lettre de - Théâtre de l`Odéon
Transcription
lettre de - Théâtre de l`Odéon
lettre de 'Odéon THEATRE DE L'EUROPE DU 22 SEPTEMBRE AU 31 OCTOBRE 98 - GRANDE SALLE PHÈDRE deJEAN RACINE - mise EN scène LUC BONDY avec Marie-Louise Bischofberger Panope, Garance Clavel Aride, Valérie Dréville Phèdre, Dominique Frot Oenone, Laurent Grevill Théramène, Sylvain Jacques Hippoljte, Marie Modiano Ismène, Didier Sandre Thésée. Coproduction : Théâtre Vidy-Lausanne E.T.E., Kunstfest Weimarl Ruhrfestspiele Recklinghausen Europaisches Festival, Wiener Festwochen, Theater der Nationen im Rahmen der Zùrcher Festspieie. Coréaiisation : Odéon-Théâtre de l'Europe, Festival d'Automne à Paris. Spectacle créé le 24 février 98 à Lausanne ■ N à 1 4 ' JL, ' SAISON ■ 98/99 PHÈDRE J'AI DIT CE QUE JAMAIS ON NE DEVAIT ENTENDRE Le rideau se lève sur Hippolyte qui songe à fuir plutôt que d'avouer son amour pour Aricie. Théramène, son confident, l'a compris à demi-mot et peut conclure presque en souriant : "vous périssez d'un mal que vous dissimulez". Une quinzaine de vers plus tard, Phèdre entre en scène. Elle se laisse périr plutôt que d'avouer son amour pour Hippolyte. Oenone, sa confidente, ne comprend pas pourquoi "elle meurt dans [ses] bras d'un mal qu'elle [lui] cache". Hippolyte s'était refusé à ouvrir son coeur à Théramène. Phèdre, elle, va succomber à la tentation de dire son amour, ou de le laisser dire, dans une des scènes les plus extraordinaires de tout notre théâtre. Et dès que le mal qui la frappe, et son objet, ont trouvé leur nom, la véritable agonie de Phèdre peut commencer. Trois étapes fatales la scandent. Thésée, jusqu'ici, n'était que disparu, et Phèdre, son épouse, s'est consumée dans le silence. Mais peine a-t-elle confié son secret qu'on lui apprend la mort du roi. Oenone l'invite alors à déclarer sa passion à son beau-fils, ne serait-ce que pour des raisons politiques. Phèdre suit son conseil, sans savoir qu'entretemps Hippolyte et Aricie se sont avoué leur amour. A peine se voit-elle rejetée par le prince que la mort de Thésée est démentie - et de même qu'elle avait laissé Oenone nommer à sa place celui qu'elle aime, Phèdre laisse sa confidente accuser Hippolyte devant son père. Enfin, apprenant que Thésée a maudit son fils et l'a voué à l'inexorable vengeance divine, Phèdre s'apprête à le disculper lorsqu'elle apprend son amour pour Aricie et garde le silence. La tragédie peut alors refermer son cercle et ses héros achever leur mouvement : Hippolyte, qui annonçait "je pars" dès sa première réplique, fuit au loin vers la mort; Phèdre, qui apparaît d'abord en murmurant "n'allons point plus avant", prend la parole pour assumer le dévoilement de sa vérité et s'y effacer, abandonnée et confondue enfin avec les profondeurs mortelles du sol qui l'engloutit. UNE PHEDRE REALISTE Dans un palais de crépuscule sans âge, une langue de sable clair semble faire allusion au rivage tout proche et aux ruines à venir. Au fond, le bleu du ciel ou de la mer fait une trouée inaccessible. Hippolyte est vêtu de lin et de mailles d'acier; Phèdre apparaît dissimulée sous un voile qui semble anticiper son deuil, enserrée dans une robe aux anneaux d'or. Nous sommes aux temps mythiques où le divin et l'humain rôdent encore dans les parages l'un de l'autre, où les monstres et les peuples fabuleux hantent encore les généalogies : Hippolyte est fils d'une Amazone; son père Thésée a épousé Phèdre, "la fille de Minos et de Pasiphaé," demisoeur du Minotaure et descendante en droite ligne du Soleil. Mais les dieux que les héros ne cessent d'invoquer, leur puissance qu'ils ne cessent d'éprouver jusque dans leur chair, ne se montrent déjà plus sur la scène, dont Racine se borne à noter sobrement qu'elle N se situe "àTrézène, ville du Péloponèse," dans