Titre : *Grand Larousse de la langue française en six
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Titre : *Grand Larousse de la langue française en six
*Titre : *Grand Larousse de la langue française en six volumes. Tome deuxième, Cir-Ery / [sous la direction de Louis Guilbert, René Lagane, Georges Niobey] *Auteur : *Larousse *Éditeur : *Librairie Larousse (Paris) *Date d'édition : *1972 *Contributeur : *Guilbert, Louis (1912-1977). Directeur de publication *Contributeur : *Lagane, René. Directeur de publication *Contributeur : *Niobey, Georges. Directeur de publication *Sujet : *Français (langue) -- Dictionnaires *Type : *monographie imprimée *Langue : * Français *Format : *1 vol. (paginé 737-1727) ; 27 cm *Format : *application/pdf *Droits : *domaine public *Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200533r </ark:/12148/bpt6k1200533r> *Source : *Larousse, 2012-144939 *Relation : *Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34294780h *Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb351193384 *Provenance : *bnf.fr Le texte affiché comporte un certain nombre d'erreurs. 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Une nichée de petits Savoyards jouant à la marelle ou dormant au bon soleil, la tête sur leurs boîtes à cirage (Daudet). ∥ Noir comme du cirage, très noir. ∥ Pop. Être dans le cirage, dans le langage des aviateurs, avoir une très mauvaise visibilité ; par extens., être dans une demi-conscience, sous l’effet de l’ivresse, de la maladie, d’un choc. • SYN. : 1 astiquage, encaustiquage. circaète [sirkaɛt] n. m. (du gr. kirkos, faucon, et aetos, aigle ; 1820, Laveaux). Rapace diurne des régions boisées du midi de la France, qui se nourrit de reptiles. circassien, enne [sirkasjɛ̃, -ɛn] adj. et n. (de Circassie, n. géogr. ; 1866, Larousse). Relatif à la Circassie (ancien nom de la région qui s’étend au nord du Caucase) ; habitant ou originaire de cette région. circom-, circum- [sirkɔm], élément tiré du lat. circum, autour de, dans le voisinage de, et qui entre comme préfixe dans la composition de nombreux mots. circompolaire adj. V. CIRCUMPOLAIRE. circoncellion [sirkɔ̃sɛljɔ̃] n. m. (lat. impér. circumcellio, moine vagabond, de circum, autour, et cella, demeure ; 1866, Larousse). 1. Nom donné à des journaliers agricoles libres de l’Afrique romaine, qui se révoltèrent aux IVe-Ve s. ∥ 2. Sectaire de la Souabe, au XIIIe s. circoncire [sirkɔ̃sir] v. tr. (lat. ecclés. circumcidere, même sens [en lat. class., « couper autour »] ; v. 1190, Sermons de saint Bernard, au sens 1 ; sens 2, 1541, Calvin). [Conj. 67.] 1. Soumettre quelqu’un à la circoncision. ∥ 2. Fig. En langage mystique, retrancher, corriger. circoncis, e [sirkɔ̃si, -iz] adj. (part. passé de circoncire ; XIIe s.). 1. Qui a subi la circoncision. ∥ 2. Se dit de la volve de certains champignons lorsqu’elle est coupée au ras du bulbe. % circoncis n. m. (1690, Furetière). Péjor. Nom donné par les chrétiens aux juifs et aux musulmans : Les têtes à tonsures commises par le ciel et la terre à l’extermination des circoncis (France). circoncision [sirkɔ̃sizjɔ̃] n. f. (lat. ecclés. circumcisio ; v. 1190, Sermons de saint Bernard). Excision totale ou partielle du prépuce. ∥ Spécialem. Excision rituelle du prépuce chez les juifs et les musulmans : Hier, nous avons vu une procession magnifique pour la circoncision du fils d’un riche négociant (Flaubert). circonférence [sirkɔ̃ferɑ̃s] n. f. (lat. circumferentia, de circumferre, faire le tour ; v. 1265, J. de Meung). 1. Ligne courbe plane, fermée, limitant une aire : La circonférence de l’ellipse. ∥ Spécialem. et absol. Pourtour d’un cercle, courbe fermée dont tous les points se trouvent à égale distance d’un point fixe appelé « centre » : La longueur de la circonférence est égale au produit du diamètre par le nombre π. ∥ 2. Limite extérieure, pourtour d’un objet, d’un lieu, d’une agglomération : Ville enfermant plusieurs jardins dans sa circonférence (Acad.). ∥ 3. Surface limitée qui s’étend autour d’un point considéré comme centre : Rome faisait sentir sa puissance sans pouvoir l’étendre, et dans une circonférence très petite (Montesquieu). • SYN. : 1 cercle, orbite, rond (fam.) ; 2 contour, enceinte, périmètre, périphérie, tour ; 3 orbe, sphère. circonférentiel, elle [sirkɔ̃ferɑ̃sjɛl] adj. (de circonférence ; 1877, Littré). Qui concerne la circonférence. circonflexe [sirkɔ̃flɛks] adj. et n. m. (lat. circumflexus [accentus], [accent] fléchi autour, trad. du gr. perispômenê [prosôdia], proprem. « [accent] tiré autour », en parlant de l’accent musical qui monte à l’aigu, puis redescend au grave ; 1529, G. Tory, écrit circonflect [circonflexe, 1550, Meigret], au sens 1 ; sens 2, v. 1560, G. des Autels ; sens 3, 1866, Larousse ; sens 4, milieu du XVIIe s., Scarron). 1. Accent circonflexe, signe d’accentuation grec, qui représente une intonation aiguë suivie d’une intonation grave sur la même voyelle, et que l’on figure par une ligne sinueuse (~ ou !). ∥ 2. Accent circonflexe, ou circonflexe n. m., en français, signe (^) qui note l’allongement de certaines voyelles provenant d’une contraction (dû) ou de la chute d’une consonne (tête). [On dit parfois FLEXE, n. m., par abrév.] (V. art. spécial à ACCENT.) ∥ 3. Se dit parfois de ce qui est en forme d’accent circonflexe, de V renversé : Oh ! c’est frappant, il a les mêmes sourcils circonflexes, le même nez recourbé, les mêmes pommettes saillantes (Proust). ∥ 4. Vx et ironiq. Tortu, de travers : Ma poitrine est toute convexe. | Enfin je suis tout circonflexe (Scarron). circonflexion [sirkɔ̃flɛksjɔ̃] n. f. (de circonflexe ; XXe s.). Forme de l’accent circonflexe (rare) : Ses traits étaient restés les mêmes ; peut-être l’ovale du visage s’étaitil allongé ; mais la bouche avait toujours la même circonflexion compliquée, mieux accusée encore par le liséré de la moustache (Martin du Gard). circonlocution [sirkɔ̃lɔkysjɔ̃] n. f. (lat. circumlocutio, de circum, autour, et locutio, expression, trad. du gr. periphrasis, périphrase ; XIIIe s., Delboulle). Manière détournée de dire en plusieurs mots ce qu’on ne sait ou qu’on ne veut exprimer par le terme propre : Monsieur, je n’emploierai ni circonlocutions, ni détours, et j’aborderai franchement ce que j’ai à vous dire (Dumas père). Oui, je vous le dis tout simplement : à quoi bon des circonlocutions entre nous ?... Je n’ai pas l’honneur d’être connu de vos parents (Gide). • SYN. : détours, périphrase. circonscriptible [sirkɔ̃skriptibl] adj. (du lat. circumscriptus, part. passé de circumscribere, circonscrire ; fin du XIVe s., Chr. de Pisan, au sens 1 ; sens 2, 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). 1. En géométrie, se dit d’une figure qui peut être circonscrite : Le carré est inscriptible dans un cercle et circonscriptible à un autre cercle. ∥ 2. Fig. Qui peut être circonscrit, enfermé dans certaines limites : Si les esprits créés sont locaux et circonscriptibles (Taine). circonscription [sirkɔ̃skripsjɔ̃] n. f. (lat. circumscriptio, cercle tracé, espace limité, phase, période ; XIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1648, Pascal ; sens 3, 1835, Acad.). 1. Vx. Limite qui circonscrit l’étendue d’un corps. ∥ 2. En géométrie, action de circonscrire une figure à une autre : Ceux qui sont habitués aux inscriptions et aux circonscriptions de la géométrie... (Pascal). ∥ 3. Division administrative, militaire ou religieuse d’un territoire : En effet, il se trouve dans cette circonscription ecclésiastique des congrégations autorisées et des congrégations recon- nues (France). ∥ Spécialem. Circonscription électorale, ou simplem. circonscription, portion de territoire élisant un ou plusieurs représentants à une assemblée délibérante municipale, départementale ou nationale : Je viens vous proposer d’annuler l’élection de la deuxième circonscription du département de la Corse (Daudet). • SYN. : 1 délimitation, limitation ; 3 district, subdivision. circonscrire [sirkɔ̃skrir] v. tr. (lat. circumscribere, tracer alentour, de circum, autour, et scribere, écrire ; v. 1361, Oresme, au sens 3 ; sens 1, v. 1560, Paré ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 4, 1832, Raymond). [Conj. 65.] 1. Déterminer les limites d’un espace : M. Sariette étudia soigneusement la topographie du quartier afin de circonscrire exactement l’îlot de maisons où s’élève l’hôtel d’Esparvieu (France). ∥ 2. En géométrie, tracer une figure dont tous les côtés sont tangents à une circonférence, ou tracer une circonférence passant par tous les sommets d’un polygone : Circonscrire un carré à un cercle. Le côté d’un hexagone régulier est égal au rayon du cercle qui lui est circonscrit. ∥ 3. Fig. Donner, définir les limites de : Il ne s’agit point d’approfondownloadModeText.vue.download 10 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 724 dir : il ne s’agit même point de prétendre circonscrire un sujet d’une étendue immense et qui, loin de se simplifier et de s’éclaircir par la méditation, ne fait que devenir plus complexe et plus trouble à mesure que le regard s’y appuie (Valéry). ∥ 4. Réduire à certaines limites ; empêcher l’extension de : En s’occupant de la science et en renonçant à la littérature proprement dite, Ramond sentait bien qu’il circonscrivait le cercle de ses lecteurs (Sainte-Beuve). Et, comme ici l’eau surabonde, l’incendie a vite été circonscrit, puis maté (Gide). • SYN. : 1 délimiter, localiser ; 3 borner, cerner ; 4 arrêter, enrayer, freiner, juguler, limiter, resserrer, restreindre, stopper. — CONTR. : 3 élargir, étendre ; 4 accroître, amplifier, augmenter, grossir, intensifier, raviver. circonspect, e [sirkɔ̃spɛ, ɛkt ou sirkɔ̃spɛkt] adj. (lat. circumspectus, part. circonspect, e [sirkɔ̃spɛ, ɛkt ou sirkɔ̃spɛkt] adj. (lat. circumspectus, part. passé de circumspicere, regarder à l’entour ; v. 1395, Chr. de Pisan). 1. Se dit d’une personne qui envisage prudemment tous les aspects d’une question pour parler et agir : Pour les humains, elle restait très circonspecte ; ses jugements étaient prompts, sévères et sans rémission (Gide). ∥ 2. Qui se tient sur une prudente réserve : Le bonhomme, circonspect, ne s’expliqua pas davantage (Maupassant). ∥ 3. Qui témoigne de cette attitude : Un langage circonspect. Le chat, plus réfléchi, flairait d’un nez plus circonspect les roues (Gautier). Par des gestes circonspects, les voyageurs affectèrent d’apporter quelques modifications à l’ordonnance des costumes ou des bagages (Duhamel). • SYN. : 1 avisé, précautionneux, réfléchi ; 2 et 3 méfiant, prudent, réservé, réticent. — CONTR. : 1 aventureux, écervelé, imprévoyant, téméraire ; 2 et 3 confiant, étourdi, imprudent, léger. circonspection [sirkɔ̃spɛksjɔ̃] n. f. (lat. circumspectio ; XIIIe s., Godefroy). Prudence qui incite à ne négliger aucune circonstance avant de parler ou d’agir : Il vous recommande la plus grande circonspection [...]. Une jeune et jolie femme comme vous est entourée de mille dangers (Dumas père). Ils jettent le discrédit et la suspicion sur nous-mêmes, et nous forcent à redoubler d’astuce et de circonspection (Gide). • SYN. : méfiance, précaution, réf lexion, réserve, retenue, sagesse. — CONTR. : confiance, étourderie, imprudence, légèreté, témérité. circonstance [sirkɔ̃stɑ̃s] n. f. (lat. circumstantia, de circumstare, se tenir autour ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ; sens 2, 1668, Molière ; de circonstance, 1809, Wailly). 1. Class. Chacun des faits particuliers d’une situation ; détail par opposition à l’ensemble : Leur ruine [...], prédite dans toutes ses circonstances (Bossuet). Songez surtout à en pénétrer le sens [du texte] dans toute son étendue et dans ses circonstances (La Bruyère). ∥ 2. Particularité qui accompagne un événement, élément secondaire d’une situation : Il préparait ses mots fins [...] en supposant de petites circonstances favorables à la déclaration (Balzac). ∥ Circonstances atténuantes, aggravantes, faits secondaires qui dimi- nuent ou augmentent la gravité d’un délit ou d’un crime : Colomban, reconnu coupable sans circonstances atténuantes, fut condamné au maximum de la peine (France). ∥ 3. Occasion, état des choses à un moment donné : Dans aucune circonstance de la vie, il ne faut s’abandonner au désespoir (Mérimée). Il est au foyer, transformé pour la circonstance en salon de jeu (Daudet). ∥ De circonstance, inspiré par une situation particulière, d’où sans valeur durable, sans profondeur ni sincérité : Bête comme une pièce de circonstance (Balzac). ∥ Visage, tête, etc., de circonstance, expression dépourvue de sincérité, composée seulement en vue d’une circonstance particulière : La veuve Dentu se tenait au pied du lit avec un visage de circonstance (Maupassant). Comme on leur avait dit qu’ils étaient là pour juger un ouvrage de poésie, tous ces braves gens avaient cru devoir prendre des physionomies de circonstance, froides, éteintes, sans sourires (Daudet). • SYN. : 2 condition, détail, donnée, fait, modalité ; 3 cas, conjoncture, moment, occurrence, situation. % circonstances n. f. pl. (1345, Runkewitz). Circonstances et dépendances, dans la langue du droit, tout ce qui dépend d’un immeuble, d’une action légale ou d’un procès. circonstancié, e [sirkɔ̃stɑ̃sje] adj. (part. passé de circonstancier). Qui expose toutes les circonstances, tous les détails d’un fait, d’une question : La relation circonstanciée de ce qui s’est passé dans l’étude du notaire royal (Balzac). • SYN. : détaillé, précis. — CONTR. : imprécis, indéterminé, vague. circonstanciel, elle [sirkɔ̃stɑ̃sjɛl] adj. (de circonstance ; 1747, G. Girard, au sens 1 ; sens 2, 1801, Mercier). 1. En grammaire, se dit d’un complément ou d’une proposition qui précise une circonstance de l’action indiquée par le verbe ou exprimée dans la proposition complétée : Le complément de temps est un complément circonstanciel. (V. art. spécial.) ∥ 2. Qui dépend des circonstances (rare) : Sa manière [de David] n’était pas la strophe banale et amplifiée, sans rien de circonstanciel, qui domine dans la plupart des psaumes (Renan). GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE LE COMPLÉMENT CIRCONSTANCIEL DÉFINITION FONCTIONNELLE 1. Le lieutenant précédait / suivait / accompagnait ses hommes. 2. Le lieutenant marchait devant / derrière / à côté de ses hommes. Il est clair que la « fonction » du nom hommes, dans la phrase 1, est identique, qu’il se rapporte au verbe précédait, suivait ou accompagnait ; de même, elle ne varie pas dans la phrase 2, que la préposition soit devant, derrière ou à côté de. On observe une différence fonctionnelle de la phrase 1 à la phrase 2, et, dans chaque phrase, une possibilité de variation sémantique, figurée par l’accolade. Dans les deux phrases, le nom hommes se rapporte au verbe (et non pas au nom lieutenant) : il est « complément » de ce verbe (v. COMPLÉMENT). Cette fonction de complémentation recouvre, dans la structure profonde du sens, une précision de lieu apportée au phénomène qu’énonce la phrase : les personnes désignées par hommes servent de repère local à l’évocation de la « marche » du lieutenant. L’indication de lieu est rigoureusement la même dans les deux phrases. Le sens seul ne permet pas de distinguer le « complément circonstanciel », qu’on a dans la phrase 2, du « complément d’objet », qu’on a dans la phrase 1. La définition du complément circonstanciel doit associer la considération des formes à celle du sens, ce que rend aisé la confrontation des phrase 1 et 2 : dans la première, le sémantisme du verbe contient la relation de lieu ; dans la seconde, il ne la contient pas, et cette précision sémantique est donnée par la préposition, mot accessoire au service du complément. Dans une phrase comme : Alexandre Dumas est mort là, une relation de lieu est également exprimée hors du verbe : l’adverbe là exprime à la fois l’idée d’une complémentation de caractère local et la précision déictique du lieu repère ; la relation n’étant pas indiquée dans le verbe, on a affaire à un « complément circonstanciel ». Il peut arriver que la relation, sans être marquée par un morphème propre, soit impliquée par les mots en présence : Ma mère travaillait le dimanche. On devine ici une relation de temps, qui n’est pas exprimée dans le verbe, mais que le nom, de construction directe, implique par sa présence à côté du verbe intransitif travailler ; on a encore ici un complément circonstanciel. downloadModeText.vue.download 11 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 725 Ainsi, le complément circonstanciel apparaît comme un complément du verbe portant en lui-même la caractérisation de sa fonction. Cette autonomie entraîne une grande facilité de « détachement » (v. ce mot) : Devant ses hommes, le lieutenant marchait. Là, Alexandre Dumas est mort. Le dimanche, ma mère travaillait. Mais on ne dirait pas : *Ses hommes, le lieutenant précédait. L’autonomie est réciproque ; le verbe tolère la suppression éventuelle d’un complément circonstanciel : Le lieutenant marchait. Alexandre Dumas est mort. Ma mère travaillait, plus facilement que celle d’un complément d’objet : *Le lieutenant précédait. La différence fonctionnelle qui sépare le complément circonstanciel du complément d’objet permet de les associer sans confusion dans la phrase : Le lieutenant presse le pas devant ses hommes. Ma mère fermait le magasin le dimanche. La variété des relations qu’expriment les compléments circonstanciels permet de les juxtaposer en nombre indéfini : A. Dumas est mort là dans la misère en 1870. Les compléments d’objet ne peuvent être juxtaposés que s’ils sont coordonnés ; ce n’est pas le cas pour les compléments circonstanciels quand des relations différentes sont exprimées : on ne pourrait dire : *A. Dumas est mort là, dans la misère, et en 1870. LA NOTION DE « CIRCONSTANCE » Nous avons parlé de « relations » de lieu, de temps. Le terme de relation est employé par les logiciens et les mathématiciens lorsque plusieurs ensembles ou objets, identifiés séparément, sont associés par un rapport permanent ou accidentel (par exemple : x > y). Un syntagme comme le chapeau de Paul exprime très exactement une relation entre les objets désignés par les noms chapeau et Paul, donnés comme différents l’un de l’autre, et le cas serait le même s’il s’agissait d’un objet contenu dans un autre (le nez de Paul), du moment que chacun des deux est défini isolément. Mais, dans le syntagme un long nez, il n’y a pas de « relation » exprimée : l’adjectif long précise une qualité du nez particulier que l’on désigne, une « propriété » définissant cet objet, propriété essentiellement interne, et s’étendant à tout l’objet. Dans un syntagme comme : Le lieutenant marchait devant ses hommes, la « relation », au sens propre du mot, ne peut exister qu’entre l’objet le lieutenant et l’ensemble ses hommes. Pour concevoir une relation entre cet ensemble et l’idée de « marcher », il faudrait exprimer cette idée sous la forme nominale, qui institue un objet ou un ensemble ; c’est ce qu’on fait quand on dit : « Il y a une relation de lieu entre les hommes et la marche du lieutenant », mais, ce faisant, on altère la forme de la phrase. Le terme de « circonstance » est-il meilleur ? Emprunté depuis le XIIIe s. au latin (circumstantia, « ce qui se tient autour »), il fut longtemps un terme savant, joignant une idée d’extériorité à l’idée d’association, sans préjuger de la nature du rapport. Pour Buffier (Grammaire françoise, 1709), nom et verbe « sont susceptibles de diverses circonstances ou modifications », qu’expriment des modificatifs comme les adverbes ou les compléments prépositionnels ; selon Beauzée (Encyclopédie, au mot « Régime », 1765), « pour caractériser les circonstances d’un fait », les rhéteurs usaient « de la formule quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando » : ils comptaient donc le sujet et l’objet au nombre des circonstances. Cependant, Du Marsais (mort en 1756) semblait réserver déjà le nom de « circonstances » aux déterminations « adjointes », « que les mots précédents n’exigent pas nécessairement », et qui « n’influent en rien à l’essence de la proposition grammaticale ». C’est seulement vers 1880 que les rééditions de la Grammaire Noël et Chapsal s’enrichirent des termes de « complément circonstanciel », distinguant, dans l’ensemble des compléments « indirects » du verbe, ceux qui ne répondaient pas à la question à qui ? à quoi ? C’était la limitation moderne, opposant les compléments circonstanciels aux compléments d’objet et d’attribution par un caractère commun qui ne peut être qu’une nuance d’extériorité. Or, si l’on peut admettre que le lieu et le temps constituent bien des « circonstances » de l’événement ordinairement énoncé par le verbe, le mot apparaît bien impropre quand il s’agit, par exemple, de la manière. Un caractère extérieur est-il exprimé par le mot grâce dans : Sylvie danse avec grâce ? La grâce, ici nommée sans article, caractérise le verbe danser comme l’adjectif gracieux caractériserait le nom une danse : une qualité est exprimée, observable dans l’action même qu’évoque ici le mot dansait, et non dans son entourage (la manière est la « qualité du procès »). Le terme de « circonstance » s’applique tout aussi mal aux compléments de prix (Ce tableau vaut cher), de quantité (Elle souffre beaucoup). Pourtant, il est convenu depuis le XIXe s., de l’employer dans toutes ces valeurs inconciliables, réunies par le seul caractère fonctionnel d’une relative autonomie. Les défauts du terme n’échappèrent pas à la commission de grammairiens réunie en 1906 par le ministre de l’Instruction publique en vue d’unifier et de simplifier la nomenclature, et dont les délibérations aboutirent à l’arrêté ministériel du 25 juillet 1910. Le document publié porta simplement : Compléments du verbe : complément direct et indirect. Une circulaire du 28 septembre 1910, relative à la nouvelle nomenclature, recommanda aux maîtres de compléter les distinctions de forme (direct/indirect) par des distinctions de sens, avec les élèves d’un niveau supérieur à celui de l’école primaire.« Quand l’analyse servira à l’intelligence d’un texte, rien n’empêchera le professeur d’expliquer qu’il y a un complément direct ou indirect indiquant l’objet de l’action, et des compléments de circonstance qui marquent le lieu, le temps, la manière, etc. » Et F. Brunot, commentant le document et les travaux de la commission — dont il avait été membre —, écrivait à propos de « circonstanciels » : « La Commission ellemême avertit que ce mot n’a aucun sens précis, et laisse entendre que, dans une foule de cas, il n’est pas bon. Et, en effet, de trouver un mot qui convînt à tout ce qu’on met dans ce cadre, il n’y fallait pas songer. On n’eût guère pu trouver qu’un numéro, comme pour les avenues de New York. » Ce pis-aller devait pourtant être introduit dans la nomenclature, quand elle fut reconduite en 1949 ; en réaction contre un formalisme jugé périmé, les membres de la commission avaient remplacé l’ancienne formulation par celle-ci : Compléments du verbe : d’objet — d’agent d’attribution — de circonstances (circonstances de temps, de lieu, de cause, de manière, de but, etc.). Les termes « direct » et « indirect », définis par l’absence ou la présence de préposition, n’intervenaient plus que dans un Nota bene applicable à tous les compléments, et les commentaires préliminaires recommandaient de n’y recourir que lorsque leur emploi « présentait un intérêt pratique » (l’Éducation nationale, 6 octobre 1949). La même liste des compléments du verbe (objet, agent, attribution, circonstances) fut expressément imposée, l’année suivante, dans les classes du premier degré, à partir de la deuxième année du cours moyen. En fait, cette downloadModeText.vue.download 12 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 726 quadripartition, par laquelle on croyait rendre la priorité au « sens », manquait totalement son but : nous avons vu plus haut que l’objet et les circonstances ne s’opposent pas sur ce plan ; quant à l’agent et à l’attribution (v. ces deux mots), ils n’ont de bonne définition que formelle. Une distinction de « sens » apparaît seulement dans la parenthèse où sont mentionnées les circonstances de temps, de lieu, de cause, de manière, de but, etc. Certes, les mêmes relations peuvent être exprimées par d’autres moyens, tels que le « complément de nom » : un voyage de huit jours (temps : durée) ; le départ de samedi prochain (temps : date) ; les fermes de Normandie (lieu) ; un mariage de dépit (cause) ; un plongeon de style (manière), un mariage d’argent (but) ; un livre de dix francs (prix) ; ou l’association d’un verbe avec son complément d’objet : Pierre fréquente la Sorbonne (lieu) ; Félicité pleure son perroquet (cause) ; Ce travailleur vise la gloire (but) ; Le verglas provoque des accidents (conséquence) ; Ce jeune homme me rappelle son père (comparaison). Cependant, l’usage n’est pas d’analyser les nuances des compléments du nom (le plus souvent confondues par l’emploi indifférencié de la préposition de), ni celles des verbes transitifs, variées à l’infini comme les radicaux eux-mêmes (voir, entendre, ouvrir, fermer sont des termes de relation). La liste des quelque 130 prépositions et locutions prépositives introduisant des compléments circonstanciels constitue, au contraire, un répertoire limité, facilement réductible lui-même à quelques sous-ensembles, dont l’identification est nécessaire à la traduction d’une langue dans une autre, et même aux transformations que chacun opère constamment quand il use de sa langue maternelle. Le système le plus simplifié en est proposé aux écoliers quand on rattache ces compléments aux adverbes interrogatifs où, quand, pourquoi, comment, combien. Au niveau des lycées et collèges, on enseigne aux élèves une courte liste de « circonstances », sorte de tableau des catégories logiques, dont le nombre et la dénomination varient quelque peu d’un auteur à l’autre. En voici une, datant de 1907, parmi cent autres : temps, lieu, cause, manière, origine, but, tendance (direction, destination, attribution), distance, mesure, différence, accompagnement, partie, prix, poids, instrument, agent. Comme on voit, l’attribution et l’agent y sont tenus pour des circonstances, opinion assez souvent partagée, et conséquente dès le moment que l’on confond le plan formel avec le plan sémantique. Le Bon Usage, de Maurice Grevisse, mentionne aussi l’extraction (issu de Jupiter), l’échange (rendre le bien pour le mal), la partie (Il le prend par la main), la matière (carreler avec de la brique), l’opposition (agir contre sa conscience), la concession (malgré l’obscurité), le propos (discourir d’une affaire), la fréquence, la privation, la proximité, l’éloignement, la conséquence, la supposition, la relativité, le changement, la séparation. Encore cette liste ne prétend-elle pas être exhaustive : on ne peut espérer, ni souhaiter, qu’aucune le soit. Devant un complément des plus banals, comme celui de cette phrase : Je suis dans l’attente de son retour, les étiquettes se révèlent insuffisantes, mais quelle importance ? Ce problème d’identification est étranger à la grammaire et sa solution n’intéresse personne. AUX LIMITES DE L’ « OBJET » On a considéré les cas où une relation était exprimée soit par un verbe, soit par une préposition. Elle peut être contenue dans les deux à la fois, phénomène qui se présente sous deux aspects. Je doute de lui. Je me fie à lui. La relation de doute ou de confiance entre « moi » et « lui » est exprimée par le verbe ; pourtant, le complément est « indirect », introduit par les prépositions de et à. Mais il s’agit des deux prépositions les plus abstraites du français (et, ce qui va de pair, les plus employées), et l’on constate qu’elles ne sont pas interchangeables, ni remplaçables par aucune autre (on ne dit pas : *je doute à lui, *je me fie de lui, *je doute sur lui, par lui, chez lui) ; or, un mot n’a de valeur significative propre que s’il est commutable avec un ou plusieurs autres. En fait, les prépositions de et à sont ici des éléments lexicaux inséparables du radical verbal qui les précède, et l’ensemble lexical douter de ou se fier à doit être tenu pour transitif, le complément lui étant complément d’objet (indirect). Un même verbe peut avoir plusieurs constructions de sens différent, les prépositions jouant un rôle distinctif à l’instar des phonèmes : Il tient sa mère / Il tient à sa mère / Il tient de sa mère. Pour beaucoup de verbes, la préposition apparaît quand le complément d’objet est un infinitif : Il décide le départ / de partir. Il commence son travail / à travailler. Les raisons de cette différence sont de nature purement formelle. • Je vais à Rome. Il se réfugie chez nous. Certains verbes, comme aller, se réfugier, ne s’emploient normalement que suivis d’un complément indiquant le lieu où l’on « va », où l’on « se réfugie ». La relation de lieu paraissant exprimée concurremment par le verbe et par la préposition, on est tenté d’appeler le mot qui suit « complément d’objet » (indirect), comme dans le cas précédent. Mais, ici, la préposition n’est pas grammaticalisée, le choix est libre entre : Je vais à Rome, ou vers Rome, près de Rome, devant Rome, au-delà de Rome, etc. On est donc devant un authentique complément circonstanciel. SUPPORT DU COMPLÉMENT CIRCONSTANCIEL L’analyse grammaticale rapporte traditionnellement chaque complément — mot ou groupe de mots — à un mot, qui est son support : l’épithète à un nom ou à un pronom, l’adverbe à un verbe, etc. Le rattachement du complément d’objet au verbe s’impose, puisque le verbe réclame pour ainsi dire ce terme, auquel il confère une fonction. Tel complément de quantité (Il souffrait beaucoup) ou de temps (Il est venu hier) se rattache sans discussion possible au verbe, dont le sens appelle naturellement des précisions d’intensité et de date. Mais beaucoup de « circonstances », principalement quand elles s’expriment dans un complément détaché, sont liées, sur le plan du sens, à l’ensemble des termes de la proposition plutôt qu’exclusivement au verbe : Malgré cette alerte, le souper fut gai (Maupassant). Dira-t-on que le complément de concession alerte se rapporte au verbe fut ? Souvent, des adverbes, détachés ou non, ont un sens qui ne se justifie que par la phrase entière ; aussi certains les appellent-ils « adverbes de phrase » : Il n’avait malheureusement pas pris son violon. Un ouvrier vint maladroitement annoncer cette nouvelle à M. de Mortsauf (Balzac). L’action étant souvent inséparable, dans la pensée, de l’agent qui la produit ou de l’objet qui en est affecté, une qualification du sujet ou du complément d’objet downloadModeText.vue.download 13 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 727 peut avoir pour de « manière ». sens porte à la ils s’accordent ils se trouvent — placés : effet une caractérisation Il est des adjectifs dont le fois sur le sujet avec lequel et sur le verbe après lequel — exceptionnellement Les spectateurs écoutaient attentifs. Il en est d’autres qui, construits en épithètes d’un objet neutre inexprimé, se confondent pratiquement avec des adverbes invariables : Elle vise haut (= quelque chose de haut). Ils boivent sec (= tout sans eau). Il existe une catégorie de compléments dont le rattachement au nom ou au verbe relève surtout de facteurs sémantiques ; ce sont des groupes sans préposition initiale, comme dans : Il entra la tête haute. Détachés ou non, ces groupes se caractérisent par la « solidarité » de leurs termes, puisqu’on ne peut remplacer la tête haute ni par la tête ni par haute. La place avant le verbe oriente l’interprétation vers une caractérisation du sujet : Des femmes, panier au dos, guettaient les poissons à terre (P. Hamp). Si la complémentation porte sur le verbe, la « circonstance » exprimée est ordinairement la manière, mais non forcément : Demachy, sa musette déjà vide, a ramassé les grenades d’un copain tombé (R. Dorgelès). Si le second terme est un participe, le groupe est appelé « proposition » (sa musette vidée). FORMES DU COMPLÉMENT CIRCONSTANCIEL Le complément circonstanciel peut être : — un nom ou un pronom avec préposition : devant ses hommes ; — un nom ou un pronom sans préposition : travailler le dimanche, parler affaires ; — un adverbe : parler bien ; — un adjectif accordé : elle court légère ; — un adjectif invariable : elle vise haut ; — un verbe au gérondif : en venant ; ou à l’infinitif, après les prépositions autres que en : pour venir, sans venir, avant de venir ; — un groupe solidaire à base de nom ou de pronom, sans préposition : Il avançait le dos bossu, les mains dans les poches, nu-tête ; — une proposition subordonnée (v. plus loin). PLACE DU COMPLÉMENT CIRCONSTANCIEL Dans la chaîne de la phrase, le complément circonstanciel vient après le verbe ; le complément d’objet direct le précède normalement : Pose la lampe sur la table. Mais il n’est nullement incorrect de placer le complément circonstanciel indirect avant l’objet direct, surtout si celui-ci est plus volumineux : Elle me montra dans la vitrine un magnifique bracelet. La plupart des compléments circonstanciels peuvent être détachés (v. plus haut) ; un petit nombre d’adverbes doivent suivre immédiatement le verbe aux formes simples : Il joue bien. Il parle beaucoup. Les écrivains placent quelquefois un adverbe entre le sujet et le verbe sans signe de détachement : Un souffle maintenant me caresse la figure (Maupassant). ... les feuilles mortes lentement s’en allaient, en tournoyant, vers la Marne (Aragon). Aux formes composées du verbe, on place entre l’auxiliaire et le participe les adverbes de quantité (Il a beaucoup dormi) et de manière (Il a bien travaillé), et certains adverbes de temps : jamais, toujours, aussitôt, bientôt, déjà, encore, ensuite, quelquefois (J’ai déjà lu ce livre). La mise en valeur en tête de la proposition d’un complément circonstanciel non détaché entraîne l’inversion du sujet : Ici vécut Balzac. Le long d’un clair ruisseau buvait une colombe (La Fontaine). PROPOSITIONS CIRCONSTANCIELLES La tradition, dans l’enseignement secondaire français, a longtemps réparti les propositions subordonnées en trois classes : — les relatives, — les complétives, — les circonstancielles. Une partition plus étroitement fonctionnelle distingue : — des subordonnées compléments de nom, d’adjectif ou d’adverbe — des subordonnées sujet, complément d’objet, attribut ou apposition — une classe définie par l’élimination des deux autres, et qu’on appelle encore, faute de mieux, les circonstancielles. Cette classe réunit donc : • Des propositions relatives sans antécédent à valeur de complément circonstanciel : Promène-toi avec qui tu voudras. Range ta voiture où tu pourras. Ce groupe inclut les relatives indéfinies introduites par qui que, où que, etc. : Où que tu ailles, je te retrouverai ; • Des propositions participes : Le courage me manquant, je n’en dis pas davantage (A. France) ; • Des propositions conjonctives, introduites par quand, comme, si, que et les locutions composées de que (lorsque, puisque, quoique, avant que, pour que, etc.) : Quand elle revint, son mari était parti ; • Des propositions doublement conjonctives : Faites comme si vous étiez chez vous ; comme quand vous êtes chez vous ; • Des propositions conjonctives introduites, comme un mot complément, par une préposition (ordinairement pour, moins souvent de ou sauf) : Je suis pour que les femmes votent (= pour le vote des femmes). Il y a là des chansons pour quand tu es triste. Du point de vue de la relation exprimée, on distingue, parmi les « circonstancielles », des propositions : • De temps (temporelles) : Son mari était parti quand elle revint ; • De cause (causales) : J’ai fermé la porte parce qu’il y avait de l’air ; • De but (finales) : Elle tourna la tête pour qu’on ne la vît pas rougir ; • De conséquence (consécutives) : Il a erré sous la pluie, si bien qu’il est rentré malade ; • De condition (conditionnelles) : Je serai très heureux s’il vient ce soir ; • De concession ou d’opposition (concessives) : Quoiqu’il fasse encore froid, je me baigne à l’aube ; • De comparaison (comparatives) : Elle hésita sur le seuil, comme on hésite à plonger dans une eau glacée. downloadModeText.vue.download 14 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 728 Cette gamme sommaire de « circonstances », dont se contente la pratique scolaire de l’analyse propositionnelle, n’exclut pas la combinaison de plusieurs circonstances, comme la condition et la comparaison : Faites comme si vous étiez chez vous ; ou le temps, la quantité et la comparaison : A mesure que nous avancions, la forêt devenait plus épaisse. Telles conjonctions sont polyvalentes ; tandis que exprime le temps ou l’opposition ; sans que exprime la négation d’une cause, d’une conséquence ou d’une concomitance : Il vient sans qu’on l’appelle. Il court sans que son plateau se renverse. Nous ne voulons pas sortir en mer sans qu’il fasse beau. Enfin, il est évident que les « circonstances » de la subordination ne se limitent pas à sept comme les notes de la gamme ; on y ajoute, à un niveau plus poussé d’analyse, des propositions d’addition : Outre qu’il était très riche, il descendait en ligne directe de Jean sans Terre (M. Aymé) ; et de restriction ou d’exception : Sauf qu’il avait tellement grossi, il avait gardé bien des choses d’autrefois (Proust). Cette liste, que rien ne clôt a priori, se trouve être empiriquement suffisante. Elle ne se confond pas avec la liste, donnée plus haut, des circonstances qu’expriment les compléments simples. Elle est plus courte, et, si les termes qui la composent se retrouvent tous dans celle-là, les pourcentages d’application sont bien différents : la cause, la condition, le but, la conséquence trouvent dans la proposition une expression bien plus adéquate et nuancée que dans le nom ou l’adverbe. C’est la raison qui a fait nommer « analyse logique » l’analyse des propositions. L’assimilation fonctionnelle, pratiquée dans les classes, des propositions aux mots est commode — car les fonctions reconnues dans la phrase simple s’étendent ainsi à la phrase complexe —, mais elle est quelquefois abusive. Beaucoup de théoriciens ont été jusqu’à remplacer le terme de « circonstancielles » par « adverbiales », en appelant parallèlement « substantives » les propositions complétives, et « adjectives » les relatives. Pourtant, on ne connaît guère d’adverbes compléments de condition, de conséquence ; et l’on ne voit pas quel principe peut fonder en théorie une identité fonctionnelle que tant d’exemples démentent. Pourquoi la langue n’aurait-elle pas affecté certaines fonctions en propre à la proposition, unité dont l’élément central, à la différence du nom, du pronom et de l’adverbe, se fléchit en temps et en mode ? Plus encore que pour les compléments simples, l’identification du support est problématique. Devant des phrases comme : Si tu n’avais servi qu’un meunier comme moi, Tu ne serais pas si malade (La Fontaine). Si la chambre est froide, le lit de plume est trop chaud (J. Renard). Ta lettre n’arrivera pas demain, puisque la levée était à 8 heures, on est autorisé à se demander si l’ancienne formule d’analyse, donnant la subordonnée pour « complément de la principale », n’était pas moins artificielle que celle qui en fait aujourd’hui un complément du verbe principal. Si l’on estime que, dans ces trois exemples, la complémentation s’étend à toute la phrase précisément parce qu’elle porte sur son élément central, le verbe, que dira-t-on des cas où une consécutive, une comparative prennent nettement appui sur un terme autre que le verbe : Goulatroncoeur rêve d’une maison si haute que son toit serait couvert de neiges éternelles (Tr. Derème). Cette auberge [...] offre aujourd’hui aux voyageurs un logis aussi propre et bien tenu qu’il est admirablement situé (Töpffer). La conséquence et la comparaison s’assoient souvent sur l’expression première d’une intensité, d’une quantité, d’une qualité ou d’une manière : seule la dernière de ces catégories est l’apanage du verbe. Le rapport de conséquence ou de comparaison unissant la principale à la subordonnée peut être exprimé par des « systèmes à distance », comme tellement... que, (au)tant... que, (aus)si... que, tel... que, assez... pour que, plus (moins)... que, meilleur ... que, mieux... que. Solidarité qui n’existe pas dans le cas des compléments simples, mais qui se retrouve dans certains systèmes d’accouplement des propositions : Plus le fer est chaud, plus il est malléable, dont on est en peine de dire s’ils relèvent de la coordination ou de la subordination (v. ces mots). Les propositions de comparaison prennent souvent, par ellipse, l’apparence d’un complément morphologiquement simple, mais qui n’a pas forcément pour support un verbe : Nous sommes venus par une route plus belle que la vôtre. Appeler que la vôtre une « proposition complément circonstanciel du verbe sommes venus » est la position absurde à laquelle conduirait le classement univoque de toute « comparaison » dans les « circonstances » ; incontestablement, le pronom la vôtre serait appelé « complément d’adjectif » si l’on remplaçait plus belle que par supérieure à. On retiendra de ces réflexions générales qu’il ne faut pas admettre sans réserve le postulat d’une identité fonctionnelle entre les propositions dites « circonstancielles », ou qui pis est « adverbiales », et les compléments circonstanciels simples, eux-mêmes improprement nommés. La prudence commande de les désigner plutôt, selon les besoins, soit par des termes purement formels, comme propositions conjonctives, relatives, participes, infinitives, soit par des termes de sens n’engageant pas la nature du support, comme propositions de temps, de cause, de conséquence. circonstancier [sirkɔ̃stɑ̃sje] v. tr. (de circonstance ; 1632, Chapelain [1468, Chastellain, au part. passé, au sens de « appliqué à des occasions favorables »]). Class. et littér. Rapporter avec toutes les circonstances, tous les détails : Je passe des endroits si importants sans les circonstancier (Furetière). Au nombre des pensées secrètes [...] qui confirment et circonstancient les autres détails sur Rome et sur l’Église (Sainte-Beuve). • REM. Circonstancier ne s’emploie plus qu’à l’infinitif : Il faudra me circonstancier ce rapport, et au part. passé (v. CIRCONSTANCIÉ, E, adj.). circonvallation [sirkɔ̃valasjɔ̃] n. f. (lat. circumvallatio, de circumvallare, bloquer, cerner, de circum, autour, et vallum, palissade ; 1640, Oudin). Fortification sommaire (tranchée et palissade), établie par l’assiégeant d’une place pour se protéger contre les attaques venues de l’extérieur. circonvenir [sirkɔ̃vnir] v. tr. (lat. circumvenire, venir autour, assiéger, accabler, puis, en bas lat., « tromper » ; 1355, Bersuire, au sens 1 ; sens fig. dès le XIVe s.). [Conj. 16.] 1. Vx et littér. Entourer de tous côtés : Un lierre obscur qui circonvient un tronc (Rostand). ∥ 2. Fig. Établir les limites exactes d’une question, d’un sujet : Si j’eusse eu plus de temps, je me fusse amusé à vous montrer le nietzschéisme devant Nietzsche. Par des citations habilement choisies, j’eusse pu circonvenir presque de toutes parts sa figure (Gide). Je ne m’écarte pas de mon objet et, malgré les apparences, le circonviens petit à petit (Duhamel). ∥ 3. Fig. downloadModeText.vue.download 15 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 729 Entourer quelqu’un de ruses et d’artifices pour le séduire, le soumettre à sa volonté ou l’induire en erreur : Circonvenu par ses manoeuvres, subissait-il l’influence de cette fascination ? (Maupassant). Circonvenus comme nous le sommes, reprenait le cardinal, nous avons parfois quelque mal à toucher les offrandes que quelques bonnes âmes secrètement nous envoient (Gide). • SYN. : 2 borner, cerner, circonscrire, délimiter ; 3 amadouer, embobiner (fam.), enjôler, entortiller (fam.). — CONTR. : 2 élargir, étendre. circonvoisin, e [sirkɔ̃vwazɛ̃, -in] adj. (bas lat. circumvicinus [IXe s.], de circum, autour, et vicinus, voisin ; 1387, Runkewitz). Situé tout autour : Tous les paysans de Médintiltas et lieux circonvoisins viendront chez moi manger quelques boeufs (Mérimée). • SYN. : avoisinant, limitrophe, proche, voisin. — CONTR. : éloigné, lointain. circonvolutif, ive [sirkɔ̃vɔlytif, -iv] adj. (du lat. circumvolutus [v. CIRCONVOLUTION] ; 1877, Littré). Relatif aux circon- volutions du cerveau. circonvolution [sirkɔ̃vɔlysjɔ̃] n. f. (du lat. circumvolutus, part. passé de circumvolvere, rouler autour ; fin du XIIIe s., Godefroy, au sens de « sinuosité circulaire [de la mer] » ; sens 1, 1762, Acad. ; sens 2, 1546, Ch. Estienne [pour l’intestin ; pour le cerveau, 1832, Raymond] ; sens 3, XIXe s., Lamartine). 1. Enroulement autour d’un centre : La jeune femme descendit l’escalier à double circonvolution (Mauriac). ∥ 2. Nom donné aux sinuosités de certains organes, et en particulier aux bourrelets sinueux qu’offre la surface du cerveau et du cervelet : Un cerveau aux circonvolutions nombreuses (France). ∥ 3. Fig. et vx. Paroles détournées, circonlocutions : De longues circonvolutions de paroles (Lamartine). circuit [sirkɥi] n. m. (lat. circuitus, du v. circuire, autre forme de circumire, faire le tour, de circum, autour, et ire, aller ; v. 1220, la Queste del saint Graal, écrit circuite, fém. [circuit, masc., 1257, Delboulle], au sens 1 ; sens 2, 1907, Larousse ; sens 3, XXe s. ; sens 4, 1907, Larousse ; sens 5, XVIe s., Amyot ; sens 6, 1541, Calvin ; sens 7, 1695, Kuhn). 1. Vx. Chemin à parcourir pour faire le tour d’un lieu ; limite extérieure : Le circuit d’une agglomération. ∥ 2. Itinéraire fermé d’une épreuve sportive, que les concurrents doivent parcourir une ou plusieurs fois : Le grand prix de l’Automobile-Club de France se court sur le circuit de Reims. ∥ Fig. et pop. Ne plus être dans le circuit, avoir abandonné une entreprise, une activité, etc. ∥ 3. Parcours touristique dans lequel on revient à son point de départ : Nous marquions sur la carte routière des circuits ambitieux (Fargue). ∥ 4. En électricité, suite de conducteurs à travers lesquels passe un courant électrique : Couper, rétablir le circuit. Circuit fermé, ouvert. ∥ Mettre en circuit, intercaler dans un circuit. ∥ Mettre hors circuit, supprimer un conducteur d’un circuit. ∥ Court-circuit, v. ce mot à son ordre alphab. ∥ 5. Sinuosité, détour d’un chemin : La route suivait ensuite la rivière [...]. Peu à peu, elle montait avec de lents circuits pour contourner le monticule (Zola). ∥ 6. Class. et littér. Paroles, pensées qui s’éloignent du but, du sujet ; manoeuvres détournées, parfois perfides : Nous avions jugé à propos [...] de lui proposer d’abord et sans circuit cette lettre (Retz). M. de Maistre a comme un sens particulier, excellent pour pénétrer les ennemis cauteleux du christianisme, pour les démasquer dans leurs circuits et leurs ruses (Sainte-Beuve). Mais ces préambules, ces circuits de plus en plus larges ne l’amenaient pas où il voulait ; au contraire, ils l’éloignaient de son idée (Daudet). ∥ 7. Spécialem. Double mouvement qui relie le marché des services et le marché des produits. • SYN. : 3 croisière, périple, randonnée, tour, tournée. circulaire [sirkylɛr] adj. (bas lat. circularis, de circulus, cercle ; v. 1265, Br. Latini, écrit circulere [circulier, même date, J. de Meung], au sens I, 1 ; sens I, 2, v. 1361, Oresme [circulaire] ; sens I, 3, 1678, La Fontaine [pour un argument ; pour un voyage, 1885, Daudet] ; sens I, 4, 1654, La Rochefoucauld ; sens II, 1753, Encyclopédie). I. 1. Qui a la forme d’un cercle ou une forme qui s’en rapproche : Il avait [...] autour de la bouche deux grands plis circulaires, descendant des joues au menton (Maupassant). Scie circulaire. Édifice de plan circulaire. ∥ 2. Qui décrit un cercle : Mouvement circulaire. ∥ 3. Dont le parcours revient à son point de départ : Je m’en irai quand sera partie la jeune femme au pagne couleur jonquille que je croise à chaque tour de ma promenade circulaire (Loti). ∥ Billet circulaire, billet de chemin de fer à prix réduit, pour un parcours déterminé, et qui oblige le bénéficiaire à revenir à son point de départ. ∥ Voyage circulaire, voyage dont l’itinéraire ramène au point de départ : Ces deux implacables ennemis condamnés à vivre côte à côte, pendant un mois, rivés au même itinéraire d’un voyage circulaire Cook (Daudet). ∥ Raisonnement, argument circulaire, raisonnement, argument vicieux qui aboutit à conclure ce qu’on a pris pour hypothèse. (On dit aussi CERCLE VICIEUX.) ∥ 4. Se dit d’une lettre que l’on expédie sous la même forme à plusieurs personnes. II. Fonctions circulaires, fonctions trigonométriques (sinus, cosinus, tangente, cotangente, sécante, cosécante). • SYN. : I, 1 arrondi, courbe, rond ; 2 giratoire, rotatif, rotatoire. % n. f. (1787, Féraud). Écrit, avis tiré à un certain nombre d’exemplaires, et adressé à des destinataires différents pour leur communiquer les mêmes informations : Circulaire administrative. circulairement [sirkylɛrmɑ̃] adv. (de circulaire ; XIVe s., Godefroy). En cercle : Il se mit donc à parler avec plus de suite en marchant circulairement (Vigny). Le caveau [...] s’étendait circulairement dans les flancs du monticule, sous une voûte arrondie (Feuillet). circulant, e [sirkylɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de circuler ; 1745, Brunot). 1. Qui circule, se déplace : La lueur lentement circulante des files de lanternes (Daudet). ∥ 2. Qui est en circulation (en parlant des richesses, des valeurs, etc.) : La monnaie circulante. circulateur [sirkylatoer] n. m. (lat. circulator, celui qui forme cercle autour de lui, charlatan, de circulari, former un groupe ; XVIe s., Godefroy, au sens du lat. ; sens class. [influencé par circulation du sang], 1673, Molière). Class. Partisan de la théorie de la circulation du sang : J’ai contre les circulateurs soutenu une thèse (Molière). circulation [sirkylasjɔ̃] n. f. (lat. circulatio, orbite, circuit ; v. 1360, Oresme, au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet ; sens 3, 1829, Boiste ; sens 4, 1694, Acad. ; sens 5, XVIIe s., Brunot). 1. Mouvement d’un mobile qui revient à son point de départ. ∥ 2. Spécialem. Mouvement continu du sang qui va du coeur aux extrémités et revient des extrémités vers le coeur : W. Harvey découvrit en 1629 les lois de la circulation. Il est incroyable pour nous, et c’est presque une honte pour l’esprit humain, presque une objection contre l’intelligence observatrice de l’homme, que le fait qui nous paraît si manifeste, si facile à découvrir, de la circulation du sang, n’ait été démontré que du temps même de Descartes (Valéry). ∥ Grande circulation, mouvement qui conduit le sang du ventricule gauche du coeur à l’oreillette droite, par les artères, les capillaires et les veines. ∥ Petite circulation, ou circulation pulmonaire, mouvement qui conduit le sang du ventricule droit à l’oreillette gauche du coeur, par les artères pulmonaires, les poumons et les veines pulmonaires. ∥ Par extens. Circulation de la sève, mouvement de la sève à travers les vaisseaux ligneux des végétaux. ∥ 3. Mouvement des véhicules et des piétons se déplaçant sur les voies de communication ; ensemble des véhicules qui circulent : La circulation ne pouvant se faire qu’à cheval, dans les montagnes et les rochers (Nerval). C’était une circulation ininterrompue de gens descendant vers la ville ou remontant vers l’ancienne barrière (Daudet). [Je] le menais [un aveugle] d’une main douce et ferme sur le passage clouté, parmi les obstacles de la circulation, vers le havre tranquille downloadModeText.vue.download 16 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 730 du trottoir (Camus). Circulation routière, ferroviaire. ∥ 4. Mouvement des marchandises, des biens, des valeurs, de la monnaie qui passent de main en main : Comme de souscrire des effets de complaisance et de te lancer dans un système de circulations qui, selon moi, est un commencement de friponnerie (Balzac). ∥ Circulation monétaire, quantité de monnaie (métallique, fiduciaire, scripturale) en circulation au cours d’une période donnée. ∥ Mettre en circulation, répandre dans le public : Le nombre total des bibles mises en circulation depuis l’origine s’élève à 1 027 000 (Stendhal). ∥ 5. Par extens. Mouvement, diffusion des idées et des nouvelles : Les philosophes du XVIIIe siècle ont mis en circulation les principes révolutionnaires. • SYN. : 1 circuit, révolution ; 3 passage, roulage, trafic ; 4 échanges, roulement ; 5 propagation, transmission. circulatoire [sirkylatwar] adj. (de circuler [et non du lat. circulatorius, qui signifie seulement « charlatan »] ; v. 1560, Paré, au sens de « qui sert à faire la distillation par circulation » ; sens actuel, 1835, Acad.). Relatif à la circulation du sang : Troubles circulatoires. ∥ Appareil circulatoire, ensemble des organes et des vaisseaux assurant la circulation du sang et de la lymphe (coeur, artères, capillaires, veines). circuler [sirkyle] v. intr. (lat. circulari, former un groupe, de circulus, cercle ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2 [pour le sang], 1680, Richelet ; sens 3, 1829, Boiste ; sens 4, 1719, Brunot ; sens 5, 1798, Acad.). 1. Class. Décrire un mouvement circulaire : La Terre est une des planètes qui circulent autour du Soleil (Laplace). ∥ 2. Se mouvoir de façon à revenir à son point de départ (surtout en parlant des liquides et des gaz) : Le sang commençait à circuler dans mes veines (Vigny). ∥ 3. Se déplacer sur les voies de communication ; aller d’un lieu à un autre ou en divers sens : Toute la journée, des hommes à visage sinistre ont circulé dans le Louvre (Dumas père). Quelle amitié, quelle société facile sur ce trottoir ! Un vieillard, un enfant, un chien même y circulent à l’aise (Alain). La voie ayant été dégagée, les trains circulaient de nouveau. ∥ Circulez !, ordre par lequel la police invite les manifestants à se disperser ou les conducteurs de véhicules à avancer. ∥ 4. En parlant des marchandises, des biens, des valeurs, de la monnaie, passer de main en main. ∥ 5. En parlant des idées, des nouvelles, se répandre, se propager : Il circulait des histoires abominables (Zola). • SYN. : 3 passer, rouler ; 5 courir. — CONTR. : 3 stationner. circum- préf. V. CIRCOM-. circumduction [sirkɔmdyksjɔ̃] n. f. (lat. circumductio, action de conduire autour, de circumducere, entourer ; 1562, M. Scève). Mouvement de rotation autour d’un axe ou d’un point. circumlunaire [sirkɔmlynɛr] adj. (de circum- et de lunaire ; milieu du XXe s.). Qui existe, qui a lieu autour de la Lune : Espace, satellite circumlunaire. circumnavigation [sirkɔmnavigasjɔ̃] n. f. (de circum- et de navigation ; 1788, Pauw, écrit circonnavigation, au sens de « voyage autour d’une île » ; sens actuel, 1838, Acad.). Voyage par mer autour d’un continent ou du globe. • SYN. : périple. circumpolaire ou circompolaire [sirkɔmpɔlɛr] adj. (de circum- ou circomet de polaire ; 1700, Brunot, écrit circonpolaire ; circom-, 1752, Trévoux ; circum-, 1866, Larousse). 1. Qui avoisine les pôles : La Petite Ourse est une constellation circumpolaire. ∥ 2. Qui se fait autour du pôle : Navigation circumpolaire. circumterrestre [sirkɔmtɛrɛstr] adj. (de circum- et de terrestre ; milieu du XXe s.). Qui existe autour de la Terre : Espace circumterrestre. cire [sir] n. f. (lat. cera ; 1080, Chanson de Roland, au sens I, 5 ; sens I, 1 et 3, XIIe s. ; sens I, 2, 1723, Savary des Bruslons ; sens I, 4, 1741, Savary des Bruslons ; sens I, 6, fin du XVIe s. ; sens II, fin du XIIIe s). I. 1. Substance jaunâtre, molle, devenant dure et cassante au froid, sécrétée par les abeilles, qui en font les rayons de leurs ruches : Qui veut goûter du miel ? Les cellules de cire ont fondu (Gide). ∥ Cire vierge, cire naturelle qui n’a pas été fondue. ∥ Moulage à cire perdue, procédé qui consiste à mouler de l’argile autour d’un modèle en cire, que l’on élimine par fusion pour couler le métal fondu dans le moule ainsi obtenu. ∥ Cire perdue, statuette ou objet coulés suivant ce procédé. ∥ Fig. De cire, jaune ou très pâle, comme la cire (généralement en parlant du teint) : Sous le hâle de la figure perçait une pâleur de cire (Gautier). ∥ Class. Comme de cire, d’une façon parfaite, ou fort à propos : Approchant la pantoufle de mon pied, il vit qu’elle y était juste comme de cire (Perrault). ∥ 2. Figure, image, médaillon, statue de cire : L’immobilité des cires du musée Tussaud (M. Prévost). ∥ Spécialem. et vx. Bougie, cierge de cire : Je vis à la lueur vacillante des cires | Un visage de marbre avec de lourds bandeaux (Samain). ∥ Vx. La cire, le luminaire, l’éclairage d’une église : Les funérailles ont coûté tant pour la cire (Acad.). ∥ 3. Préparation à base de cire servant à entretenir et à faire briller les parquets, les meubles, les boiseries : La vieille femme ne quittait pas son plumeau, sa brosse, le morceau de cire (Daudet). ∥ 4. Substance analogue à la cire, sécrétée par certains végétaux : Palmier à cire. ∥ 5. Cire à cacheter, ou cire d’Espagne, composition de gomme laque et de résine servant à cacheter les lettres : Après avoir décacheté devant nous l’enveloppe scellée à la cire rouge... (Maupassant). ∥ 6. Sécrétion jaunâtre qui se forme dans les oreilles (cérumen), ou matière gluante qui se dépose au bord des paupières (chassie). II. Membrane qui recouvre la base du bec de certains oiseaux (rapaces, perroquets, pigeons). ciré, e [sire] adj. (part. passé de cirer ; toile cirée, début du XIIIe s.). 1. Enduit de cire ou de cirage : Le salon était ciré à ne pouvoir y tenir debout (Flaubert). ∥ 2. Toile cirée, toile couverte d’un enduit vernissé qui la rend imperméable : Une petite charrette de bois blanc, couverte de trois cercles et d’une toile cirée noire (Vigny). % ciré n. m. (1911, Larousse). Vêtement imperméable en toile huilée, que portent les marins par gros temps : Tous les hommes portaient le ciré des marins, capuchon rabattu sur leurs uniformes (Malraux). cirer [sire] v. tr. (de cire ; fin du XIIe s., Aliscans, aux sens 1-2 [cirer les bottes, 1866, Larousse]). 1. Enduire de cire ; frotter avec une composition à base de cire : Cirer du fil. Cirer des meubles. ∥ 2. Enduire de cirage, et frotter pour nettoyer, faire reluire : Cirer des chaussures. ∥ Fam. Cirer les bottes à quelqu’un, le flatter bassement. • SYN. : 1 encaustiquer, glacer, lustrer. cireur, euse [siroer, -øz] n. (de cirer ; 1866, Larousse). Personne qui cire : Elle répond au type de la cireuse de parquet, de l’épousseteuse de meubles (Romains). % cireur n. m. Celui qui fait métier de cirer les chaussures. % cireuse n. f. (XXe s.). Appareil ménager servant à l’entretien des parquets. cireux, euse [sirø, -øz] adj. (de cire ; milieu du XVIe s., Huguet). 1. Qui est de la nature de la cire : Substance cireuse. ∥ 2. Qui a l’aspect de la cire ; qui paraît enduit de cire : Il y avait de beaux choux, de beaux choux de bronze à la feuille cireuse et intacte (Duhamel). ∥ 3. Qui a la pâleur de la cire : La figure du vieillard, généralement cireuse, est empourprée (Martin du Gard). Il fut frappé par cette figure cireuse, presque grise, qui ne se souleva pas d’entre les oreillers (Mauriac). • SYN. : 2 glacé, lustré, vernissé ; 3 blafard, blême, livide, plombé, terreux. 1. cirier [sirje] n. m. (de cire ; fin du XIIe s., Aymeri de Narbonne, aux sens 1-2 ; sens 3, 1771, Trévoux). 1. Marchand ou fabricant de cierges et d’objets en cire. ∥ 2. Artiste, ouvrier qui travaille la cire. ∥ 3. Nom de plusieurs arbustes producteurs de cire, notamment du myrica. 2. cirier, ère [sirje, -ɛr] adj. (de cire ; 1907, Larousse). Qui peut produire de la cire. downloadModeText.vue.download 17 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 731 % cirière adj. et n. f. (1845, Bescherelle). Abeille cirière, ou cirière, n. f., abeille ouvrière qui sécrète la cire et construit les rayons. ciron [sirɔ̃] n. m. (francique *seuro ; XIIIe s., Dict. général [var. seuron, sueron, suiron, au Moyen Âgel). 1. Insecte aptère minuscule, qui vit sur les aliments, les détritus. ∥ 2. Fig. et vx. Symbole de l’extrême petitesse : Qu’un ciron lui offre [à l’homme] dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites [...], il pensera peut-être que c’est là l’extrême petitesse de la nature (Pascal). Nous étions des géants en comparaison de la société de cirons qui s’est engendrée (Chateaubriand). Que d’amour dans ton sein pour embrasser ces mondes, | Pour couver de si loin ces poussières fécondes, | Descendre aussi puissant des soleils au ciron (Lamartine). cirque [sirk] n. m. (lat. circus ; 1355, Bersuire, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1832, Raymond ; sens II, 1, 1822, Vigny ; sens II, 2, XXe s.). I. 1. Chez les Romains, vaste enceinte où l’on célébrait les jeux publics (courses de chars, combats de gladiateurs, etc.) : L’apostat repenti, jaloux de voler au ciel de conserve avec ses frères, obtenait la grâce de mourir dans le cirque (Balzac). Dans le cirque ébloui, vers le but et la palme | Il a tourné (Heredia). ∥ 2. Enceinte circulaire couverte, où se donnent des spectacles équestres, acrobatiques, de domptage et de pitreries : C’est ravissant comme ça vous soûle | D’aller ainsi dans ce cirque bête (Verlaine). ∥ L’entreprise qui organise ces spectacles : Le cirque X présente un nouveau spectacle ce soir. ∥ L’ensemble des artistes, des animaux, du matériel : Le cirque s’est installé sur la place. ∥ Fig. et fam. C’est un cirque, un vrai cirque, se dit d’un lieu où règne une agitation désordonnée et tumultueuse. II. 1. Dépression semi-circulaire, entourée de montagnes aux parois abruptes : Le cirque de Gavarnie. Une espèce de cirque naturel parfaitement ombragé (Mérimée). Un jour froid et blême sur un cirque grandiose de pics, de flèches, dominés par le mont Blanc encore à quinze cents mètres (Daudet). Extraordinaire cirque de roches abruptes (Gide). ∥ 2. Dépression circulaire de la surface de la Lune ou de Mars. • SYN. : I, 1 amphithéâtre, arène, carrière ; 2 chapiteau. cirre [sir] n. m. (lat. cirrus, proprem. « boucle de cheveux » ; 1545, Guéroult, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Vrille de certaines plantes. ∥ 2. Appendice de diverse nature que possèdent certains vers, mollusques, crustacés. • REM. Certains écrivent à tort CIRRHE. cirrhose [siroz] n. f. (du gr. kirrhos, jaunâtre ; mot créé en 1805 par Laennec). Maladie du foie, caractérisée parfois par des granulations d’un jaune roux : Cirrhose alcoolique, cirrhose paludéenne. cirripèdes [siripɛd] n. m. pl. (du lat. cirrus [v. CIRRE] et pes, pedis, pied ; 1817, Dict. d’histoire naturelle). Sous-classe de crustacés marins, fixés généralement toute leur vie ou presque, ayant normalement six paires de pattes recourbées en panache. cirro-cumulus [sirokymylys] n. m. (de cirro-, élément tiré de cirrus, et de cumulus ; 1866, Larousse). Nuage formé par des groupes de flocons blancs nettement séparés (ciel moutonné). cirro-stratus [sirostratys] n. m. (de cirro-, élément tiré de cirrus, et de stratus ; 1866, Larousse). Nuage de haute altitude, qui a la forme d’un voile blanchâtre et ténu, dessinant un halo autour de la lune ou du soleil. cirrus [sirys] n. m. (mot lat. signif. « boucle de cheveux », « frange », « filament » [v. CIRRE] ; milieu du XIXe s.). Nuage élevé, d’un blanc soyeux, en forme de longs filaments, de boucles, de clous ou de rides : Ils contemplaient [...] ceux qu’on prendrait pour des montagnes de neige, tâchant de distinguer les nimbus des cirrus (Flaubert). cis- [siz devant une voyelle ; sis devant une consonne], élément tiré de la préposition lat. cis, de ce côté-ci de, en deçà de, et entrant dans la formation de plusieurs termes savants, notamment en géographie. cisaillage [sizɑjaʒ] n. m. (de cisailler ; XXe s.). Découpage d’une feuille de métal suivant un tracé rectiligne ou quelconque. 1. cisaille [sizɑj] n. f. (déverbal de cisailler ; 1324, Du Cange). Rognure de métal cisaillé. ∥ Spécialem. Dans la fabrication des monnaies, lame perforée provenant du découpage des flans. 2. cisaille [sizɑj] n. f. (lat. pop. *cisaculum, réfection de *caesaculum, formé sur le part. passé caesus, de caedere, tailler, avec le suff. -aculum, fréquent dans les noms d’outils ; 1866, Larousse). Machine servant au découpage des tôles, des feuilles de carton. % cisailles n. f. pl. (XIIIe s., Rutebeuf). Gros ciseaux servant à couper les matières dures (métaux, carton, etc.), à élaguer les arbres et les arbustes : Cisailles de zingueur, de jardinier. Il détachait un large éventail à l’aide d’une paire de cisailles cintrées (Zola). cisaillement [sizɑjmɑ̃] n. m. (de cisailler ; 1636, Monet, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Action de cisailler : Le cisaillement des monnaies défectueuses. ∥ 2. Usure d’un boulon ou d’un rivet due au frottement et au déplacement des pièces qu’il maintient. cisailler [sizɑje] v. tr. (de cisaille[s] ; 1450, Godefroy, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s. ; sens 4, 1866, Larousse). 1. Couper, rogner au moyen de la cisaille ou des cisailles : Cisailler une tôle. Cisailler des barbelés. ∥ 2. Couper largement avec un instrument tranchant : Pouvait-il renoncer à cisailler la chair vive pour débrider toute la plaie ? (Duhamel). ∥ 3. User, détruire par cisaillement. ∥ 4. Vx. Repasser le linge, le tuyauter avec des fers en forme de cisailles. • SYN. : 2 tailler, trancher. cisailleur, euse [sizɑjoer, -øz] n. (de cisailler ; 1866, Larousse). Personne qui cisaille, qui coupe, qui rogne (au pr. et au fig.) : Les ennemis du cinéma, les cisailleurs de ses ailes (Fargue). % cisailleuse n. f. (1929, Larousse). Grande cisaille pour couper les barres et les plaques de métal. cisalpin, e [sizalpɛ̃, -in] adj. (lat. cisalpinus, de cis, en deçà de, et Alpes, les Alpes ; 1596, Hulsius). Situé en deçà des Alpes par rapport à Rome : Gaule cisalpine. La longue domination des empereurs sur les pays cisalpins a rempli l’Allemagne d’artistes de ces pays (Chateaubriand). • CONTR. : transalpin. ciseau [sizo] n. m. (lat. pop. *cisellus, altér. de *caesellus, dér. de caesus, part. passé de caedere, couper ; XIIe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, 1740, Acad. [« manière de sculpter »] ; sens II, XXe s.). I. 1. Lame d’acier à bout tranchant, servant à travailler les corps durs (bois, fer, pierre) : Ciseau de menuisier, de marbrier. Nous [les colonnes] fûmes de nos lits | Par le ciseau tirées | Pour devenir ces lys ! (Valéry). ∥ Ciseau à froid, ciseau servant à sectionner des corps durs. ∥ 2. Fig. et littér. La sculpture : La gaze de Céos et les autres voiles, que les satiriques appelaient des nuages, n’étaient jamais imités par le ciseau (Chateaubriand). ∥ La manière, l’art du sculpteur : On reconnaît là le ciseau de Michel-Ange. II. Au catch, prise consistant à saisir et à maintenir l’adversaire en croisant les jambes autour de lui. % ciseaux n. m. pl. (sens 1, XIIe s. ; sens 2, XXe s.). 1. Instrument servant à couper, formé de deux lames d’acier tranchantes, croisées en X et mobiles autour d’un pivot : Ciseaux de couturière. Ciseaux de chirurgien. Les grands ciseaux du jardinier alignaient sans relâche ces cloisons de branches (Maupassant). De gros ciseaux en main, elle, si vive, réfléchissait longuement avant de tailler à même l’étoffe (Duhamel). ∥ Les ciseaux de la Parque, dans la mythologie, les ciseaux avec lesquels l’une des trois Parques coupait le fil de la vie humaine. ∥ Les ciseaux de la censure, l’action du censeur retranchant un passage. ∥ Fam. Coups de ciseaux, coupures effectuées dans un texte. ∥ Faire un ouvrage, un article à coups de ciseaux, en empruntant des citations, des passages à downloadModeText.vue.download 18 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 732 d’autres écrits. ∥ 2. Dans les exercices physiques (saut, danse, natation, gymnastique), mouvement des jambes que l’on écarte et rapproche comme les branches de ciseaux : Il s’étendit sur le dos, leva les jambes en l’air et fit les ciseaux (Sartre). ciselage [sizlaʒ] ou cisèlement [sizɛlmɑ̃] n. m. (de ciseler ; ciselage, 1611, Cotgrave ; cisellement, 1636, Monet). 1. Action de ciseler ; résultat de cette action. ∥ 2. En viticulture, action de couper les grains défectueux pour favoriser la croissance des autres. ∥ 3. Fig. Travail fin et minutieux (surtout en art et en littérature) : Le ciselage des vers parnassiens. ciseler [sizle] v. tr. (de cisel, forme anc. de ciseau ; début du XIIIe s., Yder, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1866, Larousse ; sens 5, 1877, Littré). [Conj. 3 b.] 1. Travailler finement le métal, une matière précieuse, à l’aide du ciselet : Ciseler un bijou. Ciseler de la vaisselle d’argent (Acad., 1878). Une porte qui [...] est toute dorée, ciselée, guillochée, autant qu’un joyau (Loti). ∥ Travailler la pierre au ciseau avec finesse : Ciseler une statue. Ce pauvre Chambord [...], que Germain Pilon et Jean Cousin avaient ciselé et sculpté (Flaubert). ∥ 2. En parlant de l’écrivain, travailler avec un art minutieux : Mallarmé qui, en quelques mots ciselés comme des joyaux, m’en accuse réception [d’un livre] (Maeterlinck). ∥ 3. Découper dans une étoffe, au moyen de ciseaux, des fleurs, des ramages, etc. ∥ 4. En cuisine, faire des incisions sur certaines pièces avant de les faire cuire : Ciseler un poisson. ∥ 5. En viticulture, pratiquer le cisèlement. • SYN. : 2 fignoler (fam.), limer, polir. ciselet [sizlɛ] n. m. (dimin. de cisel, forme anc. de ciseau ; 1491, Godefroy). Petit ciseau employé par les bronziers, les orfèvres, les graveurs. ciseleur [sizloer] n. m. (de ciseler ; XVIe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Artisan, artiste travaillant le métal au ciselet, au burin ou au poinçon : Cinq mois après avoir achevé son apprentissage de ciseleur, il fit la connaissance du fameux Stidmann (Balzac). [Emma] se limait les ongles avec un soin de ciseleur (Flaubert). Maintenant, l’argenterie l’intéressait, et cela l’avait amenée, depuis que nous étions revenus de Balbec, à lire des ouvrages sur l’art de l’argenterie, sur les poinçons des vieux ciseleurs (Proust). ∥ 2. Fig. Écrivain qui travaille son style avec un art minutieux : Il connaît et manie la langue comme n’importe quel ciseleur littéraire (Sand). • SYN. : 1 et 2 orfèvre. cisellement ou cisèlement n. m. V. CISELAGE. cisellerie [sizɛlri] n. f. (de cisel, forme anc. de ciseau ; 1877, Littré). Art de fabriquer les ciseaux. ∥ Produits de cette fabrication. ciselure [sizlyr] n. f. (de ciseler ; 1307, Dehaisnes, au sens 1 ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens 3, 1866, Larousse). 1. Art, travail du ciseleur. ∥ Par extens. Art de sculpter délicatement : L’église [...] est un gracieux monument du XVe siècle dont le porche et les fenêtres sont des bijoux de ciselure (Feuillet). ∥ 2. Ouvrage ciselé : On admirait les riches ciselures du gothique flamboyant. ∥ Ornement ciselé : Tout le cristal du service était mince et léger, sans une ciselure (Zola). ∥ 3. Fig. Art minutieux de l’écrivain : Horace porte dans ses descriptions cette ciselure de diction qui ne l’abandonne jamais (Sainte-Beuve). On oublie qu’une moitié de la littérature grecque, cette merveille [...], n’est que ciselure et imagination (Renan). cisjuran, e [sisjyrɑ̃, -an] adj. (de cis- et de Jura ; 1752, Trévoux). En deçà du Jura, par rapport à Paris : La Bourgogne cisjurane. • CONTR. : transjuran. cisoir [sizwar] n. m. (bas lat. cisorium, instrument tranchant ; milieu du XIVe s.). Ciseau d’orfèvre. cisoires [sizwar] n. f. pl. (bas lat. cisoria, instrument tranchant ; XIIIe s.). Grosses cisailles de tôlier-chaudronnier, montées sur pied. cispadan, e [sispadɑ̃, -an] adj. (de cis- et du lat. Padus, le Pô ; 1866, Larousse). En deçà du Pô, par rapport à Rome : La Gaule cispadane. • CONTR. : transpadan. cisrhénan, e [sisrenɑ̃, -an] adj. (de cis- et du lat. Rhenus, le Rhin ; fin du XVIIIe s.). En deçà du Rhin, par rapport à Paris : En retournant dans le Palatinat cisrhénan, je songeais que ce pays formait naguère un département de la France (Chateaubriand). • CONTR. : transrhénan. 1. ciste [sist] n. m. (gr. kistos ou kisthos ; 1555, Aneau, écrit cisthe). Arbrisseau méditerranéen à fleurs blanches ou roses, dont une espèce fournit une résine aromatique, le labdanum, employée en parfumerie : Un peu plus bas, les cistes ponceau pavoisaient la garrigue (Gide). 2. ciste [sist] n. f. (lat. cista, du gr. kistê, corbeille ; 1771, Trévoux). Dans l’Antiquité, corbeille portée dans les mystères de Déméter, de Dionysos, de Cybèle, et qui contenait des objets connus des seuls initiés : La ciste mystique. cistercien, enne [sistɛrsjɛ̃, -ɛn] adj. et n. (de Cistercium, n. lat. de Cîteaux ; début du XVe s.). Qui appartient à l’ordre de Cîteaux : J’avais une vocation très particulière pour cette branche cistercienne du grand ordre de Saint-Benoît (Huysmans). Un monastère de cisterciens. cistre [sistr] n. m. (lat. cithara, avec influence de sistrum, crécelle [v. SISTRE] ; 1527, C. Marot). Instrument du genre du luth, à cordes pincées, à long manche et à fond plat, employé aux XVIe et XVIIe s. : Par les symboles cachés, par les cistres résonnants (Flaubert). cistude [sistyd] n. f. (lat. zool. cistudo, contamination des mots lat. cista, corbeille, et testudo, tortue ; 1775, Valmont de Bomare). Tortue d’eau douce européenne. citable [sitabl] adj. (de citer ; v. 1298, le Livre de Marco Polo). Qu’on peut citer ; qui mérite d’être cité. (Peu usité.) citadelle [sitadɛl] n. f. (ital. cittadella, petite cité, dimin. de l’anc. ital. cittade, ville, auj. città ; fin du XVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1668, La Fontaine ; sens 3, 1863, Littré). 1. Ouvrage fortifié qui protège et commande une ville : À dix minutes de la ville s’élève cette fameuse citadelle (Stendhal). ∥ 2. Lieu qui dispose de puissants moyens de défense : L’immeuble de la poste était devenu la citadelle des insurgés. ∥ 3. Fig. Centre où l’on défend, maintient une doctrine, des idées : Je connais maintes villes d’Europe qui sont de radieuses citadelles de l’esprit (Duhamel). La franç-maçonnerie est la citadelle où sont enrôlés tous les démolisseurs de divinités (Maupassant). • SYN. : 1 acropole, alcazar, forteresse, fortification, oppidum, redoute ; 3 bastion, forteresse. citadin, e [sitadɛ̃, -in] n. (ital. cittadino, de cittade, anc. forme de città, cité ; fin du XIIIe s., Aimé du Mont-Cassin). Habitant d’une ville, par opposition aux habitants de la campagne : Les citadins regardaient en passant le thermomètre à la porte des opticiens (France). % adj. Qui appartient à la ville : Verhaeren est de ceux qui nous ont révélé la grandeur lugubre des paysages citadins, des cités usinières (Duhamel). • SYN. : urbain. — CONTR. : campagnard, champêtre, paysan, rural, villageois. % citadine n. f. (1832, Raymond). Autrefois, voiture de louage : Une citadine à deux chevaux, de celles qui s’appellent « Compagnie générale », du nom de l’entreprise (Balzac). citateur, trice [sitatoer, -tris] n. (de citer ; 1696, Bayle). Personne qui a l’habitude de faire des citations : Vaugelas ne se trouve nullement désarmé en face de ces intrépides et perpétuels citateurs des Anciens (SainteBeuve). Citateur automate qui a appris pour le plaisir de citer, mais ne comprend pas ce qu’il récite (Baudelaire). On serait en droit, il me semble, d’intenter un procès aux faux citateurs (Gide). citation [sitasjɔ̃] n. f. (de citer ; v. 1355, Bersuire, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1567, Junius ; sens II, 1-2, 1671, Pomey ; sens II, 3, v. 1790, Brunot). downloadModeText.vue.download 19 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 733 I. 1. Sommation de comparaître en justice, en qualité de défendeur ou de témoin : Citation devant un tribunal civil. ∥ 2. Acte, écrit assignant quelqu’un en justice : Il a reçu une citation du juge. II. 1. Action de citer, de rapporter les paroles d’une personne, un passage d’auteur : La citation ne peut remplacer l’analyse. ∥ 2. Paroles, passage rapportés : Elle continuait à prêcher [...] et terminait par une citation de l’Écriture (Daudet). ∥ 3. Récompense consistant à citer un militaire à l’ordre d’une unité : Citation à l’ordre de la division, de l’armée, de la nation. • SYN. : I, 1 ajournement ; 2 assignation. cité [site] n. f. (lat. civitatem, accus. de civitas, proprem. « ensemble des citoyens », d’où « ville » ; v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit ciptet, au sens II, 1 ; sens I, v. 1450, Chastellain ; sens II, 2, 1680, Richelet ; sens II, 3, 1829, Boiste). I. 1. Dans l’Antiquité et au Moyen Âge, communauté politique dont les membres se gouvernaient eux-mêmes : La ligue de Délos, au Ve s. av. J.-C., groupa les cités grecques sous la direction d’Athènes. De Suisse, de Hollande, des cités hanséatiques, il montrait la révolution gagnant de proche en proche (Bainville). ∥ Droit de cité, droit d’être admis au nombre des citoyens, avec les prérogatives qui y étaient attachées ; au fig., droit d’être admis à figurer dans un domaine : Tout relève de l’art, tout a droit de cité en poésie (Hugo). ∥ 2. Le territoire, la capitale de cette communauté : l’Acropole était à Athènes le coeur de la cité. ∥ 3. auj. Communauté politique, État : Les lois de la cité. Chacun doit se dévouer pour la cité. ∥ 4. Fig. Société idéale : Le réformateur traça un tableau de la cité de demain. ∥ La cité sainte, la cité de Dieu, l’Église ou le paradis. ∥ La cité céleste, le séjour de Dieu et des bienheureux. ∥ La cité future, le séjour des élus après leur mort. II. 1. Ville : Et sur cette cité monstre aux écailles de toits | Le silence descend, doux comme une paupière (Samain). Ils auront la ville comme ils ont déjà Jargeau et Beaugency, et tant de bonnes cités du royaume (France). ∥ Cité sainte, ville particulièrement vénérée par les fidèles d’une religion : La Mecque est la cité sainte de l’islam. ∥ 2. Partie la plus ancienne de certaines villes (avec une majuscule en ce sens) : La Cité est le berceau de Paris. ∥ 3. Groupe d’immeubles formant un ensemble clos à l’intérieur d’une ville, ou ayant une même destination : La cité Bergère, à Paris. ∥ Cité universitaire, résidence pour étudiants. ∥ Cité ouvrière, ensemble de logements économiques destinés aux familles ouvrières : Mme Ebsen et sa fille s’engageaient à la nuit dans une cour de cité ouvrière (Daudet). • SYN. : I, 3 nation, patrie, pays, république. ∥ II, 1 agglomération. cité-dortoir [sitedɔrtwar] n. f. (de cité et de dortoir ; milieu du XXe s.). Agglomération suburbaine dont la fonction principale est de loger des personnes qui ont leurs occupations dans un centre voisin. • Pl. des CITÉS-DORTOIRS. cité-jardin [siteʒardɛ̃] n. f. (de cité et de jardin ; 1929, Larousse). Ville aménagée au milieu de jardins et d’espaces plantés, permettant d’assurer une plus grande salubrité de l’air, et où le terrain appartient en totalité à la communauté. • Pl. des CITÉS-JARDINS. citer [site] v. tr. (lat. citare, convoquer ; milieu du XIIIe s., au sens de « exhorter à, sommer de » ; sens I, v. 1355, Bersuire ; sens II, 1, 2 et 4, fin du XVIe s. ; sens II, 3, 1704, Trévoux ; sens II, 5, v. 1790, Brunot). I.1.Sommer quelqu’un de comparaître devant un tribunal, un juge : Elle allait courir chez le juge de paix où elle citait une cliente (Zola). ∥ 2. Par extens. Faire venir, appeler : Vous avez adopté la coutume assez remarquable de citer un non-chirurgien à la tribune d’un congrès de chirurgie (Valéry). Quand le taureau, sa fougue brouillonne apaisée, parut fixé, Alban alla à lui, le cita avec la cape (Montherlant). II. 1. Produire, invoquer un texte, un auteur, une autorité à l’appui de son opinion : Citer la loi. « Et je vous dis en vérité [...] », dit-elle, citant les paroles du Christ (Gide). ∥ Fam. Citer son auteur, ses sources, ses références, nommer la personne ou la source dont on tient, d’où émane un renseignement. ∥ 2. Rapporter un passage : M. Lerond cita de mémoire les phrases essentielles de cette lettre touchante (France). ∥ 3. Signaler à l’attention une personne, une chose remarquable : Si le sort l’avait voulu, il serait cité dans les journaux (Flaubert). Une de ces colères célèbres dans la ville et dont on cite les traits bizarres (Daudet). ∥ 4. Dire, énumérer : Il citait des noms communs, célèbres même (Hugo). Elle cita des exemples étonnants (Maupassant). ∥ 5. Signaler à l’ordre du jour une unité, un militaire qui se sont distingués au combat. • SYN. : I, 1 ajourner, assigner ; 2 convoquer, mander. ∥ II, 1 indiquer, mentionner, rapporter ; 2 rappeler ; 3 désigner, évoquer, invoquer, nommer. citérieur, e [siterjoer] adj. (lat. citerior ; av. 1505, Le Baud). Se disait, en géographie ancienne, d’une région située en deçà d’une autre, par rapport à celui qui parle : La Gaule citérieure. • CONTR. : ultérieur. citerne [sitɛrn] n. f. (lat. cisterna, de cista, coffre ; XIIe s., écrit cisterne, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s.). 1. Réservoir où l’on recueille et conserve les eaux de pluie : De la caverne d’Adullam, tu soupirais, David, après l’eau des citernes (Gide) ; et fig. et poét. : Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis (Baudelaire). ∥ 2. Réservoir pour produit pétrolier : Citerne à mazout, à essence. ∥ Spécialem. Chacun des compartiments qui, sur un pétrolier, reçoivent la cargaison. ∥ 3. Entre dans la formation de mots composés désignant des véhicules pour le transport des liquides : Camion-citerne, wagon-citerne. (V. ces termes à leur ordre alphab.) citerneau [sitɛrno] n. m. (de citerne ; 1600, O. de Serres). Petit réservoir qui précède une citerne, et où les eaux s’épurent, se filtrent : Dans un petit citerneau du potager, je trempai mon mouchoir, l’appliquai sur mon front, lavai, frottai mes joues (Gide). cithare [sitar] n. f. (lat. cithara, du gr. kithara ; v. 1361, Oresme [au XIIIe s., on trouve une forme kitaire, empr. de l’esp. quitarra, de l’ar. qitāra]). 1. Dans la Grèce antique, forme perfectionnée de la lyre : Il avait un masque doré, des sandales, une cithare, une couronne de feuillage (Duhamel). ∥ 2. Par extens. Tout instrument à cordes dépourvu de manche. ∥ Spécialem. Instrument d’Europe centrale dont les cordes sont montées sur une caisse trapézoïdale. citharède [sitarɛd] n. (lat. citharoedus, du gr. kitharôdos ; milieu du XVIe s.). Dans la Grèce antique, personne qui chantait en s’accompagnant de la cithare : Que l’harmonie soit entre nous, comme entre les divins citharèdes que tu inspirais (Donnay). cithariste [sitarist] n. (lat. citharista, du gr. kitharistês ; début du XIIIe s., écrit chistariste).) Joueur, joueuse de cithare : Enfin, Homère avait placé un cithariste (Arnoux). citole [sitɔl] n. f. (lat. cithara, cithare [l’évolution vocalique reste mal expliquée] ; v. 1164, Chr. de Troyes). Instrument de musique à cordes grattées, à corps allongé et à manche très court, en usage au Moyen Âge. citoyen, enne [sitwajɛ̃, -ɛn] n. (de cité ; fin du XIIe s., Roman d’Alexandre, écrit citoian, au sens 6 ; sens 1, 1651, Corneille ; sens 2, 1771, Trévoux ; sens 3, 1751, Voltaire ; sens 4, 1791, Brunot ; sens 5, XVIe s. ; sens 7, 1866, Larousse). 1. Dans l’Antiquité, celui qui jouissait du droit de cité (par opposition aux simples habitants : esclaves, sujets, étrangers) et participait au gouvernement de la cité : Saint Augustin, dans Hippone assiégée par les Vandales, mourut évêque et citoyen romain (France). ∥ 2. Auj. Membre d’un État, considéré du point de vue de ses droits politiques (par opposition à certains condamnés, aux interdits, aux étrangers) et de ses devoirs envers son pays : Aux armes, citoyens, fordownloadModeText.vue.download 20 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 734 mez vos bataillons (Rouget de Lisle). Il parlait d’aller à New York, de se faire citoyen et soldat républicain en Amérique (Stendhal). ∥ Citoyen du monde, celui qui ne se veut pas seulement citoyen de tel ou tel État, mais considère l’humanité tout entière comme une seule et même patrie : On avait voulu que nous fussions citoyens du monde, on nous avait parlé de fraternité humaine (Barrès). ∥ 3. Spécialem. Celui qui pratique les vertus nécessaires à la sauvegarde des libertés démocratiques : C’est un vrai, un grand citoyen. On vit les meilleurs citoyens préparer la restauration de la monarchie (France). ∥ 4. Sous la Révolution, titre substitué à « Monsieur », « Madame », jugés trop aristocratiques : Le citoyen Blaise [...] tendit sa main aux citoyennes (France). ∥ Le Roi-Citoyen, Louis-Philippe, roi des Français, ainsi surnommé en raison de ses manières démocratiques. ∥ 5. Class. Citoyen du même État, de la même ville, concitoyen : Vengeons nos citoyens et que sa peine étonne | Quiconque après sa mort aspire à la couronne (Corneille). ∥ 6. Class. Habitant d’une ville, citadin : « Comment trouvez-vous cette ville ? — Nombreuse en citoyens » (Molière). ∥ Fam. S’employait plaisamment : Les citoyens de l’enfer ; souvent en parlant d’animaux : Les citoyennes des étangs [les grenouilles] (La Fontaine). ∥ 7. Fam. Individu plus ou moins suspect ou bizarre : Bigre, bigre ! il est temps. Notre citoyen va passer dans dix minutes. Dépêchons-nous (Romains). • SYN. : 2 ressortissant ; 3 démocrate, républicain ; 7 bonhomme, individu (fam.), quidam, oiseau (pop.), type (pop.), zèbre (pop.). % adj. (XIIIe s.). Relatif aux citoyens ; composé de citoyens (vieilli) : Les bals citoyens des Tuileries (Goncourt). Il me semble que les cadres d’officiers, dans l’armée citoyenne, devraient être formés, pour un tiers ou pour un quart, de spécialistes (Jaurès). citoyenneté [sitwajɛnte] n. f. (de citoyen ; 1783, le Courrier de l’Europe). Qualité de citoyen : La citoyenneté française. • REM. Aujourd’hui, on dit plutôt NATIONALITÉ. citrate [sitrat] n. m. (du lat. citrus, citron ; 1782, Guyton de Morveau). Sel de l’acide citrique. citre [sitr] n. m. (lat. citrus, citron ; XIVe s., Antidotaire Nicolas, au sens de « citron » ; sens actuel, fin du XIXe s., Daudet). Dialect. Sorte de pastèque à chair blanche et à graines rouges, utilisée pour faire des confitures : Pauvres Pères blancs ! Je les vois encore, à la procession de la Fête-Dieu, défilant tristement dans leurs capes rapiécées, pâles, maigres, nourris de citres et de pastèques (Daudet). citrin, e [sitrɛ̃, -in] adj. (lat. scientif. citrinus, de citrus, citron ; XIIe s., Marbode). Vx. Qui a la couleur du citron. citrique [sitrik] adj. (du lat. citrus, citron ; 1782, Guyton de Morveau). Se dit d’un acide qui existe dans le citron, les groseilles et divers fruits. citron [sitrɔ̃] n. m. (dér. savant du lat. citrus, citron ; 1398, le Ménagier de Paris, écrit chitron [citron, XVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1907, Larousse). 1. Fruit du citronnier, de couleur jaune clair et de forme ovoïde, renfermant un jus de saveur acide : Nous mordîmes des citrons mûrs, dont la saveur première est d’une acidité intolérable (Gide). ∥ Citron pressé, boisson composée de jus de citron, d’eau et de sucre. ∥ Fig. Presser quelqu’un comme un citron, tirer de lui tout ce qu’il peut donner, argent ou autre chose : Le citron bien pressé, ses filles ont laissé le zeste au coin des rues (Balzac). ∥ 2. Pop. Tête : Il va en faire un citron (T. Bernard). ∥ Fig. et fam. Se presser le citron, se torturer l’esprit pour comprendre ou pour inventer. • SYN. : 1 cédrat, limon (vx). % adj. invar. (1680, Richelet). De la couleur du citron : Un corsage citron. Des robes citron. citronnade [sitrɔnad] n. f. (de citron ; 1845, Bescherelle, au sens de « mélisse » ; sens actuel, 1858, Peschier). Boisson rafraîchissante, préparée avec de l’eau et du sirop de citron, ou avec de l’eau, du sucre et du jus de citron. citronné, e [sitrɔne] adj. (de citron ; 1680, Richelet). 1. Où l’on a mis du jus de citron : Tisane citronnée. ∥ 2. Qui sent le citron : L’odeur citronnée du lin roui (Hamp). % citronnée n. f. Vx. Boisson citronnée. citronnelle [sitrɔnɛl] n. f. (de citron ; 1601, Champlain, au sens 1 ; sens 2, 1740, Acad.). 1. Nom de diverses plantes dont les feuilles, quand on les froisse, laissent une odeur de citron. ∥ 2. Liqueur composée d’eau-de-vie dans laquelle on a fait macérer des zestes de citron, appelée aussi eau des Barbades. citronner [sitrɔne] v. tr. (de citron ; 1803, Boiste). Additionner de jus de citron : Citronner un poisson. citronnier [sitrɔnje] n. m. (de citron ; 1373, Traduction de P. Crescens). 1. Arbrisseau des pays chauds qui produit le citron : Je remarquai des peupliers de Lombardie, mêlés à des cyprès, à des citronniers (Chateaubriand). Les citronniers, plus grêles, plus élancés, avaient tout à la fois moins de faste et plus d’élégance (Gide). ∥ 2. Bois de cet arbre, utilisé en ébénisterie : Une armoire en citronnier. • SYN. : 1 cédratier, limonier. citrouille [sitruj] n. f. (issu, par changement de suff., de l’anc. franç. citrole [1256, Ald. de Sienne], ital. citruolo, du lat. citrium, concombre, dér. de citrus, citron ; 1549, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, 1669, Widerhold). 1. Nom donné à certaines espèces de courges, en particulier au potiron et à son fruit : Les jardiniers et les notaires font des greffes si extraordinaires que les pommes deviennent des citrouilles (Musset). ∥ 2. Pop. Objet d’une grosseur ridicule, ou personne lourde et niaise : On finit, à l’exemple du baron, par se croire peu changé, jeune, alors que les autres voient [...] des accents circonflexes à notre front, et de grosses citrouilles dans notre abdomen (Balzac). ∥ Spécialem. Grosse tête. cive [siv] n. f. (lat. cepa, oignon ; XIIe s., au sens de « oignon » ; sens actuel, 1268, É. Boileau). Syn. de CIBOULE. civelle [sivɛl] n. f. (bas lat. caecula, sorte de serpent sans yeux, de caecus, aveugle ; 1771, Trévoux). Jeune anguille, qui remonte de la mer dans les cours d’eau, souvent en troupes nombreuses. civet [sivɛ] n. m. (de cive ; d’abord écrit civé, proprem. « préparé avec des cives » [XIIIe s., Recueil des fabliaux, II], puis civet, par changement de suff. [1636, Monet]). Ragoût de lièvre, de lapin ou d’un autre gibier mariné, préparé avec du vin et des oignons. 1. civette [sivɛt] n. f. (dimin. de cive ; 1549, R. Estienne). Syn. de CIBOULETTE. 2. civette [sivɛt] n. f. (ital. zibetto, de l’ar. zabād, sorte de musc produit par la civette ; 1467, Laborde). 1. Mammifère carnivore de l’Afrique et de l’Inde, au corps allongé, au pelage gris marqué de bandes et de taches noires. ∥ 2. Liquide onctueux, à odeur pénétrante de musc, sécrété par la poche glandulaire de cet animal et utilisé en parfumerie. ∥ 3. Le parfum qui en est extrait. civière [sivjɛr] n. f. (lat. pop. *cibaria, engin pour le transport des provisions, de cibus, nourriture ; XIIIe s., Dict. général, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Dialect. Cadre de bois servant à transporter des fardeaux, du fumier. ∥ 2. Appareil à brancards, formé d’un cadre recouvert de tissu ou de caoutchouc et servant à transporter un blessé, un malade. • SYN. : 1 bard ; 2 brancard. civil, e [sivil] adj. (lat. civilis, de civis, citoyen ; 1290, Godefroy, au sens I, 5 ; sens I, 1, v. 1355, Bersuire [état civil, 1835, Acad.] ; sens I, 2, 1718, Acad. ; sens I, 3, v. 1790, Brunot ; sens I, 4, 1671, Pomey [mort civile, 1690, Furetière] ; sens I, 6, 1866, Larousse ; sens II, 1549, R. Estienne). I. 1. Qui concerne les citoyens, la collectivité des citoyens : Vie civile, Troubles civils. Mauprat et ses enfants rompirent avec les lois civiles (Sand). ∥ Guerre civile, lutte armée entre citoyens d’un même pays, généralement pour la prise ou la conservation du pouvoir politique : Dans les querelles armées, il y a des philan- thropes qui distinguent les espèces et sont prêts à se trouver mal au seul nom de downloadModeText.vue.download 21 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 735 guerre civile : « Des compatriotes qui se tuent ! des frères, des pères, des fils en face les uns des autres ! » (Chateaubriand). Le Bourbon relevait le plan du Valois, abandonné pendant la période de guerre civile (Bainville). ∥ État civil, condition des personnes en ce qui touche les relations de famille, la naissance, la filiation, le mariage, le décès, etc. ∥ Actes, registres de l’état civil, actes, registres officiels où sont consignés les faits relatifs à l’état civil des personnes. ∥ Liste civile, somme allouée annuellement à un chef d’État, considéré comme simple citoyen, pour subvenir à ses dépenses privées. ∥ 2. Spécialem. Se dit par opposition à militaire : Il faut que les vertus civiles aient leur part de récompenses comme les vertus militaires (Napoléon Ier). Général, on vous sait le courage militaire, mais vous manquez de courage civil (Barrès). ∥ 3. Se dit par opposition à ecclésiastique ou à religieux : Les rois de France défendirent contre les papes les droits du pouvoir civil. ∥ Mariage civil, mariage contracté devant un magistrat civil. ∥ Enterrement civil, enterrement effectué sans cérémonie religieuse. ∥ 4. Se dit, par opposition à politique, pour désigner les droits garantis par la loi à tous les citoyens considérés comme personnes privées : L’exercice des droits civils est indépendant de l’exercice des droits politiques (Code civil). ∥ Mort civile, perte de tous les droits civils, qui accompagnait, jusqu’en 1854, la peine de mort et les peines perpétuelles. ∥ 5. En droit, se dit, par opposition à criminel et à correctionnel, pour désigner ce qui concerne les particuliers et leurs conflits : Tribunal civil. Code civil. Droit civil. ∥ Partie civile, dans un procès criminel ou correctionnel, la victime ou ses ayants droit, qui exercent une action civile en vue de la réparation du préjudice subi du fait du délit commis par l’accusé : Nous nous porterons partie civile. ∥ 6. Jour civil (par opposition à astronomique), jour compté de minuit à minuit. ∥ Année civile, année de 365 ou 366 jours, utilisée pour les actes de la vie civile. II. 1. Vx. Qui observe les convenances et les règles en usage dans la bonne société, ou qui est conforme à ces usages : On vous parlerait pourtant d’une façon plus civile si l’on était plus content (Hugo). ∥ 2. Vx. Civilisé : Ces peuples [...] ont été transportés du fond des forêts et de l’état sauvage au milieu des cités et de l’état civil (Chateaubriand). • SYN. : I, 3 laïc. ∥ II, 1 affable, correct, courtois, honnête, poli. % civil n. m. (sens 1-2, v. 1790, Brunot ; sens 3, 1829, Boiste). 1. Homme qui n’est pas militaire, ou qui n’est pas prêtre. ∥ Se mettre en civil, en parlant d’un militaire, mettre un vêtement autre que l’uniforme. ∥ 2. État, condition du civil : Je me suis réintégré dans le civil, j’ai pris mon congé définitif (Dumas père). Dans le civil, j’étais indiscutablement plus perspicace dans mon diagnostic, plus entreprenant en thérapeutique, quand je faisais ma consultation d’hôpital, sous l’oeil de mes collaborateurs, que quand j’étais seul chez moi, dans mon cabinet, en face d’un client (Martin du Gard). ∥ 3. Dans la langue du droit, juridiction civile (par opposition à la voie criminelle) : L’affaire se jugera donc au civil (Daudet). civilement [sivilmɑ̃] adv. (de civil ; v. 1370, Oresme). I. 1. En tant que citoyen. ∥ Être mort civilement, avoir perdu ses droits civils. ∥ 2. En tant que civil (opposé à religieux) : L’évêché et quelques hôtels de chanoines étaient les seules maisons civilement habitables (Renan). ∥ Sans cérémonie religieuse : Mon fils s’est marié civilement l’année dernière (Sand). Être enterré civilement. ∥ 3. Selon la procédure civile (opposée à procédure criminelle) : Poursuivre civilement. ∥ Du point de vue du Code civil : Être civilement responsable. II. Vx. Avec civilité, selon les règles de la politesse et du savoir-vivre : [Il en a usé] le plus civilement du monde avec moi (Molière). Il aborda mon bon maître assez civilement et lui dit... (France). civilisable [sivilizabl] adj. (de civiliser ; fin du XVIIIe s., Cuvier). Qui peut être civilisé : Il est le plus éducable, le plus civilisable (Michelet). Ce qui me frappe surtout, c’est la faculté civilisable des Grecs (Mérimée). civilisateur, trice [sivilizatoer, -tris] adj. et n. (de civiliser ; 1829, la Mode). Qui civilise, propage la civilisation : Un peuple civilisateur doit rester un peuple mâle (Hugo). Son grand rôle [de la France] pacificateur et civilisateur ira se précisant tous les jours davantage (Jaurès). civilisation [sivilizasjɔ̃] n. f. (de civiliser ; 1732, Trévoux, au sens de « transformation d’un procès criminel en procès civil » ; sens 1-2, 1756, V. de Mirabeau ; sens 3, 1828, Guizot). 1. Action de civiliser, de perfectionner les conditions matérielles, morales et culturelles dans lesquelles vit un peuple : La civilisation de la Gaule par Rome fut rapide. ∥ 2. État de haute évolution matérielle, intellectuelle, morale et artistique auquel sont parvenues certaines sociétés, considéré comme un idéal à atteindre par toute société : Je savais, bien avant mon voyage, que la Grèce avait créé la science, l’art, la philosophie, la civilisation (Renan). C’est ainsi qu’ils portèrent la civilisation jusqu’aux extrémités du monde connu (France). La civilisation est tout entière dans l’éducation, dans la tradition, tout entière dans nos livres, dans nos bibliothèques, dans nos méthodes (Duhamel). ∥ 3. État de développement des conditions matérielles de vie, des connaissances, des moeurs et des arts d’une société à une époque déterminée de son histoire : Eugène [...] n’en était qu’à sa première journée sur le champ de bataille de la civilisation parisienne (Balzac). Là, on voit [...] des ustensiles de toutes sortes recueillis dans les nécropoles de cette énorme civilisation disparue [l’ancienne Égypte] (Gautier). À présent, je sais que notre civilisation occidentale (j’allais dire : française) est non point seulement la plus belle ; je crois, je sais qu’elle est la seule — oui, celle même de la Grèce dont nous sommes les seuls héritiers (Gide). • SYN. : 2 culture. — CONTR. : 2 barbarie, sauvagerie. civilisé, e [sivilize] adj. et n. (part. passé de civiliser). Qui participe au mode de vie conforme à l’idéal de la civilisation : Depuis la Paix romaine, depuis l’échec de la République chrétienne, le monde civilisé pouvait, pour la première fois, respirer et vivre tranquille (Bainville). Si le civilisé pense d’une manière si différente du pri- mitif, c’est par conséquence de la prédominance des réactions conscientes sur les produits inconscients (Valéry). • SYN. : cultivé, évolué, policé. — CONTR. : barbare, grossier, inculte, inhumain, primitif, sauvage. civiliser [sivilize] v. tr. (de civil, adj. ; 1568, L. Le Roy, aux sens I, 1-2 ; sens II, fin du XVIe s.). I. 1. Amener une société, un peuple d’un état primitif à un état supérieur d’évolution matérielle, intellectuelle, artistique et morale : Souvenez-vous, Quintius, que vous commandez à des Grecs qui ont civilisé tous les peuples (Chateaubriand). ∥ 2. Fam. Adoucir, polir le caractère, les manières de quelqu’un : L’enfant est un petit sauvage qu’il s’agit de civiliser sans qu’il s’en aperçoive (Sand). Parviendra-ton à civiliser cet ours mal léché ? II. Vx. En termes de droit, transformer en procès civil une affaire pénale. • SYN. : I, 1 éduquer, élever, humaniser, policer ; 2 affiner, apprivoiser, dégrossir. civiliste [sivilist] n. m. (de civil, au sens jurid. ; 1866, Larousse). Jurisconsulte spécialiste du droit civil. civilité [sivilite] n. f. (lat. civilitas, affabilité ; v. 1361, Oresme, au sens de « institutions d’une communauté » ; sens 1, milieu du XVe s. ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Observation des convenances, des règles de bienséance en usage dans la bonne société (vieilli) : La politesse flatte les vices des autres, la civilité nous empêche de mettre les nôtres au jour (Montesquieu). Tristan [...], lui demandant pardon de son inadvertance avec beaucoup de civilité, lui offrit son bras (Sand). Tous nos invités étaient d’une civilité parfaite, et pourtant downloadModeText.vue.download 22 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 736 ils ont écrasé les branches des arbres, cueilli, pour les emporter, les fleurs qui poussent au hasard (Duhamel). ∥ Ironiq. Civilité puérile et honnête, politesse élémentaire (par allusion au titre d’un vieux traité de savoir-vivre). ∥ Class. Faire civilité à quelqu’un, le saluer poliment : Comme je le connaissais extrêmement, je lui fis civilité (Retz). ∥ 2. Caractères de civilité, caractères d’imprimerie imitant l’écriture cursive : Un exemplaire des « Diaboliques » imprimé avec ces caractères de civilité dont les croches biscornues, dont les paraphes en queues retroussées et en griffes affectent une forme satanique (Huysmans). • SYN. : 1 affabilité, aménité, correction, courtoisie, politesse, savoir-vivre, urbanité, usage. — CONTR. : 1 grossièreté, impertinence, impolitesse, incorrection, muflerie (fam.), sans-gêne. •REM. Au XVIIe s., civil et civilité sont sentis comme synonymes de courtois et de courtoisie, mais ils sont plus usités que ceux-ci : [Plusieurs provinciaux] diront d’un homme : il est courtois envers les dames ; ces mots d’ « envers », de « courtois » sont du vieil stile. Il faut dire : il est civil et obligeant aux dames (M. Buffet, 1668). En pratique, aujourd’hui, ces mots sont souvent employés les uns pour les autres. Politesse, poli sont des termes généraux. Courtoisie et courtois sont plus courants que civilité et civil, dont l’usage devient plus rare. % civilités n. f. pl. (début du XVIIe s.). 1. Gestes, paroles de politesse : Après les premières civilités, le dialogue suivant eut lieu entre nous (Musset). ∥ Présenter ses civilités à quelqu’un, lui adresser ses salutations, ses compliments, l’assurer de son estime, de son respect, etc. ∥ 2. Entre dans les formules de fin de lettres : Agréez, Monsieur, mes civilités empressées (Acad.). • SYN. : 1 et 2 compliments, devoirs, hommages, respects, salutations. civique [sivik] adj. (lat. civicus, de civis, citoyen ; fin du XVIIIe s., Brunot [mais déjà couronne civique en 1504, J. Lemaire de Belges]). 1. Relatif au citoyen et à son rôle dans la vie politique : Droits, devoirs civiques. Guerrière au visage irrité, | Qui fit jaillir des plis de ta toge civique | La victoire et la liberté (Leconte de Lisle). ∥ Dégradation civique, peine infamante privant un citoyen de ses droits civiques et politiques. ∥ Garde civique, garde formée de citoyens. garde nationale : Gloire à la garde civique, piédestal des lois (Béranger). ∥ Serment civique, serment de fidélité à la nation, au roi et à la loi, prescrit par la Constituante, en 1789, pour l’armée et les milices nationales. ∥ 2. Propre au bon citoyen : Vertus civiques, esprit civique. Il est glorieux de penser que vos funérailles auront un lendemain civique (Daudet). ∥ Instruction civique, enseignement destiné à préparer les élèves à leur rôle de citoyens. ∥ Couronne civique, à Rome, couronne décernée à celui qui, dans un combat, avait sauvé un citoyen au péril de sa vie. ∥ Carte civique, sous la Révolution, certificat de civisme : Je me souviens que l’intendant disait à ma grand-mère [...] que ses blés étaient une excellente carte civique (Balzac). • SYN. : 1 civil ; 2 patriotique. civisme [sivism] n. m. (de civique ; 1770, l’Année littéraire). 1. Sentiments, vertus du bon citoyen ; dévouement à la nation : Sachez que mon civisme et mon dévouement à la chose publique sont attestés par des actes nombreux (France). ∥ 2. Sens qu’un homme a de ses responsabilités et de ses devoirs de citoyen. • SYN. : patriotisme. — CONTR. : incivisme. clabaud [klabo] n. m. (probablem. de *claber, var. dialect. de clapper ; 1458, Mystère du Vieil Testament, comme n. pr. d’un chien : sens 1, 1527, Chevalet ; sens 2-3, 1680, Richelet). 1. Chien courant à oreilles pendantes, qui aboie fortement. ∥ Par extens. Chien qui aboie mal à propos, hors des voies. ∥ 2. Fig. et fam. Personne qui criaille sans cesse et sans motif. ∥ 3. Class. et littér. Chapeau en clabaud, chapeau clabaud, ou simplem. clabaud, chapeau à bords pendants (par analogie avec les oreilles pendantes du chien de chasse) : Un grand chapeau clabaud toujours sur ses yeux (Saint-Simon). Le visage était très ombragé par le chapeau rabattu en clabaud (Sand). clabaudage [klabodaʒ] n. m. (de clabauder ; v. 1560, Paré, au sens 1 ; sens 2, 1743, Trévoux ; sens 3, 1798, Acad.). 1. Aboiement du chien qui clabaude : La rencontre d’un hérisson [...], cela mérite [pour le chien Castor] un véritable concerto de clabaudages (Duhamel). ∥ 2. Le fait de parler fort, de criailler sans motif. ∥ 3. Fig. et littér. Le fait de répandre des médisances : Elle se refusa net au clabaudage des petites nouvelles, à cette médisance de bas étage (Balzac). clabauder [klabode] v. intr. (de clabaud ; 1564, J. Thierry, au sens 1 ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens 3, 1808, d’Hautel). 1. En parlant du chien courant, aboyer fortement : Je m’en suis allé pendant que les chiens, sur mes pas, recommençaient de clabauder (Duhamel). L’homme m’aperçut et rappela le chien qui clabaudait insolitement (Arnoux). ∥ Par extens. Aboyer mal à propos, hors des voies. ∥ 2. Parler fort, crier : Des charroyeurs clabaudaient, au loin, derrière leurs voitures chargées de débris (Duhamel). ∥ 3. Fig. Clabauder sur, contre quelqu’un, répandre des médisances sur son compte : Tout Villefranche clabaude sur toi (Bertrand). • SYN. : 3 cancaner (fam.), commérer (fam.), jaser, médire. % v. tr. (début du XVIIe s.). 1. Class. et littér. Rapporter dans une intention malveillante : Ils virent que je ne clabaudais autre chose, sinon qu’ils n’étaient pas plus savants qu’Aristote (Cyrano). Les histoires jadis clabaudées dans sa propre maison (Huysmans). ∥ 2. Class. Prôner bruyamment : Elle clabauda son chef-d’oeuvre (Cyrano). clabauderie [klabodri] n. f. (de clabauder ; 1611, Cotgrave, au sens de « criaillerie pour ameuter contre quelqu’un » ; sens actuel, 1866, Larousse). Propos malveillant, médisance : Je me suis bien gardé de les donner [les détails], par crainte qu’il n’y eût là matière à clabauderies pour quelques imbéciles (Loti). Les clabauderies des autres journaux sont honteuses (Gide). Est-ce bientôt fini, toutes ces clabauderies ? (Martin du Gard). • SYN. : cancan (fam.), commérage (fam.), potin (fam.), ragot (fam.). clabaudeur, euse [klabodoer, -øz] adj. et n. (de clabauder ; 1554, Tahureau). 1. Se dit d’un chien qui aboie bruyamment, hors de propos, et, par extens., d’un animal dont le cri est fort : Et les fientes d’oiseaux clabandeurs aux yeux blonds (Rimbaud). ∥ 2. Se dit d’une personne qui criaille, parle fort : Malgré les réduits puants, la foule clabaudeuse, les sentines et les taudis, cet étrange quartier me signifiait une vie nouvelle (Duhamel). ∥ 3. Fig. Se dit d’une personne qui tient des propos malveillants. • SYN. : 3 cancanier (fam.), médisant, potinier (fam.). clabot [klabo] n. m. (var. de crabot ; milieu du XXe s.). Dispositif permettant le clabotage de deux pièces mécaniques. clabotage [klabɔtaʒ] n. m. (de claboter 2 ; milieu du XXe s.). Accouplement de deux pièces par l’engagement des dents ou des saillies de l’une dans les creux correspondants de l’autre : Le clabotage est utilisé en mécanique automobile pour rendre solidaires l’arbre moteur et l’arbre de transmission, sans autre organe intermédiaire. 1. claboter [klabɔte] v. intr. (peut-être var. de claquer, mourir ; 1899, G. Esnault). Pop. Mourir : Ceux qui ne sont pas arrachés par les éclats sont assommés par le vent du machin ou clabotent asphyxiés (Barbusse). 2. claboter [klabɔte] v. tr. (de clabot ; milieu du XXe s.). En mécanique, assembler deux pièces ou deux arbres par clabotage. 1. clac ! [klak] interj. Onomatopée figurant un bruit sec, un claquement bref et soudain : Clac, clac, clac, la chanson laborieuse commençait, répétée par le métier de Mélie (H. Bazin). 2. clac n. m. Autre orthogr. de CLAQUE 1. clade [klad] n. m. (gr. klados, rameau ; XXe s.). Grand groupe d’animaux ou de downloadModeText.vue.download 23 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 737 plantes pouvant être les descendants les uns des autres et manifestant la même tendance évolutive : Les trois grands clades sont les invertébrés, les vertébrés et les plantes vertes. clafoutis [klafuti] n. m. (de clafir, remplir, mot du Centre [claufir, attacher avec des clous, v. 980, Fragment de Valenciennes], lat. clavo figere, fixer à l’aide d’un clou, avec influence du v. foutre ; 1866, Larousse). Gâteau limousin et berrichon fait d’une pâte à crêpe dans laquelle on incorpore des cerises, et que l’on cuit au four dans une tourtière beurrée. claie [klɛ] n. f. (lat. pop. *cleta, mot gaulois ; fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit cleide ; claie, début du XVe s.). 1. Treillis d’osier à claire-voie, servant à divers usages, et en particulier à faire égoutter des fromages ou sécher des fruits : Les voyageurs se trouvèrent en face de la soeur du tambourinaire, occupée à tresser des claies en osier (Daudet). ∥ 2. Spécialem. et vx. Treillis d’osier sur lequel on plaçait le corps de certains suppliciés, suicidés, etc., et qu’on faisait traîner par un cheval : Ils sont les patients qu’on traîne sur les claies (Hugo). ∥ Fig. Traîner quelqu’un sur la claie, le traiter publiquement d’une manière outrageante : Ils ont beau traîner sur des claies ce Dieu mort dans leur abandon... (Hugo). ∥ 3. Treillis en fils métalliques servant à cribler la terre ou le sable. ∥ 4. Clôture à claire-voie, en bois ou en métal : Claie de parc, de pâturage. ∥ 5. Plancher à claire-voie utilisé dans les ateliers (bijouterie, orfèvrerie) où l’on récupère les particules de métaux précieux tombées pendant le travail. ∥ 6. Assemblage de branches servant à édifier des protections provisoires, à boucher des fossés, etc. : Les Armagnacs avaient apporté dans des charrettes de grandes bourrées et des claies pour combler les fossés (France). • SYN. : 1 clayon, clisse, éclisse ; 3 crible, tamis ; 6 fascine. claim [klɛm] n. m. (anc. déverbal de clamer, réclamer en justice, passé en anglais au sens de « revendication », puis revenu en français ; 1866, Larousse). 1. Titre de propriété minière conférant le droit d’extraire du minerai sur une superficie déterminée. ∥ 2. Par extens. Terrain renfermant un minerai précieux ou rare (or, diamant, uranium). clain [klɛ̃] ou clam [klam] n. m. (déverbal de clamer [qui a signifié « porter plainte », XIIIe s., Godefroy). En droit ancien, action en justice, poursuites ; saisie par autorité de justice. (On disait aussi CLAMEUR.) clair, e [klɛr] adj. (lat. clarus, brillant ; v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit clar [cler, 1080, Chanson de Roland ; clair, XIVe s.], aux sens I, 1, 3 et 4 ; sens I, 2, 7, et II, 3, 1690, Furetière ; sens I, 5, 8-10, XIIe s. ; sens I, 6, v. 1398, le Ménagier de Paris ; sens II, 1, v. 1361, Oresme ; sens II, 2, v. 1283, Beaumanoir). I. 1. Qui répand de la lumière ou qui a l’éclat de la lumière : Si l’abîme est obscur, les étoiles sont claires (Hugo). Ce beau diadème éblouissant et clair (Baudelaire). ∥ Feu clair, feu vif : On arrivait à la cabane, heureusement ; et l’installation, le déjeuner rustique devant un grand feu clair de pieds de vigne et de tamaris rejetaient bien loin toutes ces infamies (Daudet). ∥ 2. Qui reçoit beaucoup de lumière : Le salon était une grande pièce claire. ∥ 3. Qui laisse passer la lumière ; qui est translucide : C’est le maître du clos et de la source claire (Heredia). n∥i Cbirelu mclea.ir∥, OEtemufp sc lacilra, iroe, usfa ncso unvué aqgeusi demeure transparent parce qu’il n’a pas été fécondé. ∥ Fam. Croyez cela et buvez de l’eau claire, se dit pour se moquer de la crédulité de quelqu’un. ∥ 4. Dont rien n’altère l’éclat, la pureté : Des vitres claires. Teint clair. ∥ 5. Qui présente des intervalles par où passe la lumière ; qui est peu fourni, peu serré : Des bois clairs. ∥ Spécialem. Se dit d’un tissu rendu presque transparent par l’usure : Un pantalon clair aux genoux. ∥ 6. Qui est peu consistant : Une soupe claire. Le galant, pour toute besogne, | Avait un brouet clair (La Fontaine). ∥ 7. Qui est de couleur peu foncée : Dans les herbages paissaient des bestiaux à robe claire (Romains) ; et en parlant de la couleur elle-même : Beige clair. Un corsage vert clair. ∥ 8. Fig. Pur, limpide, qui marque la franchise : Le moyen de résister à ce regard clair, croisant le sien ? (Daudet). ∥ 9. Fig. et littér. Illuminé par le bonheur, heureux : Les Heures claires (titre d’une oeuvre de Verhaeren). ∥ 10. Se dit d’un son net, sonore, cristallin : Partout sonne l’appel clair des buccinateurs (Heredia). Au fond de l’antre, empli d’un clair murmure d’eau (Samain). Le maréchal[-ferrant] laissait à petits coups pesants et clairs retomber son marteau sur l’enclume (Alain-Fournier). II.1.Qui est immédiatement intelligible ; qui ne présente aucune difficulté pour l’esprit : Ce qui n’est pas clair n’est pas français (Rivarol). Cela est si clair qu’il me semble aussitôt prouvé que dit (Courier). J’aime les situations claires... Je ne recule jamais devant les explications (Duhamel). Faire un résumé clair de la situation. Style clair. Idées claires. ∥ Cette affaire n’est pas claire, elle est embrouillée, douteuse, suspecte. ∥ 2. Qui apparaît avec évidence ; qui semble sûr : Il est clair, dit M. Anquetil, que nous sommes en danger (France). ∥ Fam. Son affaire est claire, il est manifestement coupable, il sera sûrement condamné. ∥ C’est clair comme le jour, clair comme de l’eau de source, de l’eau de roche, c’est tout à fait évident, manifeste. ∥ 3. Se dit d’une personne qui comprend facilement ou qui se fait facilement comprendre : S’il avait l’esprit clair, juste et patient, il devenait professeur (Chateaubriand). Conférencier, écrivain qui n’est pas clair. ∥ Un esprit clair, une personne lucide, et qui distingue immédiatement ce qui est essentiel. • SYN. : I, 1 brillant, éclatant, étincelant, luisant, lumineux ; 2 éclairé ; 3 diaphane, limpide, pur ; 5 clairsemé, rare ; 6 fluide, léger ; 7 pâle ; 8 droit, franc ; 10 aigu, argentin. ∥ II, 1 compréhensible, limpide, lumineux, net, simple ; 2 certain, évident, explicite, manifeste, notoire ; 3 clairvoyant, délié, lucide, ouvert, pénétrant, perspicace, sagace, sûr, vif. — CONTR. : I, 1 obscur ; 2 noir, sombre, ténébreux ; 3 dépoli, opaque ; 5 compact, dense, dru, fourni, serré, touffu ; 6 épais, pâteux ; 7 foncé, sombre ; 8 équivoque, louche, torve ; 9 sombre ; 10 bssé, couvert, grave, sourd, voilé. ∥ II, 1 abscons, confus, embrouillé, énigmatique, fumeux, hermétique, incompréhensible, inintelligible, nébuleux, obscur ; 2 ambigu, douteux, équivoque, incertain, problématique ; 3 brumeux, fumeux. • REM. Lorsque clair suit un mot indiquant la couleur, il reste invariable : Une robe bleu clair. % clair adv. (sens 1, XIIIe s. ; sens 2, XIIe s. ; sens 3, 1080, Chanson de Roland). 