté du monde
et la petitesse humaine. Watelle comme ses
semblables, ses frères n’en est pas exempt.
Ce qui ne va pas chez lui sans culpabilité et
malaise. Mais son grand poème lyrique reste
une sorte de d’exception et de brèche dans la
poésie du temps.
Jean-Paul GAVARD-PERRET
Gilbert MARQUES : La trilogie du pouvoir,
Clamecy, Editions du Masque d’Or, collection
“Paroles d’hommes”, 133 pages, 2008.
L’époque contemporaine ne manque pas
de soulever trois questions essentielles et
existentielles : la mondialisation, la pensée
unique et la problématique cruciale du sauvetage
de la planète. Bien des penseurs, parmi les plus
éminents, s’y sont penchés. Et, si les solutions
proposées ont proposé plus de polémiques
que de solutions, toutes les réflexions menées
à ces propos ont toutefois abouti à une sorte
de consensus : il y a urgence d’y apporter
remède.
Telle n’est pourtant pas la démarche de Gilbert
Marquès qui, lui, privilégie la science-fiction pour
nourrir la réflexion. A partir de trois nouvelles,
brièvement introduites par une notice succincte
qui, malheureusement, tend malheureusement
à dévêtir quelque peu l’attrait des textes à
venir, il expose avec sagacité ces thèmes, en
complètent et s’enrichissent mutuellement,
malgré un écart important, du point de vue
chronologique, entre leurs dates de rédaction.
Les mêmes personnages réapparaissent, mais
sous des jours différents, ce qui témoigne
avec justesse d’une certaine usure du pouvoir
exercé.
Une judicieuse préface, signée par Laurent
Sauzé, souligne à quel point le domaine de la
science-fiction ne saurait être tenu pour un
genre littéraire mineur. Il sait y faire preuve
d’une excellente connaissance du domaine
et, références solides à l’appui, il démontre
que la « SF » n’a par définition pas épuisé son
registre.
J. G.
Alis THEBE : Tollé, suivi de L’Eau au moulin,
Nantes, Editions Sol’Air, 66 pages, 2008.
La première partie de ce recueil a ceci de
particulier que l’auteure examine, sans
complaisance, certains de ses plus vieux
poèmes, comme si, en quête d’elle-même et de
ce qu’elle fut, elle tenait à procéder à une sorte
d’archéologie psychique. Entre dialogue interne
et journal personnel, elle met en lien ses textes
et les événements marquants de sa jeunesse. Il
s’en suit, pour le lecteur, comme un sentiment
d’étrangeté : comment l’auteure parvient-elle
à concilier dans la même démarche autant de
similitude entre ce qu’elle fut et ce qu’elle est
encore, tout en se disant aussi distante d’ellemême pour en éprouver jusqu’au besoin de ce
regard rétrospectif ? Tenter de répondre ici à
une telle question reviendrait à déparer ces
pages d’une bonne part de leur saveur ; mieux
vaut donc laisser à chaque lecteur la liberté de
sa propre interprétation…
La seconde partie du recueil s’ouvre sur un
hommage émouvant à Betty Lou, Américaine
exécutée en 1999. Suit alors une dizaines de
poèmes conciliant lyrisme et idées réaffirmées.
Alis Thèbe ne se contente pas d’être une artiste
aux facettes multiples – littérature, peinture
et musique – sensible et anticonformiste. Elle
l’affirme et le démontre par une poésie dont la
langue, parfois, sait égratigner les tabous et les
règles en usage.
J. G.
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
Notes de lecture
Béatrice ARNAUD-GORECKI : Dans les
pressoirs des horloges, Beaune, Prix
d’édition poétique de la Ville de Beaune, 56
pages, 2008.
Dans ce recueil, l’auteure offre près d’une
centaine de Haïku, un genre poétique simple à
première lecture, mais qui recèle de nombreuses
difficultés, notamment celle de transcrire en peu
de mots des émotions parfois fondamentales.