une cité inconnue qui n'existe que pour le drame. Une époque légendaire, un lieu presque indéterminé : Phèdre offre à Luc Bondy, pour sa première approche de la tragédie classique, une charge évocatrice qu'il a choisi d'accompagner et d'incarner dans la plus grande simplicité, en montant, pour reprendre ses termes, "une Phèdre réaliste". Mais ce réalisme-là tient à l'exigence de ne pas succomber aux tentations de l'ironie ou de la célébration, de ne jamais ruser avec le chef-d'oeuvre, afin de rester au plus près de l'énergie tourmentée, de la violence sensuelle qui lui confèrent sa présence. L'élégance austère du décor, la sobriété des costumes composent par touches légères un monde soustrait au temps, comme une arène rituelle ouverte au combat funèbre des générations. Hippolyte, le fils trop pur d'un "volage adorateur de mille objets divers", brûlant ° 1 4 SAISON pourtant de suivre son exemple et de fuir au loin à la surface de la terre pour la purger de ses derniers monstres, est interprété par Sylvain Jacques. Didier Sandre, qui a travaillé avec Luc Bondy dans deux mises en scène mémorables de Schnitzler, incarne un Thésée d'une puissance saisissante : lorsque surgit enfin, à la fin du troisième acte, ce héros dont tous ont tant parlé qu'il nous semblait déjà le connaître, sa présence royale s'impose en scène avec une force et une noblesse qu'aucune description n'aurait permis d'imaginer. Enfin, après les Pièces de Guerre d'Edward Bond, Valérie Dréville revient à l'Odéon pour y être le monstre de douleur et de passion qu'Hippolyte côtoie à son insu, clouée de tout son corps à son interminable agonie : hautaine ou convulsée, enfantine ou inhumaine, habitant de ses murmures ou de ses cris le poème de Racine, elle est une Phèdre inoubliable. 98/99 Luc Bondy monte Phèdre en un spectacle aussi lumineux que simple, où les sentiments sont pris au pied de la lettre, jusqu'au vertige. "J'ai voulu faire une Phèdre réaliste" explique le metteur en scène qui aborde la tragédie classique pour la première fois, mais qui de Schnitzler à Strindberg en passant par Ibsen, a souvent arpenté les thèmes de l'amour, de l'absence, de la paternité [...]. Fille du soleil par sa mère Pasiphaé et des ténèbres par son père Minos, Phèdre est écartelée entre "le regret du jour" et "la passion de la nuit", selon l'expression de Maurice Blanchot. Pour elle, le costumier Rudy Sabounghi a imaginé une robe dorée que dément un immense voile noir. Et c'est entièrement dissimulée sous ce voile que Phèdre commence à parler, avant de s'en dégager à la seconde même où elle prononce le vers fameux "Soleil, je te viens voir pour la dernière fois".Si cet effet de théâtre, parfaitement réfléchi et amené, se transforme, pour les spectateurs du Théâtre Vidy de Lausanne, en électrochoc, c'est que Phèdre qui naît à la lumière en cet instant est tout simplement la plus grande actrice du théâtre français. Fabuleuse Valérie Dréville, à la fois solaire et glacée, ballottée entre résignation et révolte, parfaitement maîtresse de son art et pourtant ébranlée par une force qui la dépasse. (René Solis - Libération - 3.03.98) CE QU'EN DIT LA PRESSE Luc Bondy joue admirablement de ce stylet, sans jamais s'accorder la moindre privauté sur la pièce. Sa dramaturgie n'est d'aucun artifice, d'aucune frivolité, mais de fidélité profonde à l'œuvre. Elle éclaire les personnages, sonde leurs retranchements obscurs, les renvoie les uns vers les autres, les uns contre les autres. Il s'est attaché à faire entendre chaque mot, à leur offrir un espace propre, visible [...]