1. D’une manière claire, lumineuse (usité seulement dans certaines locutions). ∥ Il fait clair, il fait jour, on distingue nettement les objets. ∥ Voir clair, distinguer nettement les objets ; au fig., comprendre, être capable de choisir, de décider, d’agir avec perspicacité : Tout homme [...] se dit dans sa jeunesse qu’il y verra plus clair quand il sera plus âgé (Maeterlinck). ∥ Class. Voir clair à, comprendre clairement : Elle voit bien clair à l’intérêt que j’y prends (Sévigné). ∥ Clair comme le jour, d’une manière évidente : Ce qu’ils disaient me prouva clair comme le jour que le dévouement était leur pain quotidien (France). ∥ 2. D’une manière espacée : Semer, planter clair. ∥ 3. D’une manière sonore : Pleine [...] de voix sonnant clair dans les brises salubres (Samain). ∥ Parler clair, parler d’une voix bien timbrée, distinctement ; au fig., parler nettement et franchement. % clair n. m. (sens I, 1, 1611, Cotgrave ; sens I, 2, 1684, Brunot ; sens I, 3, v. 1354, Modus ; sens I, 4, fin du XIVe s. ; sens II, 1, 1723, Savary des Bruslons ; sens II, 2, 1832, Raymond ; sens II, 3, 1690, Furetière). I. 1. Clair de lune, clarté répandue par la lune : Le clair de lune bleu qui baignait l’horizon (Hugo). Le clair de lune, appuyé aux volets entrouverts, jette jusqu’au pied du lit son échelle enchantée (Proust) ; par extens., tableau représentant un paysage, des sujets éclairés par la lune : Peintre qui a fait de nombreux clairs de lune. ∥ Au clair de (ou de la) lune, à la lumière de la lune : Toute la nuit, au clair de la downloadModeText.vue.download 24 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 738 lune, par les routes du pays, il y eut des carrioles emportées (Flaubert). ∥ Sabre au clair, sabre dégainé au jour, hors du fourreau. ∥ 2. Partie lumineuse, éclairée d’un tableau, par opposition aux parties qui sont dans l’ombre (presque toujours au plur.) : Les ombres et les clairs. ∥ 3. Endroit où les choses sont peu serrées ; partie moins épaisse, moins touffue, par où la lumière peut filtrer : Par un clair des hautes branches, une lueur diffuse tombait du ciel (Genevoix). Les clairs d’un gazon, d’un champ de blé, d’une étoffe. ∥ 4. Partie, chose peu foncée : Figures qui se détachent en clair sur un fond sombre. S’habiller en clair. II. 1. Tirer au clair, parvenir à comprendre une difficulté, à éclaircir, élucider une chose obscure : De toute cette fortune [...], rien n’avait paru dans le ménage. Il fallut tirer la chose au clair (Flaubert). Il souhaitait une occasion de tirer la chose au clair, non sans un aigre désir de revanche (Martin du Gard). Mais du moins, depuis hier, la chose était tirée au clair (Duhamel). ∥ Mettre au clair, présenter sous une forme plus nette, plus intelligible : C’est de ce voyage que je rapportai les notes que j’ai mises au clair [...] à mon retour de Cuverville (Gide). ∥ 2. En clair, en langage courant, compréhensible, par opposition à en chiffre, en langage chiffré : Message transmis en clair. ∥ 3. Le plus clair de (et un nom), la partie la plus importante de : J’y ai passé le plus clair de ma matinée et n’ai réussi rien qui vaille (Gide). En quelques années, Thédenat a dissipé le plus clair de son avoir (Duhamel). Il n’a pas de fonction dans l’État. Mais il est le chef du tas de sociétés secrètes qui forment le plus clair de la droite du Kuomintang (Malraux). claire [klɛr] n. f. (fém. substantivé de clair, adj. ; 1753, Encyclopédie). Bassin peu profond, dans lequel se fait l’engraissement ou le verdissement des huîtres : Si nous passons à la Saintonge maritime, voici la claire, bassin où l’on fait verdir les huîtres (Dauzat). clairement [klɛrmɑ̃] adv. (de clair ; v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence, écrit clerement). 1. D’une manière claire, distincte, en parlant des sens : Distinguer clairement un avion dans le lointain. Entendre clairement un bruit de moteur. ∥ 2. D’une manière nette, compréhensible ou évidente : Quand tu voudras que je te comprenne, tu tâcheras de t’exprimer plus clairement (Gide). • SYN. : 1 distinctement, nettement ; 2 explicitement, franchement, ouvertement, simplement. — CONTR. : 1 indistinctement, vaguement ; 2 confusément, obscurément. clairer [klɛre] v. intr. (de clair ; milieu du XVe s., Passion de Semur). Dialect. Briller : Je vais vous accompagner jusqu’à votre chambre pour faire clairer votre feu (Theuriet). clairet, ette [klɛrɛ, -ɛt] adj. (de clair ; d’abord claré, puis, par substitution de suff., claret [XIIe s., Partenopeus de Blois] ; clairet, XIVe s., aux sens 1-3 ; sens 4, 1834, Balzac). 1. Qui est d’une agréable transparence : Boire de la belle eau clairette (Sand). ∥ 2. D’une teinte claire : Des yeux clairets (Huysmans). ∥ Spécialem. Se dit d’un vin rouge peu foncé, léger et agréable : Si saint Pierre [...] avait bu un doigt de vin clairet de la Moselle (France). Les Baudoin [...] cultivaient un clos qui leur donnait beaucoup de mal et rapportait, une saison sur trois ou quatre, assez de raisin pour faire un vin amer, un vin clairet que l’on buvait en famille (Duhamel). ∥ 3. Qui est d’une consistance trop légère : Potage clairet. Sauce clairette. ∥ 4. Se dit d’une voix au son aigu, perçant : Elle [Mlle Michonneau] avait la voix clairette d’une cigale (Balzac). % clairet n. m. (XIIe s., écrit claré, claret ; clairet, v. 1460, Villon). Vin clairet : Aussi fis-je amitié avec ces trois hommes, autour d’une cruche de clairet (Arnoux). % clairette n. f. (1829, Boiste, écrit clarette, aux sens 1-2 [clairette, milieu du XIXe s.]). 1. Cépage blanc du Midi. ∥ 2. Vin mousseux fabriqué avec ce cépage, appelé aussi blanquette : Clairette de Die. claire-voie [klɛrvwa] n. f. (de clair, adj., et de voie ; 1344, Gay, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse ; sens 3, 1877, Littré). 1. Clôture formée d’éléments espacés, laissant passer le jour : Quand [...] s’ouvrait l’énorme trou noir du podium, fermé d’une claire-voie, on s’attendait à voir bondir les fauves (Daudet). ∥ 2. Par anal. Suite de fenêtres formant l’étage supérieur de la grande nef d’une église gothique. ∥ 3. Balustrade à jour, en pierre de taille. • Pl. des CLAIRES-VOIES. % À claire-voie loc. adj. et adv. (1420, Dict. général). 1. Qui présente alternativement des espaces vides et des espaces pleins ; à jour : À la nuit tombante, ma porte à claire-voie est remplacée par une porte pleine (Balzac). ∥ Tissu à claire-voie, tissu à mailles peu serrées, qui laissent passer un jour tamisé. ∥ 2. Semer à claire-voie, en espaçant beaucoup les graines. clairière [klɛrjɛr] n. f. (de clair ; 1660, La Fontaine, écrit clarière [clairière, 1690, Furetière], au sens 1 ; sens 2, 1752, Trévoux). 1. Espace dégarni d’arbres, dans un bois, une forêt : Une clairière lointaine, aux jours mélangés d’ombres ou nuancés par les teintes rouges du couchant, point à travers les feuilles (Balzac). ∥ 2. Par anal. Partie claire d’une étoffe, où le tissu est peu serré. • SYN. : 1 clair, éclaircie. clair-obscur [klɛrɔpskyr] n. m. (ital. chiaroscuro, de chiaro, clair, et oscuro, obscur ; 1596, Vigenère, écrit chiar-obscuro [clair-obscur, 1668, R. de Piles], aux sens 1-2 ; sens 3, 1761, J.-J. Rousseau). 1. Dans la peinture, la gravure, le dessin, art de ménager sur un fond d’ombre une partie délicatement éclairée : Le Corrège inventa le clair-obscur. Les Italiens ignoraient l’art de la perspective et du clair-obscur (Voltaire). Sous la ligne tourmentée des sourcils, le regard, tapi dans le clair-obscur, était, à souhait, franc et volontaire, mais avec une expression trop hardie, effrontée, qui n’était pas ressemblante (Martin du Gard). ∥ Spécialem. Dans un tableau, une gravure, etc., lumières et ombres douces finement fondues. ∥ 2. Vx. Gravure sur bois tirée en camaïeu. ∥ 3. Par extens. Lumière atténuée : Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe (Hugo). Le passage, sans transition, du grand jour extérieur aux savants clairs-obscurs de cette demeure contribuait à le désorienter (Martin du Gard). • Pl. des CLAIRS-OBSCURS. • SYN. : 3 pénombre. — CONTR. : 3 clarté, lumière. % adj. (1829, Boiste). Fig. Qui manque de netteté ; qui est douteux, incertain : Quelque chose de fuyant, d’indécis, de clair-obscur (Sainte-Beuve). clair-obscuriste [klɛrɔpskyrist] n. m. (de clair-obscur ; 1877, Littré). Peintre qui a recours au procédé du clair-obscur. (Peu usité.) clairon [klɛrɔ̃] n. m. (de clair, sonore ; XIIIe s., Du Cange, écrit cleron, au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3-4, 1866, Larousse). 1. Instrument à vent en cuivre, sans clés ni pistons, au son clair et strident, utilisé surtout dans l’armée : Une colonne d’infanterie de ligne, clairon sonnant, baïonnettes croisées (Hugo). ∥ 2. Soldat, musicien qui joue du clairon. ∥ 3. Sonnerie de clairon : Tartarin de Tarascon, s’armant de pied en cap pour aller au cercle à neuf heures du soir, une heure après les clairons de la retraite (Daudet). ∥ 4. Fig. Ce qui donne l’éveil : La presse est le clairon ; elle sonne la diane des peuples (Hugo). Durant ce temps-là, tu te taisais, ô Salpinx, clairon de la pensée (Renan). claironnade [klɛrɔnad] n. f. (de claironner ; 1895, Daudet). Action de claironner ; son du clairon : Claironnades et tambourinades, mêlées aux tintements des carillons, faisaient un fier ramage et jetaient aux quatre vents, en promesse de victoire, un chant allègre, mi-belliqueux et mi-sacré (Daudet). claironnant, e [klɛrɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de claironner ; fin du XIXe s.). 1. Qui a le timbre clair et retentissant du clairon : « Quelle horreur », s’écria-t-il, en rendant à sa voix toute sa vigueur claironnante (Proust). D’une voix claironnante, dont l’intonation très particulière avait peut-être la valeur d’un signal (Romains). ∥ 2. Fig. downloadModeText.vue.download 25 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 739 et littér. Éclatant comme une sonnerie de clairon : Une claironnante joie envahit le coeur d’Amédée (Gide). • SYN. : 1 sonore, tonitruant, tonnant. — CONTR. : 1 assourdi, bas, voilé. claironner [klɛrɔne] v. intr. (de clairon ; 1559, Buttet, au sens 1 ; sens 2, 1606, Nicot ; sens 3, fin du XIXe s.). 1. Jouer du clairon : On claironnait pour l’angélus, pour matines et complies (Daudet). ∥ 2. Produire un son semblable à celui du clairon : Tandis qu’un coq claironne et qu’un bonhomme ouvre, en souriant, sa fenêtre (Huysmans). ∥ 3. Fig. Clamer sa joie, sa fierté : Exalté par ses souvenirs, Mahoul claironnait (Aymé). % v. tr. (fin du XVIe s., Godefroy ; repris au XIXe s.). Proclamer bruyamment ; publier avec éclat : N’ayant pas besoin de claironner ses succès, Albertine garda le silence (Proust). • SYN. : carillonner, corner (fam.), trompetter (fam.). clairsemé, e [klɛrsəme] adj. (de clair et de semé ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit clersemé [clairsemé, 1538, R. Estienne], aux sens 1-3). 1. Se dit de végétaux semés, plantés à de larges intervalles : Le bouquet d’arbres clairsemé, mais très vert (Hugo). ∥ 2. Peu serré : Des cheveux pâles, clairsemés et duveteux couronnaient bizarrement une figure toute en hauteur (Martin du Gard). ∥ 3. Fig. Peu nombreux, rare : Sammécaud s’installe au milieu d’une assistance très clairsemée (Romains). • SYN. : 1 clair ; 2 espacé ; 3 dispersé, disséminé, éparpillé, épars. — CONTR. : 1 touffu ; 2 compact, serré ; 3 dense, nombreux. clairvoyance [klɛrvwajɑ̃s] n. f. (de clairvoyant ; v. 1190, Garnier de Pont-SainteMaxence, écrit clerveiaunce [clairvoyance, 1580, Montaigne], au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Faculté de discerner, de concevoir les choses avec lucidité, pénétration : Cette clairvoyance rapide qui accompagne les catastrophes ne lui faisait grâce d’aucun détail (Daudet). ∥ 2. Faculté de voir à distance, de pénétrer la pensée, attribuée aux personnes soumises au sommeil magnétique. • SYN. : 1 acuité, discernement, flair (fam.), nez (fam.), perspicacité, sagacité ; 2 voyance. clairvoyant, e [klɛrvwajɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (de clair, adv., et de voyant, part. prés. de voir ; v. 1265, J. de Meung, écrit clerveant ; clairvoyant, 1635, Monet). 1. Qui voit clair, qui a bonne vue (par opposition à aveugle) : Voilà le noir tableau qu’en un rêve nocturne | Je vis se dérouler sous mon oeil clairvoyant (Baudelaire). ∥ 2. Qui discerne, comprend clairement les choses : Clairvoyante comme elle était, Rosalie s’aperçut vite du changement qui se faisait dans les opinions de son mari (Daudet). • SYN. : 2 avisé, lucide, pénétrant, perspicace, sagace. — CONTR. : 2 borné, obtus. 1. clam n. m. V. CLAIN. 2. clam [klam] n. m. (de l’anglo-amér. to clam, serrer ; XXe s.). Nom usuel d’un mollusque bivalve comestible, que l’on trouve en abondance sur les plages de l’Atlantique. clamecer [klamse] v. intr. (de crampe, au sens arg. de « raidissement, convulsion d’agonie » ; d’abord cramecer [1878], crampecer [1883], puis clamecer, 1888, G. Esnault). Pop. Mourir : Il va en clamecer la moitié (Benjamin). •REM. Les var. CLAPSER, CRAMECER, CRAMPER et CRAPSER sont rares. clamer [klame] v. tr. (lat. clamare ; 1080, Chanson de Roland [peu usité entre le XVIIe s. et la fin du XIXe : v. 1690, Furetière, et 1866, Larousse]). 1. Littér. Manifester ses sentiments en termes violents et bruyamment : Les manifestants clament leur mécontentement. ∥ 2. Par extens. Crier fort : Alors éclatait [...] le soprano suraigu de M. Chèbe, qui clamait de sa voix de goéland : « Enfoncez les portes » (Daudet). • SYN. : 1 corner (fam.), proclamer, publier ; 2 hurler, tonner, vociférer. clameur [klamoer] n. f. (lat. clamorem, accus. de clamor, cri ; XIIe s., aux sens 1-2 ; sens 3, fin du XVe s., Commynes). 1. En droit ancien, syn. de CLAIN. ∥ 2. Ensemble de cris tumultueux, de bruits de voix forts, mais confus : Il volait par le stade aux clameurs de la foule (Heredia). ∥ Cris de réprobation : Là-dessus, plusieurs personnes ont commencé de pousser des clameurs. On m’a reproché mon humanitarisme (Duhamel). ∥ 3. Fig. Protestation violente : De toutes parts, dans la presse conservatrice et modérée, un concert de clameurs s’éleva (Jaurès). • SYN. : 2 hurlement, tumulte, vocifération ; 3 huée, tollé. clamp [klɑ̃] n. m. (du néerl. klamp, crampon ; 1643, Fournier, au sens de « pièce de bois soutenant une vergue et l’empêchant d’éclater » ; sens actuel [empr. de l’angl.], XXe s.). Pince chirurgicale utilisée pour obturer les gros vaisseaux ou certaines portions du tube digestif. clampin [klɑ̃pɛ̃] n. m. (var. de clopin, boiteux ; 1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens 2, 1832, Raymond). 1. Celui qui reste en arrière dans une marche, traînard. ∥ 2. Fig. et fam. Celui qui flâne, paresseux. % adj. (fin du XVIIe s., Godefroy). Vx. Boiteux : Le duc du Maine, tout clampin qu’il est (Littré). clampiner [klɑ̃pine] v. intr. (de clam-pin ; 1845, Bescherelle). Vx et fam. Paresser. • SYN. : flâner, traîner. — CONTR. : s’activer, bûcher (fam.), travailler. clan [klɑ̃] n. m. (angl. clan, de l’irland. clann, tribu, proprem. « descendant » ; 1750, Prévost, au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1845, Bescherelle). 1. Groupement social formé d’un certain nombre de familles, en Écosse et en Irlande. ∥ 2. Dans certaines sociétés, groupement de familles qui constitue une division de la tribu : Les Tziganes se divisent en clans, en métiers (Morand). Clan totémique. ∥ 3. Fig. Groupe de personnes se soutenant mutuellement par passion ou par intérêt : La méthode de Massis et de son clan est de dénier toute valeur à ceux qu’ils ne peuvent annexer (Gide). • SYN. : 3 bande, chapelle, clique, coterie, faction, maffia. clandestin, e [klɑ̃dɛstɛ̃, -in] adj. (lat. clandestinus, de clam, en secret ; v. 1355, Bersuire, aux sens 1-2 ; sens 3, 1761, Voltaire). 1. Qui est caché ; qui se fait en cachette : Pour toi respire ainsi qu’un trésor clandestin | Le lis de solitude à ton balcon hautain (Samain). Réunion clandestine. ∥ 2. Qui agit ou qui est fait en violation des lois ou à l’insu de l’autorité : Voilà Rodolphe vendeur de journaux et bookmaker clandestin (Arnoux). Commerce, trafic clandestin. ∥ 3. Où il se passe quelque chose de secret ou d’illicite : Maison de jeux clandestine. • SYN. : 1 occulte, secret ; 2 illicite, prohibé. — CONTR. : 1 avoué, public ; 2 autorisé, légal, reconnu. % n. (XXe s.). Personne qui vit dans la clandestinité. % clandestine n. f. (1732, Trévoux [auparavant, herbe clandestine, 1615, Daléchamps]). Plante parasite vivant sur les racines des arbres. clandestinement [klɑ̃dɛstinmɑ̃] adv. (de clandestin ; 1403, E. Deschamps). De façon clandestine : Il y avait à Paris des milliers de retraites semblables où le clergé réfractaire réunissait clandestinement de petits troupeaux de fidèles (France). •SYN. : furtivement, secrètement, subrepticement. clandestinité [klɑ̃dɛstinite] n. f. (de clandestin ; fin du XVIe s., Delboulle). 1. Caractère de ce qui est caché, clandestin : Cela donnait à notre amour un air de clandestinité coupable (Theuriet). Il y a, dans l’assassinat par l’empoisonnement, un caractère de clandestinité qui en fait le crime par excellence de l’hystérie perverse (Bourget). ∥ 2. Spécialem. En droit, défaut de publicité qui rend irréguliers certains actes : La clandestinité est une cause de nullité du mariage. ∥ 3. État de celui qui mène une existence clandestine : De nombreux résistants français ont vécu dans la clandestinité de 1940 à 1944. ∥ La clandestinité, pendant l’occupation allemande, ensemble des personnes qui vivaient clandestinement. • SYN. : 1 mystère, secret. clangor [klɑ̃gɔr] n. m. (mot lat. signif. « cri perçant » ; XXe s.). Modification du deuxième bruit du coeur, perçue à l’ausdownloadModeText.vue.download 26 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 740 cultation sous la forme d’un son éclatant, métallique : Le clangor est le signe d’une altération de l’origine de l’aorte. clangoreux, euse [klɑ̃gɔrø, -øz] adj. (de clangor ; XXe s.). Se dit du deuxième bruit du coeur quand il prend une résonance métallique. clangueur [klɑ̃goer] n. f. (lat. clangor, -oris, cri perçant de certains oiseaux, etc. ; XVIe s.). Cri retentissant de certains animaux, plus particulièrement des oiseaux : La clangueur des grenouilles est si large, si haute, si constante, qu’à la longue elle déferle comme une cascade (Suarès). La clangueur du butor. clanique [klanik] adj. (de clan ; 1952, Larousse). Relatif au clan : Organisation clanique. clapet [klapɛ] n. m. (de l’anc. franç. claper, frapper [v. CLAPPER] ; 1517, Dict. général, au sens 1 ; sens 2, 1907, G. Esnault). 1. Soupape qui se lève ou s’abaisse pour permettre ou empêcher le passage d’un fluide : On pompait et j’entendais par instants le glouglou sinistre de l’eau dans les clapets (Malot). ∥ 2. Fig. et pop. Bouche (en tant qu’organe de la parole) : Ferme ton clapet. ∥ Bavardage, débit : Il a un de ces clapets ! clapier [klapje] n. m. (anc. provenç. clapier, de clap, tas de pierres, d’un mot préroman *klappa, pierre plate ; 1365, Prost, écrit glapier, au sens 2 ; sens 1 et 3, fin du XIVe s. ; sens 4, 1456, Godefroy ; sens 5, 1611, Cotgrave). 1. Ensemble de terriers creusés par les lapins de garenne. ∥ 2. Cabane, loge où l’on élève des lapins. ∥ Lapin de clapier, ou simplem. clapier, lapin domestique. ∥ 3. Fam. Logement étroit et misérable : Comme toutes les malheureuses que la misère et l’embauchage ont traînées dans les clapiers d’une ville... (Huysmans). ∥ 4. En montagne, amoncellement, au pied d’une paroi, de débris rocheux détachés par l’érosion : La combe de Brévent, où les gros blocs du clapier dessinent des formes étranges et familières (Frison-Roche). ∥ 5. En termes de médecine, poche purulente, foyer d’infection. 1. clapir [klapir] v. intr. (de l’onomatop. klapp- [v. CLAPPER] ; 1701, Furetière). Crier, en parlant du lapin. 2. clapir (se) [səklapir] v. pr. (même racine que clapier ; 1727, Furetière). En parlant du lapin, se blottir dans son terrier. • SYN. : se tapir, se terrer. clapot [klapo] (déverbal de clapoter ; 1886, Maupassant), clapotage [klapɔtaʒ] (de clapoter ; début du XVIIIe s.) n. m. Syn. anc. de CLAPOTIS. clapotant, e adj. V. CLAPOTEUX, EUSE. clapotement [klapɔtmɑ̃] n. m. (de clapoter ; 1654, Du Tertre, au sens 1 ; sens 2, 1833, Th. Gautier). 1. Syn. de CLAPOTIS. ∥ 2. Littér. Petit bruit semblable au clapotis de l’eau : Un bon et franc baiser français, avec ce mignard clapotement des lèvres comme au temps de la Régence (Gautier). clapoter [klapɔte] v. intr. (d’un radical onomatopéique klapp- [v. CLAPPER] ; 1611, Cotgrave, écrit clapeter ; clapoter, XVIIIe s.). 1. Se briser en vagues courtes et serrées qui produisent un bruit caractéristique en se rencontrant : Les oiseaux | S’envolèrent ainsi qu’une brusque rafale | Sur le lugubre lac dont clapotaient les eaux (Heredia). Le long du quai désert, l’Arve clapotait faiblement contre les roches (Martin du Gard). Une houle brisée clapotait autour des remorqueurs rangés devant les ateliers de la Compagnie (Morand). ∥ 2. Produire une série de petits bruits semblables à un clapotis, en heurtant quelque chose : Je me suis mise au piano et mon bracelet clapotait [...] sur les touches (Feuillet). clapoteux, euse [klapɔtø, -øz] adj. (de clapoter ; 1730, Labat). Se dit d’une étendue liquide qui clapote : Une mer clapoteuse, qui menaçait à chaque instant de les engloutir (Mérimée). La mer était courte, clapoteuse (Gautier). • REM. On dit aussi CLAPOTANT, E (1866, Larousse) : De petits balcons de bois qui surplombaient les vagues clapotantes (Alain-Fournier). clapotis [klapɔti] n. m. (de clapoter ; 1792, Romme). Agitation et bruit léger de l’eau soulevée par des vagues courtes et serrées qui s’entrechoquent : Je pouvais même espérer d’écouter avec la jeune femme quelque clapotis de vagues, car, la veille du dîner, une tempête se déchaîna (Proust). L’eau ne faisait entendre qu’un clapotis confus (Martin du Gard). ∥ Spécialem. Agitation de la mer qui se produit lorsque deux houles égales et de sens contraire se rencontrent. • REM. On dit aussi, dans le même sens, CLAPOT, CLAPOTAGE, CLAPOTEMENT : Le « Jean-Guiton » [...] laissait derrière lui quelques vagues, quelques clapots, quelques ondulations qui se calmaient (Maupassant). La vague est courte et violente, le flot est un clapotement (Hugo). clappement [klapmɑ̃] n. m. (de clapper ; 1835, Th. Gautier). 1. Bruit sec produit avec la langue, quand on la détache brusquement du palais : Un mignard clappement des lèvres et une douce moiteur à la place effleurée me firent juger que je ne rêvais pas (Gautier). Thaulieu avertit sa femme d’un petit clappement de langue (Colette). ∥ 2. Bruit sec qui y ressemble : Un clappement de savates devint distinct (Huysmans). • SYN. : 2 claquement. clapper [klape] v. intr. (de l’onomatop. klapp-, exprimant un bruit sec ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit claper, au sens de « frapper, gifler » ; sens actuel, 1845, Bescherelle). Produire un clappement : Les cochers clappèrent de la langue, touchèrent leurs chevaux (Gautier). Il avala coup sur coup deux verres de vin doux en clappant de la langue (L. Fabre). • SYN. : claquer. % v. tr. Aspirer avec un clappement : Les carpes demi-asphyxiées, clappant l’air de leurs lèvres blanches et charnues (Donnay). clappette [klapɛt] n. f. (déverbal de clapeter, babiller, faire un bruit de crécelle, dér. de clapper ; 1866, Larousse, écrit clapète). Fam. Babil, bavardage : Si le sommeil de la jeunesse ne fût venu mettre un terme à leur clappette (Rolland). claquage [klakaʒ] n. m. (de claquer 1 ; milieu du XXe s.). 1. En termes de sport, rupture partielle d’un tendon ou d’un muscle : Les sprinters sont souvent victimes de claquages. ∥ 2. Fam. Fatigue extrême due à un effort violent. ∥ 3. En termes d’électricité, percement d’une matière isolante produit par une différence de potentiel excessive. • SYN. : 2 épuisement, harassement. claquant, e [klakɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de claquer 1 ; 1775, Beaumarchais). Pop. Très fatigant, exténuant : Quel métier claquant ! 1. claque [klak] n. f. (déverbal de claquer 1 ; v. 1307, Guiart, au sens I, 1 ; sens I, 2, XIXe s. ; sens I, 3, 1836, Landais ; sens I, 4, 1907, Larousse ; sens II, 1, 1743, Trévoux [d’où claquer 2] ; sens II, 2, 1890, Dict. général). I. 1. Coup appliqué avec le plat de la main et qui fait un bruit sec : À chaque instant retentissaient les claques vigoureuses que les causeurs s’appliquaient sur les cuisses (Tharaud). ∥ Fam. Tête à claques, visage, personnage déplaisant. ∥ 2. Coup qui frappe comme une claque : La claque en pleine figure de la giboulée (Claudel). ∥ Fig. et fam. Prendre une claque, faire une grosse perte au jeu, à la Bourse : Il a pris une belle claque au baccara. ∥ 3. Groupe de spectateurs, parfois rémunérés, chargés d’applaudir une oeuvre, un artiste, pour aider à son succès : La claque, aux premiers rangs du parterre, tapa furieusement des mains (Zola). ∥ 4. Pop. En avoir sa claque, être très fatigué, épuisé : J’en avais ma claque, et j’ai commencé à roupiller (T. Bernard) ; au fig., être excédé, dégoûté de quelque chose. II. 1. Socque plat que les dames mettaient par-dessus leurs souliers, pour se protéger contre la boue et l’humidité. ∥ Fam. Prendre ses cliques et ses claques, s’en aller en toute hâte. ∥ 2. Partie de la chaussure qui est fixée à la semelle et qui entoure le pied. downloadModeText.vue.download 27 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 741 • SYN. : I, 1 baffe (pop.), calotte (fam.), gifle, mornifle (fam.), soufflet, taloche (fam.), tape. 2. claque [klak] n. m. (même étym. qu’à l’art. précéd. ; fin du XVIIIe s., au sens de « chapeau plat porté sous le bras » ; sens 1, 1823, Arcieu ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Chapeau haut de forme à ressort, pouvant s’aplatir et se mettre sous le bras : Le claque, une espèce de demi-cercle en feutre qu’on gardait alors sous le bras au lieu de le mettre sur la tête (Balzac). ∥ 2. Bicorne porté une pointe en avant : Monsieur le sous-préfet a mis son bel habit brodé, son petit claque, sa culotte collante à bandes d’argent et son épée de gala (Daudet). [On dit aussi CHAPEAU CLAQUE.] 3. claque [klak] n. m. (abrév. dent ; XXe s.). 1. Pop. Maison (vieilli) : Il se vantait déjà (Duhamel). ∥ 2. Pop. Maison de de claquede tolérance d’aller au claque jeux. • REM. On trouve aussi la var. graphique CLAC : « Au clac ? — Au bordel, enfin, puisque tu ne connais pas le français » (V. Margueritte). claqué, e [klake] adj. (part. passé de claquer 1). Pop. Fatigué, épuisé : Tu as fait la bombe avec Carac. C’est pourquoi il était claqué hier (Vailland). claquebois [klakbwa] n. m. (de claque, forme verbale de claquer 1, et de bois ; 1636, Mersenne). Vx. Instrument de musique à dix-sept touches, en bois, qu’on fait résonner avec des baguettes : Partout tintent des crécelles, bruissent durement des claquebois (Loti). claquedent [klakdɑ̃] n. m. (de claque, forme verbale de claquer 1, et de dent ; v. 1450, Gréban, comme n. pr. d’un personnage ; sens 1, fin du XVe s. ; sens 2, 1907, Larousse). 1. Fam. Gueux, misérable, qui claque des dents de froid : Qu’on donne à ce pauvre claquedent une maisonnette et une pension (Louÿs). ∥ 2. Vx et fam. Cabaret, tripot de bas étage : Les claquedents de Mourmelon étaient sans cesse pleins (Huysmans). Mon préfet de police a fait fermer tous les claquedents (France). claquement [klakmɑ̃] n. m. (de claquer 1 ; 1552, R. Estienne). Bruit sec de ce qui claque : Les espadrilles [...] font entendre des petits claquements mouillés, des « floc, floc » d’eau battue (Loti). Il faisait avec la langue de petits claquements propres à manifester son dégoût (Gide). L’étui d’argent brilla entre ses doigts ; elle en reconnut le claquement sec (Martin du Gard). Je mange aussi la bouche ouverte, avec des bruits et des claquements mouillés (Duhamel). claquemurer [klakmyre] v. tr. (de la loc. à claquemur [de claque, forme verbale de claquer 1, et de mur], proprem. « dans un endroit si étroit que le mur claque » ; 1644, Scarron). Tenir étroitement enfermé : Parbleu ! je sais bien que, claquemuré du matin au soir dans ton atelier, tu n’as jamais réfléchi à ces choses-là (Daudet). Plus libre que moi (j’étais claquemuré par Ariane), Pirithoüs avait loisir de s’enquérir des coutumes de la Crète et d’observer (Gide). • SYN. : claustrer, cloîtrer, reclure. % se claquemurer v. pr. S’enfermer chez soi, se cloîtrer. 1. claquer [klake] v. intr. (de l’onomatop. klakk-, exprimant un bruit bref et sec ; v. 1508, J. Lemaire de Belges, au sens I ; sens II, 1, 1890, Dict. général ; sens II, 2, 1929, Larousse ; sens II, 3, 1842, Ch.-P. de Kock). I. Produire un bruit sec, généralement par un choc rapide : Les marabouts [...] claquaient du bec en se pâmant au soleil (Loti). Il leva la main et claqua des doigts comme les élèves ont coutume de faire pour solliciter du maître une autorisation (Gide). Il était parvenu à une telle tension nerveuse qu’il claquait des dents (Martin du Gard). Vidam fit claquer sa langue contre ses dents, à petits coups secs, comme l’on fait pour rappeler à l’ordre une personne qui s’égare (Duhamel). Les talons de Lolita claquaient gaiement sur les silex de Bogota (Maurois). ∥ Claquer des mains, les frapper l’une contre l’autre pour applaudir. ∥ Faire claquer une porte, la fermer violemment : Il [...] partit à grands pas furieux en faisant claquer les portes (Daudet). ∥ Fam. Claquer du bec, être affamé : Tant de compositeurs qui n’ont pas une lèche de pain à se mettre sous la dent, qui claquent du bec (Arnoux). II. 1. Fam. Se casser, se rompre ; céder : Verre, ficelle qui claque. ∥ 2. Fam. Claquer dans les doigts, dans les mains à quelqu’un, ne pas aboutir, échouer soudainement, en parlant d’une entreprise, d’une affaire : C’est l’affaire de l’Institut qui vient de me claquer dans les mains (Duhamel). Ce dernier espoir m’a claqué dans les mains (Anouilh). ∥ 3. Pop. Mourir : Le chirurgien fait cinq opérations, les cinq opérés claquent (Goncourt). Convaincu que ces pauvres bougres allaient claquer dans leur cave, si on ne les évacuait pas sur-le-champ (Martin du Gard). Je claquerai en rendant le miracle par la bouche, comme les bouffeurs de feu, dans les fêtes foraines, qui soufflent le feu (Montherlant). Allons ! si je claquais en mer, on pourrait coller sur le sac une belle étiquette ! (Malraux). ∥ Claquer de froid, mourir de froid, grelotter. % v. tr. (sens I, 1, XXe s. ; sens I, 2, 1648, Scarron ; sens I, 3, 1756, Voltaire ; sens II, 1, 1920, G. Esnault ; sens II, 2, 1877, Littré ; sens II, 3, 1848, G. Esnault ; sens II, 4, 1866, Larousse). I.1.Appliquer, fermer quelque chose avec un bruit sec : Claquer un pupitre. ∥ Claquer la porte, la fermer violemment : Il [...] s’échappe vers la porte, qu’il claque (Gide). ∥ Claquer la langue, produire un bruit sec en la détachant du palais. ∥ 2. Frapper du plat de la main, donner une claque : On attend qu’une mouche vienne dans le piège et on la claque, alors (Audiberti). ∥ Claquer quelqu’un, le gifler. ∥ 3. Vx. Claquer un artiste, l’applaudir : Ce rôle, c’est son triomphe, elle y fut toujours claquée (Gautier). II. 1. Fam. Claquer quelqu’un, un animal, l’épuiser en exigeant de lui un effort excessif : Durville est claqué. Il souffle comme un phoque (France). Ces derniers jours de Marseille m’ont claqué (Gide). ∥ 2. Claquer ou se claquer un muscle, un tendon, en parlant d’un cheval, d’un athlète, se rompre un muscle, un tendon par un effort violent. ∥ Intransitiv. Le cheval a claqué, il a eu une rupture de tendon. ∥ 3. Pop. et vx. Manger : J’ai faim, faut me trouver quelque chose à claquer (Zola). ∥ 4. Pop. Claquer de l’argent, telle somme, sa fortune, etc., les dépenser, les dissiper : Je n’ai pas le sou : je viens du cercle où j’ai tout claqué (Maupassant). • SYN. : I, 2 calotter (fam.), souffleter, talocher (fam.). ∥ II, 1 éreinter (fam.), esquinter (fam.), vanner (pop.), vider ; 4 croquer (fam.), dilapider, gaspiller, manger (fam.). % se claquer v. pr. (1920, G. Esnault). Se fatiguer, ruiner sa santé. 2. claquer [klake] v. tr. (de claque 2 ; 1863, Littré). Garnir une chaussure d’une claque, pièce de cuir ou d’une autre matière qui la rend moins perméable ou plus solide (surtout au part. passé). claquet [klakɛ] n. m. (de claquer 1 ; XVe s., Godefroy). Petite latte placée sur la trémie d’un moulin et qui est animée d’un battement continuel. ∥ Vx et fam. Sa langue va comme un claquet de moulin, il bavarde sans arrêt. claqueter [klakte] v. intr. (de claquer 1 ; 1530, Palsgrave, au sens 2 ; sens 1, v. 1560, Paré). [Conj. 4 a.] 1. Crier, en parlant de la cigogne et de la poule qui va pondre : Pas loin, soudain, une cigogne s’abat [...] en claquetant (Arnoux). ∥ 2. Claquer à petits coups : Le vent faisait claqueter sa robe blanche (Sand). Ses dents claquetaient ; son crâne était exsangue. Il était pénible à regarder, tant il semblait attaqué, diminué, par la rigueur de la température (Martin du Gard). • SYN. : 1 craqueter (pour la cigogne). claquette [klakɛt] n. f. (de claquer 1 ; 1549, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré ; sens 3, XXe s. ; sens 4-5, 1845, Bescherelle). 1. Sorte de crécelle. ∥ 2. Syn. de CLAQUOIR. ∥ 3. Dans l’industrie du cinéma, instrument formé de deux plaquettes de bois surmontées d’un tableau où figurent les références du plan de prises de vues. ∥ 4. Instrument de musique formé de lanières de cuir garnies de grelots. downloadModeText.vue.download 28 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 742 ∥ 5. Fig. Personne qui bavarde sans cesse : Elle jacasse comme une pie, elle ne fait que babiller du matin au soir. Quelle claquette ! (France). % claquettes n. f. pl. (XXe s.). 1. Lames de métal fixées aux semelles, pour rythmer certaines danses. ∥ 2. Danse à claquettes, ou simplem. claquettes, style de danse où l’on se sert du talon et de la pointe du pied pour obtenir des claquements rythmés. claqueur [klakoer] n. m. (de claquer 1 ; 1781, Correspondance littéraire, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Vx. Personne payée pour applaudir une oeuvre, un artiste : Nous entrerons avec les claqueurs. La claque à l’Opéra est très bien composée (Hugo). ∥ 2. Fig. et vx. Celui qui approuve, applaudit avec excès : Claqueurs convaincus, les rebuffades ne les dégoûtent pas de leur dieu (Goncourt). claquoir [klakwar] n. m. (de claquer 1 ; fin du XIXe s., Zola). Instrument formé de deux planchettes jointes par une charnière, que l’on frappe pour donner un signal : On mangeait encore qu’un coup de claquoir annonçait la récréation (Zola). • SYN. : claquette. claret [klarɛ] n. m. (mot angl., lui-même empr. de l’anc. franç. claret, vin rouge [v. CLAIRET] ; 1726, Mackenzie). Nom que les Anglais donnent au vin de Bordeaux rouge : Le buveur grandiose de claret à la mode anglaise (Barbey d’Aurevilly). clarifiant, e [klarifjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de clarifier ; XXe s.). Qui clarifie. % clarifiant n. m. Substance propre à clarifier : Le charbon est un clarifiant. clarificateur, trice [klarifikatoer, -tris] adj. (de clarifier ; 1866, Larousse). Qui sert à clarifier. clarification [klarifikasjɔ̃] n. f. (de clarifier ; début du XVe s., au sens II ; sens I, 1690, Furetière). I. Opération consistant à rendre clair, à épurer un liquide : La clarification des eaux de rivière s’opère sur des filtres de gravier. La clarification des vins. II. Action de rendre clair, compréhensible, ou le fait de se clarifier ; état de ce qui a été rendu ou est devenu intelligible : La clarification d’un problème, d’une situation. • SYN. : I décantation, épuration, filtrage, purification. ∥ II éclaircissement, élucidation. clarifier [klarifje] v. tr. (lat. ecclés. clarificare, glorifier, avec influence des sens de l’adj. clair ; v. 1190, Sermons de saint Bernard, au sens I ; sens II, XVIe s. ; sens III, fin du XIVe s.). I. Class. En langage mystique, glorifier : Comme j’ai clarifié mon Père sur la terre, vous allez me clarifier (Massillon). II. 1. Rendre clair un liquide trouble : Il y a plusieurs manières de clarifier le vin (Acad.). ∥ 2. Rendre clair, transparent, net : L’air tout à coup clarifié, infiniment transparent, limpide et profond (Loti). Le bruit soudain, à la fois étouffé par les couloirs et clarifié par l’éloignement, d’une engueulade dans une cour (Malraux). III. 1. Clarifier une situation, un problème, les rendre plus clairs pour l’esprit : Le temps a-t-il clarifié la question d’Orient ? ∥ 2. Rendre plus lucide, plus pénétrant : Sa pensée est extraordinairement lucide, clarifiée, comme l’atmosphère des montagnes après l’orage (Martin du Gard). • SYN. : II, 1 décanter, éclaircir, filtrer ; 2 épurer, purifier. ∥ III, 1 débrouiller, démêler, éclairer, élucider. clarine [klarin] n. f. (fém., pris substantiv., de l’anc. adj. clarin, de clair ; fin du XVIe s., Fauchet). Clochette pendue au cou des bestiaux qu’on fait paître dans les montagnes : Des clarines sonnent, le vent porte une paisible odeur d’étable (Colette). clarinette [klarinɛt] n. f. (de clarin, hautbois, mot provenç. [1508, Pansier], de clar, forme provenç. de clair ; 1753, Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2, 1798, Acad. ; sens 3, 1808, d’Hautel). 1. Instrument de musique à vent et à anche simple, de la famille des bois : Je fredonnerai des solos de clarinette (Musset). ∥ 2. Musicien qui joue de cet instrument. ∥ 3. Arg. mil. et vx. Fusil : Larose [...] lui dit en faisant sonner son fusil : « On va leur siffler un air de clarinette, mon commandant » (Balzac). clarinettiste [klarinɛtist] n. (de clarinette ; 1834, Landais). Musicien qui joue de la clarinette. clarisse [klaris] n. et adj. f. (du n. de sainte Claire [en lat. Clara], fondatrice de cet ordre au XIIIe s.). Religieuse de l’ordre de Sainte-Claire : Une moitié du palais de l’Inquisition serait donnée à des religieuses clarisses (Stendhal). clarté [klarte] n. f. (lat. claritatem, accus, de claritas, de clarus, clair ; Xe s., Vie de saint Léger, écrit claritet [clarté, XIIe s.], au sens I, 1 ; sens I, 2, 1644, Corneille ; sens I, 3, XVe s., l’Amant rendu cordelier ; sens I, 4, 1538, R. Estienne ; sens I, 5, 1080, Chanson de Roland ; sens I, 6, 1530, Marot ; sens II, début du XVIIe s.). I. 1. Luminosité qui permet de distinguer assez clairement les objets : Cette catin de lune nous donne assez de clarté pour nous conduire dans les rues (France). Christiane [...] se réveilla dès que le soleil jeta dans sa chambre un flot de clarté rouge (Maupas- sant). ∥ À la clarté de, sous l’éclairage de : Souvent, à la clarté rouge d’un réverbère, | On voit un chiffonnier qui vient hochant la tête (Baudelaire). ∥ 2. Class. Clarté du jour, ou simplem. clarté, la vie : Mais où vous a-t-il dit qu’il reçut la clarté ? (Molière). ∥ 3. Class. Flambeau, torche, etc. : Suivez-moi, s’il vous plaît, avec votre clarté (Molière). ∥ Poét. Source de lumière : D’innombrables clartés brillent dans la nuit sombre (Hugo). ∥ 4. Qualité de ce qui est transparent, limpide : Clarté du verre, de l’eau. ∥ 5. Qualité de ce qui a de l’éclat, de la pureté : Clarté du teint. ∥ 6. Class. et fig. Éclat, caractère de ce qui est brillant, illustre : Un rang [...] | Dont je n’ai pu de loin soutenir la clarté (Racine). II. 1. Qualité de ce qui est clair, facile à comprendre : Je dois, pour la clarté du récit, prendre les choses d’un peu plus haut (Courier). Cette preuve de l’existence de Dieu m’apparut soudainement dans toute sa clarté (France). ∥ 2. Qualité d’une personne, d’un esprit qui se fait facilement comprendre : Il parlait de tout avec un semblant de compétence attachant et une clarté de vulgarisateur (Maupassant). Séverin, avec [...] une clarté d’exposition tout à fait remarquable, entreprend un résumé de l’affaire (Romains). • SYN. : 1 éclairage, jour, lumière ; 4 limpidité, transparence. ∥ II, 1 évidence ; 2 netteté, précision. — CONTR. : I, 1 obscurité, ombre, ténèbres ; 4 opacité. ∥ II, 1 confusion, mystère, trouble. % clartés n. f. pl. (début du XVIIe s.). 1. Class. et littér. Connaissances élémentaires, explications nécessaires pour éclairer une question : Dom Louis du secret a toutes les clartés (Molière). Il [Proust] s’interrompt pour me demander si je peux lui donner quelques clartés sur l’enseignement de l’Évangile (Gide). ∥ 2. Littér. Vérités lumineuses, connaissances : Le siècle qui commence l’ère de l’Europe civilisée [...] emprunta ses clartés au siècle d’Alexandre (Chateaubriand). classe [klɑs] n. f. (lat. classis, classe de citoyens ; v. 1355, Bersuire, au sens I, 1-2 ; sens I, 3-4, 1792, Frey ; sens II, 1, 1690, Furetière ; sens II, 2, 1733, Sauvages de la Croix ; sens II, 3, 1680, Richelet ; sens II, 4, début du XIXe s. ; sens II, 5, 1916, G. Esnault ; sens III, 1-2, 1549, R. Estienne ; sens III, 3, 1740, Acad. ; sens III, 4, 1635, Monet ; sens III, 5-6, 1690, Furetière ; sens IV, 1, 1863, Littré ; sens IV, 2, 1888, G. Esnault ; sens IV, 3, 1833, G. Esnault). I. 1. Dans la Rome antique, chacune des catégories entre lesquelles étaient répartis les citoyens d’après le chiffre de leur fortune : La famille de Cicéron appartenait à la classe des chevaliers. ∥ 2. En France, sous l’Ancien Régime, catégorie à laquelle appartenaient les sujets selon leur naissance ou leur vocation : Le clergé, la noblesse et le tiers état constituaient les trois classes de l’Ancienne France. ∥ 3. Au XIXe s., ensemble de personnes qui se différencient par leur situation dans la hiérarchie sociale (d’abord au plur.) : downloadModeText.vue.download 29 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 743 La grande propriété et les privilèges des hautes classes (Courier). ∥ 4. Auj. Ensemble de personnes entre lesquelles la communauté de condition sociale, de niveau de vie, de moeurs et d’intérêts crée un sentiment de solidarité : La classe bourgeoise. La classe ouvrière. Quelqu’un qui choisissait ses fréquentations en dehors de la caste où il était né, en dehors de « sa classe sociale », subissait à ses yeux un fâcheux déclassement (Proust). C’est bien aussi, pensais-je, pourquoi ceux de la classe ouvrière acceptent si facilement les idées d’autrui ; pourquoi si souvent (certains disent : toujours) les incitations révolutionnaires sont un produit de la classe bourgeoise (Gide). II. 1. En logique, ensemble d’êtres ou d’objets possédant tous un ou plusieurs caractères communs et étant les seuls dans ce cas : Je voudrais me passionner pour une classe de minéraux (Musset). ∥ 2. En histoire naturelle, chacune des grandes divisions d’un embranchement d’êtres vivants : La classe des oiseaux, des insectes, des plantes monocotylédones. ∥ 3. Grade, rang attribué à des personnes ou à des choses classées selon un ordre d’importance, de valeur, de qualité : Enterrement de première classe. Un hôtel de dernière classe. Ce serait l’autre qui deviendrait comte de Marana, grand d’Espagne de première classe (Dumas père). Préfet hors classe. ∥ Soldat de deuxième classe, de première classe (ou, substantiv., un deuxième classe, un première classe), dans l’armée, soldat qui appartient à l’échelon le plus bas de la hiérarchie militaire, ou qui a été admis à l’échelon immédiatement supérieur : Paraît qu’il la connaît, le bleu, dit le première classe (Hermant). ∥ 4. Spécialem. Dans les moyens de transport, catégorie de places répondant à un certain degré de confort et à laquelle est appliqué un tarif donné : Première, deuxième classe. Classe touriste ; et ellipt. : Monter en première. Voyager en seconde. ∥ 5. Fam. Distinction, valeur : La classe, cette sorte de supériorité native qui ne s’acquiert pas (Vandérem). « Génie » est un mot à ménager, dit Hervé, mais qu’elle [une artiste] ait beaucoup de classe est certain (Maurois). ∥ De grande classe, de classe, d’une valeur supérieure : Il devinait un adversaire de grande classe, avec lequel il fallait compter (Aymé). ∥ Spécialem. Ensemble des qualités d’un sportif. III.1.Dans les établissements d’enseignement, chacun des degrés d’un programme d’études : Classe de première, de mathématiques spéciales. Dictionnaire destiné aux classes terminales des lycées. ∥ 2. Groupe d’élèves qui suivent les cours du même degré d’études : Je passai avec les élèves de ma classe au grand séminaire (Renan). Il était fort en retard dans ses études et le plus âgé de la classe (Duhamel). ∥ 3. L’enseignement dispensé à ce groupe : Elle faisait la classe aux tout petits. À la classe de musique, dans les romances qu’elle chantait, il n’était question que de petits anges (Flaubert). ∥ 4. La salle où l’on donne cet enseignement : Les élèves attendaient à la porte de la classe. ∥ 5. Les élèves groupés dans cette salle : Sa casquette tomba, toute la classe se mit à rire (Flaubert). ∥ 6. Par extens. L’établissement scolaire : Aller en classe. ∥ Vx. Faire ses classes, être élève : Le Manset, avec qui j’avais fait mes classes au lycée d’Avranches, ne ressemblait à aucun de ses camarades (France). IV. 1. Dans l’armée, ensemble des jeunes gens atteignant la même année l’âge d’accomplir leur service militaire : Pourquoi m’a-t-il fallu apprendre que sa classe allait être appelée, qu’il courait le risque d’être versé de l’armée auxiliaire dans l’armée active ? (Gide). ∥ 2. Libération du service militaire : Dans trois mois, c’est la classe. ∥ Fam. Être de la classe, appartenir au contingent prochainement libérable : On est de la classe, pas vrai ? (Hermant). ∥ 3. Faire ses classes, en parlant d’une recrue, recevoir les premiers éléments de l’instruction militaire. classement [klɑsmɑ̃] n. m. (de classer ; 1784, Courrier de l’Europe). 1. Action de ranger, de classer dans un certain ordre : Il se mit, ainsi qu’il disait, à faire un peu de classement (Daudet). Classement de fiches. ∥ 2. Manière de classer les objets, les personnes ; ordre dans lequel on les range : Classement trimestriel des élèves. Classement logique, alphabétique, chronologique. ∥ Spécialem. Rang dans lequel une personne est classée : Il n’a pas eu ce mois-ci un bon classement. ∥ 3. Décision administrative faisant rentrer quelque chose dans une catégorie soumise à une réglementation particulière : Classement comme monument historique, site protégé. ∥ 4. Décision judiciaire ou administrative mettant fin par un non-lieu à l’instruction d’une affaire. • SYN. : 1 rangement ; 2 classification. — CONTR. : 1 confusion, déclassement, désordre, fouillis (fam.). classer [klɑse] v. tr. (de classe ; 1756, Bordeu ; sens 4, 1866, Larousse ; sens 5, XXe s.). 1. Répartir par classes, par catégories : Ces signes nommés « envies » se réduisent à un petit nombre de types, qu’on peut classer d’après leur couleur et leur forme (France). ∥ 2. Assigner une place à quelqu’un ou à quelque chose dans une classe, une catégorie : Dans cette vie de Combray [...], chacun est à jamais classé suivant les revenus qu’on lui connaît, comme dans une caste indienne (Proust). Bientôt, son mal est classé et connu de tous (Alain). ∥ Par extens. Ranger au nombre de : Une jocaste, sujet hardi, classa Bertin parmi les audacieux (Maupassant). ∥ 3. Spécialem. Assigner définitivement une place, bonne ou mauvaise, à quelqu’un, selon l’opinion qu’on a de lui : Un mot heureux qu’elle [la Dauphine] dit tout d’abord fit fortune et la classa pour l’esprit (Sainte-Beuve). ∥ Absol. et péjor. Juger quelqu’un une fois pour toutes : Cet individu est classé. ∥ 4. Répartir dans un certain ordre : Un huissier classait la correspondance qui venait d’arriver (Maupassant). ∥ 5. Classer une affaire, en ranger le dossier, la considérer comme réglée ; spécialem., en justice, clore une affaire par un non-lieu : Le ministre de la Justice sera chez moi ce soir et votre affaire sera classée (Aymé). L’affaire de la rue Dailloud est-elle définitivement ou provisoirement classée ? (Romains). ∥ Classer une question, ne plus vouloir y revenir. • SYN. : 1 classifier, ranger ; 3 cataloguer (fam.), coter (fam.), étiqueter ; 4 ordonner, sérier, trier. — CONTR. : 4 brouiller, déclasser, déranger, mélanger, mêler. % se classer v. pr. (1866, Larousse). Avoir tel ou tel rang (dans un sens favorable) : Il s’est classé parmi les meilleurs nageurs. classeur, euse [klɑsoer, -øz] n. (de classer ; XXe s.). Personne qui classe des objets, des documents, etc. % classeur n. m. (1811, Archives des découvertes). Portefeuille, carton ou meuble de bureau divisé en compartiments, où l’on classe les papiers : Apportez-moi le facturier qui se trouve dans le classeur (Bourdet). • SYN. : cartonnier, chemise. % classeuse n. f. (XXe s.). Machine de bureau permettant de classer et d’endosser les chèques ou les pièces comptables et d’en totaliser les montants. classicisme [klasisism] n. m. (de classique ; 1823, Stendhal, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s.). 1. Doctrine des écrivains français du XVIIe s. et de leurs partisans, qui trouvent dans l’Antiquité gréco-latine leurs modèles et leurs sources d’inspiration (par opposition à romantisme) : Imiter aujourd’hui Sophocle et Euripide et prétendre que ces imitations ne feront pas bâiller les Français du XIXe siècle, c’est du classicisme (Stendhal). ∥ 2. Tendance artistique qui se caractérise par le sens des proportions, le goût des compositions équilibrées et stables, la recherche de l’harmonie des formes, une volonté de pudeur dans l’expression : On goûte dans l’oeuvre d’Ingres la pureté du classicisme. ∥ 3. Par extens. Caractère de ce qui fait preuve de qualités d’équilibre, de goût, d’harmonie en quelque domaine. classificateur, trice [klasifikatoer, -tris] adj. et n. (de classifier ; 1842, Acad.). Qui établit des classifications ; qui sait ranger par classes, par catégories : Le directeur général de la conscription était alors M. de downloadModeText.vue.download 30 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 744 Cessac, qui, méthodique et classificateur, avait dressé un tableau des préfets (France). % classificateur n. m. (XXe s.). Dans les exploitations minières, appareil qui, à la sortie d’un broyeur de minerai, sépare les particules trop grosses, pour les renvoyer dans la machine. classification [klasifikasjɔ̃] n. f. (de classifier ; 1752, Trévoux). 1. Action de répartir par classes, par catégories, selon un certain ordre ; résultat de cette action : Dans quelle classification pourra-t-on jamais faire entrer les ouvrages d’Aristophane ? (Musset). ∥ Spécialem. Répartition des espèces vivantes, animales et végétales, en catégories hiérarchisées, d’après leurs caractères communs : La classification de Linné. La classification périodique de Mendeleïev. ∥ 2. Système de classement : Ils étudièrent les nuages d’après la classification de Luke-Howard (Flaubert). • SYN. : 1 classement. classifier [klasifje] v. tr. (lat. scientif. classificare, de classis, classe, et facere, faire ; début du XVIe s., écrit clacyfier, au sens de « établir [un texte] d’après des classifications » ; sens actuel, 1787, Féraud). Répartir selon une classification méthodique : Le logicien s’efforce de classifier les connaissances humaines. • SYN. : cataloguer, classer, inventorier, répertorier. — CONTR. : brouiller, déclasser, embrouiller, mélanger, mêler. classique [klasik] adj. (lat. classicus, qui est de la première des cinq classes de citoyens romains, d’où « distingué » ; 1548, Sébillet, au sens de « [auteur] de premier rang » [sens 6] ; sens 1, 1611, Cotgrave ; sens 2, 1798, Acad. ; sens 3, début du XIXe s. ; sens 4, XVIIIe s. ; sens 5, 1863, Littré ; sens 7-8, 1866, Larousse). 1. Qui est à l’usage des classes : Auteur classique. Oxford présente [...] ses éditions classiques (Chateaubriand). ∥ Spécialem. Se dit de l’état d’une langue qui sert de base à l’enseignement dans les classes : Latin classique (par opposition à bas latin), arabe classique (par opposition à arabe parlé). ∥ 2. Qui appartient à l’Antiquité gréco-latine, considérée comme le fondement de la civilisation et de la culture : Je crois que, pour former un esprit, rien ne vaut l’étude des vieux humanistes français. Ce mot d’humanité, qui veut dire élégance, s’applique bien à la culture classique (France). ∥ Langues classiques, le grec et le latin. ∥ Enseignement classique, études classiques, ceux qui comportent l’étude du latin (par opposition à moderne) : Après avoir terminé mes études classiques dans la maison dirigée si brillamment par M. Dupanloup (Renan). ∥ Inspiré par l’art de l’Antiquité gréco-latine : Sculpture, peinture classique. ∥ 3. Qui est propre aux grands écrivains et artistes français du XVIIe s. et à leur époque (par opposition à romantique ou à baroque) : La nation française, la plus cultivée des nations latines, tend vers la poésie classique, imitée des Grecs et des Romains (Staël). Le théâtre classique. Le vers classique. ∥ 4. Spécialem. Musique classique, celle qui appartient à la période dominée par J.-S. Bach ; se dit aussi des oeuvres musicales d’inspiration élevée, par opposition à musique légère, de variétés, etc. ∥ École classique, en économie politique, nom donné aux économistes anglais et français considérés comme les fondateurs de l’économie politique en tant que science (dernier quart du XVIIIe s., première moitié du XIXe s.). ∥ 5. Par extens. Inspiré par les qualités de goût, d’équilibre, de mesure de l’école classique : Prétendre qu’il goûtait les belles proportions des hôtels qui dressaient leurs ordres classiques entre cour et jardin, ce serait trop dire (France). L’art classique dit au poète : tu ne sacrifieras point aux idoles, qui sont les beautés du détail (Valéry). ∥ 6. Considéré comme un modèle du genre : L’ouvrage de ce médecin, de ce jurisconsulte est devenu classique (Acad.). Cette île fameuse [l’Angleterre], cette terre classique des amis de la liberté (Mirabeau). ∥ Par extens. Qui est conforme à un modèle, à un ensemble de règles considéré comme idéal : Beauté classique. ∥ 7. Qui ne s’écarte pas des usages établis : Nous nous félicitons de ne voir dans la rue que des gens vêtus d’une manière classique (Loti). ∥ 8. Qui est conforme à ce qu’on a l’habitude de voir, de penser, de faire : Des lauriers-roses et des fusains s’étiolaient dans leurs classiques caisses vertes (Daudet). Enfin Bourdillon le fit entrer dans son bureau, bureau nettement classique, avec ses vitres genre vitraux moyenâgeux, ses photos jaunies de personnages à favoris (Montherlant). ∥ Fam. Ordinaire, inévitable : Attitude, réflexe classique. ∥ C’est le coup classique !, c’est ce qui ne manque pas d’arriver. • SYN. : 7 courant, habituel ; 8 conventionnel, rituel, traditionnel. — CONTR. : 7 excentrique, extraordinaire, extravagant, singulier ; 8 bizarre, original, unique. % n. m. 1. Auteur, ouvrage étudié dans les classes : Une collection de classiques. ∥ 2. Auteur de l’Antiquité grecque et latine. ∥ 3. Auteur, artiste du XVIIe s., ou partisan de la doctrine classique (par opposition à romantique) : Salut, jeunes champions d’une cause, | Classiques bien rasés à la face vermeille (Musset). ∥ 4. Le classique, l’art classique ; spécialem., la musique classique : Jouer du classique. ∥ 5. Écrivain, artiste, ouvrage qui fait autorité et peut servir de modèle : Un vrai classique, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus (Sainte-Beuve). % n. f. et adj. (1910, G. Esnault). Épreuve sportive d’un intérêt consacré par la tradition : Bordeaux-Paris est l’une des classiques du cyclisme sur route. classiquement [klasikmɑ̃] adv. (de classique ; 10 juin 1826, le Globe). 1. De façon classique : Une bande d’écoliers [...] les saluait classiquement de quelques huées en latin (Hugo). ∥ 2. Selon les usages reçus : Un poète méridional, classiquement chevelu (Colette). clastique [klastik] adj. (du gr. klastos, brisé ; début du XIXe s.). 1. Se dit de pièces d’anatomie artificielles démontables. ∥ 2. Roche clastique, roche formée de débris d’autres roches, comme le sable, le grès. clatir [klatir] v. intr. (var. de glatir, du lat. glattire, japper ; 1690, Furetière). Vx. En parlant d’un chien qui poursuit du gibier, redoubler ses aboiements. claudicant, e [klodikɑ̃, -ɑ̃t] adj. (du lat. claudicare, boiter ; XIVe s., B. de Gordon). Littér. Qui boite ; qui révèle la boiterie : Il entrait dans le cabinet de son pas claudicant (Tharaud). C’était un petit avorton au teint allumé, à l’oeil fripon, à la démarche claudicante (Gide). claudication [klodikasjɔ̃] n. f. (lat. claudicatio, de claudicare, boiter ; XIIIe s., Godefroy). Action de boiter. • SYN. : boitement, boiterie. claudiquer [klodike] v. intr. (lat. claudicare, boiter, de claudus, boiteux, ou forgé en français sur claudicant ; v. 1880, Huysmans). Littér. Boiter : Ravagé par le rhumatisme, il claudiquait, se traînait sur une canne (Huysmans). • SYN. : boitiller, clocher (fam.), clopiner (fam). clause [kloz] n. f. (lat. médiév. clausa, part. passé fém. substantivé de claudere, clore, qui a pris les sens du lat. class. clausula, fin de phrase, de vers, conclusion, clause ; v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence, au sens de « vers, ligne » ; XIVe s., Girart de Roussillon, au sens de « conclusion » ; sens actuel, v. 1464, Maistre Pierre Pathelin). Disposition particulière d’un acte juridique : Je le tiens, ce contrat dactylographié, et je le relis pour la dixième fois, dans la crainte d’y découvrir, entre ses quinze lignes brèves, le piège caché, la clause louche (Colette). ∥ Clause de style, clause qu’il est d’usage d’inscrire dans tous les actes de même nature ; par extens., formule dont on fait usage par habitude, mais qui est sans importance. • SYN. : condition, convention, modalité, stipulation. claustral, e, aux [klostral, -o] adj. (lat. médiév. claustralis, de claustrum, cloître ; 1471, Godefroy). 1. Propre au cloître : Discipline claustrale. Les biens partagés en divers lots [...] prirent le nom [...] de bénéfices manuels, simples, claustraux (Chateaubriand). ∥ 2. Qui rappelle le cloître : Qui de nous, en ces temps d’adodownloadModeText.vue.download 31 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 745 lescences pâles, | N’a connu la torpeur des fatigues claustrales (Baudelaire). Le chant des cigales, quelques gammes de piano animent seuls le silence claustral (Daudet). • SYN. : monacal, monastique. % claustraux adj. et n. m. pl. (1866, Larousse). Bâtiments claustraux, ou simplem. claustraux, bâtiments dépendant d’un cloître et comprenant le cloître lui-même. claustration [klostrasjɔ̃] n. f. (de claustral ; 7 avr. 1791, Journ. de Paris, au sens médic. de « internement » ; sens 1, 1866, Larousse ; sens 2, 1842, J.-B. Richard de Radonvilliers). 1. Action d’enfermer dans un cloître ; état qui en résulte ; vie du cloître : Les moines vivent dans la claustration. Les claustrations ont fait leur temps (Hugo). Il avait ainsi les avantages de la claustration et il en évitait les inconvénients (Huysmans). ∥ 2. Par extens. Etat de celui qui est enfermé dans un lieu clos, loin du monde : Je profiterai des loisirs que me vaut cette claustration forcée pour [...] raconter comment je fus amené à m’occuper de Gertrude (Gide). claustrer [klostre] v. tr. (de claustral ; 1866, Larousse, au sens 1 ; sens 2 et v. pr., 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). 1. Littér. et vx. Enfermer dans un cloître : Un rigide silence de moines claustrés (Huysmans). ∥ 2. Littér. Enfermer dans un lieu clos, isolé, loin du monde. % se claustrer v. pr. Littér. S’enfermer, s’isoler du monde : Je me claustre dans mon jardin (Goncourt). • SYN. : se claquemurer, se confiner. claustrophobie [klostrofɔbi] n. f. (de claustro-, élément tiré de claustrer, et de phobie, du gr. phobos, crainte ; 1896, Th. Ribot). Crainte morbide des espaces fermés. clausule [klozyl] n. f. (lat. clausula [v. CLAUSE], de claudere, clore ; 1541, Calvin). Dernier membre d’un vers, d’une strophe, d’une période oratoire : Les clausules cicéroniennes. clavaire [klavɛr] n. f. (du lat. clava, massue, d’après la forme du champignon ; 1793, Nemnich). Champignon des bois, généralement comestible, qui développe des fructifications rameuses. 1. claveau [klavo] n. m. (de clef, lat. clavis ; 1380, Godefroy). Pierre taillée en forme de coin, servant à la construction d’un arc, d’une voûte, de la partie supérieure d’une baie. (Syn. CLEF DE VOÛTE.) 2. claveau [klavo] n. m. (lat. impér. clavellus, dimin. de clavus, clou, d’après la forme des pustules de la clavelée ; XIIIe s., Lapidaire de Cambridge, écrit clavel, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Syn. de CLAVELÉE. ∥ 2. Matière purulente qui se forme dans les boutons de la clavelée et qu’on emploie comme vaccin. clavecin [klavsɛ̃] n. m. (du lat. médiév. clavicymbalum [de clavis, clé, et de cymbalum, cymbale], proprem. « cymbale à clavier », par apocope de la finale ; 1611, Cotgrave, écrit clavessin). Instrument à clavier et à cordes pincées, dont l’apparence est celle d’un piano : Laissant errer comme par distraction [...] mes doigts sur le clavecin, je couvrais ainsi ma conversation futile (Sainte-Beuve). claveciniste [klavsinist] n. (de clavecin ; 1694, Regnard). Personne qui joue du clavecin. clavelé, e adj. V. CLAVELEUX, EUSE. clavelée [klavle] n. f. (de clavel, forme anc. de claveau 2 ; v. 1464, Maistre Pierre Pathelin). Maladie contagieuse des bêtes à laine, analogue à la variole, caractérisée par une éruption de pustules sur la peau et les muqueuses. (On l’appelle aussi CLAVEAU, VARIOLE DU MOUTON.) claveleux, euse [klavlø, -øz] adj. (de clavel, forme anc. de claveau 2 ; 1448, Godefroy). 1. Qui a rapport à la clavelée : Éruption claveleuse. ∥ 2. Atteint de clavelée : Moutons claveleux. (En ce sens, on dit aussi CLAVELÉ, E.) clavetage [klavtaʒ] ou clavettage [klavɛtaʒ] n. m. (de claveter ; 1922, Larousse, au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Opération par laquelle on rend deux pièces de machine solidaires au moyen de clavettes. ∥ 2. En chirurgie, opération qui consiste à introduire un greffon osseux, formant clavette, entre le tibia et l’astragale. claveter [klavte] ou clavetter [klavɛte] v. tr. (de clavette ; 1877, Littré, au part. passé et au sens de « pourvu de clavettes » ; claveter, au sens actuel, 1907, Larousse). [Conj. 4 a.] Fixer au moyen d’une clavette. clavette [klavɛt] n. f. (de clef, lat. clavis ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens de « petite clé » ; sens actuel, 1611, Cotgrave). Petite cheville métallique, que l’on enfonce à force dans la mortaise d’une pièce pour l’assujettir, ou entre deux pièces mécaniques pour les rendre solidaires. clavicorde [klavikɔrd] n. m. (du lat. clavis, clef, et de chorda, corde ; 1514, Gay, écrit clavicordium ; forme actuelle, 1803, Boiste). Instrument de musique formé d’une boîte rectangulaire posée sur une table et tendue de cordes que frappent des lames de laiton : Le clavicorde doit être tenu pour l’ancêtre du piano. claviculaire [klavikylɛr] adj. (de clavicule ; v. 1560, Paré). Relatif à la clavicule. clavicule [klavikyl] n. f. (lat. clavicula, petite clef, d’après la forme de l’os ; 1541, J. Canappe). Os en forme d’S allongé, joignant le sternum à l’épaule : Un coup de feu venait de lui casser la clavicule (Hugo). clavier [klavje] n. m. (de clef, lat. clavis ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens de « portier, porte-clefs » ; sens 1-2, 1564, J. Thierry ; sens 3, 1866, Larousse ; sens 4, 1794, Acad. ; sens 5, début du XVIIIe s., J.-B. Rousseau). 1. Vx. Anneau auquel on attachait des clefs : Dame Barbe, toutes ses clefs pendues sur le côté à un clavier d’argent fin (Daudet). ∥ Spécialem. Chaîne pour attacher les ciseaux : Depuis, elle le tint à distance avec la pointe des ciseaux pendus à sa ceinture par un clavier d’argent (Daudet). ∥ 2. Ensemble des touches, primitivement nommées « clefs », servant à produire, sous la pression des mains ou des pieds, le son, dans certains instruments de musique à cordes (clavecin, piano) ou à vent (orgue, harmonium, accordéon) : Je m’asseyais devant le clavier auprès d’elle (Gide). ∥ 3. Ensemble des touches qui, sous la pression des doigts, permettent d’actionner certains appareils ou certaines machines : Clavier de machine à écrire, de machine à calculer, de Linotype. ∥ 4. Par extens. Ensemble des notes qu’un instrument de musique, une voix peuvent émettre : Il savait que le souvenir même du piano faussait le plan dans lequel il voyait les choses de la musique, que le champ ouvert au musicien n’est pas un clavier mesquin de sept notes, mais un clavier incommensurable (Proust). ∥ 5. Fig. Ensemble des ressources, des possibilités que l’on détient dans un domaine donné et dont on peut user tour à tour : Le clavier des sensations, des sentiments. C’était trop beau [...], à moins qu’il n’ait réellement un clavier de relations très étendu et qu’il le possède assez pour voir tout de suite sur quelle touche il va appuyer (Romains). ∥ Absol. Ensemble des moyens dont dispose un artiste ; étendue de son talent : Poète qui a un riche clavier. • SYN. : 4 étendue, portée ; 5 gamme. clayère [klɛjɛr] n. f. (de claie ; 1856, Lachâtre). Parc à huîtres entouré de claies, recouvert à marée haute. clayette [klɛjɛt] n. f. (de claie ; 1863, Littré). 1. Petite claie. ∥ 2. Syn. de CAGEOT. • SYN. : clayon, clisse, éclisse. claymore [klɛmɔr] n. f. (angl. claymore, du celt. claidheamh-mor, grande épée ; 1804, Mackenzie). Épée écossaise à lame longue et large, qu’on maniait à deux mains, en usage du XIVe au XVIe s. clayon [klɛjɔ̃] n. m. (de claie ; 1328, Godefroy, écrit claon [clayon, 1642, Oudin], au sens 3 ; sens 1, 1680, Richelet ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. Petite claie servant à faire égoutter les fromages, à faire sécher des fruits, à supporter des pâtisseries, du pain : Juste au-dessous du clayon où l’on dépose le pain de la semaine, une massive table de hêtre où le couvert est déjà mis (Theuriet). ∥ 2. Brin de bois flexible entrant dans la construction des clayondownloadModeText.vue.download 32 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 746 nages. ∥ 3. Élément de clôture d’un parc à moutons. • SYN. : 1 clayette, clisse, éclisse. clayonnage [klɛjɔnaʒ] n. m. (de clayon ; 1694, Th. Corneille). 1. Claie de pieux et de branchages pour soutenir des terres, fermer un passage : Un clayonnage en partie arraché (Romains). ∥ 2. Action, manière de préparer cet ouvrage : Il était surnuméraire aux corvées de clayonnage (Dorgelès). clayonner [klɛjɔne] v. tr. (de clayon ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Garnir de clayonnages le talus d’un fossé, d’une route, etc. clé n. f. V. CLEF. clearing [kliring] n. m. (de l’angl. clearing-house, chambre de compensation ; 1948, Larousse [clearing-house, 1833, M. Chevalier]). En matière d’opérations financières ou commerciales, compensation. ∥ Accord de clearing, convention en vue du règlement des dettes conclue entre deux pays dont l’un pratique un strict contrôle des changes. cleb [klɛb] ou clebs [klɛps] n. m. (ar. maghrébin kleb, chien [ar. class. kalb] ; cleb, 1863 [clebs, 1928], au sens 1, et 1914, au sens 2, G. Esnault). 1. Pop. Chien : On aurait dit un cleb échappé de la fourrière (Rosny). [On dit aussi CLÉBARD.] ∥ 2. Arg. mil. Caporal. clef ou clé [kle] n. f. (lat. clavis ; 1080, Chanson de Roland, au sens I, 1 ; sens I, 2, XIIIe s. ; sens I, 3, II et III, 4, 1680, Richelet ; sens I, 4, et III, 2, XVIe s. ; sens III, 1, 1401, Havard ; sens III, 3, 1690, Furetière ; sens III, 5, XXe s. ; sens III, 6, XIIIe s., Villard de Honnecourt [clé de voûte, 1549, R. Estienne]). I. 1. Pièce métallique qu’on enfonce et tourne dans une serrure pour manoeuvrer le mécanisme permettant de l’ouvrir ou de la fermer : Une clef se compose ordinairement de quatre parties : l’anneau, la boucle, la tige et le panneton. Il ouvrit avec une clef longue pour le moins d’une aune (France). Donner un tour de clef. ∥ Fermer une porte à clef, la fermer en donnant un ou plusieurs tours de clef. ∥ Laisser la clef sur la porte, la laisser dans la serrure. ∥ Fausse clef, clef utilisée pour ouvrir une serrure dont on n’a pas la véritable clef. ∥ Vx. Les clefs d’une ville, les clefs qui en ouvraient les portes, ou qui, plus souvent, étaient le symbole de sa possession. ∥ Remettre, présenter les clefs d’une ville, la livrer à l’ennemi : Il remettrait les clefs de ses meilleures villes (Flaubert). ∥ Sous clef, en un lieu fermé à clef : Mettre des papiers sous clef ; appliqué à une personne, en prison : Mettre un voleur sous clef. ∥ Mettre la clef sous la porte, déménager furtivement, abandonner un lieu : Il ne faut pas mettre la clef sous la porte du manoir (Gautier). ∥ Louer une maison clefs en main, la louer avec le droit d’occuper immédiatement les locaux. ∥ La clef des champs, v. CHAMP. ∥ Clef d’or, l’argent, considéré comme moyen de corruption et d’influence : Les députés commençaient à envier la clef d’or du président du conseil (France). ∥ Spécialem. Les clefs du royaume des cieux, les clefs du paradis. ∥ Le pouvoir des clefs, le pouvoir donné par Jésus aux Apôtres, par l’Église aux prêtres, d’ouvrir l’accès au paradis en déliant les fidèles de leurs péchés. ∥ Clefs de saint Pierre, pouvoir spirituel du SaintSiège ; en iconographie, représentation symbolique par des clefs de ce pouvoir : La tiare, les clefs, la barque et le tramail | Blasonnent en reliefs d’un somptueux travail (Heredia). ∥ 2. Fig. Point stratégique, position qui ferme, commande un passage : Cette position est la clef des défilés. ∥ 3. Fig. Ce qui permet d’accéder à quelque chose : À Paris, le succès est tout, c’est la clef du pouvoir (Balzac). ∥ 4. Fig. Ce qui permet d’accéder à la compréhension de quelque chose : J’avais souvent pensé à cette énigme [...]. J’en eus la clef il y a huit ans (Renan). ∥ Clef du chiffre, en cryptographie, convention permettant de chiffrer ou de déchiffrer un texte. ∥ Ouvrage, livre à clef, celui qui met en scène, sous des noms supposés, des événements, des personnages réels. ∥ Les clefs d’un ouvrage, ce qui permet d’identifier les personnages réels : L’auteur a beau se défendre, jurer ses grands dieux que son roman n’a pas de clefs, chacun lui en forge au moins une, à l’aide de laquelle il tend à ouvrir cette serrure à combinaison (Daudet). II. En musique, signe inscrit au début de la portée, qui indique le nom de la note placée sur la ligne qu’il occupe et, par conséquent, le nom et la hauteur des autres notes : Clefs de « fa », de « sol », d’ « ut ». J’adore votre musique, M. Dodd ! Je sais par coeur votre symphonie en trois clefs (Giraudoux). ∥ À la clef, se dit des altérations placées à droite de la clef et qui étendent leur effet à toute la portée : Trois dièses à la clef ; au fig., se dit des faits qui accompagnent nécessairement et par voie de conséquence une situation donnée : Nous nous hâtions d’achever le travail, il y avait une récompense à la clef. III. 1. Instrument servant à ouvrir ou à fermer : Clef de robinet, clef de poêle. Clef à ouvrir les boîtes de conserve. ∥ Clef de barrage, clef composée d’une tige à évidement carré et d’une traverse mobile, utilisée pour ouvrir une bouche d’incendie, une plaque d’égout. ∥ 2. Spécialem. Dans les instruments à vent, mécanisme qui commande les trous réglant le volume de la colonne d’air : Le son se divise sous les clefs d’une flûte (Balzac). ∥ 3. Pièce d’un instrument, d’un ensemble, servant à serrer : Clef d’un pressoir. ∥ Spécialem. Cheville servant à tendre les cordes d’un instrument de musique : Clef de violon. ∥ Clef d’une montre, d’une horloge, instrument servant à en remonter le ressort. ∥ 4. Outil utilisé pour serrer ou desserrer écrous et boulons, pour monter ou démonter certaines pièces. ∥ Clef plate, clef à ouverture fixe. ∥ Clef anglaise, à molette, universelle, clef à ouverture variable. ∥ 5. Nom de certaines prises de lutte libre consistant à tordre ou à enserrer un membre de l’adversaire : On lui fit une clef qui lui arracha un cri de douleur. ∥ 6. Clef de voûte, en architecture, pierre taillée en coin qui occupe le centre d’une voûte ou d’un arc et qui maintient en équilibre les autres pierres ; au fig., partie essentielle dont dépend tout l’équilibre d’un système, d’un raisonnement : Le cogito est la clef de voûte de la philosophie cartésienne. J’abrège et je mutile atrocement cette déduction qu’il refait et corrige ou développe dans ses grands ouvrages successifs ; et parfois la remanie sous l’aiguillon des critiques et des objections qui n’ont pas manqué de s’en prendre à cette clef de voûte de son système (Valéry). % adj. (XXe s.). Se dit de ce qui conditionne un ensemble de choses ; capital, essentiel. ∥ Position, situation clef, ce qui commande toute une branche de l’activité économique, politique, etc. ∥ Industrie clef, branche de l’activité industrielle dont dépendent de nombreux centres industriels. • REM. 1. Clef est l’orthographe de l’Académie, qui admet cependant clé, très usité. 2. On peut dire : La clef est à la porte ou sur la porte. clématite [klematit] n. f. (lat. clematitis, gr. klêmatitis, de klêma, sarment ; 1559, Mathée, écrit clématide ; clématite, 1572, J. Des Moulins). Plante grimpante de la famille des renonculacées, à fleurs blanches, bleues ou violettes, poussant dans les bois et les haies : Une trentaine de masures séparées par des jardins, par des haies de chèvrefeuille, de jasmin et de clématite (Balzac). clémence [klemɑ̃s] n. f. (lat. clementia ; fin du IXe s., Cantilène de sainte Eulalie, écrit clementia ; clémence, v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Vertu qui porte à épargner le coupable ou à atténuer son châtiment : « Le roi a pardonné à tout le monde. — La clémence est vertu royale » (Dumas père). ∥ 2. Fig. En parlant du climat, caractère doux : Clémence de la température. Il faisait observer sans cesse à ses disciples que la clémence du temps est plus sûre que celle des hommes (France). • SYN. : 1 bienveillance, indulgence, magnanimité, mansuétude, miséricorde ; 2 douceur. — CONTR. : 1 cruauté, dureté, downloadModeText.vue.download 33 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 747 inclémence, sévérité ; 2 âpreté, rigueur, rudesse. clément, e [klemɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. clemens, -entis ; 1213, Fet des Romains, au sens 1 ; sens 2-3, 1863, Littré). 1. Se dit d’une personne qui agit avec clémence, qui est portée à oublier les fautes, les offenses : Dieux ! Elle a pardonné, clémente autant que belle (Verlaine). ∥ 2. Se dit des paroles, des actes inspirés par la clémence : Je ferai savoir | Comment il advint qu’une âme des plus égarées, | Grâce à ces regards cléments de votre gloire tendre, | Revint au bercail des Innocences ignorées (Verlaine). ∥ Exempt de rigueur : Les traits de son visage, jadis frais et rose, avaient été grossis par une petite vérole assez clémente pour n’y point laisser de trace, mais qui avait détruit le velouté de la peau (Balzac). ∥ Spécialem. Se dit du climat, des éléments : Ô nef inébranlable aux flots comme aux rafales | Qui, sous le ciel noir ou clément [...], Voguais victorieusement (Leconte de Lisle). • SYN. : 1 bienveillant, généreux, indulgent, magnanime, miséricordieux. — CONTR. : 1 cruel, dur, inclément, inexorable, inflexible, sévère. clémentine [klemɑ̃tin] n. f. (du n. du P. Clément, qui créa le fruit en 1902). Variété de mandarine, mûrissant dès novembre. clenche [klɑ̃ʃ] n. f. (anc. francique *klinka, même sens ; XIIIe s., Rutebeuf). Pièce principale d’un loquet de porte, qui vient s’engager dans le mentonnet, fixé sur le chambranle. clenchette [klɑ̃ʃɛt] n. f. (dimin. de clenche ; 1863, Littré). Syn. de CLENCHE. clephte n. m. V. KLEPHTE. clepsydre [klɛpsidr] n. f. (lat. clepsydra, mot gr., de kleptein, voler, et hudôr, eau [le récipient inférieur « volant » l’eau du récipient supérieur] ; XIVe s., Godefroy, écrit clepsidre ; clepsydre, 1611, Cotgrave). Horloge antique, d’origine égyptienne, qui mesurait le temps par écoulement régulier de l’eau : La pendule, le sablier, la clepsydre donnent des heures abstraites, sans forme, sans visage (Maeterlinck). cleptomane ou kleptomane [klɛptɔman] n. (de cleptomanie ; fin du XIXe s.). Personne qui a la manie de voler : On l’a relâchée tout de suite, on a dit qu’elle était cleptomane (Martin du Gard). cleptomanie ou kleptomanie [klɛptɔmani] n. f. (du gr. kleptein, voler, et de manie ; 1er nov. 1872, M. Du Camp, dans Revue des Deux Mondes). Manie qui pousse certaines personnes à voler. clerc [klɛr] n. m. (lat. ecclés. clericus, de clerus, clergé, gr. klêros, proprem. « lot reçu par héritage » [trad. de l’hébreu na’ala, mot par lequel Dieu se déclare l’héritage des Lévites], d’où « les chrétiens » et spécialem. « le clergé » ; Xe s., Vie de saint Léger, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1596, Hulsius ; sens I, 3, v. 1160, Benoît de Sainte-Maure ; sens II, v. 1283, Beaumanoir). I. 1. Celui qui, en recevant la tonsure, est entré dans l’état ecclésiastique : Le séminaire, la pépinière où se forment les jeunes clercs (Renan). ∥ Vx. Parler latin devant les clercs, parler, devant certaines personnes, de choses dont elles sont mieux instruites que vous. ∥ 2. Vx. Celui qui étudie pour devenir ecclésiastique. ∥ 3. Vx et littér. Personne qui se consacre aux activités de l’esprit : La Trahison des clercs (titre d’un ouvrage de J. Benda). ∥ Auj. Personne instruite (employé plaisamment dans des loc.). ∥ Être grand clerc en..., être très versé en telle matière. ∥ Je ne suis pas grand clerc en la matière, je n’y connais pas grand-chose. II. Employé qui travaille dans l’étude d’un officier public ou ministériel (notaire, avoué, huissier) : Le clerc de l’huissier, qui passait sur la grand-route, nutête et en chaussons, s’arrêtait à l’écouter (Flaubert). ∥ Premier clerc, le principal collaborateur d’un officier ministériel. ∥ Vx. Petit clerc, jeune employé chargé des menus travaux et des commissions. ∥ Pas de clerc, faute, maladresse due à l’inexpérience : Il se trouve qu’il n’y a pas eu conspiration, cependant les têtes étaient coupées : voilà un furieux pas de clerc (Courier). Il en venait donc à douter s’il n’avait pas fait un pas de clerc en emmenant avec lui ces deux êtres qu’il n’avait réunis, semblait-il, que pour les liguer contre lui (Gide). • SYN. : I, 1 ecclésiastique ; 2 séminariste ; 3 intellectuel, lettré, savant. % adj. m. (XVe s., La Curne). Class. Instruit : Un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue | Qu’il fallait dévouer ce maudit animal (La Fontaine). clergé [klɛrʒe] n. m. (lat. ecclés. clericatus, de clericus [v. CLERC] ; Xe s., Vie de saint Léger). Ensemble des ecclésiastiques d’une religion, d’un pays, d’une ville, d’une paroisse, etc. : Clergé anglican, bouddhique. Le clergé et le peuple de son Église lui envoyèrent une somme d’argent pour sa rançon (Chateaubriand). ∥ Spécialem. L’ensemble des prêtres catholiques : L’hommage d’un membre du clergé, c’était presque l’hommage de cette noblesse rurale (France). ∥ Clergé régulier, ensemble des membres du clergé appartenant à des ordres religieux. ∥ Clergé séculier, ensemble des prêtres desservant les paroisses, qui vivent dans le monde : J’estime que le clergé séculier suffit à l’Église de France pour gouverner et administrer les âmes (France). clergeon [klɛrʒɔ̃] n. m. (de clerc [avec un -g- dû à l’influence de clergé] ; v. 1160, Wace, au sens de « petit clerc » [ecclésiastique] ; sens 1, XIVe s., Miracles de Nostre-Dame ; sens 2, 1622, Sorel). 1. Fam. Enfant de choeur : Et les petits clergeons de la maîtrise qui passaient graves, les bras croisés sous leurs camails fourrés d’hermine, laissant traîner sur les dalles les longues queues de leurs soutanes (Daudet). Tous purent entendre [...] les sanglots étouffés des clergeons (Bernanos). ∥ 2. Class. Petit clerc de procureur : Je n’étais point clergeon de procureur (Sorel). clergie [klɛrʒi] n. f. (de clerc [avec un -gdû à l’influence de clergé] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure). 1. Vx et littér. Instruction, science digne d’un clerc : Lorsque sa clergie était en défaut, les lucides explications qu’il donnait de mon ignorance paraissaient plus profitables (Bloy). Son habit percé ne décelait ni sens ni clergie (France). ∥ Bénéfice, privilège de clergie, privilège qui exemptait de la peine de mort le condamné ayant un certain degré d’instruction ; privilège en vertu duquel les clercs, les maîtres et étudiants de l’Université de Paris étaient jugés par les tribunaux ecclésiastiques : Une juridiction qui ne s’arrête pas devant le bénéfice de clergie (Hugo). ∥ 2. État de clerc. clergyman [klɛrʒiman] n. m. (mot angl. ; 1818, Mackenzie, au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Ministre protestant anglo-saxon : L’énorme cravate blanche de clergyman qui lui sanglait le cou (Daudet). ∥ 2. Habit de clergyman, vêtement ecclésiastique se rapprochant du costume civil et adopté par les prêtres catholiques. • Pl. des CLERGYMEN [-mɛn]. clérical, e, aux [klerikal, -o] adj. (lat. ecclés. clericalis, de clericus [v. CLERC] ; XIVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, début du XIXe s.). 1. Propre au clergé, à l’état ecclésiastique : L’éducation cléricale a une supériorité sur l’éducation universitaire, c’est sa liberté en tout ce qui ne touche pas à la religion (Renan). Je ne sais quelle onction cléricale de son geste et de sa voix (Gide). ∥ 2. Qui se rapporte au cléricalisme : Le parti clérical. % n. m. et adj. (1863, Littré). Partisan du cléricalisme : Je crains un retour offensif des cléricaux. Les circonstances favorisent la réaction (France). cléricalement [klerikalmɑ̃] adv. (de clérical ; 1517, Godefroy). 1. À la façon des clercs. ∥ 2. Selon l’esprit clérical. cléricalisme [klerikalism] n. m. (de clérical ; 1855, d’après Block, 1863). Opinion, tendance de ceux qui sont favorables à l’intervention de l’Église dans le domaine temporel, et spécialement à celle du clergé dans le domaine politique : Les interminables catéchismes de ses filles l’avaient fait noter de cléricalisme dans les bureaux du ministère (France). • CONTR. : anticléricalisme. downloadModeText.vue.download 34 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 748 cléricature [klerikatyr] n. f. (lat. médiév. clericatura, de clericus [v. CLERC] ; 1429, Godefroy, au sens I ; sens II, fin du XVIIIe s.). I. État, condition des clercs, des ecclésiastiques : Ce fut à cette époque que mon frère, suivant toujours ses projets, prit le parti de me faire agréger à l’ordre de Malte. Il fallait pour cela me faire entrer dans la cléricature : elle pouvait m’être donnée par M. Courtois de Pressigny, évêque de Saint-Malo (Chateaubriand). Ces communautés devinrent des écoles de cléricature (Renan). II. État, condition des clercs de notaire, d’avoué, etc. : Les dossiers sont si vieux qu’ils ont de la barbe, en style de cléricature (Balzac). clérouque [kleruk] n. m. (gr. klêroukhos, de klêros, lot, et ekhein, avoir ; 1866, Larousse). Colon grec qui restait citoyen de la mère patrie. clérouquie [kleruki] ou clérouchie [kleruʃi] n. f. (gr. klêroukhia, de klêroukhos [v. CLÉROUQUE] ; 1877, Littré). Colonie de clérouques. 1. clic ! [klik] interj. Onomatopée exprimant le bruit sec d’un déclic. 2. clic ou click [klik] n. m. (onomatop. ; XXe s.). 1. En acoustique, son ou bruit d’une durée très brève. ∥ 2. En phonétique, sensation auditive provoquée par des sons transitoires très brefs : Les phonèmes inspirés ou clics sont très rares (Vendryes). clic-clac [klikklak] n. m. invar. (onomatop. par redoublement, avec alternance i/a du type cric-crac, flic-flac, etc. ; 1836, Landais [déjà au Moyen Age, au sens de « c’est fini »]). Bruit de claquement sec et répété : L’action se déroula, toujours la même, égayée par les bourrades de la servante, par son tutoiement et le clic-clac de ses gifles (Huysmans). • REM. En tant qu’onomatopée, s’écrit sans trait d’union : Le fouet fait « clic clac ». Mais, pris substantivement, il s’écrit avec un trait d’union : Le clic-clac du fouet. clichage [kliʃaʒ] n. m. (de clicher 1 ; 1809, Wailly). Action de clicher. cliche [kliʃ] n. f. (d’une onomatop. clitch-, évoquant la diarrhée, ou déverbal de clicher 2 ; 1836, Landais). Pop. Diarrhée : Avoir la cliche. cliché [kliʃe] n. m. (part. passé substantivé de clicher 1 ; 1809, Wailly, au sens 1 ; sens 2-3, 1866, Larousse). 1. Planche métallique plane ou cintrée, portant en relief la reproduction d’une composition typographique et des illustrations qui l’accompagnent, en vue de l’impression. ∥ 2. Négatif d’une photographie, servant à tirer les épreuves positives : Octave n’allait pas [en photographie] au-delà du cliché (Chardonne). ∥ 3. Fig. et péjor. Idée, expression trop souvent répétée : Ajoutez à cela un style tout neuf roulant l’imprévu, un style d’où tout cliché est banni, et qui, par l’originalité voulue de la phrase et de l’image, interdit toute banalité à la pensée (Daudet). • SYN. : 3 banalité, lieu commun, poncif. 1. clicher [kliʃe] v. tr. (de clitch-, onomatop. évoquant le bruit que faisait la matrice en s’abattant sur le métal en fusion ; fin du XVIIIe s., d’après Boiste, 1803). Préparer un cliché en coulant un alliage métallique dans une empreinte prise sur la forme typographique. 2. clicher [kliʃe] v. intr. (de clitch-, onomatop. évoquant le défaut de prononciation des gens qui clichent ; 1836, Landais). Prononcer défectueusement les chuintantes en expirant l’air sur les côtés de la langue. clicherie [kliʃri] n. f. (de clicher 1 ; 1866, Larousse). Atelier de clichage. clicheur [kliʃoer] n. et adj. m. (de clicher 1 ; 1835, Acad.). Ouvrier qui procède aux opérations de clichage. click n. m. V. CLIC. client, e [klijɑ̃, -ɑ̃t] n. (lat. cliens, -entis, protégé d’un personnage important ; 1437, Coutumes d’Anjou et du Maine, au sens II, 1 ; sens I, 1-2, 1539, R. Estienne ; sens II, 2, 1826, Castellane ; sens II, 3, 1878, G. Esnault). I.1.Dans la Rome antique, citoyen pauvre qui se plaçait sous la protection d’un personnage puissant, dit « patron » : Si les clients sont rattachés à la cité, ce n’est pas par l’intermédiaire de leurs chefs patriciens (Fustel de Coulanges). ∥ 2. Vx. Personne qui se place sous la protection et la dépendance d’une autre : Suivis seulement de quelques clients dévoués, ils [les bâtards d’Alphonse XI] coururent se réfugier dans le château de Marin (Mérimée). II. 1. Personne qui, contre paiement d’une rétribution, réclame les services d’une autre : Client d’un notaire, d’une banque. ∥ Client d’un homme d’affaires, d’un homme de loi, d’un avocat, personne qui lui confie ses intérêts et le charge de les défendre. ∥ Client d’un médecin, d’un dentiste, celui qui confie sa santé à un praticien : LE DOCTEUR : Mais comment connaissez-vous les revenus de vos clients ? — KNOCK : Pas par les agents du fisc, croyez-le (Romains). ∥ 2. Personne qui achète quelque chose à une autre : Les clients, noble terme alors appliqué par les détaillants à leurs pratiques (Balzac). Client de passage. ∥ Spécialem. Celui, celle qui se fournit régulièrement chez le même commerçant, recourt habituellement aux services du même artisan, etc. : Être client d’une boulangerie, d’un tailleur. ∥ 3. Fam. et péjor. Individu, type : Quel drôle de client ! • SYN. : II, 2 acheteur, acquéreur, chaland (vx). clientèle [klijɑ̃tɛl] n. f. (lat. clientela, état de client, ensemble des clients, de cliens [v. CLIENT] ; 1474, Bartzsch, au sens de « action de confier ses intérêts à un avocat » ; sens I, 1-3, 1518, Faicts des saincts Pères ; sens I, 4, et II, 2, 1866, Larousse ; sens II, 1, 1832, Raymond ; sens II, 3, fin du XIXe s.). I. 1. À Rome, ensemble des clients protégés par un patron : Les Scipions avaient une nombreuse clientèle. ∥ 2. Ensemble des personnes protégées par un homme puissant, un parti, un gouvernement : La féodalité n’est pas morte ; chaque puissant a sa clientèle, qu’il domestique et qu’il défend (Barrès). ∥ 3. Relations entre client et patron, protecteur et protégé : La clientèle primitive fait place à une clientèle d’un genre nouveau, lien volontaire et fictif, qui n’entraîne plus les mêmes obligations (Fustel de Coulanges). ∥ 4. Par anal. Ensemble des disciples, des partisans d’une personne : Je ne lui cacherai point [à Renan] que son article sur Amiel lui a fait perdre [...] une partie de sa clien- tèle spirituelle (France). II. 1. Ensemble des personnes qui recourent régulièrement, et moyennant paiement, aux services de la même personne, du même établissement : La clientèle d’un commerçant, d’un avocat, d’un médecin. La clientèle d’un restaurant. Une clientèle d’habitués. Avoir une bonne clientèle. ∥ Faire de la clientèle, en parlant d’un médecin, donner des consultations (par opposition au médecin qui fait des recherches ou est salarié) : Mon ami s’était consolé en faisant de la clientèle (Farrère). ∥ Avoir la clientèle de, compter au nombre de ses clients. ∥ 2. État de client fidèle : La vieille fille allait de porte en porte, promettant la clientèle ou la protection du château (Daudet). ∥ 3. Fig. Ensemble de gens qui fréquentent habituellement un lieu, un milieu : De grands casiers alignant les fiches multicolores où étaient inscrits les députés, sénateurs, recteurs, professeurs, académiciens, gens du monde, la clientèle ordinaire et extraordinaire des soirées ministérielles (Daudet). clifoire [klifwar] n. f. (altér. de cliquefoire [encore dans Cotgrave, 1611], de clique, impér. de l’anc. v. cliquer [v. CLIQUE], et de foire, impér. du v. foirer ; 1552, Rabelais, écrit glyphouoire ; clifoire, 1798, Acad.). Dialect. Seringue en sureau, avec laquelle les enfants lancent de l’eau. clignant, e [kliɲɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de cligner ; 1866, Larousse). Qui luit par intermittence : D’en bas, la clignante lumière des guides semble un ver luisant en marche (Daudet). • SYN. : clignotant. downloadModeText.vue.download 35 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 749 clignement [kliɲmɑ̃] n. m. (de cligner ; XIIIe s., Godefroy, écrit cloignement [clignement, v. 1560, Paré], au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Action de cligner, mouvement par lequel on ferme à demi les paupières pour éviter une lumière trop vive ou pour mieux distinguer un objet : Le clignement des yeux sur le livre assoupis (Lamartine). ∥ Spécialem. Clignement d’oeil, battement rapide des paupières pour faire un signe d’intelligence à quelqu’un, attirer son attention : Elle lui avait dit bas, avec un clignement d’oeil « Je comprends » (Maupassant). de briller par intermittence ; Le clignement d’un phare. « Bonjour » tout qui signifiait ∥ 2. Le fait clignotement : cligne-musette [kliɲmyzɛt] n. f. (altér. de cligne-mussette [v. 1462, Cent Nouvelles nouvelles], de cligne-musse, comp. des impér. de cligner et de l’anc. v. musser, se cacher ; 1534, Rabelais, écrit cline-muzete ; cligne-musette, 1662, Richer). Vx. Jeu de cache-cache : Allons-nous recommencer à jouer à cligne-musette ? (Musset). Comme l’enfant à cligne-musette, qui certes ne veut pas qu’on le trouve, mais qui veut du moins qu’on le cherche (Gide). cligner [kliɲe] v. tr. et tr. ind. [de] (peutêtre d’un lat. pop. *cludiniare, dér. de *cludinare, fermer à demi les yeux, issu de cludere, autre forme de claudere, fermer ; v. 1155, Wace). 1. Cligner les yeux, ou cligner des yeux, fermer à demi les yeux, généralement pour mieux voir un objet, ou battre des paupières : Il [le jaguar] cligne ses yeux d’or hébétés de sommeil (Leconte de Lisle). C’était pour Charles un grand amusement que de rester là, tout debout, à la regarder penchée sur son carton, clignant des yeux (Flaubert). Un petit vieux, appuyé contre un arbre, fumait tranquillement sa pipe, en clignant des yeux comme s’il voulait dormir (Daudet). Zéphyrin ne parlait pas, se contentait de cligner les paupières d’un air malin (Zola). ∥ 2. Cligner de l’oeil, faire signe de l’oeil à quelqu’un : Il cligna de l’oeil du côté d’Antoine (Martin du Gard). Le brave homme clignait de l’oeil de manière confidentielle (Duhamel). % v. intr. 1. En parlant des yeux, des paupières, se fermer et s’ouvrir vivement et à plusieurs reprises : Dans sa face d’aveugle, ses longs cils incolores clignaient nerveusement (Martin du Gard). ∥ 2. Briller par intermittence, en parlant d’une source lumineuse : Ils virent une, puis deux, puis trois petites lumières cligner au même point de l’horizon (Romains). • SYN. : 1 ciller, papilloter ; 2 clignoter, scintiller, trembloter, vaciller. clignotant, e [kliɲɔtɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de clignoter ; 1546, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Se dit des yeux, des paupières qui clignotent : Je chante les chiens calamiteux, soit ceux qui errent solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes, soit ceux qui ont dit à l’homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels : « Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peutêtre une espèce de bonheur » (Baudelaire). Ils étaient descendus sur le quai, les yeux clignotants, silencieux, inquiets, dégrisés (Martin du Gard). ∥ 2. Qui brille par intermittence : Tout était noir. De loin en loin un réverbère clignotant dans le brouillard du Rhône... (Daudet). ∥ Feu clignotant, feu orange qui s’allume et s’éteint alternativement, pour signaler un carrefour dangereux aux automobilistes. • SYN. : 2 tremblotant. — CONTR. : 2 fixe. % clignotant n. m. (1953, Larousse). 1. Dispositif à lumière intermittente, qui, sur un véhicule, sert à signaler un changement de direction. (On dit aussi CLIGNOTEUR.) ∥ 2. Fig. et fam. Signe qui avertit d’un changement dans une évolution : Le clignotant de l’indice des prix. clignotement [kliɲɔtmɑ̃] n. m. (de clignoter ; 1546, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Mouvement convulsif et rapide des paupières : Ses yeux rapetissés par les clignotements de l’attention (Baudelaire). ∥ 2. En parlant d’une lumière, le fait de s’allumer et de s’éteindre à des intervalles très rapprochés : Le clignotement d’un feu de signalisation. • SYN. : 1 battement, clignement. clignoter [kliɲɔte] v. intr. (de cligner ; d’abord cligneter [XIIIe s.], puis, par changement de suff., clignoter ; XVe s., O. Maillard, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. En parlant des yeux, des paupières, se fermer et s’ouvrir involontairement, à intervalles très brefs : Ses pauvres yeux sans cils clignotant dans la lumière de la fenêtre... (Daudet). Lafcadio l’observait, s’étonnait de ses yeux de taupe clignotant sous d’épaisses paupières rougies (Gide). Ses yeux clignotaient dans sa figure creusée, rongée (Mauriac). ∥ 2. En parlant des lumières, s’allumer et s’éteindre, ou croître et diminuer d’intensité, à intervalles très courts : Les becs de gaz clignotaient, au milieu d’un halo jaunâtre, en pleine brume (Huysmans). La ville se devinait à quelques rangées de lumières qui clignotaient dans la brume (Martin du Gard). Une première étoile scintillait, clignotait (Carco). • SYN. : 1 ciller, cligner, papilloter ; 2 trem- bloter, vaciller. clignoteur n. m. V. CLIGNOTANT N. M. climat [klima] n. m. (lat. clima, -atis, du gr. klima, inclinaison, obliquité d’un point de la Terre par rapport au Soleil, puis « région » ; XIIe s., au sens 1 ; sens 2-3, fin du XIIIe s., Aimé du MontCassin ; sens 4, XIXe s., Lamartine). 1. Ensemble des conditions météorologiques propres à une région : Moi-même, né à Rome, de parents romains, je supporte mal le climat de Rome (France). Climat maritime. Climat continental. ∥ 2. La région où règnent ces conditions (vieilli) : Comme aux oiseaux voyageurs, il me prend au mois d’octobre une inquiétude, qui m’obligerait à changer de climat si j’avais encore la puissance des ailes et la légèreté des heures : les nuages qui volent à travers le ciel me donnent envie de fuir (Chateaubriand). ∥ 3. Class. et dialect. Pays, région, indépendamment des conditions météorologiques : Jusqu’au fond du climat ses lions en rugissent (Corneille). Cîteaux a possédé des vignobles dans les climats de Corton et de la Romanée (Huysmans). ∥ 4. Fig. Ensemble des conditions de vie, des circonstances qui agissent sur la personnalité et la déterminent en partie : Blaise n’a pas neuf ans que Pascal veut le transplanter dans un climat intellectuel plus riche et plus stimulant (Barrès). Il m’apparaissait que le climat où se débattait mon esprit était on ne peut moins propice à l’élaboration de l’oeuvre d’art (Gide). Une correspondance affectueuse, mais espacée, lui semblait être le seul climat qui convînt à ce que leur amitié était devenue (Martin du Gard). Un climat nouveau dont les hideux petits journaux de calomnie et de chantage lui donnaient, chaque jour, la température exacte (Duhamel). • SYN. : 1 air, atmosphère ; 2 ciel (poét.), contrée, rivage (poét.) ; 4 ambiance, atmosphère, milieu. climatérique [klimaterik] adj. et n. f. (lat. climactericus, du gr. klimaktêrikos, qui va par échelons, de klimaktêr, échelon, avec influence morphologique de climat ; 1564, Marcouville). 1. Vx. Années climatériques, années de la vie humaine qui sont des multiples de 7 et de 9, et que les Anciens disaient critiques, spécialement la 49e et la 81e, et surtout la 63e, ou grande climatérique, la plus critique : Nous sommes en 1910, année presque climatérique où tout peut être attendu pour ce qui est du peuple chrétien, année strictement climatérique pour moi [il a soixante-trois ans] (Bloy). ∥ 2. Littér. Se dit d’une période dangereuse, difficile à franchir : Il croyait que rien ne change, bien que tout ait l’air de changer, et que certaines époques climatériques, dans l’histoire des peuples, ramènent invariablement des phénomènes analogues (Baudelaire). C’est que le milieu du siècle passé est une époque climatérique pour le style noble ; — comme il l’est pour tant d’autres choses (Valéry). • SYN. : 2 critique. • REM. Ce mot a été employé pour climatique (1832, Raymond) : Dalat, la grande station climatérique (Dorgelès). Les conditions climatériques d’un pays (Acad.). climatique [klimatik] adj. (de climat ; fin du XIXe s.). Relatif au climat : Les conditions climatiques. ∥ Station climatique, station réputée pour l’action bienfaisante de son climat. downloadModeText.vue.download 36 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 750 climatisation [klimatizasjɔ̃] n. f. (de climatiser ; milieu du XXe s.). Action de climatiser. climatiser [klimatize] v. tr. (de climat ; milieu du XXe s.). Créer ou maintenir dans un local, un véhicule, des conditions favorables de température, de pression, d’humidité, indépendantes de l’atmosphère extérieure : Climatiser une salle, une cabine. Climatiseur [klimatizoer] n. m. (nom déposé, de climatiser ; milieu du XXe s.). Appareil permettant de réaliser la climatisation dans un endroit clos. climatisme [klimatism] n. m. (de climat ; XXe s.). Ensemble des constatations relatives au climat, en vue de leur application à l’hygiène et au traitement de certaines maladies. ∥ Spécialem. Ensemble des problèmes relatifs aux stations climatiques. climatologie [klimatɔlɔʒi] n. f. (de climat, et du gr. logos, science ; 1834, A. Jourdan). Science, étude des climats. climatologique [klimatɔlɔʒik] adj. (de climatologie ; 1842, Acad.). Relatif à l’étude des climats : « Je ne suis pas certain que le séjour de Berck convienne tout à fait à Huguette. » Et il se lança dans des explications climatologiques (Martin du Gard). climatologue [klimatɔlɔg] n. m. (de climatologie ; XXe s.). Spécialiste de climatologie. climatopathologie [klimatɔpatɔlɔʒi] n. f. (de climat et de pathologie ; XXe s.). Partie de la pathologie qui étudie les influences pathogènes des climats sur l’organisme. climatothérapie [klimatɔterapi] n. f. (de climat et de -thérapie, du gr. therapeuein, soigner ; 1888, Larousse). Utilisation des propriétés des divers climats en vue de maintenir ou de rétablir la santé. climature [klimatyr] n. f. (de climat ; 1829, Boiste). Vx. Nature d’un climat : Par la restauration des climatures, la terre deviendra plus belle (Flaubert). 1. clin [klɛ̃] n. m. (déverbal de cligner ; XVe s. ; faire un clin d’oeil, 1690, Furetière). Usité seulement auj. dans l’expression clin d’oeil, mouvement de la paupière qu’on abaisse et relève vivement : Je me rappelais [...] qu’en ce clin d’oeil involontaire toute la cruauté rentra dans son coeur (Sainte-Beuve). Marguerite et Véronique, inquiètes, ont échangé un clin d’oeil, puis toutes deux reporté le regard vers Julie (Gide). ∥ Spécialem. Adresser, faire un clin d’oeil à quelqu’un, lui faire un signe d’intelligence. • SYN. : clignement, coup d’oeil, oeillade. % En un clin d’oeil loc. adv. (1680, Richelet). En un espace de temps très court ; très vite : En un clin d’oeil, tous les Mauprat furent à la herse (Sand). • REM. Au pluriel, on emploie les deux formes CLINS D’OEIL et CLINS D’YEUX : De rapides clins d’oeil (Jaloux). Les demi-sourires et clins d’oeil dont il soulignait certaines saillies (Martin du Gard). Répondant aux clins d’yeux (Gautier). Faisant force clins d’yeux (Hugo). 2. clin [klɛ̃] n. m. (déverbal de l’anc. franç. cliner, s’incliner [XIIe s.], lat. clinare ; XIIIe s., Girart de Vienne, au sens de « inclinaison » ; bordage à clin, 1866, Larousse). Bordages à clin, bordages qui se recouvrent l’un l’autre, fixés par des clous rivés en dedans sur des viroles ou par des vis à écrou. ∥ Bordages à double clin, bordages dont les bords se superposent deux à deux, chevillés comme des bordages à clin simple. clinamen [klinamɛn] n. m. (mot lat., dér. de clinare, incliner ; 1713, Fénelon). Dans la philosophie d’Épicure et de Lucrèce, mouvement par lequel les atomes, dans leur chute dans le vide, s’écartent de la verticale, et qui permet leurs combinaisons. clincaille n. f., clincaillerie n. f., clincaillier ou clincailler n. m. V. QUINCAILLE, QUINCAILLERIE, QUINCAILLIER. clinfoc [klɛ̃fɔk] n. m. (néerl. kleine fock, petit foc ; 1792, Romme). Voile très légère, placée à l’extrémité du grand foc. clinicat [klinika] n. m. (de clinique ; 1866, Larousse, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Fonction de chef de clinique d’un service hospitalier. ∥ 2. Concours donnant accès à cette fonction. clinicien [klinisjɛ̃] n. m. (de clinique ; 1842, Acad.). Praticien qui se consacre à la médecine de soins par examen direct du malade (par opposition aux médecins qui ne sont pas en contact direct avec le malade : médecins fonctionnaires, chercheurs) : C’était le résumé de son expérience que le grand clinicien spiritualiste nous versait ainsi avec le vin brillant (L. Daudet). Cette perspicacité presque infaillible qui, seule, fait les grands cliniciens (Martin du Gard). clinique [klinik] adj. (lat. clinicus, du gr. klinikos, qui visite les malades, de klinê, lit ; 1611, Cotgrave, au sens de « qui, étant malade, garde le lit » ; sens actuel, 1696, Daniel Leclerc). Qui se fait près du lit du malade ; qui s’établit d’après l’observation directe du malade et non d’après la théorie : Médecine, examen clinique. Leur répugnance à se prêter aux observations cliniques ne prouve point leur chasteté (France). [J’]ai vu des esprits de même valeur, de même sagacité, animés de la même passion du vrai, aboutir, par l’étude des mêmes phénomènes, et en faisant exactement les mêmes observations cliniques, à des conclusions très différentes, quelquefois diamétralement opposées (Martin du Gard). ∥ Signes cliniques, signes que le médecin peut percevoir par le seul usage des sens (par opposition aux symptômes décelés par les examens biochimiques, radiologiques, etc.). ∥ Examens cliniques (ou, par ellipse, cliniques, n. m. pl.), examens pratiques auxquels sont soumis les futurs médecins. % n. f. (sens I, 1, début du XVIIe s. ; sens I, 2, 1829, Boiste ; sens II, 1907, Larousse). I. 1. Méthode de diagnostic par observation directe du malade. (Vieilli.) ∥ 2. Enseignement médical que le professeur donne près du lit du malade ; connaissances ainsi dispensées : Professeur de clinique. Clinique médicale, chirurgicale. Le programme des cours, qu’il lut sur l’affiche, lui fit un effet d’étourdissement : Cours d’anatomie [...], cours de chimie et de botanique, et de clinique (Flaubert). ∥ Service de clinique, service d’hôpital dirigé par un professeur nommé par la faculté de médecine. ∥ Chef de clinique, médecin qui est désigné par concours pour assurer, dans un service de clinique, l’instruction des stagiaires. II. Établissement de soins privé, réservé surtout à la chirurgie ou à l’obstétrique : Gertrude est entrée hier à la clinique de Lausanne (Gide). % n. m. (1704, Trévoux). Nom donné à des chrétiens qui ne recevaient le baptême qu’au lit de mort ou à un âge avancé. cliniquement [klinikmɑ̃] adv. (de clinique ; XXe s.). En procédant à des observations cliniques : Je m’observe cliniquement comme s’il s’agissait d’un de mes malades ; depuis le premier jour, je prends des notes quotidiennes ! (Martin du Gard). clino- [klinɔ], élément tiré du gr. klinê, lit, ou de klinein, incliner, et entrant comme préfixe dans la composition de quelques mots. clinomanie [klinɔmani] n. f. (de clino- et de manie ; XXe s.). Obsession consistant en la recherche insistante de la position couchée. clinomètre [klinɔmɛtr] n. m. (de clino- et du gr. metron, mesure ; milieu du XIXe s., au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Instrument destiné à mesurer l’inclinaison de la quille d’un navire sur l’horizontale. (On dit aussi CLINOSCOPE.) ∥ 2. Appareil utilisé dans l’aviation pour vérifier l’horizontalité d’un avion ou pour mesurer sa pente, spécialement dans les nuages ou la brume. clinostatisme [klinɔstatism] n. m. (de clino- et de statisme ; XXe s.). Modifications physiologiques résultant de la position couchée. 1. clinquant [klɛ̃kɑ̃] n. m. (part. prés. de l’anc. v. clinquer, faire du bruit, var. de cliquer [v. CLIQUE], avec influence possible du néerl. klinken, résonner ; fin du XVe s., O. de La Marche, écrit clicquant [clinquant, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2-3, 1680, Richelet ; downloadModeText.vue.download 37 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 751 sens 4, 1667, Boileau). 1. Lamelles brillantes d’or ou d’argent, rehaussant des broderies, des parures : Point de clinquant, jupe simple et modeste (La Fontaine). J’admire partout les jolies filles des pays environnants, vêtues comme des reines avec leurs bonnets de drap d’or et leurs corsages de clinquant (Nerval). ∥ 2. Par extens. Lamelles de cuivre doré imitant le vrai clinquant : Comme cela chatoyait de vives couleurs et de modeste clinquant (Nerval). ∥ 3. Péjor. Mauvaise imitation de pierreries, de métal précieux : La robe tenait à peine aux épaules ; les cheveux s’envolaient en un brouillard blond audessus des yeux, et autour du cou un collier de perles trop grosses pour être vraies s’étageait avec un brio de clinquant (Daudet). Son épaisse chevelure noire était piquée d’épingles de clinquant (Loti). ∥ 4. Fig. Éclat faux et trompeur : Poète et feuilletoniste, le libertin Lousteau, paré de sa misanthropie, offrait ce clinquant d’âme et cette vie à demi oisive qui plaît aux femmes (Balzac). ∥ Spécialem. En matière de style, procédé brillant, mais de mauvais goût : À Malherbe, à Racan, préférer Théophile, | Et le clinquant du Tasse à tout l’or de Virgile (Boileau). • SYN. : 1 et 2 paillette, paillon ; 3 simili, toc (fam.), verroterie ; 4 vernis. 2. clinquant, e [klɛ̃kɑ̃, -ɑ̃t] adj. (même étym. qu’à l’art. précéd. ; XXe s.). Qui brille d’un éclat de mauvais aloi ; qui a du brillant, mais peu de valeur : La vaste salle clinquante, avec ses velours, ses vernis (E. Rod). clinquanter [klɛ̃kɑ̃te] v. tr. (de clinquant 1 ; début du XVIIe s., A. d’Aubigné). Garnir de clinquant : Clinquanter des dentelles. clip [klip] n. m. (mot angl. signif. « attache, agrafe » ; XXe s.). Agrafe, broche ou boucle d’oreille qui se fixe par une pince à ressort. clipper [klipoer] n. m. (mot angl. signif. proprem. « qui coupe [les flots] » ; 1845, Itier, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse ; sens 3, v. 1938). 1. Voilier de fort tonnage, mais fin et rapide, employé au XIXe s. ∥ 2. Canot de plaisance aux formes effilées : Et il accepta à déjeuner chez lui le dimanche suivant avec la promesse d’une bonne partie de canot dans le « Plongeon », clipper de son ami (Maupassant). ∥ 3. Avion long-courrier. cliquart ou clicquart [klikar] n. m. (de clique, au sens premier de « coup, tape, bruit » ; 1581, Dict. général). 1. Banc de pierre à bâtir qui, sous le choc du métal, rend un son clair. ∥ 2. Grès à grain très fin, utilisé pour faire du pavé mosaïque. clique [klik] n. f. (déverbal de l’anc. franç. cliquer, faire du bruit, de l’onomatop. klikk-, évoquant un bruit de choc bref et aigu ; début du XIVe s., Gilles li Muisis, au sens de « tape » ; sens 1, milieu du XIVe s., Digulleville ; sens 2, 1907, Larousse). 1. Fam. et péjor. Groupe d’individus qui s’unissent pour intriguer, nuire à d’autres : Par malheur, il est entouré d’une clique d’intrigants et d’imposteurs audacieux qui feignent de partager sa foi et de servir ses projets (Sand). C’est l’avis de Berchtold et de sa clique (Martin du Gard). ∥ 2. Ensemble des clairons et des tambours d’une musique militaire : Le commandant fit porter les armes quand la clique parvint à la hauteur du général (Adam). • SYN. : 1 bande, camarilla, coterie, maffia. % cliques n. f. pl. (XXe s., au sens de « sabots » ; prendre ses cliques et ses claques, loc. formée sur le modèle de l’onomatop. clic-clac, 1866, Larousse). Dialect. Dans certaines régions, nom donné aux sabots de bois. ∥ Fig. et fam. Prendre ses cliques et ses claques, partir à la hâte en emportant tout ce qu’on a : Victorine prend son magot, ses cliques, ses claques, et hop ! dans le train de Lannion ! Adieu la compagnie ! (Martin du Gard). Il prit ses cliques et ses claques et se mit à courir (Arnoux). cliquet [klikɛ] n. m. (de l’anc. v. cliquer [v. CLIQUE] ; fin du XIIIe s., au sens de « claquet d’un moulin » ; sens 1, 1752, Trévoux ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Petit levier qui s’engage entre les dents d’un engrenage ou d’une roue à rochet et l’empêche de tourner dans le sens contraire à son mouvement. ∥ 2. Pièce d’un fermoir de bijouterie. cliquetant, e [kliktɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de cliqueter ; 1866, Larousse). Qui produit un cliquetis : La cliquetante mécanique qui décapite les secondes (Pagnol). cliquètement n. m. V. CLIQUETTEMENT. cliqueter [klikte] v. intr. (de l’anc. v. cliquer [v. CLIQUE] ; v. 1230, Eustache le Moine). [Conj. 4 a.] Prôduire une suite de bruits secs et sonores, en parlant de deux objets qui s’entrechoquent : Son poing, cliquetant de bracelets comme celui d’une romanichelle (Martin du Gard). Il [le train] craquait de toute sa charpente et cliquetait de toutes ses vitres (Duhamel). Les sabots cliquettent sur les dalles (Escholier). cliquetis [klikti] n. m. (de cliqueter ; XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1752, Trévoux ; sens 3, XXe s.). 