Ce n’est par ailleurs, pas la première distinction
qu’elle obtient pour son œuvre.
En fin de volume, l’impression demeure
cependant plutôt mitigée. Certains vers
frappent fort, allant directement à l’essentiel.
D’autres ne font hélas que confirmer une
certaine monomanie de l’inspiration, ce que le
lecteur ne manquera pas de ressentir comme
une sorte de monotonie du ton. Je crois pourtant
que la faute n’en incombe pas tant au talent
de l’artiste, mais à la rigidité du genre, trop
succinct pour éveiller ce que d’autres formes
fixes – la ballade et le sonnet pour ne citer
qu’eux – peuvent éveiller chez le lecteur. Il eût
été préférable, peut-être, de ne pas amasser
autant de Haïku en si peu de pages. En lire deux
ou trois, puis passer à autre chose, puis enfin y
revenir, aurait très certainement été préférable
et bien plus agréable.
La faute, peut-être, à un critique trop pressé
de lire beaucoup en peu de temps, et aux
illustrations morbides et répétitives d’Olivier
Nazat…
J. G.
Jacques CANUT : Gravillons, précédé de
Lamentos, Saintes, Editions de l’Atlantique,
collection “Phoibos”, 43 pages, 2009.
Comme le mentionne avec justesse, en
quatrième de couverture, Silvaine Arabo, ce
qui touche avant tout, en parcourant les deux
courts recueils publiés conjointement, c’est
la sincérité du ton de leur auteur. Pourtant, il
est nécessaire d’aller plus avant dans l’analyse
et de mentionner aussi cette sorte d’intuition
quasi fulgurante de Jacques Canut à accepter
pour véridique sa perception immédiate du
moment vécu comme représentatif d’une réalité
à admettre. Elle – cette réalité – peut revêtir de
multiples visages : le temps qui fuit, qui nous
abandonne ; l’ambivalence des sentiments ;
cette impression que ce qui est connu peut
19
toujours néanmoins surprendre, déstabiliser.
« Arrêter le monde, je monde, je veux
descendre ! », se sont déjà écriés certains
avant lui. Mais le poète sait d’avance qu’il ne
servirait à rien de se réfugier derrière une telle
injonction. Alors, sereinement – du moins en
apparence –, il feint de se réconcilier avec ce
que lui propose – impose ? – la vie. Privilégiant
un vers libre, peut-être parce qu’il l’assimile
avec la liberté que lui propose son statut de
créateur, il a recours plus souvent à l’humour,
l’ironie et le questionnement qu’à la désormais
classique figure de style. Il y a, ça et là, dans
le présent ouvrage, de savoureuses images qui
suffisent amplement à rendre « digestes » une
réflexion pourtant sérieuse et grave.
J. G.
Fanette Meiller, Je ne suis pas à vendre,
Caractères de Rousseau, Les Charmettes,
Maison de J.J. Rousseau, Chambéry du 23
Mai au 16 décembre 2009.
Rousseau avait anticipé l’apparition de
l’idéologie molle qui allait envahir notre monde.
« Tout ce qu’on fait les hommes, les hommes
peuvent le détruire » écrivait-il. Pour saluer son
œuvre dans le cadre des Charmettes (Maison où
l’auteur vécut au côté de Madame de Warens ses
« seuls instants de bonheur ») Fanette Mellier a
proposé la relecture de l’œuvre. Elle en a tiré des
fragments en reprenant la typographie originale
de diverses de ses premières publications mais
en jouant sur les hauteurs et les couleurs.
L’artiste rouvre l’espace du texte. Elle le donne
à voir autrement afin qu’on le lise mieux dans
leurs nouveaux périmètres. Par ses morceaux
choisis la graphiste n’abrége en rien le devenir
de l’œuvre, au contraire. Elle en propose des
fragments de devenir. Entre Rousseau et sa
liseuse surgit une unité. Sortant le graphisme
du simple registre de l’exquis, de la subtilité
empreinte plus d’afféterie que de pertinence,
Fanette Mellier ramène vers quelque chose
de plus essentiel. Il ne s’agit plus, par ses
interventions, de “ planter un décor ” ou de
faire de la surface un écran. Une nouvelle lecture
est donc possible par cet alphabet plastique
renouvelé de l’auteur des Confessions.