. Tout, jusqu'aux costumes (Rudy Sabounghi) d'un antique délicatement contemporain, concourt à la réussite de cette Phèdre d'exception. L'impossible récit de Théramène, dans la bouche de Laurent Grévill, acquiert une réalité, une humanité profondes. Ce sont les dieux mêmes que Luc Bondy rend visibles. Ils sont là, dans l'éternité du présent grec, en chacun, multiples et contradictoires, palpables par le spectateur. Ils sont là pour troubler, donner vie aux visages et passion aux gestes, purs pourvoyeurs de théâtre. Un- croassement bref suffit à rappeler leur présence. Leur chant céleste balaye d'un souffle léger la scène ; la rumeur sourde de leurs conques annonce l'irréparable, devançant la parole. Et lorsque Phèdre, s'enveloppant d'elle-même, plus que jamais «propre à exciter la compassion et la terreur», comme le souhaitait Racine, animale et digne, solitaire dans la mort, paraît se dissoudre dans le sable, libérant enfin un soleil vertical, assourdissant de cigales, elle porte la tragédie au zénith d'une véritable élévation. (Jean-Louis Perrier - Le Monde - 27.02.98) Au sommet de son art, maîtrisant la moindre de ses inflexions, passant d'une sévérité glaciale à l'abandon désespéré, Didier Sandre donne là l'accomplissement d'un personnage. (Le Quotidien du Médecin -11.03.98) A peine est-elle amoureuse que Phèdre se sait déjà condamnée. L'amour a immédiatement pour elle un goût de cendre. Voilà bien le scandale de la pièce : on croyait, on prônait que l'amour était source de vie; Racine, lui, crie que l'amour peut conduire à la mort... Valérie Dréville est une Phèdre comme on les rêve. Hiératique et familière, tragique et infantile, un instant ivre d'espérance, l'instant d'après traquée comme un animal blessé. La comédienne nous hisse sur des sentiers de hautes altitudes théâtrales. Et de grande solitude. Quand s'achève ce spectacle-là, simple, tranchant et pur comme un diamant noir, il ne reste rien. (Fabienne Pascaud- Télérama - 25.02.98) Bondy ne brise pas les pièces anciennes. Il les ouvre. Il ne les laisse pas tranquilles. Il les éclaire sous un jour nouveau [...]. Luc Bondy met en scène cette pièce qui a trois cents ans d'âge dans une forme sévère, comme un jeu avec un feu, la chaleur, la fièvre. Comme un gigantesque flirt fou furieux, avec tout ce que les Lumières ne réussissent à cacher qu'à grand'peine : la dévastation des âmes qu'il met ici à nu avec la même clarté que les coeurs et les cerveaux dans Jouer avec le Jeu de Strinberg [...]. Lin chef-d'oeuvre. (Gerhard Stadelmaier Frankfurter Allgemeine Zeitung - 26.02.98) LUC BONDY Né à Zurich en 1948, Luc Bondy s'installe en 1969 à Hambourg où il monte plusieurs pièces du répertoire contemporain (Genet, Ionesco), puis classique (Shakespeare, Goethe). Après deux ans à la Stadtische Buhne de Francfort, Bondy travaille surtout à la Schaubuhne de Berlin, qu'il codirige de 85 à 87, succédant à Peter Stein. Il revient en France une première fois en 1984 à l'invitation de Patrice Chéreau pour monter aux Amandiers de Nanterre Terre Etrangère, d'Arthur Schnitzler. Cinq ans plus tard, il présente Le Chemin solitaire, également de Schnitzler, au Théâtre du Rond-Point. En 1992, ce sera John Gabriel Borkman d'Ibsen, à l'Odéon-Théâtre de l'Europe. Toujours entre opéra et théâtre, entre classiques et contemporains, sa carrière se poursuit de Berlin à Bruxelles, de Salzbourg à Lausanne ou Paris, à travers toute l'Europe. C'est que Bondy, comme l'a souligné Georges Banu, "incarne l'esprit européen du théâtre, dont il exploite à la fois les ressources littéraires et spatiales. En quête du plaisir au théâtre, Bondy fait de la légèreté la première vertu de ses spectacles. Réfractaire à toute forme d'alourdissement du plateau et à toute approche pédagogique du théâtre, il préserve une liberté qui met en éveil l'imagination et permet une approche psychologique de certains textes qui atteint la perfection." Luc Bondy dirige actuellement les Wiener