1. Bruit répété, traduit par l’onomatopée clic, que font certains corps en s’entrechoquant : Il écoutait la cadence des bottes et le léger cliquetis des épées (Zola). Et muette, immobile, j’aurais pu croire qu’elle dormait, sans le cliquetis de son chapelet que ses doigts égrenaient au fond de sa poche (Daudet). D’interminables conversations, hachées par les coups de marteau du savetier, mouchetées par le cliquetis de la machine à coudre (Duhamel). Elle [la voix] n’évoquait pas mal l’esprit du lieu, isolée dans un silence plein du cliquetis des verres au-dessus du clergyman ahuri (Malraux). ∥ 2. Fig. Cliquetis de mots, assemblage de mots sonores, imagés, qui produisent un effet brillant, mais factice : Notre professeur, deux fois par semaine, nous reçoit chez lui. On cause sans cliquetis de mots (Barrès). ∥ 3. Cliquetis du moteur, bruit anormal qui se produit dans la chambre de combustion d’un moteur à explosion. cliquette [klikɛt] n. f. (de l’anc. v. cliquer [v. CLIQUE] ; v. 1230, Eustache le Moine, au sens 1 ; sens 2, fin du XVe s.). 1. Instrument fait de deux ou trois lamelles de bois, d’os, de métal, etc., que l’on choque pour faire du bruit et attirer l’attention, signaler sa présence : Choquant des cliquettes de bronze à tête d’Hathor (Gautier). Quelquefois, un écho du tumulte parisien, des roues en mouvement, un orgue attardé, la cliquette d’une marchande de plaisirs, traversaient ce silence comme pour l’augmenter encore (Daudet). Elle [la marchande d’oublies] montait tous les jours aux Champs-Élysées, agitant sa cliquette en criant : « Voilà le plaisir, Mesdames ! » (France). ∥ 2. Dialect. Petit levier servant à maintenir un volet, etc. : Tout à coup, un bruit se fit contre le mur, l’auvent s’était rabattu, la cliquette tremblait encore (Flaubert). % cliquettes n. f. pl. (1723, Savary des Bruslons). Pierres trouées que les pêcheurs utilisent pour lester leurs filets. cliquettement ou cliquètement [klikɛtmɑ̃] n. m. (de cliqueter ; milieu du XVIe s.). Syn. de CLIQUETIS : Sa voix était prompte, pétulante, d’une articulation fort nette, presque avec des cliquètements de métal (Romains). clissage [klisaʒ] n. m. (de clisser ; 1866, Larousse). Action de garnir d’une clisse ; ouvrage exécuté de cette façon : Une petite tasse de clissage en fil de bambou (Goncourt). clisse [klis] n. f. (altér. de claie, par croisement avec éclisse ; v. 1160, Benoît de SainteMaure, écrit clice, au sens de « morceau de bois allongé » ; sens actuels, 1863, Littré). 1. Petite claie d’osier pour faire égoutter les fromages. ∥ 2. Enveloppe d’osier qui protège une bouteille, un récipient fragile. • SYN. : 1 clayette, clayon, éclisse. clisser [klise] v. tr. (de clisse ; 1546, Rabelais). Garnir d’une clisse : Une bouteille clissée d’osier (Huysmans). clitocybe [klitɔsib] n. m. (du gr. klitos, incliné, et kubê, tête ; 1888, Larousse). Champignon à chapeau déprimé et à lames décurrentes. clitoris [klitɔris] n. m. (gr. kleitoris ; 1611, Cotgrave). Chez la femme et chez les femelles de mammifères, petit organe érectile situé à la partie supérieure de la vulve. clivable [klivabl] adj. (de cliver ; milieu du XIXe s.). Qui peut être clivé : Le mica est clivable. downloadModeText.vue.download 38 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 752 clivage [klivaʒ] n. m. (de cliver ; 1753, Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Action, manière de cliver les minéraux : Le clivage de l’ardoise est aisé. ∥ Plan de clivage, plan selon lequel se fend un minéral. ∥ 2. Fig. Séparation selon certains niveaux : Le clivage des couches sociales. cliver [klive] v. tr. (néerl. klieven, fendre, employé au sens techn. par les diamantaires d’Amsterdam ; 1723, Savary des Bruslons [clivé, fendu, au sens général, dès 1583, Bretin]). Fendre un minéral cristallisé par lames parallèles, selon les directions naturelles : Le mica peut se cliver en lames de 0,006 mm d’épaisseur. ∥ Spécialem. En joaillerie, tailler une pierre, un diamant dans le sens naturel des couches. cloacal, e, aux [klɔakal, -o] adj. (de cloaque ; 1866, Larousse). En anatomie, relatif au cloaque de certains animaux : Poche cloacale. cloaque [klɔak] n. m. (lat. cloaca, égout ; v. 1355, Bersuire, au sens 1 ; sens 2-3, milieu du XVIe s., Ronsard ; sens 4, 1752, Trévoux). 1. Emplacement destiné à recevoir les eaux sales, les immondices : Le paradis du porc, n’est-ce pas le cloaque ? (Hugo). ∥ Spécialem. Dans la Rome antique, égout. ∥ 2. Endroit très sale, où croupissent des eaux, où traînent des ordures : Chaque petite rue, bien étroite, bien tortueuse, est un cloaque, un ruisseau immonde, où notre passage remue des puanteurs (Loti). ∥ 3. Fig. et littér. Foyer de corruption morale ou intellectuelle : Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? [...] Juge de toutes choses, imbécile ver de terre ; dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur ; gloire et rebut de l’univers (Pascal). ∥ 4. Orifice dans lequel débouchent les voies génitales et urinaires, ainsi que l’anus, chez les oiseaux, les reptiles, les marsupiaux. • SYN. : 2 bourbier, sentine ; 3 bas-fond, marais, marécage. clochage [klɔʃaʒ] n. m. (de clocher 3 ; 1908, Larousse). Action de mettre une plante sous cloche pour la protéger du froid. clochant, e [klɔʃɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de clocher 2 ; début du XXe s.). Qui cloche, qui boite : Le regard de Jacques, hébété, se fixe sur cette jambe clochante, toujours en retard, et qui, à chaque effort, fléchit un peu du genou (Martin du Gard). clochard, e [klɔʃar, -ard] n. (de clocher 2 ; 1895, G. Esnault). Fam. Homme, femme sans domicile, qui refuse de s’intégrer à la vie sociale et recourt à des expédients pour subsister : Sous la menace du déshonneur attaché à la condition de clochard, de vagabond (Bernanos). • SYN. : sans-logis, vagabond. 1. cloche [klɔʃ] n. f. (bas lat. clocca [VIIe s.], d’origine celtique, mot apporté par les moines irlandais ; XIe s., aux sens I, 1-2 ; sens II, 1, 1552, R. Estienne ; sens II, 2, 1675, Widerhold ; sens II, 3, 1832, Raymond ; sens II, 4, 1583, Liébault ; sens II, 5 et 7, début du XXe s. ; sens II, 6, 1678, Jal ; sens II, 8, milieu du XVIIe s. ; sens II, 9, 1898, G. Esnault [se taper la cloche, 1928, Bauche] ; sens II, 10, 1899, G. Esnault). I. 1. Instrument de percussion en métal, généralement en bronze, en forme de coupe renversée, qui produit un son retentissant quand on le frappe avec un marteau de l’extérieur, ou avec un battant de l’intérieur : Les dimanches et les jours de fête, j’ai souvent entendu, dans le grand bois, à travers les arbres, les sons de la cloche lointaine qui appelait au temple l’homme des champs (Chateaubriand). Ils gardaient sans soucis ces troupeaux dont la cloche, | Comme un appel lointain, tintait de roche en roche (Lamartine). À l’appel de la cloche, nous prions le maître d’étude de conduire les élèves au réfectoire (Martin du Gard). ∥ Coup de cloche, son produit par une cloche lorsqu’elle est frappée par le battant. ∥ Fam. Son de cloche, point de vue de quelqu’un sur une affaire ou sur un événement : Voilà un autre son de cloche. ∥ Cloche de bois, nom donné aux instruments qui remplacent les sonneries de cloche du jeudi saint au samedi saint : La cloche de bois, qu’on ne sonnait que depuis l’après-dîner du jeudi absolu jusqu’au matin de la veille de Pâques (Hugo). ∥ Fam. Déménager à la cloche de bois, déménager en cachette : Le père Guinardon [...] déménagea à la cloche de bois les tableaux, meubles et curiosi- tés amassés dans son grenier (France). ∥ Pop. Sonner les cloches à quelqu’un, le réprimander vertement. ∥ 2. Sonnerie de cloche : La cloche, au loin, note par note s’est éteinte (Samain). ∥ Spécialem. Sonnerie annonçant le dernier tour dans une course en circuit fermé. II. 1. Corolle de fleur affectant la forme d’une clochette : Cinq ou six touffes bleuâtres de jonquilles fleurissent de leurs cloches ces gazons (Pourrat). ∥ 2. Abri de verre servant à protéger les plantes du froid ou à concentrer sur elles la chaleur solaire : Cloche à melon. [Redoutant les coups de soleil,] il barbouilla de craie toutes les cloches (Flaubert). ∥ 3. Couvercle de verre de forme bombée, sous lequel on met le fromage pour l’empêcher de se dessécher. ∥ Ustensile métallique permettant de tenir les plats au chaud ou de protéger les aliments. ∥ 4. Appareil de verre utilisé dans certaines expériences de chimie. ∥ 5. Partie mobile d’un gazomètre, flottant sur l’eau de la cuve de base. ∥ 6. Cloche à plongeur, appareil en forme de cloche, permettant de travailler sous l’eau. ∥ Cloche à oxygène, tente fortement alimentée en oxygène pour ranimer un malade. ∥ 7. Chapeau cloche, ou simplem. cloche, chapeau à bords évasés et rabattus tout autour : Un feutre cloche de même teinte que les carreaux (Benoit). [Pl. des CHAPEAUX CLOCHES.] ∥ 8. Vx. Ampoule remplie de sérosité, cloque : De nombreuses cloches sur les mains et le visage témoignaient chaque matin de l’inefficacité du remède (Gautier). ∥ 9. Arg. Tête. ∥ Avoir la cloche fêlée, déraisonner, être fou. ∥ Pop. Se taper la cloche, faire un repas plantureux. ∥ 10. Pop. Personne stupide, incapable : Quelle cloche, ce dépanneur ! • SYN. : I, 1 clarine, sonnaille. ∥ II, 1 clochette. % adj. (1947, G. Esnault). 1. Pop. Ridicule, de mauvaise qualité : Elle a un de ces costumes cloche ! ∥ 2. Stupide, gauche : Ils sont vraiment cloches ! 2. cloche [klɔʃ] n. f. (de clocher 2 ; 1918, G. Esnault). Pop. L’ensemble, le milieu des clochards ; la condition de clochard : Être de la cloche. clochement [klɔʃmɑ̃] n. m. (de clocher 2 ; 1546, R. Estienne). 1. Action de clocher, claudication (rare) : Un clochement douloureux. ∥ 2. État de quelque chose qui est bancal : [Il] s’assit d’un air embarrassé sur une chaise basse [...] qui avait un pied trop bref et dont, tout de suite, il éprouva le clochement familier (Duhamel). ∥ 3. Fig. Défectuosité, mauvais fonctionnement. • SYN. : 1 boitement, boiterie. cloche-pied (à) [aklɔʃpje] loc. adv. (de cloche, forme verbale de clocher 2, et de pied ; v. 1395, Chr. de Pisan). En sautant sur un seul pied : En reprenant une balle, Micheline se donna un coup de raquette sur la cheville. Elle serra les lèvres et se mit à sauter à cloche-pied (Aymé). 1. clocher [klɔʃe] n. m. (de cloche 1 ; début du XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne, au sens 1 ; sens 2, 1606, Nicot ; sens 3, av. 1869, Sainte-Beuve). 1. Construction élevée au-dessus ou dans le voisinage d’une église, et renfermant les cloches : La cloche engendra le clocher (Veuillot). Aucun clocher ne montrait au loin son toit reluisant d’ardoises (Flaubert). Rouen, la ville aux églises, aux clochers gothiques travaillés comme des bibelots d’ivoire (Maupassant). Sur la droite, on apercevait, par-delà les blés, les deux clochers ciselés et rustiques de Saint-André-des-Champs, eux-mêmes effilés, écailleux, imbriqués d’alvéoles, guillochés, jaunissants et grumeleux, comme deux épis (Proust). ∥ Vx. Course au clocher, course dans laquelle on court vers un but désigné comme si on allait droit sur un clocher. ∥ 2. Paroisse, village, ville où l’on demeure ; pays natal : Tous ces étudiants passaient leur vie chez Malmus, se groupant par provinces, par clochers (Daudet). ∥ Esprit de clocher, attachement étroit, particulariste, à son village, à sa ville, au petit cercle dans lequel on vit : L’esprit de downloadModeText.vue.download 39 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 753 clocher, mon ami, n’est pas autre chose que le patriotisme naturel. J’aime ma maison, ma ville et ma province par extension, parce que j’y trouve encore les habitudes de mon village (Maupassant). ∥ Querelle, rivalité, affaire de clocher, querelle, rivalité, affaire purement locale, souvent mesquine : Mais Bois-Doré sentait que le cas était grave et qu’il ne s’agissait pas seulement de rosser le guet dans une affaire de clocher (Sand). ∥ 3. Intérêt particulier : Chacun prêche pour son saint et pour son clocher (Sainte-Beuve). • SYN. : 1 campanile. 2. clocher [klɔʃe] v. intr. (lat. pop. *cloppicare, de cloppus, syn. pop. de claudus, boiteux ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens 1 ; sens 2-3, XIIIe s., Rutebeuf). 1. Fam. Boiter : Il court en clochant à la porte de sa chambre (Chateaubriand). Le pauvre peuple des pèlerins qui, boitant, clochant [...], soufflait sur la rude montée (France). ∥ 2. En parlant d’un meuble, d’un objet sur pieds, être bancal : Des dix chaises de la salle à manger, il n’y en avait qu’une, paraîtil, qui ne clochât pas du tout (Montherlant). ∥ 3. Fig. Présenter quelque défaut ; aller de travers : Ma mère prenait garde que rien ne clochât dans ma tenue, puis on partait pour l’église (Proust). • SYN. : 1 claudiquer ; 2 boiter. 3. clocher [klɔʃe] v. intr. (de cloche 1 ; milieu du XVIe s.). Vx. Sonner à la cloche : Minuit clochant, j’entrai dans un bastringue de bas étage (Arnoux). % v. tr. (sens 1, 1690, La Quintinie ; sens 2-3, XXe s.). 1. En horticulture, mettre sous cloche : Clocher des melons. ∥ 2. Annoncer l’arrivée ou le départ d’un train par des signaux à cloche. ∥ 3. Donner un aspect fermé à une passe de chapeau, en diminuant son contour : Clocher un feutre. clocher-arcades [klɔʃearkad] n. m. (de clocher 1 et de arcade ; XXe s.). Clocher ajouré dans un mur surmontant la façade d’une église. • Pl. des CLOCHERS-ARCADES. clocheton [klɔʃtɔ̃] n. m. (de clochette ; début du XVIe s., au sens de « petite cloche » ; sens actuels, par attraction sémantique de clocher, vers la fin du XVIIe s. [d’après Trévoux, 1704]). 1. Petit clocher : Il reconnut dans le ciel lointain, par-dessus des frondaisons vertes, les pointes en faisceau du beffroi, le clocheton arrondi de l’église (Martin du Gard). ∥ 2. Ornement pyramidal en forme de clocher, flanquant la base d’une flèche, les contreforts, les angles d’un édifice : Son église à flèche octogone flanquée de quatre clochetons (Hugo). clochette [klɔʃɛt] n. f. (de cloche ; XIIe s., Godefroy, écrit clokete, au sens 1 ; sens 2, 1611, Cotgrave). 1. Petite cloche : De bon matin me réveillaient les clochettes des troupeaux (Gide). ∥ 2. Corolle de certaines fleurs, en forme de petite cloche : Les enfants restaient derrière, s’amusant à arracher les clochettes des brins d’avoine (Flaubert). Les clochettes tachetées des rouges digitales (Bourget). • SYN. : 1 clarine, grelot, sonnaille, sonnette. cloison [klwazɔ̃] n. f. (lat. pop. *clausionem, accus. de *clausio, dér. de clausus, clos ; v. 1160, Benoît de SainteMaure, au sens de « enceinte fortifiée » ; sens 1, 1538, R. Estienne ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1866, Larousse ; sens 4-5, 1732, Trévoux ; sens 6, 1580, Montaigne). 1. Paroi légère, servant à séparer deux pièces d’une construction : Cette pièce n’était séparée que par une légère cloison du boudoir (Balzac). ∥ 2. Spécialem. Cloison étanche, cloison divisant un navire en compartiments étanches, pour localiser une voie d’eau ; au fig., séparation infranchissable : Il existe, tout comme dans une grande ville, des cloisons étanches séparant et isolant chaque catégorie sociale (Theuriet). ∥ 3. Mince paroi établissant des divisions dans un objet : Les cloisons d’un casier. ∥ 4. Membrane séparant une cavité anatomique : Cloison des fosses nasales. Une couleur rose traversait la cloison de son nez (Flaubert). ∥ 5. Lame partageant l’intérieur de certains fruits en plusieurs loges. ∥ 6. Fig. Ce qui divise ; ce qui sépare : Cette cloison séparatrice qui, si l’on n’y veille, risque d’aller s’épaississant (Gide). • SYN. : 3 séparation ; 6 barrière, fossé, mur, muraille. cloisonnage [klwazɔnaʒ] n. m. (de cloison ; 1676, Félibien). 1. Action de cloisonner. ∥ 2. Ouvrage de cloisons ; dispositif en cloisons. • REM. On dit aussi CLOISONNEMENT, au sens 2. Cloisonnage semble plutôt réservé aux opérations techniques, et cloisonnement au résultat, et surtout au sens figuré. cloisonné, e [klwazɔne] adj. et n. m. (de cloison ; 1752, Trévoux). 1. Divisé par des cloisons : Fruits cloisonnés. Coquille cloisonnée. ∥ 2. Émail cloisonné, ou cloisonné n. m., émail dont les motifs sont séparés par de minces cloisons de métal retenant la matière vitrifiée : Une jardinière en cloisonné (Daudet). ∥ 3. Fig. Séparé d’une manière arbitraire : Des disciplines trop cloisonnées à l’intérieur d’une université. cloisonnement [klwazɔnmɑ̃] n. m. (de cloisonner ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). 1. Syn. de CLOISONNAGE au sens 2 ∥ 2. Fig. Séparation, souvent artificielle, qui existe entre des groupes de personnes, de choses : Le cloisonnement des services dans une administration. cloisonner [klwazɔne] v. tr. (de cloison ; 1803, Boiste). Séparer par des cloisons : L’impossibilité où s’étaient trouvés les propriétaires de cloisonner aussi les pièces dans leur hauteur (Camus). • SYN. : compartimenter. cloître [klwatr] n. m. (altér., sous l’influence de cloison [v. ce mot], de clostre [v. 1160, Benoît de Sainte-Maure], lat. claustrum, barrière, puis « lieu clos », de claudere, fermer ; fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit cloistre, au sens 1 ; sens 2, v. 1265, J. de Meung ; sens 3, 1845, Bescherelle ; sens 4, 1671, Pomey ; sens 5, 1690, Furetière). 1. Dans une église ou dans un monastère, galerie couverte, à colonnes, entourant une cour ou un jardin : Derrière Notre-Dame se déroulait le cloître avec ses galeries gothiques (Hugo). ∥ 2. Le monastère lui-même : Les hommes lassés de leur sort se confinaient autrefois dans un cloître (Balzac). ∥ 3. Partie close d’un monastère réservée aux religieux ou aux religieuses, et interdite aux laïcs. ∥ 4. Vie que l’on mène dans un cloître ; règle monastique : La rigueur et les austérités du cloître. Dès les premiers temps de sa liaison avec le roi, Mme de La Vallière avait déjà songé au cloître (Sainte-Beuve). ∥ 5. Vx. Enceinte à l’intérieur de laquelle se trouvaient les demeures des chanoines des églises cathédrales ou collégiales : Il venait de se retirer, après l’office, dans sa cellule canoniale du cloître Notre-Dame (Hugo). • SYN. : 2 abbaye, chartreuse, couvent, moutier (vx), prieuré ; 3 clôture ; 4 claustration. cloîtré, e [klwatre] adj. (part. passé de cloîtrer). 1. Se dit des personnes enfermées dans un cloître : Une tiédeur inconnue l’enveloppait ; il lui semblait qu’elle avait jusqu’alors vécu cloîtrée, et que les limites de sa clôture, reculant soudain, lui décou- vraient un horizon insoupçonné (Martin du Gard). ∥ Par extens. Couvent cloîtré, couvent dont les religieux ou les religieuses ne sortent jamais. ∥ 2. Littér. Se dit d’une habitation ressemblant à un cloître : Des rues entières formées des longs et hauts murs de ces demeures cloîtrées (Renan). ∥ 3. Fig. Se dit d’une personne qui vit retirée, séparée du monde : Le marquis et la marquise, cloîtrés depuis quinze ans au fond du grand hôtel vide, crurent devoir rouvrir leur salon (Zola). Ma mère, par désir passionné d’être rassurée par l’ami de Bergotte, ajouta à l’appui de son dire qu’une cousine germaine de ma grand-mère, en proie à une affection nerveuse, était restée cloîtrée sept ans dans sa chambre à coucher de Combray (Proust) ; et par extens. : La fillette, qui préférait, d’ailleurs, la vie libre et remuante de la campagne à la vie cloîtrée de la ville (Maupassant). • SYN. : 3 claquemuré, claustré, confiné, reclus. cloîtrer [klwatre] v. tr. (de cloître ; 1690, Furetière, au sens 1 ; sens 2, 1832, Raymond). 1. Enfermer dans un cloître : Les Matignon étaient cinq frères, et force filles dont ils cloîtrèrent la plupart (SaintdownloadModeText.vue.download 40 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 754 Simon). ∥ 2. Par extens. Tenir étroitement enfermé. • SYN. : 1 claustrer ; 2 enfermer. % se cloîtrer v. pr. (sens 1, 1834, Landais ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Rester enfermé chez soi ; vivre sans contact avec le monde extérieur : Se cloîtrer dans sa chambre. ∥ 2. Fig. Se limiter étroitement à un domaine d’activité, de réflexion, etc. : Se cloîtrer dans un rôle. • SYN. : 1 se claquemurer, se confiner ; 2 se borner, se cantonner. cloîtrier, ère [klwatrije, -ɛr] adj. et n. (de cloître ; fin du XIIe s., Reclus de Moiliens). Vx. Qui vit dans un cloître : Car ces très anciens cloîtriers évoquaient devant lui ceux du Val-des-Saints (Huysmans). Religieux cloîtrier. clonique [klɔnik] adj. (du gr. klonos, agitation ; début du XIXe s.). Se dit de convulsions caractérisées par des contractions et des relâchements des muscles se succédant de manière régulière. clope [klɔp] n. m. (origine obscure ; 1902, G. Esnault). Arg. Mégot. clopinant, e [klɔpinɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de clopiner ; 1866, Larousse). 1. Qui boite légèrement. ∥ 2. Qui révèle une légère boiterie : Le pas clopinant de Fanfan résonne sur les dalles du corridor (Theuriet). L’éclat blanchâtre et mat de la chaussée brûlante n’est taché que de la silhouette clopinante d’un marchand de soupe bientôt disparu dans une ruelle (Malraux). • SYN. : boitillant. clopin-clopant [klɔpɛ̃klɔpɑ̃] loc. adv. (de l’anc. adj. clopin, boiteux, et de clopant, part. prés. de l’anc. v. cloper, boiter, de clop, boiteux [v. CLOPINER] ; 1668, La Fontaine). 1. En boitant, en traînant la jambe : Les pensionnaires valides commençaient à sortir de la chapelle, et, clopin-clopant, se groupaient de chaque côté du portail (Martin du Gard). ∥ 2. Fig. et fam. D’une manière irrégulière, tantôt mieux, tantôt moins bien : Les affaires vont clopin-clopant. • SYN. : 2 cahin-caha (fam.), comme ci, comme ça, couci-couça (fam.). clopiner [klɔpine] v. intr. (de l’anc. adj. clopin, boiteux [v. 1265, Br. Latini], dér. de clop, boiteux [XIIe s.], lat. pop. cloppus, .mot d’origine onomatopéique, évoquant peut-être la démarche lourde des boiteux ; v. 1560, Paré). Fam. Marcher avec peine, en boitant un peu : « Quoi ! vous boitez », dit Julius, surpris de le voir de nouveau clopiner (Gide). La vieille s’éloigne en clopinant (Sartre). • SYN. : boitiller, claudiquer. clopinettes [klɔpinɛt] n. f. pl. (de clope, mégot ; 1925, G. Esnault). Usité seulement dans l’expression populaire des clopinettes, rien, absolument rien. ∥ Des clopinettes !, vous pouvez toujours chercher, attendre ! clopineux, euse [klɔpinø, -øz] adj. (de clopin [v. CLOPIN-CLOPANT] ; fin du XVIIe s., Mme de Sévigné). Qui boite un peu : Je laisse la plume à M. le clopineux (Sévigné). cloporte [klɔpɔrt] n. m. (origine incertaine ; peut-être de clo, anc. impér. de clore, et de porte, parce que ce crustacé se replie sur lui-même au moindre contact, de même qu’un homme, en présence d’un danger, ferme sa porte ; XIIIe s., Godefroy, écrit choplote [cloporte, 1538, R. Estienne]). Crustacé isopode vivant sous les pierres et dans les lieux sombres et humides. ∥ Fam. Chaleur de cloporte, chaleur lourde et étouffante : Moi je passais mes nuits dans les salles de rédaction. Il faisait toujours une chaleur de cloporte (Sartre). % n. (1866, Larousse). Fam. Concierge. cloquage [klɔkaʒ] n. m. (de cloquer ; 1866, Larousse). Apparition de cloques sur une surface peinte. cloque [klɔk] n. f. (forme picarde de cloche 1 ; 1750, Ch. Bonnet, au sens 1 ; sens 2-3, 1866, Larousse). 1. Boursouflure qui apparaît sur les feuilles de certains arbres, en particulier du pêcher, et qui est due à un champignon parasite. ∥ 2. Boursouflure de la peau, remplie de sérosité, le plus souvent causée par une brûlure. ∥ 3. Par anal. Défaut du papier qui se produit quand, au cours de la fabrication, la feuille est appliquée sur un cylindre sécheur trop chaud, ou quand une feuille est mouillée : La pluie l’avait trempée et tordue [la page], elle était couverte de cloques et de boursouflures comme une main brûlée (Sartre). ∥ 4. Boursouflure dans une couche de peinture. • SYN. : 2 ampoule, phlyctène, vésicule ; 3 boursouflure. cloqué, e [klɔke] adj. (de cloque ; 1820, Laveaux, au sens 1 [terme de jardinage] ; sens 2, début du XXe s.). 1. Qui présente des cloques. ∥ 2. Étoffe cloquée, ou cloqué n. m., étoffe de coton ou de soie gaufrée. cloquer [klɔke] v. intr. (de cloque ; 1866, Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1929, Larousse [le mot existait déjà à la fin du XVIIIe s., comme terme d’horticulture]). 1. En parlant d’une peinture, se boursoufler, présenter des cloques. ∥ 2. En parlant de l’épiderme, se gonfler, former une cloque à l’endroit d’une brûlure. % v. tr. (début du XXe s.). Imprimer sur une étoffe des dessins en relief, gaufrer : Cloquer une étoffe. clore [klɔr] v. tr. (lat. claudere, fermer ; XIe s., au sens 1 ; sens 2, XIIe s. ; sens 3, 1474, Bartzsch). [Conj. 76.] 1. Littér. Barrer l’accès à un lieu ; fermer complètement : Et la servante a clos les portes de la cour (Samain). ∥ Clore l’oeil, la paupière, s’endormir, et aussi mourir. ∥ Clore les yeux de quelqu’un, fermer les yeux d’un mort, et, par extens., assister à la mort de quelqu’un. ∥ Clore la bouche, et, fam., clore le bec à quelqu’un, le réduire au silence : Il est temps de clore le bec à l’épouse du farouche Clotaire (France). ∥ Clore la marche, occuper le dernier rang dans une colonne en marche. ∥ 2. Entourer d’une clôture, d’une enceinte : Clore un parc ; et en parlant de la clôture elle-même : Un mur clôt la fontaine où, par l’heure échauffée, | Folâtre, elle buvait en descendant des bois (Hugo). ∥ 3. Fig. Mettre fin à quelque chose : Clore une discussion. Elle [cette lettre] va clore cette correspondance qui n’a pas manqué un seul courrier (Chateaubriand). ∥ Spécialem. Déclarer terminé : Clore la séance, la session. Il va de soi, d’ailleurs, que c’est au gouvernement qu’il appartient de dire le droit et de clore la liste trop longue des crimes impunis (Proust). • SYN. : 1 barricader ; 2 ceindre, clôturer, enceindre, enclore, enfermer ; 3 achever, arrêter, clôturer, fermer, finir, terminer. % v. intr. Pouvoir se fermer : Cette porte ne clôt pas bien. • REM. On tend à remplacer clore soit par fermer, soit par clôturer. 1. clos, e [klo, kloz] adj. (part. passé de clore). 1. Hermétiquement fermé, ou dont les ouvertures sont bien fermées : Les maisons étaient éteintes, closes et comme mortes (Vigny). Au rez-de-chaussée, les volets de l’unique fenêtre sont clos comme les paupières de quelqu’un qui se recueille (Gide). ∥ Trouver (la) porte close, ne trouver personne au lieu où l’on se présente : Trois fois encore, il trouva la porte close (Balzac). ∥ Maison close, maison de prostitution. ∥ En vase clos, à l’abri de tout contact, et, au fig., de toute influence extérieure : La Diète reproduisait toutes les divisions territoriales, politiques et religieuses de l’Allemagne et les échauffait en vase clos (Bainville). ∥ À huis clos, v. HUIS. ∥ Bouche close, lèvres closes, en gardant le silence, spécialement pour conserver un secret : Sur ce point, bouche close, car nous allons avoir à parler d’autre chose (Dumas père). ∥ Les yeux clos, les paupières fermées pour s’abstraire de l’entourage : M. Thibault, sans répondre, revint vers sa chaise et s’assit lourdement, les yeux clos (Martin du Gard) ; au fig., sans regarder quoi que ce soit, en toute confiance ou avec une aveugle imprudence : Je vous suivrais les yeux clos. ∥ Lettre close, sous l’Ancien Régime, ordre du roi contenu dans une lettre scellée de son cachet ; au fig., chose incompréhensible : Sans dire quoi, car c’étaient lettres closes (La Fontaine). ∥ 2. Enfermé (dans quelques expressions, en parlant des personnes). ∥ Class. Clos et couvert, à l’abri : Que, pour courir à nous n’étant plus assez vert, | Il veut désormais se tenir clos et couvert (La Fontaine) ; au fig., en silence, sur une prudente réserve : Le meilleur était que je m’étais tenu parfaitement clos et couvert sur le mariage (Saint-Simon). [V. aussi downloadModeText.vue.download 41 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 755 CLOS, n. m.] ∥ Class. Se tenir clos et coi, ne pas bouger de chez soi, demeurer dans une prudente expectative : Dans les visites qui sont faites, | Le renard se dispense et se tient clos et coi (La Fontaine). ∥ 3. Champ clos, espace fermé de barrières, où se déroulait un tournoi : Halte, je te défie à pied, sur la pelouse, | Auprès de la Wisper à trois milles d’ici, | À toute arme, en champ clos, sans délai, sans merci (Hugo). [V. aussi CHAMP.] ∥ 4. Fig. et littér. Se dit d’un visage fermé, qui exprime une réserve hostile : Relevant un visage clos et courroucé, elle quitte la pièce à pas sonnants (Martin du Gard). ∥ 5. Fig. Achevé, terminé définitivement : L’argent d’ici [...] est de l’argent gagné. Les opérations dont il procède sont closes (Romains). L’incident est clos. Un exercice clos (en matière financière). ∥ À la nuit close, quand la nuit est tout à fait tombée : Le poète, à la nuit close, | Ira prier à deux genoux (Gautier). ∥ Vx. Pâques closes, dimanche qui suit le dimanche de Pâques et termine les fêtes pascales. [On l’appelle aussi DIMANCHE DE QUASIMODO.] 2. clos [klo] n. m. (part. passé substantivé de clore ; XIIe s.). I. 1. Terrain cultivé, fermé de murs, de haies ou de fossés : Sidi Tart’si, à califourchon sur sa mule, revenait tout seulet de son petit clos (Daudet). ∥ 2. Spécialem. Terrain planté de vigne : Le clos Vougeot. Sans compter les clos de vigne, ni les deux cents arpents de bois qui les joignaient (Balzac). II. Le clos et le couvert, en termes de droit, la clôture et la couverture de l’habitation : Le propriétaire doit assurer le clos et le couvert au locataire. closeau [klozo] n. m. (de clos 2 ; XIIIe s., écrit closel ; closeau, 1690, Furetière). Petit clos. closerie [klozri] n. f. (de closier ; 1449, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Petite ferme, entourée de murs ou de haies : Une petite closerie qu’il possédait (R. Bazin). ∥ 2. À Paris, au XIXe s., jardin où se tenaient des bals et autres amusements publics : La closerie des Lilas. closier, ère [klozje, -ɛr] n. (de clos ; v. 1240, G. de Lorris). Dialect. En Anjou et en Touraine, fermier, fermière qui exploite une closerie : Des closiers labourent des champs perpendiculaires (Balzac). Elle n’habitait plus la maison des Gailleton, mais à côté, chez leurs « closiers », chargés de conduire le vignoble qui joignait le jardin (Daudet). clôture [klotyr] n. f. (réfection, d’après les mots en -ture, de closure [XIIe s.], lat. clausura, fermeture, de claudere, clore ; XIIe s., Herman de Valenciennes, écrit closture, au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet ; sens 3, XVIe s. ; sens 4, 1474, Bartzsch). 1. Enceinte qui ferme un terrain, entoure un édifice : Regardant, sans entrer, pardessus les clôtures, | Ainsi qu’un paria, | Il erra tout le jour (Hugo). ∥ 2. Spécialem. Enceinte d’un monastère interdite aux personnes étrangères à la communauté, et à l’intérieur de laquelle les religieux vivent cloîtrés : Une tiédeur inconnue l’enveloppait ; il lui semblait qu’elle avait jusqu’alors vécu cloîtrée, et que les limites de sa clôture, reculant soudain, lui découvraient un horizon insoupçonné (Martin du Gard). ∥ 3. Loi canonique interdisant ou limitant l’entrée et la sortie de l’enceinte d’un monastère ; obligations qui en résultent : Clôture papale, épiscopale. Le grand point à gagner dans la réforme du monastère, c’était la clôture ; une clôture exacte, absolue à l’égard du monde et de la famille (Sainte-Beuve). Une mondaine abbesse d’un de ces couvents d’Italie dont la clôture n’était pas si stricte que l’art n’y pût entrer (Gautier). ∥ 4. Fig. Action de terminer, d’arrêter définitivement : Clôture d’un exercice. Clôture d’une session. À la clôture des débats, l’ombre emplissait la salle (France). • SYN. : 2 cloître ; 4 achèvement, cessation, conclusion, fin. — CONTR. : 4 commencement, début, ouverture. clôturer [klotyre] v. tr. (de clôture ; 1787, Féraud, au sens 2 ; sens 1, fin du XVIIIe s.). 1. Entourer d’une clôture : Clôturer un jardin. ∥ 2. Fig. Mettre fin à ; terminer définitivement : Clôturer un exercice. Clôturer la saison théâtrale. La première partie [du spectacle] fut clôturée par une fort belle passe d’armes entre Jacques Rival et le fameux professeur belge Lebègue (Maupassant). ∥ Spécialem. Déclarer clos ; prononcer la clôture de : On clôtura la session. • SYN. : 1 clore, enclore ; 2 achever, arrêter, finir, terminer. — CONTR. : 2 amorcer, attaquer, commencer, engager, entamer, ouvrir. clou [klu] n. m. (lat. clavus, clou ; 1080, Chanson de Roland, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1865 ; sens I, 3, 1823, sens I, 4, 1833, sens I, 5, 1878, G. Esnault ; sens II, 1, v. 1265, J. de Meung ; sens II, 2, fin du XIIe s., Livre des Rois). I. 1. Petite tige de métal pointue à une extrémité, garnie d’une tête à l’autre, servant à fixer, à suspendre, à consolider ou à orner quelque chose : Chaussures à clous. La porte charretière [...], bossuée d’énormes têtes de clous (Daudet). Une plaque de marbre fixée par quatre clous à tête de bronze (Romains). ∥ Maigre comme un clou, comme un cent de clous, extrêmement maigre. ∥ Fig. River le clou, river son clou à quelqu’un, le faire taire par un argument sans réplique : Je me demande si, dans mon désir de river le clou à notre cher Paul et de méduser mon avoué, je ne t’ai pas attribué un titre inexact (Romains). ∥ Vx. Ne tenir ni à fer ni à clou, ni à clou ni à cheville, être peu solide. ∥ Vx. Compter les clous de la porte, attendre longtemps. ∥ Un clou chasse l’autre, une personne, une chose, une mode en supplante une autre. ∥ Planter son clou (comme pour suspendre ses affaires), s’installer à demeure. ∥ Fam. Cela ne vaut pas un clou, cela ne vaut rien. ∥ Pop. Ne pas en foutre un clou, ne rien faire : Un conducteur qui n’en fout pas un clou (Fabre). ∥ Pop. Des clous !, pas du tout, ou absolument rien, ou vous pouvez toujours attendre : Des clous que je vais me déranger pour cet empaillé-là ! (Bourdet). ∥ 2. Pop. Machine ou instrument usagés, en particulier bicyclette, véhicule hors d’âge ou en mauvais état : Il roulait sur un vieux clou et adjectiv. : J’ai décidé ma mère à bazarder mon vélo qui est vraiment trop clou (Martin du Gard). ∥ 3. Pop. Le clou, le mont-de-piété, où l’on dépose des objets en gage pour se procurer quelque argent : Demander à Élysée, à ce grand bohème qui connaissait tous les montsde-piété parisiens, s’il connaissait le clou ! (Daudet). ∥ Pop. Mettre au clou, mettre en gage, et aussi mettre au rebut quelque chose, renoncer à s’en servir : Elle avait mis ses bijoux au clou (Capus). ∥ 4. Arg. Prison, salle de police : À la fin de chacune de ses phrases revenaient, ainsi qu’une ritournelle obstinée, les mots de « clou », de « salle de police » et d’ « ours » (Huysmans). On m’a empoigné et v’lan, au clou (Hermant). ∥ 5. Fig. Ce qui accroche le regard, retient l’attention ; la principale attraction, la partie la plus réussie d’un spectacle, d’une manifestation : Le vrai clou de l’Exposition, pour moi, c’était, derrière ce décor, le wagon du Transsibérien (Morand). II. 1. Clou de girofle, bouton à fleur du giroflier, employé comme épice. ∥ 2. Fam. Nom usuel du furoncle : « Le pauvre petit avait un clou à la nuque », remarqua-telle avec indulgence (Martin du Gard). % clous n. m. pl. (sens 1, XXe s. ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Fam. Passage clouté, où les piétons doivent traverser la chaussée : Traverser aux clous, dans les clous. ∥ 2. Pop. Outils, instruments de travail, dans certains métiers : Ramasser, reprendre ses clous. clouage [kluaʒ] ou clouement [klumɑ̃] n. m. (de clouer ; 1611, Cotgrave, pour les deux mots). Action, manière de clouer : Au milieu de clouements, à grands coups de marteau (Goncourt). clouer [klue] v. tr. (de clou ; XIIe s., aux sens 1-2 ; sens 3, 1835, Acad. ; sens 4, 1680, Richelet ; sens 5, 1866, Larousse). 1. Fixer, assembler avec des clous : Au sol, un tapis cloué sur lequel sont jetées plusieurs carpettes d’Orient (Romains). ∥ Clouer son pavillon, en termes de marine, fixer le pavillon au mât avec des clous, pour montrer qu’on ne se rendra pas. ∥ 2. Spécialem. downloadModeText.vue.download 42 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 756 Fermer quelque chose en assujettissant les différentes parties avec des clous : Il alla chez Rondonneau jeune et le trouva dans l’arrière-boutique qui clouait une caisse (France). ∥ Par extens. Enfermer quelqu’un dans un coffre clos au moyen de clous : Dans la sacristie, on clouait le mort en son cercueil (Flaubert). ∥ 3. Fixer, immobiliser comme avec un clou : Enjolras resta adossé au mur comme si les balles l’y eussent cloué (Hugo). ∥ 4. Fig. Réduire à l’immobilité ; retenir à la même place : Elle vit le baron cloué sur place par l’admiration (Balzac). Depuis que cette rechute terrible de sa maladie de poitrine [...] le tenait cloué dans son lit (Daudet). Il revit son père cloué dans son fauteuil, et sa lèvre épaisse mouillée de lait (Martin du Gard). ∥ Clouer les regards, regarder ou faire regarder fixement : Le riche Voltaire se plaît à clouer nos regards sur la vue des malheurs inévitables de la pauvre nature humaine (Stendhal). ∥ 5. Fig. et fam. Clouer le bec à quelqu’un, le réduire au silence : Des acclamations avaient accueilli la première salve. Enfin on allait donc leur clouer le bec aux canons puissants (Zola). Il ergote volontiers, ne cherchant du reste pas à convaincre l’adversaire, mais à lui clouer le bec et à avoir le dernier mot (Gide). Eh bien ! tante Coralie leur tenait tête et leur clouait le bec ; mais sans jamais, jamais passer les bornes (Duhamel). • SYN. : 4 immobiliser, river. cloueur, euse [kluoer, -øz] n. (de clouer ; 1611, Cotgrave, au sens général de « celui qui cloue »). Ouvrier, ouvrière de la peausserie chargés de clouer les peaux sur une planche, pour leur donner leur forme définitive. % cloueuse n. f. (XXe s.). Machine automatique à clouer les caisses. cloutage [klutaʒ] n. m. (de clouter ; fin du XIXe s.). Action de clouter ; ensemble de clous disposés d’une certaine façon : Un cloutage des mêmes pierres encerclait la taille bohémienne (Daudet). ∥ Cloutage à glace, clous en forme de crampons, que l’on intercale entre les autres clous pour empêcher les chevaux de glisser sur le verglas. clouté, e [klute] adj. (part. passé de clouter).) Garni de clous : Les femmes [...] flairaient, tâtaient les lainages, soupesaient les brodequins cloutés (Martin du Gard). ∥ Passage clouté, Passage limité par une double rangée de clous à large tête, disposé en travers de la chaussée et destiné aux piétons. clouter [klute] v. tr. (de clou, avec un -t-dû à l’influence de cloutier ; 1547, Du Fail). Garnir de clous, pour protéger ou pour orner : Clouter des souliers. Clouter un coffret ; et au fig. : Le ciel bleu de roi, tout clouté d’étoiles (Vercel). •REM. Clouter est usité surtout au participe passé, à l’infinitif, aux temps composés. clouterie [klutri] n. f. (de cloutier ; début du XIIIe s., écrit claueterie ; clouterie, XVe s.). 1. Fabrique de clous ∥ 2. Fabrication industrielle, commerce des clous. cloutier [klutje] n. m. (de clouet [XIIIe s.], dimin. de clou ; XIIIe s., Godefroy, écrit d’abord clouetier, puis clotier, cloutier, sous l’influence de clou). Celui qui fabrique ou vend des clous. cloutière [klutjɛr] n. f. (de clou ; 1676, Félibien, au sens 1 ; sens 2, 1771, Trévoux). 1. Pièce de fer percée de trous, dont on se sert pour former à la main les têtes de clous, de vis : Il posait les bouts dans une cloutière, écrasant le fer qui formait la tête (Zola). [En ce sens, on dit aussi CLOUÈRE, CLOUIÈRE, CLOUTÈRE ou CLOUVIÈRE.] ∥ 2. Boîte à compartiments, où l’on répartit les clous selon leur grosseur. clovisse [klɔvis] n. f. (provenç. clauvisso, altér. de clausisso [de claus, clos], proprem. « [coquillage] qui se ferme [quand on le touche] » ; 1611, Cotgrave, écrit clouïsse ; clovisse, 1866, Larousse). Nom donné, dans les régions méditerranéennes, à un mollusque lamellibranche, coquillage comestible de la famille des vénéridés : Des vendeuses de moules et de clovisses, accroupies et piaillant à côté de leurs coquillages (Daudet). [Autre nom : PALOURDE.] • REM. On trouve aussi la graphie CLAUVISSE : Oui, Messieurs, le chef de la grande maison de banque « Hemerlingue et fils » n’avait pas, en ce temps-là, de quoi seulement se payer deux sous de clauvisses, sur le quai (Daudet). clown [klun] n. m. (mot angl. signif. proprem. « rustre » ; 1823, Arcieu, au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3, 1866, Larousse). 1. Personnage bouffon des farces anglaises. ∥ 2. Au cirque, artiste chargé de divertir les spectateurs, primitivement par des acrobaties, puis par des facéties, des sketches comiques : Clown admirable en vérité [...]. Il était barbouillé de blanc, de jaune, de vert et de rouge (Banville). ∥ 3. Fig. Personnage qui rappelle un clown par son comportement, ses propos ridicules : N’as-tu pas fini de faire le clown ? • SYN. : 2 auguste, bouffon, gugusse (fam.), paillasse ; 3 guignol, pitre, singe (fam.), zouave (fam.). clownerie [klunri] n. f. (de clown ; 1866, Larousse, au sens de « profession de clown » ; sens 1, 1873, Banville ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Tour, farce, plaisanterie de clown : Les mêmes clowneries et les mêmes sauts à travers les ronds de papier (Banville). Les clowneries des pitres semblaient fades à côté des leurs (Huysmans). ∥ 2. Fig. Acrobatie, contorsion, tour digne d’un clown : Ne jamais avoir recours à des supercheries, même heureuses, à des clowneries de langage pour éviter la difficulté (Maupassant). • SYN. : 2 bouffonnerie, facétie, pitrerie, singerie (fam.). clownesque [klunɛsk] adj. (de clown ; 1905, Bonnafé). 1. Propre au clown : La bouche clownesque ensorcelle comme un singulier géranium (Laforgue). ∥ 2. Digne d’un clown, grotesque : Sa coiffure semblait une houppe clownesque (Margueritte). clownesse [klunɛs] n. f. (de clown ; 1884, Huysmans). 1. Femme clown (peu usité) : Une clownesse enfarinée, perchiste et spécialiste du saut périlleux (Goncourt). ∥ 2. Femme ridiculement grimée ou accoutrée : Cette clownesse doit aimer, par tendance, une créature faible (Huysmans). cloyère [klwajɛr ou klɔjɛr] n. f. (de claie ; 1771, Trévoux). 1. Panier pour expédier le poisson ou les huîtres. ∥ 2. Contenu de ce panier (vingt-cinq douzaines) : La cloyère d’huîtres qu’elle nous envoyait (Labiche). ∥ 3. Par extens. Panier : Nous avons dans la rue marchande un gros cabinet de lecture où il nous vient des cloyères de livres (Musset). • SYN. : 1 et 2 bourriche. 1. club [kloeb] n. m. (mot angl. ; sens 1, début du XVIIIe s. ; sens 2, 1702, Brunot ; sens 3, 1774, Gohin ; sens 4, 1953, Robert). 1. Au XVIIIe s., société où l’on discutait de problèmes philosophiques ou politiques, des affaires publiques : Le Club de l’Entresol. Le Club des Jacobins. Les hameaux et les bourgades gémissaient sous la tyrannie des clubs affiliés au club central des Cordeliers, depuis réuni aux Jacobins (Chateaubriand). Les clubs qui s’étaient formés pour soutenir les principes de notre Révolution furent en grande partie dissous (Michelet). Les mouvements populaires, les clubs et les solennités de 1848 avaient également fourni à M. G. une série de compositions pittoresques (Baudelaire). ∥ 2. Cercle aristocratique où l’on se réunit pour lire, causer, jouer : Votre seigneur et maître | À son club est allé tailler le baccara (Murger). La vie des clubs et des cercles l’absorba tout entier (Baudelaire). C’était une sorte de club, comprenant des membres de l’Institut et des candidats choisis (Duhamel). ∥ 3. Association réunissant des personnes ayant un même but, des intérêts communs : Club d’étudiants. ∥ Spécialem. Association sportive, ou association à buts touristiques : Jacques Peyrony, quinze ans, capitaine d’une équipe « junior » de football dans un grand club de Paris (Montherlant). Club alpin. TouringClub. ∥ 4. Fauteuil club, ou simplem. club, large et profond fauteuil de cuir. • SYN. : 3 groupe, groupement, société. 2. club [kloeb] n. m. (mot angl. signif. « massue » ; 15 sept. 1882, la Vie élégante). Au golf, instrument en forme de crosse dont la tête est en bois ou en fer, et qui sert à lancer la balle : Ses épaules, que j’avais vues baissées et sournoises quand elle rapportait downloadModeText.vue.download 43 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 757 les clubs de golf, s’appuyaient à mes livres (Proust). clubiste [kloebist] n. m. (de club 1 ; 1784, Journ. de Paris, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré ; sens 3, fin du XIXe s.). 1. Celui qui fréquentait un club politique, spéciale- ment sous la Révolution : Journaliste et clubiste, sans cesse haletant, il [Camille Desmoulins] se vantait d’avoir toujours eu six mois d’avance sur l’opinion publique (Sainte-Beuve). ∥ 2. Vx. Membre d’un club, d’un cercle. ∥ 3. Membre d’une association sportive : Deux grands clubistes allemands se présentèrent (Frison-Roche). clubman [kloebman] n. m. (mot angl. ; 1862, E. Texier). Vx. Membre d’un club, d’un cercle aristocratique : Les élèves [...] courent au boulevard Magenta, rempli de coupés et de victorias d’où descendent des clubmen, l’oeillet blanc à la boutonnière (Morand). • Pl. des CLUBMEN [mɛn]. clupéidés [klypeide] n. m. pl. (du lat. clupea, alose ; milieu du XIXe s.). Famille de poissons de mer ou d’eau douce, comprenant les harengs, les sardines, les aloses. cluse [klyz] n. f. (mot jurassien, du lat. clusa, autre forme de clausa, endroit fermé, de claudere, clore ; 1562, Du Pinet ; rare jusqu’au XIXe s.). Vallée encaissée, entaillée par une rivière transversalement à une chaîne de montagnes : Lisée, ce jour-là, comme les jours précédents, gravissait la cluse étroite (Pergaud). ∥ Cluse morte, celle qui n’est plus parcourue par une rivière. clysoir [klizwar] n. m. (du gr. kluzein, laver [v. CLYSTÈRE] ; 1835, Acad.). Vx. Tuyau terminé par une canule, servant à prendre des lavements : Un pauvre bougre, qui ribotte avec de la tisane et bamboche avec le clysoir (Flaubert). clysopompe [klizɔpɔ̃p] n. m. (de clyso-, élément tiré du gr. kluzein, laver, et de pompe ; 1836, Landais). Vx. Instrument pour administrer des clystères : Enfin, ces employés des postes ne jouèrent plus qu’en sourdine : on aurait dit une harmonie de clysopompes (Montherlant). clystère [klistɛr] n. m. (lat. clyster, gr. klustêr, de kluzein, laver ; 1256, Ald. de Sienne). Vx. Lavement, injection de liquide par le fondement : Ils traitaient eux-mêmes les animaux, leur administraient des purgations, des clystères (Flaubert). cnémide [knemid] n. f. (gr. knêmis, -idos, jambière, de knêmê, jambe ; 1788, Encycl. méthodique). Jambière de bronze, doublée de cuir, des soldats de la Grèce ancienne : Des pieds qui n’avaient plus de chair sortaient des cnémides (Flaubert). co- [kɔ], col- [kɔl], com- [kɔm], con[kɔ̃], cor- [kɔr], formes du même élément (tiré du lat. co, var. de cum, avec), employées comme préfixes, dès le latin, dans de nombreux mots exprimant la réunion : coalition ; l’adjonction : coauteur d’un crime ; la simultanéité : coéternel. • REM. On rencontre co- devant une voyelle : coaccusé, coefficient, coopérer, ainsi que devant des consonnes dans certains mots de formation récente : copilote, coproduction. Quand le deuxième élément commence par i, cet i prend un tréma en composition : coïncidence, coïnculpé. On trouve col- devant un radical commençant par l : collaborer ; comdevant un radical commençant par b, m, p : combattre, commettre, comparer ; cor- devant un radical commençant par r : correspondre ; con- devant les autres consonnes : concourir, condamner. coaccusation [kɔakyzasjɔ̃] n. f. (de coet de accusation ; 1866, Larousse). État de personnes coaccusées. coaccusé, e [kɔakyze] n. et adj. (de co- et de accusé ; 1771, Trévoux). Chacune des personnes accusées d’avoir participé avec d’autres à un même crime ou délit. coach [kotʃ] n. m. (mot angl. signif. « carrosse » ; 1948, Larousse [fin du XIXe s., au sens de « diligence anglaise »]). Carrosserie automobile fermée, à deux portes et à quatre glaces, et dans laquelle les sièges avant se rabattent pour donner accès aux places arrière. coacquéreur [kɔakeroer] n. m. (de co- et de acquéreur ; XVIe s., Godefroy). Personne qui acquiert un bien en commun avec d’autres. coacquisition [kɔakizisjɔ̃] n. f. (de co- et de acquisition ; XVIe s., Coutumier général). Acquisition faite en commun. coadjuteur [kɔadʒytoer] n. m. (bas lat. coadjutor, de co- et de adjutor, aide ; v. 1265, J. de Meung). 1. Ecclésiastique désigné pour aider un évêque, un archevêque à exercer ses fonctions, avec ou sans droit à sa succession : Cette crainte qu’on ne lui donnât un coadjuteur empoisonnait la vieillesse de Mgr Charlot (France). ∥ 2. Un des grades de l’ordre des Jésuites : L’ordre des Jésuites était divisé en trois degrés : écoliers approuvés, coadjuteurs formés et profès (Chateaubriand). % adj. m. Père coadjuteur, frère coadjuteur, religieux adjoints à un supérieur, dans certaines congrégations. coadjutrice [kɔadʒytris] n. f. (fém. de coadjuteur ; 1690, Furetière). Religieuse adjointe à une abbesse et désignée pour lui succéder. coadministrateur [kɔadministratoer] n. m. (de co- et de administrateur ; 1866, Larousse). Celui qui administre avec un ou plusieurs autres. coagulabilité [kɔagylabilite] n. f. (de coagulable ; 1866, Larousse). Propriété de se coaguler : Coagulabilité du sang. coagulable [kɔagylabl] adj. (de coaguler ; av. 1594, Dariot). Qui peut se coaguler : L’albumine est coagulable. coagulant, e [kɔagylɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de coaguler ; 1827, Acad.). Qui a la propriété de coaguler : La présure est une substance coagulante. % coagulant n. m. (1845, Bescherelle). Substance capable d’en coaguler d’autres : Le tanin est un coagulant de la gélatine. coagulateur, trice [kɔagylatoer, -tris] adj. (de coaguler ; 1866, Larousse). Qui produit la coagulation : L’effet coagulateur de l’alcool. coagulation [kɔagylasjɔ̃] n. f. (de coaguler ; fin du XIVe s., Somme Me Gautier). Phénomène par lequel les particules solides en suspension dans un liquide organique (sang, lymphe, lait) se prennent en une masse solide : Avant toute opération chirurgicale, on détermine le temps de coagulation du sang du patient. coaguler [kɔagyle] v. tr. (lat. coagulare ; XIIIe s., Godefroy). Précipiter en une masse solide les particules en suspension dans un liquide organique : La chaleur coagule les solutions d’albumine. • SYN. : cailler, figer. % v. intr. ou se coaguler v. pr. En parlant d’un liquide organique, former un caillot, se prendre en une masse solide, ou coagulum : Le sang coagule, se coagule plus ou moins vite. • SYN. : se cailler, se figer ou figer, prendre. coagulum [kɔagylɔm] n. m. (mot lat. signif. « présure, lait caillé » ; 1743, Brunot [aux XVIe et XVIIe s., on utilisait la forme francisée coagule : v. Godefroy et Delboulle]). Masse de substance coagulée. • SYN. : caillot. coalisé, e [kɔalize] adj. et n. (part. passé de [se] coaliser ; 1784, Courrier de l’Europe). Se dit d’une personne, d’un État qui unit ses forces à d’autres contre un adversaire commun : Les Coalisés envahirent la France en 1814. coaliser [kɔalize] v. tr. (de coalition ; 1791, Journ. de Paris). Unir les forces de plusieurs personnes, de plusieurs peuples contre un autre : L’Angleterre coalisa les peuples de l’Europe contre Napoléon. • SYN. : grouper, liguer, rassembler, réunir. % se coaliser v. pr. 1. En parlant d’États, former une coalition contre un adversaire commun : Des forces nombreuses étaient toujours prêtes à se coaliser pour empêcher qu’il n’y eût une Allemagne unie et puissante sous un seul sceptre (Bainville). ∥ 2. Vx. En parlant de personnes (travailleurs, producteurs, etc.), s’unir en vue d’une downloadModeText.vue.download 44 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 758 lutte commune : Les ouvriers se coalisent pour obtenir une augmentation de salaire (Blanqui). ∥ 3. Fig. et vx. Unir ses efforts pour oeuvrer en commun : Mille cerveaux auront beau se coaliser, ils ne composeront jamais le chef-d’oeuvre qui sort de la tête d’un Homère (Chateaubriand). • SYN. : 1 s’allier, se liguer ; 2 s’accorder, se concerter, s’entendre ; 3 s’assembler, se grouper, se rassembler, se réunir. — CONTR. : 1 se battre, combattre, rompre ; 2 s’opposer, se séparer ; 3 rivaliser. coaliseur, euse [kɔalizoer, -øz] adj. (de coaliser ; XXe s.). Qui tend à grouper des individus en vue d’un effort commun (peu usité) : L’instinct coaliseur des êtres de même espèce, de même faiblesse (Frapié). coalition [kɔalisjɔ̃] n. f. (du part. passé coalitus du v. lat. coalescere, s’unir ; 1544, M. Mathée, au sens théol. de « réunion » ; repris de l’angl. coalition [de même origine], aux sens actuels, 1718, Mackenzie). 1. Association militaire et politique de peuples, d’États, contre un adversaire commun : Ce furent eux qui sauvèrent la colonie au berceau [...] en prévenant des coalitions générales d’Indiens (Chateaubriand). Presque toutes les coalitions ont eu pour objet l’iniquité et la guerre (Guizot). ∥ 2. Entente entre personnes (ouvriers, patrons, commerçants, industriels) pour modifier à leur profit des conditions économiques : La loi Le Chapelier (1791) réprimait les coalitions. ∥ 3. Entente entre partis politiques pour une action commune, sur un programme commun : Coalition électorale. ∥ Gouvernement de coalition, gouvernement par plusieurs groupes parlementaires. ∥ 4. Ensemble des forces unies contre un adversaire commun : Pour former la coalition dont il aspirait à devenir le chef, Démétrius était obligé à de grands ménagements à l’égard du roi de Pologne et du pape (Mérimée). ∥ 5. Fig. et littér. Association intellectuelle, morale : Une coalition monstrueuse entre l’intrigue et la probité (Mirabeau). • SYN. : 1 alliance, entente, ligue ; 2 association, collusion, confédération. — CONTR. : 1 conflit, hostilité ; 2 discorde, dissension. coaltar [koltar] n. m. (mot angl., de coal, charbon, et tar, goudron ; début du XIXe s., d’après Larousse, 1866). Anc. appellation du goudron de houille employé pour prévenir la pourriture du bois. coaltarer [koltare] v. tr. (de coaltar ; 1866, Larousse). Vx. Enduire, imprégner de coaltar : Coaltarer un bateau. coassant, e [kɔasɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de coasser ; 1863, Littré). Qui coasse (au pr. et au fig.) : Une foule coassante se dispute les trottoirs étroits (Duhamel). coassement [kɔasmɑ̃] n. m. (de coasser ; 1600, O. de Serres, écrit coaxement [coassement, 1677, Miege], au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Cri de la grenouille, du crapaud : Nos chevaux qu’effrayait le coassement d’une multitude de grenouilles... (Chateaubriand). ∥ 2. Fig. et péjor. Propos défavorables tenus contre quelqu’un : Je suis, Dieu merci, audessus des coassements de l’autre parti (Martin du Gard). coasser [kɔase] v. intr. (lat. coaxare, de l’onomatop. grecque koax ; milieu du XVIe s., Ronsard, au sens 1 ; sens 2, av. 1720, Chaulieu). 1. Crier, en parlant de la grenouille, du crapaud : Vers neuf heures, une rainette coassa (Bosco). ∥ 2. Fig. et péjor. Tenir des propos malveillants : Laissons coasser les envieux. • SYN. : 2 cancaner (fam.), clabauder, commérer (fam.), criailler, jaser. coassocié, e [kɔasɔsje] n. (de co- et de associé ; 1596, Basmaison). Personne associée à une ou plusieurs autres : Si M. Haffner devient votre coassocié, nos profits seront compromis (Zola). coassurance [kɔasyrɑ̃s] n. f. (de co- et de assurance ; 30 août 1876, Journ. des débats). Assurance simultanée d’un même risque par plusieurs assureurs, dans la limite de valeur du bien garanti. coati [kɔati] n. m. (mot tupi-guarani, empr. par l’intermédiaire du portug. ; 1558, Lokotsch). Mammifère carnassier, à museau allongé, à longue queue, vivant dans les forêts des deux Amériques. coauteur [kɔotoer] n. m. (de co- et de auteur ; 1863, Littré). 1. Auteur qui collabore ou a collaboré avec un ou plusieurs autres à une même oeuvre littéraire ou artistique : Erckmann et Chatrian sont les coauteurs de « l’Ami Fritz ». ∥ 2. En droit pénal, celui qui a commis un délit, un crime, en participation directe et principale avec un ou plusieurs autres. coaxial, e, aux [kɔaksjal, -o] adj. (de co- et de axial ; 1953, Larousse). 1. Qui a le même axe qu’une autre pièce, un autre élément : Cylindres coaxiaux. ∥ 2. Hélices coaxiales, hélices montées sur des arbres concentriques. cob [kɔb] n. m. (mot angl. ; 2 avr. 1880, le Figaro). Cheval de taille moyenne, à l’encolure épaisse et courte. cobalt [kɔbalt] n. m. (allem. Kobalt, var. de Kobold, lutin [évolution sémantique semblable à celle de nickel] ; 1549, Belon [cité par Gobet, 1779], au sens 1 ; sens 2, av. 1850, Balzac). 1. Métal blanc, voisin du fer et du nickel, employé surtout en alliage et pour la préparation de certains colorants. ∥ Bombe au cobalt, générateur de rayons γ thérapeutiques, émis par une charge de radiocobalt. ∥ 2. Couleur bleue de certains composés du cobalt : L’ardent cobalt de l’éther (Balzac). cobaye [kɔbaj] n. m. (lat. zool. cobaya, du tupi-guarani sabúja, par l’intermédiaire du portug. ; 1775, Valmont de Bomare, écrit cobaya [cobaye, 1820, Laveaux], au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Petit mammifère rongeur, originaire de l’Amérique du Sud, élevé surtout comme animal de laboratoire, et appelé couramment cochon d’Inde : Ses yeux, comme ceux des cobayes, avaient des prunelles de rubis (France). Les cobayes remuent dans leur cage et me considèrent avec leur petit oeil vif et intelligent (Duhamel). ∥ 2. Fig. et fam. Sujet d’expérience. cobéa [kɔbea] n. m. ou cobée [kɔbe] n. f. (lat. des botanistes cobaea, n. donné à la plante en l’honneur du missionnaire espagnol Juan Cobo ; 1801, Encycl. méthodique). Plante grimpante, originaire du Mexique, à grandes fleurs bleues en cloche : Ma petite croisée festonnée de lierre et de cobées à cloche d’iris (Chateaubriand). cobelligérant, e [kɔbɛliʒerɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (de co- et de belligérant ; milieu du XXe s.). Se dit d’une nation, d’un État qui participe aux côtés d’autres à une guerre contre un adversaire commun : L’Italie fut, en 1943, considérée par les Alliés comme cobelligérante. cobra [kɔbra] n. m. (ellipse de cobra capel [1587, Brunot], du portug. cobra capelo [lat. pop. *colobra, couleuvre, et *capellus, coiffe, de cappa, capuchon], proprem. « couleuvre-chapeau », à cause de la peau en forme de capuchon que l’animal a sur la tête ; 1866, Larousse). Serpent venimeux du genre naja, qui peut dépasser 4 m de long, et dont une espèce de l’Inde est appelée serpent à lunettes. coca [kɔka] n. m. (mot esp., empr. de l’aymara, langue de l’est de l’Argentine ; 1569, Fumée). Arbuste des Andes, dont les feuilles ont des propriétés stimulantes et renferment un alcaloïde, la cocaïne. • REM. L’arbuste est aussi connu sous le nom de COCAÏER (1907, Larousse). % n. f. (milieu du XIXe s.). Substance extraite des feuilles du coca : Il serait oiseux de parler des excitants vulgaires tels que l’absinthe, le thé, le café, le vin de quinquina ou même la coca, ou erythroxylon, cette singulière plante dont les feuilles mâchées augmentent l’énergie en diminuant le sommeil et en supprimant l’appétit (Baudelaire). cocagne [kɔkaɲ] n. f. (mot méridional, d’origine obscure ; début du XIIIe s., Aymeri de Narbonne, écrit quoquaigne). 1. Class. Réjouissance : Je vois des cocagnes pour un peuple immense, des feux d’artifice (Voltaire). ∥ 2. Auj., ne s’emploie plus que dans quelques expressions. ∥ Pays de cocagne, pays merveilleux où l’on a tout à volonté, où la vie est facile : Un vrai pays de cocagne, où tout est beau, riche, tranquille, honnête ; où le luxe a plaisir à se mirer dans l’ordre ; où la vie est grasse et douce à respirer ; d’où le désordre, la turbudownloadModeText.vue.download 45 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 759 lence et l’imprévu sont exclus (Baudelaire). Alger, ville de cocagne pour les spahis (Loti). ∥ Vie de cocagne, celle où l’on goûte toutes sortes de plaisirs : Denis organisait une vie de cocagne. Son travail serait d’aller à l’affût des grives, de tendre des nasses (Mauriac). ∥ Mât de cocagne, dans les fêtes publiques, mât glissant, au sommet duquel sont suspendus divers objets, qu’il faut aller décrocher. • SYN. : 2 eldorado. cocaïer n. m. V. COCA. cocaïne [kɔkain] n. f. (de coca ; 1856, Lachâtre). Alcaloïde extrait des feuilles de coca, utilisé comme anesthésique local, et dont l’usage prolongé aboutit à une toxicomanie grave. • SYN. : coco (fam.). cocaïnisation [kɔkainizasjɔ̃] n. f. (de cocaïne ; 1907, Larousse). Anesthésie par la cocaïne. cocaïnisme [kɔkainism] ou cocaïsme [kɔkaism] n. m. (de cocaïne ; 1907, Larousse). État morbide résultant de l’abus de la coca ou de son alcaloïde, la cocaïne. cocaïnomane [kɔkainɔman] n. (de cocaïnomanie ; 1922, Larousse). Personne atteinte de cocaïnomanie : Nous autres, domestiques, c’est rare si nous ne servons pas chez des cocaïnomanes des morphines ou des absinthes (L. Daudet). Nombre de fumeurs d’opium et de cocaïnomanes à Zurich (Gide). cocaïnomanie [kɔkainɔmani] n. f. (de cocaïno-, élément tiré de cocaïne, et de manie ; 1888, Larousse). Abus de la cocaïne, qui aboutit à l’intoxication. cocarde [kɔkard] n. f. (de l’anc. franç. coquart, vaniteux, coq, dér. de coq ; 1532, Rabelais, dans bonnet à la cocarde, bonnet orné d’une patte découpée en crête de coq ; cocarde, 1732, Trévoux, au sens 1 ; sens 2, début du XIXe s., Chateaubriand ; sens 3, XXe s. ; sens 4, 1835, Acad. ; sens 5, 1866, Larousse). 1. Insigne circulaire en étoffe, aux couleurs d’une nation, d’un parti, que l’on portait autrefois fixé à la coiffure, et qui, primitivement, était réservé aux militaires : Il [...] fixa avec l’épine le bord retroussé et la cocarde à la forme du chapeau (Hugo). ∥ Cocarde tricolore, sous la Révolution et au début du XIXe s., emblème des républicains : Il sortit dans la rue avec une énorme cocarde tricolore (Renan). ∥ Cocarde blanche, emblème des royalistes légitimistes, partisans des Bourbons : Il ôta son chapeau [...], tira de sa poche une cocarde blanche (Hugo). ∥ Vx. Prendre la cocarde, se faire soldat. ∥ 2. Par extens. Nation, parti : Enfin, par la guerre d’Espagne, j’avais contribué à étouffer les conspirations, à réunir les opinions sous la même cocarde et à rendre à notre canon sa portée (Chateaubriand). ∥ Vx. Changer de cocarde, changer de parti, d’opinion. ∥ 3. Cercles concentriques aux couleurs nationales, peints sur le fuselage et les ailes des avions militaires. ∥ 4. Vx. Rosace de ruban, de perles ou de plumes, posée sur un chapeau, un vêtement de femme. ∥ Dans certaines courses de taureaux, rosace que porte la bête et qu’il s’agit de lui arracher : Il arracha la cocarde au taureau et la porta à Carmen qui s’en coiffa sur-le-champ (Mérimée). ∥ 5. Pop. Tête : Ce vin lui a tapé sur la cocarde. ∥ Vx. Avoir sa cocarde, être ivre. ∥ Vx. Une cocarde, une saoulerie : On était bien venu de lui reprocher une cocarde de temps à autre (Zola). cocardeau [kɔkardo] n. m. (de l’anc. franç. coquard, coq, par comparaison de la couleur rouge de la fleur avec celle de la crête du coq ; XVe s., Godefroy, puis 1832, Raymond). Nom donné à une variété de giroflée. cocarder (se) [səkɔkarde] v. pr. (de [avoir sa] cocarde ; 1870, Poulot). Pop. et vx. S’enivrer : On était gai, il ne fallait pas maintenant se cocarder cochonnément si l’on voulait respecter les dames (Zola). cocardier, ère [kɔkardje, -ɛr] adj. (de cocarde ; 1858, Larchey, au sens 2 ; sens 1, 1866, Larousse ; sens 3, 1907, Larousse). 1. Qui porte la cocarde : En provence, nos taureaux cocardiers reconnaissent très bien les hommes avec qui ils ont eu particulièrement maille à partir (Montherlant). ∥ 2. Péjor. Se dit des personnes qui aiment l’uniforme, le panache, qui font preuve d’un patriotisme étroit et excessif : S’il passait pour un dreyfusard enragé aux yeux de beaucoup, mon camarade le trouva tiède, infecté de nationalisme, et cocardier (Proust). Par-dessus le marché, je suis cocardier. Je crois à la tradition militaire de la France (Romains). ∥ 3. Péjor. Se dit des actes, des sentiments inspirés par cette tendance : On doit remettre la croix d’honneur à quelques braves. Ton côté cocardier est-il content ? (Bourget). En temps de paix — nous l’avons vu en France —, on trouve, à la rigueur, une majorité pour élire au gouvernement l’homme d’une politique cocardière : il y a toujours des imprudents pour jouer avec le feu (Martin du Gard). • SYN. : 2 et 3 chauvin, patriotard (fam.). cocasse [kɔkas] adj. (var. de l’anc. adj. coquard, vantard, prétentieux, dér. de coq ; 1739, Caylus). Qui fait rire par son étrangeté, sa bizarrerie : Non, je préfère ne pas parler de Coltard, c’est une des figures les plus cocasses de ma vie (Duhamel). Je tombe sur une place sans lumière et devant une espèce de véhicule cocasse, un métis avorté d’omnibus et de tramway (Romains). • SYN. : bouffon, burlesque, comique, drôle, impayable (fam.). cocasserie [kɔkasri] n. f. (de cocasse ; 1837, Balzac). 1. Caractère de ce qui est cocasse : Quand la lettre était remarquable par son extrême cocasserie, il arrivait que Joseph la montrât à sa femme (Duhamel). ∥ 2. Chose cocasse : Lorie [...] s’amusait [...] des cocasseries du vaudeville à surprises (Daudet). • SYN. : 1 drôlerie. cocassier n. m. V. COQUASSIER. coccidés [kɔkside] n. m. pl. (du gr. kokkos, cochenille, et eidos, apparence ; 1878, Larousse). Famille d’insectes comprenant les cochenilles et les formes voisines. coccidies [kɔksidi] n. f. pl. (du gr. kokkos, grain, et eidos, apparence, à cause de la forme de ces microbes ; 1898, Larousse). Genre de protozoaires, comprenant de nombreuses espèces, parasites du foie, de l’intestin, des reins. coccidiose [kɔksidjoz] n. f. (de coccidie ; début du XXe s.). Affection provoquée par les coccidies : Coccidiose du lapin. coccinelle [kɔksinɛl] n. f. (lat. des naturalistes coccinella, de l’adj. coccinus, écarlate [de coccum, gr. kokkos, cochenille], à cause de la couleur des élytres de l’insecte ; 1754, La Chesnaye des Bois). Insecte coléoptère, appelé aussi bête à bon Dieu, dont les élytres orangés ou rouges sont parsemés de points noirs : Une coccinelle cheminait sur la manche de sa redingote (France). coccobacille [kɔkobasil] n. m. (du gr. kokkos, graine, et de bacille ; XXe s.). Petit bacille de forme ovale. coccygien, enne [kɔksiʒjɛ̃, -ɛn] adj. (de coccyx ; 1753, Encyclopédie). Qui appartient au coccyx : Vertèbres coccygiennes. coccyx [kɔksis] n. m. (gr. kokkux, coucou, par comparaison de la forme de l’os avec le bec de cet oiseau ; 1541, J. Canappe). Pièce osseuse formée par la soudure des vertèbres terminales, réduites, de la colonne vertébrale : Un appendice caudal qui semblait n’être d’abord qu’un prolongement du coccyx (Nerval). 1. coche [kɔʃ] n. m. (bas lat. caudica, sorte de canot ; v. 1283, Beaumanoir [fém. jusqu’au XVIe s.] ; coche d’eau, 1669, Widerhold). Coche d’eau, chaland tiré par des chevaux, qui transportait des voyageurs et des marchandises : La Saône, voilée de brumes légères, effaçait lentement le sillage du coche d’eau qui venait de passer (France). 2. coche [kɔʃ] n. m. (allem. Kutsche, d’origine hongroise ou tchèque ; 1545, Charrière). Grande voiture qui faisait le service des voyageurs : Bon gentilhomme [...], présentant le coude aux dames pour descendre de coche (Gautier). ∥ Fig. Manquer, rater (fam.) le coche, laisser perdre une occasion favorable ou profitable. ∥ Être, faire la mouche du coche, se remuer beaucoup sans aucun résultat downloadModeText.vue.download 46 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 760 appréciable (par allusion à la fable de La Fontaine). 3. coche [kɔʃ] n. f. (lat. pop. *cocca, probablem. de coccum, excroissance d’une plante, les bords d’une entaille ressemblant à une excroissance ; v. 1175, Chr. de Troyes). 1. Vx. Entaille faite dans un corps solide ; spécialem., marque faite autrefois dans un morceau de bois, par un commerçant, pour noter une dette : Lisant à peine, n’écrivant pas, marquant les sous qu’il prêtait avec des coches, dans du bois, comme il avait vu faire aux garçons boulangers de Lyon, ses compatriotes, jamais il ne s’embrouillait dans ses comptes (Daudet). ∥ 2. Par extens. Entaille : Cette vallée est une coche de deux mille pieds de profondeur entaillée dans un plein bloc de granit (Chateaubriand). • SYN. : 1 cran, encoche, marque. 4. coche [kɔʃ] n. f. (de cochon ; XIIIe s., Roman de Renart, au sens 1 ; sens 2, 1606, Nicot). 1. Vx. Femelle du cochon, truie. ∥ 2. Fig. et pop. Grosse femme vulgaire. cochenillage [kɔʃnijaʒ] n. m. (de cocheniller ; 1723, Savary des Bruslons). Bain de teinture rouge, préparé avec la cochenille. cochenille [kɔʃnij] n. f. (esp. cochinilla, proprem. « cloporte », dimin. de cochino, cochon ; 1567, Fréville, écrit cossenille, au sens 2 ; cochenille, aux sens 1-2, 1578, Vigenère). 1. Insecte de la famille des coccidés, dont une espèce vit sur le nopal du Mexique et fournit une teinture rouge, le carmin. ∥ 2. Cette teinture elle-même. cocheniller [kɔʃnije] v. intr. (de cochenille ; 1877, Littré). Récolter la cochenille. % v. tr. (1723, Savary des Bruslons). Plonger un tissu dans un bain de cochenille. cochenillier [kɔʃnilje] n. m. (de cochenille ; 1698, Dampier). Nom usuel du nopal, sur lequel vit la cochenille. 1. cocher [kɔʃe] n. m. (de coche 2 ; 1560, R. Belleau). Conducteur d’une voiture à cheval : Un cocher de remise, que tous les matins de sa vie ouvrière elle avait vu s’en aller ainsi, lourd dans ses grosses bottes peu habituées à la marche, tenant précieusement à la main ce fouet qui est l’épée du cocher, l’insigne de son grade, et ne le quitte jamais (Daudet). ∥ Fam. et vx. Fouette cocher !, ordre donné au cocher de fouetter ses chevaux pour partir ; au fig., signifie « En avant, que rien ne nous arrête ! ». 2. cocher [kɔʃe] v. tr. (de coche 3 ; début du XIVe s.). 1. Vx. Marquer d’une entaille. ∥ 2. Par extens. Marquer d’un trait, d’un repère : Sous la Terreur, on le prévint de Bernay que son nom était coché sur la liste sanglante (La Varende). côcher [koʃe] v. tr. (altér. de l’anc. franç. chaucher [XIIIe s.], d’après le picard cauquer, caukier, même sens [1256, Ald. de Sienne], proprem. « presser, fouler », lat. calcare, fouler, piétiner ; 1680, Richelet). Vx et dialect. En parlant d’un oiseau de basse-cour, couvrir la femelle. • REM. On trouve aussi la forme COCHER (influencée par coq). cochère [kɔʃɛr] adj. f. (de coche 2 ; 1611, Cotgrave). Porte cochère, grande porte, à deux battants, qui permet le passage des voitures : Élisabeth guettait le choc sourd de la porte cochère (Cocteau). • SYN. : charretière. cochet [kɔʃɛ] n. m. (de coq ; XIIIe s., Roman de Renart). Class. Jeune coq. cochevis [kɔʃvi] n. m. (origine obscure, peut-être onomatop. ; v. 1320, Watriquet de Couvin). Grosse alouette à huppe pointue. cochléaire [kɔkleɛr] adj. (du lat. cochlear, cuiller ; 1866, Larousse). En forme de cuiller. ∥ Organe cochléaire, le limaçon, partie de l’oreille interne. ∥ Nerf cochléaire, ensemble des fibres du nerf auditif. cochléaria [kɔklearja] n. m. (mot du lat. des botanistes, tiré du lat. cochlear, cuiller, à cause de la forme des feuilles de cette plante ; 1599, Vera). Plante de la famille des crucifères, à fleurs blanches, poussant sur le littoral et dans les lieux humides, dont une variété, dite cranson officinal, est utilisée comme antiscorbutique : L’évêque considérait en soupirant un plant de cochléaria que le panier avait brisé (Hugo). 1. cochon [kɔʃɔ̃] n. m. (peut-être de l’onomatop. coch-, servant à appeler les porcs ; XIIIe s., au sens de « jeune porc » [encore au XVIIe s.] ; sens 1 et 3, 1680, Richelet ; sens 2, 1808, d’Hautel). 1. Mammifère domestique de l’ordre des pachydermes, voisin du sanglier, engraissé pour sa viande : Il [...] graissait ses souliers de chasse avec le lard de ses cochons (Flaubert). La guerre consiste uniquement à voler des poules et des cochons aux vilains (France). ∥ Cochon de lait, petit cochon qui tète encore : Elle n’avait peur de personne, pas même d’un petit cochon de lait (Vigny). ∥ Fam. Tête de cochon, personne qui a fort mauvais caractère. ∥ Fam. Yeux de cochon, yeux petits et eexntfroênmcéesm.∥enFt agmra.sG. ∥r aFsa cmom. Mmaen ugner c coocmhomne, un cochon, manger avec voracité et malpropreté. ∥ Fam. Nous n’avons pas gardé les cochons ensemble, nous n’avons rien de commun. (Se dit pour repousser la familiarité déplacée de quelqu’un.) ∥ Fam. Un cochon n’y retrouverait pas ses petits, c’est un désordre inextricable. ∥ Pop. Donner des confitures à un cochon, donner à une personne un cadeau qu’elle est incapable d’apprécier. ∥ 2. Fam. Viande de porc : Un rôti de cochon. ∥ Fig. et fam. Ne pas savoir, se demander si c’est du lard ou du cochon, s’interroger avec embarras sur l’attitude de quelqu’un, se demander si l’on n’est pas victime d’un mauvais tour. ∥ 3. Par anal. Nom donné à divers animaux qui rappellent plus ou moins le cochon, en particulier au sanglier : Les chiens sont sur un cochon. ∥ Cochon d’Amérique, cochon noir, pécari. ∥ Cochon cuirassé, tatou. ∥ Cochon d’Inde, cobaye. ∥ Cochon de mer, marsouin. • SYN. : 1 porc. 2. cochon, onne [kɔʃɔ̃, -ɔn] adj. et n. (même étym. qu’à l’art. précéd. ; 1666, Roman bourgeois, dans la loc. camarades comme cochons ; sens 1, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; sens 2, 1759, Voltaire ; sens 3, 1835, Acad. ; sens 4, 1898, Téramond). 1. Fig. et fam. Individu malpropre, qui a des manières grossières : Avant notre mariage, il buvait en vrai cochon (Zola). ∥ Spécialem. et pop. Se dit, comme injure, à un individu désagréable, déplaisant. ∥ 2. Personnage déloyal : Il m’a joué un tour de cochon. Cochon qui s’en dédit. ∥ 3. Fam. Individu qui a des pensées, des paroles, des gestes contraires à la décence : C’est un vieux cochon. Tu viens encore de prononcer ces quatre mots : « Ce cochon de Morin » (Maupassant). Non, voyez-vous, conclut-elle, c’est une cochonne (Proust). ∥ Pop. Amis, camarades, copains comme cochons, se dit de personnes qui vivent dans une extrême familiarité. ∥ 4. Fam. Eh bien ! mon cochon, se dit, avec une nuance d’étonnement admiratif, à une personne qui a eu beaucoup de chance ou a montré beaucoup de toupet : Ben, mon cochon, monologua-t-il, tu ne te gênes pas (Pergaud). • SYN. : 1 dégoûtant, sagouin (pop.), souillon (fam.) ; 3 débauché, dépravé, paillard, pervers, vicieux. % adj. (sens 1, 1863, Goncourt ; sens 2, XXe s.). 1. Fam. Qui heurte la décence : Je leur enverrais des grossièretés et des trucs cochons en pleine table (Aymé) ; et substantiv. : Vous allez voir le costume de ma femme au second acte. Il est d’un cochon (Zola). ∥ 2. Fam. Ce n’est pas cochon, ce n’est pas mal, ce n’est pas mauvais, cela mérite considération (marque l’admiration). • SYN. : 1 égrillard, grivois, inconvenant, leste, licencieux, obscène, polisson, raide (fam.), salé (fam.). cochonceté [kɔʃɔ̃ste] n. f. (de cochon ; 1891, Goncourt). 1. Pop. Caractère de ce qui est cochon, sale ou contraire à la décence. ∥ 2. Pop. Chose sale, indécente : Il n’y a pas de cochoncetés dans mon roman, dit Zola (Goncourt). cochonnaille [kɔʃɔnaj] n. f. (de cochon ; 1788, Gohin). Fam. Viande de cochon apprêtée de diverses façons ; charcuterie : On mange des saucisses, des boudins, de la cochonnaille (Flaubert). cochonnée [kɔʃɔne] n. f. (part. passé fém. substantivé de cochonner, v. intr. ; 1642, Oudin). Portée d’une truie. downloadModeText.vue.download 47 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 761 cochonnément [kɔʃɔnemɑ̃] adv. (de cochon, adj. ; 1877, Zola). Pop. D’une manière basse et vulgaire : Il ne fallait pas maintenant se cocarder cochonnément (Zola). cochonner [kɔʃɔne] v. intr. (de cochon ; 1403, Godefroy). Mettre bas, en parlant de la truie. % v. tr. (1808, d’Hautel). 1. Fam. Exécuter d’une manière sale, grossière : Elle faisait deux ou trois jours dans chaque atelier, puis elle recevait son paquet, tellement elle cochonnait l’ouvrage (Zola). ∥ 2. Fam. Rendre sale, abîmer : Le client a voulu gommer lui-même [les traits de fusain]. Il a cochonné tout (Romains). • SYN. : 1 saloper (pop.), torchonner (pop.) ; 2 barbouiller, maculer, salir, souiller, tacher. cochonnerie [kɔʃɔnri] n. f. (de cochon ; fin du XVIIe s., aux sens 1 et 4 ; sens 2-3, 1866, Larousse ; sens 5, début du XXe s.). 1. Pop. Malpropreté digne d’un cochon : Cet homme est d’une cochonnerie ! ∥ 2. Pop. Objet sans valeur ; produit de mauvaise qualité : Ce tissu, c’est de la cochonnerie. ∥ 3. Fam. Chose mauvaise ou désagréable : Ah ! le gouvernement aurait bien dû empêcher la fabrication de ces cochonneries [les alcools] (Zola). Sans cette cochonnerie de brume, vous la verriez (Benoit). ∥ 4. Pop. Propos, geste contraire à la décence : Pour que les femmes le prennent encore pour un godelureau et lui disent des cochonneries dans l’oreille (Maupassant). ∥ 5. Pop. Action méprisable ou procédé déloyal : C’était une trahison, ou, plus exactement, une cochonnerie qu’on lui faisait là (Duhamel). • SYN. : 1 saleté ; 2 pacotille ; 4 gaudriole, gauloiserie, grivoiserie, grossièreté, obscénité ; 5 crasse (fam.), entourloupette (fam.), vacherie (pop.). cochonnet [kɔʃɔnɛ] n. m. (de cochon ; fin du XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1534, Rabelais). 1. Petit cochon. ∥ 2. Dé à jouer à douze faces, marquées de un à douze. ∥ 3. Boule plus petite que les autres, servant de but au jeu de boules. • SYN. : 1 goret, porcelet. cochylis [kɔkilis] ou conchylis [kɔ̃kilis] n. m. (du lat. conchylium, coquillage, gr. konkhulion ; 1866, Larousse, écrit cochylide ; cochylis et conchylis, XXe s.). Papillon dont la chenille attaque les feuilles de vigne. cocker [kɔkɛr] n. m. (mot angl., abrév. de wood-cocker, proprem. « bécassier » ; 1863, Bonnafé). Petit chien de chasse d’origine anglaise, à poils longs et soyeux, à grandes oreilles tombantes, à robe variée. cockney [kɔknɛ] n. m. (mot angl. pop., d’origine incertaine ; 1750, Prévost). Celui qui est né à Londres, Londonien. ∥ Par extens. Gavroche de Londres. % adj., : L’accent cockney. •REM. On trouve aussi la graphie COKENEY (1832, Matoré) : Le Don Juan de Molière n’est qu’un Céladon auprès de moi ; celui de Byron un misérable cokeney (Gautier). cockpit [kɔkpit] n. m. (mot angl. signif. « trou de coq » ; 1878, le Yacht, au sens 1 ; sens 2, v. 1939). 1. Dans un yacht, réduit étanche, à l’arrière, où se tient le barreur et parfois l’équipage. ∥ 2. Dans un avion, emplacement du pilote. • SYN. : 2 habitacle. cocktail [kɔktɛl] n. m. (mot angloamér. signif. proprem. « queue de coq », réduction de cocktailed horse, cheval dont la queue a été partiellement coupée et se redresse comme celle d’un coq, puis « cheval de faible valeur », ensuite « homme abâtardi » [cocktail en ce sens, en 1755, dans Prévost], enfin, au début du XIXe s., « boisson bâtarde, faite d’alcool et d’autres choses » ; 1836, Defauconpret, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Mélange capiteux de diverses boissons, comprenant le plus souvent des alcools et servi glacé : Le secrétaire particulier s’arrêta pour boire un cocktail carabiné (Daudet). Laissez-moi boire mon cocktail (France). Commande-moi un cocktail, fit brusquement Jacques ; tu sais : celui où il y a du lait, de la groseille et du zeste de citron (Martin du Gard). Ceux qui disent de pareilles bourdes boivent des cocktails dans lesquels ils mélangent tout (Duhamel). ∥ 2. Réunion mondaine qui a lieu en fin d’après-midi : Être invité à un cocktail. 1. coco [koko] adj. (abrév. de rococo ; fin du XIXe s.). Vx. Démodé : Et l’abat-jour, estil assez coco ? (Donnay). 2. coco [koko] n. m. (mot portug. signif. proprem. « croquemitaine », appliqué à la noix de coco à cause de son aspect hirsute ; v. 1525, Voyage d’Antoine Pigaphetta, écrit cocho, au sens 1 [noix de coco, 1610, Linschoten] ; sens 2, 1774, G. Esnault ; sens 3, 1866, Larousse ; sens 4, 1847, G. Esnault). 1. Noix de coco, ou simplem. coco, fruit du cocotier : Je m’enivre ardemment des senteurs confondues | De l’huile de coco, du musc et du goudron (Baudelaire). ∥ Lait de coco, liquide blanc contenu dans ce fruit avant sa maturité. ∥ Balai, tapis de coco, balai, tapis fait avec les fibres qui entourent la noix de coco. ∥ 2. Par assimilation avec le lait de coco, boisson bon marché faite d’une infusion de réglisse : Fier, le tonnerre au poing, il avait mis en poudre | Un marchand de coco près des Variétés (Hugo). Le père Clément, en tablier bleu, tout pareil aux anciens portiers des lycées, vendait des billes, des hannetons, des toupies, du coco, des bâtons de sucre à la menthe (Gide). Son échoppe de cordonnier était toujours encombrée de militants sans travail, qui trouvaient là, aux heures où le local était fermé, l’hiver du feu, l’été du coco (Martin du Gard). ∥ 3. Arg. et vx. Tête. ∥ Monter le coco, monter la tête, chauffer l’imagination : Annonces de toutes les couleurs [...], que Bompard tenait à avoir sous les yeux, « pour se monter le coco », disait-il ingénument (Daudet). ∥ Dévisser le coco, étrangler : Aucun idiome n’est plus métaphorique que l’argot : « dévisser le coco », tordre le cou (Hugo). ∥ Avoir le coco fêlé, avoir l’esprit dérangé. ∥ 4. Arg. Estomac : Il avait dans ses fontes un flacon d’absinthe pure, qu’il sifflait d’une haleine, et fonçait avec cela dans le coco, ne pouvant se battre qu’ivre mort (Daudet). 3. coco [koko] n. m. (réduplication enfantine de coque, coquille [d’oeuf] ; 1821, Desgranges, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. OEuf, dans le langage enfantin : Bébé mangera un beau coco. ∥ 2. Fam. Terme d’affection à l’adresse d’une grande personne, d’un enfant : Ah, coco, ce n’est pas gentil, ce que tu dis là ! (Donnay). Écoute, coco, en ce moment, je n’ai aucune disponibilité (Pagnol). % cocos n. m. pl. (28 oct. 1872, Journ. officiel). Variété de haricots dont le grain a la forme d’un oeuf. 4. coco [koko] n. m. (origine obscure ; 1792, Hébert). 1. Péjor. Individu bizarre : Me ferai-je passer pour être Étienne ou Béranger ?... Non, ces cocos-là sont gens à ne reconnaître ni l’un ni l’autre (Balzac). Quel piètre coco que le sieur Musset (Flaubert). Ce vieux coco songe avec chagrin que son tour ne reviendra plus (Duhamel). Il y a des cocos dont nous nous servons qui ne sont pas à prendre avec des pincettes (Romains). ∥ 2. Individu suspect, dangereux : Voilà un joli coco ! dit Hulot en se parlant à luimême. Il m’a l’air d’être l’ambassadeur de gens qui s’apprêtent à parlementer à coups de fusil (Balzac). C’est un coco des plus malfaisants (Proust). 5. coco [koko] n. f. (abrév. de cocaïne ; 1912, G. Esnault). Pop. Cocaïne. cocodès [kɔkɔdɛs] n. m. (formation onomatopéique d’après le cri de la poule ; v. 1860, Delvau). Vx. Jeune homme d’une élégance outrée et ridicule : Nous avons eu tour à tour le petit-maître, le mirliflor, le dandy, le cocodès et le petit-crevé (Taine). À ce moment, un grand cocodès indolent et bouffi, bien connu de Tortoni à la Madeleine, s’approcha de notre table. C’était un des plus tristes échantillons de l’élégant du dernier Empire (Daudet). cocodette [kɔkɔdɛt] n. f. (fém. de cocodès ; v. 1860, Delvau). Vx. Femme facile : Une ancienne cocodette de l’Empire (Lavedan). cocon [kɔkɔ̃] n. m. (du provenç. coucoun, cocon, coque d’oeuf, de coco, coque [v. COQUE] ; 1600, O. de Serres, écrit coucon ; coc[c]on, 1653, Oudin). 1. Enveloppe soyeuse que filent certaines chenilles de lépidoptères (particulièrement les vers à downloadModeText.vue.download 48 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 762 soie), et dont elles s’entourent pour leurs métamorphoses. ∥ Fig. S’enfermer, se retirer dans son cocon, vivre dans la solitude. ∥ 2. Sac soyeux dans lequel certaines araignées enferment leurs oeufs. coconnage [kɔkɔnaʒ] n. m. (de coconner ; 1866, Larousse). Travail du ver à soie qui file son cocon. coconner [kɔkɔne] v. intr. (de cocon ; 1845, Bescherelle). Filer son cocon, en parlant du ver à soie. coconnière [kɔkɔnjɛr] n. f. (de cocon ; 1834, Landais). Local de stockage des cocons, au lieu d’étouffage ou à l’usine de filature. cocontractant, e [kɔkɔ̃traktɑ̃, -ɑ̃t] n. et adj. (de co- et de contractant ; XVIe s., Coutumier général). Chacune des personnes qui sont parties à un contrat : C’est à peine s’il avait achevé avec Mauléon, leurs cocontractants et le notaire (Fabre). cocorico [kɔkɔriko] n. m. (onomatop. imitant le cri du coq ; 1547, Haudent, écrit coquerycoq ; cocorico, 1866, Larousse). Cri du coq : J’ai tellement la foi que mon cocorico | Fera crouler la nuit comme une Jéricho (Rostand). cocote n. f. V. COCOTTE 1. cocoter [kɔkɔte] v. intr. (aphérèse redoublée de chlingoter, dér. de chlinguer, puer ; d’abord gogoter [1881], puis coco-ter, 1890, G. Esnault). Pop. Puer : Fi de chien !... ça cocote ici (Chérau). cocoteraie [kɔkɔtrɛ] n. f. (de cocotier ; XXe s.). Lieu planté de cocotiers : Les trésors exotiques consistaient en papillons océaniens, décolorés, photographies de palmeraies, de cocoteraies tahitiennes et de cascades marquésanes (Colette). cocoterie n. f. V. COCOTTERIE. cocotier [kɔkɔtje] n. m. (de coco 2 ; 1677, L’Estra). Palmier des régions tropicales, qui produit la noix de coco : Et cherchant, l’oeil hagard, | Les cocotiers absents de la superbe Afrique (Baudelaire). ∥ Fig. et fam. Faire monter au cocotier, secouer le cocotier, éliminer les vieillards (par allusion aux usages prêtés à certains peuples africains). 1. cocotte ou cocote [kɔkɔt] n. f. (onomatop. imitant le cri de la poule ; 1789, Nisard, au sens 5 ; sens 1, 1808, d’Hautel ; sens 2 et 6, 1845, Bescherelle ; sens 3, 1863, Littré). 1. Nom donné à la poule dans le langage enfantin. ∥ 2. Carré de papier plié, ressemblant vaguement à une poule : M. Rambaud l’émerveillait par son adresse à tirer d’une feuille de papier toutes sortes de joujoux. Il faisait des cocottes, des bateaux (Zola). ∥ 3. Terme affectueux adressé à une femme, à une petite fille : Bonsoir mon chat, bonsoir ma cocotte, dit-il, en la baisant de son air passionné de bon mari (Zola). ∥ 4. Terme affectueux pour désigner un cheval : Hue, cocotte ! Il faut que j’aille panser ma cocotte (France). ∥ 5. Fam. Femme de moeurs légères (vieilli) : Sa soeur voulait donc devenir une cocotte, qu’elle se laissait embobiner par des aristos ? (Huysmans). On ne traite pas en cocottes les jeunes filles qu’on veut épouser (M. Prévost). Cette opinion de mes parents sur les relations de Swann leur parut ensuite confirmée par son mariage avec une femme de la pire société, presque une cocotte, que, d’ailleurs, il ne chercha jamais à présenter (Proust). Malgré mes explorations à travers les appartements des cocottes, j’étais demeuré, à quinze ans, incroyablement ignorant des alentours de la débauche (Gide). ∥ 6. Dialect. Nom de la fièvre aphteuse, de la blépharite : Bernard détacha le veau, l’amena à la lumière et le grand-père lui desserra les mâchoires : « Eh bien, oui ! il a la cocotte » (Pérochon). % cocottes n. f. pl. (XXe s.). Ruban plié en forme de crête de coq et utilisé en bordure dans des ouvrages de couture. 2. cocotte [kɔkɔt] n. f. (origine incertaine ; peut-être var. de coquasse, marmite [1552, Rabelais], issu, par changement de suff., de coquemar [v. ce mot] ; 1807, J.-F. Michel). Sorte de marmite en fonte ou en verrerie culinaire, comportant deux anses et un couvercle : Elle reparut, tenant la cocotte de fonte (Theuriet). ∥ Poulet cocotte, poulet préparé dans une cocotte. cocotterie ou cocoterie [kɔkɔtri] n. f. (de cocotte 1 ; v. 1860, Delvau). Fam. et vx. Le monde des cocottes, des femmes légères : La poussière était noire ; et pourtant, chaque jeudi, la haute cocotterie passait par là, se rendant au Casino, au grand train de ses roues fragiles et de ses postillons d’emprunt (Daudet). cocourrier [kɔkurje] n. m. (de co- et de courrier ; 1866, Larousse). Papier que les enfants enfilent sur la corde d’un cerfvolant, et qui, poussé par le vent, monte vers lui. • SYN. : postillon. cocquard [kɔkar] n. m. (de coq ; 1803, Boiste). Métis provenant du croisement du faisan mâle avec la poule domestique, ou réciproquement. cocréancier, ère [kɔkreɑ̃sje, -ɛr] n. (de co- et de créancier ; 1866, Larousse). Personne qui détient en commun avec d’autres une créance sur un débiteur. coction [kɔksjɔ̃] n. f. (lat. coctio, -onis, cuisson, de coctum, supin de coquere, cuire, faire cuire ; v. 1560, Paré). 1. Class. Cuisson, transformation des matières organiques par la chaleur : Après [...] que par une longue et puissante coction, il [le soleil] a eu séparé dans cette boule les corps les plus contraires... (Cyrano). ∥ 2. Class. Transformation des aliments dans le tube digestif : Les aliments, changés par une prompte coction, se transforment tous en une liqueur douce (Fénelon). ∥ 3. En médecine, modification des humeurs qui permet de les expulser. ∥ Période de coction, période d’une inflammation où les humeurs peuvent être expulsées. cocu, e [kɔky] n. et adj. (var. onomatopéique anc. de coucou 1, la femelle du coucou aimant à changer de compagnon ; v. 1340, J. Le Fèvre, au sens 1 [a désigné aussi l’oiseau jusqu’au XVIe s.] ; sens 2, XXe s.). 1. Fam. Mari trompé : Au sort d’être cocu son ascendant l’expose (Molière). Je ne t’ai jamais trompé. Tu l’aurais bien mérité, Mario, et ce n’est pas les occasions qui m’ont manqué, je t’assure. Mais l’idée d’être la femme d’un cocu ! Non, j’ai trop d’amourpropre (Duhamel). Il est veuf depuis trois mois, mais cocu depuis vingt ans (Pagnol). ∥ Par extens. et fam. Femme dont le mari ou l’amant est infidèle : Toi, tu as envie de me faire cocue (V. Margueritte). ∥ Fam. Cocu en herbe, celui qui risque de l’être. ∥ Fam. Cocu en gerbe, cocu après mariage. ∥ Fam. Cocu, battu et content, se dit d’un mari trompé et trop naïf ou complaisant (par allusion au personnage d’un conte de Boccace). ∥ Fam. Chance, veine de cocu, chance, veine extrême. ∥ 2. Fig. et fam. Dupé, trompé. cocuage [kɔkɥaʒ] n. m. (de cocu ; 1513, Dict. général, écrit coqulaige ; cocuage, 1546, Rabelais). Fam. État de celui qui est cocu : Elle résistait à l’envie de lui envoyer son cocuage par la figure (Zola). cocufiable [kɔkyfjabl] adj. (de cocufier ; fin du XIXe s.). Fam. Qui peut être cocufié, trompé : De nouveaux époux fraîchement bénis par un cocufiable adjoint (Bloy). cocufier [kɔkyfje] v. tr. (de cocu et du lat. facere, faire ; 1660, Molière, aux sens 1-2). 1. Fam. Faire cocu : Oh ! trop heureux d’avoir une si belle femme ! | Malheureux bien plutôt de l’avoir cette infâme | Dont le coupable feu, trop bien vérifié, | Sans respect ni demi nous a cocufié (Molière). L’austère matrone, qui le cocufiait [...], n’était pas assez littéraire pour lui (Bloy). ∥ 2. Fig. et fam. Tromper, duper : Le cerveau loyal toujours trompé par la clarté, cocufié (Valéry). • SYN. : 1 trahir, tromper. coda [kɔda] n. f. (mot ital., du lat. cauda, queue ; 1842, Mozin). 1. Période vive et brillante, qui sert de conclusion à un morceau de musique. ∥ 2. Dans la danse classique, troisième partie du pas de deux, après la variation. ∥ Final d’un ballet classique, dans lequel apparaissent les principaux interprètes. ∥ 3. Fig. et littér. Partie terminale, trait final : Une dizaine de gilets blancs applaudissant en choeur la coda d’une plaisanterie de cette spirituelle personne (Murger). Pour ne point choquer son public, Roger Marx me demanda de supprimer une coda sur Cézanne et Renoir. Cette coda était assez médiocre, ce qui fit que j’obtempérai volontiers (Gide). downloadModeText.vue.download 49 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 763 codage [kɔdaʒ] n. m. (de coder ; XXe s.). Action de transformer ou de transcrire suivant les équivalences d’un code (signaux, signes, lettres, chiffres, etc.) un texte rédigé en langage clair. code [kɔd] n. m. (lat. jurid. impér. codex, planche, d’où « recueil, livre » ; v. 1220, H. d’Andeli, au sens 1 ; sens 2-4, 1835, Acad. ; sens 5-6, 1866, Larousse). 1. Recueil de lois et de dispositions ayant force de loi dans un pays : Le code Justinien. Le code Louis. Ce héros, ce génie du pouvoir, qui faisait en quelques jours un code pour toutes les nations (Courier). Il fuit la forme, le nombre, le rythme, les figures, et se fortifie contre eux dans la lecture rigoureuse du code Napoléon (Valéry). ∥ Spécialem. Ensemble des dispositions législatives régissant une matière particulière : Code forestier. Code pénal. Code de commerce. ∥ Code de la route, ensemble des dispositions réglant la circulation routière. ∥ Éclairage code, phare code, ou simplem. code, un des trois éclairages prévus par le code de la route, comportant un faisceau lumineux puissant, mais rabattu à courte distance : Se mettre en code. Pierre s’occupa avec application à fumer, à faire jouer les phares, le code, les lanternes (Morand). ∥ 2. Volume, livre contenant un ensemble de dispositions législatives, réglementaires : Acheter un code civil. ∥ 3. Par extens. Les lois, le droit, la légalité : Connaître le code. Opérer en marge du code. ∥ C’est dans le code, c’est légal. ∥ Avoir toujours le code en main, brandir à tout propos le code, invoquer à tout instant les lois, user rigoureusement des droits qu’elles vous donnent. ∥ 4. Fig. Ensemble de règles qui font loi dans un domaine particulier (morale, goût, art, littérature, etc.) : Tartarin savait à fond le code du chasseur (Daudet). Son opinion formait une sorte de code du comme il faut (Maupassant). Code de l’honneur, de la politesse. ∥ 5. Système de symboles permettant de transmettre un message : Code de signaux. Code télégraphique. Passer un message en code. ∥ Ensemble de conventions permettant de transcrire un texte pour le rendre inintelligible aux non-initiés : Code secret. Télégramme en code. ∥ 6. Document, ouvrage donnant les équivalences convenues pour le codage des textes : Passez-moi le code. codébiteur, trice [kɔdebitoer, -tris] n. (de co- et de débiteur ; 1611, Godefroy). Personne qui a contracté une dette conjointement avec une ou plusieurs autres personnes. codéine [kɔdein] n. f. (dér. savant du gr. kôdeia, tête de pavot ; 1832, Robiquet). Alcaloïde extrait de l’opium, ayant des propriétés narcotiques : Vous ne voulez pas boire quelque chose ? une gorgée d’eau ? une cuillerée de codéine ? Non ? (Martin du Gard). codemandeur, eresse [kɔdəmɑ̃doer, -drɛs] n. (de co- et de demandeur ; 1771, Trévoux). Personne qui forme une demande en justice conjointement avec une ou plusieurs autres. coder [kɔde] v. tr. (de code ; XXe s.). Transcrire un texte en utilisant les équivalences d’un code. • SYN. : chiffrer. — CONTR. : déchiffrer, décoder. codétenteur, trice [kɔdetɑ̃toer, -tris] n. (de co- et de détenteur ; XVIe s., Godefroy). Personne qui détient un bien conjointement avec une ou plusieurs autres. codétenu, e [kɔdetny] n. (de co- et de détenu ; 1858, Peschier). Personne détenue avec une ou plusieurs autres dans un même lieu. codex [kɔdeks] n. m. (mot lat. [v. CODE], abrév. de Codex medicamentarius gallicus ; 1651, Hellot). Nom porté de 1748 à 1963 par le recueil officiel français contenant la nomenclature des drogues, médicaments et articles officinaux. (La dénomination légale actuelle est PHARMACOPÉE.) codicillaire [kɔdisilɛr] adj. (de codicille ; 1562, Papon). Contenu dans un codicille : Disposition, legs codicillaire. codicille [kɔdisil] n. m. (lat. jurid. codicillus, de codex [v. CODE] ; 1269, Godefroy). Disposition ajoutée à un testament pour le compléter, le modifier ou l’annuler : J’ai à le consulter [le notaire] pour le pauvre vieux cher La Pérouse, qui s’inquiète et voudrait faire à son testament je ne sais quel codicille pour avantager son petit-fils (Gide). codicologie [kɔdikɔlɔʒi] n. f. (du lat. codex, livre [v. CODE], et du gr. logos, science ; XXe s.). Science qui s’applique à l’étude des manuscrits en tant qu’ayant une vie propre. codificateur, trice [kɔdifikatoer, -tris] adj. et n. (de codifier ; 1845, Bescherelle). Qui codifie. codification [kɔdifikasjɔ̃] n. f. (de codifier ; 1819, H. de Saint-Simon). Action de codifier, de réunir des lois en un code ; résultat de cette action. codifier [kɔdifje] v. tr. (de code et du lat. facere, faire ; 1836, Raymond). 1. Réunir en un code unique des textes législatifs ou réglementaires, des coutumes, etc. : Justinien fit codifier les lois romaines. ∥ 2. Par extens. Ériger en un système rationnel et cohérent : Vaugelas s’efforça de codifier le bon usage. • SYN. : 2 normaliser, rationaliser, réglementer, systématiser. codirecteur, trice [kɔdirɛktoer, -tris] n. (de co- et de directeur ; 1842, Acad.). Personne qui dirige avec une ou plusieurs autres : Très touché, mon cher codirecteur (Romains). codirection [kɔdirɛksjɔ̃] n. f. (de co- et de direction ; 1866, Larousse). Direction exercée avec d’autres personnes. codonataire [kɔdɔnatɛr] n. (de co- et de donataire ; 1762, Acad.). Personne qui reçoit une donation avec une ou plusieurs autres. codonateur, trice [kɔdɔnatoer, -tris] n. (de co- et de donateur ; 1878, Larousse). Personne qui fait une donation avec une ou plusieurs autres. coéchangiste [kɔeʃɑ̃ʒist] n. (de co- et de échangiste ; 2 janv. 1875, Gazette des tribunaux). Personne qui fait un échange avec une ou plusieurs autres : Les coéchangistes devront remplir les conditions d’occupation minimale des logements. coéducation [kɔedykasjɔ̃] n. f. (de co- et de éducation ; 1877, Littré). Éducation en commun : La coéducation des sexes aux États-Unis (Littré). coefficient [kɔefisjɑ̃] n. m. (de co- et de efficient ; début du XVIIe s., aux sens pr. ; sens fig., 1866, Larousse). 1. Dans une expression algébrique en forme de monôme, partie numérique qui multiplie la partie littérale : Dans 3 ab, le coefficient est 3. ∥ 2. En physique, valeur numérique caractérisant une propriété déterminée d’une substance : Coefficient de dilatation des solides, des liquides. ∥ Coefficient d’erreur, pourcentage d’erreur possible dans une mesure, une évaluation. ∥ 3. Dans un examen, nombre qui fixe la valeur relative de chacune des épreuves : Dans les séries scientifiques du baccalauréat, les mathématiques ont un fort coefficient. ∥ 4. Fig. Importance, valeur attribuée à quelqu’un : Être vu avec certaines personnes peut vous ajouter, sur une plage où l’on retourne quelquefois, un coefficient sans équivalent dans la vie mondaine (Proust). ∥ 5. Fig. Facteur qui contribue à un phénomène, à un événement : Ce grand coefficient des choses humaines, la victoire (Renan). coel(o)- [sel(o)], coelio- [seljo], éléments tirés du gr. koilos, creux, et entrant, comme préfixes, dans la composition de quelques mots savants. coelacanthe [selakɑ̃t] n. m. (de coel- et du gr. akantha, épine ; 1898, Larousse). Poisson osseux d’une espèce très ancienne et qu’on croyait disparue, découvert vivant à une époque récente et qui peut être considéré comme intermédiaire entre les poissons et les amphibiens. coelentérés [selɑ̃tere] n. m. pl. (de coel- et du gr. enteron, intestin ; 1888, Larousse). Embranchement d’animaux surtout marins, dont le corps, formé de deux parois entourant une cavité digestive, est muni de tentacules urticants (anémone de mer, hydre, madrépore, méduse). downloadModeText.vue.download 50 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 764 coeliaque [seljak] adj. (lat. coeliacus, gr. koiliakos, de koilia, entrailles ; 1545, Guéroult). Qui appartient aux viscères abdominaux. ∥ Tronc coeliaque, branche de l’aorte qui irrigue ces viscères. coelioscopie [seljɔskɔpi] n. f. (de coelioet de -scopie ; milieu du XXe s.). Examen endoscopique du péritoine. coeliotomie [seljɔtɔmi] n. f. (de coelio- et de -tomie ; XXe s.). Ouverture chirurgicale de la cavité abdominale. • SYN. : laparotomie. coempereur [kɔɑ̃proer] n. m. (de co- et de empereur ; 1866, Larousse). Celui qui partage la dignité impériale avec un ou plusieurs autres : Michel VIII Paléologue donna à son fils le titre de coempereur. coemption [kɔɑ̃psjɔ̃] n. f. (lat. coemptio, de cum, avec, et de emptio, achat, marché, de emptum, supin de emere, acheter ; 1788, Encycl. méthodique). En droit romain, achat réciproque. ∥ Spécialem. Mariage plébéien dans lequel la femme était vendue fictivement à l’époux. coenure n. m. V. CÉNURE. coéquation [kɔekwasjɔ̃] n. f. (de co- et de équation ; XVIe s., Coutumier général). Vx. Répartition proportionnelle des impôts entre les contribuables. coéquipier, ère [kɔekipje, -ɛr] n. (de coet de équipier ; 1929, Larousse). Celui, celle qui fait partie avec d’autres d’une équipe (football, course, etc.). coercibilité [kɔɛrsibilite] n. f. (de coercible ; 1842, Acad.). Qualité de ce qui est coercible. • CONTR. : incoercibilité. coercible [kɔɛrsibl] adj. (dér. savant du lat. coercere, contraindre ; 1766, Brunot). 1. Qui peut être comprimé, réduit : Les gaz sont très coercibles. ∥ 2. Fig. Qui peut être retenu, contenu : Une envie de rire difficilement coercible. • SYN. : 1 compressible. — CONTR. : 1 incompressible ; 2 incoercible. coercitif, ive [kɔɛrsitif, -iv] adj. (du lat. coercitus, part. passé de coercere, contraindre ; 1560, Postel). Qui agit par contrainte : Quiconque s’imagine arrêter un mouvement social ou religieux par des mesures coercitives fait [...] preuve d’une complète ignorance du coeur humain (Renan). coercition [kɔɛrsisjɔ̃] n. f. (lat. coercitio, de coercitum, supin de coercere, contraindre ; 1586, Le Loyer). Action, pouvoir de contraindre : Moyens de coercition. • SYN. : contrainte, pression. coesre ou coêre [kɔɛr] n. m. (origine incertaine ; 1596, Pechon de Ruby). Arg. Au Moyen Âge, gueux à qui d’autres obéissaient : Le roi de l’argot, le grand coesre (Hugo). coétat [kɔeta] n. m. (de co- et de État ; 1762, Acad.). Vx. État qui partage la souveraineté avec un autre : Sommes-nous une agrégation distincte comme nation provençale ? Le roi le reconnaît, il nous traite en coétat (Mirabeau). coéternel, elle [kɔetɛrnɛl] adj. (de co- et de éternel ; v. 1160, Benoît de SainteMaure). En théologie, qui existe de toute éternité avec un autre : Ô Verbe que j’adore, | Rayon coéternel, est-ce vous que je vois ? (Lamartine). ∥ Spécialem. Se dit des personnes de la Sainte-Trinité : Le fils de Dieu, nécessairement, est coéternel à son père (Bossuet). coéternité [kɔetɛrnite] n. f. (lat. ecclés. coaeternitas, de cum, avec, et de aeternitas, éternité ; 1530, Huguet). En théologie, caractère de ce qui est coéternel : Une doctrine contraire à la coéternité des trois personnes divines (Bossuet). coeur [koer] n. m. (lat. pop. cor, *coris, lat. class. cor, cordis ; XIe s., aux sens I, 1 et III, 1-4, 6, 7, 9 ; sens I, 2-3 et III, 5, 8, 10-12, 1538, R. Estienne ; sens II, 1, 1340, Gay ; sens II, 2, milieu du XVIIe s. ; sens II, 3, 1600, O. de Serres ; sens II, 4-5 et III, 13, XIIIe s.). I. 1. Chez l’homme et chez les animaux supérieurs, muscle creux de forme ovoïde, situé au milieu du thorax, et qui est l’organe moteur de la circulation du sang : Viens par ici, corbeau, mon brave mangeur d’hommes ! | Ouvre-moi la poitrine avec ton bec de fer [...], | Porte mon coeur tout chaud à la fille d’Ylmer (Leconte de Lisle). Que l’augure, appuyé sur son sceptre d’érable, | Interroge le foie et le coeur des moutons (Hugo). ∥ Opération à coeur ouvert, intervention chirurgicale pour laquelle on dévie préalablement la circulation sanguine dans un appareil dit coeur-poumon artificiel, avant d’ouvrir les cavités cardiaques. ∥ Faire battre le coeur, accélérer les battements cardiaques, en parlant d’une cause physique, d’une émotion ; au fig., émouvoir, toucher profondément : Il faut que la gloire soit quelque chose de réel puisqu’elle fait battre le coeur de celui qui n’en est que le juge (Chateaubriand). ∥ 2. La région du coeur, le devant de la poitrine : Elle s’assit en prenant son fils entre ses deux genoux et, le pressant avec force sur son coeur, elle l’embrassa (Balzac). ∥ 3. L’estomac, dans quelques locutions. ∥ Avoir mal au coeur, le coeur barbouillé, le coeur sur les lèvres, avoir la nausée, avoir envie de vomir. ∥ Faire mal au coeur, soulever le coeur, donner envie de vomir ; au fig., inspirer un profond dégoût. ∥ Haut-le-coeur, v. à son ordre alphab. ∥ Pop. et ironiq. Mettre (jeter) le coeur sur le carreau, vomir : Ça me ferait jeter du coeur sur du carreau (Zola). II. 1. Ce qui a ou évoque la forme d’un coeur : Un jour, à la foire des Prés-SaintGervais, les yeux noirs avaient acheté ce petit coeur de sucre (Daudet). ∥ Fig. et fam. Faire la bouche en coeur, affecter un air aimable. ∥ 2. Une des quatre couleurs du jeu de cartes, figure stylisée d’un coeur : La dame de coeur représente de façon emblématique la belle Agnès Sorel (France). « C’est ce coup-ci que la partie se gagne ou se perd. — C’est pour ça que je me demande si Panisse coupe à coeur » (Pagnol). ∥ 3. Entre dans divers noms de plantes dont la fleur, le fruit, etc., rappelle plus ou moins la forme d’un coeur. ∥ Coeur-de-Marie ou coeur-de-Jeannette, plante exotique cultivée pour ses grappes de fleurs roses : Ces fleurs de parterre, les juliennes, les passe-velours, et les coeursde-Marie qu’on ne cultive plus (Pourrat). ∥ Coeur-de-boeuf, variété de chou pommé. ∥ Coeur-de-pigeon, variété de cerise. ∥ 4. Partie centrale d’une chose : La France est le coeur de l’Europe ; à mesure qu’on s’en éloigne, la vie sociale diminue ; on pourrait juger de la distance où l’on est de Paris par le plus ou moins de langueur du pays où l’on se retire (Chateaubriand). La cloche sonne grave, au coeur de la paroisse (Samain). Les salades, les laitues [...] montraient leurs coeurs éclatants (Zola). En attendant, les deux femmes, au coeur d’août, étaient à Paris (Montherlant). ∥ Spécialem. Partie centrale du tronc d’un arbre : Des stalles nouvelles en coeur de chêne (Maupassant). ∥ Vx. À coeur de journée, sans relâche : Vous qui clabaudez à coeur de journée contre l’Inquisition (Barbey d’Aurevilly). ∥ 5. Fig. Le point essentiel d’une question, d’un problème : Toutes les grandes oeuvres d’art sont assez difficiles d’accès. Le lecteur qui les croit aisées, c’est qu’il n’a pas su pénétrer au coeur de l’oeuvre (Gide). Arriver au coeur du sujet. III. 1. Class. et littér. Siège de l’intelligence intuitive, par opposition à l’intelligence rationnelle et discursive : Nous connaissons la vérité non seulement par la raison, mais encore par le coeur : c’est de cette sorte que nous connaissons les premiers principes (Pascal). Vous connaissant comme je fais, il me tomba au coeur que vous ne voudriez point quitter M. de Grignan (Sévigné). Je n’ai point cédé, j’en conviens, à de grandes lumières surnaturelles ; ma conviction est sortie du coeur ; j’ai pleuré et j’ai cru (Chateaubriand). ∥ 2. Littér. Siège de l’affectivité, de la sensibilité, par opposition à l’esprit : L’esprit est toujours la dupe du coeur (La Rochefoucauld). Notre coeur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs (Chateaubriand). Tu te frappais le front en lisant Lamartine. | Ah ! frappe-toi le coeur, c’est là qu’est le génie, | downloadModeText.vue.download 51 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 765 C’est là qu’est la pitié, la souffrance et l’amour (Musset). ∥ Spécialem. Siège des sentiments profonds, les plus sincères : Il [Gobseck] vint à moi, me lança un de ces regards profonds par lesquels il sonde les coeurs et me dit : « Tu te mêles de me juger » (Balzac). ∥ De coeur, par disposition intérieure et en toute sincérité : Il est de coeur avec nous. ∥ Cri du coeur, expression spontanée traduisant une pensée, un sentiment intime. ∥ Aller au coeur, toucher, remuer le coeur, émouvoir vivement. ∥ Parler d’abondance de coeur, en épanchant ses sentiments profonds. ∥ Ouvrir, vider son coeur, révéler ses sentiments les plus secrets. ∥ Avoir, garder quelque chose sur le coeur, en garder un vif ressentiment. ∥ Rester, peser sur le coeur, inspirer du ressentiment. ∥ Si le coeur vous en dit, si vous en avez le goût ; au fig., si vous en avez envie, si la chose vous tente. ∥ À coeur ouvert, avec une entière sincérité : Je me déclare à vous à coeur ouvert, je ne vous cèle rien de ma vie (Arnoux). ∥ Coeur à coeur, avec une totale franchise, sans aucune réserve : On se sent coeur à coeur avec son monde (Tharaud). ∥ En avoir le coeur net, n’avoir plus aucun doute au sujet de quelque chose. ∥ Selon le coeur de, selon les désirs les plus profonds de : David fut un roi selon le coeur de Dieu. ∥ 3. Siège de la tristesse, de la douleur ou de la joie : Je n’ai plus le coeur à rire. J’en ai la joie au coeur. ∥ Arracher, déchirer, fendre le coeur à quelqu’un, blesser quelqu’un au coeur, lui causer une grande douleur. ∥ Serrer le coeur, causer un violent chagrin : On ne peut songer à ces pauvres enfants sans avoir le coeur serré (Martin du Gard). ∥ Dilater le coeur, réjouir : Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, | De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur, | Ce n’est pas un spectacle à dilater le coeur (Musset). ∥ Crever le coeur, causer une douleur déchirante. ∥ Crève-coeur, v. à son ordre alphab. ∥ Avoir le coeur gros, éprouver de la peine : Mais il avait le coeur gros, et l’on voyait sans peine combien le sacrifice lui avait coûté (Mérimée). ∥ Se ronger le coeur, se consumer d’un chagrin secret, d’une passion dévorante. ∥ Rire de bon coeur, de tout son coeur, sans contrainte. ∥ De gaieté de coeur, volontairement, de propos délibéré : Il semble difficile d’admettre que l’Allemagne veuille de gaieté de coeur se jeter sur nous (Jaurès). ∥ À contrecoeur, v. CONTRECOEUR (à). ∥ S’en donner à coeur joie, jouir pleinement, abondamment d’une chose, s’en rassasier. ∥ Avoir le coeur léger, n’avoir aucun souci : Hélas, tout le second Empire s’est placé sous le signe du « coeur léger » (Aubry). ∥ 4. Siège de l’affection, de la tendresse que l’on éprouve pour les personnes : Elle [...] avait les yeux blonds aussi, et si chauds qu’il leur suffisait d’un regard pour dévorer le coeur d’un homme (Aymé). ∥ Affaire de coeur, intrigue amoureuse. ∥ Peine de coeur, chagrin d’amour. ∥ Parler au coeur, inspirer de la tendresse. ∥ Trouver le chemin du coeur, gagner le coeur, plaire, séduire. ∥ Son coeur a parlé, se dit d’une personne qui éprouve une première inclination pour une autre : Ainsi, tu ne crois pas que si elle refuse, c’est que son coeur a parlé peut-être pour un autre ? (Daudet). ∥ N’avoir qu’un coeur, n’être qu’un coeur, en parlant de deux personnes, être unies par un indissoluble amour. ∥ Loin des yeux, loin du coeur, l’éloignement, l’absence affaiblit l’amour. ∥ Accroche-coeur, v. à son ordre alphab. ∥ 5. Class. et littér. Personne qui inspire l’affection, qui est l’objet des sentiments d’un autre : J’avais encor tes voeux, j’étais encor ton coeur (Corneille). Qu’importe aux coeurs unis ce qui change autour d’eux ? (Lamartine). ∥ Fam. Mon coeur, mon cher coeur, mon petit coeur, expressions de tendresse ou de badinage ironique. ∥ Joli comme un coeur, beau, attendrissant : Vingt ans, jolie comme un coeur et déjà veuve (Daudet). ∥ Fam. Faire le joli coeur, faire le galant : Lucas, au premier taureau, fit le joli coeur (Mérimée). Il ne voulait pas porter de lunettes pour faire le joli coeur devant les dames (Duhamel). ∥ Coeur d’artichaut, personne volage, peu fidèle en amour. ∥ 6. Siège des désirs, des élans qui nous portent vers les choses, ou de l’ardeur qu’on met à l’action : Je n’ai plus deux jours de suite de bonne santé ; cela me fait enrager, car je n’ai coeur à rien au milieu de mes souffrances (Chateaubriand). C’est Isquibaïval, un fameux, un vaillant plein de coeur à l’ouvrage (Gautier). Puis-je oser me mettre au travail, après une nuit d’angoisses, du même coeur que je ferais reposé ? (Gide). ∥ Avoir, prendre à coeur quelque chose, y être attaché, sensible, et aussi s’y appliquer avec ardeur : La garde Mariette prenait à coeur sa tâche (Cocteau). ∥ Tenir au coeur à quelqu’un, avoir à ses yeux une grande importance, susciter chez lui un vif intérêt : On sentait que cela lui tenait au coeur (Vigny). ∥ 7. Siège des sentiments altruistes, de la bonté, de la générosité : Avoir du coeur. ∥ Avoir bon coeur, être sensible et généreux. ∥ Vx et ironiq. À votre bon coeur, formule par laquelle on invite le public à se montrer généreux. ∥ De bon coeur, avec bienveillance, affabilité : Le vice-consul allemand, logé dans une méchante soupente de plâtre, m’offrit de très bon coeur à souper (Chateaubriand). ∥ Coeur d’or, caractère dévoué, généreux. ∥ Avoir le coeur sur la main, se montrer très bon, très généreux. ∥ Recevoir à coeur ouvert, faire un accueil chaleureux. ∥ Mauvaise tête et bon coeur, se dit d’une personne généreuse, mais d’un caractère difficile. ∥ Coeur sec, coeur dur, personne peu sensible. ∥ Coeur de pierre, caractère insensible. ∥ Sans coeur, dépourvu de sensibilité : Ce voyou sans coeur et sans honneur, ce bandit, ce débauché adonné aux vices les plus honteux... (Aymé). ∥ 8. Personne considérée sous le rapport des qualités sensibles : Vous êtes deux coeurs généreux et dévoués (Daudet). ∥ C’est un coeur sec, un brave coeur, une personne dénuée, douée de sensibilité. ∥ Sans-coeur, v. à son ordre alphab. ∥ 9. Siège des qualités morales, de la conscience morale : Son coeur est bourrelé de remords. Un coeur candide. Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon coeur (Racine). ∥ 10. Personne qui possède des qualités morales : C’est un noble coeur. ∥ 11. Class. et littér. Courage, force d’âme, vertu virile : Rodrigue, as-tu du coeur ? (Corneille). Au lieu d’éprouver leur grand coeur | L’oisiveté d’un camp consume leur vigueur (Racine). ∥ Homme de coeur, homme plein de courage et d’honneur : Tu sais comme un soufflet touche un homme de coeur (Corneille). ∥ Auj., ce sens demeure dans quelques locutions ou proverbes : À coeur vaillant rien d’impossible. ∥ Affermir les coeurs, donner du coeur, et, fam., mettre, remettre du coeur au ventre, donner, rendre courage. ∥ Faire contre mauvaise fortune bon coeur, supporter l’adversité sans se décourager. ∥ Haut les coeurs !, courage ! ∥ Le coeur me manque, je suis abattu, découragé. ∥ Coeur de lion, grand courage ; et, par méton., homme très courageux : Encor si ce banni n’eût rien aimé sur terre. | Mais les coeurs de lion sont les vrais coeurs de père (Hugo). ∥ Coeur de poule, de poulet, âme lâche ; et, par méton., personnage veule, pusillanime. ∥ Péjor. Avoir le coeur de, avoir le triste courage, l’audace, l’impudence de : Vous n’auriez pas le coeur de me dénoncer faussement (Romains). ∥ 12. Class. Grandeur, noblesse d’âme, magnanimité : Seigneur, vous devez tout au grand coeur d’Exupère (Corneille). ∥ 13. Siège de la mémoire affective : J’étais là, j’ai tout vu. Ce fut terrible et grand. | Ce souvenir jamais dans mon coeur ne s’émousse (Hugo). • SYN. : I, 2 giron, sein. ∥ II, 4 centre, foyer, milieu. ∥ III, 6 énergie, goût, vigueur ; 11 audace, bravoure, hardiesse, vaillance. % Par coeur loc. adv. (sens 1, v. 1200, Poème moral ; sens 2, 1669, Molière [dîner par coeur, v. 1540, Yver]). 1. De mémoire et sans une faute : Pourriez-vous apprendre par coeur quatre pages [...], mais sans changer un mot (Stendhal). ∥ 2. Par extens. Parfaitement, jusque dans le moindre détail : Savoir par coeur le chemin. Connaître quelqu’un par coeur. ∥ Fam. Dîner par coeur, se passer de dîner : En décembre, un soir, on dîna par coeur. Il n’y avait plus un radis (Zola). coexistant, e [kɔɛgzistɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de coet de existant ; 1594, Godefroy). Se dit d’une chose qui existe en même temps qu’une autre : Et comme ils avaient été dans mon coeur des mouvements coexistants et simuldownloadModeText.vue.download 52 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 766 tanés, ils cessaient [...] d’être isolés pour composer un ensemble régulier (Barrès). • SYN. : coïncidant, concomitant, simultané. coexistence [kɔɛgzistɑ̃s] n. f. (de co- et de existence ; 1560, Viret). Le fait d’exister en même temps : Il [Manès] affirmait l’éternelle coexistence de deux puissances souveraines : le prince de la lumière et le prince des ténèbres (Barrès). ∥ Coexistence pacifique, principe qui permet à deux États ou à deux blocs d’États régis par des systèmes politiques et économiques antagonistes d’entretenir des relations pacifiques. • SYN. : concomitance, simultanéité. coexister [kɔɛgziste] v. intr. (de co- et de exister ; 1745, Brunot). 1. Exister ensemble en même temps : Il y a en M. de Girardin l’homme positif, pratique [...], il y a l’homme de théorie et de système : les deux coexistent sans se confondre et sans se nuire (SainteBeuve). ∥ 2. En parlant de deux États, de deux systèmes d’alliance ou de deux blocs d’États, entretenir des rapports pacifiques malgré l’opposition irréductible des régimes économiques et politiques. • SYN. : 1 cohabiter, coïncider. coextensif, ive [kɔekstɑ̃sif, -iv] adj. (de co- et de extensif ; XXe s.). En logique, se dit d’un concept, d’un terme susceptible d’avoir la même extension qu’un autre. coffin [kɔfɛ̃] n. m. (bas lat. cophinus, gr. kophinos, corbeille ; XIIIe s., Queste del saint Graal, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Vx et dialect. Panier ou coffret haut et de forme circulaire : Trois coffins de pâte à la guimauve (Flaubert). ∥ 2. Étui rempli d’eau où le faucheur met la pierre à aiguiser, et qu’il porte attaché à la ceinture. coffrage [kɔfraʒ] n. m. (de coffre ; 1836, Raymond, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s.). 1. Charpente en bois ou en fer destinée à prévenir les éboulements dans les puits, les tranchées, les galeries de mine. ∥ 2. Forme de bois ou de métal servant à mouler le béton. ∥ 3. Pose de coffres destinés à maintenir les matériaux jusqu’à leur prise. coffre [kɔfr] n. m. (bas lat. cophinus, gr. kophinos, corbeille ; v. 1175, Chr. de Troyes, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1291, Runkewitz ; sens I, 3, av. 1650, Rotrou [coffres de l’État, 1835, Acad.] ; sens I, 4, 1690, Furetière ; sens I, 5, 1680, Richelet ; sens I, 6, 1863, Littré ; sens I, 7, XVIe s., Tilander ; sens I, 8, XXe s. ; sens II, 1776, Encyclopédie). I. 1. Meuble en forme de caisse, s’ouvrant par un couvercle, où l’on range toutes sortes d’objets (linge, vêtements, vaisselle, etc.) : Une chambre meublée d’une petite table, de deux tabourets et d’un coffre (Mérimée). ∥ Fig. et vx. Mourir assis sur son coffre, attendre indéfiniment : Il serait plutôt mort assis sur son coffre [...] que de faire une demande quelconque (Gautier). ∥ Class. Mourir sur le coffre, passer sa vie dans les antichambres (où, jadis, un coffre servait de siège) : Je vous donne ma parole que si j’en reviens, je ne mourrai pas sur le coffre (Turenne, d’après Mme de Sévigné). ∥ 2. Spécialem. Caisse ou coffret où l’on range des objets précieux, de l’argent : Superbe et distraite, elle appuie | La main sur un coffre à bijoux (Gautier). ∥ 3. Coffre-fort, ou compartiment d’un coffre-fort qu’une banque loue à ses clients : Tu seras étonnée de découvrir cette lettre dans mon coffre (Mauriac). Votre maîtresse a un coffre à la banque (Romains). ∥ Fam. Les coffres de l’État, le Trésor public. ∥ 4. Espace creux ménagé à l’avant ou à l’arrière d’une voiture pour recevoir des bagages. ∥ 5. Réceptacle ayant la forme d’un coffre : Ce sont de petits omnibus au coffre large, assis sur des roues grêles (Fromentin). ∥ Spécialem. Coffre d’un clavecin, d’un piano, sa caisse. ∥ Coffre d’un navire, sa coque. ∥ 6. Coffre d’amarrage, caisson métallique flottant, auquel on amarre les chaînes des navires. ∥ 7. Fig. et fam. Poitrine large. ∥ Avoir du coffre, avoir une forte poitrine, une forte voix, un souffle puissant ; au fig., avoir de l’audace, du courage : Ah ! on ne cachait pas son jeu, en ce temps-là ! On avait du coffre, on disait : « Voilà, j’ai pignon sur rue, je trafique des esclaves, je vends de la chair noire » (Camus). ∥ 8. Arg. Estomac : Je n’ai rien dans le coffre depuis deux jours. II. Poisson osseux des mers chaudes, à carapace rigide faite de plaques polygonales. coffre-fort [kɔfrəfɔr] n. m. (de coffre et de fort, adj. ; 1589, Havard). Armoire métallique blindée, munie de serrures de sûreté ou de dispositifs d’ouverture à combinaison, où l’on enferme de l’argent ou des objets précieux : Au fond se voyait la plaque d’un coffre-fort noyé dans le béton (Duhamel). • Pl. des COFFRES-FORTS. coffrer [kɔfre] v. tr. (de coffre ; 1544, Mathée, au sens de « mettre dans un coffre » ; sens 1, XXe s. ; sens 2, 1564, J. Thierry). 1. Poser un coffrage autour de ; préparer par un coffrage : Coffrer un pilier de béton. ∥ 2. Fam. Mettre en prison : Douze gentilshommes furent choisis pour porter cette pièce au roi ; à leur arrivée à Paris, on les coffra à la Bastille, d’où ils sortirent bientôt en façon de héros ; ils furent reçus à leur retour avec des branches de laurier (Chateaubriand). Allez, coffrez-moi. Ça me mettra un toit sur la tête, quand il pleut (Maupassant). D’ailleurs, il en a fait, des indélicatesses. Il a même failli être cof- fré (Duhamel). Inexpérimenté comme vous êtes, je ne vous donne pas deux jours pour vous faire coffrer (Romains). • SYN. : 2 arrêter, boucler (fam.), emprisonner. coffret [kɔfrɛ] n. m. (de coffre ; v. 1265, J. de Meung). Petit coffre fermant à clef, souvent orné, où l’on range des objets précieux : Ton souvenir est comme un coffret de reliques (Samain). • SYN. : cassette, écrin. coffretier [kɔfrətje] n. m. (de coffret ; 1379, Fagniez). Autref. Fabricant ou marchand de coffres. ∥ Coffretiermalletier, celui qui fabriquait coffres, malles, armoires, etc. cogérance [kɔʒerɑ̃s] n. f. (de co- et de gérance ; 1866, Larousse). Gérance exercée en commun avec une ou plusieurs autres personnes. cogérant, e [kɔʒerɑ̃, -ɑ̃t] n. (de co- et de gérant ; XXe s.). Personne qui gère avec d’autres un bien, une entreprise, pour le compte d’autrui. cogestion [kɔʒɛstjɔ̃] n. f. (de co- et de gestion ; XXe s.). Gestion exercée en commun avec une ou plusieurs autres personnes. cogitation [kɔʒitasjɔ̃] n. f. (lat. cogitatio, pensée ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens de « pensée » ; sens 1, 1370, Oresme ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Class. Dans la langue philosophique, fixation de la pensée sur un objet : Tout ce que je vous désire, c’est que vous soyez délivré de toutes les cogitations vagues et fluctuantes (Malherbe). ∥ 2. Ironiq. Action de réfléchir ; résultat de cette action, pensées : Le téléphone arracha Jérôme à ses cogitations (Arnoux). cogiter [kɔʒite] v. intr. (lat. cogitare, penser ; XVe s., au sens de « méditer, projeter » ; sens actuels, 1866, Larousse). Fam. et ironiq. Penser, réfléchir de façon laborieuse et parfois vaine. % v. tr. Fam. Penser : Qu’est-ce que tu cogites ? cogito [kɔʒito] n. m. (abrév. ergo sum, « Je pense, donc je célèbre de Descartes [1637] ; Dans la langue philosophique, du lat. Cogito suis », formule fin du XIXe s.). raisonne- ment cartésien qui conclut de la pensée à l’existence : Non seulement ce n’est pas du « cogito » que Descartes est allé à Dieu, mais [...] c’est de la croyance de Descartes à Dieu que le « cogito » prend toute sa valeur (Faguet). cognac [kɔɲak] n. m. (de Cognac, ch.l. d’arrond. de la Charente ; 1783, Encycl. méthodique). Eau-de-vie de vin réputée, fabriquée à Cognac et dans la région (Charente et Charente-Maritime) : Il se jucha, ruisselant de pluie, sur le haut d’un tabouret et demanda du cognac (Duhamel). cognasse [kɔɲas] n. f. (de coing ; 1534, Huguet). Fruit du cognassier sauvage. cognassier [kɔɲasje] n. m. (de cognasse ; 1611, Cotgrave). 1. Arbre fruitier de la famille des rosacées, qui produit le coing. ∥ 2. Cognassier du Japon, arbrisseau à downloadModeText.vue.download 53 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 767 fleurs rouges, cultivé dans les jardins d’agrément : Et les petits carreaux du pavage paraissaient semés [...] de pétales rouges de cognassiers du Japon (Goncourt). cognat [kɔgna] n. m. (lat. cognatus, uni par le sang, parent ; XIIIe s., Godefroy). En droit romain, celui qui était uni à d’autres par des liens de parenté naturelle. ∥ Spécialem. Parent par les femmes, par opposition à agnat, parent par les mâles. cognation [kɔgnasjɔ̃] n. f. (lat. cognatio, parenté de naissance ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure). En droit romain, parenté résultant de la consanguinité. ∥ Spécialem. Parenté par les femmes. cognatique [kɔgnatik] adj. (de cognat ; 1866, Larousse). Succession cognatique, en droit romain, succession dévolue aux cognats. cogne [kɔɲ] n. m. (déverbal de cogner ; 1800, G. Esnault). Arg. Gendarme, agent de police : Les gens de police sont des railles, puis des roussins, puis des rousses, puis des marchands de lacets, puis des coqueurs, puis des cognes (Hugo). Les cognes ne l’avaient pas suivi (Genevoix). cognée [kɔɲe] n. f. (lat. pop. cuneata, fém. substantivé de l’adj. cuneatus, en forme de coin, de cuneus, coin ; 1080, Chanson de Roland). Hache à fer étroit, à long manche, servant à abattre les arbres, à dégrossir les pièces de charpente, à fendre le gros bois : Et les coups de la cognée faisaient, pour la dernière fois, mugir des échos expirant euxmêmes avec les arbres qui leur servaient d’asile (Chateaubriand). ∥ Charpentier de petite cognée, de grande cognée, au Moyen Âge, menuisier, charpentier : J’entrai apprenti parmi les charpentiers de la grande cognée (Hugo). ∥ Fig. et vx. Mettre la cognée à l’arbre, auprès de l’arbre, entreprendre quelque chose. ∥ Jeter le manche après la cognée, abandonner une entreprise par découragement. cognement [kɔɲmɑ̃] n. m. (de cogner ; 1907, Larousse). 1. Action de cogner, de frapper à coups répétés. ∥ 2. Bruit sourd provoqué par cette action : Un cognement de querelle de ménage (Frapié). ∥ Spécialem. Bruit caractéristique produit par un moteur à explosion dont l’allumage est déréglé ou dont une bielle a pris du jeu. cogner [kɔɲe] v. tr. (lat. cuneare, enfoncer, maintenir avec un coin, de cuneus, coin ; v. 1131, Couronnement de Louis, aux sens 1-2 ; sens 3, XVe s., Miracles de sainte Geneviève ; sens 4, 1690, Furetière). 1. Vx. Frapper avec force, à coups répétés, sur quelque chose que l’on veut enfoncer : Cogner un clou. ∥ Fig. et fam. Cogner une idée dans la tête de quelqu’un, la faire entrer de force. ∥ 2. Choquer, heurter involontairement, par accident : [Des démons] s’éveillent lourdement [...] | Et cognent en volant les volets et l’auvent (Baudelaire). Octave expliqua une fois de plus qu’il venait de cogner maladroitement le volume, lorsque Marie entra (Zola). ∥ 3. Pop. Frapper quelqu’un à coups de poings, le battre : Ma concierge s’est collée [...] avec un faraud à belle voix. Il la cognait, on entendait des cris affreux (Camus). ∥ 4. Fig. Se cogner la tête contre les murs, s’efforcer désespérément de venir à bout d’une difficulté insurmontable. • SYN. : 1 taper ; 2 accrocher ; 3 buter (pop.), étriller (fam.), rosser. — CONTR. : 3 câliner, caresser, flatter. % v. intr. et tr. ind. (XIVe s.). 1. Donner des coups : Il aperçut des gens groupés au fond devant sa porte, cognant, appelant : « Hé ! Tartarin » (Daudet). Je sens que je ne me possède plus ; j’ai envie de cogner, de crier, de pleurer (Gide). ∥ 2. Cogner contre, à, sur quelque chose, donner un coup, volontairement ou non, à : Cogner sur la table, au plafond. • SYN. : frapper, tambouriner, taper. % v. intr. (sens 1, début du XXe s. ; sens 2, 1913, G. Esnault). 1. Faire entendre un battement fort et accéléré : Un silence pendant lequel j’entends le ronron de Fanchette, le tic-tac de ma petite montre, la respiration de Marcel et mon coeur qui cogne (Colette). ∥ Spécialem. En parlant d’un moteur, d’un mécanisme, faire entendre des bruits sourds par suite d’un fonctionnement défectueux : Il vivait comme un moteur tourne rond, sans cogner (Morand). ∥ 2. Arg. Sentir mauvais : ça cogne ici. % se cogner v. pr. (sens 1, 1680, Richelet ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Se heurter accidentellement, maladroitement, contre quelque chose : On voit un chiffonnier qui vient hochant la tête, | Butant et se cognant aux murs, comme un poète (Baudelaire). ∥ Absol. Se donner involontairement une contusion : Je me suis cogné. ∥ 2. Pop. Se frapper, se battre : Je regrette les temps où l’on se cognait (France). cogneur [kɔɲoer] adj. et n. m. (de cogner ; 1920, G. Esnault). Fam. Qui porte de rudes coups, qui frappe fort (surtout en parlant d’un boxeur) : Il traitait Ram comme un des cogneurs issus du peuple qu’il faut mener à l’abattoir (Morand). cognitif, ive [kɔgnitif, -iv] adj. (dér. savant du lat. cognitus, connu ; v. 1361, Oresme). Vx. Qui permet de connaître : Faculté cognitive. cognition [kɔgnisjɔ̃] n. f. (lat. cognitio, connaissance ; début du XIVe s., puis 1801, Villers). Dans la langue philosophique, opération de l’esprit qui conduit à la connaissance. cognoscibilité [kɔgnɔsibilite] n. f. (de cognoscible ; 1898, Larousse). Qualité de ce qui peut être connu (peu usité) : La cognoscibilité du monde. cognoscible [kɔgnɔsibl] adj. (bas lat. cognoscibilis, de cognoscere, connaître ; 1878, Larousse). Qui peut être connu ; qui est accessible à l’intelligence humaine. (Peu usité.) cohabitation [kɔabitasjɔ̃] n. f. (bas lat. cohabitatio, de cohabitatum, supin de cohabitare, demeurer avec ; XIIIe s., Godefroy). État de personnes qui habitent, vivent ensemble. ∥ Spécialem. Vie commune des époux. cohabiter [kɔabite] v. intr. (bas lat. cohabitare, demeurer avec ; v. 1355, Bersuire, au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Habiter, vivre ensemble, spécialement en parlant des époux ; habiter avec : J’ai cohabité trois fois avec des femmes. Avec les trois je me suis brouillé rapidement, du jour de la cohabitation (Montherlant). ∥ 2. Fig. Exister simultanément, en parlant de choses : Et qui dira combien de passions et combien de pensées ennemies peuvent cohabiter en l’homme ? (Gide). cohérence [kɔerɑ̃s] n. f. (lat. cohaerentia, connexion, cohésion, de cohaerens [v. COHÉRENT] ; 1524, Godefroy). 1. Vx. Liaison étroite des divers éléments d’un corps matériel : Dans le bois, la cohérence longitudinale est bien plus considérable que l’union transversale (Buffon). ∥ 2. Fig. Harmonie logique, absence de contradiction entre les divers éléments d’un ensemble d’idées ou de faits : Washington a voulu ce qu’il devait vouloir ; de là la cohérence et la perpétuité de son oeuvre (Chateaubriand). cohérent, e [kɔerɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. cohaerens, -entis, part. prés. adjectivé de cohaerere, être attaché ensemble ; 1539, J. Canappe). 1. Vx. Qui s’applique, s’adapte, s’unit étroitement à autre chose : Les molécules du fer sont plus cohérentes que celles du plomb (Acad.). ∥ 2. Fig. Se dit d’un ensemble qui présente des parties en rapport logique et harmonieux : Notre fraternel mariage, fondé sur la confiance, devint plus cohérent (Balzac). Après une journée éreintante, il essaie sous sa véranda de rassembler en un tout cohérent les renseignements contradictoires qu’il a reçus dans la journée (Tharaud). Un programme cohérent. ∥ Se dit de ces parties elles-mêmes : Une démonstration fondée sur des arguments cohérents. • SYN. : 2 conséquent, ordonné, rationnel, suivi. cohéreur [kɔeroer] n. m. (dér. savant du lat. cohaerere, être attaché avec ; 1890, Branly). Premier appareil de détection des ondes électromagnétiques (dû à É. Branly), fondé sur la variation de résistance de contact imparfait entre certains corps conducteurs. cohériter [kɔerite] v. intr. (de co- et de hériter ; 1866, Larousse). Recueillir un héritage avec d’autres. cohéritier, ère [kɔeritje, -ɛr] n. (de coet de héritier ; 1411, Coutumes d’Anjou et du downloadModeText.vue.download 54 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 768 Maine).) Chacune des personnes appelées à recueillir un même héritage. cohésif, ive [kɔezif, -iv] adj. (dér. savant du lat. cohaesum, supin de cohaerere, être attaché avec ; 1866, Larousse). Qui joint, unit : Ce produit a de grandes qualités cohésives. cohésion [kɔezjɔ̃] n. f. (dér. savant du lat. cohaesus, part. passé de cohaerere, être attaché avec ; fin du XVIIe s.). 1. Force qui fait adhérer les molécules d’un corps solide : L’immersion augmente la cohésion du ciment hydraulique. ∥ 2. Force qui retient, unit les différentes parties d’un tout : Ces parties, ces aspects sont unis par un autre lien que la cohésion (Valéry). ∥ 3. Qualité d’un ensemble dont toutes les parties sont étroitement solidaires : La cohésion d’une troupe, d’un État. ∥ 4. Caractère d’une pensée, d’un exposé dont toutes les parties sont liées logiquement : La cohésion d’une intrigue romanesque. • SYN. : 1 adhérence, agrégation ; 2 affinité, connexion, homogénéité, solidarité ; 4 cohérence, harmonie, logique. — CONTR. : 2 dispersion, dissolution, éparpillement ; 3 chaos, confusion, décousu, incohérence. cohobation [kɔɔbasjɔ̃] n. f. (de cohober ; 1615, Béguin). Action de cohober. cohober [kɔɔbe] v. tr. (lat. des alchimistes cohobare, de l’ar. quhba, couleur sombre ; 1615, Béguin). Faire repasser un liquide qu’on distille sur son résidu, pour le rendre plus fort, ou sur d’autres substances, pour le charger d’autres principes volatils. cohorte [kɔɔrt] n. f. (lat. cohors, -ortis, troupe ; 1213, Fet des Romains, au sens 1 ; sens 2, v. 1530, C. Marot ; sens 3, av. 1352, Gilles li Muisis). 1. Unité de l’armée romaine comprenant, à partir de Marius, trois manipules, soit six centuries, et formant la dixième partie de la légion : Et les centurions ralliant leurs cohortes | Humaient encor dans l’air [...] | La chaleur du carnage (Heredia). ∥ 2. Littér. Troupe de gens armés : Sous des murs entourés de cohortes sanglantes | Siège le sombre tribunal (Hugo). ∥ 3. Fam. Troupe de gens quelconques : L’une après l’autre, les cohortes [d’écoliers en rang] se mirent en marche (Duhamel). • SYN. : 3 bande, caravane, cortège, horde, meute, troupeau. cohue [kɔy] n. f. (moyen breton cochuy, réunion bruyante ; XIIIe s., au sens de « halle » et au sens 1 ; sens 2-4, 1638, Chapelain). 1. Autref. Lieu public où se tenaient les petites justices : À Jersey, la Cour royale se nomme la Cohue (Hugo). ∥ 2. Class. Bruit confus, exclamation bruyante : La cohue du parlement s’éleva à ce mot (Retz). ∥ 3. Multitude confuse et bruyante : Par l’autorité de son regard tranquille, ce jeune homme contraignit cette cohue sinistre à le tuer avec respect (Hugo). Sur la place de Goderville, c’était une foule, une cohue d’humains et de bêtes mélangés (Maupassant). ∥ 4. Vx. Désordre, confusion : Il ne voyait que pure cohue (Sainte-Beuve). • SYN. : 3 bousculade, f lot, fourmilière, mêlée, presse ; 4 chaos. coi, coite [kwa, kwat] adj. (lat. pop. *quetus, lat. class. quietus, tranquille ; 1080, Chanson de Roland ). 1. Vx et littér. Tranquille et silencieux : Nous étions si heureux d’être là, cois et chauds dans une chambre bien close (Gautier). L’enfilade des chambres et des cours, cette échappée sur le jardin [...], loin de nous distraire, nous donne une jouissance plus coite de notre profondeur et de notre sécurité (Claudel). ∥ 2. Class. Où règne le calme, la tranquillité : Ces fertiles vallons, ces ombrages si cois (La Fontaine). ∥ 3. N’est plus usité aujourd’hui que dans les loc. : Rester, demeurer, se tenir coi, rester sans bouger ni parler : La comtesse s’obstinait à demeurer coite, le chanoine lâcha son bras (Gide) ; rester silencieux et ne pas agir : Pendant sept mois, Clemenceau se tint coi, fit le mort (Tharaud). ∥ En rester coi, rester muet de stupéfaction. • REM. L’ancienne forme du féminin était coie ; coite est apparu seulement au XVIIIe s. coiffage [kwafaʒ] n. m. (de coiffer ; XXe s.). En chirurgie dentaire, intervention qui consiste à recouvrir d’un revêtement protecteur la pulpe dentaire lésée par une carie : Coiffage pulpaire. coiffant, e [kwafɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de coiffer ; XXe s.). Qui coiffe bien : Un béret coiffant. % coiffant n. m. Manière de placer un chapeau sur la tête : Coiffant classique ou droit. coiffe [kwaf] n. f. (bas lat. cofia [VIe s.], d’un germ. occid. kufia ; 1080, Chanson de Roland, au sens 1 ; sens 2-3, 1680, Richelet ; sens 4, 1690, Furetière ; sens 5, milieu du XIVe s., Modus ; sens 6, depuis 1782, Duhamel du Monceau ; sens 7, 1922, Larousse ; sens 8, 1704, Trévoux). 1. Ornement de tête en toile, en dentelle ou en tissu léger, porté autrefois par toutes les femmes, et encore aujourd’hui par les femmes de certaines provinces : La jolie Mlle Schontz, que sa joue en fleur un peu hâlée et sa coiffe alsacienne aux ailes de tulle noir faisaient ressembler à une rose sauvage de Guebwiller ou de Rouge-Goutte sur laquelle se serait posé un papillon (Daudet). Sous les coiffes de lin, toutes croisant leurs bras [...], | Les femmes à genoux sur le roc de la cale | Regardent l’Océan blanchir l’île de Batz (Heredia). ∥ Spécialem. Coiffure des religieuses. ∥ 2. Class. Garniture en linge que l’on mettait directement sur les cheveux et par-dessus laquelle on mettait la coiffure. ∥ 3. Doublure d’un chapeau. ∥ Garniture intérieure d’un casque. ∥ Enveloppe d’étoffe d’un képi. ∥ 4. Portion de la membrane foetale recouvrant la tête de certains enfants à leur naissance. ∥ 5. Membrane enveloppant les intestins de certains animaux de boucherie. ∥ 6. Partie rapportée à l’extrémité de certains objets : capsule de bouteille, pointe dure sertie à l’extrémité d’un obus, enveloppe d’une fusée, etc. ∥ 7. En reliure, rebord qui surmonte le dos des volumes reliés, en tête et queue. ∥ 8. En botanique, enveloppe recouvrant la capsule des mousses. ∥ Capuchon qui protège l’extrémité de certaines racines. • SYN. : 1 béguin, bonnet, cornette ; 5 cré- pine, voilette. coiffé, e [kwafe] adj. (part. passé de coiffer ; XIIIe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, 1549, R. Estienne [au fig.] ; sens II, 1, 1675, Widerhold ; sens II, 2, 1680, Richelet). I. 1. Qui porte une coiffe, une coiffure : Un village breton où l’on rencontre encore des femmes coiffées. ∥ Fam. Chèvre coiffée, femme fort laide. ∥ Fam. Chien coiffé, le premier chien coiffé, v. CHIEN. ∥ 2. Être né coiffé, en parlant d’un nouveau-né, venir au monde avec une partie de la membrane foetale sur la tête, ce qui passe parfois pour un signe de chance, d’où, au fig., avoir une chance insolente : Je le hais parce qu’il est né coiffé, et que l’art est pour lui chose claire et facile (Baudelaire). On enviait [...] Désiré Lecoq. Il était né coiffé, disait-on avec un sourire malin (Maupassant). II. 1. Dont les cheveux sont arrangés : Rastignac se retourna brusquement et vit la comtesse [...] coiffée négligemment (Balzac). La belle lady, coiffée en pouf avec des plumes blanches et roses (Gautier). ∥ 2. Spécialem. Cheval bien coiffé, cheval qui a les oreilles petites et bien placées. ∥ Chien bien coiffé, chien qui a les oreilles longues et pendantes. coiffer [kwafe] v. tr. (de coiffe ; XIIIe s., Dict. général, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1er avr. 1872, Revue des Deux Mondes ; sens I, 3, XXe s. ; sens I, 4, et II, 1675, Widerhold ; sens I, 5, av. 1848, Chateaubriand ; sens I, 6 et 8, 1690, Furetière ; sens I, 7, 1946, le Figaro). I. 1. Mettre une coiffe, une coiffure sur la tête de quelqu’un : Coiffer un enfant d’un béret. ∥ Ceindre le front d’un emblème : Nous avons montré Tartarin de Tarascon comme il était en son privé avant que la gloire l’eût baisé au front et coiffé du laurier séculaire (Daudet). ∥ Fam. et ironiq. Coiffer son mari, lui faire porter des cornes, le tromper : Enfin, on ne savait si elle avait congrûment coiffé son vieux mari (France). ∥ Être coiffé de, v. ci-après SE COIFFER v. pr. ∥ 2. Mettre sur sa tête comme coiffure : Coiffer un chapeau. ∥ Fig. Coiffer la mitre, la tiare, être élevé à la dignité d’évêque, de pape. ∥ Coiffer sainte Catherine, en parlant d’une jeune fille, atteindre l’âge de vingt-cinq ans downloadModeText.vue.download 55 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 769 sans être mariée : Ta soeur ne se console pas de coiffer sainte Catherine (Theuriet). ∥ 3. Avoir comme mesure de coiffure, comme tour de tête : Coiffer du 50. ∥ 4. En parlant d’une coiffure, couvrir la tête de quelqu’un : Il s’y voyait avec le foulard qui le coiffait et le haut de sa chemise entrouvert (Flaubert) ; et absol. : Cette toque coiffe de façon ravissante. ∥ 5. Être placé au-dessus de, couronner : Pendant qu’on se battait dans ce village, ma compagnie était commandée pour une batterie à établir au bord d’un bois qui coiffait le sommet d’une colline (Chateaubriand). La neige coiffait les collines et traînait en plaques à demi fondues dans les creux d’un sol calciné (Martin du Gard). Elle [l’église de la Métropole] coiffe le plus beau site de Bucarest (Morand). ∥ Coiffer un objectif, dans la langue militaire, l’atteindre par son tir, ou le conquérir. ∥ 6. En parlant des chiens de chasse, saisir le sanglier par les oreilles et le jeter à terre. ∥ Coiffer au poteau, dans les courses hippiques, dépasser un concurrent sur la ligne d’arrivée. ∥ 7. Fig. Être à la tête de ; coordonner les activités de plusieurs services ou organismes : Un bureau central qui coiffe les comités locaux. ∥ 8. Fam. Enivrer (vieilli) : Le vin de la Moselle vous coiffe vite. II.Arranger la chevelure, la disposer d’une certaine manière : Coiffer quelqu’un en bandeaux. % se coiffer v. pr. (sens I, 1, XIIIe s. ; sens I, 2, fin du XVIe s. ; sens I, 3, 1752, Trévoux ; sens II, 1675, Widerhold). I. 1. Couvrir sa tête d’une coiffure : Je m’étais coiffé d’un béret. ∥ 2. Fam. Se coiffer (ou être coiffé) de quelqu’un, avoir une attirance excessive et déraisonnable pour une personne : C’est un bonheur de n’être point sujette à se coiffer d’un de ces oisons-là (Sévigné). ∥ 3. Spécialem. En parlant d’une voile, être frappée par le vent sur sa face antérieure et appliquée contre le mât : On nous parla d’un bijoutier de Paris [...] qui venait de se noyer avec son camarade, les voiles du canot qu’il conduisait s’étant coiffées et l’embarcation ayant chaviré (Gautier) ; et intransitiv., en parlant d’un navire : Le bateau coiffe. II. Se peigner, arranger sa chevelure : Je venais de briser, en me coiffant, un miroir (France). • SYN. : I, 2 s’amouracher, s’engouer, s’enticher, se toquer (fam.). coiffeur, euse [kwafoer, -øz] n. (de coiffer ; 1669, Widerhold). Personne qui a pour métier de couper et d’arranger les cheveux et la barbe : Garçon coiffeur. Naples ; petite boutique du coiffeur devant la mer et le soleil (Gide). % coiffeuse n. f. Petite table à tiroirs, munie d’une glace, devant laquelle les femmes se coiffent, se fardent : Il demeura debout, regardant le lit, la coiffeuse (Martin du Gard). Puis elle fit encore quelques pas, entra dans sa chambre, s’assit devant la coiffeuse, et jeta sur le miroir un regard anxieux (Duhamel). coiffure [kwafyr] n. f. (de coiffer ; fin du XVe s., J. d’Auton, au sens I ; sens II, 1, 1694, Acad. ; sens II, 2, 1866, Larousse). I. Ce qui sert à couvrir ou à orner la tête : Pour s’essuyer le front, ils retirèrent leur coiffure (Flaubert). II. 1. Manière dont les cheveux sont coupés, arrangés : Je pense qu’elle [Anny] a conservé sa coiffure, ses lourds cheveux blonds (Sartre). ∥ 2. Action, art de coiffer : Salon de coiffure. • SYN. : I chapeau, coiffe, couvre-chef (fam.). coin [kwɛ̃] n. m. (lat. cuneus, coin à fendre ; XIIe s., aux sens I, 1-2, et II, 1 ; sens I, 3 et 5, 1690, Furetière ; sens I, 4, v. 1265, J. de Meung [marquer au coin, 1690, Furetière] ; sens II, 2, début du XIVe s. ; sens II, 3, 1530, Palsgrave [coin de l’oeil] ; sens II, 4, 1680, Richelet ; sens II, 5, 1660, Oudin ; sens III, 1, 1690, Furetière ; sens III, 2, 1549, R. Estienne ; sens III, 3, 1866, Larousse ; sens III, 4, XXe s. ; sens III, 5, 1907, Larousse). I. 1. Pièce de fer ou de bois dur, en forme de prisme à base triangulaire, servant à fendre du bois. ∥ Fig. Enfoncer un coin entre, introduire un élément de division, de discorde entre deux personnes, deux partis. ∥ 2. Pièce en bois de forme analogue, qui sert à maintenir le fer dans une varlope, un rabot. ∥ Petite pièce qu’on enfonce à force dans la tête d’un tenon ou dans le manche d’un outil, pour les assujettir. ∥ Pièce de calage en bois, ou lame de fer repliée et formant ressort, que l’on interpose entre l’âme du rail et l’une des mâchoires du coussinet. ∥ 3. Par anal. Objet en forme de coin : Autour de la table du milieu chargée de pots, de cigares et de quelques coins de fromage [...], vous trouverez une vingtaine de messieurs bien mis (Nerval). ∥ 4. Pièce d’acier gravée en creux, servant à frapper les monnaies et les médailles : Depuis le règne de Constantin, les médailles ont été frappées avec des coins d’acier et à froid (Champollion). ∥ Vx. Monnaie à fleur de coin, monnaie qui n’a pas été usée par le frottement et dont l’empreinte est encore nette. (Se dit par opposition à monnaie fruste.) ∥ Fig. Être marqué au coin de, avoir la marque, l’empreinte caractéristique de : Cet ouvrage est marqué au coin du génie. ∥ 5. Poinçon de garantie qu’on applique sur les pièces de bijouterie et d’orfèvrerie. II. 1. Angle formé par l’intersection de deux lignes, de deux ou de trois plans : Et saint Joseph, très las, a laissé choir la gouge | En s’essuyant le front au coin du tablier (Heredia). Dans le compartiment [...], deux messieurs dormaient, adossés à deux coins (Maupassant). ∥ Meuble de coin, petit meuble conçu pour être placé dans l’angle d’une pièce. ∥ En coin, se disait autrefois des troupes disposées en forme de triangle : Ces Barbares, fidèles aux usages des anciens Germains, s’étaient formés en coin, leur ordre accoutumé de bataille (Chateaubriand). ∥ Mettre au coin, punir un enfant en l’obligeant à se tenir debout dans l’angle d’une pièce, le visage tourné contre le mur : Ce petit coin noir où l’on met les enfants méchants (Balzac). ∥ Coin d’une cheminée, chacun des deux angles d’une cheminée. ∥ Au coin du feu, près de la cheminée ; au fig., chez soi, en famille : Plus d’un | Ne viendra plus chercher la soupe parfumée, | Au coin du feu, le soir, auprès d’une âme aimée (Baudelaire). ∥ Ne pas bouger du coin du feu, ne pas quitter le coin de son feu, rester chez soi, mener une vie sédentaire et retirée. ∥ Jeu des quatre coins, jeu dans lequel quatre joueurs, placés aux quatre sommets d’un carré, cherchent à changer de place, tandis qu’un cinquième essaie d’occuper la place laissée libre par un joueur. ∥ Fam. Jouer aux quatre coins, se poursuivre sans se rejoindre. ∥ 2. Spé- cialem. Angle formé par l’intersection de deux rues : Une petite maison qui faisait le coin de la rue des Écrivains et de la rue Marivaux (Hugo). La vilaine couleur du vin pris au litre chez le marchand de vin du coin (Balzac). ∥ Coin d’un bois, angle formé par un bois et la route qui le traverse ou par la corne d’un bois. ∥ Fig. Mourir au coin d’un bois, d’une haie, mourir loin de tout secours, de toute assistance. ∥ On n’aimerait pas le rencontrer au coin d’un bois, il a une mine peu rassurante. ∥ 3. Coin de la bouche ou des lèvres, coin de l’oeil, angle formé par les lèvres, les paupières : Elle parlait à peine. Il lui suffisait d’un sourire imperceptible au coin de la bouche (Rolland). Ce sourire crispé au coin de la lèvre (Gide). ∥ Regard en coin, regard furtif et dérobé. ∥ Sourire en coin, sourire ironique et malveillant : Ce sourire en coin, effroi de son enfance persécutée (Daudet). ∥ Regarder, faire signe du coin de l’oeil, regarder, faire signe à la dérobée : Elle regarda la porte cochère du coin de l’oeil (Balzac). ∥ Fam. Entendre du coin de l’oreille, furtivement, distraitement : Pendant que je cause avec Fontaine, du coin de l’oreille je l’entends [Claudel] proclamer son admiration pour Baudelaire (Gide). ∥ 4. Pièce de métal garnissant les angles d’un livre : Le magnifique livre à souches, couvert de serge verte, orné de coins de cuivre (Daudet). ∥ Attache métallique servant à réunir plusieurs feuillets. ∥ Papier gommé en forme de coin permettant de fixer des photos dans un album. ∥ 5. Vx. Partie du bas, en forme de triangle, qui s’appliquait sur la cheville : Elle faisait venir downloadModeText.vue.download 56 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 770 des chaussures de Paris et les choisissait à talons minces et élevés, faisant valoir la finesse de sa jambe, qui était couverte d’un bas de coton à coins bleus bien tiré (Nerval). III. 1. Portion d’espace, étendue de terrain limitée : Ce ne sera certes pas un hors-d’oeuvre que de décrire ce coin de Paris actuel (Balzac). Un coin de mer, de ciel. ∥ Aux quatre coins de, aux extrémités opposées d’une ville, d’une région, d’un pays, à des points, en des lieux fort éloignés : Son mari se trouvait sans cesse aux quatre coins de la France, et toute la maison retombait sur elle (Zola). ∥ Class. Tenir son coin, à la paume, en parlant d’un joueur qui fait équipe avec un autre, savoir renvoyer les coups qui viennent de son côté ; au fig., tenir une place honorable dans une assemblée, soutenir avec avantage une discussion : Il peut tenir son coin parmi les beaux esprits (Molière). ∥ 2. Endroit retiré, peu visible et peu fréquenté : Je devrais rester dans un coin à piocher le droit (Balzac). Je suis si bien dans mon moulin ! C’est si bien le coin que je cherchais, un petit coin parfumé et chaud, à mille lieues des journaux, des fiacres, du brouillard ! (Daudet). Il pensa que la nuit allait tomber et qu’il lui faudrait reprendre sa marche au hasard [...], et chercher interminablement un coin pour croquer et un autre pour dormir (Sartre). ∥ Rester (vivre) dans son coin, ne pas montrer d’ambition, vivre à l’écart : Le curé, lui, garda son poste, vécut dans son coin (Daudet). ∥ Dans tous les coins, dans les endroits les moins visibles, les moins accessibles ; partout : Elle [...] promena son regard inquisiteur dans tous les coins de la chambre (Gautier). Flairant dans tous les coins les hasards de la rime (Baudelaire). ∥ Fam. Aller au petit coin, aller aux cabinets. ∥ Pop. La connaître dans les coins, connaître une chose dans ses moindres détails, parfaitement : L’histoire fripouillarde de la Ngoko, s’il y en a une, il la connaît dans les coins (Romains). ∥ 3. Fig. Se dit aussi en parlant de l’esprit, des facultés : Garder un souvenir dans un coin de sa mémoire. ∥ 4. Spécialem. Rubrique d’un journal, d’une revue : Le coin des chercheurs, des philatélistes. ∥ 5. Pop. Blague dans le coin, blague à part, sans plaisanter, pour parler sérieusement. ∥ Pop. En boucher un coin à quelqu’un, le surprendre, le stupéfier par quelque chose d’extraordinaire. • SYN. : II, 1 encoignure ; 2 croisement ; 3 commissure. ∥ III, 1 endroit, point, quartier, secteur ; 2 localité, patelin (fam.), trou (fam.) ; 3 recoin ; 4 chronique, courrier. coinçage [kwɛ̃saʒ] n. m. (de coincer ; 1863, Littré). Action de coincer, de serrer avec des coins. coincement [kwɛ̃smɑ̃] n. m. (de coincer ; 1888, Larousse). 1. État d’une pièce mécanique coincée, immobilisée. ∥ 2. Fig. Arrêt brusque, blocage dû à un obstacle, une difficulté imprévus : Sommé soudain de fonctionner dans une nouvelle langue, l’esprit est exposé à des coincements et blocages de mécanisme (Romains). coincer [kwɛ̃se] v. tr. (de coin ; 1773, Bourdé de Villehuet, au sens I ; sens II, 1, 2, 3, 1866, Larousse ; sens II, 4, 1942, G. Esnault). [Conj. 1 a.] I. Fixer, caler avec des coins : Coincer des rails. II. 1. Immobiliser, serrer dans un coin ou dans un espace étroit : Le malfaiteur était coincé dans l’impasse. De petites vagues précipitées, qui, coincées entre les baleinières et le bateau, jaillissaient en geyser (Gide). ∥ 2. Par extens. Immobiliser quelque chose en l’engageant à fond dans un espace étroit : Il parlait en coinçant sa figure dans l’entrebâillement de la porte que je maintenais (Colette). ∥ 3. Fig. et fam. Retenir, réduire à l’impuissance : Ah ! cette fois, tu es coincé. Qu’est-ce que tu trouves à répondre ? (Duhamel). ∥ 4. Fam. Prendre, arrêter : Si tu vois le fils du sénateur, tâche de ne pas le rater, parce que c’est lui qui a tout manigancé. Nous sommes coincés (Sartre). • SYN. : II, 2 bloquer, caler ; 3 acculer ; 4 pincer (pop.). % se coincer v. pr. (1877, Littré). En parlant d’une pièce mécanique mobile ou d’un mécanisme, se bloquer : La gâchette, l’arme s’est coincée. coinchée [kwɛ̃ʃe] adj. et n. f. (part. passé de coincher). Manille coinchée, ou coinchée n. f., manille où l’on peut contrer. coincher [kwɛ̃ʃe] v. intr. (probablem. forme normanno-picarde ou franco-provençale de coincer [verbe qui, dans plusieurs dialectes, signifie « acculer »] ; XXe s.). Contrer à la manille. coïncidence [kɔɛ̃sidɑ̃s] n. f. (de coïncider ; milieu du XVe s., au sens de « similitude » ; sens 1, 1753, Encyclopédie ; sens 2, 1835, Acad.). 1. État de deux figures qui peuvent se superposer point par point : La coïncidence de deux figures démontre leur égalité. ∥ 2. État de choses qui coïncident, existent simultanément : La coïncidence des qualités les plus exceptionnelles chez un même individu est rare. ∥ Spécialem. Rencontre fortuite : Au début, la maladie du roi ne leur causait pas d’inquiétude. Ils comptaient que le malade en guérirait pendant qu’ils le soigneraient et que cette coïncidence serait notée à leur avantage (France). • SYN. : 2 coexistence, concomitance, concours, correspondance, rencontre, simultanéité. coïncident, e [kɔɛ̃sidɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de coïncider ; 1503, G. de Chauliac, au sens 2 ; sens 1, 1752, Trévoux). 1. Qui coïncide : Figures coïncidentes. ∥ 2. Qui se produit en même temps : Des événements coïncidents. • SYN. : 2 coexistant, concomitant, simultané. coïncider [kɔɛ̃side] v. intr. (lat. scolastique coincidere, proprem. « tomber ensemble », de cum, avec, et incidere, tomber ; v. 1361, Oresme, au sens 3 ; sens 1, 1753, Encyclopédie ; sens 2, 1798, Acad.). 1. En parlant de figures géométriques, se superposer point par point : Une translation fait coïncider les deux triangles. ∥ 2. En parlant d’événements, se produire en même temps : La découverte de la boussole coïncide avec celle de la poudre (Chateaubriand). Le dîner de la maison, dont l’heure coïncidait avec notre rentrée (Balzac). ∥ 3. Fig. Correspondre exactement, concorder : Les dépositions des témoins coïncident. • SYN. : 2 coexister, correspondre ; 3 se recouper. coin-coin [kwɛ̃kwɛ̃] n. m. invar. (onomatop. imitant le cri du canard ; XXe s.). Cri du canard : C’étaient autour d’elle des rires, des cris et des coin-coin comme dans un troupeau (Alain-Fournier). coïnculpé, e [kɔɛ̃kylpe] n. (de co- et de inculpé ; 1866, Larousse). Personne inculpée avec une ou plusieurs autres pour une même infraction. coin-de-feu [kwɛ̃dfø] n. m. (de coin, de, et feu ; 1877, Littré). Petit siège pour s’asseoir au coin du feu. • Pl. des COINS-DE-FEU. coing [kwɛ̃] n. m. (lat. cotoneum ou cydoneum, du gr. kudônia, [fruit] de Cydonea [ville de Crète] ou de Kutônion [en Asie Mineure] ; v. 1138, Vie de saint Gilles, écrit cooin ; coing dès le XIIIe s., forme répandue ensuite pour éviter la confusion orthogr. avec coin). Fruit du cognassier, en forme de poire, à peau jaune et veloutée : Confiture de coings. ∥ Fig. Jaune comme un coing, qui a le teint extrêmement jaune. coïntéressé, e [kɔɛ̃terese] adj. et n. (de co- et de intéressé ; 1670, Colbert). Qui possède des intérêts en commun avec d’autres dans une entreprise, une affaire. coït [kɔit] n. m. (lat. coitus, de coire, aller ensemble ; v. 1378, J. Le Fèvre). Accouplement du mâle et de la femelle. coite adj. Fém. de COI. coite ou coitte n. f. V. COUETTE. coïter [kɔite] v. intr. (de coït ; 1859, Flaubert). S’accoupler. cojouissance [kɔʒwisɑ̃s] n. f. (de co- et de jouissance ; 1835, Acad.). Dans la langue juridique, jouissance d’un bien commun à deux ou plusieurs personnes. coke [kɔk] n. m. (mot angl. ; 1758, de Tilly, écrit coucke ; coke, 1827, Dufrénoy). downloadModeText.vue.download 57 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 771 Résidu de la distillation de la houille en vase clos, employé comme combustible : Le coke attire le feu sous la grande chaudière (Hugo). ∥ Coke métallurgique, coke en morceaux assez gros, utilisé dans les hauts fourneaux. ∥ Coke de pétrole, sousproduit solide de la distillation du pétrole. cokéfaction [kɔkefaksjɔ̃] n. f. (de cokéfier ; 1923, Larousse). Transformation de la houille en coke. cokéfiable [kɔkefjabl] adj. (de cokéfier ; XXe s.). Se dit d’un charbon qui peut être transformé en coke. cokéfier [kɔkefje] v. tr. (de coke et du lat. facere, faire ; 1911, Larousse). Transformer la houille en coke. cokerie [kɔkri] n. f. (de coke ; fin du XIXe s.). Usine productrice de coke destiné à l’industrie, notamment aux hauts fourneaux. col [kɔl] n. m. (anc. cas régime sing. de cou [v. ce mot] ; 1080, Chanson de Roland, au sens I, 1 ; sens I, 2, XIVe s. ; sens I, 3, 1546, Ch. Estienne ; sens I, 4, 1645, Monet ; sens I, 5, 1832, Raymond ; sens II, 1, v. 1175, Chr. de Troyes ; sens II, 2, 1863, Littré). I. 1. Class. et littér. Cou : Un valet cacha son maître [...], vint au-devant de ceux qui le cherchaient [...] et leur présenta le col (Malherbe). Elle [Charlotte] paraissait grande à cause de la proportion de sa tête et de l’attache du col, qu’elle avait dégagé et naturellement noble (Bourget). Une belle tête bouclée, portée par un col droit et blanc, sortait de ce vêtement étrange (Duhamel). ∥ Canard à col vert, v. COL-VERT. ∥ 2. Partie étroite et allongée de certains objets : Col d’une bouteille, d’un vase. Depuis le haut chandelier kabyle jusqu’aux aiguières à long col enserrant les vins dans des formes bizarres et exquises (Daudet). ∥ 3. Partie étroite de certains organes : Col de la vessie, de la matrice. ∥ Rétrécissement entre la tête et le corps de certains os : Col du fémur. ∥ 4. Dépression étroite dans une crête montagneuse, permettant de passer d’un versant à l’autre : Cols abrupts, lacs, forêts pleines d’ombres et de nids (Heredia). ∥ 5. En serrurerie, courbure que l’on fait subir à une tringle. II. 1. Partie du vêtement qui entoure le cou : Col de veste, de chemise. Col dur, col mou. Sa nuque était puissante, qu’encerclait un col demi-haut, échancré par-devant et dont il rabattait les pointes (Gide). Il passa sa vareuse dont il ne boutonnait jamais le col (Malraux). ∥ Faux col, col de chemise amovible fig. et fam., et mousse d’un verre de bière : Un demi sans faux col. ∥ 2. Parure de lingerie que les femmes portent autour du cou, sur leur corsage : Col de dentelle. ∥ Parure d’étoffe ou de fourrure, au col d’un manteau : Col de velours. Col d’astrakan. • SYN. : I, 2 goulot ; 4 brèche, défilé, pas, port. ∥ II, 2 collerette, collet. cola ou kola [kɔla] n. m. (mot du lat. des botanistes [XVIe s.], empr. à une langue indigène du Soudan ; 1610, Linschoten, au sens 2 ; sens 1, 1866, Larousse). 1. Arbre poussant sur la côte occidentale d’Afrique, dont le fruit, la noix de cola, contient des alcaloïdes stimulants. (On dit aussi COLATIER ou KOLATIER.) ∥ 2. La noix de cola elle-même. colas [kɔlɑ] n. m. (abrév. du prénom Nicolas ; 1721, Trévoux, au sens 1, sous la forme gros colas [colas, 1792, Brunot] ; sens 2, 1817, Dict. d’histoire naturelle [1752, Trévoux, au sens de « corbeau nourri à la maison »]). 1. Vx. Homme niais et stupide : Voyez ce grand colas. ∥ 2. Nom donné au corbeau, au geai et au canard de Barbarie. colateur [kɔlatoer] n. m. (dér. savant du lat. colare, filtrer ; 1866, Larousse). Canal servant à l’écoulement des eaux d’irrigation. colatier ou kolatier n. m. V. COLA. colature [kɔlatyr] n. f. (dér. savant du lat. colare, filtrer ; XIVe s., B. de Gordon, au sens 2 ; sens 1, v. 1560, Paré). 1. Action de filtrer un liquide pour en séparer les matières les plus grossières. ∥ 2. Le liquide ainsi filtré. colback [kɔlbak] n. m. (turc qalpaq, bonnet de fourrure ; 1657, La Boullaye, écrit kalepak ; colback, 1823, Boiste). Bonnet à poil en forme de cône tronqué, évasé vers le haut et fermé par une poche conique en drap appelée « flamme », devenu la coiffure des chasseurs à cheval de la garde consulaire après l’expédition d’Égypte (1798) : Portant le noir colback ou le casque poli (Hugo). À peine posé sur le crâne de tel enfant Baudoin, un colback du premier Empire perdait tout aspect insolite et même tout caractère agressivement militaire (Duhamel). colbertisme [kɔlbɛrtism] n. m. (de Colbert, n. pr. ; fin du XVIIIe s.). Système, doctrine économique de Colbert, fondés sur le protectionnisme, le développement des industries de luxe et du commerce d’exportation. colbertiste [kɔlbɛrtist] adj. (de colbertisme ; XXe s.). Relatif au colbertisme. % n. et adj. Partisan du colbertisme. col-bleu [kɔlblø] n. m. (de col et de bleu, adj. ; 1884, G. Esnault). Fam. Marin de la marine de guerre française. • Pl. des COLS-BLEUS. colchicine [kɔlʃisin] n. f. (de colchique ; milieu du XIXe s.). Principal alcaloïde extrait des graines de colchique, utilisé dans le traitement de la goutte, mais toxique. colchique [kɔlʃik] n. m. (lat. colchicum, gr. kolkhikon, [plante] de Colchide, patrie de l’empoisonneuse Médée ; 1545, Guéroult, écrit colchicon ; colchique, 1611, Cotgrave). Plante bulbeuse commune dans les prés humides, à fleurs mauves, roses, blanches, parfois jaunes, très vénéneuse, de la famille des liliacées : Le pré est vénéneux mais joli en automne [...] | Le colchique couleur de cerne et de lilas y fleurit (Apollinaire). colcotar [kɔlkɔtar] n. m. (ar. qulqutār ; 1492, G. Tardif). Oxyde ferrique rouge, obtenu par calcination du sulfate de fer, servant à polir le verre. cold-cream [kɔldkrim] n. m. (mots angl. signif. proprem. « crème froide » ; 1827, A. Martin). Pommade composée de cire, de blanc de baleine, d’huile d’amandes douces, utilisée pour les soins de beauté ou servant d’excipient pour les médicaments de la peau : Il n’y avait jamais assez de cold-cream sur sa peau (Flaubert). col-de-cygne [kɔldəsiɲ] n. m. (de col, de et cygne ; 1832, Raymond). 1. Pièce de tuyauterie doublement coudée. ∥ 2. Spécialem. Robinet dont l’extrémité est recourbée comme un col de cygne. (On dit aussi ROBINET À COL DE CYGNE.) • Pl. des COLS-DE-CYGNE. colée [kɔle] n. f. (de col ; fin du XIe s., Gloses de Raschi, au sens général de « coup sur le cou, la nuque » ; sens actuel, XIIe s.). Coup du plat de l’épée que l’on donnait au chevalier sur le cou, quand on l’armait. colégataire [kɔlegatɛr] n. (de co- et de légataire ; 1596, Basmaison). Personne qui partage avec d’autres les legs d’un testament. coléo- [kɔleɔ], élément tiré du gr. koleos, étui, et entrant, comme préfixe, dans la composition de certains mots. coléophore [kɔleɔfɔr] n. f. (de coléo- et du gr. phoros, qui porte ; 1866, Larousse). Petite teigne dont la chenille vit dans un fourreau. coléoptères [kɔleɔptɛr] n. m. pl. (lat. des naturalistes coleopterum, du gr. koleos, étui, et pteron, aile ; 1754, La Chesnaye des Bois). Ordre d’insectes à métamorphoses complètes, pourvus de pièces buccales broyeuses, et dont les ailes antérieures, cornées, ou élytres, servent d’étui aux ailes postérieures, membraneuses : Voyez le hanneton, le moins robuste des coléoptères (Maeterlinck). Car je ne m’intéressais point tant alors aux plantes qu’aux insectes, et plus spécialement aux coléoptères, dont j’avais commencé de faire collection (Gide). • Sing. : un COLÉOPTÈRE. colère [kɔlɛr] n. f. (lat. cholera, proprem. « choléra », puis [sous l’influence du gr. kholê, bile] « maladie bilieuse », « bile », et, dès le IVe s., « colère » ; v. 1265, Br. Latini, au sens de « tempérament porté aux émotions violentes et durant longtemps » ; downloadModeText.vue.download 58 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 772 sens actuels, 1418, Caumont). 1. État affectif violent et passager, résultant du sentiment d’avoir été blessé ou offensé, qui se traduit par un vif mécontentement et s’accompagne parfois de réactions agressives : Se mettre en colère. La colère est violente chez les timides (France). Telle une bulle de savon — oh ! une bulle bien sonore —, la colère s’évanouissait soudain (Duhamel). Bordier s’arrêta et cogna du poing sur la table. La colère le faisait suffoquer (Aymé). ∥ Colère de Dieu, divine, céleste, violente manifestation de l’irritation de Dieu ou des puissances célestes. ∥ Enfants de colère, dans la langue biblique, ceux qui sont punis par la colère divine : Les enfants d’Adam sont enfants de colère, indignes de l’héritage céleste (Fénelon). ∥ 2. Accès de colère : Une colère s’élevait en elle (Maupassant). Au moindre objet déplacé et qu’il ne retrouvait pas tout de suite, M. de Coëtquidan faisait une colère (Montherlant). ∥ Piquer une colère, avoir un brusque accès de colère. ∥ Colère blanche, colère froide, dans laquelle le visage devient d’une extrême pâleur : Ces hommes trop blonds et froids d’aspect, comme Risler, ont des colères terribles, des colères blanches dont on ne peut calculer les résultats (Daudet). Anny entrait dans des colères blanches (Sartre). ∥ Colère bleue, colère très violente, qui fait bleuir le visage. ∥ Colère jaune, colère qui fait déborder la bile : Une vraie colère le prit [Bonaparte], une de ses colères jaunes (Vigny). ∥ Colère noire, colère profonde : Une colère noire, depuis longtemps concentrée, éclate dans toute l’épouse Bovary (Baudelaire). ∥ 3. Fig. et littér. Déchaînement, mouvement violent et désordonné des éléments : Je me dressais, vermeil, joyeux de la colère | Écumante ou du rire éblouissant des flots (Heredia). • SYN. : 1 courroux (littér.), emportement, fureur, irritation, rage, rogne (pop.) ; 3 fureur, tempête. — CONTR. : 1 calme, douceur, impassibilité, modération, sérénité ; 3 bonace. % adj. (1550, Ronsard). 1. Vx. Emporté par la colère : J’étais rouge comme le feu et pardieu si colère qu’il fallut la présence des deux femmes pour me contenir (Sue). Il devrait être satisfait ; il a l’air agacé, presque colère (Duhamel). ∥ Vx. Qui a l’habitude de se mettre en colère : Il n’y a que les hommes forts, grands et colères [...], pour avoir ces partis pris de confiance, cette générosité pour les faibles (Balzac). ∥ 2. Vx et fam. Qui marque la colère : Le vieux venait de se relever, me criant d’une voix colère cette éternelle phrase (Zola). Paul, le coeur brisé, contemplait cela tristement, cette face au nez court, gardant, dans son inertie, l’expression colère et bonne d’un être inoffensif qui a essayé de se mordre (Daudet). colérer [kɔlere] v. intr. ou se colérer [səkɔlere] v. pr. (de colère ; 1541, Amadis). Class. (déjà vx au XVIIe s.) et littér. Se mettre en colère : Ne te colère point contre mon insolence (Corneille). Il est dans le caractère français de s’enthousiasmer, de se colérer, de se passionner pour le météore du moment (Balzac). En général, le bon Colletet est assez rapace, et il se colère fort contre ceux qui ne lui donnent rien (Gautier). Comme on y prévenait ses moindres désirs, d’ordinaire il s’y tenait tranquille, et ne colérait que pour des choses du dehors (Montherlant). coléreusement [kɔlerøzmɑ̃] adv. (de coléreux ; 1863, Goncourt). Avec colère : Sainte-Beuve réplique coléreusement (Goncourt). Celui-ci, le premier, y vit clair et l’avertit un jour coléreusement (Daudet). • SYN. : furieusement, rageusement. — CONTR. : calmement, tranquillement. coléreux, euse [kɔlerø, -øz] adj. et n. (de colère ; 1574, R. Garnier ; supplanté par colère, adj., et colérique, entre le XVIIe s. et la fin du XIXe). Prompt à se mettre en colère : On lui connaissait cette politesse excessive par quoi les gens coléreux et qui ne se possèdent pas se rattrapent, donnent le change (Mauriac). • SYN. : colérique, emporté, irascible, irritable. — CONTR. : calme, doux, impassible. % adj. Qui marque la colère : Alors le père Tuvache articula d’un ton coléreux : « Vas-tu pas nous r’procher d’ t’avoir gardé » (Maupassant). Une amertume coléreuse (Romains). colérique [kɔlerik] adj. et n. (de colère ou du lat. cholericus, bilieux ; 1256, Ald. de Sienne, aux sens de « qui a rapport à la bile », « qui produit de la bile » ; sens actuels, v. 1361, Oresme). Vx. Porté à la colère : Il [...] était devenu entêté, colérique (Sand). • SYN. : emporté, irascible, irritable. — CONTR. : calme, doux, impassible. % adj. Vx. Qui dénote la colère : Hein ? dit le percepteur au maître de poste et aux femmes stupéfaites de la colérique allocution de Bongrand (Balzac). colette [kɔlɛt] n. f. (du n. de sainte Colette Boilet [1380-1446], réformatrice de l’ordre de Sainte-Claire ; 1863, Littré [soeur colette, 1680, Richelet]). Religieuse non cloîtrée de l’ordre de Sainte-Claire. colibacille [kɔlibasil] n. m. (du gr. kôlon, gros intestin, et de bacille ; 1907, Larousse). Bactérie qui vit en saprophyte dans l’intestin de l’homme et des animaux, mais qui, dans certaines conditions, peut devenir pathogène. colibacillose [kɔlibasiloz] n. f. (de colibacille ; 1907, Larousse). Affection provoquée par le colibacille pathogène. colibri [kɔlibri] n. m. (mot du caraïbe des Antilles ; 1640, Bouton). Autre nom des oiseaux-mouches, passereaux de très petite taille, au plumage éclatant, propres à l’Amérique : Tu poses doucement ton corps sur une natte, | Où tes rêves flottants sont pleins de colibris (Baudelaire). Dans leurs grandes cages en treillis doré, les colibris ne gazouillent plus. Leurs petites ailes bleues, roses, rubis, vert de mer, restent immobiles (Daudet). colichemarde [kɔliʃmard] n. f. (peutêtre altér. de Königsmark, n. d’un homme de guerre du XVIIe s. [1639-1688], qui passe pour avoir inventé ce type de lame ; 1801, Mercier, écrit konismarck ; colismarde et colichemarde, 1866, Larousse). Épée d’origine allemande, dont la lame, large en sa première moitié, s’effile brusquement en carrelet : La rapière du marquis, une grande diablesse de colichemarde qui avait fait tant de victimes lorsqu’il était dans les gardes du corps (Daudet). Armés de fleurets, d’arquebuses, de machines à rouet, que sais-je ? de rapières et de colichemardes (Malraux). colicitant, e [kolisitɑ̃, -ɑ̃t] n. et adj. (de co- et de licitant, part. prés. de liciter [v. ce mot] ; 1835, Acad.). Se dit des cohéritiers ou des copropriétaires au profit desquels se fait une vente par licitation. colifichet [kɔlifiʃɛ] n. m. (altér., d’après coller et, pour la finale, d’après affiquet, de coeffichier [XVe s., Godefroy], dér. de coiffe ; 1666, Molière, au sens 3 ; sens 1-2, 1690, Furetière ; sens 4, 1696, Regnard ; sens 5, début du XIXe s. ; sens 6, 1866, Larousse). 1. Vx. Ornement de papier découpé, collé sur du bois, du velours, ou ouvrage de broderie sur fond de papier. ∥ 2. Petit objet de fantaisie sans grande valeur : Il y avait là non pas des colifichets à la mode [...], mais des objets d’art ou d’industrie d’une grande beauté (Sand). ∥ 3. Péjor. OEuvre sans intérêt, ou ornement de peu de valeur ou de mauvais goût qui surcharge une oeuvre : Voilà, pour être franc, ce que j’aime en M. de Musset [« Souvenir »], et non pas du tout les petits vers « Sur trois marches de marbre rose », et autres colifichets qui sentent leur Régence (Sainte-Beuve). Elles ont effrontément ajouté sur les blessures de l’architecture gothique leurs misérables colifichets d’un jour (Hugo). ∥ 4. Class. Homme ou femme chargés d’ornements et d’une coquetterie affectée : Ne verrai-je jamais les femmes détrompées de ces colifichets, de ces fades poupées (Regnard). ∥ 5. Petit biscuit léger qu’on donne aux oiseaux : Mme Verdurin, juchée sur son perchoir, pareille à un oiseau dont on eût trempé le colifichet dans du vin chaud... (Proust). ∥ 6. Support servant à soutenir les poteries, à empêcher le contact des pièces émaillées pendant leur cuisson. colimaçon [kɔlimasɔ̃] n. m. (altér., sous l’influence de coque, de caillemasson [XIVe s.] ou calimachon, composés normanno-picards de écaille ou écale [francique skala] et de limaçon ; 1529, Parmentier). Syn. vieilli de LIMAÇON : Il [Quasimodo] en avait pris la forme [de downloadModeText.vue.download 59 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 773 la cathédrale] comme le colimaçon prend la forme de sa coquille (Hugo). % En colimaçon loc. adv. (1850, Balzac). En spirale : Il descendait le petit escalier en colimaçon qui faisait communiquer l’entresol avec la salle du café (Martin du Gard). 1. colin [kɔlɛ̃] n. m. (de cole [v. 1370, E. Deschamps], par addition de suff., ou de colfisch [1551, Belon], par substitution de suff., issus tous deux du néerl. kole [fisch], colin, proprem. « poisson-charbon », ainsi appelé à cause de la couleur de son dos ; v. 1380, Mélanges Roques). 1. Poisson marin du genre merlan. ∥ 2. Nom donné sur les marchés à la merluche. 2. colin [kɔlɛ̃] n. m. (de Colin, abrév. fam. de Nicolin, dér. de Nicolas ; 1555, Belon, au sens de « espèce de goéland » ; 1611, Cotgrave, au sens de « grèbe » ; sens actuel, 1759, Dict. des animaux). Petit oiseau d’Amérique, voisin des cailles et des perdrix. colinette [kɔlinɛt] n. f. (de Colinette, n. pr., fém., de Colin [v. COLIN 2] ; 1771, Trévoux). Vx. Coiffe de femme, servant de bonnet de nuit au XVIIIe s. : Elle portait encore la colinette, c’est-à-dire qu’un mouchoir à carreaux blancs et bleus, noué sous son menton, lui enveloppait la tête (Acremant). colin-maillard [kɔlɛ̃majar] n. m. (de deux n. pr. : Colin [fréquent dans des acceptions fam.] et [pour une raison obscure] Maillard ; 1532, Rabelais). Jeu dans lequel un des joueurs, ayant les yeux bandés, doit poursuivre les autres et reconnaître celui qu’il a attrapé : Jouer à colinmaillard. colinot [kɔlino] n. m. (dimin. de colin 1 ; XXe s.). Petit colin (au sens 1). colin-tampon [kɔlɛ̃tɑ̃pɔ̃] n. m. (de Colin [v. COLIN-MAILLARD] et de tampon, dit par plaisanterie pour tambour ; 1567, Pasquier, comme surnom des soldats suisses au service de la France ; dans les loc. actuelles, 1698, Gherardi). Nom donné autrefois, par plaisanterie, à une batterie des anciens régiments suisses. ∥ Fam. Se soucier, se moquer, se ficher de quelque chose comme de colin-tampon, n’en avoir pas le moindre souci : Je me moque de ton maître, de ses fusées et de ses pétarades comme de colintampon (Gautier). Qu’il soit dreyfusard ou non, cela m’est parfaitement égal, puisqu’il est étranger. Je m’en fiche comme de colintampon (Proust). 1. colique [kɔlik] n. f. (lat. colica, fém. substantivé de l’adj. colicus, qui souffre de la colique, gr. kôlikos, de kôlon, gros intestin ; XIVe s., Antidotaire Nicolas, aux sens 1-3 ; sens 4, 1863, Littré). 1. Douleur violente du côlon et, plus généralement, de la cavité abdominale (souvent au plur.) : Les coliques de Bouvard devenant trop fortes, Germaine alla chercher le docteur (Flaubert). ∥ 2. Par extens. Nom donné à toutes les douleurs abdominales aiguës dues à la contraction d’un organe creux : Colique utérine. ∥ Spécialem. Colique hépatique, colique vésiculaire, douleur due au passage d’un calcul dans les voies biliaires, ou à la contraction de la vésicule. ∥ Colique néphrétique, douleur due à une contraction de l’uretère, le plus souvent provoquée par un calcul. ∥ Vx. Colique de miserere, nom donné autrefois aux douleurs de la péritonite ou de l’occlusion. ∥ Colique de plomb, colique causée par le saturnisme. ∥ 3. Fam. Diarrhée : Avoir la colique. ∥ 4. Fig. et fam. Par allusion à un effet assez ordinaire de la peur, forte appréhension : Ce mal est tout d’imagination. La colique du candidat de même (Alain). ∥ Fam. Avoir la colique, avoir peur. ∥ Fam. Donner la colique, ennuyer vivement. ∥ Fam. Quelle colique !, quel ennui. 2. colique [kɔlik] adj. (lat. colicus, gr. kôlikos, de kôlon, gros intestin ; début du XVIIe s., Huguet). Qui se rapporte au gros intestin : Artère colique. coliqueux, euse [kɔlikø, -øz] adj. (de colique ; v. 1560, Paré). 1. Fam. et vx. Pris de coliques. ∥ 2. Fam. et vx. Sujet à la colique. coliquidateur [kɔlikidatoer] n. m. (de coet de liquidateur ; 1866, Larousse). Personne qui procède avec une ou plusieurs autres à une liquidation judiciaire. colis [kɔli] n. m. (ital. colli, plur. de collo, cou, d’où « charge portée sur le cou » ; 1723, Savary des Bruslons). Objet ou ensemble d’objets, de marchandises emballés et que l’on expédie. ∥ Colis postal, colis transporté par chemin de fer sous le contrôle de l’administration des Postes : Un ministre européen envoie à sa femme un petit colis postal (Malraux). • SYN. : paquet. colistier [kɔlistje] n. m. (de co- et de liste ; 1922, Larousse). Chacun des candidats à une élection inscrits sur une même liste : Je puis citer les noms de ses colistiers et les chiffres des voix (Bourget). colite [kɔlit] n. f. (dér. savant de côlon ; milieu du XIXe s.). Inflammation du côlon. colitigant, e [kɔlitigɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de co- et de litigant, celui qui a un procès [XIVe s.], du lat. litigare, avoir un procès ; v. 1480, Molinet). Se dit des parties qui plaident l’une contre l’autre dans un procès. collabo [kɔlabo] n. (v. 1940). Pop. Abrév. de COLLABORATEUR (au sens 3). collaborateur, trice [kɔlabɔratoer, -tris] n. (dér. savant du bas lat. collaborare [v. COLLABORER] ; 1755, l’Année littéraire, aux sens 1-2 ; sens 3, v. 1940). 1. Personne qui travaille avec une ou plusieurs autres à une entreprise commune : Complétez donc votre idée avec la mienne, si vous ne me jugez pas trop indigne d’être votre collaborateur (Dumas). Puis nous nous lancions dans d’énormes travaux, où nos femmes devenaient volontiers nos collaboratrices (Gide). ∥ 2. Personne qui contribue à une oeuvre, à un résultat : Selon nous, tous les collaborateurs d’une légende sont à la fois trompés et trompeurs (Renan). ∥ 3. Spécialem. En France, sous l’occupation allemande (1940-1944), partisan de la politique de rapprochement et de coopération avec l’occupant : J’ai vu les pacifistes devenir bellicistes, les anti-Allemands devenir collaborateurs, les sages devenir fous et les fous se rasseoir (Duhamel). [Par abrév. pop. : COLLABO.] ∥ Par extens. Personne qui collabore avec un ennemi occupant le territoire national. • SYN. : 1 adjoint, aide, assistant, associé, second. collaboration [kɔlabɔrasjɔ̃] n. f. (dér. savant du bas lat. collaborare [v. COLLABORER] ; 1759, Richelet, au sens de « travaux communs du mari et de la femme » ; sens 1, 1829, Boiste ; sens 2, v. 1940). 1. Action de travailler avec quelqu’un, de contribuer à une oeuvre, à un résultat : Il est certain que la poésie de Baudelaire [...] sait quêter du lecteur une sorte de connivence, qu’elle l’invite à la collaboration (Gide). Entre 1894 et 1909, quinze ans de suite, et même après l’alliance franco-russe, l’Allemagne avait cherché la collaboration de la France pour régler les problèmes politiques, spécialement les questions africaines (Martin du Gard). Le « Dictionnaire philosophique » est le fruit de la collaboration de Voltaire à l’ « Encyclopédie ». ∥ 2. Spécialem. En France, sous l’Occupation (1940-1944), politique de rapprochement et de coopération avec l’occupant allemand : Mais [je] tiens la collaboration que l’Allemagne nous propose pour une duperie toute à son avantage et qu’elle saura tourner à profit, le temps venu (Gide). Celui-là n’était pas le seul à saboter la collaboration (Dorgelès). ∥ 3. Par extens. L’ensemble des partisans de cette politique. • SYN. : 1 concours, coopération, participation. collaborationniste [kɔlabɔrasjɔnist] adj. et n. (de collaboration ; v. 1940). Qui était partisan de la collaboration avec les Allemands pendant l’occupation de la France entre 1940 et 1944 : Il écrit dans des revues collaborationnistes (Vailland). collaborer [kɔlabɔre] v. intr. (bas lat. collaborare, travailler ensemble, de cum, avec, et laborare, travailler ; 1842, Mozin, au sens 1 ; sens 2, v. 1940). 1. Travailler avec une ou plusieurs personnes à une entreprise commune : Dans une opération importante, l’anesthésiste et le réanimateur collaborent avec le chirurgien. ∥ 2. Spécialem. En France, pendant l’occupation allemande (1940-1944), agir en partisan de la politique de collaboration avec l’occupant. • SYN. : 1 aider, assister, seconder. downloadModeText.vue.download 60 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 774 % v. tr. ind. [à]. Contribuer à une oeuvre, à un résultat : Quelques-uns comme Jacques, intellectuels privilégiés, collaboraient à des journaux, des revues (Martin du Gard) ; et littér. : Il fit à Jerphanion de grands gestes comiques où collaboraient l’échine, le bras et le visage (Romains). • SYN. : concourir à, coopérer à, participer à. collage [kɔlaʒ] n. m. (de coller ; 1544, Delboulle, au sens 3 ; sens 1, 1829, Boiste ; sens 2, début du XXe s. ; sens 4, 1845, Bescherelle ; sens 5, 1861, Larchey ; sens 6, 1895, G. Esnault). 1. Action de faire adhérer des choses au moyen de colle ; état des choses collées : On ne doit pas y toucher [au livre] tant que le collage n’a pas pris (Romains). ∥ 2. Composition artistique formée d’éléments divers, collés sur toile, carton, papier : Tous les peintres qu’on a pu appeler surréalistes [...] ont employé le collage au moins passagèrement (Aragon). ∥ 3. Opération consistant à ajouter de la colle à la pâte à papier pour rendre le papier imperméable à l’encre. ∥ 4. Clarification du vin par addition d’une substance (dite colle) qui entraîne, en se déposant, les particules en suspension. ∥ 5. Pop. et péjor. État d’un homme et d’une femme qui vivent ensemble sans être mariés légitimement : Mais, terrés dans leur collage comme des marmottes, ils ne connaissaient personne (Daudet). Ce collage qu’il avait péremptoirement repoussé lui apparut comme un havre (Huysmans). S’entêter à faire régulariser par le maire et le curé des collages (Bernanos). ∥ 6. Par extens. et vx. La femme avec laquelle quelqu’un vit sans être marié : Il paraît que ce n’est pas une femme à Faucarmont, c’est le collage à ce monsieur là-bas (Zola). collagène [kɔlaʒɛn] n. m. (de colle et du suff. -gène ; 1898, Larousse). Protéine complexe qui constitue la substance intercellulaire du tissu conjonctif. collant, e [kɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de coller 1 ; 1572, Amyot, au sens 1 ; sens 2, fin du XVIIe s. ; sens 3, 1866, Larousse). 1. Qui colle, ou qui adhère comme la colle : Point de pierres dans ce pays ; ils n’avaient qu’une terre collante, bonne pour empêtrer les pieds des hommes et des chevaux (Taine). ∥ Papier collant, papier enduit de colle sèche sur une de ses faces, qui adhère quand on la mouille. ∥ 2. Se dit d’un vêtement qui moule exactement le corps : Sa robe de soie collante, d’un ton clair et rose, tranche vivement sur les ténèbres de sa peau et moule exactement sa taille longue, son dos creux et sa gorge pointue (Baudelaire). Les femmes détaillaient tout haut les deux Parisiennes, leurs petits chapeaux de voyage, leurs robes collantes, sans bijou (Daudet). ∥ 3. Fig. et fam. Se dit d’une personne importune, dont on ne peut se débarrasser : Qu’est-ce qui lui avait fichu un homme aussi collant ? (Zola). Il s’imagine [...] qu’il exécute une suite d’acrobaties pour échapper à une maîtresse collante (Romains). • SYN. : 1 adhésif, gluant, poisseux, visqueux ; 2 ajusté, moulant, serré ; 3 crampon (fam.), ennuyeux. % collant n. m. (sens 1, 1868, A. Daudet ; sens 2, 1896, G. Esnault). 1. Pantalon, culotte qui moule la jambe et la cuisse : Cette vaillante jeunesse en bottes molles et collants de couleur tendre (Daudet). ∥ 2. Maillot collant de danseur ou de danseuse : Cette danseuse [...] est représentée en habit d’homme [...], ses gracieuses et sveltes formes modelées avec amour dans un collant (Goncourt). collante [kɔlɑ̃t] n. f. (part. prés. fém. substantivé de coller 2 ; 1900, G. Esnault). Arg. scol. Convocation à un examen. collapsus [kɔlapsys] n. m. (mot lat., part. passé substantivé de collabi, s’affaisser ; 1785, Cullen). 1. Collapsus cardiovasculaire, syndrome d’apparition brutale, caractérisé par une chute de la tension artérielle, par un pouls rapide et imperceptible, avec refroidissement et cyanose des extrémités. ∥ 2. Collapsus pulmonaire, compression ou affaissement du parenchyme pulmonaire sous l’effet d’un épanchement pleural ou du pneumothorax. Collargol [kɔlargɔl] n. m. (n. déposé : de coll[oïde] et de arg[ent] ; 1907, Larousse). Argent colloïdal, employé comme antiseptique : Je me suis fait aussitôt un pansement au Collargol et je me suis couché (Martin du Gard). collatéral, e, aux [kɔlateral, -o] adj. (lat. médiév. collateralis, de cum, avec, et latus, lateris, côté ; XIIIe s., Grandes Chroniques de France, au sens 4 ; sens 1, début du XIVe s. [écrit collatereil] ; sens 2, v. 1560, Paré ; sens 3, 1740, Acad.). 1. Qui est situé de côté par rapport à quelque chose : Un boulevard et les rues collatérales. ∥ Nef collatérale, dans une église, nef parallèle à la nef principale. ∥ 2. Spécialem. En anatomie, se dit d’un vaisseau, d’un nerf issu du tronc principal et cheminant presque parallèlement à lui : Artère collatérale. ∥ Bourgeons collatéraux, bourgeons qui naissent de part et d’autre du bourgeon axillaire principal. ∥ 3. Points collatéraux, en géographie, points situés à égale distance de deux points cardinaux : Les points collatéraux sont le nord-est, le sud-est, le sud-ouest et le nord-ouest. ∥ 4. Qui est hors de la ligne de parenté directe : Parent collatéral. Ligne collatérale. ∥ Héritier collatéral, succession collatérale, en ligne collatérale. • SYN. : 1 latéral. % collatéral n. m. (sens 1, 1743, Trévoux ; sens 2, 1680, Richelet). 1. Bas-côté, nef collatérale d’une église. ∥ 2. Parent collatéral : Après ma mort, mes collatéraux viendront fouiller dans mes affaires (Theuriet). collatéralement [kɔlateralmɑ̃] adv. (de collatéral ; XVIe s., Coutumier général). En ligne de parenté collatérale. collateur [kɔlatoer] n. m. (lat. ecclés. collator, de collatum, supin de conferre, conférer [v. CONFÉRER] ; v. 1460, Villon). Celui qui avait le droit d’accorder un bénéfice ecclésiastique : Grégoire VII avait conçu le dessein d’ôter à tous les collateurs séculiers le droit d’investir les ecclésiastiques (Voltaire). collatif, ive [kɔlatif, -iv] adj. (lat. médiév. collativus, de collatus, part. passé de conferre, conférer [v. CONFÉRER] ; 1461, Godefroy). Bénéfice collatif, bénéfice ecclésiastique qui pouvait être conféré. 1. collation [kɔlasjɔ̃] n. f. (lat. collatio, de collatum, supin de conferre, conférer, réunir, comparer [v. CONFÉRER] ; 1276, Dict. général, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1863, Littré ; sens II, v. 1370, Oresme). I. 1. Action de conférer un bénéfice ecclésiastique : Pratiquer la simonie dans la collation des bénéfices (Renan). ∥ Droit de conférer un bénéfice ecclésiastique. ∥ 2. Par extens. Action de conférer des grades universitaires : La collation des grades appartient à l’État. II. Comparaison de textes, de documents, notamment d’une copie avec l’original, pour s’assurer de leur conformité : Après avoir copié tout le morceau inédit, j’achevai la collation du reste avec ces messieurs (Courier). • SYN. : II collationnement. 2. collation [kɔlasjɔ̃] n. f. (même étym. qu’à l’art. précéd. ; v. 1200, Règle de saint Benoît, au sens 1 ; sens 2, 1636, Monet ; sens 3, 1675, Widerhold). 1. Vx. Action de conférer avec quelqu’un. ∥ Spécialem. Autrefois, dans les monastères, courte conférence du soir, après laquelle les moines prenaient un léger repas. ∥ 2. Repas léger que prennent, le soir, les catholiques en période de jeûne. ∥ 3. Class. et dialect. Repas léger qu’on prend dans l’après-midi ou dans la soirée : Le roi arriva jeudi au soir ; la chasse, les lanternes, le clair de lune, la promenade, la collation dans un lieu tapissé de jonquilles [...], tout cela fut à souhait (Sévigné). J’invitai l’étranger à prendre sa part de la collation impromptue (Mérimée). La collation nocturne terminée, Wladi s’occupe à tout remettre en ordre (Gide). Faites-nous l’amitié de partager, ce soir, dans cette maison qui n’est pourtant pas la nôtre, une collation que l’on doit nous monter ici (Duhamel). collationnement [kɔlasjɔ̃nmɑ̃] n.m. (de collationner 1 ; 1866, Larousse). Action de collationner, de comparer, de vérifier. • SYN. : collation. 1. collationner [kɔlasjɔne] v. tr. (de collation 1 ; 1345, Fagniez, aux sens 1-2 ; sens downloadModeText.vue.download 61 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 775 3, 1680, Richelet). 1. Comparer entre eux des manuscrits, des imprimés ou des copies avec l’original : Il eût été intéressant de collationner les textes de ce manuscrit avec les textes que nous avons (Chateaubriand). ∥ 2. Par extens. Vérifier des textes, des actes : Après avoir collationné le grand livre [...], il reconnut la vérité (Flaubert). ∥ 3. En imprimerie, vérifier l’ordre des cahiers d’un livre, la correspondance des planches et des gravures. • SYN. : 1 conférer, confronter. 2. collationner [kɔlasjɔne] v. intr. (de collation 2 ; 1549, R. Estienne). Vx et dialect. Prendre une collation. • SYN. : goûter. 1. colle [kɔl] n. f. (lat. pop. *colla, gr. kolla ; 1268, É. Boileau, au sens 1 [colle forte, début du XVIe s. ; colle de pâte, 1845, Bescherelle] ; sens 2, XXe s.). 1. Matière gluante, liquide ou pâteuse, qui fait adhérer solidement l’une à l’autre deux surfaces. ∥ Colle forte, sorte de gélatine, qui doit être chauffée pour être rendue liquide et utilisée. ∥ Colle de pâte, colle obtenue en délayant dans l’eau de la farine ou de l’amidon, et en chauffant jusqu’à ébullition. ∥ Fam. Faites chauffer la colle, se dit par plaisanterie quand on entend un bruit de casse. ∥ Fig. et fam. Quel pot de colle !, C’est un véritable pot de colle !, se dit d’une personne importune et dont on ne peut se débarrasser. ∥ 2. Fig. et fam. Chose ennuyeuse ou contrariante : Quelle colle ! Depuis quelques jours, ils étaient, à la suite d’une série malencontreuse de colles, dans cet état qui n’épargne pas les meilleurs (L. Fabre). 2. colle [kɔl] n. f. (emploi fig. du mot précédent ; 1455, Coquillards, au sens 1 ; sens 2, 1858, Larchey ; sens 3, 1844, G. Esnault). 1. Vx et pop. Mensonge, attitude feinte, pour tromper, en faire accroire : Moi, je ne donne pas dans la colle de ses malheurs. Il n’a pas la mine à ne pas être au mieux partout (Balzac). ∥ 2. Arg. scol. Question embarrassante posée à un candidat et, par extens et fam., question posée à quelqu’un pour l’embarrasser : Je me promettais le plaisir de vous pousser une petite colle (Curel). ∥ 3. Par extens. Classe consacrée par le professeur exclusivement à des interrogations d’élèves qui se préparent à un examen ou à un concours. 3. colle [kɔl] n. f. (déverbal de coller 3 ; 1884, G. Esnault). Arg. scol. Punition qui oblige un élève à venir en classe en dehors de ses heures de cours. • SYN. : consigne, retenue. collectage [kɔlɛktaʒ] n. m. (de collecter ; début du XVIe s.). Action de collecter. collecte [kɔlɛkt] n. f. (lat. collecta, écot, quote-part, et [à basse époque] assemblée, réunion, part. passé fém. substantivé de colligere, recueillir, réunir [v. CUEILLIR] ; XIVe s., écrit collete [collecte, XVe s.], aux sens I, 1 et II ; sens I, 2, XVe s. ; sens I, 3, XXe s.). I. 1. Sous l’Ancien Régime, action de lever la taille. ∥ Par extens. Circonscription établie pour la levée de la taille. ∥ 2. Action de recueillir des dons en argent ou en nature destinés soit à une oeuvre, soit à une personne : On avait fait une collecte dans la salle Saint-Charles et l’on avait réuni vingt-cinq francs (Malot). ∥ 3. Action de recueillir, de ramasser certains produits chez le producteur : La collecte du lait, des oeufs. II. Oraison de la messe qui se dit avant l’épître, au nom de tous les fidèles réunis : Les archevêques de Cologne et de Trèves chantaient les autres collectes (Hugo). • SYN. : I, 2 quête ; 3 ramassage. collecter [kɔlɛkte] v. tr. (de collecte ; 1557, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Recueillir des dons, des aumônes : Quand pourrez-vous me remettre toute la somme ? — Combien de temps me laissez-vous [...] ? » demanda la comtesse, qui songeait à collecter (Gide). ∥ 2. Ramasser certains produits agricoles en allant d’un lieu à un autre : Collecter des produits laitiers. % se collecter v. pr. (1929, Larousse). Se rassembler, former un abcès, en parlant d’une accumulation purulente : Au-dessus du poignet, un phlegmon superficiel, bien circonscrit, semble déjà collecté (Martin du Gard). 1. collecteur [kɔlɛktoer] n. m. (bas lat. collector, celui qui amasse, de collectum, supin de colligere, recueillir, réunir [v. CUEILLIR] ; 1325, Godefroy, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1611, Cotgrave ; sens II, 1, 1845, Bescherelle ; sens II, 2, début du XXe s. ; sens II, 3, 1878, Larousse). I. 1. Sous l’Ancien Régime, celui qui était chargé de lever la taille. ∥ 2. Celui qui recueille des dons, perçoit des cotisations. II. 1. Dans une machine électrique à courant continu (générateur ou moteur), pièce cylindrique constituée de lames conductrices sur lesquelles frottent les balais, et destinée à transformer le courant alternatif induit en courant continu. ∥ 2. Collecteur d’ondes, conducteur parfaitement isolé (antenne, cadre) dont le rôle est de capter les ondes hertziennes. ∥ 3. Conduite principale qui, dans les adductions d’eau, les égouts, etc., reçoit des canalisations secondaires. 2. collecteur, trice [kɔlɛktoer, -tris] adj. (même étym. qu’à l’art. précéd. ; 1866, Larousse). 1. Égout, tuyau collecteur, égout, tuyau qui reçoit les eaux de plusieurs autres de moindre importance. ∥ Aqueduc collecteur, aqueduc qui recueille les eaux de plusieurs sources. ∥ 2. Barre collectrice, chacune des barres de métal conducteur auxquelles on relie les machines électriques pour en diriger le courant sur les réseaux de distribution. collectif, ive [kɔlɛktif, -iv] adj. (lat. collectivus, ramassé, rassemblé, de colligere, réunir, recueillir [v. CUEILLIR] ; XIIIe s., au sens 3 ; sens 1-2, 1495, J. de Vignay). 1. Qui appartient ou se rapporte à un ensemble de personnes ou de choses ; qui est le fait de plusieurs personnes ou de plusieurs choses : Portrait collectif. OEuvre collective. Démarche collective ; et littér. : Le pas collectif du genre humain s’appelle le progrès (Hugo). Désormais, l’homme est conçu par bien des hommes comme élément qui ne vaut que dans le système social, qui ne vit que par ce système et pour lui ; il n’est qu’un moyen de la vie collective, et toute valeur séparée lui est refusée, car il ne peut rien recevoir que de la communauté et ne peut rien donner qu’à elle (Valéry). ∥ Billet collectif, billet de chemin de fer à prix réduit, à l’usage d’un groupe de personnes voyageant ensemble. ∥ 2. Qui représente un certain nombre d’individus d’une manière globale, indivise : Mais leur visage collectif et informe, échappant à son imagination, ne nourrissait pas sa jalousie (Proust). ∥ Spécialem. Qui concerne un groupe et présente des caractères propres à ce groupe et non aux individus : Conscience collective. ∥ 3. En logique, se dit d’un terme qui désigne une collection. ∥ En grammaire, se dit d’un terme singulier et concret employé pour représenter un ensemble d’individus : Le « peuple », la « foule », l’ « assemblée » sont des mots collectifs. • SYN. : 1 commun, général. — CONTR. : 1 individuel, personnel ; 2 particulier, propre. % collectif n. m. (sens 1, 1845, Bescherelle ; sens 2, XXe s.). 1. Nom ou expression au singulier présentant à l’esprit l’idée d’un ensemble de personnes ou de choses. (Ex. :troupe, totalité, la plupart de, etc.) ∥ 2. Projet de loi par lequel le gouvernement sollicite l’ouverture ou l’annulation de crédits en cours d’exercice : Le Parlement est saisi de collectifs deux fois par an. 1. collection [kɔlɛksjɔ̃] n. f. (lat. collectio, 1. collection [kɔlɛksjɔ̃] n. f. (lat. collectio, réunion, de collectum, supin de colligere, recueillir, rassembler [v. CUEILLIR] ; v. 1361, Oresme, au sens de « action de cueillir [des fruits] » ; sens 1-2, 1680, Richelet ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1863, Littré ; sens 5, av. 1854, Nerval ; sens 6, XXe s.). 1. En logique, pluralité d’êtres ou de choses en nombre déterminé. ∥ 2. Ensemble d’objets classés, réunis pour leur beauté, leur rareté, leur valeur documentaire, leur prix, etc. : Collection de tableaux, de papillons, de minéraux, de monnaies, de timbres-poste. Les précieux trésors d’une collection qui n’était pas étiquetée et soignée comme celle de Mme de Spalato, mais d’un luxe plus abondant (Daudet). ∥ 3. Réunion d’un certain nombre d’ouvrages d’un même auteur ou de même nature, ou série de publications ayant trait à la même matière : Avoir downloadModeText.vue.download 62 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 776 toute la collection des oeuvres de Racine. La collection des conciles. Une collection d’histoire contemporaine. ∥ Recueil des numéros d’une publication : La collection du « Journal officiel ». ∥ 4. Fam. Réunion, assortiment de choses quelconques, concrètes ou abstraites : Il avait des sourires pour saluer, pour répondre, pour approuver [...], toute une jolie collection de sourires (Zola). ∥ 5. Fam. Réunion de personnes ayant en commun quelque caractère curieux ou original : Nous avions une collection d’attachés d’ambassade en habits bleus à boutons d’or (Nerval). ∥ Ironiq. Ne pas déparer la collection, posséder au même degré que les autres un défaut, une disgrâce physique ou morale. ∥ 6. Ensemble des échantillons que transporte avec lui un placier, afin de les soumettre à sa clientèle : Seulement, à force de rien gagner, de rien vendre, de marcher toujours avec une collection si lourde, je maigrissais de plus en plus (Céline). ∥ Absol. Ensemble des modèles nouveaux présentés avant chaque saison par un couturier : La collection d’hiver, de printemps, d’été. Les mannequins présentent la collection. 2. collection [kɔlɛksjɔ̃] n. f. (même étym. qu’à l’art. précéd. ; v. 1560, Paré). En termes de médecine, accumulation, amas : Collection de pus. collectionner [kɔlɛksjɔne] v. tr. (de collection ; 1840, Viel-Castel, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s.). 1. Réunir en collection : Andermatt aimait d’ailleurs les bibelots d’art [...], les connaissait à merveille et les collectionnait habilement (Maupassant). ∥ 2. Fig. et fam. Réunir, grouper des personnes présentant un caractère commun ou quelques traits curieux : Colette semblait prendre plaisir à collectionner autour d’elle tous les petits jeunes gens qui pouvaient le plus exaspérer Christophe (Rolland). ∥ 3. Fig. et fam. Recevoir en grand nombre ; être surchargé, accablé de : Avalant les affronts, gobant les camouflets et collectionnant les avanies (L. Daudet). Collectionner les accidents. • SYN. : 2 assembler, rassembler ; 3 accumuler, amasser. collectionneur, euse [kɔlɛksjɔnoer, -øz] n. (de collection ; 1839, Balzac). Personne qui se plaît à réunir des objets artistiques, rares ou curieux : Les affiches devinrent si originales qu’un de ces maniaques appelés « collectionneurs » possède un recueil complet des affiches parisiennes (Balzac). collectionnisme [kɔlɛksjɔnism] n. m. (de collection ; XXe s.). Manie qui consiste à accumuler des objets de toute sorte en l’absence d’un but utilitaire. collectivement [kɔlɛktivmɑ̃] adv. (de collectif ; 1568, L. Le Roy). De façon collective : Les Francs exercèrent collectivement la souveraineté, ensuite ils la déléguèrent à quelques chefs, puis ces chefs la confièrent à un seul ; puis ce chef unique l’usurpa au profit de sa famille (Chateaubriand). Voilà une poignée de tapageurs qui nous déshonorent collectivement (Baudelaire). collectivisation [kɔlɛktivizasjɔ̃] n. f. (de collectivisme ; 1871, Ch. Lemonnier). Action de collectiviser ; résultat de cette action : Le partage des terres, c’était la constitution de la petite propriété ; il aurait donc dû faire non le partage, mais la collectivisation immédiate (Malraux). collectiviser [kɔlɛktivize] v. tr. (de collectivisme ; fin du XIXe s.). Mettre les moyens de production et d’échange au service de la collectivité par l’expropriation et la nationalisation. collectivisme [kɔlɛktivism] n. m. (de [propriété] collective ; 1836, Matoré). Système qui voit la solution de sociale dans la mise en commun, de la collectivité, de tous les production : Un bon socialisme, du monde opposent avec à-propos au collectivisme (France). la question au profit moyens de que les gens et esprit collectiviste [kɔlɛktivist] adj. (de collectivisme ; 27 oct. 1869, Journ. des débats). Qui s’inspire du collectivisme ; qui a rapport au collectivisme : Les théories collectivistes. % n. Celui, celle qui est partisan du collectivisme : :Le salariat [...] s’était même transformé au point de satisfaire les collectivistes, le jour où il avait réalisé leur formule, toute une circulation réglementée de bons de travail (Zola). collectivité [kɔlɛktivite] n. f. (de collectif ; 1836, Matoré). I. 1. Caractère de ce qui est collectif : La collectivité d’un sentiment. ∥ 2. Possession en commun : La collectivité des moyens de production. II. Ensemble de personnes liées par une organisation commune, des intérêts ou des sentiments communs : Chacun est à l’ensemble et à personne, à la collectivité et à soi seul (Barrès) ; et par extens. : Chez eux aussi [les animaux], l’individu s’immole à la collectivité ; la collectivité s’immole à la race (Duhamel). • SYN. : II communauté, société. % collectivités n. f. pl. (XXe s.). Les collectivités locales, les communes et les départements. collège [kɔlɛʒ] n. m. (lat. collegium, confrérie, groupement, de collega [v. COLLÈGUE] ; fin du XIIIe s., A. du Mont-Cassin, au sens I, 1 [Sacré Collège, 1671, Pomey] ; sens I, 2, 1671, Pomey ; sens II, 1, 1549, R. Estienne ; sens II, 2, 1635, Monet ; sens II, 3, v. 1960). I. 1. Corps de personnes revêtues de la même dignité ou investies des mêmes fonctions : Le collège des pontifes, des augures, à Rome. Antique séjour, dit-on, d’un collège de druides (Sainte-Beuve). ∥ Le Sacré Collège, le corps des cardinaux, dans l’Église romaine : L’ambition individuelle des cardinaux, qui veulent des règnes courts afin de multiplier les chances de la papauté, mille autres obs- tacles trop longs à déduire, s’opposent au rajeunissement du Sacré Collège (Chateaubriand). ∥ 2. Collège électoral, ou simplem. collège, ensemble des électeurs d’une circonscription appelés à participer à une élection déterminée : Des députés parfaitement libéraux ont été nommés dans tous les collèges environnants (Sand). II.1.Établissement d’enseignement secondaire : Un collège de jésuites. Un collège technique. Lorsqu’un de nos frères, sorti depuis quelques mois du collège, reparaissait en uniforme de houzard et le bras en écharpe, nous rougissions de nos livres (Vigny). ∥ Spécialem. Chacune des divisions d’un collège, relativement au niveau d’instruction qui y est dispensé : Le grand, le petit collège. ∥ Vx. Sentir le collège, avoir conservé les habitudes, le comportement des collégiens ; être encore gauche ou pédant. ∥ 2. Par extens. L’ensemble des élèves d’un collège : Tout le collège était en émoi. ∥ 3. Collège universitaire, établissement d’enseignement supérieur institué dans certaines villes de province ne possédant pas de faculté : Collège littéraire universitaire. Collège scientifique universitaire. ∥ 4. Collège de France, établissement d’enseignement supérieur fondé par François Ier, à Paris, en 1530 (sous le nom de Collège du roi). collégial, e, aux [kɔleʒjal, -o] adj. (de collège ; début du XIVe s., Gilles li Muisis, au sens I, 1 [église collégiale, 1635, Monet] ; sens I, 2, 20 août 1876, Journ. officiel ; sens II, 1845, Bescherelle). I. 1. Chapitre collégial, chapitre de chanoines établi dans une église sans siège épiscopal. ∥ Église collégiale, église qui possède un chapitre collégial. ∥ 2. Direction collégiale, direction exercée par un organe collectif, un conseil dont les membres possèdent des pouvoirs égaux. II. Vx. Relatif au collège (établissement d’enseignement) : Durant le cours de ma vie collégiale, j’ai connu mille camarades environ (Balzac). % collégiale n. f. (1663, La Fontaine). Église collégiale : C’est autour de sa collégiale qu’il faut chercher Francfort (Hugo). collégialité [kɔleʒjalite] n. f. (de collégial ; v. 1960). Caractère de ce qui est organisé en collège : La collégialité de l’épiscopat a été votée par le deuxième concile du Vatican. collégien, enne [kɔleʒjɛ̃, -ɛn] n. (de collège ; sens 1, 1743, Trévoux ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Élève d’un collège. ∥ 2. Péjor. downloadModeText.vue.download 63 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 777 Personne naïve : Vous me prenez pour un collégien. • SYN. : 1 élève, lycéen, potache (fam.). % adj. (1866, Larousse). Qui a rapport au collège ou aux collégiens : La vie collégienne. La gaieté collégienne. collègue [kɔlɛg] n. (lat. collega, collègue, compagnon, camarade, de cum, avec, et legere, choisir ; v. 1500, Seyssel, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s., Daudet). 1. Personne qui exerce la même charge ou remplit la même fonction qu’une ou plusieurs autres personnes, ou qui appartient à la même administration, à la même entreprise : Il n’était pas du même avis que la plupart de ses collègues [de bureau] (Maupassant). Le ministre et ses collègues. ∥ 2. Dans le Midi, syn. fam. de CAMARADE ou de AMI : À propos, collègue, j’ai du bon tabac (Daudet). • REM. Collègues se dit de ceux qui exercent une même fonction publique, civile ou militaire. Confrères se dit de ceux qui appartiennent à un même corps (médecins, avocats, académiciens, etc.). collement [kɔlmɑ̃] n. m. (de coller 1 ; 1538, R. Estienne, au sens de « action de coller » ; sens actuel, 1803, Boiste). Adhérence de deux objets entre eux. collenchyme [kɔlɑ̃ʃim] n. m. (du gr. kolla, colle, et egkhuma, épanchement, substance ; 1866, Larousse). Tissu de soutien des végétaux supérieurs, formé presque uniquement de cellulose. 1. coller [kɔle] v. tr. (de colle 1 ; 1320, Barbier, au sens 1 ; sens 2, 1538, R. Estienne ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1890, G. Esnault ; sens 5, 1829, Boiste ; sens 6, 1866, Larousse ; sens 7, XXe s.). 1. Faire adhérer, fixer une chose à une autre en se servant de colle : Son échelle sous le bras, un afficheur vint coller sur un mur [...] un avis de la Commune rationnant la viande de boucherie (France). ∥ Faire adhérer, agglutiner, en parlant d’une substance gluante, d’un liquide : Il avait vu des soldats, la baïonnette rouge de sang, avec des cheveux collés à la crosse de leur fusil (Flaubert). ∥ 2. Enduire, imprégner de colle un papier, une toile, ou ajouter de la colle à la pâte à papier. ∥ Clarifier un vin par l’opération du collage. ∥ 3. Fig. Appliquer étroitement à, sur, contre : Du Roy colla d’abord son oreille contre la porte, puis son oeil au trou de la serrure (Maupassant). Le visage collé à la vitre, l’homme regarde tomber la neige (Duhamel). Dix minutes pendant lesquelles je resterai comme ça, à la regarder, le front collé contre la vitre (Sartre). ∥ 4. Fig. et pop. Coller quelqu’un, lui imposer sa présence de façon continuelle et importune : Je ferai venir avec lui le petit de Bauvaison, pour qu’il n’ait pas la tentation de nous coller (Romains). ∥ 5. Fam. Mettre, placer d’autorité quelqu’un ou quelque chose dans un endroit : Je vous collerai, dès demain, interne dans un lycée (Donnay). ∥ Fam. Coller quelqu’un au mur, le fusiller. ∥ 6. Fam. Appliquer un coup avec vigueur ; imposer d’autorité une obligation ou une contrainte : Coller une gifle. Le jour où il marchera trop fort, je lui fais coller un conseil judiciaire (Bernstein). ∥ 7. Pop. Coller quelque chose à quelqu’un, lui donner ou lui vendre une chose dont on veut se débarrasser : Il cherche à nous coller ses rossignols. • SYN. : 2 encoller ; 3 appuyer, plaquer ; 4 cramponner (pop.) ; 5 fourrer (fam.) ; 6 ficher (pop.), flanquer (pop.), mettre (pop.) ; 7 caser. — CONTR. : 1 arracher, décoller, détacher ; 3 écarter, éloigner, retirer. % v. intr. et tr. ind. [à] (sens 1, XIVe s. ; sens 2, 1829, Boiste ; sens 3-4, 1890, G. Esnault.). 1. En parlant de la colle ou d’une substance gluante, compacte, adhérer fortement : Cette enveloppe colle mal. La boue colle à ses chaussures. ∥ 2. Être en contact étroit avec quelque chose, exactement appliqué contre : Ses bandeaux qui collaient à son front jaune (Martin du Gard). ∥ Vêtement qui colle, vêtement très ajusté. ∥ Coller à la route, en parlant d’une voiture, bien adhérer à la chaussée. ∥ 3. Spécialem. En parlant d’un coureur cycliste, ne pas se laisser distancer par celui qui le précède : Coller à la roue d’un concurrent. ∥ 4. Fig. et fam. Maintenir un contact étroit avec : Valéry, lui, colle étroitement à la vie (Gide). ∥ S’adapter, convenir exactement : Chaque geste décisif de Hamlet est précédé d’une sorte d’essai de ce geste, comme s’il avait d’abord quelque peine, ce geste, à coller avec la réalité (Gide). Expression qui colle à la pensée. % v. intr. (1929, Larousse). Pop. Bien marcher ; aller au mieux : Ça m’a l’air de coller tout à fait, toi et le lieutenant ? (Benoit). Ça ne pouvait pas coller entre eux (Mauriac). ∥ Pop. Ça colle, il n’y a pas d’objection, nous sommes d’accord : Nous pourrions nous mettre à table ? Ça colle ! (Morand). % se coller v. pr. (sens 1, 1680, Richelet ; sens 2-3, 1866, Larousse). 1. Appliquer son corps contre : Une dame en bleu marine s’est collée contre mon flanc gauche (Sartre). ∥ 2. Pop. En parlant d’un homme et d’une femme, se mettre en ménage sans être légalement mariés : Tu m’as souvent entendu blaguer les gens qui se collaient (Huysmans). ∥ 3. Pop. Se coller à, s’y coller, se mettre, s’appliquer à quelque chose de rebutant ou de désagréable (tâche, obligation, etc.) : Dans c’ cas-là, faut que tu t’y colles (Bourdet). 2. coller [kɔle] v. tr. (de colle 2 ; sens 1, 1854, sens 2, 1866, G. Esnault). 1. Arg. scol. Poser à un élève une question assez difficile pour l’embarrasser. ∥ Par extens. et fam. Mettre quelqu’un dans l’impossibilité de répondre : Il s’amusait à coller ses interlocuteurs, comme on dit dans l’argot des écoles (Hermant). ∥ 2. Recaler à un examen : Vous m’avez fait coller mon fils au baccalauréat (Romains). • SYN. : 2 ajourner, refuser. 3. coller [kɔle] v. tr. (emploi fig. de coller 1 ; v. 1865, G. Esnault). Arg. scol. Coller un élève, le punir de consigne. • SYN. : consigner. collerette [kɔlrɛt] n. f. (de collier ; 1309, Gay, au sens de « pèlerine faite d’un tissu de mailles de fer » ; sens 1-2, début du XVIe s. ; sens 3, 1907, Larousse). 1. Tour de cou, généralement plissé, que les hommes et les femmes portaient au temps d’Henri IV. ∥ 2. Petit volant plissé ou froncé, placé en garniture au bord d’une encolure, au décolleté d’une robe, ou sur un costume d’enfant : Jacques avait une collerette brodée par sa mère (Balzac). ∥ 3. Couronne terminant un tuyau ou bord rabattu d’une pièce mécanique, et permettant leur jonction avec un autre élément. • SYN. : 1 collet, fraise. collet [kɔlɛ] n. m. (de col ; v. 1050, Vie de saint Alexis, au sens de « cou » ; sens I, 1, v. 1280, la Clef d’Amors ; sens I, 2 et 5, v. 1404, Chr. de Pisan ; sens I, 4, fin du XVe s. ; sens II, 1, 1398, le Ménagier de Paris ; sens II, 2, milieu du XVIe s. ; sens II, 3, 1728, Brunot ; sens II, 4, 1704, Trévoux ; sens II, 5, 1676, Félibien). I. 1. Class. Partie du vêtement qui entourait le cou : Collet de pourpoint, de manteau, de chemise (Acad., 1694). ∥ 2. Class. Rabat de linge, de dentelle, qu’on portait sur le collet du pourpoint : Ne voudriezvous point, dis-je, sur ces matières, | De vos jeunes muguets m’inspirer les manières ? | M’obliger à porter de ces petits chapeaux [...] | Et de ces grands collets jusqu’au nombril pendants (Molière). ∥ Petit collet, rabat uni et moins ample que celui des laïcs, porté par les gens d’Église au XVIIe et au XVIIIe s. : M. [...] fait de sa maison un dépôt public où se font les distributions ; les gens à petit collet et les soeurs grises y ont une libre entrée (La Bruyère). Je n’apercevais plus ces prêtres martyrs, portant le petit collet, le grand chapeau à trois cornes, la longue redingote noire usée, et que les Anglais saluaient en passant (Chateaubriand). Laissant le petit collet, je me recommandai à un seigneur huguenot qui me prit pour secrétaire (France). ∥ Collet monté, collerette soutenue par de l’empois, du carton, des fils de fer, que portaient les femmes à l’époque de Marie de Médicis : Il se garda bien de lui dire qu’elle était habillée comme ma mère grand, et qu’elle avait un collet monté (Perrault). [V. aussi la loc. adj. en fin d’art.] ∥ 3. Fam. Saisir quelqu’un par le collet, le prendre au collet, mettre la main sur le ou au collet de quelqu’un, se saisir brusquement et de force de sa personne, l’arrêter : Il va arriver quatre estafiers qui me prendront au collet (Musset). ∥ 4. Petite pèlerine faidownloadModeText.vue.download 64 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 778 sant corps avec un manteau et le renforçant sur les épaules : Derrière la porte se trouvait accroché un manteau à petit collet (Flaubert). ∥ 5. Petite cape de femme, en étoffe, en fourrure : Un collet de vison. Attendez-moi une seconde, je prends mon chapeau et mon collet (Romains). II.1.Collet de mouton, de veau, partie de ces animaux comprise entre la tête et les épaules : Un morceau dans le collet. (Syn. COLLIER.) ∥ 2. Noeud coulant dont les braconniers se servent pour prendre certains animaux (oiseaux, lièvres, lapins, etc.) : Le lendemain, allant relever ces collets avec lui, j’eus l’amusement de trouver deux lapins pris aux pièges (Gide). ∥ 3. Ligne de séparation entre la racine d’une dent et sa couronne. ∥ 4. Partie d’une plante où la tige se joint à la racine. ∥ 5. Couronne en saillie ou rebord sur une pièce mécanique. • SYN. : II, 2 lacet, lacs. % Collet monté loc. adj. invar. (emploi fig. de collet monté [v. I, 2] ; 1672, Molière, au sens 1 ; sens 2, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné). 1. Class. et fig. Se disait d’une chose archaïque et démodée : « Ah ! Sollicitude à mon oreille est rude : | Il put [sic] étrangement son ancienneté. | — Il est vrai que le mot est bien collet monté » (Molière). ∥ 2. Auj. Se dit des personnes qui, par pruderie, par souci exagéré des bienséances, se montrent contraintes, guindées : Mme d’Espard est d’autant plus prude et sévère qu’elle-même est séparée de son mari [...], mais [...] les femmes les plus collet monté vont chez elle et l’accueillent avec respect (Balzac). colleté, e [kɔlte] adj. (de collet ; 1671, Pomey). En héraldique, se dit de tout animal muni d’un collier d’émail particulier. colleter [kɔlte] v. tr. (de collet ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné). [Conj. 4 a.] Saisir brusquement et violemment quelqu’un au collet pour le renverser : Paul-Louis colletant Saint-Luc, quel assassin ! (Hugo). % se colleter v. pr. (1671, Retz). En venir aux mains ; se battre : Confusion, sang, catastrophes, c’est l’histoire de la Bohême ; ses ducs et ses rois, au milieu des guerres civiles et des guerres étrangères, luttent avec leurs sujets, ou se collettent avec les ducs et les rois de Silésie, de Saxe, de Pologne, de Moravie, de Hongrie, d’Autriche et de Bavière (Chateaubriand). Je crus qu’ils allaient se colleter (Maupassant). • SYN. : s’empoigner (fam.). colleteuse [kɔltøz] n. f. (de collet ; XXe s.). Ouvrière poseuse de cols, dans un atelier de bonneterie. colletin [kɔltɛ̃] n. m. (de collet ; fin du XVIe s.). Pièce de l’armure qui protégeait le cou et les épaules. 1. colleur, euse [kɔloer, -øz] n. (de coller 1 ; 1544, Dict. général, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Celui, celle qui fait métier de coller : Colleur d’affiches. Il y a de la farine corrompue, incapable d’entrer dans le corps humain, qu’on ne vend pas même aux colleurs (Goncourt). ∥ 2. Fig. et fam. Personne qui importune par sa présence continuelle. % colleuse n. f. (1907, Larousse). Machine servant à coller bout à bout les éléments de film. 2. colleur [kɔloer] n. m. (de coller 2 ; 1857, G. Esnault). Arg. scol. Interrogateur spécial. colley [kɔlɛ] n. m. (mot angl. ; 1877, Bonnafé). Chien de berger écossais. collibert n. m. V. CULVERT. collier [kɔlje] n. m. (bas lat. collarium, var. du lat. class. collare, collier [d’où coler au XIe s.], de collum, cou ; XIIe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, 1268, É. Boileau ; sens I, 3, v. 1300, Laborde ; sens I, 4, av. 1872, Th. Gautier ; sens I, 5, av. 1850, Balzac ; sens I, 6, 1694, Acad. ; sens II, 1690, Furetière ; sens III, 1, XXe s. ; sens III, 2, 1676, Félibien). I. 1. Cercle de métal ou de cuir mis autrefois autour du cou des esclaves, et que l’on fait porter aujourd’hui à certaines bêtes pour les tenir à l’attache : Mettre un collier à un chien. Certes, il tient moins de noblesse | Et de bonté, vois-tu bien, | Roi, dans ton collier d’altesse, | Que dans le collier d’un chien (Hugo). ∥ Spécialem. Collier de force, collier garni de pointes en dedans, que l’on met à certains chiens d’arrêt pour les dresser. ∥ 2. Pièce principale du harnais, qui se met au cou des bêtes de trait : La découverte du collier ne date que du XIe siècle après J.-C. ∥ Franc du collier, se dit d’un cheval qui tire franchement, courageusement ; au fig., se dit d’un homme qui, dans ses paroles, ses actes, se montre décidé, direct, sans arrière-pensées : J’ai toujours entendu nommer « pisse-froid », même par ma mère, les gens qui n’étaient pas francs du collier (Vallès). ∥ À plein collier, en parlant d’un cheval, vigoureusement, en donnant toute sa force ; au fig., en parlant d’une personne, sans ménager ses efforts, avec énergie et décision : La Varenne suivait une marche rétrograde, et retournait à plein collier vers l’ancienne tyrannie des hobereaux (Sand). ∥ Fig. Donner un coup, un bon coup de collier, faire passagèrement un effort énergique. ∥ Fam. Collier de misère, travail pénible et assujettissant. ∥ Fam. Reprendre le collier, le collier de misère, se remettre au travail après une période de repos. ∥ 3. Ornement qui se porte autour du cou, fait d’éléments enfilés, de chaînons unis les uns aux autres : La scintillation de quelque passementerie d’or faux, l’orient trompeur d’un collier en perles de Venise l’éblouissaient (Gautier). ∥Spécialem. Chaîne ouvragée que portent au cou les hauts dignitaires de certains ordres : Le collier de l’ordre du Saint-Esprit. ∥ 4. Par anal. Collier de Vénus, légers sillons circulaires, au nombre de trois, que l’on voit sur le cou de certaines femmes : Ce col [...] sur lequel Aphrodite avait tracé de l’ongle de son petit doigt les trois légères raies que l’on appelle encore aujourd’hui le collier de Vénus (Gautier). ∥ 5. Barbe en collier, ou simplem. collier, barbe courte et étroite, disposée en demi-cercle d’une tempe à l’autre et passant sous le menton : Un homme à collier brun (Flaubert). Sur une face d’homme accompli, Louis Dargoult portait une barbe d’adolescent, un collier soyeux (Duhamel). ∥ 6. Partie du plumage de certains oiseaux qui entoure le cou, dont la couleur est différente de celle du reste du corps. II.Partie des animaux de boucherie qui comprend le cou et la naissance des épaules : Un morceau de boeuf dans le collier. III.1.Bande métallique circulaire entourant un tuyau, une conduite, pour les fixer à un appui. ∥ Collier de serrage, bague métallique réglable. ∥ 2. En architecture, astragale d’une colonne. colliger [kɔliʒe] v. tr. (lat. colligere, réunir, de cum, avec, et legere, ramasser, recueillir ; 1539, J. Canappe, au sens 1 ; sens 2, v. 1560, Paré ; sens 3, 1690, Furetière). [Conj. 1 b.] 1. Vx. Réunir, rassembler. ∥ 2. Réunir des textes en recueil. ∥ Faire des extraits, des résumés de : Colligeant pour lui ses notes et l’assistant dans l’étude des hiéroglyphes (Arnoux). ∥ 3. Vx. Faire collection de. collignon [kɔliɲɔ̃] n. m. (du n. d’un cocher qui assassina l’un de ses clients en 1855 ; 1866, Larousse). Pop. Nom injurieux donné autrefois à Paris aux cochers de fiacre : On en voit comme ça, des collignons qui ne connaissent pas votre rue (France). collimateur, trice [kɔlimatoer, -tris] adj. (de collimation ; 1866, Larousse, comme n. m.). Se dit d’un instrument d’optique servant à faire des visées : Lunette collimatrice. % collimateur n. m. 1. Appareil d’optique permettant d’obtenir un faisceau de rayons lumineux parallèles. ∥ 2. Appareil de visée pour le tir. ∥ Fam. Avoir quelqu’un dans le collimateur, ne pas le manquer, se tenir prêt à lui faire un mauvais parti. collimation [kɔlimasjɔ̃] n. f. (du lat. des astronomes collimare, viser, forme due à une lecture fautive du lat. class. collineare, viser ; 1776, Encyclopédie). Action d’orienter une lunette dans une direction déterminée. colline [kɔlin] n. f. (bas lat. collina, de collis, colline ; 1555, Belon). Relief de hauteur modeste, de forme arrondie, à pente douce : Ce jardin, sur la colline de Florence, où je vous ai ce soir assemblés (Gide). ∥ La ville aux sept collines, Rome. downloadModeText.vue.download 65 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 779 • SYN. : butte, coteau, élévation, éminence, hauteur, mamelon, monticule, tertre. collinette [kɔlinɛt] n. f. (dimin. de colline ; 1596, Hulsius). Petite colline (rare) : Leur joli couvent de Pampérigouste, perché sur une collinette toute grise de thym et de lavande (Daudet). collision [kɔlizjɔ̃] n. f. (lat. collisio, choc, heurt, de collisum, supin de collidere, frapper contre ; XIVe s., Tilander, écrit colusion, au sens de « coup » ; collision, 1480, Dict. général, au sens 1 ; sens 2-3, 1845, Bescherelle). 1. Choc de deux corps en mouvement, de deux véhicules venant à la rencontre l’un de l’autre : Une collision d’autos, d’avions. ∥ 2. Rencontre violente de deux troupes, de deux partis ; heurt de deux individus : Depuis longtemps, Mme Olivier avait pris son parti dans le cas d’une collision entre ses deux bienfaiteurs (Balzac). ∥ 3. Fig. Opposition, rivalité aiguë : Collision d’intérêts, de doctrines. • SYN. : 1 heurt, tamponnement ; 2 bagarre, choc, échauffourée, escarmouche ; 3 antagonisme, conflit, heurt. collocation [kɔlɔkasjɔ̃] n. f. (lat. collocatio, arrangement, disposition, de collocatum, supin de collocare [v. COLLOQUER] ; 1375, R. de Presles, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, milieu du XVIe s., Ronsard). 1. En termes de logique, position d’un objet par rapport à d’autres. ∥ En grammaire, position d’un mot par rapport à d’autres. ∥ 2. En droit, classement judiciaire des créanciers dans l’ordre où ils doivent être payés. ∥ 3. Classement, en général. collodion [kɔlɔdjɔ̃] n. m. (du gr. kollôdês, collant, de kolla, colle ; 1847, d’après Larousse, 1866). Solution de nitrocellulose dans un mélange d’alcool et d’éther, qu’on utilise en photographie, en pharmacie, en chirurgie. colloïdal, e, aux [kɔlɔidal, -o] adj. (angl. colloidal, dér. de colloid, créé par le chimiste Graham ; 1855, Nysten, au sens 1 ; sens 2, 1922, Larousse). 1. Qui est de la nature des colloïdes : L’albumine est une substance colloïdale. ∥ 2. État colloïdal, état d’un corps qui a l’apparence de la colle de gélatine. colloïde [kɔlɔid] n. m. (angl. colloid, mot tiré par le chimiste Graham du gr. kolla, colle, avec le suff. scientif. id[e], du gr. eidos, apparence ; 1845, Bescherelle, comme adj. ; comme n. m., au sens actuel, 1888, Larousse). Nom donné à toute substance qui a l’apparence de la colle de gélatine. colloïdothérapie [kɔlɔidoterapi] n. f. (de colloïdo-, tiré de colloïdal, et de thérapie ; XXe s.). Traitement de certaines maladies par des substances à l’état colloïdal. colloque [kɔlɔk] n. m. (lat. colloquium, entretien, de colloqui, s’entretenir avec ; 1495, J. de Vignay, au sens 1 ; sens 2, 1561, date du colloque de Poissy). 1. Conversation entre deux ou plusieurs personnes : Il y eut un court colloque entre les nouvelles venues (Martin du Gard). En général, Joseph avait l’habitude, à compter du second colloque, d’appeler ses partenaires, sans précautions oratoires, par leur patronyme, tout sec (Duhamel). ∥ 2. Réunion ayant pour but la discussion de questions d’ordre religieux, politique, scientifique, économique, etc. • SYN. : 2 conférence, débat, séminaire, symposium. colloquer [kɔlɔke] v. tr. (lat. collocare, établir, régler ; XIIe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1530, Palsgrave ; sens 3, 1690, Furetière). 1. Fam. et vx. Placer : Maupassant ne devait rien à Zola, ce qui n’empêcha pas Zola de le colloquer parmi ses disciples (L. Daudet). ∥ 2. Péjor. Placer une personne ou une chose dont on veut se défaire : Le paysan [...], s’attaquant enfin à Christophe et à Louisa [...], voulut à toute force leur colloquer son lait, son beurre et sa crème (Rolland). ∥ 3. Colloquer des créanciers, en termes de droit, les inscrire dans l’ordre suivant lequel ils doivent être payés. collure [kɔlyr] n. f. (de coller 1 ; 1611, Cotgrave). Joint entre deux surfaces de matière plastique, réalisé par l’opération du collage. collusion [kɔlyzjɔ̃] n. f. (lat. collusio, entente frauduleuse, de collusum, supin de colludere, s’entendre avec un autre au préjudice d’un tiers ; v. 1290, le Livre Roisin). En termes de droit, entente secrète entre deux ou plusieurs personnes en vue d’agir contre les droits de quelqu’un. ∥ Par extens. Toute entente pour tromper quelqu’un. • SYN. : complicité, connivence. collusoire [kɔlyzwar] adj. (de collusion, d’après illusoire ; 1596, Basmaison). Qui résulte d’une collusion : Une transaction collusoire. collutoire [kɔlytwar] n. m. (dér. savant du lat. collutum, supin de colluere, nettoyer à fond ; 1803, Boiste). Médicament destiné à être appliqué sur les muqueuses de la cavité buccale. collyre [kɔlir] n. m. (lat. collyrium, onguent, collyre, gr. kollurion ; v. 1170, Livre des Rois). Médicament à action locale, destiné au traitement des maladies des yeux et des paupières : Du collyre en pommade. colmatage [kɔlmataʒ] n. m. (de colmater ; 1845, Bescherelle). Action de colmater ou le fait de se colmater : Le colmatage d’un terrain stérile. Le colmatage d’un filtre. • SYN. : alluvionnement, obturation. colmater [kɔlmate] v. tr. (de l’ital. colmata, comblement, terrain comblé, de colmare, combler, dér. du lat. culmen, faîte ; 1820, Lasteyrie du Saillant, au sens 1 ; sens 2 et 4, début du XXe s. ; sens 3, 1940, G. Esnault). 