S’extrayant de toute considération de degrés
la graphiste produit du sens. On aimerait à
son propos employer le terme de cinétique s’il
n’était pas chargé ou surchargé d’une valeur
20
Notes de lecture
hypnotique, hallucinatoire que ne cherche pas
au sein même de ses rébus la créatrice. La
simple stimulation de la perception rétinienne
au sein de divers jeux de leurres n’est pas ce
qui pousse la réflexion et le travail de Fanette
Mallier.
C’est pourquoi son installation est concrète et
probante. D’ailleurs s’il existe chez la graphiste
(et dans ses divers travaux) tout un grand
brassage de formes et de formats, il ne se situe
jamais dans la recherche d’un aspect nébuleux
mais à l’inverse afin de permettre de découvrir
ce qui peut s’incarner à partir d’une réflexion
complexe de la manière la plus simple. Une sorte
de minimalisme est à la base de l’orchestration
colorée des textes de Rousseau. L’alphabet
des couleurs et des placards n’a donc rien de
fortuit. Il constitue la propédeutique idéale à
une œuvre toujours ouverte. L’artiste graphiste
a eu l’intelligence de se mettre à son service.
Mais c’est ainsi que son propre travail devient
non seulement archéologique mais généalogique
et a valeur d’œuvre d’art au sens plein.
Jean-Paul GAVARD-PERRET
Simon GERMANIER : Les itinéraires du
crayon, Nendaz, Editions IGN, 118 pages,
2008.
Comme l’auteur l’indique lui-même en
préambule, c’est dans l’urgence de devoir
acquérir au moindre prix un moyen d’écrire une
liste de commissions pour son fils qu’il a fait
l’acquisition d’un lot de douze crayons. Quelque
peu vexé d’un achat aussi important pour une
liste si courte, à savoir « de l’eau, du pain, des
oignons et si possible un journal » (je cite de
“Axolotl”
N°52 - Août 2009
mémoire), il a décidé de faire un usage plus
ample de ces crayons, ce qui a donné naissance
au présent volume.
L’auteur me pardonnera – j’imagine – de
résumer de manière si succincte et simpliste
sa démarche, parce que tout dans ce recueil
témoigne de son attachement autant à l’écriture
qu’à l’alphabétisation. Présentés comme
des récits, les textes qui composent ce petit
ouvrage en dépassent, en fait, le genre. Il y en a
certains qui se révèlent des contes, dans la plus
pure tradition de la fantasmagorie orientale
(l’histoire de Selim, “Avec la main, dessiner la
parole”), d’autres qui touchent à l’hommage
rendu à l’artisan de la génération précédente
(“Notre oncle”), ou encore à la fiction (ici, je
laisse le lecteur faire ses propres découvertes).
Le pénultième texte présente un hommage
chaleureux et le plus sincère à très
certainement l’un des plus simples objets à
la disposition de qui sait écrire – sait-on, par
exemple, qu’un spécimen des plus usuels de
sa « race » permettrait de tracer une ligne de
cinquante-cinq kilomètres – et aurait mérité,
d’une certaine manière, de clore le livre. Mais
voilà, l’auteur a choisi de finir autrement son
ouvrage: il propose, dans un dernier récit,
d’appeler tous les enfants de la terre à utiliser
le crayon pour exprimer leur créativité et à
l’adulte de leur rendre possible l’accès à cet
objet autant fascinant qu’indispensable. Si
l’intérêt strictement littéraire de l’ouvrage est
indéniable dès les premières pages, il convient
néanmoins d’être également attentif aux soucis
de l’auteur de défendre l’importance de l’accès
à l’écrit pour toutes et tous.
J. G.
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