Festwochen (Festival de Vienne). N ° 1 4 SAISON 98/99 LA LETTRE DE L'ODÉON DERNIERE MINUTE • Colloque VOS RENDEZ-VOUS Bertolt Brecht : Idéologie, • Les Rencontres du jeudi Théorie, Théâtre • Travaux d'élèves autour de Phèdre Colloque organisé par la Maison Heinrich Heine autour de «Bertolt Brecht : Idéologie, Théorie, Théâtre», avec Georges Lavaudant, Alain Milianti, Jean Jourdheuil..., de 17h à 19h, au Théâtre de la Cité Internationale, 21 boulevard Jourdan - 75014 Paris. Krystian Lupa Les Trois sœurs d'Anton Tchékhov, mise en scène Krystian Lupa, avec les anciens élèves du Conservatoire de Cracovie spectacle en polonais lundi 5 octobre - de17h à19h les 10,11 et 12 décembre - 19h30 le 13 décembre-15h Rencontres avec l'équipe artistique jeudi 1er octobre - après la représentation jeudi 15 octobre - après la représentation Entrée libre - Grande Salle Renseignements : 01 44 41 36 33 Entrée libre - Renseignements : 01 441613 00 Colloque suivi du spectacle Mann ist Mann de Bertolt Brecht, mise en scène Thomas Ostermeier Renseignements et réservation : 01 4313 50 50 • Journée Portes Ouvertes samedi 17 octobre au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris 2 bis, rue du Conservatoire - 75009 Paris Tarif unique : 50 f Renseignements et réservation à l'Odéon (location ouverte à partir du 26 novembre) : 01 44 41 36 36 Dans le cadre de la journée du livre BREVES Lire en fête Julie Brochen Le Décaméron des Femmes de Julia Voznesenkaya, mise en scène Julie Brochen, avec les anciens élèves de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre. l'équipe de l'Odéon vous embarque pour un voyage à l'intérieur du • Les Partenaires théâtre de la saison 98/99 Visite de la grande salle, du plateau, des salles de répétition, exploration du site Internet, suivies d'un cycle de lectures à la Bibliothèque Jean-Louis Barrault. Les Inrockuptibles Libération France Inter France Culture FIP et Paris Première soutiennent la saison 98/99 de l'Odéon-Théâtré de l'Europe Entrée libre - Programme détaillé et renseignements : 01 44 41 36 90 ou 01 44 41 36 12 • Amphi Théâtre Racine et son siècle en collaboration avec l'Université Paris La Sorbonne et l'Université Paris X Nanterre, une conférence réunira des enseignants (Christian Biet, Georges Forestier) et l'équipe artistique du spectacle Phèdre. du 3 au 14 novembre et du 24 au 28 novembre, 20h (relâche les dimanche et lundi) au Petit Odéon Tarif unique : 70 f - Tarif réduit : 50 f Renseignements et réservation à l'Odéon (location ouverte à partir du 20 octobre) : 01 44 41 36 36 la RATP soutient l'action de l'Odéon-Théâtre de l'Europe en direction de la jeunesse. • Association AIDES Phèdre - Représentation exceptionnelle au profit de l'association AIDES, • En tournée samedi 10 octobre à 15h. Renseignements et réservation : 01 44 41 36 36 Tambours dans la nuit et samedi 24 octobre -14 h 30 -17 h 00 La noce chez les Entrée libre - Grande Salle Renseignements : 01 44 41 36 90 petits-bourgeois du 25 au 30 septembre à Barcelone, du 14 au 23 octobre au TNP Villeurbanne, les 29 et 30 octobre à Stockholm, du 12 au 15 novembre à Madrid, du 26 novembre au 2 décembre au Quartz de Brest. A votre service L'Odéon pratique • Ouverture de la location tout public pour Phèdre : le 8 septembre (pour toutes les représentations) Pleins tarifs : 170 f, 130 f, 80 f, 50 f, 30 f (séries 1,2,3,4,5) Représentations : du mardi au samedi à 20h - le dimanche à 15h Abonnements, Cartes Odéon : 0144 4136 38-Eric Mislin Cartes complices : 0144 4136 84 - Karine Jarry Comités d'entreprise, groupes d'amis: 0144 413637 Groupes scolaires et universitaires .0144 4136 39 ,• par téléphone au 0144 4136 36, tous les jours de 11h à 19h « aux guichets du Théâtre, du lundi au samedi, de 11h à 18h30 N 1 4 SAISON 9 8/99