1. Combler, exhausser des terrains bas ou stériles au moyen de dépôts vaseux formés par les fleuves ou les mers. ∥ 2. Boucher, obturer un orifice, une fente, avec de la boue ou autre chose : Les pores de la pierre sont bientôt colmatés (Bourget). Colmater les fuites d’un radiateur. ∥ 3. Dans le langage militaire, rétablir la continuité d’un front après une percée faite par l’ennemi. ∥ 4. Fig. Arranger, réparer tant bien que mal : Tous les efforts ne consisteront ensuite qu’à repousser les objections et à colmater son système croulant (Romains). • SYN. : 2 aveugler, calfater, luter ; 4 raccommoder, rafistoler (fam.), retaper (fam.). % se colmater v. pr. (début du XXe s.). S’obturer progressivement par le fait des dépôts, en parlant d’un filtre, d’un conduit, d’un puisard, etc. colocase [kɔlɔkaz] n. f. (lat. colocasia, d’origine grecque ; 1547, Chesneau [var. colocasie du XVIe s. au XIXe s.]). Plante tropicale de la famille des aracées, cultivée en Inde et en Indochine, pour son rhizome riche en féculents. (On dit aussi COLOCASIA.) colocataire [kɔlɔkatɛr] n. (de co- et de locataire ; 1866, Larousse). Personne qui est locataire d’un immeuble en même temps que d’autres personnes. cologarithme [kɔlɔgaritm] n. m. (de coet de logarithme ; fin du XIXe s.). Logarithme de l’inverse du nombre considéré. colombage [kɔlɔ̃baʒ] n. m. (de colombe 2 ; 1340, Actes normands de la Chambre des comptes). 1. Construction en pans de bois, dont les vides sont remplis par une maçonnerie légère de brique ou de plâtre : Plusieurs avaient un pignon pointu et la façade en colombage (France). Ce n’était qu’un grand vieux hangar, heureusement vide de récoltes ; il flamba tout entier, toit de chaume, poutres et colombage (Gide). ∥ 2. Charpente apparente de cette construction : Une maison à colombage. ∥ 3. Rang de colonnes dans une muraille. colombaire [kɔlɔ̃bɛr] adj. (de colombe 1 ; 1866, Larousse). Relatif aux pigeons. 1. colombe [kɔlɔ̃b] n. f. (lat. columba, pigeon ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens 1 ; sens 2, 1689, Racine ; sens 3, 1866, Larousse). 1. Nom que le langage poétique donne au pigeon, surtout au pigeon blanc, emblème de douceur, de tendresse, de pureté, mais que l’ornithologie réserve aux oiseaux d’un genre bien défini, dont le pigeon ramier est le type : Combien ma mission serait plus facile et plus assurée si, comme la colombe de l’arche, j’étais porteur d’un brin d’olivier (France). ∥ 2. Fig. Jeune fille pure, innocente. ∥ 3. Colombe eucharistique, vase en forme de colombe, suspendu au-dessus de l’autel dans certaines églises, au Moyen Âge, et qui contenait l’eucharistie. downloadModeText.vue.download 66 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 780 2. colombe [kɔlɔ̃b] n. f. (doublet de colonne [v. ce mot] ; 1080, Chanson de Roland, au sens de « colonne » ; sens actuel, 1334, Du Cange). Poteau vertical dans une cloison ou dans un pan de bois. colombiculteur [kɔlɔ̃bikyltoer] n. m. (de colombiculture ; XXe s.). Éleveur de pigeons. • SYN. : colombophile. colombiculture [kɔlɔ̃bikyltyr] n. f. (de colombe 1 et de -culture, du lat. colere, élever ; XXe s.). Élevage des pigeons. • SYN. : colombophilie. 1. colombier [kɔlɔ̃bje] n. m. (lat. columbarium, pigeonnier, de columba, pigeon ; XIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. Bâtiment important, autrefois en forme de tour ronde ou carrée, où l’on élève des pigeons : Quand les tuiles tombent des colombiers (Flaubert). ∥ 2. Vx et pop. Places d’un théâtre situées tout en haut, sous le comble. (Auj., on dit POULAILLER.) • SYN. : 1 pigeonnier. 2. colombier [kɔlɔ̃bje] n. m. (du n. du fabricant de ce papier ; 1752, Trévoux). Format de papier dont les dimensions sont variables (0,60 x 0,80 m ; 0,62 x 0,85 m ; 0,63 x 0,90 m). 1. colombin, e [kɔlɔ̃bɛ̃, -in] adj. (lat. columbinus, relatif au pigeon, couleur de pigeon, de columba, pigeon ; XIIIe s., Barbazan, au sens de « qui ressemble à un pigeon » ; sens actuel, XVe s.). D’une couleur entre le rouge et le violet : Du taffetas colombin. • SYN. : gorge-de-pigeon. % colombine n. f. (1701, Liger). Fiente des pigeons et des oiseaux de basse-cour, qui sert d’engrais. % colombins n. m. pl. (1866, Larousse). Ordre d’oiseaux comprenant les pigeons et les formes voisines. 2. colombin [kɔlɔ̃bɛ̃] n. m. (de colombe 2 ; av. 1844, au sens 1, et 1867, au sens 2, G. Esnault). 1. En céramique, petit rouleau de pâte molle servant à confectionner de grands vases sans l’emploi du tour. ∥ 2. Pop. Étron : « J’ suis d’ colombins ! » Il montre la pelle et le balai à l’aide desquels il accomplit sa tâche de boueux et de vidangeur (Barbusse). colombinage [kɔlɔ̃binaʒ] n. m. (de colombiner [1866, Larousse], dér. de colombin 2 ; XXe s.). En céramique, procédé de façonnage des pièces au moyen de colombins. colombo ou columbo [kɔlɔ̃bo] n. m. (de Colombo, n. d’une ville de Ceylan ; 1866, Larousse). Racine d’une plante de l’Afrique tropicale, à propriétés astringentes et apéritives. colombophile [kɔlɔ̃bɔfil] adj. et n. (de colombe 1 et de -phile, du gr. philos, ami ; 8 sept. 1874, Journ. officiel). Qui élève ou emploie des pigeons voyageurs : Société colombophile. colombophilie [kɔlɔ̃bɔfili] n. f. (de colombophile ; 1878, Larousse). Élevage des pigeons voyageurs : La colombophilie est réglementée. • SYN. : colombiculture. 1. colon [kɔlɔ̃] n. m. (lat. colonus, cultivateur, colon, habitant ; fin du XIIIe s., A. du Mont-Cassin, écrit colone, au sens de « habitant » ; sens 1 [colon], 1748, Montesquieu ; sens 2, fin du XVIIe s. ; sens 3, 1665, Crécy). 1. À l’époque du Bas-Empire et au Moyen Âge, homme de condition libre, mais assujetti à la terre qu’il cultivait pour le compte d’un propriétaire. ∥ 2. En termes de droit, exploitant lié par un bail au propriétaire, auquel il paie un loyer en nature : Je ne puis veiller à ce que nos colons n’amendent pas leurs propres terres avec nos fumiers (Balzac). ∥ 3. Personne qui a quitté son pays pour aller exploiter une terre ou pour faire du commerce dans un pays plus ou moins lointain : Ce sont des colons phocéens qui fondèrent Marseille. ∥ Descendant d’immigrés installé à demeure dans ce pays et cohabitant avec les autochtones : Il considère les buveurs, ses clients, de l’oeil dont un colon du bled considère les indigènes (Romains). ∥ 4. Enfant envoyé en colonie de vacances. • SYN. : 2 fermier, métayer ; 3 pionnier, planteur. 2. colon [kɔlɔ̃] n. m. (abrév. de colonel ; 1883, G. Esnault). Arg. mil. Colonel : Pour lors, que j’ ferai du foin dimanche, et que l’ colon n’y coupera pas (Courteline). ∥ Pop. Ah ! mon colon !, Ben, mon colon !, interjections servant à souligner une affirmation ou à marquer de la surprise, de l’admiration : Un amant ! Ah ! mon colon, j’en ai eu des tapées (Croisset). côlon [kolɔ̃] n. m. (lat. colon, gr. kôlon, gros intestin ; v. 1398, Somme Me Gautier). Partie du gros intestin qui commence au caecum et se termine au rectum : Côlon ascendant, transverse, descendant. colonage [kɔlɔnaʒ] n. m. (de colon 1 ; 1808, Boiste). Bail dans lequel le bailleur est rémunéré par le partage des fruits provenant de la terre qu’il loue. • SYN. : fermage, métayage. colonat [kɔlɔna] n. m. (bas lat. jurid. colonatus, colonat, de colonus, colon ; 9 déc. 1811, Décret impérial, au sens de « domaine du colon » ; sens 1-2, première moitié du XIXe s. ; sens 3, XXe s.). 1. À Rome, à l’époque du Bas-Empire, mode d’exploitation de la terre suivant lequel le colon et sa famille étaient attachés à perpétuité à la terre cultivée. ∥ 2. État de colon. ∥ 3. Par extens. Ensemble des colons d’une colonie ou d’une ancienne colonie. colonel [kɔlɔnɛl] n. m. (ital. colonnello, de colonna, troupe en colonne, lat. columna [v. COLONNE] ; 1534, Archives de la Gironde [dans Revue de linguist. rom., XX, 80], écrit coulonel ; colonel, 1556, Huguet ; var. coronel jusqu’à la fin du XVIe s.). Officier supérieur des armées de terre et de l’air, dont le grade est immédiatement inférieur à celui de général, et qui commande un régiment : Ce colonel qui va planter ses choux aurait bien voulu être général (Alain). ∥ Colonel d’état-major, officier qui a rang de colonel sans commander un régiment. colonelle [kɔlɔnɛl] adj. et n. f. (fém. de colonel ; milieu du XVIe s., Amyot, comme adj.). Compagnie colonelle, ou, absol., la colonelle, sous l’Ancien Régime, première compagnie de chaque régiment, qui appartenait au colonel général : Recevant le mat et le contremat du sergent de la colonelle (Hugo). % n. f. (1834, Landais). Fam. Épouse d’un colonel : La colonelle de Battaincourt était une de ses amies d’enfance (Martin du Gard). colonial, e, aux [kɔlɔnjal, -o] adj. (de colonie ; 1776, Proschwitz). 1. Qui a rapport aux colonies : Voici comment ils expliquent notre organisation coloniale (Daudet). Tout autour, les maisons basses, couvertes de crépi multicolore, fermaient la place derrière laquelle on apercevait les deux tours rondes d’une église bleue et blanche, de style colonial (Camus). Troupes coloniales. ∥ Infanterie, artillerie coloniale, ou, substantiv., la coloniale, nom donné, jusqu’en 1958, à l’infanterie et à l’artillerie de marine chargées de la sécurité des territoires français d’outremer : Faire son service dans la coloniale. ∥ 2. Par extens. Qui provient des colonies : Des denrées coloniales. % colonial n. m. (XXe s.). 1. Militaire qui servait dans les troupes coloniales : À quelques pas, des coloniaux en bourgeron blanc déchargeaient, sous la surveillance d’un caporal, la provision mensuelle de charbon (Savignon). ∥ 2. Celui qui a longtemps vécu dans les pays d’outre-mer. colonialisme [kɔlɔnjalism] n. m. (de colonial ; 1910, Larousse). Doctrine qui prône l’établissement et le développement des colonies en tant que sources de richesse et de puissance pour la nation qui les possède. (Presque toujours employé dans un sens défavorable.) colonialiste [kɔlɔnjalist] adj. (de colonialisme ; 1910, Larousse). 1. Relatif au colonialisme : Théorie colonialiste. ∥ 2. Qui soutient le colonialisme ; qui le met en pratique : Les derniers pays colonialistes. % n. Partisan du colonialisme : Des colonialistes impénitents. colonie [kɔlɔni] n. f. (lat. colonia, colonie, de colonus, colon ; fin du XIIIe s., A. du downloadModeText.vue.download 67 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 781 Mont-Cassin, au sens I, 1 ; sens I, 2-3, 1842, Balzac ; sens I, 4, 1866, Larousse ; sens I, 5, 1888, Larousse ; sens I, 6, 1907, Larousse [colonie scolaire, dès 1879, Année scientif. et industr.] ; sens II, 1636, Monet). I. 1. Groupe de personnes qui quittent un pays pour aller s’établir dans un autre : Carthage fut fondée par une colonie de Phéniciens. ∥ Par extens. Population qui demeure et se développe à l’endroit où se sont installés les premiers colons : Les colonies germaniques fixées sur l’ancien domaine de la Gaule impériale (Bainville). ∥ 2. Ensemble des personnes d’une même nationalité établies dans une ville ou dans une région d’un pays étranger : La colonie française de Madrid. ∥ 3. Par anal. Réunion de personnes que rapprochent leurs goûts ou leur situation : Nous formions une petite colonie à laquelle, au milieu de l’hiver, Montroger demanda la permission de s’adjoindre (Sand). La colonie de peintres de Barbizon. ∥ 4. Réunion d’animaux vivant en commun : Une colonie d’abeilles, de castors. Des colonies de madrépores. ∥ 5. Colonie pénitentiaire, établissement spécial pour de jeunes délinquants : Est-ce que je n’ai pas créé, à ma colonie pénitentiaire de Crouy, un pavillon spécial ? (Martin du Gard). ∥ 6. Colonie de vacances, groupe d’enfants que l’on envoie dans un même établissement, à la campagne, à la mer ou à la montagne, pour y passer leurs vacances. II. Territoire sur lequel s’établit une colonie : En cas de succès, j’aurais eu l’honneur d’imposer des noms français à des régions inconnues, de doter mon pays d’une colonie sur l’océan Pacifique, d’enlever le riche commerce des pelleteries à une puissance rivale, d’empêcher cette rivale de s’ouvrir un plus court chemin aux Indes, en mettant la France elle-même en possession de ce chemin (Chateaubriand). ∥ Spécialem. Territoire occupé et administré par une nation en dehors de ses frontières et demeurant sous la dépendance étroite de la métropole : En parlant du Canada et de la Louisiane, en regardant sur les vieilles cartes l’étendue des anciennes colonies françaises en Amérique, je me demandais comment le gouvernement de mon pays avait pu laisser périr ces colonies, qui seraient aujourd’hui pour nous une source inépuisable de prospérité (Chateaubriand). Colonie de peuplement. Colonie d’exploitation. ∥ Absol. Les colonies, les anciens territoires d’outre-mer. • SYN. : I, 3 cénacle, clan, coterie, école ; 4 bande, compagnie, essaim, harde, société. colonisable [kɔlɔnizabl] adj. (de coloniser ; 1842, Acad.). Qui peut être colonisé. colonisateur, trice [kɔlɔnizatoer, -tris] adj. (de coloniser ; 1835, Acad.). Qui colonise : Un peuple colonisateur. % n. Celui qui fonde, qui met en valeur une colonie. colonisation [kɔlɔnizasjɔ̃] n. f. (de coloniser ; 1769, Mackenzie). Action de coloniser : Il [Deslauriers] avait été, ensuite, chef de colonisation en Algérie, secrétaire d’un pacha, gérant d’un journal, courtier d’annonces (Flaubert). ∥ État de fait qui résulte de cette action. coloniser [kɔlɔnize] v. tr. (de colon ; 1790, Mackenzie, au sens 1 ; sens 2-3, début du XXe s.). 1. Peupler un territoire de colons : Les Français ont colonisé la Louisiane au XVIIIe siècle. ∥ 2. Transformer un pays en un territoire dépendant d’une métropole : L’Italie, en 1936, entreprit de coloniser l’Éthiopie. ∥ 3. Fig. et fam. S’établir en nombre en quelque endroit, envahir : Les lieux que les mondains de Paris colonisent en hiver (M. Prévost). colonnade [kɔlɔnad] n. f. (de colonne, d’après l’ital. colonnato, colonnade ; 1675, F. Blondel, écrit colonnate [colomnade, 1694, Th. Corneille ; colonnade, 1740, Acad.], au sens 1 ; sens 2, 1830, Lamartine). 1. Rangée de colonnes sur le devant ou sur le pourtour d’un édifice : Le temple d’Adonis, en haut du promontoire, | Découpe sur fond d’or sa colonnade noire (Samain). ∥ 2. Par anal. et littér. Enfilade d’objets, de choses alignés verticalement : Les pins n’ouvrent plus leurs hautes colonnades (Lamartine). colonne [kɔlɔn] n. f. (lat. columna, colonne, appui, soutien ; XIIe s., au sens I, 1 [doublet colombe, du XIe au XVe s.] ; sens I, 2, 1578, Havard ; sens I, 3, 1690, Furetière ; sens I, 4, 1890, Dict. général [colonne-affiches] ; sens I, 5, début du XVIIe s., Descartes ; sens II, 1, 1694, Th. Corneille ; sens II, 2, 1929, Larousse ; sens II, 3, 1835, Acad. ; sens II, 4, 1680, Richelet ; sens II, 5, 1673, Kuhn ; sens II, 6, 1666, Roman bourgeois ; sens II, 7, 1863, Littré). I.1.Support vertical de forme cylindrique, composé d’une base, d’un fût et d’un chapiteau, et qui sert à soutenir certaines parties d’un édifice, en même temps qu’à l’orner : Mais Samson expirant put ébranler encore | Les colonnes du Philistin (Hugo). Colonne lisse, cannelée. Colonne dorique, ionique. ∥ 2. Par extens. Support, montant de forme cylindrique : Un lit à colonnes. Mme de Pompadour voulut que le ciel des boudoirs fût soutenu par des colonnes corinthiennes (France). ∥ 3. Monument commémoratif consistant en une colonne isolée plus ou moins haute, portant souvent, à son sommet, une statue : La garnison d’Alexandrie célébra la fête autour de la colonne de Pompée (Vigny). La colonne Trajane. La colonne Vendôme. ∥ Colonne rostrale, colonne ornée de proues de navire, élevée en souvenir d’une victoire navale. ∥ 4. Colonne-affiches (vx), ou colonne Morris (du nom du premier concessionnaire), petite construction de forme cylindrique, sur laquelle, à Paris, on appose les affiches des programmes de spectacles : Tous les matins, je courais jusqu’à la colonne Morris pour voir les spectacles qu’elle annonçait (Proust). ∥ 5. Fig. Ce qui porte ; ce qui soutient : Le cardinal de Fleury appelait les fermiers généraux les colonnes de l’État (Grimm). Tout ce latin allait faire de moi une colonne de l’Église (Renan). ∥ Colonnes d’Hercule, nom donné par les anciens Romains à deux monts situés de part et d’autre du détroit de Gibraltar, et qui étaient considérés comme les bornes du monde ; au fig., point qu’on ne peut pas dépasser : Les premières « Odes » de Victor Hugo, si classiques encore, étaient son idéal et ses Colonnes d’Hercule dans le lyrique (Sainte-Beuve). II. 1. Fluide ou autre substance affectant une forme plus ou moins cylindrique et s’élevant verticalement : Au-dessus des cheminées du village, des colonnes de fumée jaune s’élevèrent droit en l’air (Malot). Colonne d’air, d’eau. ∥ Colonne barométrique, colonne de mercure s’élevant au-dessus du niveau de la cuve dans le tube d’un baromètre. ∥ 2. Colonne montante, canalisation principale d’eau, de gaz, d’électricité, dans un immeuble à plusieurs étages. ∥ 3. Colonne vertébrale, chez l’homme et chez les animaux vertébrés, ensemble des vertèbres, qui, articulées entre elles, forment un axe osseux s’étendant du crâne au bassin : Son torse plié devenait tout petit, s’affaissait comme si la colonne vertébrale eût été en caoutchouc (Maupassant). ∥ 4. File de personnes placées les unes derrière les autres. ∥ Spécialem. Formation militaire où les hommes sont disposés sur un front étroit et en profondeur : Une puissante colonne d’infanterie de ligne déboucha dans la rue (Hugo). Ce fut un lamentable retour, lui marchant en queue de la colonne, devant son gardien qui ne le quittait plus (Bourget). ∥ Colonne mobile, détachement destiné à parcourir rapidement un pays afin d’y annihiler tous les points de résistance. ∥ Cinquième colonne, nom donné, depuis la guerre civile d’Es-pagne, aux partisans qu’un pays en guerre entretient dans les rangs de l’adversaire, et qui y favorisent clandestinement son action : Pour Garcia, le problème était, hélas ! résolu. Il n’y avait ni avion ni canon ; la « cinquième » colonne était entrée en jeu (Malraux). ∥ 5. Pile d’objets placés les uns sur les autres : Une colonne de pains de mie au jambon (Arnoux). ∥ Spécialem. Annotations, chiffres disposés verticalement les uns au-dessous des autres : La colonne des unités, des dizaines. Un crédit illimité, qui [...] alignait d’interminables colonnes de bocks, de cafés, de petits verres, sur les livres fantastiquement tenus (Daudet). ∥ 6. Section verticale d’une page, délimitée par deux traits parallèles : Cette liste downloadModeText.vue.download 68 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 782 est divisée en deux colonnes. ∥ Spécialem. Chacune des sections verticales parallèles qui divisent une page d’imprimerie et dans lesquelles est réparti le texte : Les colonnes d’un dictionnaire, d’un journal. ∥ 7. Par extens. Article d’un journal ; le journal lui-même : Une de ces imprudences qu’on rencontre sans émoi dans la basse presse nationaliste [...], dans les colonnes du « Temps » (Jaurès). • SYN. : I, 3 obélisque, stèle ; 5 pilier, support. ∥ II, 3 échine, épine dorsale ; 4 chapelet, cohorte, cortège. colonnette [kɔlɔnɛt] n. f. (de colonne ; 1546, Ch. Estienne, pour désigner un os allongé ; sens actuel, v. 1560, Belleau). Petite colonne, souvent appliquée contre un pilier ou contre un mur : Des colonnettes torses, vert et rouge, au chapiteau massif et ouvragé (Huysmans). colophane [kɔlɔfan] n. f. (altér. du lat. colophonia, gr. kolophônia, proprem. « [résine] de Colophon » [en Asie Mineure] ; v. 1560, Paré [var. colofonie, colofoine, colophone, du XIIIe au XVIIIe s.]). Résine jaune, solide, transparente, résidu de la distillation de la térébenthine, utilisée dans la fabrication des vernis, de la poix, des isolants électriques, et par les musiciens pour frotter les crins de l’archet : Il [...] cirait longuement de colophane son archet (Flaubert). • SYN. : arcanson. colophon [kɔlɔfɔ̃] n. m. (gr. kolophôn, achèvement ; 1888, Larousse). Note finale d’un livre, reproduisant et complétant les indications du titre. coloquinte [kɔlɔkɛ̃t] n. f. (lat. colocynthis, gr. kolokunthis ; 1372, J. Corbichon, au sens 1 [var. colloquintide, XIVe s., Antidotaire Nicolas] ; sens 2, 1809, G. Esnault). 1. Plante grimpante voisine de la pastèque, dont le fruit, de formes décoratives, contient une pulpe amère et purgative. ∥ 2. Pop. Tête : Mettez-vous dans la coloquinte de ne toucher à rien d’abord (Balzac). Le soleil des tropiques m’avait tapé sur la coloquinte (Daudet). colorable [kɔlɔrabl] adj. (de colorer ; 1877, Littré). Qui peut être coloré. colorage [kɔlɔraʒ] n. m. (de colorer ; 1866, Larousse). Opération par laquelle le confiseur colore les bonbons. colorant, e [kɔlɔrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. colorant, e [kɔlɔrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de colorer ; 1690, Furetière). Qui a la propriété de colorer : La racine de la garance fournit une substance colorante rouge. Matières colorantes. % colorant n. m. (1890, Dict. général). Produit utilisé pour colorer : On se sert de colorants en confiserie. • SYN. : couleur, teinture. coloration [kɔlɔrasjɔ̃] n. f. (de colorer ; 1460, Bartzsch, au sens de « atténuation, excuse » ; sens actuels, fin du XVe s.). 1. Action de colorer, ou le fait de se colorer : Tout à coup, ses traits s’animèrent, ce fut comme un éclairement subit, une coloration mystique (Gide). ∥ 2. État, apparence de ce qui est coloré : La coloration du ciel, des montagnes. ∥ Nuance de la couleur : Toutes les colorations de sa chair (Maupassant). Je l’invitai à se représenter les colorations rouges et orangées analogues aux sonorités des cors et des trombones (Gide). • SYN. : 1 coloriage ; 2 coloris, couleur, pigmentation ; teinte, tonalité. colorature [kɔlɔratyr] adj. et n. f. (ital. coloratura, de colore, couleur, au sens de « ornementation de la ligne mélodique » ; XXe s.). Se dit d’une virtuose du chant d’opéra à grandes vocalises. coloré, e [kɔlɔre] adj. (part. passé de colorer). 1. Qui a reçu une certaine couleur : Une vitre colorée en bleu. ∥ 2. Qui est de couleur vive : Un teint coloré. Jaffa a quelque chose, dans son ciel et dans son sol, de plus grandiose, de plus solennel, de plus coloré qu’aucun des sites que j’ai parcourus (Lamartine). Le ciel était net et très coloré (Fromentin). ∥ 3. Fig. Qui a du brillant, de l’originalité, de l’éclat : Un style, un langage coloré. Où trouver des expressions colorées ou nuancées d’une manière assez délicate pour répondre aux nécessités d’un sentiment exquis ? (Baudelaire). ∥ 4. Fig. Qui est mêlé d’autre chose : Une curiosité colorée d’inquiétude (Duhamel). ∥ 5. Class. Déguisé, hypocrite : Cette offre peut-elle être un refus coloré ? (Corneille). Vous nous payez ici d’excuses colorées ; | Et toutes vos raisons, Monsieur, sont trop tirées (Molière). • SYN. : 1 peint, teint, teinté ; 3 éclatant, étincelant, imagé, pittoresque ; 4 chargé, empreint, marqué, pénétré. — CONTR. : 1 décoloré, incolore ; 3 banal, pauvre, plat, terne. colorer [kɔlɔre] v. tr. (lat. colorare, de color, couleur ; v. 1050, Vie de saint Alexis, au sens 1 ; sens 2, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 3, XXe s. ; sens 4, XIIIe s.). 1. Donner une certaine couleur, de la couleur à : Le tiède regard du soleil | Le colore [le vallon] dès son réveil | De ses lueurs les plus dorées (Lamartine). Nous marchions vite, l’air vif colorait ses joues (Gide). ∥ 2. Fig. Donner de l’éclat, de la vie, de l’originalité à : Son rayonnement ne colorait plus les propos, l’humeur des gens (Romains). ∥ 3. Fig. Venir se mêler à ; faire sentir son effet sur : Singulière époque ! [...] La passion colore et empoisonne les moindres mouvements de l’âme (Duhamel). ∥ 4. Class. et littér. Farder, donner un aspect flatteur à : D’ailleurs il fallait colorer et excuser en quelque sorte la guerre que Pompée et les autres chefs romains continuaient contre Sertorius (Corneille). Mais, aux yeux de la Cour [...], on pourrait colorer cet exil, adoucir cette disgrâce (Dumas père). Bien entendu, il colorait ces craintes et ce besoin de distraction de prétextes chevaleresques, disant à Charlotte qu’il ne l’abandonnerait pas, qu’il voulait être avec elle dans la peine comme dans la joie (Daudet). • SYN. : 1 colorier, teinter ; 2 animer, embellir ; 3 accompagner, imprégner, marquer, nuancer, pénétrer. — CONTR. : 1 décolorer ; 2 affadir, ternir. % se colorer v. pr. Prendre une certaine couleur, se nuancer de : Les nuages se coloraient d’une teinte pourprée (Acad.). coloriage [kɔlɔrjaʒ] n. m. (de colorier ; 1830, Balzac). Action de colorier ; résultat de cette action : Sans doute, la distance est immense qui sépare « le Départ pour l’île de Cythère » des misérables coloriages suspendus dans les chambres des filles, audessus d’un pot fêlé et d’une console branlante (Baudelaire). Ce vieil enfant n’avait qu’une passion au monde : la passion du coloriage (Daudet). colorier [kɔlɔrje] v. tr. (de coloris ; v. 1660, Brunot). Appliquer des couleurs en teinte plate sur un dessin, un objet : Vous ouvrirez des yeux grands comme la porte que voilà de le voir dérouler un des parchemins qu’il a coloriés (Musset). Depuis quelque quarante ans, il vivait entouré de godets, de pinceaux, de couleurs, et passait son temps à colorier les images de journaux illustrés (Daudet). ∥ Absol. Employer des couleurs : Passer sa matinée à colorier. • SYN. : colorer, peindre, teinter. colorieur [kɔlɔrjoer] adj. m. (de colorier ; 1877, Littré). Se dit, en impression, du rouleau qui applique les couleurs sur les étoffes. colorimètre [kɔlɔrimɛtr] n. m. (de colori-, élément tiré du lat. color, couleur, et de -mètre, du gr. metron, mesure ; milieu du XIXe s.). Appareil destiné à mesurer l’intensité de coloration des liquides (notamment pour doser les solutions), des verres teintés, etc. coloris [kɔlɔri] n. m. (de l’ital. colorito [de colorire, colorier, du lat. color, couleur], avec modification de la finale [-is au lieu de -i] ; 1615, E. Binet, au sens 1 ; sens 2, 1674, Boileau ; sens 3, 1731, Voltaire). 1. Art d’employer, d’assortir les couleurs en peinture : Il faut étudier [...] le coloris dans le Titien et les peintres français (Stendhal). ∥ Effet résultant du choix et de la distribution des couleurs : Toutes les couleurs se mêlant mieux ensemble font un coloris plus doux, plus délicat et plus agréable (Rolland). ∥ 2. Couleur, éclat du visage, des fleurs, des fruits, etc. : Le bourgeois de campagne est toujours, dès l’âge de quarante ans, affligé d’un gros ventre, d’une démarche pesante et d’un coloris vineux (Sand). ∥ 3. Fig. Éclat d’un style pittoresque, vivant, imagé. colorisation [kɔlɔrizasjɔ̃] n. f. (de coloris ; 1690, Furetière, au sens de downloadModeText.vue.download 69 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 783 « changement de couleur survenant dans certaines substances » ; sens actuel, 1863, Littré). Action d’appliquer une couleur sur un corps par un procédé technique : Colorisation électromagnétique. • REM. Quand l’application des couleurs est faite sur papier, on l’appelle couramment COLORIAGE, et sur étoffe COLORATION. coloriste [kɔlɔrist] n. m. (de coloris ; v. 1660, Brunot, au sens 1 ; sens 2, 1752, Trévoux). 1. Artiste qui possède la science du coloris : Le vrai coloriste [...] connaît de naissance la gamme des tons, la force du ton, les résultats des mélanges, et toute la science du contrepoint (Baudelaire). J’ai remarqué chez la princesse [Mathilde] un goût de toilette particulier : le goût du ton ; ses robes sont toujours des robes de coloristes (Goncourt). ∥ Spécialem. Peintre qui s’intéresse plus à la couleur qu’au dessin ou à la lumière : Ce qui prouve encore la puissance de M. Corot, ne fût-ce que dans le métier, c’est qu’il sait être coloriste avec une gamme de tons peu variée — et qu’il est toujours harmoniste même avec des tons assez crus et assez vifs (Baudelaire). ∥ 2. Fig. Écrivain qui, par les images, donne de l’éclat à son style : Théophile Gautier est un grand coloriste. % n. (1832, Raymond). Celui, celle qui colorie des dessins, des estampes, des cartes, etc. coloristique [kɔlɔristik] n. f. (de coloris ; XXe s.). Étude de la couleur et des phénomènes colorés : L’étude d’une aurore boréale est un problème de coloristique. colossal, e, aux [kɔlɔsal, -o] adj. (de colosse ; av. 1596, Vigenère). 1. De proportions énormes, exagérées : Ce buste colossal a, selon Pococke, cinq pieds et demi d’une épaule à l’autre (Chateaubriand). Et maintenant, raide et debout au milieu du salon, dressant jusqu’au lustre sa taille colossale, il attendait avec tant d’émotion la grâce d’un accueil favorable qu’on pouvait voir trembler ses longues jambes de pandour (Daudet). Un mulâtre colossal, à cou de taureau, qui tient en main une énorme trique de mauvais aloi (Loti). ∥ 2. Qui a des dimensions imposantes : Les belles pierres de la colonnade du Vatican, les ombres majestueuses et colossales de Saint-Pierre de Rome (Lamartine). ∥ 3. Fig. Qui dépasse de beaucoup la mesure normale ; considérable : Erreur colossale. Cet être minable qui, dans une dizaine d’années, se trouvera à la tête d’une fortune colossale (Aymé). • SYN. : 1 démesuré, géant, gigantesque, monstrueux ; 2 grandiose, immense, majestueux, monumental ; 3 extraordinaire, fabuleux, fantastique (fam.), pharamineux (fam.), phénoménal (fam.), prodigieux. % colossal n. m. (1866, Larousse). : Le colossal est aussi loin du grand que le joli est loin du beau (Veuillot). colossalement [kɔlɔsalmɑ̃] adv. (de colossalement [kɔlɔsalmɑ̃] adv. (de colossal ; 1845, Th. Gautier). De façon colossale : D’autre part, comme il était lui-même colossalement riche, il trouvait de bon goût d’avoir l’air de juger considérables les revenus moindres d’autrui, avec pourtant un retour joyeux et confortable sur la supériorité des siens (Proust). • SYN. : énormément, excessivement, extrêmement, fabuleusement, infiniment, prodigieusement. colosse [kɔlɔs] n. m. (lat. colossus, gr. kolossos, statue colossale ; 1495, J. de Vignay, au sens 1 ; sens 2, 1668, La Fontaine ; sens 3, fin du XVIe s., Malherbe ; sens 4, 1666, Corneille). 1. Statue de proportions énormes : Les troupes de la Haute-Égypte célébrèrent la fête [...] sur les genoux du colosse de Memnon (Vigny). Joséphine lui répondit obligeamment que c’étaient les fondations du colosse de Domitien nouvellement mises au jour (France). ∥ Fig. Colosse aux pieds d’argile (image du style biblique), personne qui, sous une apparence de force, cache une faiblesse réelle ; puissance majestueuse, mais dont les bases sont fragiles. ∥ 2. Homme, animal d’une forte taille et d’une grande force physique : C’était un colosse. De larges pieds, de grosses mains [...], une tête globuleuse (Duhamel). ∥ 3. Fig. et vx. Celui qui, à un degré extraordinaire, possède une qualité, un défaut, un avantage : Un colosse d’orgueil. Trente années détruiront ces colosses de puissance qu’on ne voyait qu’à force de lever la tête (La Bruyère). ∥ 4. Fig. État, société industrielle ou commerciale d’une grande puissance. • SYN. : 2 géant, hercule. colostomie [kɔlɔstɔmi] n. f. (de colo-, élément tiré de kôlon, et du gr. stoma, bouche ; XXe s. [d’abord côlotomie, de côloet de -tomie, du gr. tomê, section ; 1878, Larousse]). Abouchement du côlon à la peau, en vue de créer un anus artificiel. colostrum [kɔlɔstrɔm] n. m. (mot lat. ; v. 1585, Cholières [var. francisée colostre, 1564, J. Thierry]). Premier lait qu’une femme donne au nouveau-né, ou une femelle de mammifère à son petit, aussitôt après la naissance : Le colostrum a des propriétés purgatives. colportage [kɔlpɔrtaʒ] n. m. (de colporter ; 1723, Savary des Bruslons). 1. Action de colporter (au pr. et au fig.) : Le colportage de fausses nouvelles. ∥ 2. Profession de col- porteur : Le colportage tend à disparaître. colporter [kɔlpɔrte] v. tr. (altér. de comporter, transporter [v. ce mot], sous l’influence de porter à col, porter sur le « col », c’est-à-dire le cou, les épaules ; 1539, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, 1798, Acad.). 1. Porter de place en place des marchandises, afin de les vendre en sollicitant la clientèle à domicile : Colporter des livres. ∥ 2. Fig. Transporter d’un endroit à l’autre ; faire connaître partout : De taudis en taudis colportant ma misère (Musset). Colporter les commérages (Balzac). Les renseignements que ces gens colportaient sur les précautions prises par le gouvernement français étaient révélateurs (Martin du Gard). Ces deux bavards [...] s’étaient empressés de colporter la chose aussitôt dans tout Paris (Duhamel). • SYN. : 2 diffuser, divulguer, ébruiter, proclamer, propager, publier, répandre. — CONTR. : 2 cacher, dissimuler, taire. colporteur, euse [kɔlpɔrtoer, -øz] n. et adj. (de colporter ; 1533, M. Félibien [fém. colporteresse ; colporteuse, 1803, Boiste], au sens 1 ; sens 2, 1829, Boiste [colporteur apparaît déjà comme adj. en 1388, Godefroy, mais le sens du mot reste obscur]). 1. Marchand ambulant qui propose des marchandises à domicile. ∥ 2. Fig. Celui, celle qui répand en tous lieux : Il lui en coûtait de passer pour une bavarde, une colporteuse de mauvaises nouvelles (Daudet). colt [kɔlt] n. m. (du n. de Samuel Colt, inventeur, en 1829, de ce type de pistolet ; 1895, Bonnafé). Pistolet automatique américain de calibre 11,4 mm. coltin [kɔltɛ̃] n. m. (var. de colletin [v. ce mot] ; début du XIXe s.). Large chapeau de cuir des portefaix, des forts des Halles, protégeant la tête, le cou et les épaules. coltinage [kɔltinaʒ] n. m. (de coltiner ; 1888, Larousse). Action de coltiner ; profession de coltineur. coltiner [kɔltine] v. tr. (de coltin ; 1835, Raspail [1790, le Rat du Châtelet, au sens de « arrêter », proprem. « prendre au colletin = pourpoint »]). 1. Porter en s’aidant du coltin. ∥ 2. Fam. Porter des choses lourdes : Mais, je vous jure, je sortais de là plus abruti par l’imbécillité de ce travail que je ne l’étais à Hambourg, après avoir coltiné deux heures de suite des sacs de ciment, dont la poussière me rongeait les yeux et me desséchait le gosier ! (Martin du Gard). Comme il était très vigoureux, quand il apportait un paquet, même lourd et encombrant, il le coltinait tout seul (Duhamel). % se coltiner v. pr. (1915, G. Esnault). Fam. Exécuter un travail pénible, long ou désagréable : Il se coltinait trois fois par semaine des sacs entiers de manuscrits (Céline). • SYN. : s’appuyer (fam.), s’envoyer (fam.), se taper (fam.). coltineur [kɔltinoer] n. m. (de coltiner ; 23 sept. 1827, Gazette des tribunaux, écrit colletineur). Homme qui porte sur la tête, les épaules, des fardeaux lourds et encombrants (vieilli) : Il n’eut qu’à descendre sur les berges de la Seine [...] pour avoir le choix entre plusieurs professions, déchargeur de bateaux, coltineur (Daudet). Il a fait venir de Paris une paire de coltineurs qui lui déménagent ses hardes (Duhamel). downloadModeText.vue.download 70 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 784 • SYN. : débardeur, déchargeur, docker, portefaix, porteur. colubriformes [kɔlybrifɔrm] n. m. pl. (de colubri-, élément tiré du lat. colubra, couleuvre, et de forme ; XXe s.). Famille de reptiles ophidiens comprenant la plupart des serpents, hormis les constricteurs (boas, pythons) et ceux qui ont des crochets venimeux percés d’un canal (vipères, crotales). colubrin, e [kɔlybrɛ̃, -in] adj. (lat. colubrinus, de couleuvre, de serpent, de colubra [v. COULEUVRE] ; 1501, J. Le-maire de Belges, au sens de « où il y a des serpents » ; sens actuel, 1863, Littré). Qui appartient à la couleuvre ; qui a l’aspect, la forme d’une couleuvre. columbarium [kɔlɔ̃barjɔm] n. m. (mot lat. signif. proprem. « colombier » ; 1752, Trévoux, au sens 1 [var. francisée columbaire, colombaire, 1771, Trévoux] ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Chez les Romains, vaste bâtiment à niches où l’on déposait les urnes funéraires : Le columbarium de Pomponius Hylas, à Rome. Les columbariums éventrés, les sarcophages déserts (Goncourt). ∥ 2. Auj. Construction du même genre, prévue, dans certains cimetières, pour recevoir les cendres des personnes incinérées : Le columbarium du Père-Lachaise. columelle [kɔlymɛl] n. f. (lat. columella, dimin. de columna, colonne ; 1546, R. Estienne, au sens de « luette » ; sens 1, 1611, Cotgrave ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1802, Flick). 1. Petite colonne tumulaire. ∥ 2. Axe conique du limaçon de l’oreille interne. ∥ 3. Colonne spiralée constituant l’axe de la coquille des mollusques gastropodes. colure [kɔlyr] n. m. (lat. colurus, gr. kolouros ; v. 1360, Oresme). Chacun des deux méridiens de la sphère céleste qui contiennent, le premier, les deux solstices, le second, les deux équinoxes. col-vert ou colvert [kɔlvɛr] n. m. (de col, cou, et de vert ; 1866, Larousse [var. cou-vert, 1611, Cotgrave]). Le plus commun des canards sauvages, souche des canards domestiques : Des colverts et des sarcelles qui hantent les roseaux (Genevoix). • Pl. des COLS-VERTS OU COLVERTS. colza [kɔlza] n. m. (néerl. koolzaad, proprem. « semence [zaad] de chou [kool] » ; 1671, Brunot, écrit colzat ; colza, 1762, Acad. [var. colsat, colsa, au XVIIIe s.]). Plante voisine du chou, à fleurs jaunes, cultivée comme fourrage et surtout pour ses graines riches en huile : Les colzas éblouissaient la vue comme des carrés d’or (Fromentin). Je goûtais voluptueusement la mielleuse odeur des colzas (Gide). coma [kɔma] n. m. (gr. médic. kôma, -atos, sommeil profond ; 1658, Thévenin). État morbide caractérisé par un assoupissement profond, une abolition de l’intelligence, de la sensibilité et du mouvement volontaire, et qui ne laisse subsister que les fonctions respiratoires et circulatoires : Tu as l’air de sortir du coma (Duhamel). comandant [komɑ̃dɑ̃] n. m. (de co- et de mandant ; 1878, Larousse). Personne qui, avec une ou plusieurs autres, donne à quelqu’un mandat de faire quelque chose. comateux, euse [kɔmatø, -øz] adj. (de coma ; 1616, J. Duval). 1. Qui a rapport au coma : Cet état que les physiologistes appellent l’état comateux (Villiers de L’Isle-Adam). ∥ 2. Qui produit le coma : Une fièvre comateuse. % adj. et n. Se dit d’une personne plongée dans le coma : Un malade comateux. Un comateux. combat [kɔ̃ba] n. m. (déverbal de combattre ; début du XVIe s., aux sens 1, 4, 6, 7 ; sens 2, 1671, Pomey ; sens 3, 1866, Larousse ; sens 5, 1538, R. Estienne). 1. Lutte engagée entre deux ou plusieurs adversaires, ou entre deux groupes d’adversaires, avec les armes dont ils disposent : Soutenir le combat. La rage du combat gonfle encor leurs narines (Leconte de Lisle). ∥ Spécialem. Phase active, et limitée dans l’espace et dans le temps, d’une guerre, d’une bataille : Combat naval, aérien, terrestre. Les guerres, les combats n’ont été que les éclats d’une rivalité permanente (Bainville). ∥ Hors de combat, dans l’incapacité de continuer à se battre ; dans la situation de vaincu. ∥ Combat singulier, duel. ∥ Combat judiciaire, au Moyen Âge, combat singulier, autorisé par le juge, entre l’accusateur et l’accusé, et dont le vainqueur était censé avoir le bon droit pour lui. ∥ Combat à outrance, combat qui ne devait se terminer que par la mort d’un des deux adversaires, à moins qu’il ne demandât merci. (Se disait par opposition à combat à plaisance, combat où les adversaires s’affrontaient pour le divertissement du public.) ∥ Poét. et vx. Les combats, la guerre : Le dieu que nous servons est le Dieu des combats (Racine). ∥ 2. Lutte où deux adversaires, autrefois dans les jeux du cirque ou les jeux publics, aujourd’hui dans les exercices sportifs, s’affrontent selon certaines règles, pour vaincre ou pour remporter un prix, un trophée : Combat de gladiateurs, d’athlètes. Combat de boxe. ∥ 3. Lutte d’animaux spécialement dressés : Combats de coqs. ∥ 4. Fig. et littér. Opposition, violente ou non, des éléments, des forces naturelles : Aveugle qui ne voit dans les destins du monde | Que le combat des flots sous la lutte des vents (Hugo). L’âme, sous le poids du corps revêche et lourd, | Imite les combats de la lampe et du jour (Baudelaire). ∥ 5. Fig. Lutte, opposition dans le domaine de l’esprit : Ils font des combats de paroles où les discours sont comme des charges de cavalerie (Balzac). Ces jeux et ces combats de l’esprit l’occupèrent tout l’hiver (Rolland). ∥ Assaut d’émulation, effort pour surpasser quelqu’un en quelque matière : Combat de générosité, de galanterie. ∥ 6. Fig. Lutte de l’homme, menée surtout avec des moyens intellectuels ou moraux, contre les obstacles de tous ordres : La vie est un combat. Ensuite le grand combat, la rupture avec la famille, qui, sauf sa mère, le considère comme un apostat, comme un traître (Arnoux). ∥ Mener le bon combat, lutter pour faire triompher les idées que l’on croit seules bonnes. ∥ 7. Fig. et littér. Opposition de forces morales : Le combat de la vérité contre l’erreur. • SYN. : 1 action, assaut, baroud (arg. mil.), bataille, échauffourée, engagement, escarmouche, mêlée ; 2 match, partie, rencontre ; 4 déchaînement, fureur, lutte ; 5 duel, joute, rivalité. combatif, ive [kɔ̃batif, -iv] adj. (de combattre ; 1898, Larousse). 1. Qui aime le combat, n’hésite pas à engager une lutte : Un enfant, un jeune homme combatif. ∥ 2. Porté à la lutte : Esprit, caractère combatif. Il était de tempérament extraordinairement combatif ; par générosité, grand redresseur de torts (Gide). Les hommes [...] réclament [la paix] dès qu’elle est compromise [...]. Mais leur intolérance réciproque, leur instinct combatif la rendent précaire dès qu’ils l’ont (Martin du Gard). ∥ 3. Qui témoigne d’un goût marqué pour la lutte, agressif : Elle [Lulu] se tenait droite, en secouant ses boucles brunes d’un air combatif, et ses yeux lançaient des éclairs (Sartre). • REM. On a écrit aussi COMBATTIF. • SYN. : 1 et 3 agressif, belliqueux, guerrier ; 2 bagarreur (fam.), batailleur. combativité [kɔ̃bativite] n. f. (de combattre ; 7 mai 1839, Journ. des débats). Goût, disposition qui porte quelqu’un à combattre, à lutter : La combativité est, à ses yeux, la preuve même de son existence (Goncourt). Alonzo bondit, ainsi qu’un tigre honoraire qui retrouve une étincelle de forme et de combativité, sur la proie allongée au point d’eau (Arnoux). • REM. On a écrit aussi COMBATTIVITÉ. • SYN. : agressivité, mordant, pétulance. — CONTR. : calme, indolence, placidité. 1. combattant, e [kɔ̃batɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de combattre ; 1832, Raymond). Qui combat : Unité combattante. 2. combattant [kɔ̃batɑ̃] n. m. (part. prés. substantivé de combattre ; 1080, Chanson de Roland, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1740, Acad. ; sens I, 3, 1680, Richelet ; sens II, 1, XXe s. ; sens II, 2, 1803, Boiste). I. 1. Personne qui prend part à un combat : Quel que soit le vainqueur, malheur aux combattants ! (Lamartine). Vous êtes celui d’entre nos chefs qui, parti devant six mille hommes pour la guerre, l’avez achevée à la tête de trois millions de combattants (Valéry). ∥ Les anciens downloadModeText.vue.download 71 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 785 combattants, ceux qui ont combattu dans l’une des deux guerres mondiales. ∥ Spécialem. Soldat qui prend une part active aux combats, par opposition à non-combattant. ∥ 2. Celui qui lutte pour être vainqueur dans un tournoi, un exercice sportif, un jeu : Joutes, castilles [...] font tour à tour briller la vaillance, la force et l’adresse des combattants (Chateaubriand). ∥ 3. Celui qui en vient aux mains dans une querelle. II. 1. Petit poisson d’ornement, originaire d’Indo-Malaisie, de couleurs vives et d’un caractère très combatif. ∥ 2. Oiseau échassier dont les mâles font des parades amoureuses collectives qui prennent des allures de combat. • SYN. : I, 1 guerrier, soldat ; 2 champion, compétiteur, concurrent, rival ; 3 adversaire, antagoniste. combattre [kɔ̃batr] v. tr. (lat. pop. *combattere, lat. de basse époque combattuere, de cum, avec, et du lat. fam. battuere, battre [v. BATTRE] ; XIIe s., au sens 1 ; sens 2-3, 1636, Monet). [Conj. 48.] 1. Faire usage, contre un adversaire, des armes matérielles dont on dispose : Vous aimiez votre patrie même en la combattant (France). Combattre les bêtes féroces. ∥ Spécialem. Faire la guerre à : Rome combattit les Barbares. ∥ 2. Fig. S’opposer fortement à quelqu’un ou à quelque chose pour en triompher : On s’écrie : « Oh ! si je n’étais pas voluptueux ! » — croyant n’avoir que ce vice à combattre (Sainte-Beuve). Combattre ses passions, l’hérésie. ∥ Manifester une vive opposition à : Combattre le gouvernement. Le pasteur combattit en vain cette résolution (Sand). Ces grands desseins [...] combattus par un grand nombre de Français, mal soutenus par ceux-là mêmes qui les avaient formés, furent rompus en un jour (France). ∥ 3. Fig. Prendre des mesures énergiques pour venir à bout d’un mal quelconque : La crainte nous conduit à combattre la maladie par le régime et les remèdes (Alain). Combattre le froid, l’humidité. • SYN. : 1 batailler contre, se battre contre ; 2 se dresser contre, s’élever contre, lutter contre, résister à ; 3 maîtriser, surmonter. % v. intr. et tr. ind. [contre, pour] (sens 1 et 3, 1080, Chanson de Roland ; sens 2, 1740, Acad.). 1. Livrer un ou des combats : De quel droit viens-tu dans l’arène juger sans avoir combattu ? (Hugo). Il disait aussi les moeurs des grands lions de l’Atlas, leur façon de combattre (Daudet). ∥ Spécialem. Se battre, faire la guerre : Combattre à l’arme blanche. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a combattu sur mer. ∥ Combattre contre, livrer bataille à (au pr. et au fig.) : Les Anglais ne cessèrent de combattre contre Napoléon que lorsqu’il fut abattu. Toute sa vie, il a combattu contre les préjugés. ∥ Combattre pour, lutter en faveur de : Combattre pour la liberté. ∥ 2. Fig. Lutter, faire des efforts pour surpasser quelqu’un en quelque matière : Les deux hommes combattaient de générosité. ∥ 3. Fig. Se donner beaucoup de mal pour faire triompher son point de vue : Rose eut à combattre pour que toute la famille fût du cortège qui se rendrait à la gare au-devant des fiancés (Zola). combe [kɔ̃b] n. f. (gaulois *cumba, vallée ; v. 1160, Moniage Guillaume). 1. Dépression aux flancs abrupts, que l’érosion creuse dans la voûte d’un pli du relief en saillie. ∥ 2. Petite vallée ou, parfois, simple repli de terrain : Dans les ravins, les combes, les lieux abrités, on sentait, malgré le brouillard, la première chaleur du soleil (R. Bazin). combette [kɔ̃bɛt] n. f. (de combe ; 1615, E. Binet). Petite combe. combien [kɔ̃bjɛ̃] adv. (de l’anc. adv. com [v. COMME] et de bien ; début du XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne). I. MODIFIANT UN VERBE, UN ADJECTIF, UN PARTICIPE PASSÉ, UN ADVERBE. 1. En emploi interrogatif ou exclamatif, exprime la quantité, l’intensité, et signifie « quel prix », « à quel point », « à quel degré » : Combien coûte ce livre ? Voyez, songez combien les choses valent peu (Leconte de Lisle). Ces paroles [...] prouvaient combien elle était occupée de mon avenir (Balzac). ∥ 2. Ô combien, très, extrêmement (s’intercale dans la phrase tantôt avant, tantôt après l’adjectif, l’adverbe ou le verbe qu’il modifie) : Nous avons regretté, ô combien ! votre absence. Il eût été ô combien plus sage de ne pas vous lancer dans cette entreprise. II. EMPLOYÉ AVEC UN NOM OU ABSOLUMENT. 1. Suivi de la préposition de et d’un nom, dans des phrases interrogatives, signifie « quel nombre de », « quelle quantité de » : Combien d’invités sommes-nous ? Combien d’argent vous faut-il ? ∥ Ellipt. S’emploie pour combien de : Combien sont-ils (= combien d’hommes, etc.) ? À combien vous revient votre villa (= combien d’argent) ? Depuis combien ne nous sommes-nous pas vus (= combien de temps) ? ∥ 2. Dans les phrases exclamatives signifie « quel nombre important, considérable de » : Combien de siècles se sont écoulés avant que les hommes, dans les sciences et dans les arts, aient pu revenir au goût des Anciens ! (La Bruyère). % n. m. invar. (1807, J.-F. Michel). Fam. Précédé de l’article défini, indique le rang : Le combien êtes-vous ? ; la date : Le combien sommes-nous aujourd’hui ? ; la fréquence : Cette cérémonie revient tous les combien ? • REM. 1. Le syntagme formé par combien de et un nom au pluriel est traité, pour l’accord, comme un pluriel : Combien d’exploits célèbres | Sont demeurés sans gloire ! (Corneille). Combien de roses m’at-il cueillies ? (mais : Combien a-t-il cueilli de roses ?). Lorsque combien est employé absolument, l’accord se fait avec le nom sous-entendu : Combien sont venus ? 2. Lorsque combien est employé absolument comme complément, l’accord peut se faire si combien précède le pronom en : Combien en a-t-on vus, | Qui du soir au matin sont pauvres devenus ! (La Fontaine). Ce sont vos lettres qui m’ont grisée ! Ah ! songez combien depuis un mois vous m’en avez écrites (Rostand). combientième [kɔ̃bjɛ̃tjɛm] adj. et pron. (de combien, sur le modèle des adj. ordinaux comme vingtième, trentième, etc. ; XXe s.). Très fam. Qui est à quel rang : C’est le combientième étage, ici ? Il est arrivé le combientième dans cette épreuve ? combinable [kɔ̃binab] adj. (de combiner ; 1787, Féraud). Susceptible d’être combiné : Il garde une confiance remarquable à l’esprit encyclopédiste et n’a peut-être pas perdu les grands espoirs que l’on avait eus, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, de réduire la connaissance de l’homme à un système fini de lois précises, nettement écrites et logiquement combinables (Valéry). combinaison [kɔ̃binɛzɔ̃] n. f. (de combiner, d’après le bas lat. combinatio, assemblage [d’où combination, du XIVe au XVIIe s.] ; 1690, Furetière, aux sens I, 1 et 3 ; sens I, 2, 1671, Quatroux ; sens I, 4, 1763, Voltaire [combinaison ministérielle, 1845, Bescherelle] ; sens I, 5, XXe s. ; sens II, 1, 1895, Bonnafé, sur le modèle de l’angl. combination, « vêtement qui en combine deux » ; sens II, 2, 1929, Larousse). I.1.Assemblage, arrangement, suivant un certain ordre, de deux ou de plusieurs éléments : Pendant plus de soixante années, cet homme extraordinaire est à l’ouvrage tous les jours de cinq heures à midi ! Il ne cesse de provoquer les combinaisons du langage, de les vouloir, de les attendre, et de les entendre lui répondre (Valéry). La nature ne possède-t-elle pas des milliards de combinaisons de nez, de cheveux, d’yeux ? (Arnoux). ∥ 2. En chimie, union de plusieurs corps simples donnant un corps composé : Les combinaisons chimiques sont souvent facilitées par la présence d’un catalyseur. ∥ Le corps composé ainsi formé : L’eau est une combinaison d’hydrogène et d’oxygène. ∥ 3. Fig. Rencontre, interférence fortuite ou voulue de faits, d’événements, de sentiments : Le roman rendra-t-il jamais l’effet des combinaisons bizarres de la vie ? (Nerval). Dans ces états de résonance intellectuelle qui suivent et prolongent un entretien où l’on s’est intéressé, il se produit en nous une infinité de combinaisons des idées qui furent émises et non point épuisées (Valéry). Il doit y avoir en nous une combinaison exceptionnelle d’orgueil, de violence, d’obstination, je ne sais comment dire (Martin du Gard). ∥ 4. Fig. Mesures concertées que l’on prend pour asdownloadModeText.vue.download 72 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 786 surer le succès d’une entreprise : Le temps qui se passa dans leurs combinaisons d’avenir [...] fut pour Mme de Campvallon le moment le plus doux de sa vie (Feuillet). ∥ Combinaison ministérielle, dosage, selon les appartenances politiques, des différentes personnalités appelées à composer un ministère. ∥ Péjor. Accords, arrangements plus ou moins intéressés : L’habileté, l’intrigue, les combinaisons, la « politique » dans le sens le plus décrié du mot (Bainville). ∥ 5. Agencement mécanique intérieur d’un coffre ou d’une serrure, qui exige certaines manipulations déterminées à l’avance pour permettre l’ouverture de la serrure. II.1.Sous-vêtement de lingerie porté par les femmes : Une combinaison de crêpe de Chine. ∥ 2. Vêtement de travail d’une seule pièce, qui enveloppe le corps et les membres : Il portait une combinaison d’aviateur en toile bleue (Martin du Gard). Engoncé dans sa combinaison, casqué de cuir, les lunettes relevées sur le front, il semblait un scaphandrier de l’air (Kessel). • SYN. : I, 1 agencement, groupement ; 3 alliage, alliance, amalgame, association, concours, conjonction, mélange, réunion ; 4 calcul, combine (pop.), cuisine (pop.), machination, manigance, manoeuvre, menées, plan, projet, tractations. ∥ II, 2 bleu, cotte, salopette. combinard, e [kɔ̃binar, -ard] n. et adj. (de combine ; 1920, Bauche). Pop. et péjor. Personne habile et généralement peu scrupuleuse dans le choix des moyens propres à servir ses intérêts : Un Legoubin complètement inconnu, opportuniste et combinard, mais agressif dans l’opportunisme et cynique dans la combinaison (Duhamel). • SYN. : astucieux, débrouillard, habile, intrigant, inventif, madré, malin, roublard, roué, rusé. — CONTR. : honnête, naïf, niais, scrupuleux. combinat [kɔ̃bina] n. m. (mot russe formé sur le radical de combiner ; 1949, Larousse). En U. R. S. S., ensemble d’établissements dont les activités sont solidaires et qui, groupés sur un territoire déterminé, forment une unité industrielle. combinateur [kɔ̃binatoer] n. m. (de combiner ; début du XVIIIe s., Saint-Simon, au sens de « personne qui combine » ; sens 1, 1907, Larousse ; sens 2, 1929, Larousse). 1. Appareil destiné à régler la marche des véhicules électriques en combinant les circuits des moteurs. ∥ 2. Dans les chemins de fer, dispositif qui réalise mécaniquement les opérations nécessaires pour commander à distance les signaux et les aiguillages. combinatoire [kɔ̃binatwar] adj. (de combiner ; 1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Qui a rapport aux combinaisons : Il y en avait pour qui l’audition colorée et l’art combinatoire des allitérations paraissaient ne plus avoir de secrets ; ils transposaient délibérément les timbres de l’orchestre dans leurs vers : ils ne s’abusaient pas toujours (Valéry). ∥ Analyse combinatoire, domaine des mathématiques où l’on traite des groupes finis d’éléments engendrés par certaines opérations ou par la combinaison de certaines opérations. ∥ 2. Spécialem. En linguistique, se dit du changement d’un élément résultant de la présence d’un autre élément qui le conditionne. % n. f. (1732, Trévoux, au sens de « méthode qui consiste à combiner les idées humaines de façon à résoudre toutes les questions possibles » ; sens actuel, milieu du XXe s.). Ensemble de contraintes linguistiques qui déterminent les combinaisons des éléments constitutifs d’un énoncé. combine [kɔ̃bin] n. f. (abrév. de combinaison ; 1906, au sens I, et 1917, au sens II, G. Esnault). I. Pop. et péjor. Combinaison, moyen habile, mais souvent peu scrupuleux, pour arriver à ses fins : Des intérêts industriels, des compétitions de marchés, des combines de politiciens et d’hommes d’affaires, l’insatiable cupidité des classes dirigeantes de tous les pays ! (Martin du Gard). Nous nous sommes séparés sur des paroles pacifiantes, des paroles que du moins il voulait telles et qui puaient affreusement la petite combine (Duhamel). Chercher des combines pour couper aux corvées (Romains). Ce pays où la combine même règne avec nonchalance (Malraux). ∥ Pop. Être dans la combine, être au courant d’une affaire qui se trame, y participer. II. Pop. Combinaison de femme. combiné, e [kɔ̃bine] adj. (part. passé de combiner ; 1752, Trévoux). Dans le langage militaire, se dit d’une opération qui inté- resse simultanément plusieurs armées ou plusieurs armes : Des opérations combinées de la flotte et de l’aviation. % combiné n. m. (1742 [d’après Trévoux, 1752], au sens de « corps résultant de la combinaison de plusieurs substances » ; sens actuels, XXe s.). 1. Ensemble résultant d’une combinaison : Le combiné fer-charbon de la Sarre et de la Lorraine. ∥ 2. Appareil téléphonique réunissant l’écouteur et le microphone et permettant de parler tout en écoutant. ∥ 3. Appareil présentant à la fois les caractéristiques de l’avion et celles de l’hélicoptère. ∥ 4. Sous-vêtement féminin réunissant en une seule pièce la gaine et le soutien-gorge. ∥ 5. Épreuve réunissant plusieurs spécialités d’un sport. combiner [kɔ̃bine] v. tr. (bas lat. combinare, unir deux choses ensemble, de cum, avec, et bini, deux par deux ; XIIIe s., Roman de Renart, au sens de « se tenir à deux » ; sens 1, v. 1361, Oresme ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1762, Acad. ; sens 4, fin du XVIIIe s., Gohin). 1. Assembler, disposer dans un certain ordre deux ou plusieurs éléments : Combiner des couleurs. ∥ 2. Joindre, associer d’une certaine manière plusieurs choses en vue d’obtenir un résultat précis : Quand on se marie, il faut unir les convenances, combiner les fortunes (Maupassant). Tandis que mon père peinait à son tableau noir, en train de combiner ses formules, la foudre serait tombée sur la maison sans qu’il y prît garde (Bourget). Les traités de Westphalie comprenaient quatre éléments essentiels harmonieusement combinés (Bainville). ∥ 3. Produire la combinaison de deux ou plusieurs corps, de façon à en obtenir un nouveau : Combiner une base avec un acide. ∥ 4. Fig. Préparer, organiser quelque chose dans ses moindres détails, souvent d’une façon habile ou astucieuse : J’ai deux ou trois plans de conduite à vous offrir, tous assez bien combinés (Stendhal). Oh ! tout ce qu’elle avait rêvé, combiné, préparé, pendant des mois, pour ce retour (Maupassant). • SYN. : 1 arranger, grouper ; 2 agencer, assortir, doser, harmoniser ; 4 calculer, élaborer, goupiller (pop.), machiner, manigancer (fam.), méditer, ourdir, tramer. % se combiner v. pr. 1. Se disposer, s’arranger harmonieusement (au pr. et au fig.) : Tout se combinait avec ma rêverie (Hugo). ∥ 2. En parlant de corps chimiques, former un composé stable. combineur, euse [kɔ̃binoer, -øz] n. et adj. (de combiner ; 1888, Daudet). 1. Péjor. Personne qui combine (vieilli) : Une incertitude délicieuse pour les rêveurs et les combineurs d’affaires (Daudet). ∥ 2. Péjor. Qui cherche des combines (vieilli) : Débineurs, combineurs, comme dans la plus sale garnison du temps de paix (Romains). combisme [kɔ̃bism] n. m. (de Combes, n. pr. ; début du XXe s.). Ensemble des idées et des tendances politiques d’É. Combes, président du Conseil de 1902 à 1905, notamment à propos des relations de l’Église et de l’État : À peine eût-elle signifié quelque chose au temps révolu du combisme (Bernanos). comblanchien [kɔ̃blɑ̃ʃjɛ̃] n. m. (n. d’une commune de la Côte-d’Or ; milieu du XXe s.). Calcaire très dur, prenant un aspect poli, utilisé pour faire des revêtements et des dallages. 1. comble [kɔ̃bl] n. m. (lat. cumulus, monceau, confondu en lat. pop. avec culmen, sommet ; XIIe s., aux sens I, 1-2 et II, 3 ; sens II, 1-2, XIIIe s., Villard de Honnecourt). I. 1. Vx. Ce qui peut tenir au-dessus des bords d’une mesure déjà pleine : La mesure de blé est au comble. ∥ 2. Fig. Ce qui dépasse la mesure, apporte un surcroît, un excès de : Les rires étouffés qu’il entendownloadModeText.vue.download 73 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 787 dit dans l’antichambre mirent le comble à sa confusion (Balzac). ∥ C’est le comble, ou C’est un comble !, on ne peut imaginer chose pareille : Vous m’avouerez que si un des nôtres était refusé au Jockey, et surtout Robert, dont le père y a été pendant dix ans président, ce serait un comble (Proust). ∥ Pour comble, ou pour comble de malheur, par excès de malheur, pour couronner le tout : Pour comble, il se trouvait dans un coin une sorte de mort assez blême (Alain). II. 1. Ouvrage de charpente qui, au-dessus du bâtiment proprement dit, soutient la couverture d’un édifice. ∥ 2. Par extens. Ensemble constitué par la charpente et la couverture : Enfin, sous les combles, se trouvaient encore trois bonnes pièces lambrissées, où l’on ne pénétrait, malheureusement, qu’en traversant le grenier (Duhamel). ∥ Dans le langage courant, le faîte d’un bâtiment, le haut du toit : La cigogne blanche s’établit sur les combles des édifices (Buffon). Sur le comble aucune fumée (Gautier). ∥ 3. Fig. Le degré qui ne peut être dépassé, le point culminant : Des valets de chambre vêtus avec ce qui me semblait alors le comble de la magnificence (Stendhal). Peut-être éprouvé-je un peu moins que naguère, pour pousser mon émotion à son comble, le besoin de la dépayser (Gide). ∥ Au comble de, au sommet, au faîte de : Tout le monde le croyait déjà au comble de la faveur (Stendhal). • SYN. : I, 1 surplus, trop-plein. ∥ II, 3 apogée, faîte, maximum, pinacle, summum. % De fond en comble loc. adv. (XVIe s.). 1. De la cave au grenier, de haut en bas : Les enfants auraient, à ce moment, démoli le gymnase de fond en comble que je ne m’en fusse pas aperçu (Daudet). ∥ 2. Fig. Entièrement : Vous avez détruit de fond en comble la confiance que j’avais en vous. % combles n. m. pl. (1866, Larousse). Logements situés immédiatement sous le toit d’un édifice : Au second, habitait une sage-femme, au troisième, une couturière et une manucure, dans les combles, deux cochers avec leurs familles (Maupassant). 2. comble [kɔ̃bl] adj. (de combler ; XIIe s., au sens 1 [la mesure est comble, 1690, Furetière] ; sens 2, 1835, Acad.). 1. Se dit d’un récipient rempli au point de déborder : Un boisseau de seigle comble. ∥ Fig. La mesure est comble, cela dépasse les bornes, il est impossible d’en supporter davantage. ∥ 2. Se dit d’un local, d’un lieu fermé rempli de personnes au point qu’il ne pourrait en tenir davantage : Dans le train comble, surchauffé, il regretta d’avoir mis sa jaquette (Mauriac). ∥ Faire salle comble, en parlant d’un spectacle, d’un artiste, attirer assez de spectateurs pour remplir la salle. • SYN. : 2 bondé, bourré (fam.), complet. comblé, e [kɔ̃ble] adj. (part. passé de combler). Qui a reçu en abondance les biens de ce monde : Qui de vous, parmi les plus comblés, n’a subi l’ennui ? (Sainte-Beuve). Il faut pardonner aux femmes... Même les plus comblées en apparence méritent notre pitié (Mauriac). comblement [kɔ̃bləmɑ̃] n. m. (de com- comblement [kɔ̃bləmɑ̃] n. m. (de combler ; 1560, Ronsard). Action de combler : Le comblement d’une tranchée. combler [kɔ̃ble] v. tr. (lat. cumulare, amonceler, de cumulus [v. COMBLE] ; fin du XIe s., Chanson de Guillaume, au sens 1 ; sens 2, XIIIe s. ; sens 3, 1835, Acad. ; sens 4, 1564, J. Thierry ; sens 5, 1740, Acad.). 1. Vx ou littér. Remplir une mesure, un récipient jusqu’aux bords : Combler un boisseau d’avoine. Il était minuit. On avait plusieurs fois comblé le poêle. Pierre prenait racine (Morand). ∥ Fig. Combler la mesure, aller au-delà des limites supportables, provoquer l’irritation, la colère. ∥ 2. Remplir un creux pour le faire disparaître : Combler un fossé, un souterrain. ∥ 3. Fig. Combler un vide, un manque, une lacune, y remédier : Ce mot [...] ouvrit entre ces deux femmes des abîmes que rien ne pouvait combler désormais (Balzac). Seuls les apostrophes et les monologues de la Méhoul comblaient les lourds silences des autres convives (Aymé). Recourir à de nouveaux impôts pour combler le déficit budgétaire. ∥ 4. Class. Combler quelqu’un de (avec un complément désignant un bien ou un mal),lui donner une chose à profusion : Horace, comblé tout ensemble et d’honneur pour avoir vaincu les Curiaces et de honte pour avoir tué sa soeur (Bossuet) ; ou l’en accabler : J’étais lasse d’un trône où d’éternels malheurs | Me comblaient chaque jour de nouvelles douleurs (Corneille). ∥ Auj., ne s’emploie plus que pour les choses heureuses : Je quittai Coron [...] comblé des politesses et des attentions de M. Vial (Chateaubriand). ∥ 5. Fig. Satisfaire pleinement : Combler les aspirations, les voeux, les espérances de quelqu’un. ∥ Combler quelqu’un, le rendre pleinement heureux : J’étais comblé intérieurement de sa parole (Sainte-Beuve). • SYN. : 1 bourrer ; 2 boucher, colmater, obturer, remblayer ; 5 contenter, exaucer. combrière [kɔ̃brijɛr] n. f. (provenç. coumbriero, de couloumar, précipiter, gr. kolumbân, plonger, s’enfoncer ; 1681, Pardessus). Filet servant à prendre certains gros poissons, et spécialement le thon. comburant, e [kɔ̃byrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. comburens, part. prés. de comburere, brûler entièrement ; 1789, Lavoisier). Se dit d’un corps qui, par combinaison avec un autre, amène la combustion de ce dernier : L’oxygène est comburant, mais non combustible. % comburant n. m. (1845, Bescherelle). Corps comburant : Pour la propulsion des engins en dehors de l’atmosphère, le comburant est parfois intégré au carburant. combustibilité [kɔ̃bystibilite] n. f. (de combustible ; XVIe s.). Propriété d’un corps qui peut brûler : La grande combustibilité du bois de pin. combustible [kɔ̃bystibl] adj. (de combustion ; v. 1380, Conty). Qui a la propriété de brûler : Le papier est très combustible. % n. m. (sens 1, 1793, Wechssler ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Matière dont la combustion produit de l’énergie calorifique : Combustibles végétaux, minéraux. L’anthracite est un excellent combustible. ∥ 2. Élément capable de dégager de l’énergie par fission ou fusion nucléaires. combustion [kɔ̃bystjɔ̃] n. f. (bas lat. combustio, combustion, de combustum, supin de comburere [v. COMBURANT] ; XIIe s., Vie de saint Evroult, au sens 1 ; sens 2, 1625, Stoer ; sens 3, fin du XVIIIe s. ; sens 4, 1567, Amyot). 1. Le fait de se consumer par le feu : Le charbon de bois est obtenu par la combustion lente et incomplète du bois. ∥ 2. Vx. Action de brûler complètement quelqu’un ou quelque chose : La combustion des morts était pratiquée chez les Anciens. ∥ 3. En chimie, ensemble des phénomènes qui se produisent lorsqu’un corps se combine avec l’oxygène : La respiration est un phénomène plus compliqué que la simple combustion. L’oxydation est une véritable combustion. ∥ 4. Class. et fig. Discorde amenant le trouble, l’anarchie : Dites-moi un peu quelle est la cause, le sujet de votre combustion ? (Molière). • SYN. : 1 brûlage, ignition ; 2 incinération. comédie [kɔmedi] n. f. (lat. comoedia, comédie, pièce de théâtre, gr. kômôidia, comédie ; v. 1361, Oresme, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1661, Molière ; sens I, 3, 1667, Miege ; sens I, 4, 1835, Acad. ; sens I, 5, 1694, Acad. ; sens II, 1 et 2, milieu du XVIe s., Jodelle ; sens II, 3, 1663, Molière). I. 1. Class. et littér. Toute pièce de théâtre, à quelque genre qu’elle appartienne, et, par extens., le théâtre, l’art dramatique : Racine a fait une comédie qui s’appelle « Bajazet » (Sévigné). Le marquis [...] jugea à propos de se dire tout à coup fort épris du théâtre et bon juge en matière de comédie (Gautier). ∥ 2. Class. et littér. La représentation d’une pièce, le spectacle donné au théâtre : Et j’ai maudit cent fois cette innocente envie | Qui m’a pris, à dîner, de voir la comédie (Molière). Donner la comédie. ∥ Jouer la comédie, prendre part, en tant qu’acteur, à une représentation théâtrale ; au fig., manifester ostensiblement des sentiments qu’on ne ressent pas : Jouer avec les croyances les plus respectables une odieuse comédie (Renan). Lagrappe dégringola de son lit, ébouriffé, furieux, jouant à merveille la comédie de l’indignation (Courteline). ∥ Class. et fig. Donner la comédie, se donner en spectacle, se faire remarquer par une conduite extravagante ou ridicule : Je downloadModeText.vue.download 74 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 788 vous dirai tout franc que cette maladie, | Partout où vous allez, donne la comédie (Molière). ∥ 3. Class. L’édifice, l’endroit où sont jouées les pièces : Je m’offre à vous mener l’un de ces jours à la comédie, si vous voulez (Molière). ∥ Portier de comédie, celui qui faisait payer à l’entrée du théâtre, et, par extens., celui qui ne laisse entrer quelque part qu’en faisant payer : J’étais un franc portier de comédie [...]. On n’entrait pas chez nous sans graisser le marteau (Racine). ∥ Auj. La ComédieFrançaise, le Théâtre-Français, à Paris. ∥ 4. Vx. La troupe des comédiens : Toute la comédie paraît dans la cérémonie du « Malade imaginaire ». ∥ 5. Fig. Manifestation hypocrite de sentiments qu’on n’éprouve pas réellement : Vous voulez me faire croire que vous vous intéressez à moi, mais je ne suis point dupe de vos comédies (Alain). Veux-tu que je te dise, mon ami ; tout cela, c’est de la comédie (Gide). ∥ 6. Fig. et fam. Comportement volontairement et ostensiblement désagréable, surtout en parlant des enfants : Cesse tes comédies ! ∥ 7. Fam. Manoeuvres compliquées et agaçantes, nécessitées par certaines circonstances : Quelle comédie pour garer sa voiture dans ce quartier ! II. 1. Pièce destinée à provoquer le rire, par la présentation satirique des situations, des moeurs, des caractères, etc. (s’oppose à tragédie) : Les comédies d’Aristophane, de Molière. ∥ 2. Le genre comique : Que préférez-vous, la tragédie ou la comédie ? La comédie d’intrigue, de moeurs, de caractère. ∥ La comédie italienne, genre bouffon qui met en scène les types traditionnels du théâtre italien (Cassandre, Arlequin, Colombine, etc.). ∥ La comédie larmoyante, comédie moralisante et émouvante, en vogue au XVIIIe s. ∥ Comédie musicale, spectacle qui associe la musique, le chant, la danse et la prose, en vogue aux États-Unis et en Grande-Bretagne dès la fin du XIXe s. ∥ 3. Fig. Ensemble d’actions, de faits qui provoquent le rire : Ma vie est là pourtant [...], | Comédie et roman, faux rires, faux sanglots (Samain). • SYN. : I, 5 feinte, grimace, simagrées, singerie ; 6 scène, sérénade (fam.), vie (fam.) ; 7 histoire (fam.). comédien, enne [kɔmedjɛ̃, -ɛn] n. (de comédie ; v. 1500, J. d’Auton, au sens 1 ; sens 2, 1663, Molière ; sens 3, 1696, Bayle ; sens 4, début du XVIIe s., Montchal ; sens 5, 1673, Molière). 1. Personne dont la profession est d’interpréter des rôles à la scène, au cinéma, à la radio, à la télévision : Des comédiens ambulants. En lui, pour le compléter jusqu’au type, j’ai résumé tout ce que je savais sur les comédiens, leurs manies, leurs difficultés à reprendre pied dans l’existence en sortant de scène, à garder une individualité sous tant de changeantes défroques (Daudet). Pauvres comédiens qui, le long du coteau, emportez au soleil Marivaux et Racine (Bainville). Vous êtes une trop bonne comédienne pour vous en aller ailleurs (Duhamel). ∥ Les Comédiensfrançais la troupe de la Comédie-Française. ∥ 2. Spécialem. Acteur comique (par opposition à tragédien) : Cet acteur excelle aussi bien dans les rôles de tragédien que dans ceux de comédien. ∥ 3. Littér. Auteur dramatique : Je trouve à Stendhal le mouvement, le feu, les réflexes rapides, le ton rebondissant ; l’honnête cynisme des Diderot et des Beaumarchais, ces comédiens admirables (Valéry). ∥ 4. Fig. et péjor. Personne aimant se donner en spectacle, se plaisant aux attitudes, aux gestes théâtraux : À peine se demandait-elle comment, si réservée, si discrète, elle avait pu entrer dans une pareille famille de comédiens, drapés de phrases, débordants de gestes (Daudet). ∥ 5. Fig. et péjor. Personne qui se compose un personnage, qui feint des sentiments qu’elle n’éprouve pas : Il est rare qu’un homme soit lancé dans la bataille des idées sans vite devenir le comédien de ses premières sincérités (Bourget). • SYN. : 1 acteur, artiste ; 3 dramaturge ; 4 cabotin (fam.) ; 5 tartufe. % adj. (1687, Fénelon). 1. Apte à feindre, à simuler : Louis XIV n’était à aucun degré comédien. Il n’avait point de masque à ôter (Sainte-Beuve). ∥ 2. Littér. Qui est composé, artificiel : Ces manières moqueuses et comédiennes ont quelque chose de bas (Fénelon). Une gentillesse à la longue comédienne, nerveuse (Goncourt). comédon [kɔmedɔ̃] n. m. (lat. comedo, mangeur, de comedere, manger [on croyait que les cylindres de matière sébacée étaient des vers qui mangeaient la peau] ; milieu du XIXe s.). Petit cylindre de matière sébacée, appelé communément « point noir », qui obture certains pores de la peau. comestibilité [kɔmɛstibilite] n. f. (de comestible ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Qualité de ce qui est comestible. comestible [kɔmɛstibl] adj. (dér. savant du lat. comestus, part. passé de comedere, manger ; v. 1380, Conty). Qui peut servir d’aliment à l’homme : Ce champignon n’est pas comestible. Une denrée comestible. • SYN. : consommable, mangeable. — CONTR. : immangeable. % comestibles n. m. pl. (1787, Féraud). Tous les aliments de l’homme : Un panier rempli de comestibles variés. Pendant sa grossesse, ma femme a eu des envies ruineuses... Bref, je dois quinze cents francs à un marchand de comestibles qui me poursuit (Labiche). cométaire [kɔmetɛr] adj. (de comète ; 1778, Buffon). Qui a rapport aux comètes : Les observations cométaires. comète [kɔmɛt] n. f. (lat. cometa, du gr. komêtês, proprem. « [astre] chevelu », de komê, chevelure ; v. 1138, Gaimar [parfois masc. du XVIe s. au XVIIIe s.], au sens 1 [tirer des plans sur la comète, 1907, Larousse] ; sens 2, 1752, Trévoux ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1803, Boiste ; sens 5, 1890, Dict. général ; sens 6, 1878, G. Esnault). 1. Astre d’aspect nébuleux, qui décrit autour du Soleil une ellipse très allongée et qui est souvent accompagné d’un appendice lumineux, appelé « queue » : Les cheveux s’allongent en arrière, comme les rayons d’une lointaine comète (Vigny). ∥ Fig. et fam. Tirer des plans sur la comète, chercher à atteindre ses fins malgré des moyens réduits, par des voies ingénieuses, mais risquées ou illusoires. ∥ 2. Fusée à queue lumineuse. ∥ 3. En héraldique, étoile dont l’un des rais inférieurs se prolonge en une queue ondulée. ∥ 4. Petit ruban de satin ou de velours très étroit, employé en garniture : Le corsage brodé d’une ruche ornée de comètes (Balzac). ∥ 5. Tranchefile ne comportant qu’un seul bourrelet. ∥ 6. Fam. et vx. Individu considéré par les joueurs comme portant la malchance. comices [kɔmis] n. m. pl. (lat. comitium, assemblée du peuple et place où elle se tenait ; v. 1355, Bersuire, au sing., au sens de « place... » ; au plur., 1694, Th. Corneille, au sens de « assemblées... »). Chez les Romains, assemblées du peuple dans lesquelles on élisait les magistrats, et où l’on discutait des affaires publiques : Comices curiates, centuriates, tributes. % comice n. m. (sens 1, 1863, Littré ; sens 2, 1760, Brunot). 1. Pendant la Révolution française, réunion des électeurs pour nommer les membres des assemblées délibérantes. ∥ 2. Comices agricoles, associations privées de propriétaires ruraux et de cultivateurs d’une région, visant à améliorer les productions de l’agriculture et de l’élevage, notamment par l’organisation de concours et la distribution de récompenses : Les comices agricoles de France et d’Angleterre couronnent les chefs-d’oeuvre que font les sillons et les prairies de Guernesey (Hugo). comicial, e, aux adj. V. COMITIAL. comics [kɔmiks] n. m. pl. (mot angl. ; milieu du XXe s.). Publications destinées à la jeunesse et aux adultes, et comportant des histoires présentées sous la forme de dessins légendés. ∥ Les bandes dessinées elles-mêmes. comique [kɔmik] adj. (lat. comicus, gr. kômikos ; 1375, R. de Presles, aux sens 1-2 ; sens 3-4, 1680, Richelet). 1. Class. Qui se rapporte aux représentations théâtrales en général, aux acteurs : La vie comique n’est pas si heureuse qu’elle le paraît (Scarron). ∥ Personne comique, acteur : C’est en un de ces tripots-là, si je m’en souviens, que j’ai laissé trois personnes comiques récitant la Marianne (Scarron). ∥ 2. Qui a rapport, qui est propre à la comédie, au théâtre plai- sant : Le genre comique. Le génie comique downloadModeText.vue.download 75 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 789 de Molière. Un acteur comique. Une scène, une situation comique. ∥ 3. Se dit de toute production de l’esprit dont le but est de faire rire : La littérature comique. Quels sont les romans préférables aux histoires comiques ou tragiques d’un journal de tribunaux ? (Nerval). ∥ 4. Qui provoque le rire par son aspect insolite ou grotesque : Un gendarme pontifical monte la garde à l’une des portes, avec cet air comique que donne toujours le tricorne sur quelque tête qu’il se pose (Tharaud). Au bord d’une aiguade, un crapaud immobile [...] regardait le lieutenant avec une gravité comique (Montherlant). • SYN. : 4 amusant, bouffon, cocasse, drôle, hilarant, inénarrable, plaisant, tordant (pop.). — CONTR. : 4 émouvant, grave, pathétique, poignant, sérieux, touchant, triste. % n. m. (sens 1, 1669, La Fontaine ; sens 2-3, milieu du XVIIIe s., J.-J. Rousseau ; sens 4, 1580, Montaigne ; sens 5, 1611, Cotgrave ; sens 6, 1680, Richelet). 1. Caractère propre à la comédie, au genre comique, et, par extens., le théâtre comique, la comédie elle-même : Les poètes tragiques trouvent quelquefois le comique (Chateaubriand). Corneille s’est d’abord exercé dans le comique. ∥ 2. Manière, art de présenter les éléments plaisants ou grotesques pour provoquer le rire : Pas de vérité sans comique, pas de comique sans vérité, voilà la formule de Molière. Le comique et la vérité se tirent du même fonds, c’est-à-dire de l’observation des types humains (Lanson). ∥ 3. Ce qui provoque le rire ; côté plaisant ou grotesque d’une personne ou d’une situation : Comique de geste, de mots, de situation. En France, pays de pensée et de démonstration claires, où l’art vise naturellement et directement à l’utilité, le comique est généralement significatif (Baudelaire). L’histoire de leurs rapports [entre Mgr de Quélen et Lacordaire] est piquante et le comique n’y fait pas défaut (Mauriac). ∥ 4. Poète, auteur comique : Clara Gazul s’est étudiée à imiter les anciens comiques espagnols (Mérimée). ∥ 5. Acteur ou chanteur comique : C’était le directeur du Casino [...], qui faisait sa partie ordinaire avec le comique de sa troupe (Maupassant). ∥ 6. Rôle d’acteur comique : Jouer les premiers comiques. comiquement [kɔmikmɑ̃] adv. (de comique ; 1546, R. Estienne). De façon comique : Une petite fille arabe, de cinq ou six ans, seule, l’air comiquement grave (Loti). Le chauffeur regardait son voisin en roulant comiquement les yeux (Camus). comitadji [kɔmitadʒi] n. m. (mot du gr. moderne, formé sur les radicaux de comité et de agitation ; début du XXe s.). Membre des comités d’agitateurs macédoniens, généralement d’origine bulgare, qui, au début du XXe s., luttaient contre la domination turque en faveur de leur cause nationale. comitard [kɔmitar] n. m. (de comité ; XXe s.). Péjor. Personnage dont l’activité politique a pour cadre les comités de parti. comitat [kɔmita] n. m. (lat. comitatus, suite d’un prince, puis, en bas lat., « fief d’un comte », de comes, -itis [v. COMTE] ; 1866, Larousse). Ancienne subdivision administrative de la Hongrie. comite [kɔmit] n. m. (ital. comito, lat. comes, -itis [v. COMTE] ; XIIIe s., Hist. occid. des Croisades). Officier qui, autrefois, commandait la chiourme d’une galère : Les galères où l’on rame sous le fouet du comite (Arnoux). comité [kɔmite] n. m. (angl. commit-tee, de to commit, confier, lat. committere [v. COMMETTRE] ; 1652, Boulan, écrit commité [comité, 1690, Furetière], au sens 1 ; sens 2, 1770, Brunot). 1. Réunion restreinte de personnes désignées par une assemblée plus importante ou par une autorité quelconque, ou groupe de particuliers réunis pour étudier une question, émettre un avis, exercer un pouvoir, etc. : Comité de bienfaisance. Ayant reconnu d’ailleurs que les comités électoraux constituaient la seule autorité réelle qui subsistait dans le département (France). ∥ Comité de salut public, organisme créé par la Convention en 1793, et qui concentrait toute la puissance exécutive. ∥ Comité de sûreté générale, organisme créé par la Convention en 1792, et chargé de diriger la police d’État. ∥ Comité de lecture, réunion de personnes qualifiées (écrivains, acteurs, etc.) chargées d’accepter ou de rejeter des pièces de théâtre, des écrits. ∥ Comité d’entreprise, comité formé par les délégués élus des ouvriers, des employés et des cadres, sous la présidence du chef d’entreprise, pour assumer certaines fonctions de gestion et de contrôle. ∥ 2. Fig. En petit comité, en se limitant à un cercle réduit d’amis : Mme Swann m’avait écrit quelques jours auparavant de venir déjeuner en petit comité (Proust). ∥ En comité secret, en séance privée, le public n’étant pas admis. comitial, e, aux [kɔmisjal, -o] adj. (lat. comitialis, de comitium [v. COMICES] ; v. 1355, Bersuire, au sens 1 ; sens 2, fin du XVIe s.). 1. Qui a rapport aux comices : Vote comitial. ∥ 2. Maladie comitiale, ou mal comitial, l’épilepsie, ainsi nommée parce qu’un accident d’épilepsie survenu au cours des comices faisait séparer l’assemblée. • REM. Au sens 1, on écrit aussi COMICIAL, E, AUX. comma [kɔma] n. m. (lat. comma, gr. komma, tranche, de koptein, couper ; 1550, Meigret, au sens de « point-virgule » ; sens actuel, 1552, Pontus de Tyard). Différence de ton entre deux notes enharmoniques, à peine perceptible pour l’oreille, comme celle qui sépare le do dièse du ré bémol. command [kɔmɑ̃] n. m. (déverbal de commander ; v. 1050, Vie de saint Alexis, au sens de « commandement » ; sens actuel, XIIIe s. [déclaration de command, 1866, Larousse]). En termes de droit, la personne au nom de laquelle on se porte acquéreur ou adjudicataire. ∥ Déclaration de command, celle par laquelle on fait connaître le nom de cette personne : Jacques Mugnier fit aussitôt déclaration de command au profit de Madeleine Sophie Arnould (Goncourt). 1. commandant, e [kɔmɑ̃dɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de commander ; 1670, Molière). Qui exprime le commandement (rare) : Socrate ne dicte rien en maître, d’une voix commandante (Taine). 2. commandant [kɔmɑ̃dɑ̃] n. m. (part. prés. substantivé de commander ; 1671, Pomey, au sens 1 ; sens 2-3, 1845, Bescherelle). 1. Celui qui exerce un commandement, chef : Thémistocle [...] parlait aux commandants de la flotte, rêveurs (Hugo). Le commandant de la place, le commandant du poste. ∥ 2. Officier supérieur des armées de terre et de l’air et de la gendarmerie, dont le grade est situé entre celui de capitaine et celui de lieutenantcolonel. ∥ 3. Officier qui, quel que soit son grade, commande une force navale, une escadrille d’aviation, un navire de guerre : Commandant d’escadre. Commandant d’un torpilleur. commandante [kɔmɑ̃dɑ̃t] n. f. (fém. de commandant ; 1787, Féraud). Fam. Femme d’un commandant : Donc, un soir, la commandante pria Frédéric de chanter (Courteline). commandature [kɔmɑ̃datyr] n. f. (allem. Kommandantur, lui-même dér. du franç. commandant ; 1878, Larousse). Endroit, local où le commandant allemand installait ses services dans une ville occupée : Et maintenant, le voilà qui était revenu, occupant à la commandature de Sedan une situation indéterminée (Zola). Prenez garde, monsieur Helmont ; ne vous montrez pas.Il y a, à la commandature, un état dressé des quelques habitants restés dans le pays, et on nous surveille tous (Daudet). •REM. La forme usuelle, au cours de l’Occupation (1940-1944), était KOMMANDANTUR. commande [kɔmɑ̃d] n. f. (déverbal de commander ; 1213, Fet des Romains, aux sens de « protection, dépôt, garde » ; sens I, 1-2, 1625, Stoer ; sens II, fin du XVe s. [d’abord dans la langue maritime]). I. 1. Action de demander à un commerçant ou à un fabricant la fourniture d’une marchandise dans un certain délai : Ils réjouissent les armateurs, constructeurs, fournisseurs militaires, qu’ils comblent de commandes (France). Un carnet de commandes bien rempli. ∥ Sur commande, downloadModeText.vue.download 76 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 790 sur demande de l’acheteur : Meuble exécuté sur commande seulement. ∥ 2. La marchandise commandée : Livrer une commande. II. 1. En mécanique, action d’agir sur un organe ou un ensemble d’organes : L’air comprimé sert à la commande des freins. Les leviers de commande d’une grue. ∥ Fig. Tenir les leviers de commande, être à la tête du gouvernement, ou avoir la direction d’une importante affaire. ∥ 2. Manière de transmettre le mouvement à un ensemble mécanique : Commande directe. Commande électrique, hydraulique. ∥ Commande à distance, commande d’un appareil à partir d’un poste plus ou moins éloigné, au moyen de courants électriques ou d’ondes électromagnétiques. (On dit aussi TÉLÉCOMMANDE.) ∥ 3. L’organe précis au moyen duquel on agit sur un autre organe ou déclenche un mouvement (dans une machine, une voiture, un avion) : La commande des essuie-glaces, du starter. Les diverses commandes de la planche de bord. ∥ Avion à doubles commandes, appareil d’école dont tous les organes de conduite sont doubles, pour permettre le pilotage simultané par le moniteur et par l’élève. ∥ Fig. Prendre les commandes, passer les commandes à quelqu’un, assumer la direction d’une affaire, d’une entreprise, ou la confier à un autre. % De commande loc. adj. (sens 1, 1690, Furetière ; sens 2, 1658, La Fontaine). 1. Vx. Obligatoire, prescrit : Jeûne de commande. ∥ 2. Fig. Qui est fait par calcul ; qui n’est pas sincère et laisse voir la contrainte : Non, Jésus ne veut pas de cette dévotion de commande, de ce christianisme officiel (Daudet). Oubliant son chagrin de commande, elle se précipita sur eux, la main levée (Maupassant). Son chagrin l’avait beaucoup vieilli ; il ne parlait guère aux repas, ou parfois montrait brusquement une sorte de joie de commande, plus pénible que son silence (Gide). commandement [kɔmɑ̃dmɑ̃] n. m. (de commander ; v. 1050, Vie de saint Alexis, aux sens 1, 3 et 4 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 5, XXe s. ; sens 6, v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence ; sens 7, 1549, R. Estienne). 1. Action de commander, de donner un ordre : Que le commandement du supérieur soit juste (Pascal). Emma, rentrée chez elle, se plut d’abord au commandement des domestiques (Flaubert). Le commandement d’une manoeuvre. ∥ Class. et littér. Avoir à commandement ou à son commandement, avoir à sa disposition : Les plaisirs [...] que nous avons le plus à commandement (La Fontaine). Sa figure se voila sous cette réserve impénétrable que toutes les femmes, même les plus franches, semblent avoir à commandement (Balzac). ∥ 2. Manière d’exercer l’autorité (vieilli) : Il a le commandement ferme. ∥ 3. Ordre donné pour commander, et, spécialem., ordre bref qui, dans l’armée, annonce et déclenche l’exécution d’un mouvement : À mon commandement, partez ! ∥ 4. Pouvoir, droit de commander ; situation de fait de celui qui commande : Le principe d’autorité, d’où sortent les deux forces sociales : le commandement et l’obéissance (France). ∥ Spécialem. Dans l’armée, responsabilité qui permet au chef d’exiger de ses inférieurs une stricte obéissance : On verrait Caton voulant céder à Cicéron le commandement des dernières légions républicaines (Chateaubriand). ∥ Bâton de commandement, bâton qui sert de signe de commandement à certains officiers. ∥ 5. L’ensemble des autorités militaires supérieures. ∥ 6. Règle fondamentale de conduite que Dieu ou l’Église enjoint à ses fidèles de suivre : Nous gardons les commandements de Dieu bien mieux depuis qu’on nous prêche moins (Courier). Pour les chrétiens de stricte obédience, ces règles [de la morale] s’expriment sous forme de commandements (Duhamel). ∥ Précepte, loi édictés par une autorité : Les commandements de la morale. ∥ 7. En termes de droit, acte établi par un huissier et en vertu duquel une personne peut mettre une autre personne en demeure de remplir ses obligations : Son ménage était sans argent en présence de deux termes de loyer, à la veille, enfin, d’un commandement (Balzac). • SYN. : 1 direction ; 3 injonction ; 4 autorité, omnipotence, toute-puissance ; 6 impératif, précepte, prescription. commander [kɔmɑ̃de] v. tr. (lat. pop. *commandare, réfection, d’après mandare, du lat. class. commendare, confier, donner un ordre ; v. 1050, Vie de saint Alexis, au sens de « donner en dépôt » ; sens I, 1-2, 1080, Chanson de Roland ; sens I, 3-4, 1573, Du Puys ; sens I, 5, 1671, Pomey ; sens I, 6, 1564, J. Thierry ; sens I, 7-8, av. 1613, M. Régnier ; sens I, 9, 1675, Widerhold ; sens II, 1690, Furetière ; sens III, 1929, Larousse). I. 1. (avec un sujet désignant une personne)Commander quelque chose à quelqu’un, commander à quelqu’un de (et l’infinitif), lui donner tel ou tel ordre, lui prescrire de faire quelque chose : Le roi Commius promet [...] de faire ce que tu lui commanderas et de donner des otages (France) ; et littér. : Il [le soleil] commande aux moissons de croître et de mûrir (Baudelaire). ∥ 2. Commander quelqu’un,l’avoir sous ses ordres, lui imposer son autorité : Est-il plus malaisé de gouverner et de commander les Allemands que les Français ? (Bainville). ∥ Spécialem. Imposer sa suprématie à : Nation qui veut commander tout l’Univers. ∥ 3. Commander une unité, un bâtiment, etc.,en être le chef, en détenir le commandement : Les détachements étaient commandés par la Canne-deJonc (Vigny). Votre grand-oncle ne commandait-il pas le « Vengeur » ? (Balzac). L’ancien capitaine au long cours qui commande les « Trois Soeurs » ou les « Deux Amis » (Maupassant). ∥ Par extens. Avoir la direction, la responsabilité de : Commander une expédition. ∥ 4. Absol. Détenir et exercer l’autorité : C’était elle maintenant qui commandait et menaçait (Sand). ∥ 5. Commander une opération, une action, etc.,en régler la marche, l’exécution : Un gros capitaine en redingote et chapeau de soie, commandant la manoeuvre en provençal (Daudet). ∥ Spécialem. Donner un ordre déclenchant un mouvement, une action militaire : Commander le feu, l’assaut. « Plus fort ! » commanda la voix de tout à l’heure (Daudet). ∥ 6. Fig. Commander ses réactions, ses sentiments, etc., les contrôler, les maintenir sous la stricte dépendance de sa propre volonté : Ce maintien calme et superbe que les personnes vertueuses ne perdent que rarement, et qu’elles commandent au besoin (Mérimée). ∥ 7. (avec un sujet désignant une chose)Commander quelqu’un, lui imposer sa loi : Car l’heure nous commande et ne veut nul répit (Leconte de Lisle). ∥ 8. Commander un comportement, un acte, commander que (et le subjonctif), l’entraîner obligatoirement, le rendre nécessaire, inévitable : Ainsi certains tableaux de Raphaël [...] ne commanderont pas soudain l’admiration (Balzac). La situation commande la plus grande fermeté. Les circonstances commandent que l’on soit très ferme. ∥ 9. Commander un lieu,le dominer par sa position : Forteresse qui commande la vallée. Lieu qui commande une vue immense (Chateaubriand). ∥ Par extens. Interdire ou permettre l’accès de (vieilli) : Pour avoir le droit de descendre dans ce ravin, il faut au préalable faire quelque emplette dans un bazar qui en commande l’accès (Bourget). II.Commander une marchandise, un objet, etc., en faire la commande : Comme le petit tailleur-concierge n’avait pas d’argent pour acheter des médicaments, ma mère imagina de lui commander une tunique à mon usage (France). III. Commander un mécanisme, en provoquer le mouvement, le fonctionnement : Manette qui commande la mise en route. Ayant oublié, au retour d’un vol, de commander son train d’atterrissage, il avait posé l’avion sur le ventre (Saint-Exupéry). • SYN. : I, 1 enjoindre, exiger, imposer, ordonner, sommer ; 2 gouverner, mener, régir ; 5 conduire, diriger, guider, régler ; 6 dominer, dompter, maîtriser, mater ; 8 appeler, demander, imposer, nécessiter, réclamer, requérir. — CONTR. : I, 1 défendre, empêcher, interdire ; 2 obéir, obtempérer, servir, se soumettre ; 6 subir, suivre. ∥ II décommander. downloadModeText.vue.download 77 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 791 % v. tr. ind. [à, sur] (sens 1 et 3, 1080, Chanson de Roland ; sens 2, 1564, J. Thierry). 1. Commander à quelqu’un, lui imposer son autorité, sa direction : Commander à tout un peuple au fig., imposer sa loi : Mais Amour qui commande au coeur le plus rebelle (Heredia). ∥ 2. Fig. Commander à ses passions, à ses sentiments, etc., les dominer, exercer sur eux le strict contrôle de sa volonté. ∥ 3. Class. Commander sur, étendre son autorité sur : Sur cent peuples nouveaux Bérénice commande (Racine). % se commander v. pr. (1866, Larousse, au sens 1 ; sens 2, XVIIIe s., Voltaire). 1. En parlant de pièces d’un appartement, d’une maison, être disposées de telle sorte que, pour aller dans l’une, il faut obligatoirement passer par l’autre : Dans l’appartement de ma grand-mère, toutes les pièces se commandaient ; de sorte que, pour gagner leur chambre, mes parents devaient traverser la salle à manger (Gide). ∥ 2. Dépendre de la volonté : La pitié, la compassion ne se commande pas. commanderie [kɔmɑ̃dri] n. f. (de commander ; 1387, Godefroy). 1. Dignité et bénéfice conférés dans certains ordres militaires : De Mayence l’ordre Teutonique se ramifie jusqu’à Coblentz, où une de ses commanderies prend pied (Hugo). L’institution des commanderies dura de la seconde moitié du XIIIe s. jusqu’à la Révolution. ∥ 2. Résidence de celui qui était pourvu de cette dignité, de ce bénéfice : Ce lieu [...] était, à ce que l’on suppose, une commanderie de templiers (Flaubert). commandeur [kɔmɑ̃doer] n. m. (de commander ; v. 1167, Gautier d’Arras, au sens de « chef » ; sens 1, fin du XIIIe s., Joinville ; sens 2, Ordonnance royale du 26 mars 1816 ; sens 3, 1741, Savary des Bruslons ; sens 4, 1835, Acad.). 1. Dans les ordres militaires, chevalier pourvu d’une commanderie : Commandeur de l’ordre de Calatrava. La statue du Commandeur, dans « Don Juan ». ∥ 2. Dans les ordres de chevalerie, personne qui a reçu le grade supérieur à celui d’officier : On lui a donné la cravate de commandeur de la Légion d’honneur. ∥ 3. Commandeur d’une plantation, celui qui y avait la haute main sur tous les travailleurs : Le commandeur est ici une manière de contremaître chargé de la surveillance des travailleurs (Benoit). ∥ 4. Commandeur des croyants, ancien titre donné aux califes. (On dit auj. ÉMIR DES CROYANTS.) commanditaire [kɔmɑ̃ditɛr] n. m. et adj. (de commandite ; 1727, Furetière, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Associé d’une société en commandite, qui n’est tenu des dettes de celle-ci qu’à concurrence de ses apports. ∥ 2. Celui qui fournit des capitaux à un commerce, à une industrie, à une entreprise quelconque. commandite [kɔmɑ̃dit] n. f. (ital. accomándita, dépôt, garde, du bas lat. *commandare [v. COMMANDER] ; 1673, Isambert, au sens 1 ; sens 2-3, 1866, Larousse). 1. Société en commandite, ou, absol., commandite, société commerciale dans laquelle une partie des associés (commanditaires) ne sont tenus des dettes de la société qu’à concurrence de leurs apports. ∥ 2. Fraction du capital d’une société apportée par les commanditaires : À combien se montera votre commandite ? ∥ 3. Association coopérative d’ouvriers typographes, qui vendent à leur employeur les travaux qu’ils exécutent en commun. commandité, e [kɔmɑ̃dite] n. (part. passé substantivé de commanditer). Personne commanditée. commanditer [kɔmɑ̃dite] v. tr. (de commandite ; 1807, Code de commerce). Fournir des fonds à une entreprise, sans intervenir soi-même dans sa direction : [Jérôme] jouait à la Bourse, spéculait, commanditait des inventions nouvelles (Martin du Gard). • SYN. : financer. commando [kɔmɑ̃do] n. m. (mot portug. désignant un corps de troupes chez les Boers, de commandar, commander [passé également en angl. et, par l’ital., en allem.] ; 1907, Larousse, au sens I ; sens II [repris de l’allem.], v. 1941). I.Corps franc commandé par un seul chef et spécialisé dans les coups de main à objectif limité : Dingley accompagne les hussards de Garland lancés à travers le Veld à la chasse des commandos boers (Tharaud). II. Pendant la Seconde Guerre mondiale, détachement de prisonniers dépendant d’un camp, ou subdivision d’un camp de prisonniers placée sous un commandement spécial. (En ce sens, on écrit aussi KOMMANDO.) comme [kɔm] conj. (var. allongée de l’anc. franç. com [encore au XVIe s.], lat. pop. quomo [Ve s.], lat. class. quomodo, comment ; v. 1050, Vie de saint Alexis, aux sens I-II ; sens III, v. 1283, Beaumanoir ; sens IV, XIIe s.). I.EXPRIME LA COMPARAISON. 1.De la même façon que : Plus ardente, comme sont les femmes quand la passion les tient, soeur Octavie [...] lui faisait honte de sa faiblesse (Daudet). ∥ Avec ellipse fréquente du verbe de la subordonnée : Jeunes comme les primevères, tristes comme la feuille séchée, purs comme la neige nouvelle, il y avait harmonie entre nos récréations et nous [= comme sont, etc.] (Chateaubriand). Je me laissais bercer, comme les anciens Païens [se laissent bercer] (Sainte-Beuve). ∥ En un mot comme en cent, s’emploie en manière de conclusion, pour marquer qu’on maintient intégralement son opinion. ∥ Comme... ainsi, de même que ... de même. ∥ Comme si, de façon analogue à une situation supposée : L’homme doit agir comme s’il pouvait tout, et se résigner comme s’il ne pouvait rien (Maistre). Ainsi ai-je vécu pendant des années comme si les années ne passassent point, m’éloignant de plus en plus de l’état d’esprit dans lequel peut végéter l’idée d’avoir affaire au public (Valéry). ∥ Comme si de rien n’était, comme si la chose n’existait pas, sans paraître y attacher d’importance. ∥ Fam. Comme qui dirait, marque une ressemblance limitée à l’apparence : C’est une fine poudre blanche, comme qui dirait de la farine. ∥ Tout comme, tout à fait comme, renforcement de comme : Il sera un bon mathématicien, tout comme son père. ∥ C’est tout comme, c’est exactement la même chose : Il n’a pas encore signé le contrat, mais c’est tout comme. ∥ 2. Class. S’employait, là où nous employons que, pour introduire le deuxième membre d’une comparaison d’égalité (après si, aussi, tant, autant) : Qu’il fasse autant pour soi comme je fais pour lui (Corneille). Qu’il voie aussi bien ce qui se passe dans le parti des ennemis comme dans l’autre parti (Racine). [Cette tournure est auj. considérée comme pop. et incorrecte.] ∥ 3. Par affaiblissement de sens, comme peut prendre une simple valeur copulative : Elle sentait le peu de fond de cette nature, hésitante dans ses convictions comme dans ses haines (Daudet). L’une comme l’autre gardent peu de loisir disponible pour l’aventure (M. Prévost). II. EXPRIME LA MANIÈRE. 1. De la façon que : Agissez comme vous voudrez, comme il vous plaira. ∥ Spécialem. Sert à introduire une opinion, une citation : Comme le pense Platon. S’il est reçu à son examen, comme il le croit... ∥ Comme de raison, comme il est juste. ∥ Comme il faut, comme il convient, et, par extens., bien : Ma foi, mon grand Monsieur, je le prends comme il faut (Molière). Faites votre travail comme il faut ; adjectiv., de la bonne société, distingué : Il n’y a que la femme comme il faut pour être à l’aise dans sa voilette (Balzac). ∥ Ellipt. Quelque chose comme, ou simplem. comme, sert à atténuer une affirmation, à marquer une approximation (« pour ainsi dire ») : Le ciel en sa faveur produit comme un miracle (Molière). Les maisons étaient éteintes, closes et comme mortes (Vigny). Ça coûte quelque chose comme deux cents francs. ∥ Comme cela, et, fam., comme ça, de cette façon-là, ainsi : Elle est comme ça, nous n’y pouvons rien ; ni bien ni mal, pas trop bien : « Comment allezvous ?—Comme ça. » ∥ Fam. Comme ci, comme ça (var. pop. couci-couça), ni bien ni mal, entre les deux : Il se porte comme ci, comme ça. « Est-il décidé ?—Comme ci, comme ça. » ∥ Pop. Comme ça, sans valeur particulière, souligne parfois downloadModeText.vue.download 78 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 792 une action ou un état : Faut comme ça, de temps en temps, que je boive un verre (France). ∥ 2. Devant un nom ou un pronom, signifie « du même genre que, tel que » : Un homme comme lui est incapable d’une mauvaise action. ∥ Spécialem. Sert à introduire un exemple : Les arbustes comme le buis et le houx ont des feuilles persistantes. ∥ 3. Class. Comme quoi, en vertu de quoi : Obtenez un arrêt comme il faut que je dorme (Racine). ∥ 4. Class. et littér. Comme quoi,de quelle manière, comment : Vous savez comme quoi je vous suis tout acquise (Corneille). Dieu voulut qu’elle y vît comme quoi le sultan | Envoyait tous les jours une sultane en terre (Musset). ∥ Auj. et fam. Sert à introduire une conclusion et signifie « d’où il suit que » : Il a fait très beau aujourd’hui, comme quoi tu n’avais pas besoin de t’encombrer d’un parapluie ; sert aussi à expliquer un mot par le développement qui suit : Demande une attestation comme quoi tu es affecté à ce service. III. EXPRIME LA CAUSE. Introduit une subordonnée causale, placée généralement en tête de la phrase et justifiée par l’énonciation qui suit : Comme nous sommes grands amis, il me fit aussitôt confidence de son amour (Molière). ∥ Fam. Avec ellipse du verbe : Il l’a congédié comme trop paresseux. IV. EXPRIME LE TEMPS. 1. Introduit une subordonnée temporelle à l’imparfait, qui marque une action en train de s’accomplir au moment où une autre action se produit (le verbe de la principale étant au passé simple, au passé composé ou au présent historique) : Comme le soir tombait, l’homme sombre arriva (Hugo). ∥ 2. Class. Lorsque (avec le passé simple ou le passé antérieur) : Comme il fut sorti de Delphes [...] les Delphiens accoururent (La Fontaine). % adv. (sens I-II, XIIe s. ; sens III, v. 980, Passion du Christ). I. EN EMPLOI INTERROGATIF, EXPRIME LA MANIÈRE. 1. Class. S’employait au sens de comment, dans l’interrogation directe ou indirecte : Comme est-ce que chez moi s’est introduit cet homme ? (Molière). Je sais comme traiter les gens de votre sorte (Corneille). ∥ 2. Auj. L’emploi de comme dans l’interrogation indirecte, encore possible, est cependant vieilli : [L’homme] ne sait ni comme il se meut, ni comme il se souvient (Valéry). II. EN EMPLOI EXCLAMATIF, EXPRIME LA MANIÈRE OU L’INTENSITÉ. De quelle façon ; à quel point : Comme il vous a traité ! Je le hais ! Si vous saviez comme ! (Bataille). J’attendais la catastrophe. Elle vint et l’on sait comme (Duhamel). ∥ Dieu sait comme !, Dieu seul sait comment, on ne sait comment (avec souvent une valeur péjor.) : Ce travail a été fait Dieu sait comme ! III. DEVANT UN NOM OU UN ADJECTIF, MARQUE LA QUALITÉ, LA QUALIFICATION, L’ATTRIBUTION. En tant que ; en qualité de : La place que j’avais occupée comme ministre des Affaires étrangères donnait quelque importance à mon opinion (Chateaubriand). M. Fromentin a réussi comme écrivain et comme artiste (Baudelaire). C’est on ne peut plus agréable comme travail (Duhamel). Je considère cette promesse comme sacrée (Maurois). % Comme tout loc. adv. (1668, M. Buffet). Fam. Donne une valeur de superlatif à l’adjectif qu’il suit : Il est gentil comme tout. commémorable [kɔmemɔrabl] adj. (de commémorer ; 1564, J. Thierry). Qui doit être ou qui mérite d’être commémoré : Un événement commémorable. commémoraison [kɔmemɔrɛzɔ̃] n. f. (adaptation du lat. commemoratio [v. COMMÉMORATION] ; 1386, Godefroy). Mention que l’Église fait d’un saint le jour où l’on célèbre une autre fête plus solennelle : La commémoraison se fait à laudes, à la messe, à vêpres. commémoratif, ive [kɔmemɔratif, -iv] adj. (de commémoration ; fin du XVIe s., Mornay). Qui rappelle le souvenir d’un personnage ou d’un événement : Cette Tellsplatte est une chapelle commémorative en l’honneur de Guillaume Tell (Daudet). • SYN. : votif. commémoration [kɔmemɔrasjɔ̃] n. f. (lat. commemoratio, action de mentionner, de rappeler, de commemoratum, supin de commemorare [v. COMMÉMORER] ; v. 1200, Règle de saint Benoît, au sens 1 ; sens 2, 1581, Godefroy). 1. Cérémonie destinée à rappeler le souvenir d’un événement important : Cette année-là, la commémoration de l’armistice de 1918 fut particulièrement brillante. ∥ Spécialem. Commémoration des morts, fête célébrée par l’Église catholique en l’honneur des morts, le 2 novembre. ∥ 2. Rappel, souvenir d’une personne ou d’un événement : SaintSylvain se rappelait la médaille frappée en commémoration de la bataille d’Elbrüz (France). • SYN. : 1 célébration, fête ; 2 mémoire. commémorer [kɔmemɔre] v. tr. (lat. commemorare, évoquer, mentionner, de cum- intensif et memorare, rappeler ; v. 1355, Bersuire). Célébrer par une cérémonie le souvenir d’un événement important. • SYN. : fêter. commençant, e [kɔmɑ̃sɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (part. prés. de commencer ; 1470, Livre de la discipline d’amour divine). Qui est en train de commencer : Ma jambe allongée, je ne souffrais pas trop, déjà dans la vague agitation d’une fièvre commençante (Daudet). ∥ Spécialem. Qui en est encore aux rudiments d’un art, d’une science, d’une étude : Un cours de commençants. • SYN. : apprenti, bleu (pop.), débutant, néophyte, novice. — CONTR. : ancien, expérimenté, expert, qualifié, vétéran. commencement [kɔmɑ̃smɑ̃] n. m. (de commencer ; v. 1119, Ph. de Thaon). 1. La première partie d’une chose qui a ou pourrait avoir un développement dans le temps : La façade de San Pablo est couverte du haut en bas de sculptures merveilleuses du commencement de la Renaissance (Gautier). Quand même tu serais une embûche dressée | Et le commencement de ma perdition (Baudelaire). La mélancolie et la tristesse sont déjà le commencement du doute ; le doute est le commencement du désespoir (Lautréamont). Un commencement d’incendie. ∥ Au commencement, au début, ou à l’origine, dans les temps les plus anciens : Au commencement, il y avait autant de dialectes que de familles (Renan). ∥ Vx. Prendre commencement, prendre son commencement, commencer : La guerre prit commencement, ou prit son commencement au printemps (Littré). ∥ 2. La première partie d’une chose qui a une étendue dans l’espace : Le commencement d’une rue, d’un volume. ∥ 3. Cause première, principe : Dieu est le commencement et la fin de toutes choses. ∥ 4. Commencement de preuve par écrit, en droit, acte écrit par la personne contre laquelle est intentée une action en justice et qui rend vraisemblable le fait allégué. • SYN. : 1 aube, aurore, avènement, début, ébauche, naissance, origine, ouverture, prélude, prémices, seuil ; 2 bord, entrée, lisière, orée, tête ; 3 fondement, source. — CONTR. : 1 aboutissement, achèvement, conclusion, fin, péroraison, terme, terminaison ; 2 bout, issue, sortie ; 3 fin. % commencements n. m. pl. (1538, R. Estienne). Les débuts d’un État ; les premiers pas d’une personne dans une carrière, un art, une science, etc. : Le baron eut des commencements difficiles (Bourget). commencer [kɔmɑ̃se] v. tr. (lat. pop. *cominitiare, de cum- intensif et initiare, initier, puis [au IVe s.] « commencer », de initium, début ; v. 980, Fragment de Valenciennes). [Conj. 1 a ; v. aussi Rem. 1.] 1. (avec un sujet désignant une personne) Faire la première partie d’une action : Il n’est pas rare de bien commencer le jour (Sainte-Beuve). Elle n’entendit pas et continua la conversation commencée (Daudet). ∥ Commencer un livre, commencer à l’écrire ou à le lire. ∥ Commencer une maladie, en ressentir les premières atteintes ; et littér. : Le journal des légitimistes a commencé la maladie dont il lm’eenutratm (eBra.l∥za 2c)..P∥a rC eoxmtemnesn. cCeor mumn epnacienr, un élève, lui donner les premières notions d’une connaissance (vieilli). ∥ 3. Être le downloadModeText.vue.download 79 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 793 premier à faire une chose, en prendre l’initiative : Elle prit à tâche de commencer la guerre (Stendhal). ∥ Class. Créer, fonder : Du temps de Cyrus et de Cambyse, Pythagore commença la secte Italique dans la Grande-Grèce (Bossuet). ∥ 4. (avec un sujet désignant une chose) Constituer la première partie d’une chose qui a une certaine étendue ou une certaine durée : Ce mot commence la phrase. L’allocution du président commence la séance. • SYN. : 1 amorcer, attaquer (fam.), entamer, entreprendre ; 3 déclencher, engager, ouvrir ; 4 inaugurer, ouvrir. — CONTR. : 1 accomplir, achever, conclure, couronner, parachever, parfaire ; 3 continuer, poursuivre ; 4 clore, clôturer, terminer. % v. tr. ind. (avec un sujet désignant une personne ou une chose). Commencer à, ou, plus rarem., commencer de (et l’infinitif), marque le début d’une action ou d’un état : La bonne compagnie de l’endroit commençait à me trouver jacobin (Stendhal). La chose la plus difficile, quand on a commencé d’écrire, c’est d’être sincère (Gide). Cécile fait un signe du doigt, et la jeune fille commence à jouer (Duhamel). Les deux grands commencèrent de se disputer à qui aurait le plus gros morceau (Duhamel). La nuit commençait à tomber ; et impers. : Il commence à faire chaud. (V. Rem. 2.) % v. intr. 1. (avec un sujet désignant une chose) Prendre commencement, son commencement dans le temps ou dans l’espace : L’agonie de la barricade allait commencer (Hugo). À partir de cette seconde enceinte commencent les gradins destinés aux spectateurs (Gautier). ∥ 2. Avoir son point de départ : Elle ne voulut jamais me donner que le dessus et jamais la paume, limite où, pour elle, commençaient peut-être les voluptés sensuelles (Balzac). ∥ 3. (avec un sujet désignant une personne) Faire ses débuts dans une carrière, dans l’existence : L’important, c’est de bien commencer (Mérimée). ∥ 4. Commencer par, en parlant des personnes, faire en premier lieu : Les hommes commencent par l’amour et finissent par l’ambition (La Bruyère). Il commença par s’emporter (Daudet) ; en parlant des choses, avoir pour commencement, pour début : Spectacle qui commence par un ballet. • REM. 1. Commencer se conjugue avec l’auxiliaire avoir quand on veut exprimer l’action, et avec l’auxiliaire être quand on veut exprimer l’état : Les fêtes ont commencé (Acad.). L’année est commencée. 2. Selon l’Académie, la distinction entre commencer à et commencer de serait la suivante : commencer à se dirait de quelque chose qui doit s’accroître (Cet enfant commence à lire) ; commencer de se dirait d’une action qui doit durer peu de temps (Commencer de dîner). En réalité, la distinction se fait seulement selon l’euphonie. commendataire [kɔmɑ̃datɛr] adj. et n. (lat. médiév. commendatarius, de commendare, confier [v. COMMANDER] ; XVe s., Godefroy). Qui est pourvu d’une commende : Un abbé commendataire. % adj. Tenu en commende : Une abbaye commendataire. •REM. On trouve aussi l’orthogr. COMMANDATAIRE : On prétendait garder des abbés commandataires, et l’on ne voulait point de religion ; nul ne pouvait être officier s’il n’était gentilhomme, et l’on déblatérait contre la noblesse ; on introduisait l’égalité dans les salons et les coups de bâton dans les camps (Chateaubriand). commende [kɔmɑ̃d] n. f. (lat. médiév. commenda, déverbal de commendare, confier [v. COMMANDER] ; 1213, Fet des Romains, au sens de « dépôt, garde » ; sens actuels, XVe s.). 1. Administration d’un bénéfice ecclésiastique confiée à un séculier tant que le titulaire n’avait pas été nommé. ∥ 2. Collation d’un bénéfice ecclésiastique soit à un séculier, soit à un laïque : Ce cloître, qui fut florissant au XIe siècle [...], dégénéra de nouveau lorsqu’il fut soumis au régime de la commende (Huysmans). ∥ Ce bénéfice lui-même. commensal, e, aux [kɔmɑ̃sal, -o] n. (lat. médiév. commensalis, de cum, avec, et mensa, table ; 1420, Juvénal des Ursins, au sens 1 ; sens 2, 1668, La Fontaine ; sens 3, 1929, Larousse). 1. Personne qui mange habituellement à la même table qu’une ou plusieurs autres personnes. ∥ Commensal de la maison du roi, sous l’Ancien Régime, officier de service qui mangeait à la Cour. ∥ Par extens. Hôte en général : Un artiste qui devait être son commensal pendant quelques semaines exigeait des frais (Balzac). Cet illustre savant, dont les finances, à en juger par son aspect, se trouvaient dans un état déplorable, était le commensal habituel de la pension Moronval (Daudet) ; et littér. : Deviens, de bonne grâce, l’ami et le commensal des grands hommes (Duhamel). ∥ 2. Se dit d’animaux domestiques : Le chat n’est pas un commensal aussi ancien que le chien, et c’est pourquoi, sans doute, il nous est moins attaché (Duhamel). ∥ 3. En biologie, espèce animale qui vit associée à une autre, surtout en profitant de sa nourriture, sans lui porter préjudice : Le poisson pilote est le commensal du requin. • SYN. : 1 convive ; 2 familier ; 3 parasite. commensalisme [kɔmɑ̃salism] n. m. (de commensal ; 15 juill. 1874, Revue des Deux Mondes). Genre de vie caractéristique des animaux qui vivent à côté d’autres en profitant de leurs aliments, de leur chasse ou de leur pêche, mais sans se nourrir, comme les parasites, de leur matière organique, de leurs sécrétions, etc. commensalité [kɔmɑ̃salite] n. f. (de commensal ; 1549, R. Estienne). Vx. Qualité de commensal. commensurabilité [kɔmɑ̃syrabilite] n. f. (de commensurable ; v. 1361, Oresme, écrit commensurableté ; commensurabilité, 1740, Acad.). Qualité de ce qui est commensurable. • CONTR. : incommensurabilité. commensurable [kɔmɑ̃syrabl] adj. (bas lat. commensurabilis, de cum, avec, et mensura, mesure ; v. 1361, Oresme). 1. Se dit de deux ou de plusieurs grandeurs qui sont chacune des multiples entiers d’une autre grandeur : Le cercle et son diamètre ne sont pas commensurables. ∥ 2. Par extens. Se dit de choses que l’on peut évaluer, comparer à l’aide d’une unité commune : C’est par la monnaie que les biens d’espèces diverses deviennent commensurables et peuvent se comparer (Rousseau). comment [kɔmɑ̃] adv. (de l’anc. franç. com [v. COMME] et du suff. -ment ; 1080, Chanson de Roland). 1. Sert à interroger sur la manière et le moyen : Comment se sont-ils vus ? depuis quand ? dans quels lieux ? (Racine). Dites-moi franchement comment vous voulez que je vous aime (Balzac). Comment allez-vous ? Comment peut-il vivre ? ∥ Fam. et ellipt. Comment ? (sous-entendu dites-vous), s’emploie pour demander à quelqu’un de répéter ce qu’il vient de dire. ∥ 2. Employé interrogativement ou exclamativement, il peut s’accompagner d’une nuance affective et marquer la surprise, l’étonnement, l’indignation (en ce sens, il est souvent employé seul) : Comment ! vous avez déjà terminé votre travail ? Comment ! je vous comble de gentillesses et vous me remerciez par des injures ! Comment, si j’ai connu le maréchal ? me dit la duchesse. Mais j’ai connu des gens bien plus représentatifs, la duchesse de Galliera, Pauline de Périgord, Mgr Dupanloup (Proust). ∥ 3. Sert à appuyer, à enchérir sur une affirmation : Mais comment donc ! ∥ Pop. Et comment !, assurément, fameusement : « Tu parles bien le français. — Et comment ! » (Dorgelès)). ∥ 4. Pop. Comment que, sert à exprimer une interrogation ou une exclamation : Comment qu’il a fait ? Comment qu’on l’a possédé ! % Comment que loc. conj. Class. De quelque façon que : Toutes ces gardes, comment qu’elles soient établies, ne sont pas difficiles à passer (Courier). ∥ Comment... que, de quelle autre façon... que : Comment réparerez-vous vos plaisirs illicites qu’en vous abstenant ? (Massillon). % n. m. invar. (fin du XVIIe s., Saint-Simon). La façon dont une chose se fait ou s’est faite : Emmelina ne cherchait en aucune façon à se rendre compte du comment et du pourquoi de ce qui se passait en elle (Gobineau). Les comment m’intéressent assez pour que je renonce sans regret à la downloadModeText.vue.download 80 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 794 vaine recherche des pourquoi (Martin du Gard). commentaire [kɔmɑ̃tɛr] n. m. (lat. commentarius, aide-mémoire, commentaire, et, au plur., « recueil de notes, journal », de commentari [v. COMMENTER] ; 1495, J. de Vignay, aux sens 1-2 ; sens 3, 1675, Widerhold ; sens 4, 1690, Furetière). 1. Exposé oral ou écrit par lequel on explique, interprète ou juge un écrit : Commentaire de la Bible. Faire le commentaire historique, philosophique, littéraire d’un poème de Vigny. Ce que j’ai publié n’a jamais manqué de commentaires, et je ne puis me plaindre du moindre silence sur mes quelques écrits (Valéry). ∥ Commentaire critique, commentaire destiné à établir le meilleur texte d’un auteur. ∥ Fam. Cela se passe de commentaire, cela ne nécessite aucune explication, c’est suffisamment clair, évident. ∥ 2. Par extens. Ce qui apporte une explication, un éclaircissement à autre chose ; ce qui permet de mieux comprendre ou apprécier une oeuvre : La biographie est un utile commentaire de l’histoire. De tels tableaux [vivants] sur le théâtre seraient un excellent commentaire aux symphonies de Haydn (Stendhal). Un commentaire par gestes expressifs. ∥ 3. Spécialem. Exposé et interprétation des nouvelles, des informations : Commentaire de presse. ∥ 4. Péjor. Interprétation, généralement malveillante, des paroles, des actes d’autrui : Ce pavillon isolé au milieu du parc, qui donne lieu à tant de mystérieux commentaires (Daudet). Naturellement, sachant les commentaires que ne manquerait pas de provoquer l’une ou l’autre attitude, Mme de Guermantes avait autant de plaisir à entrer dans une fête où on n’osait pas compter sur elle, qu’à rester chez soi (Proust). ∥ Fam. Pas de commentaire !, se dit pour imposer silence à quelqu’un qui essaie de formuler des critiques. • SYN. : 1 annotation, exégèse, explication, glose, paraphrase, scolie ; 2 interprétation ; 4 cancan (fam.), commérage, potin (fam.), racontar (fam.). % Sans commentaire ! interj. Je n’ajouterai rien ; jugez vous-même, vous devez avoir compris. % commentaires n. m. pl. (1523, Lefèvre d’Étaples). Mémoires historiques (emploi limité à la désignation de quelques oeuvres) : Les « Commentaires » de Monluc. Les « Commentaires » de César. commentateur, trice [kɔmɑ̃tatoer, -tris] n. (bas lat. commentator, inventeur, interprète, de commentatum, supin de commentari [v. COMMENTER] ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Personne qui commente les textes, les oeuvres : M. de Lerne, qui était instruit et lettré, était pour elle un guide et un commentateur plein de goût (Feuillet). ∥ 2. Personne qui est chargée du commentaire des nouvelles, des informations, à la radio ou à la télévision. commenter [kɔmɑ̃te] v. tr. (lat. commentari [de cum- intensif et de la racine de mens, mentis, esprit], proprem. « réfléchir », d’où « étudier », « imaginer » et « commenter » ; 1314, Monde-ville, aux sens 1-2 ; sens 3, 1675, Widerhold). 1. Expliquer, juger, faire apprécier un texte par un commentaire : Commenter le Code. Le vicaire lui commenta ce beau passage : « Ne soyez pas comme les païens qui n’ont pas d’espérance » (Renan). ∥ Commenter un auteur, faire le commentaire de ses oeuvres : Commenter Homère, Shakespeare. ∥ 2. Interpréter en développant, en portant des jugements : Chacun ici commente à sa manière le discours royal (Courier). Commenter les nouvelles. ∥ 3. Péjor. Interpréter, juger de façon sévère ou malveillante : Cette camaraderie inattendue sera observée, commentée [...]. Je jurerais qu’elle l’est déjà (Mauriac). • SYN. : 1 expliquer, gloser, paraphraser ; 2 exposer, présenter ; 3 blâmer, critiquer. commérage [kɔmeraʒ] n. m. (de commère ; 1546, Rabelais, au sens de « baptême » ; sens actuel, 1776, Beaumarchais). Fam. et péjor. Bavardage de commère, propos futile ou malveillant : Ce nouvel établissement avait coûté deux cent mille francs, que les commérages doublaient à trente lieues à la ronde (Balzac). Les petits faits et gestes quotidiens d’une personne avaient toujours paru sans valeur à Swann ; si on lui en faisait le commérage, il le trouvait insignifiant (Proust). • SYN. : cancan (fam.), médisance, potin (fam.), racontar (fam.), ragot (fam.). commerçable [kɔmɛrsabl] adj. (de commercer ; v. 1715, P. Adam). Vx. Qui peut être négocié : Importateur de toutes denrées commerçables (V. Margueritte). commerçant, e [kɔmɛrsɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (part. prés. de commercer ; 1695, Kuhn). Qui se consacre au commerce : Je m’initiai moimême à des plaisirs inconnus [...] au commerçant attaché à son comptoir (Balzac). Nous verrons peut-être le petit cultivateur disparaître de la campagne, comme déjà le petit commerçant tend à disparaître des grandes villes (France). Les Anglais sont un peuple commerçant. • SYN. : boutiquier, débitant, fournisseur, grossiste, marchand, négociant. % adj. (XXe s.). 1. Qui s’y prend intelligemment dans son métier de commerçant : Il sait attirer et retenir le client : il est très commerçant. ∥ 2. Se dit d’une manière d’agir qui convient particulièrement à un commerçant : Il a une amabilité commerçante. Cette ristourne est un procédé commerçant. ∥ 3. Où se trouvent les commerçants : Les quartiers commerçants. Le Paris ouvrier et commerçant (Daudet). • SYN. : 2 commercial. commerce [kɔmɛrs] n. m. (lat. commercium, de cum, avec, et merx, mercis, mar- chandise ; 1370, Machaut, écrit commerque [commerce, 1468, Bartzsch], au sens I, 1 ; sens I, 2 et 5, 1798, Acad. [jeu du commerce, 1675, Widerhold] ; sens I, 3, et II, 6, 1866, Larousse ; sens I, 4, XXe s. ; sens I, 6, 1669, Racine ; sens II, 1-2, milieu du XVIe s. ; sens II, 3, 1680, Richelet ; sens II, 4, av. 1648, Voiture ; sens II, 5, 1673, Bouhours). I. 1. Activité qui consiste en l’échange, la vente et l’achat de marchandises, de denrées ou de valeurs : Le commerce intérieur, extérieur d’un pays. Le commerce de gros, de demi-gros, de détail. Une maison de commerce. L’ « Espérance » qui, d’après ses papiers, n’allait qu’au Sénégal pour y faire le commerce de bois et d’ivoire (Mérimée). La maison est à moitié remplie par des paquets de ces baguettes d’encens dont il [le bonze] fait aussi commerce avec les pèlerins (Loti). ∥ Livres de commerce, registres comptables sur lesquels un commerçant est tenu d’inscrire toutes ses opérations. ∥ Code de commerce, ensemble des lois qui régissent le commerce. ∥ Tribunal de commerce, tribunal composé de commerçants élus pour deux ans, et destiné à juger les contestations commerciales. ∥ Chambre de commerce et d’industrie, organisme représentatif des professions commerciales et industrielles auprès des pouvoirs publics. ∥ 2. Spécialem. Dans la langue courante, activité, métier de celui qui achète des objets fabriqués ou des denrées pour les revendre (s’oppose à agriculture ou à industrie) : Il a du goût pour le commerce. ∥ Être dans le commerce, en parlant d’une personne, exercer la profession de commerçant ; en parlant d’une chose, être en vente. ∥ Fam. Avoir la bosse du commerce, être très habile en affaires. ∥ Fam. Faire commerce de son corps, de sa beauté, de ses charmes, pour une femme, se prostituer. ∥ Class. Jeu de commerce, jeu de cartes où celui qui donne se nomme « banquier » et les joueurs « commerçants » : Elle aimait fort le jeu, mais le jeu de commerce et point trop gros (Saint-Simon). ∥ 3. La science, les connaissances nécessaires pour exercer l’activité commerciale : L’étude du commerce. ∥ 4. Établissement commercial, fonds de commerce : Je pourrais monter un commerce (Hermant). ∥ 5. Ensemble des commerçants, des professions commerciales, ou des commerçants d’un secteur déterminé : Le marié distribue des poignées de mains à tout le haut commerce parisien, venu là pour lui faire honneur (Daudet). ∥ 6. Fig. Trafic louche : Il n’aime pas qu’on se mêle de son petit commerce. II.1.Class. Moyen de communiquer, d’entrer en rapport : Les sacrifices sont un commerce entre Dieu et les hommes (Racine). ∥ 2. Class. et littér. Rapports de sodownloadModeText.vue.download 81 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 795 ciété, fréquentation : Nous avons si peu de commerce avec les princes qui vivent dans le sérail (Racine). Hors Chactas, son père adoptif, et le P. Souël, missionnaire au fort Rosalie, il avait renoncé au commerce des hommes (Chateaubriand). ∥ Spécialem. (au plur.). Relations mondaines : Voilà tous mes commerces dérangés (Sévigné). Outre son ami d’enfance R. Le Bret, il avait de charmants commerces avec beaucoup d’autres (Gautier). ∥ 3. Class. et littér. Rapports intimes entre homme et femme ; relations charnelles : [Le] Minotaure, le monstrueux enfant que Pasiphaé, l’épouse de Minos, avait eu de son commerce avec un taureau (Gide). Un commerce incestueux. ∥ 4. Class. et littér. Échange suivi d’idées, de sentiments, etc., entre personnes, notamment par lettres : Lire vos lettres et vous écrire font la première affaire de ma vie ; tout fait place à ce commerce (Sévigné). Le professeur lui proposa un commerce épistolaire (Flaubert). ∥ Littér. Courant d’échanges qui s’établit entre les choses : Il y aurait à rechercher le profit d’un commerce réciproque entre des activités qui sont loin de s’exclure (Valéry). ∥ 5. Littér. Comportement, qualités ou défauts, dont fait preuve une personne dans ses relations avec les autres : Mme de Chateaubriand est meilleure que moi, bien que d’un commerce moins facile. Ai-je été irréprochable envers elle ? (Chateaubriand). C’était un homme de commerce aimable (Maupassant). ∥ 6. Littér. Le commerce des lettres, des Muses, occupations littéraires, travaux poétiques. • SYN. : I, 1 négoce, trafic ; 4 affaire, boutique, débit, magasin, maison ; 5 négoce. commercer [kɔmɛrse] v. intr. (de commerce ; 1405, Runkewitz, au sens 1 ; sens 2, 1769, Tissot). 1. Se livrer au commerce : Les Portugais, ayant doublé le cap de Bonne- Espérance, allèrent commercer à Macao (France). ∥ 2. Vx. Être en relations de société avec les autres hommes. commercial, e, aux [kɔmɛrsjal, -o] adj. (de commerce ; 1749, Brunot). Qui a rapport au commerce : La fortune de ma famille, toute considérable qu’elle est, fut puisée à une source commerciale (Dumas). La compagnie des paquebots était mise en faillite et le directeur poursuivi pour irrégularités dans les écritures commerciales (Maupassant). L’enseignement commercial. ∥ Attaché commercial, conseiller commercial, agents de l’expansion économique française à l’étranger. % commerciale n. f. (milieu du XXe s.). Voiture automobile pouvant se transformer en camionnette légère. commercialement [kɔmɛrsjalmɑ̃] adv. (de commercial ; 1829, Boiste). Au point de vue du commerce : Plus une marchandise abonde, plus elle se déprécie commercialement. commercialisation [kɔmɛrsjalizasjɔ̃] n. f. (de commercialiser ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Action de commercialiser ; résultat de cette action : Dans les années qui ont immédiatement suivi la guerre, nous avons assisté à ce que les gens d’affaires appelleraient, dans leur jargon, la « commercialisation » de toutes les valeurs (Duhamel). commercialiser [kɔmɛrsjalize] v. tr. (de commercial ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). 1. Mettre en vente ; répandre dans le commerce : Commercialiser un produit. ∥ Par extens. Donner à quelque chose un caractère commercial : Les choses aujourd’hui industrialisées et commercialisées changent plus vite que le coeur des femmes (Bordeaux). ∥ 2. Soumettre aux stipulations du droit commercial : Commercialiser une dette. commercialité [kɔmɛrsjalite] n. f. (de commercial ; 1866, Larousse). Qualité de ce qui est régi par le droit commercial : La commercialité d’une dette. commère [kɔmɛr] n. f. (lat. ecclés. commater, marraine, de cum, avec, et mater, mère [la marraine partageant avec la mère la responsabilité de l’enfant] ; 1283, Beaumanoir, au sens 1 ; sens 2, fin du XIIIe s. ; sens 3, 1907, Larousse ; sens 4, 1656, Oudin ; sens 5, fin du XIVe s., Chr. de Pisan). 1. Vx et dialect. La marraine d’un enfant, par rapport au parrain, dit compère, ou aux parents : J’ai eu le bonheur d’être parrain et d’avoir pour commère Mlle Clorinde des Espazettes, bien un peu grande pour moi, mais si jolie (Daudet). ∥ 2. Class. Appellation familière que l’on donnait à une voisine, à une compagne, à une personne que l’on connaissait bien : Ma commère, il vous faut purger (La Fontaine). ∥ 3. Comparse, celle qui donne la réplique au personnage principal, dans une comédie : Il [le pitre] pérore et se tait tout soudain, | Reçoit des coups de pied au derrière, badin, | Baise au cou sa commère énorme, et fait la roue (Verlaine). ∥ 4. Femme du peuple qui en impose par sa stature et son allant, maîtresse femme : Voyez nos femmes, comparez-les aux fortes commères d’autrefois (Zola). ∥ Femme hardie et rusée : Il avait à vaincre une espèce de froideur, de laquelle la fine commère lui faisait croire qu’il triomphait (Balzac). ∥ 5. Péjor. Femme curieuse et bavarde, qui veut tout connaître et colporte les nouvelles partout : Luc traversait la chaussée, lorsqu’il aperçut [...] un groupe de commères, en grande conversation (Zola). ∥ Se dit aussi en parlant d’un homme : Qu’est-ce que cette commère de vicomte est venu te conter ? (Barbey d’Aurevilly). • SYN. : 4 maritorne, matrone, virago ; 5 concierge (fam.), pipelette (pop.). commérer [kɔmere] v. intr. (de commère ; 1836, Mme de Girardin). [Conj. 5 b.] Fam. Faire des commérages ; bavarder de façon indiscrète : Le besoin de commérer, ancré au coeur de toutes les femmes (Barbey d’Aurevilly). Plus tard, j’ai eu Chauvin pour camarade dans une administration... Que d’heures passées à commérer ! (Zola). • SYN. : cancaner (fam.), caqueter, jaser, potiner (fam.). commettant [kɔmɛtɑ̃] n. m. (part. prés. substantivé de commettre, au sens de « charger de » ; 1563, Kuhn). 1. Celui qui charge une autre personne d’exécuter certains actes à sa place : Les députés ministériels et leurs commettants (Balzac). ∥ 2. Dans la langue commerciale, client du commissionnaire, qu’il charge d’acheter ou de vendre des marchandises pour son compte, à titre onéreux. • SYN. : mandant. — CONTR. : mandataire. commettre [kɔmɛtr] v. tr. (lat. committere, mettre ensemble, joindre, commettre, confier, de cum, avec, et mittere, envoyer ; v. 1265, Livre de jostice, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1389, Runkewitz ; sens I, 3, 1694, Acad. ; sens I, 4, milieu du XVIe s., Amyot ; sens II, v. 1361, Oresme). [Conj. 49.] I. 1. Class. et littér. Mettre aux mains de ; confier à : Reprenez le pouvoir que vous m’avez commis (Corneille). La protection du troupeau commis à leurs soins les montre sous un point de vue digne de leurs fonctions (Chateaubriand). Les Cieux commettent à la France la garde de la royauté (Hugo). ∥ 2. Class. et littér. Préposer à ; charger de : Les souverains qu’il a commis pour régir ses peuples (Bossuet). La nouvelle mère qui est commise au gouvernement du monastère (Montherlant). ∥ 3. Spécialem. En termes de droit, désigner, nommer à une fonction déterminée : Commettre un rapporteur. ∥ Avocat commis ou commis d’office, avocat désigné par le bâtonnier pour assister une personne qui bénéficie de l’assistance judiciaire. ∥ 4. Class. Exposer une personne ou une chose à un danger : Mais à d’autres périls je crains de le commettre (Racine). II. 1. Faire une action blâmable ou malencontreuse : Nous causions du passé et de l’avenir, des fautes que l’on avait commises, de celles que l’on commettrait (Chateaubriand). Le vin m’avait monté à la tête quand j’ai commis cette imprudence (Musset). Léopold avait commis la faute de permettre que Frédéric devînt roi (Bainville). Commettre un crime. ∥ 2. Fam. Se rendre responsable de : Un article irrespectueux que j’avais commis à l’endroit de cet enfant gâté du chauvinisme (Baudelaire). • SYN. : II, 1 consommer, perpétrer. % se commettre v. pr. (av. 1654, Guez de Balzac). Péjor. et littér. Accepter d’entretedownloadModeText.vue.download 82 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 796 nir des relations avec des gens méprisables, ou des rapports avec des choses compro- mettantes, déshonorantes : Se commettre avec des personnes peu recommandables. Votre jeune neveu s’était déjà commis précédemment dans une aventure (Gide). • SYN. : se compromettre. commination [kɔminasjɔ̃] n. f. (lat. comminatio, menace, de comminari, menacer ; 1150, Barbier, au sens de « menace » ; sens 1, 1802, Chateaubriand ; sens 2, 1803, Boiste). 1. Dénonciation de la colère de Dieu. ∥ 2. Figure de rhétorique qui consiste à intimider son auditoire par la menace de malheurs à venir. comminatoire [kɔminatwar] adj. (lat. jurid. médiév. comminatorius, de comminatum, supin de comminari, menacer ; 1517, J. Bouchet, au sens 1 ; sens 2, 1521, P. Fabri ; sens 3, 1680, Richelet). 1. Qui renferme une ou des menaces, ou qui a le caractère d’une menace : Tout cela était dit assez gravement, mais sur un ton qui n’avait rien de comminatoire (Gide). Combien de libelles il avait reçus ! Menaces. Défis. Mille missives comminatoires (Céline). Je répugne au style comminatoire, parce qu’il engage. Je préfère le style doucereux (Montherlant). ∥ 2. Destiné seulement à intimider : Tout ce qu’on y lit des tourments éternels lui paraissait comminatoire (Rousseau). La justice du Tout-Puissant, par rapport à l’homme, n’est souvent que comminatoire (Chateaubriand). ∥ 3. En droit, se dit d’une sentence qui ne renferme que la menace d’une condamnation : Arrêt comminatoire. • SYN. : 1 fulminant, menaçant. comminutif, ive [kɔminytif, -iv] adj. (dér. savant du lat. comminuere, mettre en pièces, de cum- intensif et minuere, rendre plus petit ; 1839, Boiste). En chirurgie, se dit d’une fracture multiple, présentant de nombreux fragments : Une fracture comminutive de la base du tibia (Goncourt). commis [kɔmi] n. m. (part. passé substantivé de commettre, au sens de « charger de » ; début du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1675, J. Savary ; sens 3, 1866, Larousse ; sens 4, 1792, Brunot). 1. Class. Homme chargé d’une fonction, d’une mission par un commettant, auquel il doit rendre compte. ∥ Spécialem. Employé des fermiers généraux chargé de la collecte des impôts : Un commis engraissé des malheurs de la France (Boileau). ∥ Premier commis, dans l’ancienne monarchie, haut fonctionnaire qui venait aussitôt après le secrétaire d’État : Il vous quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis (La Bruyère). [On dit encore auj. les grands commis de l’État, les hauts fonctionnaires.] ∥ 2. Employé subalterne chargé des écritures, dans une administration, une grande maison de commerce, une banque, etc. : Des affaires considérables, tout un monde de commis (Daudet). Un commis d’agent de change. ∥ 3. Employé chargé de la vente dans un magasin : Des commis de la maison Autheman, des curieux, des flâneurs du quartier, trouvant plus économique de somnoler au bout du banc qu’au café (Daudet). ∥ 4. Commis voyageur, voyageur de commerce, représentant : Il avait l’aspect d’un brave, avec l’entrain facile d’un commis voyageur (Flaubert). ∥ Plaisanteries de commis voyageur, plaisanteries qui manquent d’originalité et de finesse. • REM. Le fém. COMMISE s’est employé dans les administrations et surtout dans le petit commerce. commise [kɔmiz] n. f. (part. passé fém. substantivé de commettre, au sens de « exposer à un danger » ; 1315, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Confiscation d’un fief par le suzerain, quand le vassal n’avait pas rempli les charges auxquelles il était tenu. ∥ 2. Confiscation de marchandises prohibées ou introduites en fraude : [Dans l’archipel de la Manche] le droit de commise existe (Hugo). commisération [kɔmizerasjɔ̃] n. f. (lat. commiseratio, action d’exciter la pitié, de commiseratum, supin de commiserari, exciter la compassion ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure). Sentiment où se mêlent de la pitié et de la compassion en présence des malheurs d’autrui : Elle se ressaisit de son regard et le laissa tomber sur le visiteur, non pas même avec rancune, non pas avec haine ou colère, mais avec une sorte de commisération hautaine (Duhamel). • SYN. : apitoiement, miséricorde. — CONTR. : dureté, froideur, indifférence, inhumanité, insensibilité, sécheresse. commissaire [kɔmisɛr] n. m. (lat. médiév. commissarius, de commissus, part. passé de committere, confier ; 1314, Ordonnance royale, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1845, Bescherelle ; sens I, 3 et 4, 1866, Larousse ; sens II, 1538, Jal). I. 1. Personne à qui l’on confie, dans certaines circonstances, une fonction déterminée et temporaire : Les députés du peuple ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires (Rousseau). ∥ Commissaire régional de la République, haut fonctionnaire chargé, après la Libération (1944-1946), de l’administration de l’ensemble d’une région, et plus particulièrement du rétablissement de la légalité républicaine. ∥ Commissaire du gouvernement, technicien nommé par décret, et chargé d’assister un ministre lors de la discussion, devant les assemblées législatives, d’un projet de loi spécial. (V. aussi § II.) ∥ Haut-commissaire, v. à son ordre alphab. ∥ 2. Celui qui règle, organise une réunion, une manifestation : Commissaire d’un bal, d’une fête. ∥ Spécialem. Officiel chargé de faire respecter les règlements dans une épreuve sportive. ∥ 3. Membre d’une commission, dans une assemblée parlementaire, dans une administration, etc. : Plusieurs commissaires se sont montrés hostiles à ce projet de loi. ∥ 4. Commissaire aux comptes, personne nommée par les actionnaires d’une société anonyme pour contrôler la gestion et les comptes des administrateurs. (Syn. CENSEUR.) II. Titre de divers fonctionnaires ou de personnes titulaires de charges permanentes. ∥ Commissaire de la marine, officier de l’intendance, sur un navire de guerre ou dans un port. ∥ Commissaire de l’air, officier chargé de l’administration et de la comptabilité dans l’armée de l’air. ∥ Commissaire de bord, administrateur des services des passagers et du ravitaillement sur un paquebot. ∥ Commissaire du gouvernement, magistrat militaire qui remplit les fonctions du ministère public près les tribunaux des forces armées. ∥ Commissaire de police, ou simplem. commissaire, magistrat de l’ordre judiciaire et administratif, chargé, dans les villes, de faire observer les règlements de police et de veiller au maintien de l’ordre et de la sécurité publique : Un commissaire demandait paternellement à l’un d’eux depuis combien de temps il habitait ce gîte (Nerval). commissaire-priseur [kɔmisɛrprizoer] n. m. (de commissaire et de priseur, dér. de priser [v. ce mot] ; début du XIXe s.). Officier public chargé d’estimer les objets mobiliers et de les vendre aux enchères dans les ventes publiques : « Et d’où venez-vous comme cela ? — Des commissaires-priseurs. M. Barousse nous a entraînés à une exposition de tableaux » (Goncourt). • Pl. des COMMISSAIRES-PRISEURS. commissariat [kɔmisarja] n. m. (de commissaire ; 1752, Trévoux, au sens 2 ; sens 1, fin du XVIIIe s., Brunot ; sens 3, 1848, Jal). 1. Fonction de commissaire : Être chargé du commissariat du bord. On a songé à lui pour le commissariat aux comptes. ∥ 2. Endroit où un commissaire, particulièrement un commissaire de police, a ses services : Ils allèrent d’abord au commissariat chercher trois agents en bourgeois qui attendaient (Maupassant). ∥ 3. Corps administratif de commissaires : Le commissariat de l’air, de la marine. commission [kɔmisjɔ̃] n. f. (lat. commissio, concours, de commissum, supin de committere, confier ; v. 1300, Coutumes d’Artois, aux sens I, 1 et 2 ; sens I, 3, 1599, E.-J. Tardif ; sens I, 4-5, 1606, Kuhn ; sens I, 6-7, 1675, J. Savary ; sens I, 8, 1611, Cotgrave ; sens I, 9, 1690, Furetière ; sens II, 1, fin du XVIIe s., Fénelon ; sens II, 2, av. 1755, Montesquieu ; sens III, fin du XVIe s.). I. 1. Class. Action de commettre quelqu’un, de lui confier une charge temporaire ; mission ainsi confiée : C’est un homme né pour les allées et venues [...], downloadModeText.vue.download 83 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 797 pour aller plus loin que sa commission et être désavoué (La Bruyère). ∥ 2. Attribution d’une fonction, d’une charge, par l’autorité ou par une administration. ∥ Délégation de pouvoir et charge ainsi conférées par l’autorité ou l’administration à son agent. ∥ 3. Spécialem. Commission rogatoire, mandat donné par un juge à un autre juge, à un tribunal ou à un officier de police judiciaire de procéder en son lieu et place à un acte d’instruction spécifié. ∥ 4. En droit commercial, pouvoir conféré à quelqu’un d’agir au nom de celui qui le délègue. ∥ Spécialem. Ordre que donne un négociant à une autre personne de faire des achats ou des transactions pour son compte. ∥ 5. Profession de celui qui se charge, moyennant une remise, de l’achat ou du placement de marchandises pour le compte d’une autre personne : Faire la commission. Être dans la commission. Il est riche ; il gagne ce qu’il veut dans la commission (Zola). ∥ 6. Ce qu’achète ou vend le commissionnaire : Expédier des commissions. ∥ 7. Rétribution que touche le commissionnaire, et, d’une manière générale, tout intermédiaire : « Quinze cents francs ? — Le marchand ne doit pas donner le bronze à moins, car il lui faut une commission » (Balzac). ∥ Par extens. Gratification donnée à une personne qui conclut une affaire plus ou moins régulière, en usant de son influence : Il se fait fort d’arranger les choses moyennant une petite commission. ∥ 8. Charge qu’une personne donne à une autre de faire quelque chose à sa place : L’enfant [...] reçut un sou et la commission de courir chez l’épicier (Tharaud). ∥ 9. L’action même que l’on est chargé de faire pour quelqu’un d’autre (message, service, achat, etc.) : « Où vas-tu ? dit Mme Vauquer à son domestique. — Faire une commission pour M. Goriot » (Balzac). Son métier est de courir les environs pour aller porter les lettres ou faire des commissions (Flaubert). [V. aussi COMMISSIONS n. f. pl., ci-après.] ∥ Fam. Faire la petite, la grosse commission, en parlant des enfants, uriner, aller à la selle. II. 1. Groupe de personnes désignées par une autorité, ou choisies en son sein par une assemblée, pour étudier une question ou un projet, donner des avis, mener une enquête, surveiller divers actes, etc. : La commission d’enquête a déposé son rapport. Encore aujourd’hui, il n’y a pas à la Chambre une commission artistique [...] où le nom de Roumestan ne figure en première ligne (Daudet). ∥ Commission administrative, commission chargée de l’administration d’un établissement ou de la direction d’une organisation syndicale. ∥ Commission d’examen, réunion d’examinateurs chargés de faire passer un examen. (L’expression s’emploie surtout dans l’enseignement primaire ; pour l’enseignement secondaire et supérieur, on dit plutôt JURY.) ∥ Commission départementale, commission chargée de contrôler l’action préfectorale dans l’intervalle des sessions du conseil général. ∥ Commission parlementaire, groupe de parlementaires chargés, dans chacun des domaines importants de l’activité des assemblées, d’étudier les projets et propositions de lois avant leur discussion en séance. ∥ 2. Tribunal d’exception : Commission militaire. Une des choses qui portent le plus atteinte à la liberté du citoyen est de le faire juger non par ses juges naturels, mais par une commission (Montesquieu). III. Vx. Dans la langue religieuse, action de commettre effectivement et volontairement une faute : On peut dire la même chose d’une coupable commission (Pascal). Mes péchés sont d’omission, rarement de commission (J.-J. Rousseau). • SYN. : I, 2 délégation, mandat, mission ; 7 agio, courtage, guelte, pot-de-vin (fam.), pourboire, prime. ∥ II, 1 comité. % commissions n. f. pl. (XXe s.). Fam. Denrées, provisions que l’on vient d’acheter : Rapporter chez soi les commissions. ∥ Fam. Faire les commissions, faire les courses d’approvisionnement quotidien : Il est sorti un peu avant huit heures pour faire ses quelques commissions habituelles (Romains). • SYN. : courses, emplettes. commissionnaire [kɔmisjɔnɛr] n. (de commission ; 1506, Saige, au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1708, Furetière). 1. Intermédiaire commercial qui fait des opérations pour le compte d’un commerçant, moyennant une remise : Ma fortune est à moi, bien à moi [...], je l’ai gagnée dans mes trafics de commissionnaire (Daudet). ∥ Commissionnaire en douane, personne ou société accomplissant pour autrui les formalités de douane. ∥ 2. Spécialem. Commerçant grossiste ayant boutique dans le périmètre des Halles de Paris. (Il se distingue du mandataire, installé sous les pavillons.) ∥ 3. Personne dont la profession est de faire les commissions d’autrui : Un commissionnaire prit la malle de Jeanne (Maupassant). Puis ils s’entretinrent [...] d’une lettre qu’ils venaient d’envoyer par un commissionnaire (France). On paie très bien un pourboire parce qu’on voit la joie du garçon de café, du commissionnaire, du cocher (Alain). ∥ Par extens. Personne qui s’est chargée bénévolement d’une commission. • SYN. : 3 chasseur, coursier, groom, porteur. commissionnement [kɔmisjɔnmɑ̃] n. m. (de commissionner ; 1928, Larousse). Action de commissionner. commissionner [kɔmisjɔne] v. tr. (de commission ; XVe s., Dict. général, au sens 1 ; sens 2, 1792, Brunot ; sens 3, 1929, Larousse). 1. Déléguer un pouvoir à quelqu’un : Son opinion de connaisseur commissionné par l’État ayant une valeur d’expertise légale, il se faisait un devoir d’affirmer souvent, avec conviction, la supériorité de cette peinture (Maupassant). ∥ 2. Donner à quelqu’un commission de vendre ou d’acheter. ∥ 3. Dans l’armée, maintenir un militaire dans les cadres en vertu d’une commission. ∥ Dans les chemins de fer, notifier à un agent ou à un employé sa nomination dans les cadres du personnel. (Syn. TITULARISER.) % v. intr. (début du XXe s.). Fam. Servir de commissionnaire : Enfin, j’appris, par Bute encore, que Heurtevent était un maître receleur, et qu’entre Alcide et lui le plus jeune des fils commissionnait (Gide). commissoire [kɔmiswar] adj. (bas lat. jurid. commissorius, de commissum, supin de committere [v. COMMETTRE] ; XIIIe s., Godefroy). Clause commissoire, en droit, clause dont l’inexécution entraîne l’annulation de l’acte qui la contient. ∥ Pacte commissoire, contrat de gage en vertu duquel le créancier devient propriétaire du bien engagé si le débiteur ne peut payer au jour fixé. commissural, e, aux [kɔmisyral, -o] adj. (de commissure ; 1845, Bescherelle). Relatif à une commissure : Soudure commissurale. commissure [kɔmisyr] n. f. (lat. commissura, jointure, de commissus, part. passé de committere, joindre ; 1314, Mondeville, au sens de « suture des os du crâne » ; sens 1, 1736 [d’après Trévoux, 1743] ; sens 2, 1866, Larousse). 1. En anatomie, point de jonction des bords de certaines ouvertures en forme de fentes : Un pli trop accusé à la commissure des lèvres (Bertrand). Deux rides profondes se creusent de part et d’autre de sa bouche, dont les commissures s’abaissent et se tordent (Duhamel). La commissure des paupières. ∥ 2. Région réunissant deux parties symétriques des centres nerveux encéphaliques. • SYN. : 1 coin. commodant [kɔmɔdɑ̃] n. m. (lat. commodans, -antis, part. prés. de commo- dare, prêter, de commodus [v. COMMODE 1] ; 1863, Littré). En droit romain, prêteur par commodat. commodat [kɔmɔda] n. m. (bas lat. jurid. commodatum, contrat de commodat, de commodare, prêter ; 1585, J. des Caurres). En droit romain, contrat par lequel une personne livrait une chose à une autre pour qu’elle s’en serve, à charge pour le preneur de la rendre ensuite. (On dit auj. PRÊT À USAGE.) 1. commode [kɔmɔd] adj. (lat. commodus, convenable, approprié, bienveillant ; 1475, Dict. général, au sens 1 ; sens 2-3, 1580, Montaigne ; sens 4, 1654, La Fontaine ; sens 5, 1656, Pascal ; sens 6, 1661, Molière). 1. Se dit d’un objet qui est downloadModeText.vue.download 84 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 798 particulièrement approprié à sa destination, qui convient bien à l’usage qu’on en fait : Un outil, un vêtement commode. Un système d’ouverture, de fermeture commode. ∥ 2. Se dit de ce qui n’offre pas d’obstacle, de difficulté, de ce qui s’adapte bien à la situation : L’ultramontanisme parut d’abord à ces maîtres austères une façon commode d’en appeler à une autorité lointaine (Renan). Une manière commode d’éluder une question indiscrète (Tharaud). ∥ 3. Class. et littér. Qui offre des agréments : L’Égypte était [...] le plus beau pays de l’Univers [...], le plus riche, le plus commode (Bossuet). Les petites villes [...] paraissent d’abord plus chaudes et plus commodes à vivre (Flaubert). ∥ 4. Class. De caractère facile, doux, aimable : Jamais peuple n’a été [...] plus commode à tous les étrangers (Fénelon). Son aimable moitié, sa compagne fidèle, avait l’esprit si commode et si doux (Perrault). ∥ Auj., ce sens n’apparaît plus que dans des tournures négatives ou restrictives : Je parle surtout de son frère Joseph, qui se manifeste comme un gaillard assez redoutable, assez vorace et peu commode (Duhamel). ∥ 5. Péjor. Dans le domaine moral, relâché, qui manque de rigueur, d’exigence : Une dévotion, une doctrine, une morale commode. ∥ Fam. C’est trop commode, ce serait trop commode, reproche adressé à quelqu’un qui cherche à se soustraire à ses devoirs, à ses obligations. ∥ 6. Péjor. Se dit d’une personne trop indulgente, qui ferme les yeux sur les fautes des autres : Un directeur de conscience, un mari commode. • SYN. : 1 convenable, pratique ; 2 adéquat, aisé, facile ; 5 élastique ; 6 complaisant. — CONTR. : 1 impropre, incommode, mal commode ; 2 difficile, inadéquat, incongru, malaisé ; 5 austère, rigoureux ; 6 jaloux, sévère. 2. commode [kɔmɔd] n. f. (de commode 1, par ellipse de armoire ; 1708, Brunot). Meuble à hauteur d’appui, à plateau de bois ou de marbre, et muni de tiroirs servant à ranger du linge, des vêtements : Je découvris dans un tiroir de la commode une chemise de dentelle et des bas blancs (France). commodément [kɔmɔdemɑ̃] adv. (de commode 1 ; 1549, R. Estienne). D’une manière commode : Ces deux dames [...] se postèrent commodément pour apercevoir tout l’intérieur de Binet (Flaubert). • SYN. : confortablement. commodité [kɔmɔdite] n. f. (lat. commoditas, convenance, avantage, indulgence, de commodus [v. COMMODE 1] ; v. 1400, Chronique de Boucicaut, aux sens 1-2 ; sens 3 et 5, XVIe s. ; sens 4, 1663, La Fontaine). 1. Qualité d’une chose qui se prête bien à l’usage pour lequel elle a été conçue : Instruments qui se prennent, qui se laissent, qui ne valent que par la commodité (Valéry). ∥ 2. Facilité à user de quelque chose ; avantage qu’on en retire : Je trouve beaucoup de commodité dans l’horaire de travail qui m’a été assigné. ∥ Class. et littér. À ou selon sa commodité, à sa disposition, à sa convenance : Il les mangeait [les souris] à sa commodité, | Aujourd’hui l’une et demain l’autre (La Fontaine). Pour ne pas rogner la journée [...], il tintait l’angélus selon sa commodité (Flaubert). ∥ 3. Class. Occasion favorable, moment opportun : Tout ce jour se passa [...] sans que le jeune berger perdît une seule commodité de me faire paraître son affection (d’Urfé). ∥ 4. Class. Moyen de transport, carrosse, coche, bateau, etc. : Vous faites bien, Madame, de prendre la commodité de la duchesse de Chaulnes pour aller en Bretagne (Bussy-Rabutin). ∥ 5. Class. Facilité de caractère, aménité, tolérance : Je suis d’une grande commodité pour la liberté publique (Sévigné). % commodités n. f. pl. (sens 1, av. 1596, Du Vair ; sens 2, v. 1534, Bonaventure des Périers ; sens 3, 1677, Miege). 1. Class. Biens, richesses : Je suis un mortel qui ne possède que ces filets et quelques petites commodités dont j’ai meublé deux ou trois rochers (La Fontaine). ∥ 2. Toutes les choses propres à rendre la vie plus facile, plus agréable ; éléments de confort : Ma grotte est assez près d’ici dans la montagne ; venez vous réchauffer chez moi ; vous n’y trouverez pas les commodités de la vie, mais vous y aurez un abri ; et il faut encore en remercier la Bonté divine, car il y a bien des hommes qui en manquent (Chateaubriand). Les damas vénitiens, les velours génois, les armes allemandes, les bijoux et orfèvreries français, toutes les commodités que les Orientaux achetaient à prix d’or à l’Occident ont disparu (Morand). ∥ Class. Les commodités de la conversation, dans le langage précieux, un fauteuil. ∥ 3. Vx. Lieux d’aisances : Au bout de l’appartement, la cuisine voisinait [...] avec les commodités (Camus). • SYN. : 2 agréments, aises. Commodo [komodo] n. m. (nom déposé ; milieu du XXe s.). Commutateur permettant d’actionner, suivant les besoins, les principaux appareils d’éclairage et d’avertissement dans une voiture automobile. commodore [kɔmɔdɔr] n. m. (mot angl., probablem. altér. du néerl. kommandeur, de même sens, lui-même d’origine franç. ; 1763, Voltaire). Officier des marines britannique, américaine et néerlandaise, d’un rang supérieur à celui de capitaine de vaisseau en France. commotion [kɔmɔsjɔ̃] n. f. (lat. commotio, mouvement, émotion, de commotum, supin de commovere, mouvoir, émouvoir ; v. 1155, Wace, au sens 1 ; sens 2, v. 1560, Paré [commotion électrique, 1759, Richelet] ; sens 3, 1611, Cotgrave ; sens 4, 1346, Chartes de Liège). 1. Vx. Secousse très violente, ébranlement soudain, provoqués par un tremblement de terre, une explosion : Je commençais à croire qu’un essai d’armes fait dans les fossés avait été cause de cette commotion, lorsqu’une explosion plus violente se fit entendre (Vigny). ∥ 2. Violent ébranlement physique : Frappé à la tête d’une rude commotion, il tombait [...], privé de tout sentiment (Feuillet). Eustache ressentit dans tout le bras une sorte de commotion électrique (Nerval). ∥ Spécialem. En pathologie, ébranlement d’un organe consécutif à un choc. ∥ 3. Fig. Trouble violent, dû à une vive émotion ; ébranlement psychique : Quand elle marchait à travers ma chambre, le bruit de chacun de ses pas faisait une commotion dans mon coeur (Maupassant). ∥ 4. Vx. Perturbation sociale violente, ébranlement occasionnés par les guerres, les mouvements populaires, etc. : Mirabeau fait un grand bruit pour préparer les esprits aux grandes commotions (Lamartine). Les dernières commotions politiques ou sociales de ce siècle (Verne). • SYN. : 2 choc, secousse, traumatisme ; 3 bouleversement, coup, saisissement ; 4 convulsion, désordre, orage, tempête, tourmente. commotionner [kɔmɔsjɔne] v. tr. (de commotion ; 1929, Larousse). Frapper d’une commotion (au pr. et au fig.) : Un sergent qui s’ tassait dans un trou et qui n’osait pas en sortir, vu qu’il avait été commotionné (Barbusse). Cette nouvelle l’a commotionné. • SYN. : choquer, ébranler, retourner (fam.), secouer (fam.), traumatiser. commuabilité [kɔmɥabilite] n. f. (de commuable ; 1845, Bescherelle). Caractère de ce qui peut être commué : La commuabilité d’une peine. commuable [kɔmɥabl] adj. (de commuer ; 1486, Godefroy, au sens général de « qui peut être modifié » ; sens actuel, 1771, Trévoux). Qui peut être commué : Peine commuable. commuer [kɔmɥe] v. tr. (lat. commutare, changer, échanger [de cum- intensif et mutare, déplacer, modifier], francisé d’après muer ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet). 1. Transformer : De légers indices qui se sont commués en preuves formelles. ∥ 2. Spécialem. Convertir une peine en une peine moindre : Enfin, le premier président proposa de commuer la peine de mort en celle de prison perpétuelle (Maupassant). commun, e [kɔmoẽ, -yn] adj. (lat. communis ; 842, Serments de Strasbourg, aux sens 2 et 4 ; sens 1 et 3, XIIe s. ; sens 5, 1668, La Fontaine ; sens 6 et 7, 1388, Runkewitz). 1. Qui appartient à la fois à deux ou à plusieurs ; à quoi participent deux ou plusieurs : Des biens communs entre époux. Un puits commun à trois propriétaires. Point commun à deux droites. ∥ Dénominateur commun, en mathématiques, dénominadownloadModeText.vue.download 85 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 799 teur qui est le même pour deux ou plusieurs fractions. ∥ Diviseur commun, nombre qui divise exactement plusieurs autres nombres. ∥ N’avoir rien de commun, être totalement différent : [Raphaël] la place [la Vierge] dans des paysages ornés de villes et de fabriques qui n’ont rien de commun avec la Judée (Gautier). ∥ N’avoir de commun que, se ressembler sur un seul point, ou avoir peu d’analogie : Ces gouvernements n’ont de commun que le nom (France). ∥ Il n’y a pas de commune mesure entre, sans commune mesure, se dit de choses disproportionnées, entre lesquelles il n’y a aucun terme de comparaison : Il n’y a pas de commune mesure entre les raisons pour lesquelles deux esprits goûtent ou repoussent un même écrivain (Bourget). ∥ 2. Qui appartient ou s’applique à la fois à tous les êtres, à toutes les choses d’un groupe, d’un ensemble : Les parties communes, les charges communes d’un immeuble en copropriété. La propriété commune ferait ressembler la société à un de ces monastères à la porte duquel des économes distribuaient du pain (Chateaubriand). L’opération consiste à découvrir [...] les traits communs qui appartiennent à toutes les oeuvres d’art, en même temps que les traits distinctifs (Taine). Il me semble que ce que vous cherchez dans une femme est commun à toutes (France). ∥ La maison commune, l’hôtel de ville, qui appartient à tous les habitants de la localité. ∥ La salle commune, pièce où se réunissent tous les occupants d’une maison, d’un appartement : Je me trouvai donc tout naturellement seul avec Amélie, à l’heure du thé, que nous prenons toujours dans la salle commune (Gide). ∥ Lieu commun, sujet, idée, formule générale, applicable à tout ; source générale d’où l’on tire souvent des arguments : Les orateurs anciens usaient beaucoup des lieux communs ; par extens., banalité, idée rebattue : Cette spirituelle personne prit plaisir à jeter le rude Montriveau dans une conversation pleine de bêtises, de lieux communs et de non-sens (Balzac). ∥ Nom commun, en grammaire, nom qui s’applique à plusieurs êtres ou choses formant un genre, une espèce, par opposition au nom propre, qui n’appartient qu’à un individu. ∥ 3. Que l’on fait conjointement, à plusieurs : Travail commun. OEuvre commune. ∥ Faire cause commune, agir ensemble, s’unir pour servir la même cause. ∥ Faire bourse commune, réunir ses ressources et les gérer ensemble. ∥ D’un commun accord, à l’unanimité, après s’être tous entendus. ∥ 4. Qui appartient, s’applique à la généralité, au plus grand nombre : Intérêt commun. Commun usage. Sans doute le langage commun servira-t-il toujours d’instrument initial et général de la vie de relation extérieure et intérieure (Valéry). ∥ Sens commun, bon sens. ∥ Langue commune, celle que chacun parle habituellement, par opposition aux langages techniques, spécialisés. ∥ Droit commun, celui qui s’applique à tout le monde et qui n’est pas l’objet de lois spéciales. ∥ 5. Par extens. Qui se rencontre fréquemment, n’est pas rare : Elles excellaient à rétablir les membres brisés par des chutes ou des accidents, si communs chez les paysans (Chateaubriand). Lorsqu’un fief tombe en roture, malheur si commun de nos jours... (Courier). Il était en réalité d’une force peu commune. Il ployait facilement une pièce de cent sous entre l’index et le pouce (France). ∥ 6. Qui est répandu partout, ordinaire et de qualité médiocre : Si, comme les âmes communes, je croyais en Dieu, je le prierais de me laisser après ma mort, ici tout entier (France). Carola Venitequa était une jeune femme assez forte ou mieux : un peu grasse, mais bien faite et saine d’aspect, de traits communs, mais non vulgaires et passablement engageants (Gide). Je respire autour d’elle ce parfum commun qu’on achète ici chez Maumond, le coupeur de cheveux (Colette). ∥ 7. Péjor. Qui manque de distinction, vulgaire : C’était une fille [...] brune, de taille moyenne, assez forte, la figure épaisse et commune (Zola). Écrire sur les murs, c’est excessivement commun (Labiche). • SYN. : 3 collectif ; 4 général, universel ; 5 accoutumé, courant, habituel, ordinaire, répandu, usuel ; 6 banal, quelconque ; 7 bas, grossier. — CONTR. : 3 personnel ; 4 particulier ; 5 extraordinaire, inhabituel, inusité, rare ; 6 délicat, exceptionnel, original, remarquable ; 7 bien, chic (fam.), distingué, élégant, précieux. % commun n. m. (sens 1, 1694, Acad. ; sens 2-3, v. 1210, Villehardouin ; sens 4, 1866, Larousse). 1. Class. Le bien commun : Que ne vis-tu sur le commun ? (La Fontaine). ∥ 2. Le commun, le plus grand nombre, la généralité (souvent avec un complément introduit par de) : Je n’ai que faire des privilèges et ne prétends me distinguer du commun que par ma valeur (Gide). Si tu sais lire l’histoire militaire, ce qui est récit confus pour le commun des lecteurs est pour toi un enchaînement aussi rationnel qu’un tableau pour l’amateur qui sait regarder ce que le personnage porte sur lui, tient dans les mains (Proust). ∥ Le commun des martyrs, des docteurs, des vierges, etc., office commun à tous les martyrs, à tous les docteurs, à toutes les vierges, etc., qui n’ont pas d’office propre. ∥ Fam. Le commun des mortels, tout homme, n’importe qui. ∥ 3. Class. et littér. Le bas peuple (avec dédain) : Ces hommes du commun tiennent mal leurs promesses (Corneille). La noble société s’étonne qu’il y ait tant de braves gens dans le commun (Daudet). ∥ Class. Dans le langage des grands, les bas-officiers : Il est couché sur l’état en qualité de chirurgien du commun (Furetière). ∥ 4. Vx et littér. Caractère de ce qui est ordinaire, banal : Le commun est le défaut des poètes à courte vue et à courte haleine (Hugo). % En commun loc. adv. (XIe s.). Ensemble, indistinctement ; sans exception personnelle : Qu’il nous fasse un seul sort ! qu’il nous cueille en commun (Lamartine). Mettre ses biens en commun. % Du commun loc. adj. Class. Vulgaire : Cet ouvrage n’est pas du commun (Acad., 1694). % communs n. m. pl. (sens 1, 1704, Trévoux ; sens 2, 1821, Desgranges). 1. Dans une grande propriété, un château, les bâtiments consacrés au service (cuisine, écuries, logement des domestiques, etc.) : Des massifs d’arbres exotiques cachaient la vue des communs (Balzac). Il sortit de nouveau, alla vers les communs où Dus-sol, le mètre à la main, accroupi, mesurait l’écartement des roues d’un tilbury (Mauriac). ∥ 2. Dialect. Lieux d’aisances. communal, e, aux [kɔmynal, -o] adj. (de commun et de commune ; 1160, Benoît de Sainte-Maure). 1. Qui appartient à la commune, à tous ses habitants : Pré, chemin communal. Les fruits de ces terres communales étaient destinés à suppléer aux mauvaises récoltes (Chateaubriand). ∥ 2. Qui concerne la commune : Les libertés communales. Le budget communal. • SYN. : 1 et 2 municipal. % communal n. m. (sens 1, 1611, Cotgrave ; sens 2, 1884, Daudet) ou communaux n. m. pl. (sens 1, 1690, Furetière). 1. Biens de la commune (prés, bois, etc.) : Ce communal, autrefois, n’était qu’une côte nue couverte de broussailles (Maupassant). ∥ 2. Troupeaux qui paissent sur le communal : Le pli de dégoût affaissant la lèvre inférieure, usée, fatiguée comme une margelle où tout le communal est venu boire (Daudet). % communale n. f. (fin du XIXe s.). Pop. La communale, l’école communale. communalement [kɔmynalmɑ̃] adv. (de communal ; 1866, Larousse). Au point de vue communal. communalisation [kɔmynalizasjɔ̃] n. f. (de communaliser ; 1842, J.-B. Richard de Radonvilliers). Exploitation de certains droits par une commune : La communalisation du droit de chasse. communaliser [kɔmynalize] v. tr. (de communal ; 1842, J.-B. Richard de Radonvilliers). Mettre sous la dépendance de la commune : Communaliser un terrain. • REM. Auj., on dit plutôt MUNICIPALISER. communaliste [kɔmynalist] adj. (de communal ; 1907, Larousse). Relatif aux communes : Mouvement communaliste. communard, e [kɔmynar, -ard] n. et adj. (de Commune, nom du mouvement révolutionnaire de 1871 ; 1871, Fonvielle, au sens 1 ; sens 2, av. 1930). 1. Celui, celle qui participa à l’insurrection de la Commune de Paris, en 1871 : J’étais choqué de voir des gens de ma famille accorder toute leur downloadModeText.vue.download 86 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 800 estime à des anticléricaux anciens communards, que leur journal leur avait présentés comme antidreyfusards, et honnir un général bien né et catholique, mais non révisionniste (Proust). Les vingt mille communards abattus par les soldats du général Gallifet (Bernanos). ∥ 2. Pop. et péjor. Nom donné parfois aux communistes. • REM. Au sens 1, on trouve parfois la forme COMMUNEUX (1871, Molinari) : Serrés autour du drapeau rouge, la musette de toile en sautoir, les communeux marchaient d’un pas résolu dans toute la largeur de la chaussée (Daudet). communautaire [kɔmynotɛr] adj. (de communauté ; 1842, Proudhon, au sens 1 ; sens 2, v. 1958). 1. Qui a adopté, qui a la forme de la communauté : La vie communautaire. L’imagination humaine peut concevoir, sans trop de peine, des républiques ou autres États communautaires, dignes de quelque gloire, s’ils sont dirigés par des hommes sacrés, par de certains aristocrates (Baudelaire). Les Bretons en sont restés pour l’organisation communautaire à la cellule primitive (Le Goffic). ∥ 2. Spécialem. Qui appartient, qui a trait au Marché commun : Esprit communautaire. Décision contraire aux dispositions communautaires. communauté [kɔmynote] n. f. (probablem. réfection de l’anc. franç. communité [lat. communitas, communauté], d’après l’adj. communal ; 1283, Beaumanoir, au sens II, 1 ; sens I, 1, 1580, Montaigne ; sens I, 2, milieu du XIVe s. ; sens II, 2, v. 1950 ; sens II, 3, 1538, R. Estienne). I. 1. État, caractère de ce qui est commun à plusieurs personnes : De plus, il est difficile de créer une patrie parmi des États qui n’ont aucune communauté de religion et d’intérêts, qui, sortis de diverses sources en des temps divers, vivent sur un sol différent et sous un différent soleil (Chateaubriand). ∥ Par extens. Similitude, identité : Ils avaient établi entre eux une familiarité, une communauté de pensée et de vie qui, tout à coup, gêna Frédérique (Daudet). Communauté de sentiments. ∥ Communauté de vues, manière identique d’envisager un problème, ou les choses en général : Ainsi naissait une communauté de vues destinée à durer à travers le siècle (Bainville). ∥ 2. Régime d’association conjugale dans lequel certains biens sont communs aux deux époux : Se marier sous le régime de la communauté. ∥ Par extens. L’ensemble des biens ainsi mis en commun. II.1.Ensemble de personnes unies par des caractères communs, par des liens d’intérêt, par des habitudes communes, etc. : Les diverses communautés ethniques, religieuses d’une région. ∥ Spécialem. Ensemble des habitants d’un même lieu, d’un même État : La communauté nationale. ∥ 2. Ensemble de pays unis par des liens économiques, politiques, culturels : La Communauté européenne du charbon et de l’acier. ∥ 3. Réunion de personnes vivant ensemble et poursuivant des buts communs. ∥ Spécialem. Société de religieux soumis à une règle commune : La petite communauté, composée d’une centaine de moines, s’accrut en peu d’années d’une façon prodigieuse (France). • SYN. : I, 1 affinité, analogie, conformité, ressemblance, unité. ∥ II, 1 collectivité, groupe, société ; 2 pool ; 3 confrérie, phalanstère ; compagnie, congrégation, ordre. commune [kɔmyn] n. f. (lat. pop. communia, plur. neutre de communis, pris comme subst. fém. au sens de « réunion de gens ayant une vie commune »; v. 1138, Gaimar, au sens 1 [var. comugne, du XIIe au XIVe s.] ; sens 2, 1793, Frey ; sens 4 [empr. de l’angl. Commons], 1690, Furetière). 1. Autref. Ville affranchie du joug féodal et dont les bourgeois jouissaient du droit de s’administrer eux-mêmes : La commune de Toulouse avait des vassaux, possédait sa milice, sa bannière, ses armoiries, son château. Il me semblait voir un enfant de ces communes du temps de Charles VII (Chateaubriand). ∥ 2. Auj. En France, circonscription administrative de base, dirigée par un maire assisté d’un conseil municipal : Les communes des Hauts-deSeine. Je croyais connaître admirablement tous les entours de la commune (Gide). ∥ Par extens. Ensemble des citoyens qui y vivent, représentés par la municipalité en tant que personne morale : Les biens de la commune. ∥ 3. Spécialem. Commune de Paris, nom donné à la municipalité de Paris de 1789 à 1795, qui s’était constituée en gouvernement révolutionnaire : Le procédé consistait toujours à tenir les autorités municipales de Paris, la Commune, et par elle [...] à entretenir [...] une agitation continuelle (Gaxotte) ; gouvernement révolutionnaire installé à Paris après l’insurrection du 18 mars 1871, et, par extens., cette insurrection elle-même. ∥ 4. Chambre des Communes, ou, ellipt., les Communes, en Grande-Bretagne, Chambre des représentants élus du peuple. communément [kɔmynemɑ̃] adv. (de commun ; 1080, Chanson de Roland, au sens de « ensemble » ; sens actuel, v. 1360, Froissart). Ordinairement, habituellement : Il n’arrive pas communément qu’un haut baron financier amène à Paris une esclave arménienne dont il a fait sa légitime épouse (Daudet). • SYN. : couramment, fréquemment, généralement, souvent, usuellement. — CONTR. : exceptionnellement, rarement. communeux, euse adj. V. COMMUNARD. communiant, e [kɔmynjɑ̃, -ɑ̃t] n. (part. prés. substantivé de communier ; 1531, Delboulle). Personne qui communie. ∥ Premier communiant, première communiante, ou simplem. communiant, communiante, celui, celle qui fait sa première communion. communicable [kɔmynikabl] adj. (de communiquer ; v. 1380, Conty, au sens de « affable » ; sens actuel, XVIe s.). Qui peut être communiqué : Un droit communicable. Une ardeur communicable. ∥ Spécialem. Dont les pièces doivent être communiquées au ministère public. communicant, e [kɔmynikɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de communiquer ; 1761, Gohin [communicants, n. m. pl., « anabaptistes du XVIe s. prônant la communauté des femmes et des enfants », 1694, Th. Corneille]). Qui communique : Deux petites pièces communicantes sous le toit (Colette). L’expérience des vases communicants. communicateur, trice [kɔmynikatoer, -tris] adj. (de communiquer ; 1866, Larousse [« qui communique, au sens religieux », 1375, R. de Presles]). Qui sert à mettre en communication : Fil communicateur. % communicateur n. m. Appareil transmettant le mouvement : L’étude des communicateurs constitue l’essentiel de la cinématique. communicatif, ive [kɔmynikatif, -iv] adj. (bas lat. communicativus, propre à communiquer, de communicatum, supin de communicare [v. COMMUNIQUER] ; v. 1361, Oresme, au sens de « libéral » ; sens actuels, 1564, J. Thierry). 1. Qui se communique facilement à d’autres : Les émotions véritables sont si communicatives que, pendant un moment, ces trois personnes se regardèrent en silence (Balzac). ∥ 2. Qui communique, exprime spontanément ses pensées, ses sentiments : Les Yankees n’étaient pas communicatifs et ne répondaient que par « yes » et« no » à toutes ses avances (Daudet). • SYN. : 1 contagieux ; 2 causant (fam.), confiant, démonstratif, expansif, exubérant, ouvert. — CONTR. : 2 défiant, dissimulé, fermé, impénétrable, méfiant, renfermé, secret, taciturne. communication [kɔmynikasjɔ̃] n. f. (lat. communicatio, action de communiquer, de faire part, de communicatum, supin de communicare [v. COMMUNIQUER] ; v. 1361, Oresme, aux sens 1 et 4 ; sens 2-3, 1530, Palsgrave ; sens 5, 1677, Miege). 1. Action de communiquer, de transmettre quelque chose à quelqu’un, ou de le mettre à sa disposition ; résultat de cette action : Je pensais que le nouvel acquéreur de la « Légende dorée » [...] me donnerait communication du manuscrit (France). La communication de documents secrets. ∥ 2. Action de donner une information, un renseignement, un avis : [Bézuquet] demanda la parole pour une communication pressante (Daudet). ∥ Spécialem. Exposé oral ou écrit, fait downloadModeText.vue.download 87 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 801 devant les membres d’une société savante sur un sujet déterminé : Le professeur X... a fait une communication à l’Académie de médecine. ∥ 3. Par extens. La chose que l’on communique : Votre communication m’est bien parvenue. ∥ 4. Action de communiquer avec une autre personne par un moyen quelconque : La communication n’était même pas tout à fait interdite entre ces prisonniers si divers (Nerval). Par là, il y eut entre nous une véritable étincelle de communication (Renan). Se mettre en communication avec quelqu’un. ∥ Spécialem. Communication téléphonique, ou simplem. communication, liaison et conversation par téléphone : Pendu au téléphone pendant une heure [...], Joseph Pasquier fit des tentatives désespérées pour obtenir une communication directe (Duhamel). ∥ 5. Ce qui permet de joindre deux lieux, de les faire communiquer : Voies, moyens de communication. Ce mouvement interceptait les communications du roi avec l’Andalousie (Mérimée). ∥ Moyen qui permet le passage d’un lieu à un autre : Porte de communication. • SYN. : 2 adresse, annonce, communiqué, déclaration ; 3 message ; 4 commerce (littér.), correspondance, échange, liaison, rapport, relation. communier [kɔmynje] v. intr. (lat. ecclés. [altari] communicare, approcher de l’autel [pour recevoir la sainte hostie] ; fin du Xe s., Vie de saint Léger ; sens fig., dès la fin du XIIe s.). 1. Recevoir le sacrement de l’eucharistie : Elle me tue à petit feu et se croit une sainte. Ça communie tous les mois ! (Balzac). [Ils] communiaient avec des ferveurs de novice (Verlaine). ∥ Communier sous les deux espèces, celle du pain et celle du vin. ∥ 2. Spécialem. Faire sa première communion : Gertrude est trop jeune : songe qu’elle n’a pas encore communié (Gide). Mon père a fait baptiser ses enfants et les a laissés communier (Duhamel). ∥ 3. Fig. Se trouver en accord parfait d’idées ou de sentiments : Désiré venait me rejoindre. Nous passions là des heures à communier dans la tristesse (Duhamel). % v. tr. Administrer à quelqu’un le sacrement de l’eucharistie : Communier les fidèles (Jammes). Elles défilèrent devant le velum où les communiait le prêtre (Benoit). communion [kɔmynjɔ̃] n. f. (lat. ecclés. communio, communion [en lat. class., « communauté, caractère commun »] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1863, Littré ; sens II, 1-3, XIIIe s.). I.1.Union des personnes dans une même foi : La communion de l’Église romaine. Les chrétiens orthodoxes, c’est ainsi que les Russes désignent leur communion (Mérimée). ∥ Communion des saints, dogme chrétien selon lequel tous les biens spirituels de l’Église sont communs à tous ses membres. ∥ 2. Accord entre personnes qui partagent les mêmes idées, les mêmes sentiments : Il peut y avoir une immense joie à se sentir en communion parfaite avec les autres, communion de pensée, d’émotion, de sensation, d’action (Gide). Mais il était vrai, également, qu’il éprouvait, à prendre la parole, une ivresse capiteuse ; et qu’il réussissait presque toujours à créer, entre ses auditeurs et lui, un échange, une communion (Martin du Gard). II. 1. Acte par lequel les chrétiens reçoivent le corps et le sang de JésusChrist : Je ne lui parlais plus qu’en pas- teur, la préparant à la communion qu’elle vient de faire à Pâques (Gide). ∥ Première communion, chez les catholiques, cérémonie solennelle qui accompagne le premier acte de communion : Elle s’occupait de Ferdinand, qui s’allait préparer pour la première communion (Duhamel). ∥ 2. Partie de la messe où le prêtre communie : Sortir de l’église avant la communion. ∥ 3. Par extens. Antienne chantée au moment de la communion du prêtre. • SYN. : I, 2 affinité, correspondance, entente, harmonie, union. communiqué [kɔmynike] n. m. (part. passé substantivé de communiquer ; 1856, Lachâtre). Avis ou information de caractère officiel : Un communiqué du ministère de l’Information, de la Préfecture de police. ∥ Spécialem. En temps de guerre, résumé officiel des opérations militaires : Les communiqués officiels sont, de part et d’autre, des plus contradictoires, chacun n’annonçant que des victoires, que retraites de l’adversaire, encerclement de l’ennemi (Gide). • SYN. : bulletin, communication, note. communiquer [kɔmynike] v. intr. (lat. communicare, mettre en commun, et aussi, à basse époque, « être en relation avec » ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2, 1681, Bossuet). 1. En parlant de personnes, être en rapports mutuels, par un moyen quelconque ; être en relation avec quelqu’un d’autre : Les autres députés communiquaient entre eux, riaient, se faisaient des signes (Daudet). Laisser un détenu communiquer avec son avocat. ∥ Être en correspondance : Communiquer par téléphone, par lettres. ∥ 2. En parlant d’un local, être attenant à, ou être en communication avec, par un passage : Cette salle, assez éloignée du café auquel elle communiquait par un très long couloir (Hugo). Pièces qui communiquent. % v. tr. (sens 1, 1704, Trévoux ; sens 2, 1530, Palsgrave ; sens 3-4, 1557, Journal du sire de Gouberville). 1. Transmettre, faire passer à ou dans : Le piston communique son mouvement à la bielle. Le Soleil communique sa chaleur à la Terre. Cette religieuse atmosphère que nous communiquaient en sons adoucis les cris des deux enfants (Balzac). ∥ Communiquer à quelqu’un une maladie, lui en transmettre le germe infectieux. ∥ 2. Fig. Faire parta- ger à quelqu’un : Il [l’abbé Coignard] se félicitait d’avoir tenu un langage propre à communiquer à une âme souffrante le repos et la paix (France). J’avais toujours le vague sentiment que je communiquais ma ferveur aux autres, mais qu’en eux n’était pas le feu sacré (Gide). ∥ 3. Mettre quelque chose à la disposition de quelqu’un pour qu’il en prenne connaissance : Communiquer les pièces d’un dossier. Un bibliophile sérieux ne communique pas ses livres, lui-même ne les lit pas, de crainte de les fatiguer (Nerval). ∥ 4. Donner connaissance à quelqu’un de quelque chose qu’il ignore : Ce que j’ai à vous communiquer est d’une extrême conséquence (France). • SYN. : 1 donner, envoyer, imprimer ; 3 prêter ; 4 confier, dire, révéler. % se communiquer v. pr. (sens 1-2, 1671, Pomey ; sens 3, début du XVIIe s., Guez de Balzac). 1. En parlant d’une chose, se répandre, se propager : Le feu se communique de proche en proche. On se demande comment il se fait que bâiller se communique comme une maladie (Alain). ∥ 2. En parlant de personnes, se transmettre quelque chose les unes aux autres (au pr. et au fig.) : Nous nous communiquons nos tristesses (Renan). ∥ 3. Class. et littér. Dévoiler ses pensées ; faire des confidences : Je ferai vos reproches à la Mousse : il est chez lui, il ne se communique guère ; il est difficile à trouver (Sévigné). communisant, e [kɔmynizɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (de communiste ; XXe s.). Qui sympathise avec les théories communistes : Largo Caballero est remplacé [en Espagne] par un communisant, M. Negrin (Suarez). communisation [kɔmynizasjɔ̃] n. f. (de communiste ; milieu du XXe s.). Action de gagner au communisme. communiser [kɔmynize] v. tr. (de communiste ; milieu du XXe s.). Soumettre à l’influence communiste : Communiser un pays, des populations. communisme [kɔmynism] n. m. (de commun ; 1840, Sainte-Beuve, au sens 1 ; sens 2-4, XXe s.). 1. Tout socialisme qui tend à la suppression de la propriété privée et à la répartition des biens entre tous les hommes suivant leurs besoins : Mme Sand passe au communisme, à la prédication des ouvriers (Sainte-Beuve). Le communisme, cette logique vivante et agissante de la démo- cratie (Balzac). Accoutumé à son aimable communisme galiléen, il lui échappait sans cesse des naïvetés (Renan). ∥ 2. Doctrine tendant à la collectivisation des moyens de production, à la répartition des biens de consommation suivant les besoins de chacun, et à la suppression des classes sociales : La doctrine du communisme a été créée par Marx et Engels. Tous les arguments de ma raison ne me retiendront pas sur cette pente downloadModeText.vue.download 88 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 802 du communisme (Gide). Le communisme russe, par sa critique violente de toute vertu formelle, achève l’oeuvre révoltée du XIXe siècle en niant tout principe supérieur (Camus). Et il découvre (c’est bien tard...) que le communisme, comme toutes les doctrines puissantes, est une franc-maçonnerie (Malraux). ∥ 3. Par extens. L’ensemble des forces communistes agissant au nom de cette doctrine : Le communisme mondial. ∥ 4. Politique du parti communiste. communiste [kɔmynist] adj. (de commun ; 1834, Lamennais, au sens 1 ; sens 2, 1922 [v. ci-dessous, n. et adj.]). 1. Qui a rapport à l’idéal communiste : Cela vient non seulement, je crois, de ce que la France a été providentiellement créée pour la recherche du vrai, préférablement à celle du beau, mais aussi de ce que le caractère utopique, communiste, alchimique de tous ses cerveaux ne lui permet qu’une passion exclusive, celle des formules sociales (Baudelaire). L’esprit communiste, qui fut de l’essence du christianisme naissant (Renan). ∥ 2. Parti communiste, parti prolétarien dont la doctrine est le marxisme-léninisme. % n. et adj. (1769, Brunot, au sens de « copropriétaire » ; sens 1, 1840, Balzac ; sens 2, 1922, date du congrès de Tours, où s’est constitué un parti communiste distinct du parti socialiste). 1. Partisan du communisme : Vous serez reçu comme un roi dans une section de communistes (Balzac). Il est communiste et assure qu’on n’arrivera à rien en fait d’assistance sans une révolution sociale (France). ∥ 2. Membre du parti communiste. commutable [kɔmytabl] adj. (doublet de commuable ; milieu du XVIe s.). 1. Qui peut être commué. ∥ 2. En linguistique, se dit d’un élément qui peut être commuté avec un autre. commutateur [kɔmytatoer] n. m. (dér. savant du lat. commutare, [é]changer ; 1858, Année scientif. et industr.). Dispositif servant soit à inverser le sens de circulation d’un courant électrique, soit à le faire passer à volonté et séparément dans différents appareils : Fleurissoire tourna le commutateur, ce qui n’amena point l’obscurité complète, mais dériva le courant du lustre central au profit d’une lampe de veilleuse azurée (Gide). commutatif, ive [kɔmytatif, -iv] adj. (dér. savant du lat. commutare, [é]changer ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Qui a trait à un échange fondé sur l’égalité. ∥ Contrat commutatif, convention par laquelle chacun des contractants reçoit l’équivalent de ce qu’il donne. ∥ Justice commutative, échange de droits et de devoirs fondé sur l’égalité entre les uns et les autres. ∥ 2. En mathématiques et en logique, se dit d’une opération dont le résultat ne varie pas si l’on intervertit l’ordre de ses facteurs ou de ses termes : L’addition est commutative : 5 plus 6 = 6 plus 5. commutation [kɔmytasjɔ̃] n. f. (lat. commutatio, changement, de commutatum, supin de commutare ; v. 1120, Psautier de Cambridge, au sens de « changement » ; sens 1, 1680, Richelet ; sens 2, début du XXe s.). 1. Commutation de peine, en droit, substitution d’une peine moins forte à la peine prononcée en justice : La duchesse reçut une lettre de commutation de peine (Stendhal). ∥ 2. En linguistique, substitution d’un terme à un autre. (V. art. spécial.) ∥ Principe de commutation, principe selon lequel une distinction phonétique n’est reconnue pertinente linguistiquement que si elle est susceptible d’entraîner une distinction sémantique et vice versa. ∥ Épreuve de commutation, épreuve qui, par la substitution les uns aux autres de certains éléments (phoniques ou sémantiques) et par l’application du principe de commutation, permet de dégager les distinctions linguistiques pertinentes. GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE LA COMMUTATION La commutation est souvent considérée comme le procédé essentiel d’identification des unités linguistiques, la pierre de touche de la description structurale des langues. Dès 1904 (Phonetische Grundfragen), Otto Jespersen en énonçait le principe quand il fondait la pertinence linguistique d’une distinction de sons sur la capacité de différencier des significations. Il existe en grec ancien deux dentales sourdes, qui apparaissent, par exemple, dans θἰς, « tas de sable » (écrit avec thêta), et τἰς, « qui ? » (écrit avec tau) ; elles ne diffèrent que par le caractère « aspiré » que présente la première et non la seconde. Ces deux variantes se retrouvent en suédois, où l’on entend la première dans tog, « prit », et la seconde dans stol, « chaise ». En grec, la substitution de l’une à l’autre, dans un même entourage phonétique, est possible, et s’accompagne d’une modification de sens : θἰς/τἰς ; on a affaire à deux phonèmes, c’est-à-dire à deux unités distinctives. En suédois, la substitution n’est jamais possible : tog, sans aspiration initiale, n’existe pas, et après l’s, comme dans stol, l’aspiration n’est pas admise ; on doit considérer que les deux sons, dans cette langue, sont des variantes non distinctives d’un seul et même phonème, la dentale sourde. Ce principe fut à la base des recherches de l’école « phonologique » de Prague, et reçut son nom actuel — « commutation » — de Louis Hjelmslev et Hans J. Uldall, au Ve Congrès de phonétique en 1936. L’inventaire des phonèmes d’une langue, que les phonéticiens distinguaient d’après leurs différences articulatoires et acoustiques, souvent peu « discrètes », fut fondé par les phonologues sur la fonction distinctive, bien plus décisive. Les sons que nous écrivons l et r seront tenus pour deux phonèmes distincts, non pas parce qu’ils sont articulés différemment (certaines personnes les confondent presque dans la prononciation), mais parce que leur commutation réciproque suffit pour distinguer deux mots de sens différent comme lampe et rampe ; à ce titre, ils sont aussi distinctifs que peuvent l’être deux sons très différents comme d et p dans dont et pont. Les différences distinctives révélées par la commutation sont « pertinentes » en linguistique ; on les appelle oppositions (v. ce mot). La commutation peut être pratiquée entre un son et l’absence de son : lampe / hampe (opposition privative). La commutation de crampe avec rampe est un cas voisin : le son [kr] est senti complexe par rapport à [r] ; le premier élément s’en retrouve, seul, dans campe. Si les deux éléments écrits cr apparaissaient toujours ensemble, ils ne feraient qu’un phonème. La commutation est distinctive par définition, faute de quoi elle n’est que « substitution » ; ainsi, le remplacement d’un [r] dorsal (articulé sur le dos de la langue) par un [r] apical (articulé sur la pointe) n’est pas une « commutation » en français, car n’importe quel mot comportant [r], par exemple roi, est prononcé avec [r] dorsal par un Parisien et avec [r] apical par un Bourguignon, sans distinction de sens. Au contraire, il y a commutation de ces deux [r] en arabe, où s’opposent ainsi des mots comme maghata, « il a tiré », et marata, « il a épilé ». Une règle fondamentale de la commutation est qu’elle doit porter sur un seul élément à la fois dans une chaîne significative. Ainsi, le rapprochement de lampe et rente prouverait seulement que l’une au moins des deux oppositions, l/r et p/t, est distinctive, à moins que ce ne soit la combinaison des deux. Par cette règle, la méthode donne prise à la critique. Il semble toujours fortuit qu’il existe des paires de mots comme lampe/ rampe, ou poisson/poison, se prêtant à la comparaison. Il n’est pas exclu a priori qu’il existe des phonèmes différents ne se trouvant jamais en position semblable : c’est, par exemple, le cas, en anglais, de l’aspirée initiale de mot (hill, hand, etc.) et de la nasale vélaire, toujours finale (king, living). Doit-on, sous prétexte que ces deux sons ne « commutent » jamais, les tenir pour deux variantes d’un seul et même phonème ? La plupart des linguistes ne vont pas jusque-là, et admettent que, dans ce cas, le témoignage intuitif de notre oreille downloadModeText.vue.download 89 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 803 supplée le critère fonctionnel défaillant : elle perçoit ici deux sons suffisamment différents pour qu’on parle de deux phonèmes distincts. Dans le cas des mots suédois tog et stol, l’oreille témoigne dans le sens contraire : elle perçoit une ressemblance suffisante pour qu’on parle d’un seul et même phonème. On voit que la méthode fonctionnaliste de la commutation ne réussit pas à éliminer le recours à l’intuition, que les partisans d’une linguistique « immanente » voulaient proscrire. Ce recours n’est pas exceptionnel, comme ces deux exemples pourraient le faire croire : l’oreille seule nous garantit l’identité du phonème [r] dans rat, raie, roux, riz, du phonème [p] dans pas, pot, pain, pie. Même dans les cas où l’on peut pratiquer la commutation, par exemple si l’on oppose les phrases : Il avait les cheveux ras, Il avait les cheveux roux, le seul témoignage de l’oreille nous garantit la non-identité des phonèmes terminaux [a] et [u] et l’identité de tous ceux qui précèdent. Le même recours à l’intuition est impliqué dans le domaine du signifié : l’identité (ou la non-identité) du sens ne se démontre pas, elle s’impose d’elle-même à la conscience. Les linguistes « béhavioristes » voient une preuve positive dans l’identité de comportement du destinataire du message, mais cette identité ellemême suppose une intuition identique du sens. Les limites de la commutation, en tant que procédure heuristique, ont été justement tracées par des linguistes comme Noam Chomsky : on ne peut nier qu’elle s’appuie à tout moment sur la connaissance intuitive des sons et des sens. Mais il n’en est pas moins vrai qu’elle dirige et discipline l’intuition, en organise les données et les arbitrages. Elle a fait progresser la théorie des phonèmes, permis un classement fonctionnel des variantes, assis la notion féconde de variantes combinatoires. (V. COMPLÉMENTARITÉ.) Sa valeur s’est confirmée par l’application qu’on en a faite à l’étude des unités significatives, grammaticales (morphèmes) et lexicales (lexèmes). Troubetzkoy écrivait, dans ses Principes de phonologie (1939, traduit en 1949) : « Tous ces principes de classement ne valent pas seulement pour les oppositions phonologiques, mais aussi pour n’importe quel autre système d’oppositions. » Dès 1933, L. Bloomfield (Language, chap. X) avait fondé l’identification des formes grammaticales sur la comparaison de phrases où notre connaissance pratique (practical knowledge) nous fait appréhender des segments phonétiquement et sémantiquement identiques : John ran, John fell, Bill ran, etc. Cette méthode postulait l’identité fonctionnelle des termes différents pouvant alterner ; c’était faire de la commutation (avant la lettre) le principe essentiel de la délimitation des morphèmes. Bloomfield y trouvait en même temps le critère pour un classement fonctionnel. La réduction, variété de la commutation, révèle le caractère dépendant ou indépendant d’un terme. Dans le groupe (ou syntagme) poor John, « le pauvre John », poor peut être supprimé sans que change la fonction de John, mais l’inverse est impossible : poor dépend de John, et non l’inverse. Ainsi distingue-t-on des syntagmes à dépendance unilatérale (comme poor John), à dépendance réciproque (John ran), et à indépendance réciproque (John and Bill) ; les classes de mots peuvent être caractérisées par leur aptitude à jouer tel ou tel rôle dans l’agencement de la phrase. La commutation devint, après cette date, le critère favori des structuralistes des deux continents, aussi bien des mécanistes les plus hostiles à la prise en compte des éléments de sens (distributionnalisme de Harris, glossématique de Hjelmslev) que des analystes gardant pour objectif la définition des signifiés (tel G. Gougenheim, dans son Système grammatical de la langue française, 1938). A ceux-ci elle offre, par la réduction au minimum de l’élément formel variant, une technique solide d’abstraction et de localisation des différences sémantiques intuitivement senties entre deux phrases voisines. Pourtant, un des théoriciens français les plus avertis en la matière, J. Cantineau, le traducteur des Principes de Troubetzkoy, n’a pas manqué de formuler, dans ses préliminaires à une étude des « oppositions significatives » (Cahiers Ferdinand de Saussure, n° 10, 1952), une réserve analogue à celle dont ont fait l’objet les phonèmes non commutables, écrits h dans hill et ng dans king (v. plus haut). On y lit cette défini- tion prudente : « Deux éléments formels minima (c’està-dire non susceptibles d’être divisés en éléments plus petits doués de signification) phoniquement et sémantiquement différents seront considérés comme deux morphèmes ou deux lexèmes différents (suivant le cas), surtout s’ils peuvent être employés dans le même contexte avec une signification différente. » Cette dernière condition est réalisée dans les exemples qu’il donne d’une opposition de lexèmes : Il a une grande verrue, Il a une grande vertu, et d’une opposition de morphèmes : Je mangeais du foie de veau, Je mangerai du foie de veau, mais elle ne peut l’être si l’on veut mettre en évidence, par exemple, la différence — incontestable par ailleurs — qui sépare quand et dans. La commutation n’est donc donnée que comme une condition optimale d’analyse des oppositions. La commutation des éléments significatifs présente un non moindre intérêt par l’étude qu’elle facilite des variations contextuelles : règles d’accord, faits de « concordance des temps », variations de mode régies par la conjonction ou par le sens du verbe principal, etc. Elle est ainsi le détecteur de toutes les contraintes qui font la « syntaxe » et dont la violation produit un effet de cacologie. (V. COMPLÉMENTARITÉ.) Il ne faut pas confondre avec la commutation la transposition (ou « translation »), qui est dans une certaine mesure l’opération inverse ; la première fait varier le sens en conservant la forme grammaticale, la seconde change la forme sans toucher au sens : J’ai appris que Kessel était élu, J’ai appris l’élection de Kessel. (La proposition conjonctive de la première phrase est transposée en groupe nominal dans la seconde.) Pratiquée de tout temps pour les besoins de la traduction, recommandée par les méthodes de style (par exemple E. Legrand, Stylistique française, 1924), intégrée à la théorie linguistique par les élèves de Saussure, Ch. Bally (Bulletin de la Société de linguistique de Paris [1922], puis Linguistique générale et linguistique française [1932]), Albert Séchehaye (Essai sur la structure logique de la phrase, 1926), Henri Frei (Grammaire des fautes, 1929, pp. 175-232), la transposition, sous le nom de « transformation », est devenue pour les linguistes, vers 1957 (Chomsky), un phénomène de première importance, dont toute description de langue s’applique à dégager les modalités et les possibilités infinies (grammaire générative). commutativité [kɔmytativite] n. f. (de commutatif ; XXe s.). Caractère de ce qui est commutatif ; : La commutativité de la multiplication des nombres naturels (Boll). commutatrice [kɔmytatris] n. f. (fém. de commutateur ; 1922, Larousse). Machine destinée à transformer du courant alternatif en courant continu et inversement. commuter [kɔmyte] v. tr. (doublet de commuer ; 1614, Stoer). 1. Syn. de COMMUER. ∥ 2. En linguistique, substituer un terme à un autre terme de même classe grammaticale ou lexicale. downloadModeText.vue.download 90 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 804 comourants [kɔmurɑ̃] n. m. pl. (de coet de mourant ; XXe s.). En termes de droit, personnes qui, susceptibles de se succéder réciproquement, meurent dans un même accident. compacité [kɔ̃pasite] n. f. (de compact ; 1762, Acad.). État, qualité de ce qui est compact : La compacité du béton. compact, e [kɔ̃pakt] adj. (lat. compactus, resserré, part. passé de compingere, assembler ; v. 1377, Oresme, écrit compac [compacte, m. et f., XVIe s., et encore au XIXe s. ; compact, e, début du XVIIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1824, Ségur ; sens 3, fin du XVIIIe s., Buffon ; sens 4, 1810, Mme de Staël). 1. Se dit d’un corps, d’une substance dont les molécules, les parties sont très serrées et ne se séparent que difficilement : Un bois compact. Une chair, une terre com- pacte. ∥ 2. Par anal. Se dit d’un ensemble dont les éléments sont très serrés, très rapprochés les uns des autres : De grands lustres [...] éclairaient la foule sombre et compacte (Tharaud). ∥ Une édition compacte, dont les caractères sont serrés, qui renferme beaucoup de texte sous un volume réduit : Une bible compacte en un volume (Flaubert). ∥ 3. Par extens. et littér. D’aspect ramassé, trapu : [Claudel] était de taille médiocre, massif et même compact (Duhamel). ∥ 4. Fig. Qui forme bloc ; qui ne se laisse pas diviser ou entamer : Une majorité compacte. • SYN. : 1 dense, tassé ; 2 épais, pressé. — CONTR. : 1 clair, lâche ; 2 clairsemé, dispersé, éparpillé, épars. compactage [kɔ̃paktaʒ] n. m. (de compact ; 1953, Larousse). Pilonnage du sol destiné à le tasser et à en accroître la densité. compagne [kɔ̃paɲ] n. f. (fém. de l’anc. franç. compain [v. COPAIN] ; XIIe s., Dialogues de saint Grégoire, aux sens 1-2 ; sens 3, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 4, 1580, Montaigne ; sens 5, 1690 [d’après Trévoux, 1704]). 1. Celle qui accompagne quelqu’un. ∥ 2. Fille ou femme qui vit habituellement auprès d’une autre personne ou qui partage ses occupations, ses jeux : Et trois vierges, de grâce et de pudeur parées, | De leurs compagnes entourées, | Paraissent parmi les soldats (Hugo). Compagne de classe, de jeux. ∥ Spécialem. Dans le style relevé, épouse attachée à son époux et qui passe sa vie auprès de lui : Je n’ai souhaité, moi, ni la douce compagne | Dont les regards nous font un ciel dans la maison... (Banville). ∥ 3. Par extens. Celle qui partage le même idéal, qui participe aux joies, aux peines de quelqu’un : Compagne d’infortune. ∥ 4. Fig. Se dit d’une chose qui va de pair avec une autre et dont le nom est féminin : La famine et la peste, sa compagne ordinaire, firent d’effroyables ravages (Mérimée). ∥ 5. Se dit aussi de la femelle d’un animal. • SYN. : 2 amie, camarade, copine (pop.). compagnie [kɔ̃paɲi] n. f. (lat. pop. *compania, compagnie, de cum, avec, et panis, pain [v. COMPAGNON] ; v. 1050, Vie de saint Alexis, au sens I, 1 ; sens I, 2-3, 1080, Chanson de Roland ; sens I, 4, fin du XIIe s., Gace Brulé [de bonne compagnie] ; sens II, 1-2, 1636, Monet ; sens III, 1, v. 1360, Froissart ; sens III, 2, 1680, Richelet ; sens IV, milieu du XVIe s., Amyot). I. 1. Action de séjourner auprès de quelqu’un ; présence auprès de lui : Rechercher la compagnie des honnêtes gens. Votre compagnie m’est particulièrement agréable. ∥ Tenir compagnie à quelqu’un, rester auprès de lui : Je vais fumer sous ces marronniers, avec ce brave Spark qui me tiendra compagnie (Musset). ∥ Fausser compagnie à quelqu’un, le quitter subrepticement : Il [...] faussa compagnie aux hôtes du château [...] et se rendit lui-même à la gare (Feuillet). ∥ Dame, demoiselle de compagnie, personne dont la fonction consiste spécialement à tenir compagnie à une autre. ∥ En compagnie de, en même temps que, avec : Nous nous empilâmes dans la barque en compagnie d’un cheval blanc (Flaubert). ∥ De compagnie, ensemble : À cinq lieues de Paris, il fut accosté par un vieillard [...]. Ils marchèrent quelque temps de compagnie (Restif de La Bretonne). On les voyait traverser de compagnie, le valet suivant le maître (Hugo). ∥ 2. Société constituée par la présence d’une ou de plusieurs personnes autour de soi : Le brave Risler, lui non plus, n’était pas une compagnie bien égayante (Daudet). ∥ Par anal. Animal qui accompagne quelqu’un ou vit habituellement près de lui : Ce chat est sa seule compagnie. ∥ Fig. Se dit d’un objet qui distrait, intéresse, occupe quelqu’un : Un livre est une bonne compagnie. ∥ 3. Réunion de personnes : C’était la première fois qu’elle se voyait au milieu d’une compagnie si nombreuse (Flaubert). Sous l’auvent d’une cheminée gigantesque où la lampe de cuivre pendait accrochée, une nombreuse compagnie se serrait devant un feu clair de pieds d’oliviers, dont la flamme irrégulière éclairait bizarrement les coiffes pointues et les vestes de cadis jaune (Daudet). ∥ Class. Ensemble de compagnons : [Telemachus] n’ose pas faire attendre sa compagnie qui l’attend à Pylos (Racine). ∥ Bonsoir la compagnie, interpellation familière. ∥ 4. Class. et littér. Assemblée mondaine de gens se réunissant pour leur plaisir : J’ai souffert qu’elle ait vu les belles compagnies (Molière). Laurent, l’ayant rencontrée par les champs, l’avait amenée pour divertir la compagnie (Sand). ∥ La bonne ou (vx) la haute compagnie, les gens bien élevés et, généralement, d’un niveau social élevé : La bonne compagnie de l’endroit commençait à me trouver jacobin (Stendhal). ∥ Être de bonne, de mauvaise compagnie, témoigner d’une bonne ou d’une mauvaise éducation. II.1.Corps constitué, association de personnes réunies pour une oeuvre commune, ou sous des statuts communs : Savez-vous que vous aviez bien grande mine, le jour de Noël, à la tête de votre compagnie de la Chambre des comptes ? (Hugo). La Compagnie des agents de change. ∥ Absol. La Compagnie, la Compagnie de Jésus. ∥ L’illustre Compagnie, l’Académie française. ∥ 2. Nom donné à certaines sociétés commerciales, particulièrement à celles qui exploitent un service public : Compagnie d’assurances. Compagnie de navigation. ∥ Et compagnie (abrégé en et Cie), s’ajoute à une raison sociale pour indiquer qu’il existe d’autres associés qui ne sont pas nommés ; fam. et péjor., se dit pour insister sur une qualification, en laissant sous-entendre tous les synonymes possibles : C’est jalousie et compagnie, débinage et prétention (Salacrou). III. 1. Réunion, troupe de gens armés. ∥ Les Grandes Compagnies, troupes d’aventuriers qui s’étaient formées pendant la guerre de Cent Ans. ∥ 2. Spécialem. Unité administrative et de combat de l’infanterie et des armes anciennement à pied, commandée en principe par un capitaine. ∥ Compagnies de discipline, unités où, jusqu’en 1910, on incorporait ceux qui, dans leur vie militaire avaient encouru une condamnation. ∥ Compagnies républicaines de sécurité (C. R. S.), unités de police créées en 1948 et chargées du maintien de l’ordre. IV. Bande d’animaux, à poil ou à plume, de même espèce, qui vivent en groupe : Compagnie de sangliers, de perdreaux. • SYN. : I, 1 fréquentation, société ; 2 compagne, compagnon, entourage, milieu ; 3 assemblée, assistance, cercle, réunion ; 4 société. ∥ II, 1 communauté. ∥ IV colonie, harde. compagnon [kɔ̃paɲɔ̃] n. m. (lat. pop. companionem, accus. de companio, de cum, avec, et panis, pain, proprem. « qui mange son pain avec » ; 1080, Chanson de Roland, au sens 2 ; sens 1, 1549, R. Estienne ; sens 3, fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens 4, 1690, Furetière ; sens 5, 1460, Lettres de Louis XI ; sens 6, XVIIIe s., Brunot ; sens 7, 1866, Larousse). 1. Celui qui accompagne quelqu’un : Compagnon de voyage.. Son ami T..., qu’il choisissait pour compagnon de route, l’attendait (Gide). ∥ 2. Celui qui se trouve auprès d’une autre personne, qui partage sa vie, ses occupations : Aucun des compagnons de ma première enfance [...] | N’avait ces traits si purs, ce front, cette langueur (Lamartine). Un compagnon d’armes, de captivité. Compagnon d’infortune, de misère. ∥ Un bon ou un franc compagnon, un homme gaillard et plein d’entrain, de gaieté : La gaieté du franc compagnon y tempérait à propos la fierté du noble (Gautier). Le chevalier, qui était connu dans le pays pour un bon compagnon, downloadModeText.vue.download 91 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 805 ne pouvait paraître dans aucun lieu sans éveiller des idées joviales (Feuillet). ∥ Un hardi compagnon, un homme énergique et cuonu hroagmemuxe. d∥onUtn i ld faanutg esree muxé fcioerm. p∥a3g.nPoanr, extens. Animal qui vit avec quelqu’un et lui tient compagnie : Elle a pour seul compagnon un chien fidèle. ∥ 4. Fig. Chose qui va de pair avec une autre (et dont le nom est masculin) : Je vis en société avec un corps, compagnon muet, exigeant et éternel (Delacroix). Le crime a pour compagnon le remords. ∥ 5. Autref. Ouvrier qui avait terminé son apprentissage, mais n’était pas encore maître : Il était de règle que les compagnons fissent leur tour de France. ∥ Auj. Ouvrier spécialisé, dans certaines professions artisanales : De hardis compagnons sifflaient sur leur échelle (Sully Prudhomme). Compagnon charpentier [...], il était resté pendant deux mois à la charge de sa famille (Maupassant). ∥ 6. Membre d’une association de compagnonnage : Il est compagnon du Devoir. Il a une grande canne, avec de longs rubans (Vallès). ∥ 7. Grade dans la franc-maçonnerie. • REM. C’est COMPAGNE qui sert de féminin à compagnon. Toutefois, COMPAGNONNE (fin du XVIe s., G. Bouchet) est employé quelquefois dans une intention plaisante : Une duègne, affreuse compagnonne, | Dont la barbe fleurit et dont le nez trognonne (Hugo). • SYN. : 2 ami, camarade, collègue, condisciple, copain (pop.), familier. compagnonnage [kɔ̃paɲɔnaʒ] n. m. (de compagnon ; 1719, Dict. général, au sens 2 ; sens 1, 1833, Michelet ; sens 3, 1752, Trévoux). 1. Qualité de compagnon : Ce compagnonnage de deux artistes qui aiment profondément leur art (Bourget). ∥ 2. Autref. Temps pendant lequel un ouvrier sorti d’apprentissage devait travailler comme compagnon chez un maître, avant de devenir maître lui-même. ∥ 3. Association d’ouvriers compagnons d’un même corps de métier, à des fins d’instruction professionnelle et d’assistance mutuelle : Il ne lui adressa plus la parole que sur un ton familier et brutal, que les ouvriers ont entre eux comme un lien de compagnonnage (Daudet). • SYN. : 1 amitié, camaraderie, familiarité, intimité. compagnonne n. f. V. COMPAGNON. compagnonner [kɔ̃paɲɔne] v. intr. (de compagnon ; 1611, Cotgrave). Vx. Être compagnon de quelqu’un : Un camarade de l’atelier avec lequel il compagnonnait (Goncourt). Au temps où il compagnonnait avec les hobereaux, il avait participé à ces spacieux soupers (Huysmans). compagnonnique [kɔ̃paɲɔnik] adj. (de compagnon ; début du XXe s.). Relatif au compagnonnage, aux associations de compagnons : La confusion provient peutêtre du fait que G. s’est intéressé aux sociétés compagnonniques, qui fleurissent encore dans la région de Tours (Romains). comparabilité [kɔ̃parabilite] n. f. (de comparable ; 1863, Littré). Caractère de choses comparables entre elles. comparable [kɔ̃parabl] adj. (lat. comparabilis, de comparare [v. COMPARER] ; v. 1200, Reclus de Moiliens). 1. Qui peut être comparé avec : Quand tes grands yeux [...] | Abaissent jusqu’à nous leurs aimables rayons, | Comparable à ces fleurs d’été que nous voyons | Tourner vers le soleil leur fidèle corolle (Verlaine). Cette profession des lettres, elle n’est en vérité comparable à nulle autre (Duhamel). ∥ 2. Qui est égal, semblable : On ne trouve rien de comparable dans ce livre. • SYN. : 1 analogue, approchant, assimilable, ressemblant, semblable ; 2 équivalent, identique, pareil, similaire, voisin. — CONTR. : 1 inassimilable ; 2 contraire, différent, dissemblable, opposé. comparaison [kɔ̃parɛzɔ̃] n. f. (lat. comparatio, de comparatum, supin de comparare [v. COMPARER] ; v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence). 1. Action de rapprocher deux ou plusieurs êtres ou choses, afin de noter leurs ressemblances ou leurs dissemblances : La comparaison de deux manuscrits d’une même oeuvre. Cette rapide comparaison entre sa situation présente et le but auquel il fallait parvenir contribua à le stupéfier (Balzac). ∥ Adverbes de comparaison, ceux qui marquent un rapport d’infériorité, d’égalité ou de supériorité. ∥ Degrés de comparaison ou de signification, v. DEGRÉ. ∥ Point, terme de comparaison, chose qui a été choisie pour être comparée à une ou plusieurs autres, dont on veut établir la valeur par rapport à elle. ∥ Sans comparaison (suivi d’un superlatif), de beaucoup, infiniment : Sa maison fut, sans comparaison, la plus agréable de la ville (Stendhal) ; s’emploie aussi comme formule de politesse, pour atténuer une affirmation, avec la valeur de « sans vouloir faire de rapprochement désobligeant ». ∥ En comparaison de, en comparaison, relativement à, par rapport à : Qu’est-ce que la durée de la vie humaine en comparaison de l’éternité ? Cet homme très simple qu’au moins sa candeur décore | En comparaison d’un monde autour que Dieu déteste (Verlaine). ∥ Class. À comparaison de, par comparaison avec : L’empire des Césars n’était-il pas une vraie pompe à comparaison de celui-ci ? (Bossuet). ∥ Par comparaison, si l’on compare à autre chose, d’une manière relative : La plupart des choses ne sont bonnes ou mauvaises que par comparaison. ∥ Hors de comparaison, au-dessus de tout. ∥ Entrer en comparaison avec, être comparable à. ∥ 2. Procédé de style qui consiste à établir un rapport entre ce dont on parle et un terme analogique auquel on le compare, dans une intention de clarté ou de poésie, les deux termes étant joints par un lien grammatical (comme, ainsi que, tel, etc.) : La métaphore ou la comparaison emprunte d’une chose étrangère une image sensible et naturelle d’une vérité (La Bruyère). Cherchant à quelle comparaison je pourrais faire appel... (Gide). (V. art. spécial.) • SYN. : 1 collationnement, confrontation, rapprochement ; 2 image, métaphore, parabole. GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE LA COMPARAISON On fait une comparaison dès que l’on classe deux éléments dans le même ensemble, ou dans des sous-ensembles disjoints, c’est-à-dire dès qu’on établit entre eux un point commun ou une différence (laquelle suppose un point commun) : Votre parapluie est semblable au mien. (Dans l’ensemble des parapluies, le vôtre et le mien ont des caractères identiques.) Allez donc plus loin. (Dans l’ensemble des lieux, celui où je veux vous voir est plus éloigné de moi que celui où vous êtes.) On compare des identités (Nous avons le même député), des qualités (Nous avons des parapluies très différents), des quantités (Il a moins d’enfants que moi). La comparaison peut se superposer à toute autre catégorie, par exemple : — au temps : Je l’inviterai avant les fêtes, avant qu’il fasse froid. Il n’est plus comme quand je l’ai connu ; — à la condition : Faites comme si vous étiez chez vous ; — à la conséquence : Il parle trop vite pour qu’on suive son idée. La comparaison a beaucoup d’expressions sémantiques : elle est contenue dans des mots de toutes classes, comme rivalité, abus, imitation, égal, différent, même, autre, inférieur, ainsi, plus, autant, ressembler, valoir, dépasser. Aussi n’a-t-elle souvent pas d’expression grammaticale propre. Dans une phrase comme : Mon parapluie ressemble au tien, une comparaison est exprimée, mais le pronom au tien, désignant le second élément du rapport, n’est pas appelé « complément de comparaison » : c’est simplement le complément d’objet du verbe downloadModeText.vue.download 92 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 806 ressembler, lequel exprime lexicalement toute la comparaison ; dans les groupes : le rival de Paul, une note inférieure à dix, les noms Paul et dix ne sont pas appelés « compléments de comparaison » : ce sont respectivement les compléments du nom rival et de l’adjectif inférieure. La comparaison est souvent exprimée dans un attribut (v. ce mot) : Cet homme est un lion, ou dans une apposition (v. ce mot), directe ou indirecte : Les brebis s’en vont dans la neige Flocons de laine... (Apollinaire). ... sous l’auvent de sa coiffe blanche (Courteline). Dans tous ces cas, en effet, plusieurs éléments sont intégrés à un même ensemble, en vertu d’un point commun qu’on laisse à deviner. Quelques adverbes comparaison, mais « circonstances » desquelles on les expriment aussi une associée à d’autres ou relations, sous le chef range : Vous arrivez tard : complément de temps ; Il écrit mieux : complément de manière ; Ils travaillent tous autant : complément de quantité ; Un enfant très joueur : complément de quantité. Un usage invétéré, hérité de la grammaire latine, veut que les groupes composés de plus, moins, aussi, ou très suivi d’un adjectif ou d’un adverbe, soient donnés dans l’analyse grammaticale comme des unités morphologiques appelées « comparatifs » (plus grand, lat. major) et « superlatifs » (très grand, lat. maximus). [V. DEGRÉ.] Toutes ces raisons font que l’emploi de l’expression « complément de comparaison » est réduit à peu de chose dans les manuels de grammaire. Ne l’appliquant pas aux compléments comme tard, mieux, plus, qui indiquent le point de vue de la comparaison, on la réserve à ceux dont la fonction est de déterminer le « second élément » comparé : Mon salaire est maigre à côté (ou auprès, en comparaison, en regard) du sien. Le bénéfice est maigre comparativement aux dépenses engagées. La langue classique employait près de, au prix de : Pour vous régler sur eux que sont-ils près de vous ? (Racine). Virgile, au prix de lui, n’a point d’invention (Boileau). Ces locutions prépositives sont construites sur un mot exprimant le lieu ou le prix ; elles peuvent l’être sur une idée de manière : Elle écrit à la manière (façon, mode) de George Sand, d’où l’expression familière elliptique à la : Elle écrit à la George Sand. Une barbe à la Dumolard. L’ancien français usait, pour introduire le second élément d’une comparaison après les formes simples ou périphrastiques dites « de comparatif », ainsi qu’après le pronom-adjectif même, de la préposition de : Meillor vassal n’out en la curt de lui [Il n’y avait pas à la cour meilleur vassal que lui] (La Chanson de Roland). La construction se rencontre encore au XVIe s. : Il l’avoit veu faire aux autres plus aagez de lui (Lemaire de Belges). Exceptionnelle au XVIIe s. : Je ne suis plus le même d’hier (Molière), elle peut être à l’origine des tours comme : plus de dix hommes, moins de vingt minutes, et de la locution à moins de. En fait, ce tour a subi dès l’ancien français la concurrence, finalement victorieuse, d’une construction toute différente, et propre à la comparaison, où le second élément est un mot simple introduit par une conjonction : meilleur que lui, plus âgés que moi, le même qu’hier. Ce type de complément conjonctionnel remonte théoriquement à une proposition, allégée par économie : Je ne suis plus le même que (j’étais) hier. L’avantage de la conjonction est de pouvoir se superposer à la préposition, ce qui permet de présenter le second élément dans une fonction non ambiguë : Je lui ai donné un livre moins beau qu’à toi (*moins beau de toi serait équivoque). La conjonction permet aussi d’exprimer un second élément constitué de plusieurs membres : Cette robe lui va aussi bien qu’un tablier à une vache. La dénomination de tels compléments a souvent embarrassé les grammairiens. Dans le dernier cas, on ne peut parler que d’une « proposition elliptique », où tablier est sujet et vache complément d’attribution. Dans l’avant-dernier exemple, le pronom toi, précédé de à, est encore assez clairement complément d’attribution d’un verbe donner sous-entendu. Mais on répugne à appeler « proposition elliptique » un mot seul comme le pronom lui et l’adverbe hier dans meilleur que lui, le même qu’hier. Si, d’autre part, on veut en faire un simple « complément » — plusieurs disent « étalon » — du comparatif meilleur ou du pronom le même, on se heurte vite à des problèmes de « support » ; il est évident que le support dudit complément n’est pas le même dans deux phrases comme : 1. Je n’ai pas de vassal meilleur que lui. 2. J’ai obtenu un résultat meilleur que lui. Le minimum d’analyse, consciente ou non, nécessaire pour comprendre ces deux phrases oblige à voir dans le pronom lui un sujet (par ellipse), ou du moins un « étalon », opposé au premier terme je, alors qu’il s’oppose dans la phrase 1 au complément d’objet vassal. Se contenter de dire « complément de comparaison » ou « étalon », sans plus, n’est qu’éluder la difficulté, qui est liée à la nature même de la comparaison : celle-ci implique un parallélisme susceptible de mettre en jeu tous les termes de la proposition ; l’étalon est elliptique par une économie verbale semblable à celle qui permet la coordination de deux sujets, de deux compléments d’objet, etc. : J’ai reçu une lettre et (j’ai reçu) un paquet. LES PROPOSITIONS COMPARATIVES I. SYSTÈMES PARALLÈLES L’essence particulière de la comparaison fait que les phrases comparatives se présentent souvent en « systèmes » de propositions, liées entre elles par un rapport bien difficile à classer soit dans la coordination (on met quelq uefois et devant le second membre), soit dans la subordination : Plus le fer est chaud, (et) plus il est malléable. L’égalité formelle des deux propositions a incité nombre de grammairiens à voir là soit deux indépendantes coordonnées, downloadModeText.vue.download 93 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 807 soit deux propositions solidaires dont chacune présuppose l’autre. Qu’il existe une hiérarchie fonctionnelle, cela n’est pourtant pas douteux, car l’ordre ne peut être inversé ; dire : Plus le fer est malléable, plus il est chaud n’aurait guère de sens, ou n’aurait pas le même sens. Dans tous ces systèmes, la première proposition joue le rôle d’étalon, et par là peut être tenue pour subordonnée ; la seconde apporte l’information qui motive la phrase, et par là peut être donnée pour principale. Ces systèmes sont caractérisés par l’emploi de mots « corrélatifs », comme plus (moins)... plus (moins), autant (aussi)... autant (aussi), meilleur... meilleur, mieux... mieux, tel... tel : Plus vous serez attentifs, mieux vous comprendrez. Tels ils étaient alors, tels je les vois aujourd’hui (Duhamel). Ces tours fleurissent dans les proverbes et formules, souvent avec ellipse : Tel père, tel fils. Ainsi dit, ainsi fait. II. PROPOSITIONS CONJONCTIVES 1° Annoncées par un corrélatif. Vous comprendrez d’autant mieux que vous serez plus attentifs. Je les vois aujourd’hui tels qu’ils étaient alors. Ces deux phrases rappellent les exemples, donnés plus haut, de « systèmes parallèles », mais la proposition étalon y est placée la seconde, introduite par que et annoncée dans la principale par le corrélatif. Le mode est l’indicatif (ou le conditionnel, si l’action est soumise à une condition donnée comme irréelle). Le corrélatif est choisi selon le rapport qu’on veut exprimer. • RAPPORT D’ÉGALITÉ. — En degré ou en quantité : aussi (devant un adjectif ou un adverbe), autant (auprès d’un verbe), autant de (devant un nom) : Le prince fut aussi vite calmé qu’il avait été irrésistiblement enivré (G. Ohnet). Le mot complémenté par le corrélatif est souvent représenté par le pronom neutre le : C’est une aventure aussi triste pour moi que celle des moulins à vent le fut pour Don Quichotte (Mérimée). Après une négation, aussi, autant peuvent être remplacés par si, tant : On n’est jamais si heureux ni si malheureux qu’on pense (La Rochefoucauld). — En identité ou en qualité : même (pronom ou adjectif), tel (attribut du sujet ou de l’objet, ou épithète) : Il peint avec la même sécheresse qu’il parle. Il est resté tel que nous l’avons connu. Je suis souvent consulté par le ministère du Commerce, tel que vous me voyez (Steve Passeur). • RAPPORT D’INÉGALITÉ. — En degré ou en quantité : plus, moins, mieux, pis, meilleur, moindre, plutôt. L’inégalité est ordinairement soulignée devant le verbe subordonné par le mot ne, qui, dans cette fonction, n’est pas négatif (on peut l’appeler « ne expressif » en référant à son origine) : Paris était alors plus aimable qu’il n’est aujourd’hui (A. France). Le pronom neutre le est employé comme dans l’égalité : Elle est moins riche que je ne (le) croyais. Il travaille moins qu’il ne veut (le) faire croire. Après une principale négative ou interrogative, ne est facultatif, mais plus rare : Paris n’était pas plus aimable qu’il l’est aujourd’hui. — En identité ou en qualité : autre, autrement. Le ne expressif et le pronom neutre le sont usuels : Il m’a donné autre chose que je n’aurais voulu. Il a répondu autrement que je ne l’aurais fait. Ces propositions, quand leur contenu s’y prête, sont réduites par ellipse, donnant naissance aux compléments « étalons » dont nous avons parlé plus haut : autant qu’hier, meilleur que toi, etc. Le terme auquel elles sont réduites peut être une proposition subordonnée commençant par si, quand, lorsque : Je suis sûr que le chat ne pense pas ; pourtant il a l’air aussi profond que s’il pensait (J. Renard). 2° Sans corrélatif. Des subordonnées comparatives sans corrélatif peuvent être introduites par comme, ainsi que (littér.), de même que (littér.) ; elles précèdent ou suivent la principale, et leur mode est l’indicatif (éventuellement le conditionnel) : Comme il sonna la charge, il sonne la victoire (La Fontaine). Il vous traite comme il traiterait son propre fils. Les corrélatifs ainsi ou de même peuvent apparaître dans la principale, si elle suit la subordonnée (emploi littéraire) : De même qu’il y a en Balzac autre chose qu’un réaliste, ainsi George Sand ne s’est pas confinée dans le pur idéalisme (Lanson). Ces propositions peuvent exprimer une conformité aperçue entre deux actions (comme dans l’exemple de La Fontaine), ou une manière : Elle redescendit l’escalier comme on fuit un incendie (R. Martin du Gard). Il n’est pas rare qu’elles se rapportent à un substantif, qu’elles qualifient : C’est plein de livres comme tu les aimes (t’Serstevens). Le nom qualifié peut être représenté par en dans la subordonnée : De solides études comme on n’ en fait plus maintenant (Daudet). Ces propositions subissent les mêmes réductions que les propositions introduites par que, et donnent des compléments de manière ou de qualité : Il courait comme un fou ; jolie comme tu (l’)es, comme toi ; un homme comme lui ; l’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours. On tombe dans la simple coordination avec des phrases du type : Paul, ainsi que Gérard, a (ont) donné sa (leur) démission. Comme que, ces conjonctions peuvent être suivies de si, quand, lorsque : Elle vécut jusqu’au soir comme si elle était grise, sans savoir ce qu’elle faisait (Maupassant). La réduction des subordonnées comparatives avec ou sans corrélatif ne vise pas seulement une économie de mots, elle évite une répétition désagréable : Il courait comme (court) un fou. Il vous regarde comme une vieille fille (regarde) son confesseur (P. Mille). Le même effet est obtenu, avec plus de clarté, par l’emploi des représentants comme le et en (v. plus haut) et comme le verbe substitut faire : Il courait comme fait un fou. L’oncle regarda son neveu avec un certain plaisir, comme il eût fait un beau cheval (Aragon). Il me secoua comme on fait d’un prunier (Vercors). downloadModeText.vue.download 94 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 808 Comme, ainsi que et de même que peuvent être remplacés dans beaucoup de leurs emplois par tel que (littér.) : Tels que la haute mer contre les durs rivages, À la grande tuerie ils se sont tous rués (Leconte de Lisle). Tel sans que peut jouer le même rôle, accordé avec l’un ou l’autre des noms mis en comparaison : Sa voix claque, telle (ou tel) un fouet. 3° Progression proportionnelle. Une idée de comparaison s’ajoute à celle d’une progression d’intensité dans un type de phrase contenant la conjonction que annoncée par d’autant plus (moins) et suivie de plus (moins) : La déception fut d’autant plus rapide que l’espoir avait été plus grand (Troyat). A ces deux idées s’ajoute une idée temporelle avec à mesure que : A mesure qu’on approchait de l’eau, le sable devenait plus dur (Troyat). HISTORIQUE Sans revenir sur la construction ancienne de l’ « étalon » avec de (meillor de lui), on étudiera ici les formes propositionnelles de la comparaison. I. SYSTÈMES PARALLÈLES Le latin connaissait un grand nombre de systèmes corrélatifs adverbiaux (ut... ita ; quemadmodum... sic ; quam... tam ; quo ... eo) et adjectivaux (qualis... talis ; quantus... tantus). Dans tous ces couples, un des deux termes était marqué comme subordonné, et, par suite, l’ordre était susceptible d’inversion (talis... qualis). L’ancien français a gardé de ces couples les corrélatifs quant... tant : Quant plus lou chastie et reprent, Tant plus embrase et plus esprent (Fabliaux, recueil de Méon). Le couple corrélatif quo... eo, de rigueur en latin devant les comparatifs, n’est conservé qu’à moitié dans des phrases comme : Que plus vesqui la lasse fame, Et plus ses maus li empira (Gautier de Coincy). Au lieu d’un adverbe continuant eo, c’est la conjonction et qui marque ici la successivité logique de la principale. Cette conjonction se rencontre aussi bien après com, quant. etc. : Comme il plus demanderent, et moins en apristrent (la Mort le roi Artu). Quant je plus vous acoint, et je plus vous truis faus [Plus je vous fréquente, plus je vous trouve fou] (Merlin). L’indice initial de subordination se fait moins fréquent si l’on passe de Joinville à Froissart, et de Froissart à Commynes, lequel écrit : Plus il estoit embrouillé, et plus il s’embrouilloit. Cette possibilité s’est conservée jusqu’à nos jours, malgré l’opposition des grammairiens. Racine, qui en usait dans les Plaideurs : Plus je vous envisage, Et moins je reconnais, Monsieur, votre visage, fut l’objet d’une remarque de l’Académie, plus tard d’une dissertation de l’abbé d’Olivet. Le défaut de ce tour, obscurément senti et expliqué, était la confusion entre la coordination, que et marque ordinairement, et la subordination, dont le sentiment survit à la marque latine. Le tour moderne purement paratactique se rencontre quelquefois dans l’ancienne langue : Plus vont avant, plus sont chargié (Fabliaux, recueil de Barbazan). Mais il n’a connu de véritable développement qu’en moyen français. Sa régularité toute latine plut au XVIe et au XVIIe s., jusque dans ses formes les plus lourdes : Tant plus y estudions, tant moins y entendons (Rabelais). Malherbe exigea un équilibre parfait, barrant chez Desportes : ... qu’il croisse en rigueur, plus je luy suis fidelle, et aussi : Ains s’affermit plus fort, plus il est combatu, parce que plus doit être répété, et placé au début de chaque proposition. Ces règles de symétrie seront généralement observées, n’excluant pas l’emploi d’une conjonction au premier terme, très goûté d’une société nourrie de rhétorique latine : D’autant plus que les choses sont de conséquence, d’autant plus nous avons besoin, etc. (Bossuet). Le de même que... de même des versions latines (quemadmodum... ita) régnera dans tous les ouvrages d’éloquence jusqu’au XIXe s. II. PROPOSITIONS CONJONCTIVES Dans les systèmes inversés, tels que tam... quam, tantus... quantus, talis... qualis, eo modo... quo, le second élément a pour rôle essentiel de marquer la subordination : la réduction de quam, quantus, qualis, quo à un subordonnant abstrait comme que ne priverait la phrase d’aucune indication utile. Cette réduction se fit entre le latin et le français classique : elle était encore incomplète en ancien français. • Comme font aujourd’hui l’allemand (wie/als) et l’anglais (as/than), l’ancien français opposait, par l’emploi de com(e) et que, les comparaisons d’égalité et d’inégalité. Com(e) était usité : 1° Dans les locutions soudées si com (= comme), tant com (= autant que, aussi longtemps que) : Asne est fols par nature Si cum dit escripture (Ph. de Thaon, Bestiaire). Tant com il furent là, on les fist honorer (Berte au grand pied) ; 2° Après les corrélatifs d’égalité si, autresi, aussi, einsi (ainsi), issi, ensement (ainsiment), autant, tant, itant, tel : Si l’encaeinent altresi cum un urs [Ils l’enchaînent comme un ours] (La Chanson de Roland). Einsi se vest con cele seut [Elle s’habille comme celle-là en a l’habitude] (Tristan de Béroul). L’opposition de come et que se maintint longtemps, malgré les empiétements fréquents de que dès l’ancienne langue : La bouce avoit fresce et novele Autresi que une pucelle (Blancandrin). et quelques emplois de comme après plus, au XVIe s. : Est-il antéchrist Plus malin comme ces badins ? (Marot). Pourtant que tendait à se généraliser en tête de la proposition étalon, ce qui simplifiait la construction dans des phrases comme celle-ci : Jamais ne feurent veuz chevaliers tant preux, tant gualans, tant dextres à pied et à cheval, plus vers, mieulx remuans, mieulx manians downloadModeText.vue.download 95 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 809 tous bastons, que là estoient (Rabelais, Gargantua). On relève encore au XVIIe s. d’assez nombreux emplois du type ancien : Il ne paroît pas que la paix soit si proche comme je vous l’avois mandé (Sévigné). Autant l’hiver comme l’été (Racine, lettre). Mais ces constructions furent condamnées comme pléonastiques par Malherbe, Vaugelas, Ménage, Th. Corneille, l’Académie. P. Corneille, rééditant ses oeuvres en 1660, remplaça les comme incorrects par que. • Le milieu du XVIIe s. vit aussi répartir les emplois de si, aussi, tant et autant. Si conservait le sens originel du latin sic, « ainsi », dans quelques formules affirmatives (si ai, si ferai), qui, détrônées par le simple si (= « oui », répondant à une question négative), furent condamnées en 1693 par De Callières. En corrélation avec que (comme), il exprimait, concurremment avec aussi, l’égalité en degré dans des phrases positives ou interrogatives, aussi bien que négatives : Il faut que le monde possède une vie si utile et si belle que la vôtre (Guez de Balzac). Mais Rodrigue ira-t-il si loin que vous allez ? (Corneille). Cet emploi, fréquent chez Vaugelas, ne fut critiqué que vers la fin du XVIIe siècle. Th. Corneille et l’Académie imposèrent aussi dans les phrases affirmatives. Si était jugé d’un meilleur effet après la négation — comme de nos jours — et dans l’interrogation — usage vieilli maintenant. Tant en phrase positive se rencontrait encore au XVIe s. : De tant loing que le vit Pantagruel, il dit es assistans (Rabelais). En 1607, Maupas admettait encore que l’on dît : J’ay reçu du Roy tant (ou autant) de faveurs que j’ay voulu ; mais, dans cet exemple, tant portait sur une idée de nombre, comme dans l’expression tous tant que nous sommes ; c’est un cas où nous l’employons encore, ainsi que devant le verbe pouvoir : Il travaille tant qu’il peut. En dehors de ces deux cas, l’usage était déjà de dire : Ce diamant vaut autant que ce rubis. Tant n’était admis, en concurrence avec autant, qu’après la négation (comme aujourd’hui) ou l’interrogation. Les grammairiens se sont beaucoup plus occupés de la distinction entre (aus)si et (au)tant. Pour Maupas, si ne se construisait qu’avec les noms, les adjectifs et les adverbes (si poète, si bon, si prudemment), y compris les participes à valeur d’adjectif ; on ne devait pas dire : Un tel a si beu qu’il en est yvre ; tant était permis dans tous les cas. Oudin (1632) confirmait cette limitation de si, mais limitait à son tour tant, interdisant : Il est tant bon. L’usage moderne était défini, mais il devait être enfreint assez souvent par les plus grands écrivains du XVIIe s. : Un jour autant heureux que je l’ai cru funeste (Racine), et jusqu’à Jean-Jacques Rousseau. Encore est-il de règle d’employer autant pour aussi quand il est séparé de l’adjectif, ou lui est postposé : Je suis autant que vous curieux de le savoir. Je suis certain qu’elle est bonne autant que belle. • Le jeu des modes, jusqu’au XVIIe s., était moins étroitement grammaticalisé que de nos jours. On rencontre en ancien français des subjonctifs dans les comparatives : — Soit que l’action soit donnée comme irréelle, sens qu’exprimait l’imparfait du subjonctif avant l’apparition du conditionnel (v. ce mot) : Veient en mer une boche [une bosse], Si cum ço fust une roche (le Pèlerinage de saint Brendan). Cet emploi, courant après come se (= comme si), n’est que l’équivalent du conditionnel moderne ; — Soit qu’une indétermination plane sur l’action : Vus estes Deu. Jugiez vos plaiz si cum vus place [Jugez comme il peut vous plaire] (la Vie de saint Thomas Becket). On est sur la voie de la concession (v. ce mot) ; — Soit que l’auteur veuille restreindre la réalité de l’action dans sa portée sur le second terme (effet appuyant l’emploi du ne « expressif ») : Mais je vos aim plus que vos ne faciés mi (Aucassin et Nicolette). Nicolette jette un doute sur l’amour que lui porte Aucassin. Les subjonctifs que l’on rencontre encore assez abondamment au XVIIe s., quand ils ne relèvent pas de l’irréel (usage conservé de nos jours dans la langue littéraire), marquent l’indétermination : C’est un homme aussi vertueux que j’en connaisse (Guez de Balzac). ou une restriction : Clarice est belle et sage Autant que dans Paris il en soit de son âge (Corneille, le Menteur). Le personnage suggère qu’il n’en est pas de telle. La nuance est la même dans la formule conservée autant que je sache. • Il est des cas où la conjonction que est réclamée deux fois : par la comparaison et par l’introduction d’une subordonnée complément d’objet ; là où l’allemand dispose de als dass, l’anglais de than that, le français devrait dire que que, emploi dont on n’a que peu d’exemples en ce sens, et tous d’ancien français. Une autre solution a été longtemps préférée, la suppression d’un des deux que : Mielz voeill murir qu’entre paienz remaigne [J’aime mieux mourir que rester parmi les païens] (la Chanson de Roland). La langue classique connaît encore cette haplologie : Est-il rien de plus évident que nous sommes toujours hors de nous ? (Bossuet). En moyen français apparut une solution plus analytique : Il n’estoit rien au monde dont le roy ait plus grand paour que ce qu’il lui eschappast quelque mot (Commynes). Cette locution, au dire de Vaugelas, vieillissait à l’époque classique, où elle fut concurrencée par que de ce que, que non pas que : Ce n’est pas tant la mort qui me fait fuir que de ce qu’il est fâcheux à un gentilhomme d’être pendu (Molière). Ils jugent plus sûr que Dieu approuve ceux qu’il remplit de son esprit que non pas qu’il faille observer la loi (Pascal). De tout temps, on a su tourner moins lourdement la difficulté en transformant la proposition complétive en conditionnelle ou en infinitive : J’aime mieux qu’il nous accompagne que s’il restait seul. J’aime mieux qu’il nous accompagne que (de) le laisser seul. L’histoire des marques de la comparaison laisse l’impression d’une évolution cohé- rente : pas de refonte fondamentale, mais, au niveau du XVIIe s., la recherche d’une abstraction plus parfaite du côté de la conjonction (emploi généralisé de que) et un partage plus rigoureux des rôles entre les adverbes concurrents. La nature très particulière de la relation en cause entraîne une forme de complédownloadModeText.vue.download 96 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 810 mentation déroutant l’analyste qui voudrait retrouver les structures habituelles. Auxiliaire indispensable du mathématicien, qui ne manipule les nombres et les ensembles que pour formuler des identités, des différences et des proportions, la comparaison offre, à l’opposé, au poète et au romancier le moyen d’exprimer les mille intuitions de leur vue personnelle du monde, en même temps qu’à l’homme de la rue un stock souvent renouvelé de formules vigoureuses et humoristiques, pour suggérer manières et qualités. comparaître [kɔ̃parɛtr] v. intr. (réfection, d’après paraître, de l’anc. franç. comparoir [v. ce mot] ; début du XVe s.). [Conj. 58.] Se présenter par ordre devant un magistrat, un officier ministériel, un tribunal : Trois heures après, nous comparûmes devant un juge d’instruction (Nerval). ∥ Par extens. Comparaître devant Dieu, après la mort, comparaître devant le tribunal de la justice divine, pour répondre de ses actes : Il va répondre et comparaître | Devant Dieu qui le fit naître (Hugo). comparant, e [kɔ̃parɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (part. prés. de comparoir ; XIVe s., Godefroy). Qui comparaît en justice ou devant un officier ministériel : La partie comparante. Les comparants. comparateur [kɔ̃paratoer] n. m. (de comparer ; 1845, Bescherelle). Instrument de précision permettant d’effectuer, par comparaison après étalonnage, la mesure d’une longueur en l’amplifiant beaucoup. comparatif, ive [kɔ̃paratif, -iv] adj. (lat. comparativus, de comparatum, supin de comparare [v. COMPARER] ; 1290, Drouart la Vache, au sens 1 ; sens 2, 1495, J. de Vignay ; sens 3, 1680, Richelet). 1. Qui établit une comparaison entre deux ou plusieurs choses : Le tableau comparatif des résultats obtenus par une société durant les dix dernières années. La méthode comparative. ∥ 2. Relatif, proportionnel : Les forces comparatives des deux armées. ∥ 3. En grammaire, qui marque, exprime une comparaison : « Moins » est un adverbe comparatif ∥ Subordonnée comparative, proposition subordonnée de comparaison. % comparatif n. m. (1680, Richelet). Degré de signification de l’adjectif ou de l’adverbe exprimant la supériorité, l’infériorité ou l’égalité d’une qualité par rapport à une autre qualité ou à la même considérée chez un autre : « Plus grand », « moins grand », « aussi grand » sont les divers comparatifs de l’adjectif « grand ». (V. art. spécial DEGRÉ.) ∥ Complément du comparatif, deuxième terme de la comparaison, introduit en français par la conjonction que. (Ex. :Il est plus jeune QUE SON FRÈRE.) comparatiste [kɔ̃paratist] n. (dér. savant de comparer ; fin du XIXe s.). Spécialiste de la méthode comparative en grammaire ou en littérature. comparativement [kɔ̃parativmɑ̃] adv. (de comparatif ; 1556, Godefroy). Par comparaison : Une espèce de matelas comparativement moelleux (Gautier). Il faut donc bien observer comparativement ce que nous faisons de nos enfants, et ce qu’en font les autres nations, et songer aux conséquences possibles de ces éducations dissemblables (Valéry). ∥ Comparativement à, en comparaison de : Cet enfant, débarbouillé, devint charmant, et la vie qu’il menait chez moi lui semblait un paradis, comparativement à celle qu’il aurait subie dans le taudis paternel (Baudelaire). Qu’est-ce que cela comparativement au reste ? (Flaubert). comparé, e [kɔ̃pare] adj. (part. passé de comparer). Anatomie comparée, étude fondée sur la comparaison des organes des différentes espèces d’animaux. ∥ Grammaire comparée, branche de la grammaire qui étudie les rapports des langues entre elles. ∥ Littérature comparée, branche de l’histoire littéraire qui étudie les rapports existant entre les littératures des différents pays. comparer [kɔ̃pare] v. tr. (lat. comparare, apparier, comparer, de compar, égal, pareil ; v. 1200, Reclus de Moiliens). 1. Rapprocher deux ou plusieurs êtres ou choses afin d’établir ce qu’ils ont de semblable ou de différent : Et si je compare ma vie à la tienne, je ne saurais dire laquelle est préférable en soi (France). Je vous l’ai déjà dit, le nombre et l’importance des nouveautés introduites en si peu d’années dans l’univers humain a presque aboli toute possibilité de comparer ce qui se passait il y a cinquante ou cent ans avec ce qui se passe aujourd’hui (Valéry). ∥ 2. Rapprocher dans l’intention de découvrir un rapport d’égalité ou de faire ressortir les mérites respectifs : Il compara cette voiture à l’un des plus élégants coupés de Paris (Balzac). Ces études leur paraissaient quelque chose de tout à fait bas, comparées aux exercices littéraires qu’on leur présentait comme le but suprême de l’esprit humain (Renan). ∥ 3. Établir un rapprochement entre deux êtres ou deux choses par souci de clarté, de pittoresque ou de poésie : Il faudrait vous figurer le lys auquel mon coeur l’a sans cesse comparée, broyé dans les rouages d’une machine (Balzac). • REM. Comparer avec indique un examen plus détaillé que comparer à. comparoir [kɔ̃parwar] v. intr. (lat. jurid. médiév. comparere, comparaître [en lat. class., « apparaître »] ; v. 1300, Coutumes d’Artois). Vx. Comparaître en justice : Être sommé de comparoir. Que le sieur de Navailles fût ajourné à comparoir en personne à ladite cour (Retz). Cité à comparoir : Tartarin de Tarascon, le duc de Mons — mais ça m’étonnerait bien qu’il comparoisse ! (Daudet). • REM. Ce verbe est usité seulement dans la langue juridique, à l’infinitif et au participe présent : comparant. On le remplace de plus en plus par comparaître. comparse [kɔ̃pars] n. f. (ital. comparsa, apparition, personnage muet dans une pièce de théâtre, part. passé fém. de comparire, apparaître, se faire voir, lat. comparere, apparaître ; 1669, Ménestrier, au sens 1 ; sens 2, début du XVIIIe s., Saint-Simon). 1. Class. Entrée des quadrilles dans un carrousel : Les trois quadrilles et toutes leurs comparses (Saint-Simon). ∥ 2. Class. Action de figurer dans une cérémonie : On laisse à penser quel effet opéra une telle comparse (Saint-Simon). % n. (sens 1, début du XVIIIe s., Saint-Simon ; sens 2, 1798, Acad. ; sens 3, 1866, Larousse). 1. Class. Personne qui figure dans un carrousel. ∥ 2. Personnage entièrement muet ou qui joue un rôle infime dans une pièce de théâtre : Cette pièce [...] avait été composée pour le début de Florine, jusqu’alors comparse à la Gaîté (Balzac). La Pérouse eut un sursaut d’impatience, comme un acteur à qui quelque comparse maladroit couperait un effet (Gide). ∥ 3. Personne qui joue un rôle insignifiant dans une affaire, qui assiste à quelque chose plutôt qu’elle n’y participe : Mais Rosalie ne pouvait souffrir ce comparse de son bonheur (Daudet). C’était un de ces êtres de second plan qui semblent ne figurer dans la vie qu’en comparse et pour grossir un nombre (Gide). • SYN. : 2 figurant. compartiment [kɔ̃partimɑ̃] n. m. (ital. compartimento, de compartire, partager, du lat. cum, avec, et partire, partager ; 1546, Rabelais, aux sens 1-2 ; sens 3, 1749, Havard ; sens 4-5, 1866, Larousse). 1. Division d’une surface par la disposition régulière et symétrique de lignes : Les compartiments d’un damier, d’un parterre. ∥ 2. Ensemble de lignes formant un motif décoratif répété ou alterné : Plafond, dallage à compartiments. ∥ Spécialem. Dorure à compartiment, dorure présentant un décor de petits fers groupés dans des compartiments formés par des jeux de filets. ∥ 3. Chacune des divisions d’un objet, surtout d’un meuble, obtenues au moyen de cloisons : À l’un des murs [de la salle] est appliqué un casier à compartiments où se placent, roulées dans leurs ronds numérotés, les serviettes des habitués (Bourget). ∥ 4. Spécialem. Partie d’une voiture de chemin de fer limitée par des cloisons, et comportant banquettes, filets, etc. : À la station de Reims, deux jeunes gens [...] entrèrent dans son compartiment (France). ∥ 5. Fig. Division, partie, catégorie : Il ne s’agit pas de diviser sa vie en deux parts, en compartiments tantôt politique, tantôt littéraire (Barrès). La vie passe et repasse de la molécule à la micelle, et de celle-ci downloadModeText.vue.download 97 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 811 aux masses sensibles sans avoir égard aux compartiments de nos sciences (Valéry). • SYN. : 1 case ; 2 caisson ; 3 alvéole, case, casier, cellule ; 5 section, subdivision. compartimentage [kɔ̃partimɑ̃taʒ] n. m. (de compartimenter ; 1898, Larousse). Action de compartimenter ; résultat de cette action (au pr. et au fig.) : Au compartimentage européen qui caractérise la deuxième partie du XIXe siècle va succéder une ère de vastes et tendres curiosités, de haines attentives (Morand). • SYN. : cloisonnement. compartimenter [kɔ̃partimɑ̃te] v. tr. (de compartiment ; fin du XIXe s.). 1. Diviser en compartiments (surtout au participe passé) : Un meuble de bureau compartimenté. ∥ 2. Fig. Séparer, diviser comme par des cloisons : L’enseignement secondaire, aujourd’hui compartimenté de manière si complexe, n’admettait alors que deux branches, la classique et la moderne (Duhamel). Alexandre le Grand avait fait sauter toutes les cloisons qui compartimentaient l’Orient (Morand). • SYN. : 2 cloisonner. comparution [kɔ̃parysjɔ̃] n. f. (de comparaître, d’après le part. passé comparu ; 1453, Bartzsch). Action de comparaître en justice ou devant un officier ministériel : Faire acte de comparution. compas [kɔ̃pɑ] n. m. (déverbal de compasser [v. ce mot] ; début du XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne, au sens I, 3 ; sens I, 1, XIIe s. ; sens I, 2, 1680, Richelet ; sens I, 4-5, début du XIXe s. ; sens II, fin du XVIe s.). I. 1. Instrument de tracé ou de mesure, composé de deux branches articulées à une de leurs extrémités : Une boîte de compas. Le compas du géomètre. Mesurer au compas. ∥ Compas d’épaisseur, compas dont les branches sont recourbées de manière à pouvoir mesurer des épaisseurs, des calibres. ∥ Compas de réduction, compas qui sert à reporter directement les dimensions à une échelle donnée. ∥ Compas à verge, compas dont la pointe et le traceur glissent sur une barre horizontale. ∥ Fig. Au compas, avec une grande exactitude et un soin méticuleux. ∥ Fam. Avoir le compas dans l’oeil, évaluer correctement à l’oeil les dimensions, les distances, les proportions. ∥ 2. Par anal. Nom de divers instruments servant à prendre des mesures : Compas de cordonnier, de chapelier. ∥ 3. Système de mesure ; mesure : Une géométrie trop vaste et trop compliquée pour le compas humain (Baudelaire). ∥ 4. Pop. Paire de jambes ; ouverture des jambes dans la marche. ∥ Ouvrir le compas, marcher : Pendant que chaque soldat ouvrait le compas, pour employer l’expression du commandant (Balzac). ∥ Allonger le compas, hâter le pas : L’Anglais avait devancé la compagnie, en allongeant le compas de ses maigres jambes de grand échassier (Bourget). ∥ 5. Fig. Ouverture de l’esprit, intelligence : Regnard était un des hommes d’alors qui, dans sa vue du monde, avait le plus ouvert son compas (Sainte-Beuve). II. Boussole marine : L’aiguille du compas demeure assez constante, tandis que la route varie (Valéry). compassage [kɔ̃pasaʒ] n. m. (de compasser ; 1863, Littré). Action de compasser ; division ou mesurage au compas. (On dit aussi COMPASSEMENT.) compassé, e [kɔ̃pase] adj. (part. passé de compasser ; 1690, Furetière). Qui présente une raideur exagérée ; qui manque de spontanéité, qui est affecté : [Restif] le socialiste, dont la hardiesse étonnait l’esprit compassé de Sieyès (Nerval). Un tout petit monsieur en redingote noisette, vieux, sec, ridé, compassé (Daudet). Autant l’accueil du duc de Guermantes était, quand il le voulait, aimable, empreint de camaraderie, cordial et familier, autant je trouvai celui du prince compassé, solennel, hautain (Proust). Des manières compassées. Un style compassé. • SYN. : apprêté, contraint, gourmé, guindé, raide. — CONTR. : familier, franc, libre, naturel, rond (fam.), simple, spontané. compassement [kɔ̃pasmɑ̃] n. m. (de compasser ; fin du XIIe s., Roman d’Alexandre, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Action de compasser, de mesurer au compas : Le compassement d’une carte. (On dit aussi COMPASSAGE.) ∥ 2. Fig. Caractère de ce qui est compassé, trop étudié et froid : Le compassement d’un discours. • SYN. : 2 affectation, apprêt, contrainte, raideur. — CONTR. : 2 aisance, naturel, rondeur (fam.), simplicité, spontanéité. compasser [kɔ̃pase] v. tr. (lat. pop. compasser [kɔ̃pase] v. tr. (lat. pop. *compassare [de cum, avec, et passus, pas], proprem. « mesurer avec le pas » ; v. 1155, Wace, au sens 1 ; sens 2, 1630, Corneille [devient péjor. au XVIIIe s.] ; sens 3, 1660, Molière ; sens 4, 1680, Richelet). 1. Class. et littér. Mesurer au compas, et, par extens., mesurer, établir avec exactitude, minutie : Il a exactement compassé les distances dans cette carte (Acad., 1694). Les jardins monarchiques et compassés de Le Nôtre (Taine). ∥ 2. Class. Disposer, régler minutieusement, sans rien laisser à la spontanéité : Tous les arrangements ont été justes et si bien compassés, qu’il n’y a pas eu de moment de perdu (Sévigné). ∥ 3. Class. Considérer, peser : Quant à moi, je trouve, ayant tout compassé, | Qu’il vaut mieux être encor cocu que trépassé (Molière). ∥ 4. En reliure, marquer au dos d’un volume assemblé l’emplacement des nerfs ou des grecques. compassier [kɔ̃pasje] n. m. (de compas ; 1866, Larousse). Mécanicien en instruments de précision, chargé de la réalisation ou de la réparation des compas. compassion [kɔ̃pasjɔ̃] n. f. (lat. impér. compassio, de compassum, supin de compati, souffrir avec ; v. 1190, Sermons de saint Bernard, au sens 1 ; sens 2, 1771, Trévoux). 1. Sentiment douloureux que provoque en nous la vue des souffrances d’autrui, et qui nous porte à les partager : Sa famille n’eut, pour subsister, que la compassion des bonnes gens (Courier). ∥ 2. Spécialem. Compassion de la Sainte Vierge, fête célébrée par l’Église le vendredi de la Passion, en mémoire des douleurs de la Sainte Vierge. • SYN. : 1 apitoiement, commisération, miséricorde, pitié. — CONTR. : 1 cruauté, dureté, froideur, indifférence, inhumanité, insensibilité, sécheresse. compaternité [kɔ̃patɛrnite] n. f. (de co[m]- et de paternité ; 1495, J. de Vignay). En termes de droit canonique, parenté spirituelle que le parrain et la marraine contractent avec leur filleul. • REM. On dit aussi COPATERNITÉ. compatibilité [kɔ̃patibilite] n. f. (de compatible ; v. 1570, Pasquier). Caractère, état d’une chose compatible avec une autre : Compatibilité d’humeur. Compatibilité de deux fonctions. • SYN. : accord, concordance, convenance, harmonie. — CONTR. : désaccord, incompatibilité. compatible [kɔ̃patibl] adj. (dér. savant du lat. compati, souffrir avec ; 1447, Ordonnance royale). Se dit d’une chose qui peut exister en même temps qu’une autre, s’accorder avec une autre : Paul Visire fit une déclaration rassurante, promit de maintenir une paix compatible avec la dignité d’une grande nation (France). • SYN. : conciliable. — CONTR. : incompatible, inconciliable. compatir [kɔ̃patir] v. tr. ind [à, avec] (lat. impér. compati, souffrir avec ; 1549, R. Estienne, aux sens 1-2 ; sens 3, 1635, Monet). 1. Class. Exister en même temps, se concilier, en parlant de choses : Des plaisirs si chastes peuvent compatir avec le carême (Guez de Balzac). ∥ 2. Class. Vivre en bonne intelligence, s’accorder, en parlant de personnes : [Nemours et Beau-fort] ne pouvaient compatir ensemble (La Rochefoucauld). ∥ 3. Participer, prendre part à la souffrance d’autrui : Il n’avait pas souffert et ne savait point compatir aux souffrances (France). Mais moi qui le connais un peu, je souffre avec lui. Je compatis (Duhamel). • SYN. : 3 s’apitoyer, s’attendrir. compatissance [kɔ̃patisɑ̃s] n. f. (de compatissant ; 1833, Balzac). Sentiment d’une personne qui compatit (peu usité) : downloadModeText.vue.download 98 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 812 Ma traversée de Namur fut pénible : j’allais, m’appuyant contre les maisons. La première femme qui m’aperçut sortit de sa boutique, me donna le bras avec un air de compatissance, et m’aida à me traîner (Chateaubriand). La compatissance et la tendresse d’une jeune fille possèdent une influence vraiment magnétique (Balzac). compatissant, e [kɔ̃patisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de compatir ; 1699, Fénelon, au sens 1 ; sens 2, 1740, Acad.). 1. Se dit d’une personne qui est portée à compatir aux souffrances d’autrui : Elle était compatis- sante et [...] elle plaignait ceux qui avaient le malheur d’être mauvais (France). ∥ 2. Se dit de ce qui est inspiré par la compassion : Et bientôt je me sentis entourée d’une sympathie compatissante qui me semblait plus pénible que tout (Daudet). Des soins compatissants. • SYN. : 1 charitable, humain, miséricordieux, sensible, tendre. — CONTR. : 1 cruel, dur, froid, indifférent, inhumain, insensible, sec. compatriote [kɔ̃patrijɔt] n. (bas lat. compatriota, de cum, avec, et patriota, qui est du pays [v. PATRIOTE] ; 1396, Fagniez [1465, Bartzsch, comme adj.]). 1. Personne qui, par rapport à une autre, a la même nationalité : Beaucoup d’écrivains [...] ont accusé les ecclésiastiques espagnols d’avoir excité leurs compatriotes à massacrer ces peuples innocents (Chateaubriand). ∥ 2. Personne qui est de la même région, de la même cité, du même village : Ah ! le proverbe qui dit : « Nul n’est prophète... » est certainement vrai des artistes, des poètes, dont les compatriotes sont toujours les derniers à reconnaître la supériorité (Daudet). • SYN. : 2 concitoyen, pays (fam.). compa t riotis me [kɔ̃patrijɔtism] n. m. (de compatriote ; v. 1840, d’après Bescherelle, 1845). État de ceux qui sont originaires du même pays, de la même région (rare) : En voyant Lucien courtisé par la marquise d’Espard, Rastignac vint se recommander de leur compatriotisme (Balzac). compendieusement [kɔ̃pɑ̃djøzmɑ̃] adv. (de compendieux ; v. 1282, Gauchi). Brièvement, succinctement : « Vous vous serez trompée, ma fille », répondit Barbe, compendieusement et les yeux baissés avec discrétion (Barbey d’Aurevilly). • REM. Cet adverbe est souvent pris dans le sens de « longuement, abondamment » (depuis 1862, Goncourt). Cette interprétation est sans doute imputable à la longueur et à la lourdeur du mot lui-même : Il se livra longuement et compendieusement à la confection d’un de ces lavements (Goncourt). compendieux, euse [kɔ̃pɑ̃djø, -øz] adj. (lat. compendiosus, abrégé, de compendium [v. ce mot] ; v. 1395, Chr. de Pisan). 1. Qui s’exprime en peu de mots ; qui est bref : Peu parleur et compendieux quand il se mettait à parler (Barbey d’Aurevilly). ∥ 2. Qui est dit en peu de mots, résumé : Les formules algébriques ne sont pas la vérité, mais une expression compendieuse de la vérité (Bossuet). • SYN. : 1 concis, laconique ; 2 bref, condensé, lapidaire, ramassé, succinct. — CONTR. : 1 prolixe, verbeux ; 2 délayé (fam.), détaillé, diffus. compendium [kɔ̃pɛ̃djɔm] n. m. (mot lat. signif. « économie, abréviation », de compendere, de cum, avec, et pendere, peser ; 1584, Benedicti). 1. Résumé de l’ensemble d’une science, d’une doctrine : Un compendium de médecine, de philosophie. ∥ 2. Résumé en général : L’essai offre le compendium de mon existence, comme poète, moraliste, publiciste et politique (Chateaubriand). La médecine étant un compendium des erreurs successives et contradictoires des médecins, en appelant à soi les meilleurs d’entre eux, on s’aperçoit qu’on a grande chance d’implorer une vérité qui sera reconnue fausse quelques années plus tard (Proust). • SYN. : 1 abrégé, condensé, épitomé, précis ; 2 digest, mémento, sommaire. compénétration [kɔ̃penetrasjɔ̃] n. f. (de compénétrer ; 1836, Acad.). Action de se pénétrer mutuellement : La compénétration de l’âme et du corps (Littré). compénétrer (se) [səkɔ̃penetre] v. pr. (de com- et de pénétrer ; 1836, Acad., comme v. tr. ; 1922, Larousse, comme v. pr.). 1. Se pénétrer mutuellement : Deux mondes qui se compénétrèrent (Valéry). ∥ 2. Sortir de son propre domaine pour empiéter sur un autre et y exercer une influence : L’astronomie, la mathématique et la physique s’assistent en se compénétrant (Duhamel). compensable [kɔ̃pɑ̃sabl] adj. compenser ; 1829, Boiste [« penser », fin du XVIe s.]). pensé : Une perte qui n’est (de qui peut comQui peut être compas compensable. compensateur, trice [kɔ̃pɑ̃satoer, -tris] adj. (de compenser ; 1829, Boiste). Qui fournit une compensation : Une indemnité compensatrice d’un dommage. ∥ Spécialem. Pendule compensateur, pendule corrigeant les effets des variations de température sur la marche des horloges. % compensateur n. m. (sens 1, av. 1791, G. de Mirabeau ; sens 2, 1832, Raymond). 1. Ce qui procure une compensation : Le contrôle universel est le seul et puissant compensateur de toute Constitution vicieuse (Mirabeau). ∥ 2. Appareil destiné à compenser une différence ou une variation : Compensateur de dilatation. ∥ Spécialem. Pendule compensateur. compensatif, ive adj. V. COMPENSATOIRE. compensation [kɔ̃pɑ̃sasjɔ̃] n. f. (lat. compensatio, compensation, équilibre, de compensatum, supin de compensare [v. COMPENSER] ; 1290, Drouart la Vache, aux sens 1 et 3 ; sens 2, XVIe s., Loisel ; sens 4, 1336, Godefroy). 1. Action de compenser, de contrebalancer : Compensation entre les gains et les pertes. Quelque différence qui paraisse entre les fortunes, il y a néanmoins une certaine compensation de biens et de maux qui les rend égales (La Rochefoucauld). ∥ Principe de compensation, loi selon laquelle le hasard équilibrerait fatalement certaines erreurs et certains écarts par d’autres de sens contraire. ∥ 2. Spécialem. En droit, mode d’extinction de deux obligations réciproques. ∥ En termes de banque et de Bourse, opération qui consiste à régler les achats et les ventes au moyen de virements réciproques, sans déplacement de titres ni d’argent. ∥ Caisse de compensation, système de répartition suivant lequel les employeurs versent à une caisse de l’argent qui est redistribué aux employés de façon à supprimer l’inégalité due aux charges familiales. ∥ 3. Avantage matériel qui compense un préjudice subi, une servitude. ∥ Spécialem. Dédommagement que reçoit le créancier d’une obligation non exécutée. ∥ 4. Dédommagement moral qui vise à rétablir un équilibre rompu : Décidément, la vie réservait des haltes, des reposoirs, des compensations, des dédommagements (Duhamel). ∥ En compensation, en contrepartie, en échange : Des espoirs immenses [à la loterie] et, en compensation, la seule crainte de ne rien gagner, qui n’est rien (Alain). • SYN. : 1 égalisation, pondération ; 3 dommages-intérêts, indemnité, réparation ; 4 consolation, récompense, revanche. compensatoire [kɔ̃pɑ̃satwar] adj. (de compenser ; 1829, Boiste). Qui constitue une compensation : À tous les déshérités, les courbés sous un joug et chargés, les assoiffés et meurtris, les dolents, l’assurance d’une survie compensatoire (Gide). • REM. On dit aussi, mais plus rarement, COMPENSATIF, IVE : Toute place qui ne serait qu’un simple préceptorat élémentaire ne me semble guère pouvoir être acceptée, à moins d’avantages compensatifs (Renan). compensé, e [kɔ̃pɑ̃se] adj. (part. passé de compenser ; milieu du XXe s.). 1. Semelles compensées, semelles de liège ou de bois formant un seul bloc avec le talon : Des sandales à semelles compensées. ∥ 2. En médecine, se dit de maladies ou de troubles bien supportés par l’organisme : Cardiopathie compensée. Diabète compensé. compenser [kɔ̃pɑ̃se] v. tr. (lat. compensare, contrebalancer, de cum, avec, ensemble, et de pensare, peser ; fin du XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, début du XVIe s., downloadModeText.vue.download 99 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 813 C. Marot). 1. Rétablir entre deux choses un équilibre compromis ou rompu, en contrebalançant un effet par un autre contraire : Compenser les nouvelles dépenses prévues par des impôts correspondants. Un grand mérite compense tant de défauts : le Pérugin et ses contemporains imitaient la nature avec respect (Stendhal). Dieu sait ce que nous subissons, ce que notre malheureuse sensibilité doit compenser comme elle peut ! (Valéry). ∥ Compenser les dépens, en droit, mettre à la charge de chaque partie les frais de procédure qui lui incombent. ∥ Compenser un compas, en termes de marine, réduire sa déviation aux différents caps. ∥ 2. Fig. Dédommager : Cet automne, du moins, compensera ces mécomptes et consolera mes ennuis (Gide). • SYN. : 1 balancer, corriger, équilibrer, neutraliser, pondérer ; 2 indemniser, racheter, réparer. compérage [kɔ̃peraʒ] n. m. (de compère ; XIIIe s., Roman de Renart, au sens 1 ; sens 2-3, v. 1534, Bonaventure des Périers). 1. Vx. Lien qui unit, d’une part, le parrain et la marraine avec le père et la mère de l’enfant qu’on baptise, d’autre part, le par- rain et la marraine entre eux. ∥ 2. Entente secrète entre un spectateur et un faiseur de tours ou un camelot, destinée à tromper le public. ∥ 3. Par extens. Entente secrète entre deux ou plusieurs personnes, visant à en tromper d’autres : Et le héros, bon enfant comme toujours, prêtant la main à cet innocent compérage, se livrait tout entier (Daudet). Il y avait entre les gouvernements, donc entre les états-majors des deux côtés, non seulement entente tacite, mais compérage discret (Romains). • SYN. : 3 collusion, complicité, connivence. compère [kɔ̃pɛr] n. m. (lat. ecclés. compater, parrain, de cum, avec, et pater, père [v. COMMÈRE] ; v. 1175, Chr. de Troyes, au sens 1 ; sens 2, fin du XIIe s., Aiol ; sens 3-4, 1594, Satire Ménippée ; sens 5, 1907, Larousse). 1. Vx ou dialect. Le parrain, par rapport soit à la marraine, soit au père et à la mère de l’enfant qu’on baptise. ∥ 2. Fam. et vx. Nom d’amitié donné à un homme que l’on connaît bien : Savetier, mon compère (Béranger). ∥ Un joyeux compère, un bon vivant, gai et plein d’allant. ∥ 3. Partenaire et complice d’un acteur comique, d’un clown. ∥ Spécialem. Spectateur qui est d’intelligence avec un charlatan, un escamoteur : Je suis un vieux polichinelle qui a besoin d’un compère (Voltaire). ∥ 4. Complice en astuces, en supercheries : Les deux compères s’étaient réfugiés dans la vaste remise aux murs blancs (Daudet). ∥ 5. Dans certaines revues de music-hall, meneur de jeu qui fait les enchaînements de scènes, présente les personnages, etc. : Avec une exagération comique de compère de revue, qui faisait manoeuvrer en règle son bataillon de travestis (Proust). • SYN. : 2 ami, camarade, copain (fam.) ; 4 acolyte. compère-loriot [kɔ̃pɛrlɔrjo] n. m. (du lyonnais perloryo, loriot, du gr. de Marseille purros, couleur de feu, et de khlôrion, loriot [de khlôros, d’un vert jaunâtre] ; per- ayant été confondu avec père, le mot, en pénétrant dans les parlers du nord de la France, s’est allongé en compère-loriot, loriot, et s’est ensuite substitué à leurieul [XVe s.], loriot, orgelet, le second sens étant dû à une confusion de [l]orieul [v. LORIOT] et de [l]orjeul, lat. hordeolus, orgelet ; 1606, Nicot, puis début du XIXe s.). 1. Dialect. Syn. de LORIOT. ∥ 2. Nom usuel de l’orgelet, petit furoncle des paupières : Les cils tombés, l’autre hiver, à cause d’un compère-loriot, ils sont partis pour toujours (Duhamel). • Pl. des COMPÈRES-LORIOTS. compérendination [kɔ̃perɛ̃dinasjɔ̃] n. f. (lat. comperendinatio, de comperendinatum, supin de comperendinare, renvoyer au lendemain ; 1866, Larousse). En droit romain, promesse réciproque des parties de se retrouver le surlendemain devant le juge. 1. compétence [kɔ̃petɑ̃s] n. f. (lat. jurid. competentia, juste rapport, de competens, -entis, part. prés. de competere, convenir à ; v. 1468, Chastellain [en compétence de, par rapport à] ; sens 1, 1596, Hulsius ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, v. 1960). 1. Aptitude d’une autorité publique à effectuer certains actes : La compétence du préfet. ∥ Spécialem. Aptitude d’un tribunal à connaître d’une affaire : Reconnaître, décliner la compétence d’un tribunal. ∥ 2. Capacité d’une personne de juger en une certaine matière, parce qu’elle en a une connaissance approfondie : Ceci ne relève pas, n’est pas de sa compétence. M. Ossian Colot avait traité avec compétence diverses questions pénitentiaires (France). Mon frère Raymond a trouvé en vous un second, que dis-je ? un associé, d’une qualité rare, d’une compétence, d’un dévouement... (Arnoux). ∥ Fam. La personne compétente elle-même : Le monsieur se renversa en arrière et regarda le tableau avec une sévérité navrée. C’était une compétence : il avait la rosette (Sartre). ∥ 3. En grammaire générative, ensemble des aptitudes, ou savoir linguistique implicite, intériorisé par les sujets parlant une langue, et qui leur permet de la maîtriser (par opposition à performance, usage que font les sujets de ce savoir). • SYN. : 1 autorité, pouvoir, qualité, ressort ; 2 aptitude, qualification, savoir, science. — CONTR. : 2 inaptitude, incompétence. 2. compétence [kɔ̃petɑ̃s] n. f. (du lat. competere, rechercher concurremment ; milieu du XVIe s.). Vx. Action de lutter avec quelqu’un pour essayer de l’égaler ou de le surpasser : Philippe II avait osé entrer en compétence si boiteusement fondée sur la préséance de l’empereur Charles V (Saint-Simon). compétent, e [kɔ̃petɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. jurid. competens, -entis, part. prés. de competere, convenir à ; v. 1240, Delboulle, au sens de « convenable, approprié » ; sens 1, 1690, Furetière ; sens 2, 1480, Bartzsch ; sens 3, 1680, Richelet). 1. Qui revient à quelqu’un en vertu d’un droit : Affaire compétente à un tribunal. Part compétente à des héritiers. ∥ 2. Qui a la compétence voulue pour connaître d’une cause, d’une affaire : Le tribunal est compétent. En référer à l’autorité compétente. ∥ 3. Se dit d’une personne qui connaît bien une matière, une question, qui est capable d’en bien juger : Ils [les académiciens] commencèrent par se déclarer compétents à l’unanimité pour juger les romantiques (Stendhal). • SYN. : 3 apte, connaisseur, expérimenté, expert, maître, qualifié. — CONTR. : 3 ignorant, inapte, incapable, incompétent. compéter [kɔ̃pete] v. tr. ind. [à] (lat. competere, convenir à, spécialisé dans la langue jurid. ; v. 1371, Oresme). [Conj. 5 b.] 1. En termes de droit, être de la compétence de : Cette affaire ne compète pas à ce tribunal. ∥ 2. Revenir à quelqu’un en vertu d’un droit : La part qui compète aux héritiers. compétiteur, trice [kɔ̃petitoer, -tris] n. (lat. competitor, concurrent ; 1402, N. de Baye). 1. Personne qui, en même temps que d’autres, brigue une dignité, un titre, une charge, un emploi : Mais les compétiteurs étaient nombreux à la succession de Mgr Duclou (France). ∥ 2. Personne qui dispute un prix, un rang ; concurrent dans une épreuve, sportive notamment. • SYN. : 1 concurrent, rival ; 2 adversaire, challenger. compétitif, ive [kɔ̃petitif, -iv] adj. (de compétition ; 1907, Larousse, au sens de « relatif à une compétition » ; sens actuels, milieu du XXe s.). 1. Susceptible de supporter la concurrence avec d’autres : Réduire les frais pour rendre les prix compétitifs. ∥ 2. Où la concurrence est possible : Un marché compétitif. compétition [kɔ̃petisjɔ̃] n. f. (angl. competition [début du XVIIe s.], du bas lat. competitio, compétition en justice, candidature rivale, de competitum, supin de competere, briguer, rechercher concurremment ; 1759, d’après Féraud, 1787, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Action de chercher à obtenir en même temps que d’autres une dignité, une charge, un titre, etc. : La maison d’Autriche exposée à perdre l’Empire par la compétition de la maison de Brandebourg (Bainville). ∥ 2. Spécialem. Épreuve sportive où s’affrontent deux ou plusieurs concurrents : Il s’agissait d’une compétition, mais sportive, à laquelle se préparaient les deux équipes de rameurs (Aymé). downloadModeText.vue.download 100 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 814 • SYN. : 1 concurrence, rivalité ; 2 challenge, championnat, combat, concours, critérium, lutte, match, partie, poule, rencontre. compilateur, trice [kɔ̃pilatoer, -tris] n. (bas lat. compilator, pillard, de compilatum, supin de compilare, piller ; 1425, O. de La Haye, au sens 1 ; sens 2, 1688, La Bruyère). 1. Class. et littér. Personne qui réunit des documents, des extraits tirés de divers ouvrages pour les fondre en un tout : Tous les théologiens, tous les humanistes, tous les compilateurs assemblés du haut en bas des murs furent témoins de nos baisers (France). ∥ 2. Péjor. Auteur qui ne fait qu’emprunter aux autres, qui n’a rien d’original : Cette variété matérielle qui réduit la tâche de l’écrivain à celle de compilateur (Baudelaire). • SYN. : 2 imitateur, plagiaire. compilation [kɔ̃pilasjɔ̃] n. f. (lat. compilatio, pillage, de compilatum, supin de compilare, piller ; milieu du XIIIe s., Image du monde, aux sens 1-2 ; sens 3, début du XVIIIe s., Saint-Simon). 1. Vx. Action de compiler : Se consacrer à la compilation érudite de documents. ∥ 2. Class. et littér. Recueil de documents, de textes tirés de diverses sources et que l’on a fondus en un ouvrage unique : Il serait du caractère de cette compilation [ce dictionnaire] de s’arrêter aux faussetés et aux traditions incertaines qui regardent Abraham (Bayle). Il aimait singulièrement [...] Scipion l’Africain, auquel, à l’âge de onze ans, il avait consacré une petite compilation historique (Montherlant). ∥ 3. Péjor. Livre qui emprunte tout aux autres et n’a aucune originalité propre : Ce code n’est qu’une compilation des ordonnances concernant les armées de Louis XIV et de Louis XV (France). • SYN. : 3 copie, démarquage, imitation, plagiat. compiler [kɔ̃pile] v. tr. (lat. compilare, piller, de cum- intensif et pilare, dépouiller ; XIIIe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1758, Voltaire). 1. Class. et littér. Tirer des extraits d’ouvrages différents pour les réunir en un seul recueil : Quoi ! vous ne savez pas qui est Escobar de notre Société, qui a compilé cette Théologie morale de vingtquatre de nos pères ? (Pascal). [Il] vivait modestement dans sa petite ville, compilant de vieux ouvrages sur l’histoire du Maroc (Tharaud). ∥ 2. Péjor. Emprunter à diverses sources, à divers auteurs, la matière, les idées d’un ouvrage : C’est déjà une assez grande honte pour la nation française que la manière dont nous compilons les plus belles productions des arts (Goncourt). ∥ Absol. Écrire des ouvrages faits d’un assemblage de morceaux ou d’idées empruntés à d’autres : Cet Africain, contemporain des Antonins [...], n’était pas au fond très original ; il improvisait et compilait (France). • SYN. : 2 copier, démarquer, piller, plagier. compisser [kɔ̃pise] v. intr. et tr. (de comet de pisser ; v. 1230, Godefroy). Arroser de son urine (en style burlesque) : Panurge, rebuté, fait compisser par les chiens la femme qui n’a pas voulu de lui (Gautier). Ou bien peut-être il compissait certain arbre (Montherlant). complaignant, e [kɔ̃plɛɲɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (part. prés. de complaindre ; 1374, Godefroy, comme n. ; comme adj., XVIe s.). Qui porte plainte en justice : La partie complaignante. La requête du complaignant. complainte [kɔ̃plɛ̃t] n. f. (de l’anc. franç. se complaindre, se plaindre, lat. pop. *complangere, de cum- intensif et plangere, se lamenter ; v. 1175, Chr. de Troyes, aux sens 1-2 ; sens 3, 1590, L’Estoile). 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Action de se plaindre, de se lamenter : Gardez, s’il vous plaît, vos complaintes et vos regrets pour des accidents plus fâcheux (Pierre Costar). ∥ 2. Plainte en justice : Ici [...] des déclinatoires toute la gamme des actions possessoires, complainte, réintégrande, dénonciation du nouvel oeuvre (Benoit). ∥ 3. Chanson populaire ayant pour origine ou pour sujet un événement triste ou tragique, ou racontant la vie et les malheurs d’un personnage légendaire : Blachevelle entonna sur un air de complainte une de ces chansons d’atelier (Hugo). ∥ Chant plaintif : Moi qui sais des lais pour les reines | Les complaintes de mes années [...] | Et des chansons pour les sirènes (Apollinaire). complaire [kɔ̃plɛr] v. tr. ind. [à] (adaptation, d’après plaire, du lat. complacere, plaire beaucoup ; début du XIIe s., puis 1373, Ordonnance sur l’Amirauté). [Conj. 71.] Littér. Complaire à quelqu’un, se rendre agréable à quelqu’un en flattant ses caprices, ses goûts, ses désirs : Plutôt que de complaire à mon tyran, j’aurais souffert mille morts (Sand). C’était moins pour complaire à son mari que pour son propre agrément qu’elle recherchait maintenant l’amitié des deux fillettes (Maupassant). % se complaire v. pr. (1580, Montaigne). Littér. Se complaire à ou dans quelque chose, trouver un plaisir évident et durable à ou dans cette chose : Je me suis complu dans le spectacle des grandes choses (Sand). C’étaient d’étranges et invraisemblables aventures, où se complaisait l’humeur hâbleuse des chasseurs (Maupassant). ∥ Vx. Se complaire en ou dans quelqu’un, trouver en lui une complète satisfaction : Par quels degrés suis-je venue à me complaire en cet homme ? (M. Prévost). • SYN. : adorer, aimer, chérir, se délecter à, goûter, se plaire à, raffoler de (fam.). — CONTR. : abhorrer, abominer, détester, exécrer. • REM. L’usage le plus général est de faire invariable le participe passé aux temps composés, comme pour plaire et déplaire : Elle s’est toujours complu dans l’affection qu’elle porte à son mari. complaisamment [kɔ̃plɛzamɑ̃] adv. (de complaisant ; 1680, Richelet). 1. Avec bonté, gentillesse : Il m’écouta complaisamment. ∥ 2. En s’attardant avec satisfaction : Bien plus, le baron détaille complaisamment les deux contraventions dont Fabrice est accusé (Stendhal). • SYN. : 1 aimablement, gentiment, obligeamment. complaisance [kɔ̃plɛzɑ̃s] n. f. (de complaisant, part. prés. de complaire v. 1361, Oresme, au sens 3 [puis 1668, Molière] ; sens 1 et 5, 1635, Monet ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 4, 1929, Larousse). 1. Disposition d’esprit qui pousse à s’accommoder aux goûts, aux sentiments, aux désirs d’autrui, pour lui faire plaisir : La complaisance est nécessaire dans la société, mais elle doit avoir des bornes (La Rochefoucauld). D’une complaisance infatigable, cet aimable seigneur remplissait dans la maison les fonctions d’interprète (Daudet). ∥ Par complaisance, pour être agréable à quelqu’un. ∥ De complaisance, fait pour être agréable ou simplement par politesse : Sourire de complaisance. ∥ Certificat de complaisance, certificat délivré illégalement et sans motif valable. ∥ Billets, effets de complaisance, effets souscrits par lesquels on se déclare fictivement débiteur de quelqu’un. ∥ 2. Avec un sens affaibli, entre dans des formules de politesse : Elle dit à l’usurier : « Voulezvous avoir la complaisance de sonner ? » (Maupassant). ∥ 3. Acte accompli pour plaire à quelqu’un : De telles complaisances favorisaient le désordre (Flaubert). ∥ Spécialem. Avoir des complaisances pour quelqu’un, en parlant d’une femme, accorder ses faveurs à un homme. ∥ 4. Péjor. Acte témoignant d’une indulgence ou d’une soumission excessive et moralement blâmable : « Sait-il que sa femme couche avec le patron ?... — Moi, qui suis malveillante, je crois à la complaisance consciente et organisée du sieur Verrier » (Maurois). ∥ 5. Plaisir que l’on prend à faire quelque chose ou à considérer quelqu’un, en s’y attardant, volontairement ou non : Et pourtant je n’aimais guère, il y a quinze ans, qu’il détaillât avec tant de complaisance la petite Gadin (Colette). Je n’étais pas inquiet et ne fis rien pour provoquer tes aveux. Mais tu me les prodiguas avec une complaisance dont je fus d’abord gêné (Mauriac). ∥ Spécialem. Amour-propre, satisfaction de soi : Par grande crainte de complaisance envers moi-même, j’accueille très volontiers les critiques (Gide). • SYN. : 1 bonté, empressement, gentillesse, obligeance, prévenance, serviabilité ; 2 amabilité ; 3 faveur, privilège ; 5 contentement, délectation, satisfaction. — CONTR. : 1 cruauté, dureté, froideur, rudesse, sécheresse ; 5 animosité, hostilité, malveillance. downloadModeText.vue.download 101 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 815 % complaisances n. f. pl. (1681, Bossuet). Dans le style biblique, affection, amour de Dieu : L’homme est toujours l’objet des complaisances de l’Éternel (Chateaubriand). complaisant, e [kɔ̃plɛzɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. complaisant, e [kɔ̃plɛzɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de complaire ; 1555, Pasquier, au sens 1 ; sens 2, 1666, Molière [dans le domaine de la galanterie, 1787, Féraud] ; sens 3, v. 1657, Pascal). 1. Qui cherche, avant tout, à faire plaisir, à être agréable : Elle [...] répondait aimablement, plus gracieuse même que de coutume, plus complaisante pour ces banalités (Maupassant). ∥ 2. Péjor. Qui fait preuve d’une indulgence excessive et coupable : Cet homme à la conscience mobile et complaisante s’était déjà pardonné (Bourget). ∥ Spécialem. Qui tolère et même favorise les intrigués galantes de quelqu’un : Un mari complaisant. ∥ 3. Qui dénote la satisfaction personnelle : Regarder quelqu’un ou quelque chose d’un oeil complaisant. Prêter une oreille complaisante à certains propos. • SYN. : 1 aimable, attentif, attentionné, empressé, gentil, obligeant, prévenant, serviable ; 2 accommodant, arrangeant, commode, coulant (fam.) ; 3 content, satisfait. — CONTR. : 1 bourru, brusque, désagréable, désobligeant, revêche ; 2 rigoureux, sévère. % adj. et n. Class. Coquet : Telle lui souriait, faisait la complaisante (La Fontaine). complant [kɔ̃plɑ̃] n. m. (lat. médiév. complantum, du lat. impér. complantare, planter ensemble ; 1231, Godefroy, comme n. m., au sens de « rente en nature due au propriétaire » ; à complant, « à charge de planter arbres ou vigne moyennant une part des fruits », 1690, Furetière). 1. Bail à complant, contrat par lequel le propriétaire de champs les loue à une personne qui s’engage à les complanter ou à les cultiver moyennant une part des fruits. ∥ 2. Redevance versée par le bénéficiaire d’un bail à complant. complanter [kɔ̃plɑ̃te] v. tr. (lat. complantare [v. COMPLANT] ; milieu du XVIe s.). Planter d’arbres ; couvrir de plantations : Complanter un terrain d’arbres fruitiers. complément [kɔ̃plemɑ̃] n. m. (lat. complementum, ce qui complète, de complere, remplir, combler ; fin du XIIIe s., A. du Mont-Cassin, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1690, Furetière ; sens I, 3, 1753, Encyclopédie ; sens I, 4, début du XXe s. ; sens II, 1798, Acad.). I. 1. Ce qu’il faut ajouter à une chose pour la rendre complète : Irais-je chercher à Athènes un complément de ma culture ? (Barrès). Demander un complément d’information. ∥ Officier de complément, nom donné aux officiers de réserve jusqu’à la Première Guerre mondiale. ∥ 2. Spécialem. Complément d’un angle, angle qu’il faut lui ajouter pour obtenir un angle droit. ∥ 3. Complément arithmétique, ce qu’il faut ajouter à un nombre pour obtenir le nombre dix ou la puissance de dix qui lui est immédiatement supérieure. ∥ 4. En biologie, syn. de ALEXINE. II.En grammaire, mot ou proposition qui complètent le sens d’un autre mot ou d’une autre proposition, dont ils dépendent : Complément de l’adjectif, du nom, du verbe. ∥ Complément direct, complément qui est relié directement au terme complété, sans l’intermédiaire d’une préposition. ∥ Complément indirect, complément qui est relié à un terme par l’intermédiaire d’une préposition. ∥ Complément d’objet, complément qui indique sur quel objet s’exerce l’action exprimée par le verbe. (Il est dit complément d’objet direct ou complément d’objet indirect selon qu’il se rattache directement au verbe ou par l’intermédiaire d’une préposition.) ∥ Complément d’agent, d’attribution, circonstanciel de temps, de lieu, etc., v. AGENT, ATTRIBUTION, CIRCONSTANCIEL, etc. ∥ Complément déterminatif, v. DÉTERMINATIF. (V. art. spécial.) • SYN. : I, 1 appoint, solde, supplément, surcroît, surplus. GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE LE COMPLÉMENT La notion de complément est une des plus banales, en même temps que des plus flottantes, de la terminologie grammaticale. DÉFINITION La conception la mieux motivée est sans doute celle qui plonge ses racines dans les phénomènes mentaux sans lesquels le langage n’existerait pas. Albert Séchehaye, dans l’Essai sur la structure logique de la phrase (1926), distingue trois sortes de rapports entre les termes des premières phrases dirèmes (= à deux mots) que prononcent les enfants (ordinairement au cours de la deuxième année) : 1. La prédication : Minet coucou (= Le chat s’est caché) ; 2. La subordination : Canne Jean (= C’est la canne de Jean) ; 3. La coordination : Pain, cola (= Du pain et du chocolat). Il y a rapport de « sujet » à « prédicat » dans le premier cas, de « principal » à « complément » dans le second. La langue normale distingue grammaticalement ces rapports. Le prédicat, apportant un élément d’information nouveau, y est exprimé par le verbe ou par un mot s’appuyant sur le verbe : Le chat s’est caché. Ma table est haute. Cette canne est à Jean. Le complément apporte une caractérisation accessoire, qui pourrait faire l’objet d’une prédication, mais ne le fait pas en l’occurrence : Le chat caché guette la souris. Pose le vase sur la table haute. Prends la canne de Jean. Fonctionnellement, le complément est vis-à-vis de son principal dans un rapport de dépendance unilatérale : il en reçoit sa fonction, alors que le principal ne la reçoit pas de lui ; en effet, dans le groupe sur la table haute, on peut supprimer haute sans toucher à la fonction du nom table, mais on ne peut supprimer table sans supprimer (ou modifier) la fonction de haute. Il n’en est pas de même dans : Ma table est haute, où la suppression de l’adjectif causerait un vide. HISTOIRE Fondées sur le sens ou sur la fonction, ces définitions ne font aucun état de la nature grammaticale des termes. C’est aussi le cas de la première définition qui fut donnée du terme de complément en matière grammaticale, par Nicolas Beauzée. Celui-ci, comme l’a montré J.-Cl. Chevalier dans son étude sur la Notion de complément chez les grammairiens (1968), a dénommé ainsi, pour la distinguer du régime, une fonction que son prédéces- seur Du Marsais avait omis de traiter à son ordre alphabétique, quoiqu’il fît fréquemment usage du terme et en eût « insinué » l’emploi à l’article gouverner. Beauzée définissait le complément : « ce qu’on ajoute à un mot pour en déterminer la signification, de quelque manière que ce puisse être ». Deux sortes de mots pouvaient avoir leur signification déterminée par des compléments : • « Tous ceux qui ont une signification générale susceptible de différents degrés » ; tels sont les noms dont la signification générale peut être restreinte, et un grand nombre d’adjectifs, d’adverbes et de verbes. EXEMPLES : un livre nouveau, le livre de Pierre, un livre qui peut être utile ; fort savant, plus savant que sage ; peu sagement ; aimer beaucoup, sincèrement ; • « Ceux qui ont une signification relative à un terme quelconque » ; tels sont certains noms appellatifs, plusieurs adjectifs, quelques adverbes, tous les verbes actifs relatifs (= transitifs) et toutes les prépositions. EXEMPLES : le fondateur de Rome, le mari de Lucrèce ; nécessaire à la vie, digne d’estime ; conformément à la nature ; aimer Dieu, craindre la justice ; aller à la ville, passer par le jardin, commencer à boire. Tous les exemples donnés par Beauzée seraient jugés pertinents de nos jours, à downloadModeText.vue.download 102 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 816 l’exception de ceux qui illustrent, ensuite, le rôle des prépositions : des hommes semblables à nous (« nous est le complément de la préposition à »), les circonstances de cette nature (« nature : complément grammatical de de »). C’est par une confusion du « complément » (notion naissante) avec le « régime » (notion traditionnelle, héritage des grammaires latines où chaque préposition « gouvernait », « régissait » un cas) que Beauzée, avec ses contemporains, assimilait la préposition, comme terme recteur, au verbe transitif. En fait, ce mot grammatical, qui tend vers le morphème pur, est le signe d’une relation, et n’en marque qu’excep- tionnellement le terme, rôle que le verbe, de par son contenu notionnel aussi riche que varié, remplit plus facilement. La préposition ne joue normalement ni le rôle de principal ni celui de complément. LIMITATIONS MORPHOPSYCHOLOGIQUES Outre les prépositions, d’autres mots sont exclus, par leur qualité de morphèmes, de la fonction « complément » : ce sont les mots accessoires du nom, articles et adjectifs pronominaux ou numéraux, dont la fonction est d’actualiser, de quantifier, non d’enrichir le contenu lexical. Beauzée n’en faisait pas mention ; aujourd’hui encore, les formules d’analyse disent que ces mots « déterminent le nom », qu’ils « s’y rapportent », et non qu’ils le « complètent ». Ils sont, dans une certaine mesure — et justement —, assimilés aux désinences de genre, de nombre, de personne, de temps. La complémentation n’est le fait que de mots dotés par nature d’un contenu notionnel, « mots pleins » que sont le nom, le verbe, l’adjectif, l’adverbe, auxquels on ajoutera les pronoms, aptes à représenter ces espèces de mots. La bizarre distinction que fait Beauzée de « deux sortes de mots » pouvant être complétés procède peut-être encore, quoique imparfaitement, d’une tradition grammaticale. La différence formelle des mots qui s’accordent avec leur principal (par exemple, l’adjectif en genre et en nombre, le verbe en personne et en nombre avec le nom) et des mots qui reçoivent une marque propre de fonction (désinences casuelles en latin, place postverbale de l’objet ou marques prépositionnelles en français) avait été légitimée par Du Marsais, conformément à la philosophie de Locke, à partir de la notion d’identité. L’association d’un adjectif ou d’un verbe à un nom ne fait qu’énoncer une propriété consubstantielle à ce nom, en rapport d’identité avec lui ; au contraire, le rapport de détermination met en jeu des notions substantiellement étrangères au nom complété. La même distinction sera faite, au XXe s., par Damourette et Pichon, opposant, dans les modes de « complémentation », la syndèse, liage d’identité marqué par l’accord grammatical, et la dichodèse, liage entre substances, dont les marques diverses excluent l’accord (Des mots à la pensée, § 104). Mais une pareille différence s’efface dans les cas où le terme principal de la complémentation est un adjectif, un adverbe ou un verbe, qui n’évoquent nul objet, nulle identité. Cette vieille opposition est peut-être à l’origine d’un usage qu’on observe dans la pratique scolaire du XIXe et du XXe s., consistant à exclure du nombre des compléments les épithètes, les appositions et les propositions relatives (de valeur adjective) ; l’adverbe même serait « épithète du verbe », et l’on n’admet comme compléments que les noms, les pronoms et les propositions « de valeur substantive ». La rédaction du code officiel de la nomenclature grammaticale autorise en France, par son ambiguïté, cette limitation ; elle l’impose en Belgique. C’est faire subir au terme de complément une altération de sens à la fois indue — car la définition et les exemples de l’Encyclopédie s’y opposent catégoriquement — et maladroite — car on se prive d’un terme général de première utilité pour une multiplicité de termes intégrant confusément la forme à la fonction. Opposer l’épithète et l’apposition aux compléments est aussi néfaste pour la formation des esprits que si l’on opposait le cheval et l’homme aux mammifères. Il importe que les maîtres, en France, ne craignent pas d’user des latitudes du texte officiel pour présenter l’épithète et l’apposition comme des sousensembles de la fonction « complément ». IMPROPRIÉTÉ DU TERME Le terme de complément évoque l’idée naïve que les signifiés peuvent être « complets » ou non, les idées « totales » ou « partielles ». Beauzée attribue la paternité du mot à Du Marsais, qui concevait la phrase comme un tout, dont les morceaux eux-mêmes, comme on dit, sont entiers, un emboîtement de membres structuralement parfaits. Cette vue idéale est réalisée par le complément d’objet, que le verbe réclame, et par les compléments indirects, si l’on pose, comme Beauzée et Du Marsais, qu’ils complètent la préposition ; elle est réalisée sur le plan logique par tous les compléments appelés aujourd’hui « déterminatifs », ceux qui délimitent l’extension d’un nom à propos duquel la phrase énonce un jugement (exemple : Tout triangle rectangle a un angle droit). Mais on sait bien qu’il est aussi beaucoup de compléments facultatifs, détachés ou non, descriptifs ou explicatifs, apportant une caractérisation dont la phrase se passerait sans dommage grammatical ni logique : Un chien briard haut sur pattes, aux longs poils floconneux tout emmêlés d’herbes crochues, accompagnait le berger ; il s’agit là de « suppléments » plutôt que de « compléments ». Le terme d’expansion, dont usent certains linguistes modernes (A. Martinet, Éléments de linguistique générale, 1960), serait préférable s’il n’était donné par eux dans un sens beaucoup plus large, couvrant subordination et coordination, « tout ce qui n’est pas indispensable ». Une autre faiblesse du terme de complément est qu’il n’emporte étymologiquement aucune idée de subordination. Ainsi était-il loisible à Damourette et Pichon (Des mots à la pensée, t. I, chap. VI, « les Compléments ») de l’élargir jusqu’à désigner toute association syntagmatique d’un contenu lexical à un autre, même prédicative ; l’attribut est pour eux un complément du sujet ou de l’objet : gris est « épithète » de mur dans le mur gris (« épiplérose ») et « diathète » dans Le mur est gris (« diaplérose »). Cette altération — évidemment délibérée — de l’acception originelle du mot aurait dû les conduire à inclure dans les « compléments » du nom, aussi bien que l’attribut, le verbe à un mode personnel (Le mur se lézarde. Un peuplier se dresse), ce qu’ils n’ont pas explicitement fait. L’eussent-ils fait, cet élargissement aurait le défaut principal de rompre les attaches du mot complément avec la grammaire, d’en faire le signifiant inutile d’une fonction d’association de « sèmes » (unités sémantiques), fonction si vague que, dans la pratique, on n’a guère à la désigner ; aussi le mot de complément est-il étouffé, chez Damourette et Pichon, par un foisonnement de termes particuliers (diathète, épischète, greffon, etc.), dont les ramifications retrouvent les structures compliquées de la syntaxe. complémentaire [kɔ̃plemɑ̃tɛr] adj. (de complément ; 1791, Frey, au sens 1 ; sens 2, 1795, Behrens). 1. Qui sert à compléter : Une somme complémentaire. Un renseignement complémentaire. ∥ Couleur complémentaire, couleur qui, combinée avec une autre, reconstitue le blanc : Le rouge est la couleur complémentaire du vert. ∥ Angles complémentaires, angles dont la somme vaut un angle droit. ∥ 2. Jours complémentaires, dans le calendrier républicain, jours, au nombre de cinq (ou six tous les quatre ans), qui complétaient l’année, composée de douze mois de trente jours. • SYN. : 1 additionnel, supplémentaire. complémentarité [kɔ̃plemɑ̃tarite] n. f. (de complémentaire ; 1907, Larousse, au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Caractère de ce qui est complémentaire : Leibniz définit Dieu « l’harmonie universelle », c’està-dire la complémentarité réciproque des monades (Bergson). ∥ 2. Caractère de deux downloadModeText.vue.download 103 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 817 ou plusieurs éléments linguistiques en distribution complémentaire. (V. art. spécial.) GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE LA COMPLÉMENTARITÉ Il arrive qu’un signifié unique ait un signifiant à plusieurs formes, apparaissant en « distribution complémentaire ». Ainsi, le verbe aller offre à l’indicatif présent deux radicaux phonétiquement et étymologiquement différents : Aucune commutation (v. ce mot) n’est possible entre le radical à v- initial et le radical all-. Le premier est associé, dans ce temps, aux trois premières personnes du singulier et à la 3e personne du pluriel, le second aux deux premières personnes du pluriel ; nulle part le choix n’est donné entre deux formes, par exemple ils vont et *ils allent. La « distribution » du radical en all- est complémentaire de celle du radical en v-. Leur alternance ne paraît apporter aucun signifié propre. Les éléments en distribution complémentaire peuvent être non pas des lexèmes, comme dans l’exemple précédent, mais des morphèmes. Comparer les formes suivantes : La terminaison du passé simple est -ai pour les verbes du premier groupe, comme aimer et chanter, -is pour les verbes du troisième groupe du type de cueillir, ouvrir ; ces deux terminaisons ne sont pas commutables : on n’écrit ni *j’aimis, ni *j’ouvrai. Leur signifié paraît identique : « passé simple, 1re personne du singulier ». Deux formes différentes sont dites en « complémentarité partielle » quand leur alternance, significative dans certaines conditions, cesse de l’être dans d’autres : on dit que leur opposition s’y neutralise. Ainsi, l’opposition « indicatif/subjonctif » est significative dans un couple de phrases comme : 1. Je cherche un chemin qui conduit à la ville. 2. Je cherche un chemin qui conduise à la ville. L’indicatif fait comprendre que l’on sait l’existence d’un tel chemin ; le subjonctif marque qu’on n’en est pas sûr. La commutation est possible. Mais, dans les deux phrases suivantes : 1. Elle l’aime parce qu’il est brutal, 2. Elle l’aime bien qu’il soit brutal, les deux modes ne sont plus commutables ; leur choix est imposé par la conjonction employée : parce que n’admet pas le subjonctif, ni bien que l’indicatif ; ici, l’opposition morphologique est dite « neutralisée ». Un autre cas mérite d’être mentionné : celui où la complémentarité consiste dans l’alternance d’une marque non plus avec une autre marque, mais avec l’absence de marque. C’est le cas dans l’expression, en français, de la « fonction apposition ». Le signifié en est différent selon le contenu notionnel du terme complété. Dans les cas suivants, c’est la construction en « apposition directe » : le poète Hugo, le mont Olympe, le gaz hydrogène, la note « do ». Dans d’autres cas, le signifiant est celui de la plupart des compléments du nom, la préposition de : la ville de Paris, le fleuve du Rhône, le mois de mai. La relation sous-jacente est alors confondue avec l’ensemble des relations de nom à nom (cf. les ponts de Paris, la crue du Rhône, les examens de mai). La commutation est impossible, au moins dans un sens : on ne peut dire *le poète d’Hugo, *le mont d’Olympe, etc. On ne dit pas normalement la ville Paris, le fleuve Rhône, le mois mai, encore que l’on puisse être amené à le dire, et que l’on fût compris, s’il fallait souligner la relation d’identité sous-jacente (v. APPOSITION). Avec les mots de la première série, la relation d’identité est toujours marquée ; avec les autres, elle ne l’est pas normalement. De tels cas de marque défective peuvent être intégrés dans le cadre des variations complémentaires. VARIANTES COMBINATOIRES Souvent, les linguistes étendent à ces variantes complémentaires lexicales ou grammaticales l’appellation de « variantes combinatoires », empruntée à la phonologie, où elle désigne un fait à première vue parallèle. Le phonème [l] est sonore dans ongle et sourd dans oncle, différence qui n’est jamais consciente pour celui qui parle, et dont on dit qu’elle n’est pas distinctive, parce qu’elle n’est pas libre (elle résulte de l’assimilation partielle progressive du [l], normalement sonore en français, par la sourde [k], dans le second mot). Le phonème [k] est dorso-palatal dans qui et vélaire dans cou, différence non perçue, dont la cause est l’anticipation du mouvement articulatoire de la voyelle suivante, antérieure [i] ou postérieure [u] (assimilation partielle régressive) ; la commutation étant impossible entre ces deux variantes de [k], on les tient pour non distinctives, « variantes combinatoires » d’un seul et même phonème (alors qu’en esquimau, où elles sont commutables, elles représentent deux phonèmes). Il faut, pour déceler la différence entre les variantes combinatoires du [l] ou du [k], le secours des appareils de la phonétique expérimentale. Il est pourtant des cas où l’oreille humaine suffit : ce sont surtout les cas de « complémentarité partielle ». Ainsi, tout le monde est sensible, avec un peu d’attention, à la différence qui sépare le son [ø] de feu et celui de fleur [oe] : tout son écrit eu en finale absolue (feu) est « fermé » [ø] ; tout eu devant une consonne finale (fleur) est « ouvert » [oe] (depuis le XVIIe s.) ; la différence est immédiatement remarquée s’il arrive que quelqu’un, soit par l’effet d’un accent régional, soit par un lapsus de prononciation, fasse entendre un eu fermé [ø] dans fleur. Les oreilles françaises sont sensibilisées à cette différence par les cas où elle prend une valeur distinctive, comme devant une syllabe muette dans les couples jeûne/jeune, ou veule/veulent. VALEUR DES VARIANTES COMPLÉMENTAIRES Longtemps, les linguistes ont posé en théorème que les variantes combinatoires étaient non distinctives, et les variantes complémentaires non significatives. Cela semble évident pour les variantes combinatoires du [l] dans ongle/oncle et du [k] dans qui/cou : quelle valeur distinctive accorderait-on à une différence que l’oreille ne perçoit pas ? Pourtant, le doute peut naître à propos des cas de complémentarité partielle. Soit le couple Agde/acte : l’opposition apparente [d]/[t] résulte d’une sonorisation ancienne de la dentale par [g] dans le premier mot (du grec Agathê Tuchê) ; le cas est donc semblable à celui du groupe ongle/oncle, à cela près que la sonorité du [l] n’est jamais distinctive, alors que celle du [d] l’est nordownloadModeText.vue.download 104 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 818 malement (comparer dé/thé, rade/rate). Comme la seule différence entre [g] et [k] est aussi la sonorité, et que le [k] remonte ici à un [g] (racine indo-européenne ag-) assourdi par le [t] suffixal, on ne voit pas pourquoi l’une des oppositions [g]/[k] et [d]/[t], dans ces mots, serait tenue pour distinctive et l’autre non (la phonologie ne faisant pas état de l’histoire). On est obligé de penser que les mots Agde et acte sont distingués par un trait « sonorité » qui s’étend sur l’ensemble des deux consonnes. Rien n’interdit d’appliquer le même raisonnement au couple ongle/ oncle : la sonorité du [l] dans ongle renforcerait, doublerait la sonorité du [g], et serait par là distinctive. Si l’on répugne à tenir pour telle une caractéristique dont personne n’a conscience, on devra reconnaître cette qualité aux sons de l’allemand appelés ich-Laut et ach-Laut, qui apparaissent à la finale de mots comme dich, « te », et doch, « cependant » ; nulle part ces variantes ne sont commutables ; la première apparaît obligatoirement après [i] (voyelle antérieure), et la seconde après [o] (voyelle postérieure) ; l’écriture les confond, mais la prononciation les distingue très nettement, si nettement que l’allemand familier peut se contenter, sans risque de confusion, de prononcer, dans dich et doch, les consonnes : d’ch. Cet exemple et ces considérations (empruntés à une étude d’Henri Frei, Langue, parole et différenciation, dans le Journal de psychologie, avril-juin 1952) démontrent que des variantes non commutables, du type appelé « combinatoires », peuvent renforcer l’opposition des phonèmes voisins, et éventuellement la suppléer. Le problème est plus important, et recevra des solutions plus diverses, dans le domaine des unités significatives. Imaginera-t-on que la variation de radical v-/all-, à l’indicatif présent, du verbe aller renforce la distinction des personnes ? Plusieurs raisons s’y opposent. Presque tous les verbes (ex. : chanter, partir) se passent de cette redondance, et beaucoup, qui la présentaient en ancien français (je desjune/nous disnons ; je trueve/nous trouvons), l’ont abandonnée au cours des siècles, éliminant les conséquences d’un accident phonétique qui avait troublé l’unité du paradigme latin, et réuni dans un vain schisme deux personnes du pluriel dont la désinence se trouve être aujourd’hui la mieux marquée (-ons/-ez, en face de -e, -es, -e, -ent). On écartera aussi catégoriquement l’idée d’une motivation sémantique dans le cas des passés en -ai et en -is, qui créent des classes formelles sans signifié sous-jacent. Tout autre est le cas des morphèmes dont le choix est commandé par des règles d’ « accord » ou de « concordance ». La phrase suivante en donne plusieurs exemples : Des pins couronnent les hauteurs, verticaux. Le nom pins désigne ici un ensemble de plusieurs éléments : aussi est-il au pluriel. Ce pluriel commande celui des mots des, couronnent et verticaux ; le nombre de ces trois mots, le genre du troisième, ne sont pas libres : ils sont imposés par le nombre et le genre de pins, en vertu d’une règle d’accord que l’on a parfois appelée une « servitude grammaticale ». Il n’est pas interdit de voir dans les formes de l’article un/une/des des variantes combinatoires, non commutables (on n’écrit pas *un pins, ni *une pin) ; de même pour couronne/couronnent et pour vertical/ verticale/verticaux/verticales. Il y a redondance de marques du nombre et du genre de pins. Mais, pour qui considère seulement l’aspect oral de ces phrases, la redondance disparaît. Jusqu’à la virgule, la seule marque du nombre de pins est des, qu’on doit donc tenir pour éminemment significatif. Le genre masculin et le nombre pluriel de l’adjectif verticaux marquent-ils le genre et le nombre du nom pins ? Il faudrait, pour l’affirmer, être sûr par ailleurs que l’adjectif se rapporte à ce nom ; or, la seule raison qu’on ait de l’affirmer est précisément l’accord de verticaux avec pins (et non avec hauteurs) : ici, la variation combinatoire est encore significative, mais elle marque la fonction de l’adjectif, et non plus les caractères morphologiques du nom. En somme, les marques redondantes de genre et de nombre ont deux fonctions significatives, dont l’une exclut l’autre : — ou bien elles renforcent ou suppléent les marques du terme recteur (fonction morphologique) — ou bien elles indiquent la fonction du terme régi en permettant le repérage du terme recteur (fonction syntaxique). Qu’en est-il du verbe couronnent, où la langue écrite maintient la marque du pluriel ? Normalement, cette marque est superflue ; elle assume pourtant la fonction syntaxique quand le verbe se trouve coupé du sujet par plusieurs termes incidents. On interprétera de la même façon les faits de « concordance des temps » à l’indicatif ou au subjonctif. Dans deux phrases comme : Il promet qu’il viendra, Il promit qu’il viendrait, le futur et le conditionnel sont deux variantes en distribution complémentaire, dont le signifié unique est « postériorité ». La différence qui les sépare n’est qu’une redondance de l’opposition (significative) promet/promit. Mais il est des cas où elle en devient la marque essentielle, soit que la forme du verbe principal soit temporellement ambiguë : Il me dit, soit que ce verbe manque, comme il arrive dans le « style indirect libre » : Jeanne mit la lettre sur le bureau ; son mari la trouverait en rentrant. On voit que les variantes complémentaires prennent souvent une fonction significative, renforçant ou suppléant l’opposition qui les détermine. C’est ce qu’il ne faut pas oublier quand on étudie — entre autres faits — les valeurs si complexes du mode subjonctif. Si l’on compare : Il dit que tu viens, Il dit que tu viennes, on doit reconnaître une valeur significative à l’opposition viens/ viennes, mais on n’en a une vue juste que si l’on remarque qu’elle implique une différence sémantique entre les deux emplois du verbe recteur (dit = affirme ; dit = commande). Il n’est peut-être pas, alors, exagéré de dire que le subjonctif est une « variante combinatoire » de l’indicatif, mais à condition d’admettre que les « variantes combinatoires », sans s’opposer directement entre elles, partagent souvent la fonction significative des oppositions — éventuellement inexprimées — qui les commandent. 1. complet, ète [kɔ̃plɛ, -ɛt] adj. (lat. 1. complet, ète [kɔ̃plɛ, -ɛt] adj. (lat. completus, part. passé de complere, emplir, achever ; 1300, Cantimpré, aux sens 1 et 5 ; sens 2, 1866, Larousse ; sens 3-4, XVIe s.). 1. Se dit d’un ensemble possédant sans exception tous les éléments qui doivent le constituer : Le lendemain, l’équipage complet du chalutier suivit l’enterrement (Maupassant). Un jeu complet de cinquante-deux cartes. Équipement complet de plongeur sous-marin. ∥ Aliment complet, celui qui contient tous les principes nécessaires au développement de l’être vivant. ∥ Pain complet, pain fait avec de la farine dans laquelle on a laissé le son. ∥ 2. Se dit d’un local, d’un véhicule dont toutes les places sont occupées : Le théâtre affiche « Complet ». Tartarin étant monté, l’omnibus fut complet (Daudet). ∥ 3. Se dit d’une personne ou d’une chose qui possède absolument toutes les caractéristiques du genre considéré : Cédant peut-être à l’influence de son éducation, de son milieu, du souci de paraître un philosophe aussi complet qu’il sied de l’être et qui se doit de donner réponse à tout (Valéry). C’est un complet crétin. ∥ Un homme complet, un homme qui a toutes les qualités désirables : Ce peuple [parisien] a ses phénomènes downloadModeText.vue.download 105 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 819 de vertu, ses hommes complets (Balzac). ∥ 4. Se dit de ce qui ne contient aucun élément qui puisse l’altérer, le modifier : Une joie complète. J’aimerai donc sans espérance avec un dévouement complet (Balzac). ∥ C’est complet !, se dit lorsqu’un ennui supplémentaire vient s’ajouter à une série de désagréments. ∥ 5. Qui est entièrement réalisé : La nuit était complète. Cette influence amena dans mon être une complète transformation (Renan). • SYN. : 1 entier, intégral, total ; 2 bondé, bourré, comble, plein, rempli ; 3 accompli, achevé, consommé, fieffé, idéal, parfait ; 4 pur, total ; 5 absolu, entier. — CONTR. : 1 incomplet ; 3 élémentaire, rudimentaire, superficiel ; 4 composite, mélangé, mêlé ; 5 ébauché, esquissé, fragmentaire, inachevé. % Au complet, au grand complet loc. adv. (1829, Boiste). Avec tous les éléments constituants : Les tables des petits cafés où des familles au grand complet, père, mère, enfants, s’asseyaient devant des bocks (Daudet). 2. complet [kɔ̃plɛ] n. m. (même étym. qu’à l’art. précéd. ; milieu du XVIIe s., au sens de « habit auquel il ne manque aucune des pièces nécessaires » ; sens actuel, milieu du XIXe s.). Vêtement d’homme dont le veston, le gilet et le pantalon sont faits du même tissu : En complet de nuance grise, le veston ouvert et moulant les reins, le col droit [...], ils [les étudiants d’Oxford] marchent par grandes enjambées (Bourget). À travers la souple et floconneuse étoffe de son complet, il respirait le bien-être par tous ses pores (Gide). 1. complètement [kɔ̃plɛtmɑ̃] adv. (de complet 1 ; XIIIe s.). De façon complète : Incapable d’écrire seul une phrase, M. de Talleyrand faisait travailler complètement sous lui : quand, à force de raturer et de changer, son secrétaire parvenait à rédiger les dépêches de sa convenance, il les copiait de sa main (Chateaubriand). Tout le passé du monde complètement absorbé dans le moment présent (Gide). • SYN. : entièrement, intégralement, pleinement, totalement. 2. complètement [kɔ̃plɛtmɑ̃] n. m. (de compléter ; 1750, d’après Féraud, 1787 [aussi dans Trévoux, 1752]). Action de compléter, de rendre complet : Le complètement des effectifs d’un bataillon. compléter [kɔ̃plete] v. tr. (de complet ; janv. 1733, Mémoires de Trévoux). [Conj. 5 b.] Ajouter ce qui manque pour rendre complet (au pr. et au fig.) : Compléter une somme insuffisante, un ouvrage dépareillé. L’éclair qui révèle à chacun | L’être qui le complète et de deux ne fait qu’un (Lamartine). C’était une superbe pipe en écume [...] familière à sa main, et complétant sa physionomie (Maupassant). • SYN. : achever, consommer, couronner, parachever, parfaire. % se compléter v. pr. (1866, Larousse). 1. Former un tout, un ensemble cohérent, en s’associant : Les deux fonctions se complètent. ∥ 2. Devenir complet peu à peu : Sa documentation se complète. complétif, ive [kɔ̃pletif, -iv] adj. (lat. des grammairiens completivus, qui complète [Ve s.], de complere, achever ; 1503, G. de Chauliac). Proposition complétive, ou complétive n. f., en grammaire, proposition subordonnée qui joue le rôle de complément d’objet ou de sujet de la principale. (Ex. : Je crois QU’IL A RAISON. QUI NE DIT MOT consent.) complétion [kɔ̃plesjɔ̃] n. f. (de complet ; milieu du XXe s.). En termes de pétrochimie, ensemble des opérations d’achèvement qui précèdent la mise en exploitation d’un puits. 1. complexe [kɔ̃plɛks] adj. (lat. complexus, part. passé de complecti, embrasser, saisir, contenir ; v. 1378, J. Le Fèvre). 1. Qui se compose d’éléments différents, intimement mêlés : OEuvre colossale, tout ensemble une et complexe (Hugo). Nous sommes mentalement une succession de transformations dont les unes, les conscientes, sont plus complexes que les autres, les inconscientes (Valéry). ∥ 2. Par extens. Se dit d’une chose que l’esprit ne peut pas saisir immédiatement à cause de la multiplicité et de la diversité de ses éléments : Celui-là donc qui ne repoussait pas les textes complexes de Mallarmé se trouvait insensiblement engagé à réapprendre à lire (Valéry). Les actes les plus simples lui paraissent complexes et hasardeux (Duhamel). ∥ Situation complexe, situation créée par l’imbrication d’éléments différents, et dont il est malaisé de sortir. ∥ 3. Homme, personnage complexe, homme, personnage dont le caractère présente des aspects très différents. ∥ 4. Spécialem. Nombre complexe, nombre composé d’unités de différentes espèces, et qui n’obéit pas à la numération décimale : Six heures vingt minutes douze secondes forment un nombre complexe. • SYN. : 1 composé ; 2 compliqué, embrouillé, emmêlé ; 3 composite. — CONTR. : 1 simple ; 2 clair, distinct, net. % n. m. 1. Le complexe, ce qui est complexe, composé d’éléments différents : L’homme procède toujours du simple au complexe (E. Pelletan). ∥ 2. Ensemble d’industries concourant à une production particulière : Un complexe sidérurgique. 2. complexe [kɔ̃plɛks] n. m. (allem. Komplex [de même étym. que COMPLEXE 1], utilisé par Freud comme terme de psychanalyse ; début du XXe s.). Association d’éléments et de représentations doués d’une forte charge affective, qui se développe en marge de la conscience, et à laquelle les psychanalystes attribuent divers troubles psychiques : Vous avez jusqu’ici souffert d’un complexe d’infériorité (Duhamel). Oui, je sais bien, il y a Freud et cette école de Vienne, et les complexes, et les répressions, et les fixations infantiles ! (Maurois). Le Roumain n’a ni complexe d’infériorité ni chauvinisme agressif (Morand). ∥ Fam. Sans complexes, se dit d’une personne qui agit tout naturellement, sans hésitation. complexé, e [kɔ̃plɛkse] adj. (de complexe 2 ; milieu du XXe s.). Fam. Se dit d’une personne qui est dominée par un ou plusieurs complexes, qui souffre d’inhibition : Se sentir complexé. complexion [kɔ̃plɛksjɔ̃] n. f. (lat. complexio, assemblage, d’où, à basse époque, « tempérament », de complexum, supin de complecti [v. COMPLEXE 1] ; 1256, Ald. de Sienne, au sens 1 ; sens 2, 1538, R. Estienne ; sens 3, 1688, La Bruyère ; sens 4, v. 1265, J. de Meung ; sens 5, 1863, Littré). 1. Littér. Ensemble des différents éléments qui concourent à assurer au corps humain une certaine constitution physique : La timidité de son caractère et la faiblesse de sa complexion semblaient assurer la pureté de ses moeurs (France). Blafaphas était endurant, mais Fleurissoire de complexion délicate (Gide). L’homme a beau faire : il est d’un climat. Il a son tempérament d’origine. Il a sa complexion ethnique (Martin du Gard). ∥ 2. Class. et littér. Tempérament, humeur, inclination dépendant de la constitution physique : Vous êtes donc de complexion amoureuse (Molière). Charles n’était point de complexion facétieuse (Flaubert). ∥ 3. Class. Fantaisie, caprice : Cette femme s’était faite à toutes les complexions de son mari (Acad., 1694). ∥ 4. Vx. Agencement des diverses parties concourant à former un tout : Ce qui convient à la complexion d’une société libre, c’est un état de paix modéré par la guerre, et un état de guerre attrempé de paix (Chateaubriand). La véritable complexion de ce monde (Baudelaire). Ce diable de fusil était de complexion singulière (Daudet). ∥ 5. En logique, syn. anc. de EXTENSION. complexité [kɔ̃plɛksite] n. f. (de complexe ; 1755, Morelly). 1. Caractère de ce qui comporte des éléments très divers, intimement mêlés : Je ferai voir ce groupe dans la complexité de ses efforts (Zola). La complexité de mon amour, de ma personne, multipliait, diversifiait mes souffrances (Proust). Tant il semblait que cette torpeur vînt de la complexité même de mes pensées (Gide). ∥ 2. Caractère de ce qui n’est pas immédiatement perceptible à l’esprit, en raison de la multiplicité de ses éléments : La complexité des questions que pose le Marché commun. • SYN. : 1 complication ; 2 enchevêtrement, imbroglio. — CONTR. : 1 simplicité ; 2 clarté, netteté. complexus [kɔ̃plɛksys] n. m. (mot lat. signif. « étreinte, enchaînement », de comdownloadModeText.vue.download 106 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 820 plecti [v. COMPLEXE 1] ; 1704, Trévoux). Nom de deux muscles pairs de la nuque, extenseurs de la tête, le grand complexus et le petit complexus. complication [kɔ̃plikasjɔ̃] n. f. (bas lat. complicatio, action de plier, multiplication, de complicatum, supin de complicare [v. COMPLIQUER] ; 1377, Oresme). 1. État, caractère de ce qui est compliqué : La complication d’un mécanisme, d’une machine. ∥ 2. Ensemble compliqué : On y arrivait [à l’atelier] par une complication d’escaliers et de couloirs (Zola). ∥ 3. Difficulté, embarras créés par un concours de circonstances, d’incidents de caractère varié et confus : Les complications de la politique. Complications diplomatiques. Complications sentimentales, chichis, coupage de cheveux en quatre, soliloques psychologiques [...], Dieu que je suis ridicule ! (Colette). Je n’irai pas chez le juge : je te dis que j’ai horreur des complications (Sartre). % complications n. f. pl. Phénomènes morbides qui apparaissent au cours d’une maladie, dus à la même cause ou à des causes différentes : La maladie n’aura pas de complications. complice [kɔ̃plis] adj. et n. (bas lat. complex, -icis, uni étroitement, d’où « complice », de cum, avec, et plicare, plier, enrouler ; début du XIVe s., Girart de Roussillon, aux sens 1-2 ; sens 3, v. 1465, Chastellain). 1. Qui participe au même crime ou délit qu’un autre : Le père et les enfants ont été complices de ce petit crime (Balzac). ∥ 2. Par extens. Qui participe à une action répréhensible ou accomplie secrètement : Se faire le complice d’une mystification. Schwartz demeurait à l’écart avec Nippert ; ils se parlaient en alsacien, ils avaient déjà l’air de deux complices (Sartre). ∥ 3. Fig. Se dit de ce qui aide, favorise l’accomplissement de quelque chose : Vil bâtiment, des temps fatals fatal complice ! | Il est la colonnade immonde du supplice (Hugo). Le lent éveil de leurs tendresses au milieu de la nature complice (Zola). Viens ! que je reconnaisse et que je les haïsse, | Cette ombrageuse enfant, ce silence complice (Valéry). • SYN. : 2 acolyte, comparse, compère ; 3 aide, auxiliaire, compagnon, coopérateur. complicité [kɔ̃plisite] n. f. (de complice ; 1420, Dict. général). 1. Action de participer à un crime ou à un délit ; qualité de complice : Le cas de sorciers ou de sorcières, condamnés au feu ou à la corde pour complicité de maléfices avec des boucs (Hugo). Être de complicité avec quelqu’un. ∥ 2. Entente secrète, tacite, entre personnes ; connivence : Le passage était sombre, presque obscur ; il en émanait une espèce d’attirance, d’équivoque complicité (Carco). ∥ 3. Fig. Ensemble de circonstances favorables : Pour bien réussir une convalescence, il y faut la complicité du printemps (Gide). • SYN. : 2 collusion, intelligence. complies [kɔ̃pli] n. f. pl. (adaptation, sous l’influence de l’anc. franç. complir, accomplir, achever [lat. pop. *complire, lat. class. complere, achever], du lat. ecclés. completa [hora], completae [horae], heure[s] accomplie[s] ; v. 1120, Voyage de saint Brendan, au sing. ; au plur., v. 1175, Chr. de Troyes). Dernière partie de l’office canonial, qui se dit ou se chante après vêpres. compliment [kɔ̃plimɑ̃] n. m. (esp. cumplimiento, de cumplir, accomplir [bas lat. *complire, v. COMPLIES], dans la loc. cumplir con alguien, accomplir [ses politesses] envers quelqu’un ; 1608, Régnier, aux sens 1-2 ; sens 3, 1650, La Rochefoucauld ; sens 4, 1680, Richelet [« discours solennel à un grand personnage » ; nuance actuelle, XVIIIe s., Voltaire, d’après Larousse, 1866]). 1. Paroles élogieuses adressées à quelqu’un pour le féliciter d’un mérite quelconque : Elle le berça d’admiration et l’enveloppa de compliments (Maupassant). M. Bergeret se promettait de vivre agréablement avec sa fille [...] qui flattait son amour-propre, parce qu’on lui en faisait des compliments (France). Elle était comme presque toutes les femmes, lesquelles s’imaginent qu’un compliment qu’on leur fait est la stricte expression de la vérité, et que c’est un jugement qu’on porte impartialement, irrésistiblement (Proust). ∥ Sans compliment, sans intention préalable de complimenter, de flatter ; en toute franchise, sincérité. ∥ Ironiq. Je vous fais mes compliments !, et, ellipt., Mes compliments !, se dit pour reprocher à quelqu’un son insigne maladresse. ∥ 2. Class. et littér. Formule de politesse ; paroles de civilité, condoléances adressées à quelqu’un : M. de Nemours [...] lui fit des compliments sur son affliction (La Fayette). Après les premiers compliments de bienvenue et les politesses de voisinage, personne ne trouva plus rien à dire (Maupassant). ∥ Auj. et absol. Formule de politesse employée pour se rappeler au bon souvenir de personnes absentes : Mes compliments chez vous. ∥ 3. Class. Façons, manières, cérémonies : J’en use librement, | Songez que l’amitié défend le compliment (Th. Corneille). ∥ Sans compliment, sans façon. ∥ 4. Petit discours élogieux ou affectueux, que l’on adresse à quelqu’un dans une circonstance solennelle ou heureuse de sa vie : La fête de l’abbesse était la fête principale de la communauté ; la plus belle des pensionnaires faisait le compliment d’usage : sa parure était ajustée, sa chevelure nattée, sa tête voilée et couronnée des mains de ses compagnes (Chateaubriand). ∥ Fig. et fam. Rengainer son compliment, s’abstenir à temps de dire quelque chose qui serait inopportun, ou s’interrompre pour la même raison. • SYN. : 1 congratulation, éloge, félicitation. complimenter [kɔ̃plimɑ̃te] v. tr. (de compliment ; 1634, Brunot, au sens de « adresser un discours solennel à quelqu’un » ; sens 1, 1863, Littré ; sens 2, 1694, Acad.). 1. Adresser des éloges, des félicitations à quelqu’un : M. Joseph Gamelin [...] n’avait pas cessé de la complimenter sur son teint, sa coiffure et sa taille (France). ∥ 2. Absol. Faire des civilités, des politesses flatteuses : Perdre son temps à complimenter. • SYN. : 1 congratuler, féliciter, louer ; 2 aduler, flagorner, flatter. — CONTR. : 1 admonester, blâmer, injurier, invectiver, réprimander. complimenteur, euse [kɔ̃plimɑ̃toer, complimenteur, euse [kɔ̃plimɑ̃toer, -øz] adj. et n. (de compliment ; 1622, Sorel, comme n. ; comme adj., 1762, Acad.). Qui adresse trop d’éloges : Cet homme d’une éloquence si violente et si âpre était, dans un salon, obséquieux, complimenteur, modeste jusqu’à être humble (Hugo). Oui, je suis belle, je le sais. Les complimenteurs ne m’apprendront rien (Musset). • SYN. : adulateur, caudataire, flagorneur, flatteur. — CONTR. : censeur, critique, détracteur. % adj. Qui contient, exprime des compliments : J’avais trop de sens pour m’arrêter longtemps dans le genre complimenteur (Stendhal). Un rappel à l’ordre sous une forme complimenteuse (Baudelaire). Cette bienveillance loquace et complimenteuse qui fait des Irlandais un peu les Gascons de l’Angleterre (Daudet). Il reçut une lettre fort complimenteuse (Theuriet). Celle à qui il pouvait tenir indéfiniment les propos les plus complimenteurs (Proust). compliqué, e [kɔ̃plike] adj. (part. passé de compliquer). 1. Composé d’un grand nombre de pièces, d’éléments : Une machine compliquée. ∥ 2. Difficile à saisir par l’esprit, à cause du nombre des parties composantes et de la multiplicité de leurs rapports : C’est une science compliquée (Stendhal). Chez les marchands d’oiseaux, les perroquets parlent des langues compliquées, apprises autrefois chez des savants à bonnets de mage (Malraux). ∥ 3. Qui est rendu plus difficile, plus grave par des circonstances diverses : La vive répulsion morale que j’éprouvais, compliquée d’un changement total dans le régime et les habitudes (Renan). Une coqueluche compliquée de broncho-pneumonie. • SYN. : 1 complexe, composé ; 2 confus, embrouillé, emmêlé, touffu ; 3 aggravé, renforcé. — CONTR. : 1 simple, sobre ; 2 clair, distinct, élémentaire, enfantin, facile, net. % adj. et n. Fig. Un esprit compliqué, un homme compliqué, et, absol., un compliqué, une compliquée, une personne qui n’aime pas la simplicité et se plaît à rechercher la difficulté. downloadModeText.vue.download 107 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 821 % compliqué n. m. Ce qui est compliqué : Plus l’homme est barbare, plus le compliqué lui plaît (Hugo). compliquer [kɔ̃plike] v. tr. (lat. complicare, lier ensemble, d’où « embarrasser », de cum, avec, et plicare, enrouler ; fin du XIVe s., G. de Chauliac, au part. passé, aux sens de « [maladie] qui touche à la fois plusieurs parties du corps » et « composé d’éléments multiples » ; 1823, Boiste, à l’infin., aux sens 1-2). 1. Rendre une chose moins simple qu’elle n’était : Et qu’est-ce que le langage humain, sinon le cri de la bête des forêts et des montagnes, compliqué et corrompu par des primates orgueilleux ? (France). La composition de cette Chambre [la Diète] fut savamment compliquée (Bainville). ∥ 2. Rendre confus, difficile à comprendre : C’est notre ignorance qui complique toutes choses (Lamennais). Les lectures techniques que je fis à cette époque ajoutaient encore à mon embarras et le compliquaient (Sainte-Beuve). • SYN. : 2 brouiller, embrouiller, emmêler. % se compliquer v. pr. (sens 1, 1829, Boiste ; sens 2, 1835, Acad.). 1. Devenir compliqué, confus, embrouillé : L’affaire se complique. ∥ 2. Fam. Se compliquer de, s’accompagner d’un caractère accessoire aggravant : La sobriété est une vertu méridionale qui se complique aisément de paresse (Gautier). complot [kɔ̃plo] n. m. (origine incertaine ; v. 1150, Roman de Thèbes [aussi sens de « foule serrée » ; fin du XIIe s., Aliscans]). 1. Dessein concerté secrètement entre quelques personnes, et dirigé contre un individu, une institution, surtout contre un gouvernement, un régime : Un foyer de révoltes, de complots contre l’État (Courier). Il sentit qu’on le trompait, qu’il y avait déjà quelque complot organisé contre lui (Daudet). ∥ 2. Projet quelconque concerté secrètement entre quelques personnes. ∥ Mettre quelqu’un dans le complot, le mettre au courant de ce qui se prépare en secret. • SYN. : 1 conjuration, conspiration ; 2 cabale, machination. comploter [kɔ̃plɔte] v. tr. (de complot ; v. 1450, J. Chartier). 1. Tramer secrètement le complot de : Comploter la mort du tyran. ∥ 2. Former et poursuivre une entreprise secrète : L’appartement de la rue du Doyenné déplaisait, le comte complota d’en meubler un magnifiquement, rue Vaneau (Balzac). ∥ 3. Absol. Faire des complots ; élaborer des projets mystérieux, secrets, agir dans l’ombre : Ils ne cessent de comploter tous les deux. • SYN. : 1 conspirer ; 2 combiner (fam.), machiner, manigancer (fam.), ourdir, tramer ; 3 cabaler, intriguer. comploteur, euse [kɔ̃plɔtoer, -øz] n. (de comploter ; 1580, Th. de Bèze). Personne qui complote : Déjouer les menées des comploteurs. • REM. On a dit aussi COMPLOTIER, au masculin, mais rarement : Le dortoir, où je piochais à la chandelle, est devenu le terrain d’embuscade des complotiers (Vallès). compon [kɔ̃pɔ̃] n. m. (de componé ; 1690, Furetière). En termes d’héraldique, division de forme carrée, partie du componé. componction [kɔ̃pɔ̃ksjɔ̃] n. f. (lat. ecclés. compunctio, proprem. « piqûre », de compunctum, supin de compungere, piquer, d’où « affecter », et, au passif, « être repentant » ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Class. et littér. Tristesse profonde, apparente, que cause le sentiment d’avoir offensé Dieu : On vit ce grand roi porter au pied des autels la componction et l’humilité d’un pénitent (Massillon). La vue de ces grottes [...] inspire de la componction, de l’amour, de la pénitence (Chateaubriand). ∥ 2. : Air de gravité humble, de recueillement, souvent affecté (s’emploie souvent par ironie) : « Cette vieille demoiselle paraît tout à fait pleine d’onction. — Pleine d’onction et de componction » (Musset). componé, e ou componné, e [kɔ̃pɔne] adj. et n. m. (altér., sous l’influence de l’anc. franç. compondre, composer [lat. componere, réunir], de couponé, divisé en coupons [XIVe s. ; v. COUPON] ; 1302, J. Richard, Comtesse Mahaut). En héraldique, se dit de la bordure et des autres pièces honorables divisées en compartiments carrés de couleurs alternées : Pal componé. componende [kɔ̃pɔnɑ̃d] n. f. (lat. ecclés. componendum [est], il faut composer [en payant], de componere, composer ; 1690, Furetière). Offrande à remettre au pape ou à l’évêque en retour de certaines grâces. comporte [kɔ̃pɔrt] n. f. (anc. provenç. comporta, baquet, de comportar, lat. com- portare, transporter ; 1765, Encyclopédie). Sorte de baquet ou de cuvier en bois, pourvu de deux anses, et servant au transport de l’eau, de la vendange, etc. : Ramoun jette dans la comporte les épis dépouillés (Escholier). comportement [kɔ̃pɔrtəmɑ̃] n. m. (de se comporter ; 1475, Dict. général, au sens 1 ; spécialisé au début du XXe s. dans le langage des psychologues pour traduire l’anglo-amér. behavior [v. BÉHAVIORISME]). 1. Manière d’être et d’agir d’une personne : Elle gardait la bouche ouverte à demi, ce qui n’était pas de son comportement ordinaire (Duhamel). ∥ Spécialem. Manière dont une personne se comporte dans un cas particulier ; conduite : Ayez honte de votre vilain comportement et laissez-moi continuer mon chemin (Sand). ∥ 2. Psychologie du comportement, étude systématique des réactions observables de l’homme et des animaux, placés dans un milieu et des circonstances donnés. (V. BÉHAVIORISME.) • SYN. : 1 allure, attitude, maintien, manière, procédé, tenue. comporter [kɔ̃pɔrte] v. tr. (lat. comportare, transporter, amasser, réunir ; XIIe s., au sens de « porter » et au sens 1 ; sens 2, XVe s.). 1. Vx. Laisser accès à ; souffrir, permettre : Aucune situation ne comporte l’orgueil ni l’insolence (Napoléon Ier). Permettez que je me préserve de l’amour tel que le monde actuel l’entend et le comporte (Sand). ∥ 2. Comprendre, renfermer quelque chose par nature ; entraîner naturellement telle conséquence : J’avais autant de bonheur qu’en comportaient ma nature et ma destinée (France). Une même expression, de figure comme de langage, pouvant comporter diverses acceptions, j’étais hésitant comme un élève devant les difficultés d’une version grecque (Proust). Le logement, qui est au rez-de-chaussée, comporte trois pièces et une cuisine (Romains). • SYN. : 2 admettre, se composer de, comprendre, impliquer. % se comporter v. pr. (sens 1, XIIIe s. ; sens 2, 1783, Encycl. méthodique). 1. En parlant d’une personne, prendre une certaine attitude, dans des circonstances déterminées : Il faut que notre marquis se confesse d’avoir été au siège de Sancerre et de s’y être vaillamment comporté (Sand). Un jeune Français [...] peut, s’il sait observer, voir vivre et considérer dans leur mélange les types très divers de la nation, regarder comme se comportent, dans l’égalité momentanée de la condition militaire, les individus de complexion, de culture, de fortune, de profession les plus variées (Valéry). Se comporter en honnête homme. ∥ 2. En parlant des choses, fonctionner, marcher d’une certaine façon, dans des conditions données : Voiture qui se comporte bien dans les courbes ; et impers. : Tout se comportet-il là-bas comme il te plaît ? (Verlaine). • SYN. : 1 se conduire, se tenir. composant, e [kɔ̃pozɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de composer ; v. 1340, J. Le Fèvre). Qui entre comme élément dans la composition d’un tout : Les corps composants d’un sel. Forces composantes. % composant n. m. (sens 1, 1839, Acad. ; sens 2, XXe s.). 1. En chimie, élément qui, combiné avec un autre ou plusieurs autres, forme un composé : Les composants de l’air, de l’eau. ∥ 2. En linguistique, terme qui entre dans la formation d’un composé. % composante n. f. (sens 1, XXe s. ; sens 2, 1863, Littré ; sens 3, 15 août 1872, Journ. officiel). 1. En mathématiques, projection d’un vecteur sur l’un des axes ou l’un des plans d’un système de coordonnées. ∥ 2. En mécanique, chacune des forces qui concourent à former une résultante. ∥ 3. Fig. Élément constituant : La tentation de considérer l’être et le non-être comme des composantes complémentaires du réel, à la façon de l’ombre et de la lumière (Sartre). downloadModeText.vue.download 108 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 822 composé, e [kɔ̃poze] adj. (part. passé de composer ; fin du XVIe s., aux sens 1-2 ; sens 3, 1538, R. Estienne ; sens 4, 1612, M. Régnier). 1. Se dit d’une chose qui n’est pas simple, qui est formée d’éléments divers, juxtaposés ou mêlés en un tout : C’est pourquoi je réserve une partie de mon temps pour la surveillance de cette machine composée que j’appelle mon corps (Alain). ∥ Mot composé, mot formé de plusieurs autres mots : PINCE-SANS-RIRE est un mot composé. ∥ Temps composé, temps d’un verbe formé du participe passé joint à un verbe auxiliaire : Le passé antérieur est un temps composé. ∥ Intérêts composés, inté- rêts qu’on ne touche pas et qui, s’ajoutant au capital, produisent à leur tour un intérêt : Scrupuleusement, il tenait à jour un compte de cette dette, dont il remettait, de temps à autre, à Thérèse et à Daniel, un relevé en deux exemplaires, tapé à la machine, où les intérêts composés étaient calculés à un taux généreux (Martin du Gard). ∥ Chapiteau composé, chapiteau dont les parties sont empruntées à divers ordres d’architecture. ∥ Corps composé, corps chimique formé par la combinaison d’un corps simple avec un ou plusieurs autres corps : L’acide sulfurique est un corps composé. ∥ Pas composé, pas de danse formé de plusieurs pas simples combinés. ∥ 2. Class. Constitué du point de vue physiologique : Vous avez un corps parfaitement bien composé (Molière). ∥ 3. Dont les éléments sont bien choisis et dosés ; qui obéit à un plan : La claque à l’Opéra est très bien composée (Hugo). Tes jardins composés où Louis ne vient plus (Samain). Un menu composé selon les règles de la diététique. Une dissertation qui n’est pas composée. ∥ 4. Qui affecte la gravité, la retenue : Miguel Ladron l’accueillit avec le maintien composé et le visage grave des porteurs de mauvaises nouvelles (Morand). • SYN. : 1 complexe, composite ; 4 affecté, apprêté, compassé, étudié. — CONTR. : 1 élémentaire, simple ; 4 désinvolte, franc, libre, spontané. % composé n. m. (1668, La Fontaine [en chimie, 1721, Trévoux ; « mot composé », 1596, Hulsius]). 1. Ensemble constitué par divers éléments unis pour former un tout : Mes souvenirs de divers âges, ceux de mes songes comme ceux de mes réalités, se sont pétris, mêlés, confondus, pour faire un composé de charmes et de douces souffrances dont elle est devenue la forme visible (Chateaubriand). Ce je ne sais quoi des étés bretons qui est mélancolique [...], c’est un composé où entrent mille choses (Loti). ∥ Spécialem. Espèce chimique formée par la combinaison de plusieurs éléments. ∥ En linguistique, terme formé par composition. ∥ 2. Class. Constitution, nature d’un être vivant : Si dans son composé quelqu’un trouve à redire, | Il peut le déclarer sans peur (La Fontaine). • SYN. : 1 alliage, alliance, amalgame, combinaison, mélange. composées [kɔ̃poze] n. f. pl. (part. passé fém. substantivé de composer ; 1829, Boiste). La plus importante des familles de plantes dicotylédones gamopétales, caractérisée par des fleurs groupées en capitules : Les chardons, les pissenlits sont des composées. • REM. On dit aussi parfois COMPOSACÉES. composer [kɔ̃poze] v. tr. (adaptation, d’après poser, du lat. componere, mettre ensemble, de cum, avec, et ponere, poser ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens de « susciter [des tracasseries, des exactions à une ville] » ; sens 1 et 5, 1559, Amyot ; sens 2, 1621, Oudin ; sens 3, 1508, Coutumier général ; sens 4, 1530, Palsgrave ; sens 6, 1538, R. Estienne). 1. Former un tout, en partant de plusieurs éléments que l’on combine ou assemble : Je me composai donc une femme de toutes les femmes que j’avais vues : elle avait la taille, les cheveux et le sourire de l’étrangère qui m’avait pressé contre son sein ; je lui donnai les yeux de telle jeune fille du village, la fraîcheur de telle autre (Chateaubriand). J’y cherchai des fleurs pour lui composer deux bouquets (Balzac). ∥ 2. Spécialem. Assembler les caractères typographiques qui serviront à l’impression d’un texte : On a déjà composé les deux tiers de l’ouvrage. ∥ 3. Donner une ordonnance, un plan à un ensemble ; choisir et grouper de façon harmonieuse des éléments épars : Discours toujours admirablement composé comme une oeuvre classique (Péguy). ∥ 4. Produire, créer une oeuvre de l’esprit : Il a composé lui-même et fait imprimer une prière spéciale pour sa Bonne Vierge (Maupassant). Elle chante, elle joue du clavecin, elle a même composé six valses (France). ∥ Absol. Créer une oeuvre musicale. ∥ 5. Fig. Étudier ses attitudes, ses expressions, pour faire illusion, donner le change sur ses sentiments : Il ne songeait point à s’idéaliser et ne composait point son personnage [...]. Il était lui, lui-même mis au-dehors (Vigny). Il toussa [...], composa laborieusement son sourire le plus onctueux (Duhamel). ∥ 6. En parlant des éléments assemblés, entrer dans la composition de, former : Les moules, la friture et les volailles [...] composent le souper ordinaire des habitués (Nerval). • SYN. : 1 confectionner, constituer, faire ; 3 agencer, ordonner, organiser ; 4 concevoir, écrire ; 5 apprêter, arranger, déguiser ; 6 constituer, former. — CONTR. : 1 analyser, décomposer, défaire, dissocier. % v. intr. (sens I, 1690, Furetière ; sens II, 1, milieu du XIVe s., Modus ; sens II, 2, 1789, G. Mirabeau). I. Faire, en classe, un exercice scolaire en vue d’un classement : Nous composons demain en version latine. On va composer bientôt pour les prix ; laissez mes enfants venir au lycée les jours de composition (Daudet). II.1.Composer avec quelqu’un ou avec quelque chose, faire effort pour arriver à un accommodement, en acceptant des concessions : Lui, toujours grave, toujours absolu, ne voulait composer avec aucune dialectique (Sand). Il faut composer avec les sots, comme avec un ennemi supérieur en nombre (Karr). La police coffre les insoumis ; mais, en Italie, volontiers elle compose avec les subtils (Gide). ∥ 2. Fig. Se donner de mauvaises raisons pour échapper à un devoir, transiger : Composer avec l’honneur, avec sa conscience. Ces gens que rien ne peut gagner, qui ne composent point (Courier). • SYN. : II, 1 s’accommoder, s’entendre, négocier, traiter, transiger ; 2 biaiser. % se composer v. pr. (fin du XVIe s.). 1. Se composer de, être constitué par : Il pensa tout à coup à lui constituer un majorat qui se composerait de la fortune territoriale des deux familles (Balzac). ∥ 2. S’ordonner d’une certaine façon : Voilà un groupe qui se compose assez bien (Gautier). composeuse [kɔ̃pozøz] n. f. (de composer ; 1866, Larousse). Machine à composer, en imprimerie. composite [kɔ̃pozit] adj. (lat. compositus, part. passé de componere, arranger, mettre ensemble ; v. 1361, Oresme, au sens de « convenable » ; sens 1, 1545, Dict. général ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Se dit d’un ordre d’architecture qui réunit des éléments de l’ionique et du corinthien : Les vastes bâtiments de style composite se profilaient dans l’air bleu (Bourget). ∥ 2. Par extens. Qui est composé d’éléments très divers : Une odeur composite de poudre de riz, de truffes, de fleurs de serre (Daudet). La société qui se rencontrait là, au concert, tous les dimanches, était assez composite (Duhamel). • SYN. : 2 disparate, hétéroclite, hétérogène, mélangé, mêlé. % n. m. Ordre, style composite. compositeur, trice [kɔ̃pozitoer, -tris] n. (lat. compositor, celui qui compose, qui arrange ; 1274, Godefroy, au sens 3 ; sens 1, 1549, R. Estienne [« auteur d’oeuvres littéraires », 1406, N. de Baye] ; sens 2, 1550, J. Peletier). 1. Personne qui compose des oeuvres musicales : Un compositeur de musique atonale, d’opérettes, de chansons. ∥ 2. Typographe qui assemble à la main les caractères d’imprimerie. ∥ 3. Amiable compositeur, celui qui est chargé de régler à l’amiable un différend entre deux personnes. composition [kɔ̃pozisjɔ̃] n. f. (lat. compositio, accommodement, arrangement, composition, de compositum, supin de componere [v. COMPOSER] ; v. 1155, Wace, au sens I [venir à composition, 1538, R. Estienne ; de bonne composition, 1694, Acad.] ; sens II, 1, 1538, R. Estienne [« chose composée », v. 1560, Paré] ; sens II, 2, milieu downloadModeText.vue.download 109 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 823 du XIVe s. ; sens II, 3, 1636, Monet ; sens II, 4, 1690, Furetière ; sens II, 5, 1580, Montaigne ; sens II, 6, 1651, Brunot ; sens II, 7-8, 1694, Acad.). I. Accommodement entre deux ou plusieurs personnes qui acceptent de faire des concessions pour arriver à un compromis : Josèphe ne doute pas que, s’il eût vécu, il n’eût réussi à amener entre les Romains et les Juifs une composition honorable (Renan). ∥ Amener à composition, venir à composition ou entrer en composition, amener quelqu’un à transiger, ou accepter soi-même un compromis, un accord : Il y a des blessés allemands que les bons traitements, la souffrance ou d’autres mobiles amènent à composition (Duhamel). ∥ Personne de bonne composition, personne conciliante, avec laquelle on s’entend facilement. II. 1. Action de former un tout en assemblant des parties : Procéder à la composition du bureau d’une assemblée. ∥ Par extens. La chose composée : Une composition pharmaceutique. ∥ 2. Manière dont les éléments d’un ensemble sont choisis, juxtaposés, mêlés, dosés : Vers le milieu du XVIIe siècle, les orchestres prirent la composition que nous leur voyons aujourd’hui (Stendhal). Il entre dans la composition d’un « puchero » confortable un quartier de vache, un morceau de mouton, un poulet (Gautier). Il voulut en savoir la composition et la blâma en termes énergiques (Flaubert). ∥ Spécialem. Proportion des éléments qui entrent dans un corps composé : Étudier la composition chimique d’un minéral. ∥ 3. Action d’assembler, de disposer des caractères typographiques pour former les mots, les lignes d’un texte, en vue de son impression : Composition manuelle. Composition mécanique. ∥ Par extens. Le texte composé lui-même : Déposer la composition sur le marbre. ∥ 4. Formation de mots par combinaison de mots simples ou par addition de préfixes. (V. Introduction.) ∥ 5. Action de composer un ouvrage de l’esprit : C’était une sorte de pièce de leur composition (Nerval). Elle le surprit très absorbé dans la composition d’une lettre (Daudet). ∥ Par extens. L’oeuvre réalisée : La tragédie fut d’abord une composition religieuse (Constant). Tout, dans cette remarquable composition [« les Sabines », de David], est pensé, étudié [...], poussé à la haute perfection dont l’artiste était capable (Gautier). ∥ 6. Construction, ordonnance, équilibre et enchaînement des parties d’une oeuvre littéraire ou artistique : La structure et l’harmonie de la composition (Balzac). Ce tableau dénotait une science réelle de la composition, et une connaissance approfondie de tous les maîtres italiens (Baudelaire). Sans composition, l’oeuvre d’art ne saurait présenter qu’une beauté superficielle (Gide). ∥ Spécialem. Ensemble des règles auxquelles obéit le musicien qui crée un ouvrage musical : La classe de composition, au Conservatoire. ∥ 7. Exercice littéraire destiné à apprendre aux élèves à ordonner et à exprimer leurs idées : Une composition française. ∥ 8. Exercice scolaire fait en classe et en vue d’un classement : Les compositions trimestrielles. J’ai eu le diplôme d’honneur pour une composition d’histoire. Mme de Saint-Joseph dit que j’étais la seule qui avait traité le sujet à fond (France). • SYN. : I accord, arrangement, conciliation, transaction. ∥ II, 1 constitution, formation, organisation ; amalgame, combiné, composé, mixture ; 5 élaboration, rédaction ; 7 dissertation, rédaction. — CONTR. : I désaccord, discorde, dissension, division, opposition, rupture. compossible [kɔ̃pɔsibl] adj. (de com- compossible [kɔ̃pɔsibl] adj. (de comet de possible ; 1907, Larousse). Dans la philosophie de Leibniz, qui est possible et compatible avec l’existence d’autre chose. compost [kɔ̃pɔst] n. m. (mot angl. tiré de l’anc. franç. compost, composé [XIIIe s.], du lat. compositus, part. passé de componere, mettre ensemble ; 1732, Trévoux). Mélange de bonne terre, de débris organiques, de matières calcaires, fermenté et utilisé comme engrais : Dans la fosse aux composts furent entassés des branchages, du sang (Flaubert). 1. compostage [kɔ̃pɔstaʒ] n. m. (de composter 1 ; milieu du XXe s.). Action d’amender les terres à l’aide de compost. 2. compostage [kɔ̃pɔstaʒ] n. m. (de composter 2 ; 1922, Larousse). Action de marquer, de numéroter à l’aide d’un composteur : Le compostage des billets, des feuillets d’un manuscrit. 1. composter [kɔ̃pɔste] v. tr. (de compost ; XIVe s., Godefroy, puis 1732, Trévoux). Amender les terres à l’aide de compost. 2. composter [kɔ̃pɔste] v. tr. (de composteur ; 1922, Larousse). Marquer, numéroter avec un composteur : Composter un billet de chemin de fer. composteur [kɔ̃pɔstoer] n. m. (ital. compostore, de composto, part. passé de comporre, composer, lat. componere, mettre ensemble ; 1673, au sens 1 [d’après Richelet, 1759] ; sens 2, 1890, Dict. général). 1. Règle à coulisse sur laquelle le typographe dispose les caractères d’imprimerie, au fur et à mesure de la composition : Les caractères qui ne sont pas de bonne composition sortent de leur composteur (Fargue). À chaque instant, et sans rien dire, il posait le composteur sur la casse et sortait (Duhamel). ∥ 2. Appareil à lettres ou à chiffres interchangeables, servant à marquer, à numéroter ou à dater des documents. composto [kɔ̃pɔsto] n. m. (mot ital. [v. COMPOSTEUR] ; 1866, Larousse). Enduit composé de fragments de marbre ou d’autres pierres, amalgamés avec un mortier. compote [kɔ̃pɔt] n. f. (lat. pop. *composita, part. passé fém. substantivé de componere, mettre ensemble ; fin du XIIe s., Aiol, écrit composte, au sens 1 ; sens 2, 1611, Cotgrave). 1. Fruits cuits avec du sucre : De la compote de pêches. ∥ Fig. et fam. En compote, en piteux état, tuméfié, meurtri par les coups : Je lui ai mis le nez en compote. ∥ 2. Vx. Sorte de ragoût : Le premier service, composé d’une barbue entre un vol-au-vent et des pigeons en compote (Flaubert). • SYN. : 1 marmelade. compotier [kɔ̃pɔtje] n. m. (de compote ; 1746, Havard). Coupe à pied ou plat creux pour servir la compote, des crèmes, des fruits. compound [kɔ̃pund] adj. invar. (mot angl. signif. « composé », tiré de l’anc. franç. compondre [v. COMPONÉ] ; 1874, Mackenzie). Se dit d’appareils ou d’organes, mécaniques ou autres, associés. ∥ Machine compound, machine où la vapeur agit successivement dans plusieurs cylindres de diamètres inégaux. ∥ Moteur compound, moteur à pistons où l’énergie des gaz d’échappement est en partie récupérée sur les aubes d’une turbine. ∥ Enroulement compound, dans une machine électrique, combinaison d’un enroulement en série et d’un enroulement shunt. compréhensibilité [kɔ̃preɑ̃sibilite] n. f. (de compréhensible ; 1839, Boiste). Qualité de ce qui est compréhensible. compréhensible [kɔ̃preɑ̃sibl] adj. (lat. comprehensibilis, de comprehensum, supin de comprehendere, comprendre ; 1375, R. de Presles). 1. Qui peut être compris aisément : S’exprimer d’une manière compréhensible. ∥ 2. Dont on peut comprendre les causes, les motifs ; excusable : Ce peintre [Francia] était orfèvre et signait ses pièces d’orfèvrerie « Francia pictor » par une bien compréhensible coquetterie d’artiste (Gautier). • SYN. : 1 accessible, clair, intelligible, limpide, simple ; 2 concevable, normal, naturel. — CONTR. : 1 confus, fumeux, hermétique, incompréhensible, inintelligible, obscur, ténébreux ; 2 inconcevable, inexcusable. compréhensif, ive [kɔ̃preɑ̃sif, -iv] adj. (bas lat. comprehensivus, qui contient, de comprehensum, supin de comprehendere [v. COMPRENDRE] ; 1053, G. de Chauliac, au sens I [rare jusqu’au XIXe s.] ; sens II, 1, début du XVIe s. ; sens II, 2, XXe s.). I. Qui embrasse dans sa signification un nombre plus ou moins grand de caractères, de qualités, etc. : Le mot « tiers état » est évidemment plus étendu, plus downloadModeText.vue.download 110 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 824 compréhensif que celui de « commune » (Guizot). Les éléments (ou les aliments) de l’état d’âme au sein duquel va germer la pensée la plus générale, la question la plus compréhensive, sont réunis : de la lumière et de l’étendue, du loisir et du rythme, des transparences et de la profondeur (Valéry). II. 1. Vx. Capable de comprendre : L’esprit critique est, de sa nature, facile, insinuant, mobile et compréhensif (Sainte-Beuve). Il avait fallu bien des traditions acquises et dissipées, bien des révolutions politiques ou morales, une acquisition accumulée d’expériences contradictoires pour former une tête si compréhensive et si incertaine (Valéry). ∥ 2. Capable de comprendre les autres et de se montrer, à l’occasion, indulgent : Quel homme charmant, compréhensif (Croisset). Il se plut même, un instant, à imaginer un père tendre, généreux, compréhensif, pour pouvoir regretter de n’avoir pas été le fils irréprochable de ce père affectueux (Martin du Gard). • SYN. : II, 2 bienveillant, compatissant, large, libéral. — CONTR. : II, 2 dur, fermé, incompréhensif, intransigeant, sévère. compréhension [kɔ̃preɑ̃sjɔ̃] n. f. (lat. comprehensio, action de saisir ensemble, compréhension, de comprehensum, supin de comprehendere [v. COMPRENDRE] ; 1372, J. Corbichon, aux sens I, 1 et II, 1-2 ; sens I, 2, 1798, Acad. ; sens II, 3, XXe s.). I. 1. Vx ou littér. Faculté d’embrasser, de saisir par la pensée, en une vue globale, tout un ensemble de choses : Avec cette prodigieuse compréhension de tout le détail et du plan universel de la guerre, on le voit toujours attentif à ce qui survient (Bossuet). ∥ 2. En logique, ensemble des caractères, des propriétés, des qualités qu’un terme ou un concept embrasse dans sa signification : Quand un terme est contenu en extension dans un autre, le second est contenu en compréhension dans le premier. L’extension et la compréhension des concepts sont donc en raison inverse l’une de l’autre (Goblot). II. 1. Faculté de saisir par l’intelligence : Tout d’abord, je pus espérer trouver une compréhension un peu plus directe de la vie chez quelques romanciers et chez quelques poètes (Gide). Point d’esprit, une certaine rapidité de compréhension [...], voilà mon amoureux (Colette). Sa connaissance [d’Aubigny] et sa compréhension du monde, dans ce qu’il est réellement, étaient nulles (Montherlant). Avoir la compréhension lente. ∥ 2. Possibilité d’être compris (en parlant d’une chose) : Ces notes aident à la compréhension du texte. ∥ 3. Sympathie, indulgence, largeur d’esprit, venant de la connaissance des difficultés et des problèmes que rencontre autrui : Faire preuve de compréhension. Une atmosphère de compréhension mutuelle. • SYN. : II, 1 clairvoyance, lucidité, pénétration, sagacité ; 2 clarté, compréhensibilité, intelligence ; 3 bienveillance, bonté, mansuétude, tolérance. — CONTR. : II, 1 inintelligence ; 2 confusion, obscurité ; 3 dureté, incompréhension, intolérance, sévérité. comprendre [kɔ̃prɑ̃dr] v. tr. (lat. pop. comprendere, lat. class. comprehendere, saisir, embrasser, comprendre ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens de « s’emparer de » ; sens I, 1-2, XIIe s. ; sens II, 1-6, début du XIIIe s. [rare avant le XVe s.]). [Conj. 50.] I. 1. Contenir en soi comme parties intégrantes, renfermer : Les traités de Westphalie comprenaient quatre éléments essentiels harmonieusement combinés (Bainville). La France métropolitaine comprend 95 départements. ∥ 2. Par extens. Faire entrer quelque chose dans un ensemble : Vous persistez toujours à ne pas comprendre vos honoraires dans vos totaux (Mérimée). ∥ Y compris, non compris, en y comprenant, sans y comprendre : Toute la population, y compris les enfants. (V. Rem. ci-après.) II. 1. Saisir par l’esprit, par la pensée les principes, la raison des choses ; s’en faire une idée nette : Je comprends mieux ce qu’est l’homme (Sainte-Beuve). Tâchant de comprendre et de juger, j’ouvris les yeux sur la nature et sur l’art (Hugo). ∥ Faire comprendre, mettre quelqu’un à même de comprendre, lui faire saisir clairement : Elle [...] lui ferait com- prendre aussitôt ce qu’elle voulait (Maupassant). ∥ Fam. Je comprends, marque l’acquiescement dans un dialogue : « oui, certes ». ∥ Fam. et ellipt. Compris !, c’est bien compris, bien entendu. (S’emploie souvent pour souligner un ordre, une défense : Que je ne vous revoie plus ici, compris ?). ∥ 2. Saisir la signification de quelque chose : Un homme qui tâche de comprendre une langue étrangère (Balzac). Ce langage était trop étrange aux oreilles de Mme de Pirennes pour qu’elle le comprît d’abord (Mérimée). ∥ 3. Se faire une idée exacte, claire de la nature, de la raison de quelque chose ou des mobiles de quelqu’un : Le guet comprenait assez mal la couleur d’une époque illustre pour mettre parfois les soupeurs au violon (Nerval). Il faut comprendre. Nous sommes une douzaine à El-Ameur pour patrouiller dans le territoire d’un petit département, et je dois rentrer (Camus). ∥ 4. Spécialem. Admettre avec plus ou moins d’indulgence les mobiles de quelqu’un, les raisons de quelque chose : Comme je comprends votre abstention en cette affaire ! Je vous comprends et vous excuse. ∥ Comprendre les choses, avoir l’esprit large ; montrer en toute occasion de la tolérance, de l’indulgence. ∥ Comprendre la plaisanterie, l’accepter avec bonne humeur, savoir plaisanter. ∥ 5. En termes d’art, concevoir un sujet sous telle ou telle forme et l’interpréter ainsi : Nous parlons ici de la Madone telle que le peintre d’Urbin la comprenait (Gautier). La façon dont les peintres comprennent le nu en plein air me stupéfie (Huysmans). ∥ Par extens. Bien compris, judicieusement, habilement conçu : La prison de notre ville est quelque chose d’admirable, avec ses cellules blanches [...] rayonnant toutes d’un observatoire central [...]. C’est bien compris, c’est moderne (France). ∥ 6. S’apercevoir, se rendre compte de quelque chose : Elle comprit aussitôt les avantages que ce mariage lui apporterait (Maupassant). • SYN. : I, 1 comporter, embrasser, englober ; 2 compter, inclure, incorporer, intégrer. ∥ II, 1 concevoir, entendre ; 3 pénétrer, saisir ; 5 imaginer, se représenter, voir ; 6 remarquer. • REM. Les deux loc. y compris et non compris restent invariables quand elles sont placées devant le nom ou le pronom ; elles s’accordent dans les autres cas : Tous frais compris, y compris la taxe de luxe. Il dispose de dix mille francs de revenus, sa pension d’invalide non comprise. comprenette [kɔ̃prənɛt] n. f. (de comprendre ; 1807, J.-F. Michel). Fam. Faculté de comprendre : Raoul Brénugat n’avait pas la comprenette fort prompte ; il demandait des explications en plissant son front, qui était bas et volontaire (Duhamel). • SYN. : compréhension, intelligence. • REM. On dit aussi COMPRENOIR, n. m. (XXe s.) : J’ai le comprenoir mal affûté ce matin (Fabre). compresse [kɔ̃prɛs] n. f. (déverbal de compresser ; v. 1265, J. de Meung, au sens de « action de comprimer » ; sens actuel, 1539, Anciennes poésies françaises, IV). Linge plié en plusieurs épaisseurs, qu’on utilise pour le pansement des plaies ou au cours des opérations chirurgicales : Qu’est-ce qu’une partie de ballon, sinon des bousculades et enfin des marques noires et des compresses ? (Alain). compresser [kɔ̃prɛse] v. tr. (lat. compressare, comprimer ; XIIIe s. [disparu au XVIIe s., repris au XIXe]). Serrer, presser : Des voyageurs compressés dans un compartiment de métro. • SYN. : comprimer, écraser, tasser. compresseur [kɔ̃prɛsoer] adj. m. (dér. savant du lat. compressus, part. passé de comprimere, comprimer ; 1808, Boiste, comme n. d’un muscle ; sens actuels, 1845, Bescherelle). Se dit de tout appareil servant à comprimer. ∥ Rouleau compresseur, rouleau de pierre ou de fonte servant à aplanir le sol d’une route. downloadModeText.vue.download 111 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 825 % n. m. Appareil servant à comprimer un fluide, l’air notamment, à une pression voulue : Compresseur frigorifique. compressibilité [kɔ̃prɛsibilite] n. f. (de compressible ; 1690, Furetière). 1. Propriété que possède un corps de céder à la pression en diminuant de volume : La compressibilité des liquides est à peu près nulle. ∥ 2. Fig. Possibilité d’être diminué, réduit : La compressibilité des effectifs. compressible [kɔ̃prɛsibl] adj. (dér. savant du lat. compressus, part. passé de comprimere, comprimer ; 1648, Pascal, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Qui peut être comprimé : L’air est compressible. ∥ 2. Fig. Susceptible d’être diminué : Des dépenses qui ne sont pas compressibles. • SYN. : 1 comprimable ; 2 réductible. — CONTR. : 1 dilatable ; 2 irréductible. compressif, ive [kɔ̃prɛsif, -iv] adj. (lat. médiév. compressivus, de compressus, part. passé de comprimere, comprimer ; fin du XIVe s., G. de Chauliac, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. En chirurgie, qui sert à comprimer : Un bandage compressif. ∥ 2. Fig. et littér. Qui vise à contraindre, à limiter la liberté d’action : Une éducation compressive avait pesé sur moi sans me briser (Barbey d’Aurevilly). Des mesures compressives. compression [kɔ̃prɛsjɔ̃] n. f. (lat. compressio, de compressum, supin de comprimere, comprimer [v. COMPRIMER] ; v. 1361, Oresme, aux sens 1-2 ; sens 3, v. 1450, Chastellain ; sens 4, 1935, Acad.). 1. Action de comprimer ; résultat de cette action : La compression d’une artère. ∥ 2. Action mécanique qui réduit un corps à un volume moindre, en rapprochant les unes des autres les molécules qui le composent : La compression d’un gaz. ∥ Spécialem. Dans un moteur à explosion, pression atteinte par le mélange détonant, dans le cylindre, avant son allumage : Ce moteur manque de compression. ∥ 3. Vx et littér. Contrainte, oppression exercée par un pouvoir autoritaire : Dans les villes, la classe des travailleurs, façonnée au joug par de longues années de compression et de misère, ne prendrait aucune part au scrutin (Blanqui). ∥ 4. Fig. Réduction de personnel ou de dépenses : Le gouvernement a l’intention de procéder à de fortes compressions dans les différents budgets. • SYN. : 1 constriction, contraction ; 4 économie, restriction. — CONTR. : 1 dilatation ; 4 accroissement, augmentation, gonflement. comprimable [kɔ̃primabl] adj. (de comprimer ; 1845, Bescherelle). Qui peut être comprimé. (On dit plutôt COMPRESSIBLE.) comprimé, e [kɔ̃prime] adj. (part. comprimé, e [kɔ̃prime] adj. (part. passé de comprimer). 1. Se dit de ce qui, ayant subi une forte pression, a diminué de volume : Les pieds comprimés des Chinoises. Une machine-outil fonctionnant à l’air comprimé. ∥ 2. Qui est aplati sur les côtés : Front comprimé. ∥ 3. Fig. Contenu : Des impatiences comprimées. % comprimé n. m. (1922, Larousse). Pastille pharmaceutique contenant une certaine dose de médicament sous un petit volume : Un tube d’aspirine contenant aussi des comprimés d’opium (Barbusse). comprimer [kɔ̃prime] v. tr. (lat. comprimere, serrer, presser, de cum- intensif et premere, presser ; 1314, Mondeville, au sens 1 ; sens 2, v. 1355, Bersuire ; sens 3, 1834, Landais ; sens 4, XXe s.). 1. Presser de tous côtés un corps, un objet, un organe, etc., de manière à en réduire le volume : Un mouchoir [...] comprimant les touffes d’une chevelure drue (Gautier). Comprimer une artère pour arrêter une hémorragie. ∥ 2. Fig. et vx. Soumettre à la contrainte ; empêcher la manifestation de sentiments hostiles (en parlant du pouvoir politique) : La Restauration donna un mouvement aux intelligences ; elle délivra la pensée comprimée par Bonaparte : l’esprit, comme une cariatide déchargée de l’architecture qui lui courbait le front, releva la tête (Chateaubriand). Ils [les Romains] étaient parvenus à [...] comprimer les mouvements isolés qui s’étaient manifestés dans d’autres provinces (Mérimée). ∥ 3. Fig. Contenir les manifestations de ses propres sentiments, et, par extens., contenir ces sentiments euxmêmes : Un désir conçu depuis sa jeunesse et comprimé dans son coeur (Balzac). Les hommes mêmes semblaient comprimer avec peine un sourire moqueur (Mérimée). Un de ces rires solitaires qui sont si durs à comprimer (Maupassant). ∥ 4. Fig. Diminuer des dépenses qu’on trouve excessives : Comprimer les frais généraux d’une affaire. • SYN. : 1 compresser, resserrer, serrer, tasser ; 2 réduire ; 3 retenir. — CONTR. : 1 décomprimer, dilater, écarter ; 3 afficher, étaler, exprimer, extérioriser, manifester. compris, e adj. V. COMPRENDRE. compromettant, e [kɔ̃prɔmɛtɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de compromettre ; 1842, J.-B. Richard de Radonvilliers). 1. Qui peut causer un préjudice à quelqu’un, le mettre dans une situation délicate : Après m’être assuré qu’il n’y avait dans ces Mémoires rien de compromettant pour moi [...], je me suis décidé à les continuer (Daudet). ∥ 2. Spécialem. Qui est de nature à porter atteinte à la bonne réputation de quelqu’un : Le secret inviolable qu’ils se gardent dans les affaires compromettantes (Mérimée). Ce qui me piquait surtout, c’est qu’elle avait l’air de me regarder comme un enfant peu compromettant sans doute (Nerval). Il brûla des lettres compromettantes (Maupassant). • SYN. : 1 dangereux, dommageable, périlleux, préjudiciable ; 2 équivoque, louche, osé, risqué, suspect. compromettre [kɔ̃prɔmɛtr] v. intr. (adaptation, d’après promettre, du lat. compromittere, s’engager mutuellement à s’en remettre à l’arbitrage d’un tiers en déposant une caution entre ses mains, passer un compromis ; 1283, Godefroy, au sens du lat.). [Conj. 49.] Faire un compromis, s’en remettre à un arbitrage : Les mineurs n’ont pas capacité pour compromettre. % v. tr. (sens 1, 1690, Furetière ; sens 2-3, 1694, Acad.). 1. Compromettre quelque chose, l’exposer à quelque atteinte : Il peut tout au plus troubler ou compromettre le fonctionnement correct de l’organisme (Valéry). Compromettre sa santé, son bonheur, sa fortune. ∥ 2. Compromettre quelqu’un,l’exposer à un préjudice moral : Le vieux Marestang [...], gravement compromis dans l’affaire des tourteaux de Malte (Daudet). [Karoly] apparaissait à Berlin comme un dangereux personnage, qu’il était temps de compromettre (Tharaud). ∥ Spécialem. Nuire à la réputation d’une femme par ses actes, ses paroles : Tu fais une chose très imprudente et très dangereuse, sans y penser. Tu compromets cette petite (Maupassant). ∥ 3. Mêler étroitement à ; impliquer, engager dans : Je veux que le monde soit compromis dans mon aventure : je le veux inséparable de mes souvenirs, de mes deuils, de mes amours (Mauriac). • SYN. : 1 aventurer, hasarder, jouer, risquer. % se compromettre v. pr. (1690, Furetière). Engager sa réputation dans une action risquée : Les autorités ne doivent pas se compromettre (Balzac). ∥ Se compromettre avec quelqu’un, avoir, avec une personne, des relations dont il peut résulter des désagréments. • SYN. : se commettre (littér.). compromis [kɔ̃prɔmi] n. m. (lat. compro- compromis [kɔ̃prɔmi] n. m. (lat. compromissum, compromis, de compromittere [v. COMPROMETTRE] ; 1243, Prarond, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré ; sens 3, fin du XIXe s., Goncourt). 1. Action de s’en remettre à la décision d’un arbitre pour régler un différend : Se résigner à un compromis. ∥ 2. Accord qui suppose des concessions réciproques : Le saint [...] pensa à passer un compromis avec le diable (Maupassant). ∥ 3. Fig. et littér. Moyen terme, état intermédiaire : Cet archange, dont le costume est un compromis entre le costume moyenâgeux et le costume romain (Goncourt). Il y régnait [sur les Boulevards] un compromis, encore discret, mais dont l’odeur montait à la tête, de dimanche d’été et d’émeute patriotique (Romains). • SYN. : 1 arbitrage ; 2 accommodement, arrangement, composition, conciliation, transaction. compromission [kɔ̃prɔmisjɔ̃] n. f. (de compromettre, d’après la forme compromis ; 1262, Godefroy, au sens 1 de compromis ; sens 1, 1787, Féraud ; sens 2, 1842, J.-B. Richard de Radonvilliers). 1. Action de downloadModeText.vue.download 112 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 826 compromettre quelqu’un ou de se compromettre soi-même : La politique offrait, à mon avis, trop d’aléa. Elle m’eût obligé à des compromissions qui eussent incliné ma ligne de conduite (Gide). ∥ 2. Péjor. Action d’accepter, par intérêt ou par ambition, de transiger avec d’autres personnes, en renonçant à une partie de ses principes : Les puissants veulent continuer d’exister, et au prix de n’importe quelles compromissions ; périssent les principes plutôt que leur puissance (Montherlant). compromissoire [kɔ̃prɔmiswar] adj. (de compromis, au sens 1 ; 1863, Littré). Clause compromissoire, clause insérée dans un contrat pour prévoir un arbitrage. comptabiliser [kɔ̃tabilize] v. tr. (de comptable ; 1922, Larousse). Faire figurer une opération commerciale en comptabilité. comptabilité [kɔ̃tabilite] n. f. (de comptable, au sens ancien de « qui peut, qui doit être compté » ; 1579, F. de Foix, puis 1753, Encyclopédie). 1. Science des comptes : Suivre des cours de comptabilité. ∥ Comptabilité industrielle, procédé qui permet à une entreprise industrielle d’évaluer à tout moment ses prix de revient, sans intervention de la comptabilité ordinaire, dite financière. ∥ Comptabilité matières, comptabilité portant sur les matières premières, les produits semifinis et les produits fabriqués. ∥ Comptabilité économique ou nationale, adaptation des méthodes comptables à l’étude des phénomènes économiques d’ensemble, aux fins d’évaluation du revenu national. ∥ 2. Ensemble des comptes d’une entreprise commerciale, d’une collectivité, d’un particulier, etc. : La comptabilité d’une banque, d’une affaire commerciale. Tenir la comptabilité de ses recettes et de ses dépenses. Une comptabilité toujours en règle. ∥ 3. Service qui, dans un établissement, s’occupe des comptes ; l’ensemble des comptables : Pour avoir le renseignement, adressez-vous à la comptabilité. comptable [kɔ̃tabl] adj. (de compter ; XIIIe s., Godefroy, au sens de « qui peut, qui doit être compté » ; sens 1 et 4, 1469, Bartzsch ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, XXe s.). 1. Qui est chargé de tenir des comptes : Agent, officier comptable. ∥ 2. Qui a la forme exigée pour être porté en compte ; qui a rapport à la comptabilité : Pièce, quittance comptable. Les bénéfices réalisés sont difficiles à estimer, car ils ne laissent que peu de traces comptables (Aymé). ∥ 3. Qui sert à établir la comptabilité : Machine comptable. ∥ Spécialem. Plan comptable, ensemble de règles imposées par un organisme public ou professionnel en vue de fixer, pour toutes les entreprises d’une même branche, des principes généraux identiques de comptabilité. ∥ 4. Fig. Qui est moralement responsable : Il préférait que ces pages demeurassent inédites ; mais il sentait qu’il était comptable de ce dépôt à son pays (France). J’éprouvais, dès cette saison, le sentiment qu’elle n’avait pas la jouissance de son talent, mais bien plutôt la garde, et qu’elle en était comptable, pour parler comme Corneille (Duhamel). % n. (1461, Bartzsch). Personne qui tient les comptes dans un établissement commercial ou autre : Elle prit la plume, fit l’opération très vite sur un coin du buvard, aussi sûrement qu’un comptable (Daudet). ∥ Expert-comptable, v. à son ordre alphab. comptage [kɔ̃taʒ] n. m. (de compter ; 1416, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Action de compter : Le comptage des voitures sur une route. ∥ Spécialem. En sylviculture, action de compter et d’estimer les arbres. ∥ 2. Exercice scolaire consistant à donner la suite des nombres, de deux en deux, de trois en trois, etc. comptant [kɔ̃tɑ̃] adj. m. (part. prés. de compter ; 1265, Runkewitz). Se dit de ce qui est payé sur l’heure et en espèces : De l’argent comptant. Quatre-vingt mille francs comptant, et vous me laisserez les diamants, ajouta-t-il (Balzac). Il fallait d’abord l’acheter [une terre] à beaux deniers comptants (Tharaud). ∥ Fig. Prendre pour de l’argent fceormmpetmanetnot ucep qouuri easrtg denitt ocuo mprpotmanits,. c∥roVirxe. Avoir de l’esprit argent comptant, à volonté. % adv. (1538, R. Estienne, aux sens 1-2). 1. En payant immédiatement, en espèces ou par chèque : Ma tante disait que le meilleur moyen pour n’avoir pas de dettes, c’est de payer toujours comptant (Mérimée). ∥ 2. Fig. Sur-le-champ, immédiatement : Le plaisir de faire du bien nous paie comptant de notre bienfait (Massillon). % n. m. (sens 1, 1668, La Fontaine ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Argent comptant, disponible (vieilli) : La voilà seule, avec un comptant des plus minces (SainteBeuve). Combien je suis chagriné d’avoir plus de dettes que de comptant ! (Sand). ∥ 2. Spécialem. Le comptant, le terme, à la Bourse, le marché au comptant, le marché à terme. % Au comptant loc. adv. et adj. Avec paiement immédiat : Acheter, vendre au comptant. Vente au comptant. compte [kɔ̃t] n. m. (bas lat. computus, calcul, de computare, compter ; 1080, Chanson de Roland, écrit cunte [compte, v. 1283, Beaumanoir ; mais la graphie conte subsiste jusqu’au XVIIe s.], au sens I, 1 ; sens I, 2, début du XIIIe s., Yder ; sens II, XIIe s. ; sens III, v. 1175, Chr. de Troyes). I.1.Calcul d’un nombre, d’une quantité ; la somme trouvée en comptant : Se tromper dans ses comptes. Faire le compte de ses dépenses. Le compte n’y est pas. ∥ Compte d’apothicaire, v. APOTHICAIRE. ∥ Compte rond, compte exprimé sans fractions. ∥ Être loin de compte, être fort éloigné du calcul qu’on avait fait, et, au fig., de ce qu’on espérait : J’étais loin de compte lorsqu’en sortant des journées de Juillet, je croyais entrer dans une région de paix (Chateaubriand). ∥ Être loin du compte, être en désaccord de beaucoup sur un compte ; au fig., être éloigné de la vérité. ∥ Faire bon compte, donner largement la quantité de marchandise vendue. ∥ Class. À bon compte, pour tout de bon : Notre sang coulait à bon compte et nous nous affaiblissions à vue d’oeil (Lesage). ∥ Class. De bon compte, pour le moins : [Il] en peut donner au roi quatre cents [millions] de bon compte (Molière). ∥ À ce compte, à ce compte-là, s’il en est ainsi, d’après ce raisonnement. ∥ Class. Au compte de, suivant l’opinion, les dires de : Je suis donc bien coupable, Alceste, à votre compte (Molière). ∥ Fig. Au bout du compte, tout compte fait, tout bien considéré. ∥ En fin de compte, à la fin, pour terminer, en définitive : En fin de compte, une excellente personne (Daudet). ∥ Class. Par compte, successivement, à mesure qu’on en a besoin : Présentement, il l’envoyait à Chantilly pour distribuer tout le linge par compte pendant que le roi y sera (Sévigné). ∥ Pour le compte, dans un match de boxe, pour la durée des dix secondes comptées par l’arbitre à partir du moment où un boxeur tombe à terre : Vous avez été à terre pour le compte, n’en parlons plus (Bernanos). ∥ 2. Par extens. Somme que l’on doit, ou qui est due, qui revient à quelqu’un : Préparez-moi mon compte. Vous ajouterez cela à mon compte. Elle envoyait aux malades le compte des visites (Flaubert). Mon ami, je te lègue mes dettes : trois cent vingt livres dont tu trouveras le compte [...] dans le cahier rouge (France). ∥ À bon compte, à un prix relativement bas, avantageux : La vie ordinaire est en Allemagne à très bon compte (Nerval) ; au fig., sans grand dommage : S’en tirer à bon compte. ∥ Trouver son compte à, trouver avantage à : [La réaction] trouve son compte à pousser à l’extrême l’instinct belliqueux des races (Jaurès). ∥ Être de bon compte, payer régulièrement ce que l’on doit ; au fig., être franc, sincère. ∥ Demander son compte, se faire régler son salaire. ∥ Recevoir son compte, être congédié. ∥ Donner, régler son compte à quelqu’un, lui payer le salaire qui lui est dû, et, par extens., le congédier ; au fig., lui infliger la punition qu’il mérite. ∥ Fig. Avoir son compte, en avoir pour son compte, être épuisé, ou avoir été fort maltraité : Elle en avait son compte et elle se sentait à bout (Gide) ; fam., être ivre. ∥ Son compte est bon, son compte sera bientôt réglé, il peut s’attendre au châtiment qu’il mérite ou à une sévère correction. ∥ Régler un compte, s’acquitter de ce que l’on doit ; au fig., mettre au net une situation ; fam., se venger : J’ai un compte à régler avec downloadModeText.vue.download 113 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 827 lui et avec ses maîtres, avec mes maîtres qui m’ont trompé (Camus). ∥ Régler ses comptes, mettre en ordre ses affaires ; au fig., rendre raison de ses actes. II. État détaillé des dépenses et des recettes : Un livre de comptes. ∥ Ouvrir un compte à quelqu’un, lui faire une place dans le livre de comptes. ∥ Arrêter un compte, le solder complètement. ∥ Être en compte avec quelqu’un, être son créancier ou son débiteur. ∥ Vx. À compte, sur un compte qui est ouvert, et, par extens., à crédit : Prendre des marchandises à compte. ∥ Laisser une marchandise pour compte, la refuser et la laisser au vendeur sans lui verser d’indemnité. ∥ Porter, passer en compte, inscrire une dépense ou une recette en comptabilité. p∥reFnigd.reF eanir ec oennstirdeérr aetnio nli.g ∥neT ednei rc coommppttee, de, prendre en considération, savoir gré. ∥ Ne pas tenir compte de, faire peu de cas de : Le proviseur lui demanda de venir moins souvent. Elle ne tint pas compte de cette recommandation (Maupassant). ∥ Compte courant, état, par doit et avoir, des opérations entre deux personnes. ∥ Compte de dépôt, compte ouvert par une banque à un client et alimenté par les seuls versements de ce dernier, qui produisent un léger intérêt. ∥ Compte de profits et pertes, complément du bilan, faisant ressortir les résultats d’un exercice. ∥ La Cour des comptes, tribunal administratif établi pour juger et apurer les comptes de l’État. ∥ Rendre ses comptes, présenter ses comptes à la vérification de qui de droit. ∥ De compte à demi, à compte à demi, en partageant les bénéfices. ∥ Pour le compte de, aux profits et dépens de : Faire la représentation pour le compte d’une maison d’exportation. ∥ Être, se mettre à son compte, travailler à son compte, travailler pour soi, être autonome. ∥ Prendre une chose à son compte, en assumer la charge, et, au fig., responsabilité : Je prends l’appartement à mon compte et je vais l’habiter tout à fait (Maupassant). ∥ Pour mon, ton, etc., compte, en ce qui me, te concerne : Pour mon compte, je ne le trouve pas sympathique. ∥ Fig. Mettre sur le compte de quelqu’un ou de quelque chose, attribuer à : L’incendie doit être mis sur le compte de la négligence. ∥ Fig. Sur le compte de quelqu’un, à son sujet : Cela ne m’en a guère appris sur votre compte (Mérimée). Il sait sur son compte une foule d’histoires amusantes (Maupassant). Je suis accoutumé à être élucidé, disséqué, appauvri, enrichi, exalté et abîmé — jusqu’à ne plus savoir moi-même quel je suis, ou de qui l’on parle ; mais ce n’est rien de lire ce qui s’imprime sur votre compte auprès de cette sensation singulière de s’entendre commenter à l’Université, devant le tableau noir, tout comme un auteur mort (Valéry). ∥ Class. et littér. Faire compte de quelqu’un ou de quelque chose, en faire cas, l’estimer : Que Votre Majesté, Sire, épargne ma honte, | D’un si faible service elle fait trop de conte [= compte] (Corneille). Quel compte donc fais-tu des femmes ? tout serait trop facile sans elles (Claudel). ∥ Class. Faire son compte de (suivi de l’infinitif), avoir le ferme propos de : Elle fait son compte d’aller faire un tour à la foire (Molière). ∥ Class. Faire son compte que, tenir pour certain que : Ils font leur compte qu’ils seront lundi à dîner à Rouvroy (Sévigné). III. Relation, état, rapport détaillé d’actes, d’événements que l’on veut faire connaître (en général dans des expressions) : Je me propose d’écrire dans ce carnet le compte de mes journées ; c’est mon livre de bord (Gide). ∥ Rendre compte de quelque chose, l’exposer, l’analyser : Rendre compte d’une oeuvre littéraire, artistique ; en faire un récit détaillé : Le témoin a pu rendre compte de l’accident ; rapporter ce qu’on a fait pour s’expliquer, se justifier : Rendre compte de ses actes. ∥ Absol. Rendre compte à quelqu’un, lui faire un compte-rendu, le tenir au courant : En cas d’impossibilité de communiquer, rendez-moi compte (Romains). ∥ Compte rendu, v. COMPTE-RENDU. ∥ Se rendre compte de quelque chose, le remarquer de soi-même et porter un jugement, comprendre : Je ne me rendis pas un compte exact de ce qui se passait (France). Le monde réel me demeure tou- jours un peu fantastique. J’ai commencé à me rendre compte de cela il y a très longtemps (Gide) ; absol. être conscient : Elle se plaignait, se rendait peu compte (Sainte-Beuve) ; fam. s’emploie pour souligner l’étonnement, la surprise, devant un fait inattendu : Elle est la marraine des pénitents noirs et elle brode des nappes d’autel : tu te rends compte ! (Pagnol). ∥ Devoir des comptes à quelqu’un, devoir se justifier aux yeux de quelqu’un. ∥ Ne devoir de compte à personne, jouir d’une totale indépendance : Je ne dois compte de mes affaires à personne (Balzac). ∥ Demander compte à quelqu’un de quelque chose, exiger de lui des explications : L’homme se demande compte à lui-même de ce mouvement de coeur (Alain). • SYN. : I, 1 dénombrement, opération, total ; 2 addition (fam.), décompte, dû, facture, mémoire, montant, note, relevé. ∥ III exposé, historique, narration, récit. • REM. 1. La loc. se rendre compte que est employée par de bons auteurs, malgré les réserves de certains grammairiens : Il se rendait compte que celui-là était le plus complet (Daudet). Selon eux, il vaut mieux dire : Se rendre compte du fait que, ou, mieux encore, employer un synonyme comme voir, remarquer, constater, etc. 2. Le participe passé de se rendre compte que est toujours invariable : Elles se sont rendu compte que... compte-fils [kɔ̃tfil] n. m. invar. (de compte, forme du v. compter, et de fil ; 1836, Landais). Petite loupe de fort grossissement, montée sur un support à charnière, qui sert à compter les fils d’un tissu, à examiner un dessin, etc. compte-gouttes [kɔ̃tgut] n. m. invar. (de compte, forme du v. compter, et de goutte ; 1866, Larousse). Petite pipette en verre, qui permet de doser goutte à goutte une quantité déterminée d’un liquide, notamment d’une solution médicamenteuse. ∥ Fam. Au compte-gouttes, avec parcimonie : Or, ce n’était jamais qu’au compte-gouttes que je pouvais obtenir de Mme de Guermantes les renseignements sur ses toilettes (Proust). compter [kɔ̃te] v. tr. (lat. computare, compter, de cum, avec, et putare, supputer, évaluer ; 1080, Chanson de Roland, écrit cunter, conter [la graphie plus savante compter, apparue au XIIIe s., devient usuelle au XVe, pour empêcher la confusion avec conter, raconter], aux sens 1-2, 4 et 6 ; sens 3, 7, 10, XIIe s. ; sens 5, 1690, Furetière ; sens 8, 1641, Corneille ; sens 9, 1674, Corneille). 1. Faire le compte de ; déterminer par le calcul le nombre exact d’unités contenues dans un ensemble : D’un oeil morne comptant leurs compagnons défunts (Heredia). C’est en vain que maintenant, reposé, je tâche de compter ma fortune. Je n’en ai point (Gide). ∥ Fig. Compter tous les pas de quelqu’un, exercer sur lui une surveillance excessive. ∥ 2. Avec un terme désignant une durée, dénombrer : Il compte les jours qui le séparent de son départ. ∥ Fig. Compter les jours, les heures, les instants, etc., trouver le temps long : Tu comptes les moments que tu passes avec moi (Racine). ∥ 3. Avec un sens très général, avoir, comporter, pouvoir justifier de : J’étais heureux alors et comptais de nombreux amis (France). M. Thibault comptait encore à Rouen plusieurs parents assez proches (Martin du Gard). La muraille était parfaitement verticale, mais elle comptait, à distances régulières, des encoches pour le pied (Audiberti). ∥ Compter dix, vingt années de service, d’exercice, etc., avoir à son actif, dans une fonction, un emploi, dix, vingt ans de service. ∥ Compté, tout juste, ou accompli ; ∥ bien compté, largement accompli, au moins : Mon fils a eu hier matin, à midi huit minutes, vingt et un ans comptés (Musset). ∥ 4. Dispenser selon un compte rigoureux : Songe que nous n’avons pas une minute à perdre ; mes instants sont comptés (Dumas père). ∥ Ses jours sont comptés, il lui reste peu de temps à vivre. ∥ Spécialem. S’emploie pour marquer l’abondance ou la pénurie de quelque chose : On ne compte plus ses maladresses. On peut les compter sur les dix downloadModeText.vue.download 114 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 828 doigts. ∥ 5. Par extens. Mesurer avec parcimonie : Compter l’argent de ses dépenses. ∥ Fig. Compter les morceaux à quelqu’un, faire un compte rigoureux de ce qu’on lui donne ; ne lui donner que le strict nécessaire. ∥ À pas comptés, avec lenteur et gravité ; fig., d’un pas lent et circonspect, mais sûr ; avec une lente régularité : La vertu ne marche qu’à pas comptés (Bossuet). ∥ 6. Estimer, évaluer à un certain prix : [Il] demanda tout de suite ce qu’elle [la bouteille] valait... On la lui compta trois francs (Maupassant). ∥ 7. Faire entrer dans un compte, dans un total, dans un ensemble : L’Égypte nourrissait autrefois vingt millions d’habitants, sans compter les Romains (Thiers). ∥ Spécialem. Ranger, faire entrer au nombre de : Compter quelqu’un au nombre de ses amis. ∥ Fig. Porter au compte, au crédit de quelqu’un : Vous n’oubliez pas le pauvre monde. Ça vous sera compté (Zola). ∥ 8. Fig. Compter pour, attribuer telle valeur, telle importance à, considérer comme : C’est moi qui fais semblant de vous compter pour quelque chose (Vigny). ∥ Compter quelqu’un, quelque chose pour rien, n’en faire aucun cas : Mes deux frères [...], habitués à ne la voir compter pour rien dans la maison, la traitaient un peu comme une bonne (Maupassant). ∥ Tout bien compté, ou (vieilli) à tout compter, si l’on tient compte de tout, tout bien pesé, finalement : À tout compter, les difficultés ont été les mêmes (Bainville). ∥ 9. Class. et littér. Faire cas de, estimer : Castel Rodrigo fut toujours compté et considéré (Saint-Simon). En quoi il calculait bien, car Mme de Villeparisis, qui comptait fort son neveu et savait combien il était difficile de lui plaire, parut soudain avoir trouvé à ma grand-mère de nouvelles qualités et ne cessa de lui faire fête (Proust). ∥ Ne compter rien, ne faire aucun cas de : Ne comptez-vous rien, mon gendre, l’avantage d’être allié à la maison de Sotenville (Molière). ∥ 10. Avoir l’intention de ; se proposer de (avec l’infinitif) : Je comptais te laisser mon cabinet, ma clientèle (Daudet). Je suis seulement venue vous demander ce que vous comptez faire (Martin du Gard). ∥ 11. Être plus ou moins assuré de ; s’attendre à (avec l’infinitif) : Elle n’y trouvera pas ce qu’elle compte y trouver (Musset). Il comptait atteindre assez tôt les navires (France). ∥ Class. et littér. Compter de (et l’infinitif), espérer : Je compte d’être cet hiver à Paris (Sévigné). La note qu’il comptait d’insérer (Hermant). • SYN. : 1 calculer, chiffrer, dénombrer, évaluer, recenser ; 3 posséder, présenter ; 4 mesurer ; 6 facturer ; 7 comprendre, englober, inclure ; 8 prendre pour, regarder comme, tenir pour ; 10 envisager de, penser, projeter de, songer à ; 11 escompter, présumer, supposer. % Sans compter que loc. conj. Sans oublier de prendre en considération que ; outre que, d’autant plus que : Vous avez sage- ment agi, sans compter que vous lui avez fait réellement plaisir. % v. tr. ind. (sens 1, début du XVIIIe s., Fontenelle ; sens 2, 1830, Lamartine ; sens 3, 1680, Richelet). 1. Fig. Compter avec une chose, tenir compte de cette chose, des difficultés, des obstacles qu’elle peut présenter : En envoyant son Armada contre les Anglais, Philippe II n’avait pas compté avec la tempête. ∥ Compter avec quelqu’un, estimer à sa juste valeur la force qu’il représente : C’est un concurrent avec qui il faut compter. ∥ 2. Fig. Compter pour, avoir telle importance, telle valeur : À table, il compte pour deux. Quand ces Mémoires posthumes paraîtront, la polémique quotidienne, les événements pour lesquels on se passionne à l’heure actuelle de ma vie, les adversaires que je combats, même l’acte du bannissement de Charles X et de sa famille, compteront-ils pour quelque chose ? (Chateaubriand). ∥ 3. Compter sur quelqu’un, se fier à lui : D’honnêtes gens, fidèles, sur lesquels vous pouvez compter (Courier). ∥ Compter sur une chose, faire fond sur cette chose, la tenir pour certaine : Trop compter sur son habileté, sur sa mémoire. % v. intr. (sens 1, 1080, Chanson de Roland ; sens 2 et 5, XVIIe s. ; sens 3-4, 1835, Acad. ; sens 6, 1863, Littré). 1. Faire un calcul, et, spécialem., énoncer la suite des nombres : Le chapelet est une invention admirable, qui occupe la pensée et les doigts à compter (Alain). Enfant qui sait compter jusqu’à dix. ∥ 2. Spécialem. Calculer et limiter ses dépenses au plus juste : Vous serez obligé de compter pour mener une vie décemment bourgeoise (Romains). ∥ Sans compter, sans se limiter, largement : Dépenser sans compter. ∥ Fig. Savoir compter, savoir veiller à ses intérêts. ∥ 3. Faire partie d’un compte ; faire nombre : Cette syllabe ne compte pas dans le vers. ∥ Compter à l’ordinaire, être inscrit sur la liste des soldats qui mangent à l’ordinaire : Une pension qui assurerait leur existence, après qu’ils auraient cessé de compter à l’ordinaire (Romains). ∥ 4. Figurer parmi : La maison Portal [...] compte parmi les curiosités de l’endroit (Daudet). ∥ 5. Fig. Entrer en ligne de compte : Les événements ne comptent que pour ceux qui en pâtissent ou qui en profitent (Chateaubriand). ∥ 6. Fig. Avoir de l’importance ; être estimé, considéré : Je compte dans le pays, on me salue très bas quand je passe (Becque). • SYN. : 1 calculer ; 4 se ranger ; 5 importer. % À compter de loc. prép. À dater de, à partir de : À compter de cette nuit, Fra Mino ne trouva plus de repos (France). compte-rendu ou compte rendu [kɔ̃trɑ̃dy] n. m. (de compte et de rendu, part. passé de rendre ; 1483, Bartzsch). Rapport détaillé, critique ou non, touchant une question, un ouvrage, un événement : Le compte-rendu d’une séance de l’Assemblée, d’un livre, d’un film. Il se lança dans un brillant compte rendu des diverses phases de la guerre depuis l’invasion de la Belgique (Martin du Gard). • Pl. des COMPTES-RENDUS ou des COMPTES RENDUS. • SYN. : analyse, exposé, historique, récit, relation. • REM. On a employé autrefois la forme RENDU COMPTE : Mon arrivée avait jeté l’alarme ; on craignait le rendu compte de mon voyage à Paris (Chateaubriand). compte-secondes [kɔ̃tsəgɔ̃d] n. m. invar. (de compte, forme du v. compter, et de seconde ; XXe s.). Sorte de chronographe. compte-tours [kɔ̃ttur] n. m. invar. (de compte, forme du v. compter, et de tour ; XXe s.). Appareil servant à compter le nombre de tours effectués par un arbre mobile dans un temps donné. • REM. On dit aussi COMPTEUR DE TOURS. compteur, euse [kɔ̃toer, -øz] n. (de compter ; 1268, É. Boileau). Personne qui compte : Ce sont les compteurs d’argent, les scribes, les maîtres d’école (Fromentin). % compteur n. m. (sens 1 et 3, 1834, Landais [au XVIIIe s., comme terme d’horlogerie] ; sens 2, début du XXe s.). 1. Appareil servant à mesurer, à compter et à enregistrer certaines grandeurs ou certains effets mécaniques : Compteur de vitesse. ∥ Spécialem. Appareil qui enregistre des consommations domestiques : Compteur d’eau, de gaz, d’électricité. ∥ 2. Compteur de Geiger, compteur à scintillations, instrument qui sert à déceler et à compter les particules émises par un corps radio-actif. ∥ 3. Montre ayant en général un balancier dont la fréquence est élevée, ce qui permet de mesurer des durées très courtes. comptine [kɔ̃tin] n. f. (de compter ; 1922, Larousse). Chanson que chantent ou récitent les enfants pour déterminer, par le compte des syllabes, à qui sera dévolu un certain rôle dans certains jeux. comptoir [kɔ̃twar] n. m. (de compter ; 1345, Gay, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, début du XVIIe s. ; sens 5, XXe s.). 1. Table longue, massive, sur laquelle un commerçant étale sa marchandise : Je m’initiai moi-même à des plaisirs inconnus [...] au commerçant attaché à son comptoir (Balzac). C’était le comptoir, toujours pareil, d’une maison de banque, avec ses guichets, ses grillages, du monde qui attend et circule, les piles d’écus remuées (Daudet). ∥ Demoiselle ou dame de comptoir, femme chargée de la caisse ou de la vente, dans certaines maisons de commerce : Imaginez les grâces d’une dame de comptoir, des traits indécis, des yeux froids toujours souriants, une physionomie complaisante et placide, pas de vraie élégance, mais un certain amour du luisant, du clinquant, qu’elle downloadModeText.vue.download 115 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 829 avait pris sans doute à la devanture de son père, et qui lui faisait rechercher les noeuds de satin assorti, les ceintures, les boucles (Daudet). ∥ 2. Spécialem. Table haute, longue et étroite, généralement en zinc ou en étain, sur laquelle les débitants de boisson servent les consommations : Les deux bols nous furent servis sur le comptoir (Nerval). ∥ 3. Établissement de commerce installé dans les pays d’outremer : Les comptoirs fondés aux Indes par les compagnies de commerce anglaise et française au XVIIIe siècle. ∥ 4. Nom donné à certains établissements financiers : Le Comptoir national d’escompte de Paris. ∥ Spécialem. Succursale de la Banque de France. ∥ 5. Cartel de vente qui se substitue à ses adhérents dans les rapports avec la clientèle. compulsation [kɔ̃pylsasjɔ̃] n. f. (de compulser ; 1787, Féraud). Action de compulser : La compulsation des dossiers. compulser [kɔ̃pylse] v. tr. (lat. compulsare, contraindre, puis, dans la langue jurid. du Moyen Âge, « exiger, en vertu d’un acte officiel, communication d’une pièce » ; XVe s., Godefroy, au sens de « contraindre » ; sens 1, XVIe s., Littré ; sens 2, 1803, Boiste). 1. En droit, obtenir communication et prendre connaissance d’un acte, de pièces officielles, chez un officier public. ∥ 2. Examiner, consulter, feuilleter des écrits, pour en tirer des renseignements : Je quittai Rome, et je n’eus pas le temps de compulser les documents (Chateaubriand). Il compulsait depuis le même temps les archives moisies de l’ « Officiel » (Hugo). Il compulsait à tout instant un petit « Manuel » d’Épictète, qu’il avait couvert de notes manuscrites (Duhamel). compulseur, euse [kɔ̃pylsoer, -øz] adj. et n. (de compulser ; 1803, Boiste). Qui compulse (rare) : Ses yeux compulseurs de dossiers (Bourget). compulsion [kɔ̃pylsjɔ̃] n. f. (bas lat. compulsio, contrainte, sommation ; 1298, Godefroy, au sens 1 ; sens 2 [de compulser], 1760, Ritter, les Quatre Dictionnaires). 1. Contrainte exercée sur quelqu’un. ∥ 2. Vx. Action de compulser : La compulsion d’un dossier. (En ce sens, on dit auj. COMPULSATION.) compulsoire [kɔ̃pylswar] n. m. (de compulser ; 1446, d’après l’Encyclopédie, 1753). Décision judiciaire autorisant à prendre communication d’un acte, d’une pièce officielle, chez un officier public : Transports, compulsoires, interlocutoires, rien n’y manqua (France). comput [kɔ̃pyt] n. m. (bas lat. computus, calcul [v. COMPTE] ; 1119, Ph. de Thaon, écrit compot [compost au XIVe s., par confusion avec compost, composé, v. COMPOST] ; comput, 1584, Thevet). Ensemble des calculs qui permettent de déterminer chaque année les dates des fêtes mobiles de l’Église : Le nombre d’or fait partie du comput. computation [kɔ̃pytasjɔ̃] n. f. (lat. computatio, compte, supputation ; 1375, R. de Presles). Manière de supputer le temps : La computation d’un délai. computer [kɔ̃pyte] v. tr. (lat. computare, compter [v. COMPTER] ; fin du XVIe s., Brantôme). Supputer les temps relatifs au calendrier (rare) : On compute encore par les ères julienne, grégorienne (Chateaubriand). computiste [kɔ̃pytist] n. m. (de comput ; 1611, Cotgrave). 1. Personne qui dresse le calendrier ecclésiastique. ∥ 2. À Rome, officier qui perçoit les revenus de la Chambre apostolique. comtadin, e [kɔ̃tadɛ̃, -in] adj. et n. (de comtat [Venaissin] ; 1877, Littré). Relatif au comtat Venaissin ; habitant ou originaire de cette région. comtal, e, aux [kɔ̃tal, -o] adj. (de comte ; XIIIe s.). Qui appartient au comte : Couronne comtale. comtat [kɔ̃ta] n. m. (mot de l’anc. provenç. [XIIe s.], doublet de comté 1 [v. ce mot] ; XIVe s.). Comté, dans certaines expressions géographiques : Le comtat d’Avignon. comte [kɔ̃t] n. m. (lat. comitem, accus. de comes, compagnon, puis « haut personnage faisant partie de la suite de l’empereur, délégué plénipotentiaire de l’empereur dans les provinces », et, dans le haut Moyen Âge, « noble de haut rang » ; v. 980, Vie de saint Léger, écrit compte [cuens, forme du cas sujet, issue de comes, a subsisté jusqu’au XIVe s.]). 1. Haut personnage de l’entourage de l’empereur romain, appelé à le conseiller. ∥ 2. Dignitaire du BasEmpire. ∥ 3. Pendant le haut Moyen Âge, nom donné aux membres immédiats de l’entourage du roi, servant de conseillers ou chargés de missions. ∥ 4. Seigneur féodal. ∥ 5. Titre de noblesse situé entre celui de marquis et celui de vicomte : Emma fixait ses regards éblouis sur le nom des auteurs inconnus qui avaient signé, le plus souvent comtes ou vicomtes (Flaubert). 1. comté [kɔ̃te] n. m. (lat. médiév. comitatus, de comes [v. COMTE] ; XIIe s., Lois de Guillaume le Conquérant, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Domaine qui conférait le titre de comte : Le comté de Nice. ∥ 2. Dans les pays anglo-saxons, circonscription administrative. • REM. Le mot a longtemps été féminin, d’après les mots abstraits en -té : La plus belle comté est Flandre, la plus belle duché, Milan (Hugo) ; il l’est resté dans Franche-Comté. 2. comté [kɔ̃te] n. m. (ellipse de fromage de Franche-Comté ; XXe s.). Fromage analogue au gruyère, fabriqué en Franche-Comté. comtesse [kɔ̃tɛs] n. f. (de comte ; 1080, Chanson de Roland). Femme qui possède un comté, ou épouse d’un comte : La comtesse de Mortsauf devenait ainsi l’une des plus riches héritières du Maine (Balzac). comtisme [kɔ̃tism] n. m. (de [Auguste] Comte, n. pr. ; XXe s.). Système philosophique d’A. Comte, plus couramment désigné sous le nom de positivisme. comtiste [kɔ̃tist] n. et adj. (de comtisme ; XXe s.). Adepte du comtisme (rare). comtois, e [kɔ̃twa, -az] adj. et n. (de [Franche-] Comté ; 1866, Larousse). Qui se rapporte à la Franche-Comté ; habitant ou originaire de cette région. (On dit plutôt FRANC-COMTOIS, E.) % comtoise n. f. Horloge murale à socle. 1. con [kɔ̃] n. m. (lat. cunnus, parties sexuelles de la femme ; XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, mars 1831, Mérimée). 1. Arg. Parties sexuelles de la femme. ∥ 2. Triv. Personne sotte, stupide : L’adjudant rengagé affecté au magasin d’habillement, et qui les traite de cons (Bernanos). • REM. On entend parfois le fém. CONNE : Quelle conne ! % adj. (invar. en genre). Très bête : Il, elle est con comme la lune. 2. con [kɔn] (mot ital., du lat. cum, avec ; 1866, Larousse). Prép. italienne signif. « avec », employée en combinaison avec d’autres termes pour indiquer dans quel esprit doit être exécuté un morceau de musique : con anima, avec âme ; con brillo, avec brio ; con fuoco, avec feu ; con grazia, avec grâce ; con moto, avec mouvement ; con spirito, avec esprit ; etc. 3. con- préf. V. CO-. conard [kɔnar] n. m. (de con 1 ; XIIIe s.). Triv. Imbécile fieffé : C’est un vrai conard. conatif, ive [kɔnatif, -iv] adj. et n. m. (dér. savant du lat. conatum, supin de conari, s’efforcer ; XXe s.). En linguistique, se dit d’une forme verbale propre à exprimer l’idée d’effort. conation [kɔnasjɔ̃] n. f. (lat. conatio, conation [kɔnasjɔ̃] n. f. (lat. conatio, effort, essai, de conatum, supin de conari, s’efforcer ; XXe s.). En termes de philosophie, effort. concassage [kɔ̃kɑsaʒ] n. m. (de concasser ; 1845, Bescherelle). Action de concasser. concassement [kɔ̃kɑsmɑ̃] n. m. (de concasser ; XVIe s., Amyot, au sens de « brisement » ; sens actuel, 1845, Bescherelle). Concassage excessif, pulvérisation. concasser [kɔ̃kɑse] v. tr. (lat. conquassare, secouer fortement, briser ; v. 1230, Merlin, comme v. pr., au sens de « se briser » ; comme v. tr., au sens actuel, v. 1398, downloadModeText.vue.download 116 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 830 le Ménagier de Paris). Réduire en petits fragments des matières dures et sèches : Concasser un pain de sucre. • SYN. : briser, broyer, écraser. concasseur [kɔ̃kɑsoer] n. et adj. m. (de concasser ; 1856, Lachâtre). Appareil destiné à réduire en menus fragments des matières diverses : Concasseur pour minerais. Concasseur giratoire. Rouleau concasseur. concaténation [kɔ̃katenasjɔ̃] n. f. (bas lat. concatenatio, enchaînement, de catena, chaîne ; 1504, J. Lemaire de Belges). 1. En philosophie, suite d’idées, d’événements liés par un rapport de cause à effet ; enchaînement ∥ 2. En rhétorique, suite de phrases telle qu’un mot de la première se répète dans la deuxième, un de la deuxième dans la troisième, etc., de manière à donner l’impression d’un enchaînement continu : « Tout renaissait pour s’embellir, tout s’embellissait pour plaire, tout plaisait pour dominer, etc. », est un exemple de concaténation. concave [kɔ̃kav] adj. (lat. concavus, creux et rond, de cum- intensif et cavus, creux ; 1314, Mondeville). 1. Se dit d’une surface, d’un objet qui présente une courbure sphérique régulière, en creux : Miroir, lentille concave. ∥ 2. Dont la surface présente un renfoncement plus ou moins régulièrement arrondi : Le roc concave et creux m’abritait (Lamartine). • SYN. : 2 creux, incurvé. — CONTR. : 1 convexe ; 2 bombé, renflé, ventru. concavité [kɔ̃kavite] n. f. (bas lat. concavitas, de concavus, concave ; 1314, Mondeville). 1. État de ce qui est concave : La concavité d’un miroir. ∥ 2. Surface concave : Chacune des deux faces de cette lentille présente une concavité : elle est biconcave. ∥ 3. Creux, trou plus ou moins arrondi : Je m’asseyais loin de la foule, auprès de ces flaques d’eau que la mer entretient et renouvelle dans les concavités des rochers (Chateaubriand). • SYN. : 3 anfractuosité, cavité, dépression, excavation. — CONTR. : 1 et 2 convexité ; 3 bombement, bosse, renflement, saillie. concéder [kɔ̃sede] v. tr. (lat. concedere, se retirer, céder, accorder, admettre, de cumintensif et cedere, s’en aller, céder ; fin du XIIIe s., A. du Mont-Cassin, au sens de « faire l’octroi d’un privilège, d’une grâce, etc. » ; sens 1, milieu du XVe s., J. Joret ; sens 2, 1690, Furetière). [Conj. 5 a.] 1. Consentir à donner, à céder ; accorder comme une faveur : Les gardes forestiers [...], par compassion, lui avaient enfin concédé la libre occupation de la tour (Sand). ∥ 2. Fig. Concéder quelque chose, concéder que, dans une discussion, accorder un point à son adversaire : Je vous accorde volontiers qu’il adore la paix, si vous me concédez qu’il a toujours envie de faire la guerre pour l’obtenir (Maupassant). • SYN. : 1 allouer, céder, octroyer ; 2 admettre, convenir, reconnaître. concentration [kɔ̃sɑ̃trasjɔ̃] n. f. (de concentrer ; 1732, Trévoux, au sens 4 ; sens 1, 1750, Prévost ; sens 2, 1823, Brunot [en politique ; pour des troupes, 1863, Littré ; camp de concentration, av. 1940] ; sens 3, XXe s. ; sens 5, fin du XVIIIe s., Voltaire ; sens 6, av. 1848, Chateaubriand). 1. Action de faire converger vers un même centre des choses de même nature, de manière à produire un certain effet ; état résultant de cette action : La concentration des feux de l’artillerie sur un seul objectif. La concentration des rayons solaires au foyer d’une lentille. ∥ 2. Action de rassembler en un même endroit des éléments de même nature ou exerçant une même fonction, et qui étaient primitivement dispersés ; état de ce qui est ainsi rassemblé (au pr. et au fig.) : On a observé, dans la région, de fortes concentrations de troupes. La concentration en quelqu’un de toutes les qualités qui sont indispensables à l’exercice de son art (Valéry). ∥ Camp de concentration, camp dans lequel sont rassemblés, sous la surveillance de l’armée ou de la police, soit des populations civiles de nationalité ennemie, soit des prisonniers ou des détenus politiques : Les camps de concentration nazis. ∥ 3. En économie politique, tendance à l’accroissement de la taille moyenne et à la diminution du nombre des entreprises. ∥ 4. Action d’augmenter la richesse d’une solution par élimination du solvant. ∥ Masse d’un corps dissoute dans l’unité de volume de la solution : La concentration d’un alcool. ∥ 5. Fig. Réunion, accumulation sous une forme condensée d’éléments importants, caractéristiques : La légende, le mythe, la fable [...] sont comme des concentrations de vie nationale, comme des réservoirs profonds où dorment le sang et les larmes d’un peuple (Baudelaire). ∥ 6. Fig. Action de mobiliser, de faire porter sur un même objet toutes les forces de son esprit : Ce qui marque le plus visiblement le style de Delacroix, c’est la concision et une espèce d’intensité sans ostentation, résultat habituel de la concentration de toutes les forces spirituelles vers un point donné (Baudelaire). • SYN. : 1 convergence ; 2 accumulation, centralisation, groupement, rassemblement, regroupement, réunion ; 5 condensé ; 6 application, attention ; contention, tension. concentrationnaire [kɔ̃sɑ̃trasjɔnɛr] adj. (de [camp de] concentration ; 1946, D. Rousset). Relatif aux camps de concentration : « L’Univers concentrationnaire » (titre de l’ouvrage de D. Rousset). L’affreux entassement des cadavres concentrationnaires (Camus). % n. Détenu d’un camp de concentration. concentré, e [kɔ̃sɑ̃tre] adj. (part. passé de concentrer ; 1762, Acad., aux sens 1-2 ; sens 3, 1833, Balzac ; sens 4, 1866, Larousse ; sens 5, av. 1778, J.-J. Rousseau). 1. Se dit d’un corps ou d’un mélange dont on a éliminé ou fortement diminué la partie aqueuse ou le solvant : Un sel, un acide, un alcool très concentré. Du lait concentré. Du bouillon concentré. ∥ 2. Fig. Dont on a éliminé au maximum ce qui peut être considéré comme accessoire ; concis : La forme concentrée de l’odelette ne me paraissait pas moins précieuse à conserver que celle du sonnet (Nerval). ∥ 3. Dont l’accumulation, la concentration renforce la puissance ; intense : La physionomie de cet inconnu [...] est celle du lion ; il y éclate une énergie concentrée, irrésistible (Balzac). L’odeur concentrée des fleurs et de la verdure (Feuillet). À ces moments-là, sa vitalité semblait vraiment toute concentrée dans la flamme sombre du regard (Martin du Gard). ∥ 4. Fig. Se dit d’une personne dont l’esprit est entièrement accaparé par un même objet : Plus près du piano, on peut, plus attentif, plus concentré, écouter Reynaldo Hahn qui redit une mélodie (Proust). ∥ Qui manifeste cette concentration d’esprit : Sa figure fine [...] garda l’expression concentrée qui rapprochait ses épais sourcils noirs (Daudet). ∥ 5. Fig. Se dit d’une personne renfermée, qui ne se communique pas : Comme il parlait peu, elle [sa mère] le donnait pour un génie concentré, caché (Zola). • SYN. : 1 condensé ; 2 précis, succinct ; 4 appliqué, attentif, réfléchi, tendu ; 5 fermé, impénétrable, secret, taciturne. — CONTR. : 1 dilué, étendu ; 2 délayé (fam.), diffus, lâche, vague ; 4 distrait ; 5 communicatif, démonstratif, expansif, exubérant. % concentré n. m. (XXe s.). 1. Solution dont la partie aqueuse a été fortement réduite : Un concentré de bouillon. ∥ 2. Fig. Accumulation sous une forme condensée : Un concentré de péripéties vraiment dramatique (Romains). • SYN. : 1 extrait, quintessence. concentrer [kɔ̃sɑ̃tre] v. tr. (de con- et de centre ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens 2, fin du XVIIe s., Bossuet ; sens 3, 1829, Boiste ; sens 4, 1754, Sckommodau). 1. Faire converger vers un même centre : Concentrer, à l’aide d’une loupe, les rayons du soleil sur une feuille sèche afin de l’enflammer. ∥ 2. Rassembler en un lieu, en un point, des éléments de même nature primitivement dispersés (au pr. et au fig.) : Par un travail de deux siècles, nos anciens rois sont parvenus à concentrer tous ces cours d’eau sur un plateau [...], où ils ont creusé le bassin d’un lac (Nerval). Tous les pouvoirs sont concentrés dans la même main. ∥ 3. Enrichir la teneur d’une solution en corps dissous, en éliminant plus ou moins la partie aqueuse ou le solvant : Une longue cuisson a concentré ce bouillon. ∥ 4. Fig. Appliquer, attacher fortement ses forces intellectuelles, affectives sur downloadModeText.vue.download 117 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 831 un objet unique : Marie-Alice, dont la vie était tout entière concentrée sur son enfant... (Bourget). Les yeux fermés comme pour concentrer sa pensée (Gide). • SYN. : 2 centraliser, grouper, masser, rallier, regrouper, réunir ; 4 canaliser, ramener, rapporter. — CONTR. : 2 disperser, disséminer, éparpiller ; 3 diluer, étendre ; 4 détendre, relâcher. % se concentrer v. pr. (sens 1, 1834, Ségur ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Se rassembler, s’accumuler dans un espace restreint ; prendre plus de force, de concentration : Forces armées qui se concentrent en un point du territoire. Le vestibule [...] où se concentrait une odeur de moisi (Daudet). ∥ Spécialem. En parlant des forces intellectuelles ou affectives, se fixer sur un seul objet, être ou chose : Toutes les affections de celle-ci s’étaient concentrées dans son fils aîné ; non qu’elle ne chérît ses autres enfants, mais elle témoignait une préférence aveugle au jeune comte de Combourg (Chateaubriand). ∥ 2. En parlant d’une personne, faire un grand effort d’attention, de réflexion, ou concentrer son énergie sur un objet, une tâche : Se concentrer sur un problème difficile à résoudre. Je serrai les dents, les poings, me concentrai tout entier, éperdument, désolément, dans cet effort vers l’existence (Gide). concentrique [kɔ̃sɑ̃trik] adj. (de con- et de centre ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2, 1890, Dict. général). 1. Se dit de circonférences ou de sphères qui ont un même centre : Dès le XVe siècle, Paris avait déjà usé trois cercles concentriques de murailles (Hugo). ∥ 2. Qui tend à se rapprocher du centre : L’ennemi opère un mouvement concentrique. concentriquement [kɔ̃sɑ̃trikmɑ̃] adv. (de concentrique ; 1511, Dict. général). De façon concentrique : L’assaut se développe concentriquement. concentrisme [kɔ̃sɑ̃trism] n. m. (de concentrer ; milieu du XXe s.). Doctrine économique favorable à la concentration économique. concept [kɔ̃sɛpt] n. m. (lat. ecclés. conceptus, conception de l’esprit [en lat. class., « fait de contenir, réunion, procréation »], de concipere, concevoir ; 1404, Chr. de Pisan, au sens 1 ; sens 2, av. 1850, Balzac). 1. Idée générale et abstraite : Si l’on veut se former une idée ou concept de la partie, il faut la séparer de son tout (Boulainvilliers). Qu’est-ce donc en définitive que le concept ? C’est la chose même, la nature intelligible reçue des sens grâce à l’abstraction et portée par l’esprit au-dedans de lui au suprême degré d’immatérialité (Maritain). Le concept de temps, d’espace, de nombre. ∥ 2. Faculté ou manière de concevoir par l’intelligence, conception (rare) : George Sand, en qui revivent la force, la puissance et le concept du maréchal de Saxe, de qui elle est petite-fille naturelle (Balzac). conceptacle [kɔ̃sɛptakl] n. m. (lat. conceptaculum, réceptacle, de concipere, contenir [v. CONCEVOIR] ; 1547, Budé, au sens de « matrice » ; sens actuel, 1832, Raymond). Poche, cavité où se forment les gamètes, chez certaines plantes cryptogames. concepteur [kɔ̃sɛptoer] n. m. (bas lat. conceptor, celui qui conçoit, de conceptum, supin de concipere, concevoir ; 1866, Larousse, au sens de « personne qui conçoit [quelque chose] » ; sens actuel, milieu du XXe s.). Celui qui propose des projets, des idées aux firmes commerciales ou industrielles, aux agences de publicité, etc. conceptif, ive [kɔ̃sɛptif, -iv] adj. (de concept, sur le modèle du bas lat. conceptivus, qui est reçu, de conceptum, supin de concipere, recevoir ; 1801, Mercier). Qui peut concevoir. conception [kɔ̃sɛpsjɔ̃] n. f. (lat. conceptio, conception, de conceptum, supin de concipere, concevoir ; v. 1190, Sermons de saint Bernard, au sens I [Immaculée Conception, 8 déc. 1854, date de la proclamation du dogme par une bulle de Pie IX] ; sens II, 1-2, début du XIVe s. ; sens II, 3-4, 1549, R. Estienne ; sens II, 5, 1866, Larousse). I. Chez les êtres vivants sexués, fusion du gamète mâle et du gamète femelle, donnant un oeuf fécondé ; le fait d’être conçu, de recevoir l’existence : Si vous fixez sa nativité [de Bonaparte] au 15 août 1769, force est de reporter sa conception vers le 15 novembre 1768 (Chateaubriand). ∥ Immaculée Conception, dogme de la religion catholique selon lequel la Vierge Marie a été conçue exempte du péché originel ; fête par laquelle l’Église célèbre ce mystère : La fête de l’Immaculée Conception est célébrée le 8 décembre. II. 1. Vx. Faculté de saisir par l’entendement, de former des idées générales : Je remarque premièrement la différence qui est entre l’imagination et la pure intellection ou conception (Descartes). Je fis des progrès rapides en mathématiques, où j’apportai une clarté de conception qui étonnait l’abbé Leprince. Je montrai en même temps un goût décidé pour les langues. Le rudiment, supplice des écoliers, ne me coûta rien à apprendre (Chateaubriand). ∥ 2. Action de saisir ou de former un concept par la pensée : Le vieil Oriol s’arrêta [...], l’esprit frappé par une idée encore confuse, car les conceptions étaient lentes dans sa tête carrée d’Auvergnat (Maupassant). Notre conception analytique [...] semble incapable de représenter exactement les phénomènes de cet ordre (Valéry). ∥ 3. Acte, opération de la pensée qui s’applique à un objet : La conception d’une oeuvre d’art. ∥ 4. Résultat de cet effort, de l’activité de l’esprit déployée pour arriver à la compréhension ou à l’élaboration de quelque chose : Nous descendions [...] une côte extrêmement raide, conception d’un ingénieur véritablement trop ami de la ligne droite (Feuillet). ∥ 5. Manière particulière à chacun de comprendre une question ; opinion, idée que l’on a d’une chose : Conceptions politiques. Il est, dans la nature, des effets [...] qui s’élèvent à la hauteur des plus grandes conceptions morales (Balzac). De telles conceptions de l’ameublement déroutaient les bonnes dames d’alentour, qui possédaient en général des petits salons conventionnels (Loti). • SYN. : II, 1 compréhension, intellect, intellection, intelligence ; 3 composition, création, élaboration ; 4 oeuvre, production ; 5 théorie, vue. conceptisme [kɔ̃sɛptism] n. m. (de conceptiste, n. donné aux poètes espagnols qui n’admettaient que des figures inusitées [1845, Bescherelle], esp. conceptista, de concepto, pensée, raffinement de pensée [de même étym. que concept, v. ce mot] ; XXe s.). Dans la littérature espagnole, style caractérisé par l’abus de la finesse d’esprit. conceptivité [kɔ̃sɛptivite] n. f. (dér. savant du lat. conceptum, supin de concipere, concevoir ; 1866, Larousse). Fécondité de la femelle. conceptualisme [kɔ̃sɛptɥalism] n. m. (du lat. scolast. conceptualis, conceptuel, de conceptus [v. CONCEPT] ; 1832, Raymond). Doctrine selon laquelle les concepts, ou idées générales, ou universaux, sont des réalités mentales qui expriment la nature propre de la pensée, mais non des réalités distinctes des objets particuliers (réalisme) ou de simples mots s’appliquant à plusieurs individus (nominalisme) : Abélard fonda le conceptualisme. conceptualiste [kɔ̃sɛptɥalist] adj. (de conceptualisme ; 1832, Raymond). Qui a rapport au conceptualisme : La doctrine conceptualiste. % n. Partisan du conceptualisme. conceptuel, elle [kɔ̃sɛptɥɛl] adj. (lat. scolast. conceptualis, conceptuel, de conceptus [v. CONCEPT] ; 1863, Littré). 1. Qui a rapport au concept : Sur le plan conceptuel. ∥ 2. Qui a rapport à la conception : L’intelligence conceptuelle. concernant [kɔ̃sɛrnɑ̃] prép. (part. prés. de concerner ; 1596, Hulsius). Au sujet de ; pour ce qui touche à : Concernant cette affaire, je n’ai reçu aucune information. concerner [kɔ̃sɛrne] v. tr. (bas lat. concernere, cribler, mêler ensemble, puis, au Moyen Âge, « être relatif à » ; fin du XIVe s.). Avoir rapport à ; toucher de près ou de loin à : Madame [dit le notaire], downloadModeText.vue.download 118 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 832 je vous ai appelée afin de vous donner connaissance du testament du comte de Vaudrec qui vous concerne (Maupassant). J’ai projeté d’écrire ici tout ce qui concerne la formation et le développement de cette âme pieuse (Gide). Vous êtes concerné par ces événements : vous ne pouvez pas rester indifférent. ∥ En ou pour ce qui concerne quelqu’un ou quelque chose, pour ce qui est de, relativement à : En ce qui concerne les frais, n’ayez aucun souci. • SYN. : intéresser, se rapporter à, regarder, viser. concert [kɔ̃sɛr] n. m. (ital. concerto, accord, déverbal de concertare, se concerter, lat. concertare, rivaliser, d’où « se mettre d’accord » ; 1560, Pasquier, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1671, Pomey » ; sens II, 1, 1644, Corneille ; sens II, 2, 1611, Cotgrave ; sens II, 3, 1680, Richelet ; sens II, 4, 1608, M. Régnier ; sens II, 5, 1740, Acad.). I. 1. Class. Action de se concerter ; étude en commun, préparation collective d’un projet, d’une entreprise : Elle fait avec le duc de Lorraine une entreprise pour la délivrance du roi [...] dont le succès paraît infaillible, tant le concert en est juste (Bossuet). ∥2.Littér. Accord, bonne entente entre personnes ou ensembles de personnes : Ce parfait concert qui fait agir les armées comme un seul corps (Bossuet). Le concert européen. Le concert des grandes puissances. II. 1. Class. et littér. Accord harmonieux d’instruments de musique, de voix : Sans doute leur concert va commencer la fête (Racine). Ô ma lyre [...] | Que seraient tes concerts près des chants d’allégresse | De la France aux pieds de Henri ? (Hugo). ∥ 2. Séance publique ou privée où sont exécutées un certain nombre d’oeuvres musicales : Il me fut donné de l’emmener à Neuchâtel, où je pus lui faire entendre un concert (Gide). ∥ Concert spirituel, séance où l’on n’interprète que de la musique religieuse. ∥ 3. Le lieu où est donnée cette séance : Ils font dix visites par jour et vont du concert au théâtre (Alain). ∥ 4. Par anal. Ensemble de sons, de bruits émis simultanément : Un concert de sifflets. Puis un fourmillement convulsif, un concert | De cris rauques qui roule aux sables du désert (Leconte de Lisle). ∥ 5. Fig. Ensemble de choses ayant le même caractère : Un concert de bénédictions, d’imprécations. La République est sauvée ; un concert de louanges monte de tous les comités (France). • SYN. : II, 4 cacophonie, charivari, sérénade, tintamarre ; 5 choeur. % De concert (avec) loc. adv. et prép. (1665, Molière). En accord parfait (avec) : Ils agissent de concert. Mlle Legras qui, de concert avec lui [saint Vincent de Paul], établit les Soeurs de la Charité (Chateaubriand). concertant, e [kɔ̃sɛrtɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (part. prés. de concerter ; 1690, Furetière, au sens 1 ; sens 2, 1834, Landais). 1. Qui fait sa partie dans un ensemble pour voix ou pour instruments : Les instruments concertants. ∥ 2. Se dit d’une musique, d’un style dans lesquels les différentes parties jouent et se font valoir chacune à son tour : Les quatuors de Haydn sont concertants. concertation [kɔ̃sɛrtasjɔ̃] n. f. (lat. concertatio, lutte, discussion, débat, de concertatum, supin de concertare ; milieu du XVIe s., au sens de « lutte au stade » ; repris, au sens actuel, au milieu du XXe s.). Échange de vues entre chefs d’État, diplomates, responsables d’organisations, etc., en vue de s’accorder sur une politique visant à régler des problèmes d’intérêt commun. concerté, e [kɔ̃sɛrte] adj. (part. passé de concerter ; 1580, Montaigne, au sens 1 ; sens 2, 1671, Pomey). 1. Qui résulte d’une entente ou d’un calcul ; exempt de spontanéité : Rien ne m’irrite autant que ce genre de négligence et d’imprécation qui, en cas de guerre, risque de compromettre la victoire la mieux concertée (Gide). Nous ne disions plus rien qui ne fût concerté. Chacun de nous se tenait sur ses gardes (Mauriac). ∥ 2. Class. Prudent, avisé : Il était [...] d’un esprit souple et adroit, fort concerté et qui ne faisait presque jamais rien sans dessein (Pellisson). • SYN. : 1 arrangé, calculé, combiné, étudié, organisé, prémédité, préparé. — CONTR. : 1 impromptu, irréfléchi, naturel, spontané. concerter [kɔ̃sɛrte] v. intr. (ital. concertare [v. CONCERT] ; v. 1437, J. Chartier, au sens I ; sens II, 1 [de concert], 1690, Furetière ; sens II, 2, 1680, Richelet). I. Class. Se mettre d’accord : On voudrait bien avoir à concerter avec vous (Bossuet). II. 1. Class. Étudier ensemble, répéter un morceau de musique : Jusqu’à ce qu’un orchestre, le dirai-je ? et des voix qui concertent depuis longtemps se fassent entendre (La Bruyère). ∥ 2. Class. Jouer le ou les morceaux ainsi préparés : On concerte souvent chez lui (Acad., 1694). % v. tr (1580, Montaigne). Étudier, préparer à l’avance, seul ou avec une ou plusieurs personnes : Le général Moreau vint à Prague concerter avec l’empereur de Russie une restauration que lui, Moreau, ne devait pas voir (Chateaubriand). [Ils] se parlent à voix basse comme pour concerter de mauvais coups (Daudet). • SYN. : arranger (fam.), calculer, combiner, organiser. % se concerter v. pr. (1671, Pomey). En parlant de plusieurs personnes, avoir des échanges de vues qui permettent de préparer une action commune : Ils se concertaient contre moi. Elle lui apprenait à mentir (Gide) ; et par extens. : Leurs yeux se rencontraient, semblaient se concerter (Maupassant). concertina [kɔ̃sɛrtina] n. f. (mot ital., de concerto [v. ce mot] ; 1866, Larousse). Sorte d’accordéon de forme hexagonale, qui possède deux claviers identiques permettant l’exécution d’oeuvres polyphoniques. concertino [kɔ̃sɛrtino] n. m. (mot ital., de concerto [v. ce mot] ; 1866, Larousse). 1. Petit concerto. ∥ 2. Ensemble de solistes s’opposant au tutti, dans le concerto grosso. concertiste [kɔ̃sɛrtist] n. (de concert ; 1863, Littré). 1. Artiste qui se fait entendre dans des concerts. ∥ 2. Soliste de concerto. concerto [kɔ̃sɛrto] n. m. (mot ital. [v. CONCERT] ; 1739, Ch. de Brosses). Composition symphonique de forme suite ou sonate, et qui a pour but de faire valoir la virtuosité d’un ou de plusieurs solistes : Concerto pour piano et orchestre. ∥ Concerto grosso, forme ancienne opposant le tutti de l’orchestre au concertino. concesseur [kɔ̃sɛsoer] n. m. (bas lat. concessor, de concessum, supin de concedere, accorder ; 1555, Godefroy). Personne qui concède. concessible [kɔ̃sɛsibl] adj. (de concession ; 1866, Larousse). Qui peut être concédé. ∥ Spécialem. Se dit des substances minérales qui peuvent faire l’objet d’une concession minière. concessif, ive [kɔ̃sɛsif, -iv] adj. (bas lat. concessivus, concessif [de concessio, v. CONCESSION], ou dér. de concession ; 1842, J.-B. Richard de Radonvilliers). En termes de grammaire, qui implique une concession. ∥ Proposition concessive, ou concessive n. f., proposition subordonnée circonstancielle introduite par bien que, quoique, encore que, même si, lors même que, etc., et indiquant une opposition ou une restriction à l’idée exprimée dans la principale. (V. art. spécial à CONCESSION.) % concessif n. m. Dans certaines langues, mode du verbe dont la fonction est de marquer la concession. concession [kɔ̃sɛsjɔ̃] n. f. (lat. concessio, concession, de concessum, supin de concedere, accorder ; v. 1265, Br. Latini, aux sens 4-6 ; sens 1, 1670, Patru ; sens 2-3, 1664, Kuhn ; sens 7, fin du XIXe s.). 1. Contrat par lequel l’Administration, le concédant, charge un particulier, le concessionnaire, d’exécuter un ouvrage ou d’assurer un service, en se rémunérant au moyen de redevances perçues sur les usagers : La concession de la distribution d’eau dans une ville. ∥ 2. Droit reconnu à un particulier ou à une société d’exploiter les ressources du sol ou du sous-sol d’un terrain : Il [...] décida l’expédition de Nigritie [...], qui assurait des concessions de forêts immenses à des sociétés de capitalistes (France). Une concession minière. ∥ 3. Portion de terrain, downloadModeText.vue.download 119 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 833 terre qui fait l’objet d’une concession : Nous traversions, Yves et moi, la concession européenne (Loti). ∥ Spécialem. Terrain vendu ou loué pour servir de sépulture dans un cimetière : Lorie avait vu la fin de son argent, déjà fort entamé par [...] l’achat d’une petite concession dans le cimetière d’Amboise (Daudet). ∥ 4. Fig. Abandon que l’on fait, plus ou moins volontairement, d’un avantage, d’une prétention, d’un droit : L’Église et l’État doivent se faire des concessions réciproques (France). Si elle [la maison d’Autriche] parvint à garder le titre impérial [...], ce fut au prix de concessions et d’abandons de pouvoir toujours plus graves à chaque scrutin (Bainville). ∥ 5. Chose concédée : Si la loi constitutionnelle est une concession du souverain, la question recommence (J. de Maistre). ∥ 6. Dans une discussion, le fait d’abandonner un point à l’adversaire ; avantage ainsi accordé : Discussion âpre, sans aucune concession des adversaires. ∥ 7. Relation logique exprimée dans la phrase par les propositions concessives ou de concession (V. art. spécial et art. CONCESSIF.) GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE L’EXPRESSION DE LA CONCESSION Le terme de concession désigne traditionnellement la relation logique exprimée dans des phrases comme : Si juste que soit votre objection, il ne fallait pas m’interrompre. Bien que son père s’y opposât, il préparait le Conservatoire. Reconnaître la justesse d’une objection est effectivement faire à son auteur une « concession », au sens ordinaire de ce mot ; mais la seconde phrase n’exprime aucune « concession », ni du côté du père ni du côté du fils. C’est pourquoi des grammairiens tels que F. Brunot (la Pensée et la langue) ont préféré le terme d’opposition pour dénommer cette nuance logique : ces concessives expriment le même rapport que des coordonnées introduites par les conjonctions dites « adversatives » : Il ne fallait pas m’interrompre, mais votre objection est juste. Il préparait le Conservatoire, pourtant son père s’y opposait. Or, si « concession » est souvent impropre, « opposition » peut être jugé trop large, convenant à des systèmes comparatifs comme Plus il fait chaud, moins on travaille, à des alternatives comme Il l’a dit ou il le dira, à des oppositions morphologiques comme ici ou là, soit vous soit moi, qui n’ont rien à voir avec la relation dont nous sommes partis. On peut essayer de tracer plus nettement la limite entre concession et opposition (ou « adversation »). La « concession » consiste à faire entendre qu’un phénomène, entraînant normalement comme conséquence un autre phénomène, se trouve, dans le cas considéré, n’avoir pas eu d’effet. Dans les exemples d’où nous sommes partis, la proposition subordonnée exprime bien un facteur qui pourrait jouer, et qui ne joue pas : une objection juste pourrait arrêter un exposé qu’elle met en cause ; le veto d’un père pourrait empêcher un fils d’embrasser certaines activités. Mais une simple « opposition » apparaît dans des phrases comme : Si le bifteck manquait de tendreté, il ne manquait pas de poivre. Tandis que nous sommes à l’abri, les coureurs essuient l’averse. Aucune contradiction logique n’y est exprimée entre le fait subordonné et le fait principal. On a là des propositions conditionnelle et temporelle à résultante adversative. L’effet de concession peut tenir, comme celui d’opposition, au seul contenu sémantique des propositions en présence ; c’est le cas si l’on fait suivre une proposition causale d’une principale niant toute action de la cause énoncée : Parce que je suis décoré, je ne me prends pas pour un héros. Malgré un résultat « concessif », cette subordonnée est à verser au chapitre des causales. Une condition, aussi bien, peut être donnée comme ne jouant pas, ce que marque l’adverbe même devant la conjonction si : Même si tu ne comprends pas, tu dois obéir. Cette subordonnée est à verser, pour l’étude de ses temps, au chapitre des conditionnelles. Une proposition relative peut énoncer un fait « concédé » sans être tenue pour grammaticalement concessive, non plus qu’un simple adjectif épithète : Ma tante, qui était sourde, lisait nos paroles sur nos lèvres (comparer : Ma tante, sourde, lisait,etc.). Où classera-t-on les subordonnées introduites par sans que ? Elles conviennent pour nier une cause : Sans que son père y consentît, il préparait le Conservatoire ; ou une conséquence : Il saute sans que le plateau se renverse ; ou une concomitance habituelle (impliquant cause, ou conséquence, ou condition commune) : Il ne vient jamais sans que sa femme l’accompagne. S’il s’agit d’une cause niée, la dénotation est concessive, et sans que signifie bien que... ne... pas. Mais la négation est le seul trait constant qui caractérise sans que, et les conjonctives qu’introduit cette locution sont à ranger, selon les cas, sous le chef de la cause, de la conséquence ou de la condition. COMPLÉMENTS DE CONCESSION I. NOMS OU PRONOMS Les prépositions malgré, sans, la locution en dépit de introduisent des noms ou des pronoms compléments circonstanciels de concession : Malgré (en dépit de) l’interdiction de son père, il préparait le Conservatoire. Il préparait ce concours sans l’autorisation de son père. Contre a ce sens dans deux locutions anciennes : envers et contre tous, contre vents et marées. L’ancien français employait nonobstant (XIIIe s.), c’est-à-dire non suivi du participe obstant, emprunté du latin, comme préposition concessive ; on le lit encore chez Molière : Il faut nonobstant tout avoir pitié de vous. Ce mot, dans le courant du XVIIe s., fut abandonné à la langue du Palais, où il était né. II. VERBES L’infinitif après sans peut être concessif : Sans être artiste, elle goûte les belles choses. Pour, qui marque la cause, devient concessif si la principale contient une marque de négation (souvent : n’en... pas moins) : Pour ne pas reposer sur une sympathie de l’esprit, cet amour n’en était pas moins vrai (R. Rolland). L’adjectif quitte, introduisant un infinitif complément, a pris une valeur de préposition concessive qui justifie l’invariabilité : Si, d’instinct, ils ne s’étaient jetés sur la roche, quitte (= quoiqu’ils s’exposassent) à s’écorcher les genoux et les downloadModeText.vue.download 120 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 834 paumes, ils allaient à la mer (H. Queffélec). Enfin, le gérondif précédé de tout exprime spécifiquement la concession : Tout en refusant, il tendait la main. PROPOSITIONS CONCESSIVES I. COORDINATION Le français ne dispose pas d’une conjonction de coordination marquant spécifi- quement la concession : mais, pourtant, cependant, toutefois, etc., sont seulement adversatifs. Mais plusieurs procédés marginaux sont usités pour marquer, dans une proposition, que le fait énoncé n’empêche pas la réalisation du fait qu’énonce la proposition voisine. • 1° Verbes ou locutions auxiliaires : Tu peux lui défendre de chanter, il continue de plus belle. J’ai beau apprendre, j’oublie tout. • 2° Modalité impérative exprimée par le mode impératif ou par le subjonctif présent, éventuellement suivis d’un pronom ou d’un adverbe indéfini : Frappez (toujours), il n’ouvrira pas. Cours tant que tu veux, tu ne me rattraperas pas. Qu’on lui demande n’importe quoi, il se met en quatre pour vous satisfaire. • 3° Subjonctif imparfait ou plus-queparfait, ou conditionnel (de sens irréel), avec inversion du sujet, pour quelques verbes (surtout être et devoir) : Une servante, en pareil cas, ne peut manquer de faire l’éloge de sa maîtresse, fût-elle plus laide qu’un péché mortel (Musset). Le comte d’Orgel reconnaissait chacun, ne l’ eût-il aperçu qu’une fois (Radiguet). Seriez-vous mon fils, je ne pourrais pas vous dispenser de cet usage. A ces types de phrases se rattachent les phrases à « subordination inverse », où la conjonction que figure non pas au début de la proposition concessive, mais au début de celle qui énonce le fait principal (motivant le message) : Seriez-vous mon fils, que je ne pourrais pas vous en dispenser. Et je vous promettrais mille fois le contraire, Que je ne serais pas en pouvoir de le faire (Molière). II. SUBORDONNÉES CONJONCTIVES Les conjonctions concessives font porter la concession sur la réalité du fait. Après quoique, bien que (un peu littéraire), encore que (tout à fait littéraire, et qui apporte souvent une simple réserve à une appréciation), le mode est le subjonctif, marquant apparemment que, l’action étant réelle, tout se passe comme si elle ne l’était pas : Bien que Toby soit méchant, nous l’aimons. Malgré que, locution de la langue familière, est depuis un siècle proscrit par les puristes et employé par de bons écrivains : L’air brûlait malgré qu’on fût au déclin de la saison (A. Daudet). La conjonction latine quanquam, signifiant « quoique », était suivie de l’indicatif, et ce mode n’est pas illogique dans les subordonnées concessives, quand il s’agit d’une action connue pour réelle. En français, il apparaît souvent dans la langue familière ou journalistique, et même dans la langue littéraire là où il permet de noter des nuances temporelles ou modales (situation dans le futur ou dans l’irréel) que le subjonctif laisserait dans l’indistinction ou ne pourrait exprimer que par des formes archaïques : Il faut d’abord que je me présente à vous et que je vous présente mon ami, quoique nous n’ éveillerons en vous aucun souvenir (C. Mendès). À l’heure actuelle, Mirabeau ne remuerait personne, bien que sa corruption ne lui nuirait point (Chateaubriand). Malgré qu’ils se ressemblaient toujours comme deux frères, on ne voyait plus du même coup qu’ils étaient bessons (G. Sand). Dans la langue parlée courante, quoique, suivi d’une pause, a pratiquement pris la nature d’une conjonction de coordination, et ne peut « régir » un mode particulier ; le mode est choisi comme dans une proposition indépendante : Bien sûr, ma chérie... Quoique, pour un musicien c’est merveilleux d’avoir une femme capable de déchiffrer (F. Mauriac). On étudiera ailleurs qu’ici le mode des propositions causales, temporelles ou conditionnelles à effet adversatif ou même concessif : Un homme a pu écrire trois à quatre cents pages, alors qu’il n’avait absolument rien à nous révéler (Huysmans). Mais il faut faire un sort particulier à celles qu’une marque expresse permet d’imputer à la concession ; ce sont des temporelles suivies du mode conditionnel ou de l’indicatif avec même : Quand (même, bien même) vous seriez mon fils, je ne pourrais vous dispenser de cet usage. Je veux bien croire que vous avez deux enfants, quand même je ne les ai pas vus. Lors même que nous n’en aurions pas l’idée distincte, nous sentirions davantage que notre passé nous reste présent (Bergson). Le problème du mode se trouve éliminé dans une construction elliptique très répandue dans la langue écrite, où le sujet et le verbe sont économisés : Il était, quoique riche, à la justice enclin (Hugo). Cela s’est vu, quoique rarement (P. Margueritte). Bien qu’encore jeune, il y avait des mèches grises dans ses cheveux (E. Jaloux). L’adverbe même marque également la nuance concessive devant un adjectif : Mon fils, même très jeune, contestait la société moderne. La concession peut prendre l’aspect d’une alternative, exprimée par soit que..., soit que, ou soit que... ou que, ou que... ou que, toujours suivis du subjonctif : Soit qu’il gagnât, soit qu’il perdît des sommes énormes, jamais un muscle de sa face ne remuait (P. Margueritte). Si le sujet est le même, que... ou que est simplifié en que... ou, éventuellement que... ou non : Que ce fût un apache ou un fou, le danger avait été réel (H. de Régnier). Qu’on le veuille ou non, tout est combat (R. Rolland). III. SUBORDONNÉES RELATIVES INDÉFINIES Certaines constructions expriment l’idée que le fait principal est indépendant non plus de la réalité du fait subordonné, mais de certaines variables, comme l’identité, la qualité, l’intensité d’un élément impliqué dans le phénomène : Quel que soit le poids d’un corps, sa vitesse en chute libre est la même. Qui que tu sois, contemple (Hugo). Si maître qu’il fût de lui-même, Henri laissa échapper un mouvement de joie (Dumas père). Un portrait a toujours son prix, pourvu qu’il ressemble, quelque étrange que soit l’original. Où que j’aille, c’est vous que je retrouve (E. Jaloux). downloadModeText.vue.download 121 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 835 Dans toutes ces phrases, que peut être tenu pour un pronom relatif formant avec les mots qui le précèdent (quel, qui, si, quelque, où...) un système indéfini à valeur concessive. Le mode subjonctif s’explique comme dans le cas des conjonctives : Si vieux que je sois, cette marche ne m’effraie pas (c’est comme si je n’étais pas vieux), ou par la simple indétermination (où que j’aille). L’indicatif est pourtant employé (mais concurrencé par le subjonctif) avec tout... que, qui affirme la réalité d’un caractère ou même d’une identité : Tout vieux que je suis (ou sois)... Tout Napoléon qu’il était (ou fût)... Au XVIIe s., l’ellipse du sujet et du verbe s’observait avec tout comme avec quoique : Le méchant goût du siècle en cela me fait peur ; Nos pères, tous grossiers, l’avaient beaucoup meilleur (Molière). En français littéraire, le système pour + ADJECTIF + que, qui affirme aussi la réalité d’un caractère, admet également l’indicatif, à côté du subjonctif : Pour petite qu’elle est, elle est précieuse (A. France). Au lieu de que + PRONOM SUJET + SUBJONCTIF, on rencontre le subjonctif seul avec inversion du pronom sujet : Si vieux soit-il, cette marche ne l’effraie pas. On reconnaît ici la construction mentionnée plus haut sous le chef de la coordination (I, 3°). HISTORIQUE On observe dès les premiers textes français les deux modes d’expression d’une idée concessive : la coordination et la subordination. I. COORDINATION L’ancien français associe couramment l’emploi du subjonctif à l’inversion du sujet pour marquer une supposition : Fust i li reis, n’i oüssum damage [Si le roi était là, nous ne serions pas en péril] (la Chanson de Roland). De là, on passe facilement à la nuance concessive : Deïst li reis ço que voldreit, I feroit ço qu’a faire avreit [Dût le roi en dire ce qu’il voudrait, Il ferait ce qu’il aurait à faire] (Roman de Rou). Cette nuance peut être soulignée par des adverbes de temps comme encor, ja, ou de quantité comme bien, tant : Encor ne soit ma parole françoise, Si la puet ou bien entendre en françois (Conon de Béthune). Bien vos poist, si i iroiz [Cela a beau vous peiner beaucoup, vous y irez] (Érec). Mes il est de tel cruauté Qu’il ne se daingne encor refraindre (= réprimer) Tant me voie plorer ne plaindre (Roman de la Rose). II. SUBORDINATION La conjonction se exprimait en ancien français — comme encore de nos jours — l’opposition ou même la concession : Se jo ai parenz, n’en i ad nul si proz [J’ai des parents, mais pas un aussi preux] (la Chanson de Roland). Mes se li feux les a nercies, pour ce ne sont pas empoiries [Mais quoique le feu les ait noircies, elles n’en sont pas pour cela moins bonnes] (le Roman de Thèbes). Un des types les plus anciens de subordonnée proprement concessive est celui des « relatives indéfinies », généralement au subjonctif : Chi chi se doilet, a nostr’os est il goie [Qui que ce soit qui se lamente, pour nous il y a de la joie] (Vie de saint Alexis). Ou que tu ailles Jesus te puisse aidier (le Couronnement de Louis). Comment que li plais voist, de ci ne vous mouvez [De quelque façon que tourne l’affaire, ne bougez pas d’ici] (Fierabras). Que que (= quoi que) il m’en doie avenir (Érec). Dans ces constructions, le second élément que, pronom relatif indifférencié, assume la même fonction que nous lui voyons remplir aujourd’hui dans les phrases interrogatives du français populaire : Où que t’habites ? Comment que tu fais ? Qui que t’es ? Il assume toute la fonction syntaxique dont il décharge son antécédent (où, comment, qui, etc.), lequel exprime par là plus fortement l’indétermination ; ce relais relatif atone supprime du même coup l’inversion du sujet. Certains de ces systèmes indéfinis ont donné, par coalescence, des conjonctions dès l’ancien français : com que, comment que, combien que, quant que ; que que a cédé la place à quoique : Quoyque des autres ne le die, De ceste le tesmoigneray (Miracle de Notre-Dame). D’autres conjonctions ont été composées par analogie avec celles-ci à partir des marques de concession paratactiques : encore que, ja que. Bien que, né tardivement (en moyen français), semble plutôt une réduction de combien que. Un autre type de conjonction est articulé sur le pronom démonstratif neutre ce : sans ce que, ja soit ce que, finalement réduits à sans que, ja soit (ou jaçoit) que : Joie por lor oste enorer font sanz ce que talant n’en aient [Ils manifestent de la joie pour honorer leur hôte bien qu’ils n’en aient pas le désir] (Yvain). Ja seit ço que mout s’en celot [Quoiqu’il s’en cachât beaucoup] (Roman de Troie). Une conjonction de ce type fut formée en ajoutant (ce) que à nonobstant (dont on a vu plus haut l’origine). Un autre type, plus particulier, est représenté par la locution mal gré que suivie du verbe avoir ; l’origine est dans la coordination : Mort le trebuche, malgré en aient il [Il l’étend mort, dussent-ils en avoir mauvais gré] (Garin le Loherain, XIIe s.). La reprise par que verse le tour dans la subordination : Maugré que il en ait, l’ont iluec desarmé (Doon de Mayence, XIIIe s.). Cette locution, où malgré que est complément d’objet du verbe avoir au subjonctif, n’est pas à l’origine de la locution malgré que, faite sur la préposition malgré (maugré, XIIe s.), comme sans que sur sans. Au XVIe s. coexistaient presque toutes les conjonctions mentionnées ci-dessus, et quelques autres : ja nonobstant que, néanmoins que, ore(s) que, toutes fois que, comme ainsi soit que ; tel remplaçait quel dans le système tel qu’il soit ; la locution avoir beau était encore un syntagme vivant, signifiant « avoir une belle occasion de », « pouvoir facilement », mais l’emploi comme auxiliaire de concession (v. plus haut) se dessinait : Tu as beau faire, douleur ! si ne diray je pas que tu sois un mal (Montaigne). Au XVIIe s., quelques-unes de ces locutions disparaissent de l’usage : jaçoit que, dont le dernier exemple notoire est de Bossuet ; nonobstant que, abandonné au jargon du Palais ; combien que, épargné downloadModeText.vue.download 122 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 836 par Vaugelas, mais corrigé par Corneille, en 1660, dans tous les vers où il l’avait employé. Les grammairiens se sont moins souciés d’enregistrer ces décès que d’analyser la valeur des modes, car l’indicatif concurrençait le subjonctif dans l’usage. Pour Malherbe, « bien que vous fussiez s’entend d’une chose douteuse, bien que vous fûtes d’une chose certaine ». Vaugelas emploie très souvent l’indicatif après quoique, bien que et encore que. Pourtant, le subjonctif domine ; Pierre Corneille ignore à peu près l’usage de l’indicatif, que Ménage donnera pour vieilli, et Thomas Corneille pour incorrect, tolérant quelques exceptions que comportait l’usage — les mêmes qu’on observe aujourd’hui. La prépondérance du subjonctif dans les propositions concessives, au moins en français écrit, arrête peutêtre plus nettement l’unité d’une opération psychologique qui suppose une forte pesée critique : la « concession » exprime la rupture momentanée d’un des innombrables liens de cause à effet dont se tisse notre vue logique du monde. Le subjonctif semble exprimer ici l’attitude d’un esprit qui rejette (fictivement) du réel un phénomène que l’effet dément. L’indicatif — largement usité en français populaire — exprime plutôt l’acceptation bien obligée de ce même phénomène, dont il « concède » seul, au sens exact du mot, la réalité. concessionnaire [kɔ̃sɛsjɔnɛr] adj. et n. m. (de concession ; 1664, d’après Savary des Bruslons, 1741). Qui a obtenu une concession : Société concessionnaire. ∥ Spécialem. Intermédiaire commercial auquel un producteur a accordé un droit exclusif de vente dans un district déterminé : Commander une voiture neuve chez le concessionnaire local de la marque. concetti [kɔ̃sɛti ou kɔntʃɛtti] n. m. pl. (mot ital., pl. de concetto, lat. conceptus [v. CONCEPT] ; av. 1720, Huet [forme francisée concet, 1578, H. Estienne]). 1. Expressions, formules affectées et ingénieuses que la poésie italienne antérieure au XVIIe s. mit à la mode : Les concetti du Cavalier Marin. ∥ 2. Traits d’esprit trop recherchés, trop ingénieux, consistant en particulier à jouer sur un mot que l’on comprend simultanément dans son sens propre et au sens figuré (comme dans les vers célèbres de Théophile de Viau : Le voici ce poignard qui du sang de son maître | S’est souillé lâchement : il en rougit le traître), ou à rapprocher des mots qui généralement s’excluent (par ex. : La fidèle preuve à l’infidélité [Malherbe]) : Ce furent bientôt des scintillements de concetti (Villiers de L’Isle-Adam). [Mais certains] oubliaient trop de sentir tout ce qui se cachait de vérité, de sagesse, et plus subtilement de confidence, sous son masque de concetti (Gide). concevable [kɔ̃svabl] adj. (de concevoir ; 1547, Budé, au sens de « perceptible » ; sens actuel, 1647, Corneille). Qui peut être conçu, compris : Il n’y a de concevable pour nous que ce qui est explicable (Taine). Dieu seul forme la suite logique des événements humains, qui, sans lui, ne se succèdent plus d’une manière intelligible et concevable (France). • SYN. : compréhensible, imaginable, intelligible. — CONTR. : inconcevable, incroyable, inimaginable, inintelligible. % n. m. Ce qui peut être conçu : La mort est une surprise que fait l’inconcevable au concevable (Valéry). concevoir [kɔ̃səvwar] v. tr. (lat. concipere, concevoir [au pr. et au fig.], de cum, avec, et capere, saisir ; début du XIIe s., aux sens I et II, 3, 5 ; sens II, 1-2, XIVe s. ; sens II, 4, 1866, Larousse ; sens II, 6, 1538, R. Estienne). [Conj. 29.] I. Former en soi, par la fécondation, le gérme d’un être vivant, en parlant d’une femelle : Conçu dans ces fêtes de la poésie populaire, Charles Le Goffic naquit poète (France). II. 1. Absol. Former des concepts. ∥ 2. Saisir par l’esprit une idée ; se représenter par la pensée : On conçoit comment l’architecture du Parthénon a des proportions si heureuses (Chateaubriand). Il n’y a [...] que les heureux qui conçoivent le poids de l’infortune (Alain). ∥ Concevoir que, comprendre, trouver naturel que : Je conçois, dit-il, que Commius soit un peu dégoûté des entrevues avec nos généraux (France). ∥ 3. Former, élaborer une oeuvre dans son esprit, son imagination : Son père avait brusquement conçu un projet de mariage pour elle (Maupassant). Le génie de l’homme a conçu et créé une tout autre action (Valéry). Il avait conçu ce roman dès sa jeunesse. ∥ 4. Se faire une idée particulière de quelqu’un, une conception personnelle de quelque chose : Olier conçoit comme l’idéal de la vie du chrétien ce qu’il appelle « l’état de mort » (Renan). ∥ 5. Sentir naître dans son coeur : Mme de Piennes en conçut un peu de dépit (Mérimée). Il en conçut plus d’estime pour l’auteur (Flaubert). ∥ 6. Spécialem. Rédiger, exprimer (au part. passé) : Une lettre ainsi conçue. • SYN. : II, 2 comprendre, embrasser, entendre, voir ; admettre ; 3 combiner, créer, échafauder, imaginer ; 4 comprendre, entendre ; 5 éprouver, nourrir, ressentir ; 6 libeller. conche [kɔ̃ʃ] n. f. (lat. concha, gr. konkhê, coquillage ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ; sens 2, 1484, Garcie). 1. Vx. Conque, coquillage. ∥ 2. Dialect. Baie, anse : La conche de Pontaillac. conchier [kɔ̃ʃje] v. tr. (lat. concacare, embrenner, de cacare [v. CHIER] ; XIIe s., Godefroy). 1. Souiller avec des excréments : Le Dictionnaire des communes de France, tel qu’on le trouvait, naguère encore, crasseux et conchié des mouches, dans le moindre bureau de postes (Duhamel). ∥ 2. Fig. Salir : Ils ne peuvent faire autre chose que conchier et gâter ceux [les ouvrages] des autres (Gautier). conchoïdal, e, aux [kɔ̃kɔidal, -o] adj. (de conchoïde ; 1752, Trévoux). Qui ressemble à une coquille. conchoïde [kɔ̃kɔid] adj. (gr. konkhoeidês, de konkhê, coquille, et eidos, aspect ; 1863, Littré, comme adj.). Qui a la forme d’un coquillage. ∥ Cassure conchoïde, cassure de certains minéraux qui rappelle des cannelures de coquillages. • REM. On dit aussi CONCHOÏDAL. % n. f. (sens 1, 1637, Descartes ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. Courbe qui rappelle celle des coquillages. ∥ 2. Spécialem. Profil d’un fût de colonne, en architecture. conchylien, enne [kɔ̃kiljɛ̃, -ɛn] adj. (dér. savant du lat. conchylium, gr. konkhulion, coquille, coquillage ; 1834, Jourdan). Qui contient des coquilles : Calcaire conchylien. conchylifère [kɔ̃kilifɛr] adj. (du lat. conchylium, coquille, et ferre, porter ; 1866, Larousse). Qui porte des coquilles (rare) : Un autre petit globe sphérique, monté sur une rocaille conchylifère (Bloy). conchyliologie [kɔ̃kiljɔlɔʒi] n. f. (du gr. konkhulion, coquille, et logos, science ; 1742, Dezallier d’Argenville). Partie de la zoologie qui traite des coquilles, des coquillages : La conchyliologie les ennuya (Flaubert). conchyliologiste [kɔ̃kiljɔlɔʒist] n. (de conchyliologie ; 1771, Trévoux). Personne qui s’occupe de conchyliologie. concierge [kɔ̃sjɛrʒ] n. (probablem. lat. pop. *conservius, altér., sous l’influence de serviens [part. prés. de servire, être esclave], du lat. class. conservus, compagnon d’esclavage, de cum, avec, et de servus, esclave ; 1195, Godefroy, écrit cumcerges, au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3, début du XVe s.). 1. Personne qui a la charge de garder l’entrée d’un édifice public, d’un hôtel particulier, d’un immeuble : La concierge apparut, forte femme, et sans ouvrir la grille, son balai à la main : « Vous venez pour le relieur... nous n’avons plus que ça chez nous » (Daudet). La loge de votre concierge était vide (Maupassant). L’implacable concierge, changé en une bienveillante Euménide, prit l’habitude, quand je lui demandais si je pouvais monter, de m’indiquer, en soulevant sa casquette d’une main propice, qu’il exauçait ma prière (Proust). ∥ 2. Péjor. Personne qui bavarde beaucoup et manque de discrétion : C’est un vrai concierge... Ne lui faites aucune confidence. ∥ 3. Concierge du Palais, offidownloadModeText.vue.download 123 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 837 cier de la maison du roi, qui habitait le palais de la Cité et avait juridiction dans le quartier du Palais (de Hugues Capet à Louis XI). conciergerie [kɔ̃sjɛrʒəri] n. f. (de concierge ; 1318, écrit consirgerie [conciergerie, 1328, Godefroy], au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, XVe s.). 1. Demeure du concierge d’un bâtiment administratif : Adressez-vous à la conciergerie. Moreau, de plus en plus inquiet, alla, malgré ses bottes, au pas de course à la conciergerie (Balzac). ∥ 2. Vx. Fonction de concierge : Ambitionnant de prendre sa retraite et de trouver un petit emploi civil, une conciergerie de tout repos (Chevallier). ∥ 3. Partie du Palais de Justice, à Paris, où demeurait un juge royal, dit concierge du Palais, et où se trouvait une prison (avec une majuscule) : Marie-Antoinette sortit de la Conciergerie pour aller à l’échafaud. concile [kɔ̃sil] n. m. (lat. concilium, concile [kɔ̃sil] n. m. (lat. concilium, assemblée ; v. 1138, Gaimar, au sens 3 [sans ironie] ; sens 1, XIIIe s., Chronique de Rains ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Dans l’Église catholique, assemblée d’évêques et de théologiens, réunie pour décider de certaines questions intéressant la doctrine ou la discipline ecclésiastiques : Le pape Nicolas II, dans un concile tenu à Rome en 1059, fit décider que les cardinaux seuls éliraient les papes et que le clergé et le peuple ratifieraient l’élection (Chateaubriand). Nous aurions nos conciles, comme Constantin et Charlemagne (Vigny). ∥ Concile oecuménique, celui qui réunit les évêques du monde entier, sous la présidence du pape. ∥ Concile national, celui qui réunit les évêques d’un État. ∥ Concile provincial, celui qui réunit les évêques d’une province ecclésiastique. ∥ 2. Collection des Actes d’un concile : Une nouvelle édition des Conciles. ∥ 3. Fam. et ironiq. Réunion, groupe de personnes : Un de mes amis, né pauvre comme René Vinci, fut admis pareillement, à son heure, dans le concile des riches et des puissants (France). conciliable [kɔ̃siljabl] adj. (de concilier ; milieu du XVIe s., au sens de « passionné » ; sens actuel, 1776, Raynal). Se dit d’une chose qui peut se concilier avec une autre : La force et la douceur sont parfaitement conciliables. conciliabule [kɔ̃siljabyl] n. m. (lat. conciliabulum, lieu de réunion, de conciliare [v. CONCILIER] ; 1549, Calvin, au sens 1 ; sens 2, 1594, Satire Ménippée ; sens 3, XXe s.). 1. Vx. Assemblée de prélats schismatiques ou convoqués illégalement. ∥ 2. Conférence secrète, entre personnes réunies dans un dessein suspect : Je sais bien qu’on ne m’épargne pas dans les conciliabules de la place Saint-Exupère (France). ∥ 3. Suite d’entretiens, de discussions plus ou moins secrètes : Tout cela demandait toujours beaucoup de temps, tout cela nécessitait beaucoup de conciliabules (Duhamel). • SYN. : 2 colloque ; 3 palabre. conciliaire [kɔ̃siljɛr] adj. (de concile ; fin du XVIe s., Pasquier). 1. Qui a rapport à un concile : Délibérations, décrets conciliaires. ∥ 2. Qui participe à un concile : Un père conciliaire. conciliant, e [kɔ̃siljɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de concilier ; fin du XVIIe s., Mme de Sévigné). 1. Se dit d’une personne qui est prête, dis- posée à la conciliation : Un homme conciliant. ∥ 2. Qui témoigne de dispositions à la conciliation : Avoir l’humeur conciliante. Antoine, interloqué, avait pris un air attentif et d’avance conciliant (Martin du Gard). ∥ 3. Propre à établir ou à ramener la paix, le bon accord : « Vous êtes peut-être trop radical, mon ami », interrompit l’abbé d’une voix conciliante (Zola). • SYN. : 1 et 2 accommodant, arrangeant, bienveillant, commode. — CONTR. : 1 et 2 buté, dur, impitoyable, intraitable, revêche. conciliateur, trice [kɔ̃siljatoer, -tris] n. (de concilier ; v. 1380, E. de Conty). Personne qui agit pour amener la conciliation : Le juge de paix, le notaire sont avant tout des conciliateurs. • SYN. : arbitre, médiateur. % adj. (1580, Montaigne). Qui vise à concilier : Jouer un rôle conciliateur. Il peut exister aussi chez les nations des embarras intérieurs qui les disposeraient à des mesures conciliatrices (Chateaubriand). • SYN. : apaisant, conciliant, conciliatoire. conciliation [kɔ̃siljasjɔ̃] n. f. (lat. conciliatio, union, bienveillance, de conciliatum, supin de conciliare, concilier ; milieu du XIVe s., J. Le Fèvre, au sens 1 ; sens 2, 1829, Boiste ; sens 3, 1680, Richelet). 1. Action qui vise à rétablir la bonne entente entre personnes dont les avis, les intérêts s’opposent ; résultat de cette action : On fait toujours une sottise en rejetant les moyens de conciliation (Rivarol). Par grand désir de conciliation, je saisis au bond la phrase (Gide). ∥ 2. En termes de droit, action d’un juge pour tenter de mettre d’accord les parties en litige : Citer quelqu’un en conciliation. ∥ Spécialem. Procédé de règlement amiable des conflits collectifs du travail. ∥ 3. Action de rendre des choses compatibles ; résultat de cette action : La conciliation d’intérêts opposés, de témoignages qui paraissent contradictoires. • SYN. : 1 accommodement, arrangement, composition, compromis, médiation, transaction ; 2 arbitrage ; 3 harmonisation. conciliatoire [kɔ̃siljatwar] adj. (de concilier ; 1777, Linguet [une première fois à la fin du XVIe s.]). Propre à amener la conciliation : Il faut prendre les voies conciliatoires et tâcher d’obtenir une situation supportable (J. de Maistre). concilier [kɔ̃silje] v. tr. (lat. conciliare, réunir, concilier ; v. 1190, Garnier de PontSainte-Maxence, au sens de « réconcilier » ; sens 1, 1549, R. Estienne ; sens 2, 1646, Rotrou ; sens 3, 1671, Pomey ; sens 4, v. 1590, Du Vair). 1. Mettre d’accord des personnes en litige ou simplement en désaccord : Le juge n’a pas réussi à concilier les parties. Concilier deux adversaires. ∥ Par extens. Faire cesser un désaccord : Concilier un différend. ∥ 2. Rendre compatibles des choses qui sont ou paraissent opposées : Un expédient se présenta à l’esprit du gouverneur pour concilier ses propres sentiments avec les exigences du peuple fanatique (Renan). ∥ 3. Vx et littér. Concilier quelqu’un à, le disposer favorablement envers quelqu’un ou quelque chose : Tels furent les peuples que nos missionnaires entreprirent de nous concilier par la religion (Chateaubriand). ∥ 4. Vx et littér. Concilier quelque chose à, le gagner à : Une forme spirituelle et légère propre à concilier à ces idées rajeunies la faveur d’un public frivole (Nerval). • SYN. : 1 raccommoder, réconcilier ; 2 ajuster, arranger, harmoniser. % se concilier v. pr. (sens 1, 1690, Furetière ; sens 2, 1798, Acad.). 1. (avec un sujet désignant une personne)Se concilier quelqu’un ou quelque chose, se rendre cette personne favorable, obtenir, conquérir cette chose : J’ai concentré [...] toutes les facultés de mon esprit à me concilier mon caporal et mon sergent-major par des largesses mesurées (France). Se concilier les bonnes grâces de quelqu’un. ∥ 2. (avec un sujet désignant une chose)Se concilier avec, être compatible avec autre chose : Votre inhumanité intellectuelle et technique se concilie fort aisément, et même fort heureusement, avec votre humanité (Valéry). concis, e [kɔ̃si, -iz] adj. (lat. concisus, concis, part. passé de concidere, couper ; 1553, Heret). 1. Qui est dit en peu de mots : Ceci est bref, concis, c’est le style impérial (Courier). Ses paroles étaient à la fois mesurées et concises (Stendhal). ∥ 2. Qui exprime en peu de mots ce qu’il veut dire : Il écrivit [...], donnant de ses nouvelles en style concis (Maupassant). Un écrivain concis. • SYN. : 1 bref, condensé, court, succinct ; 2 dense, elliptique, laconique, lapidaire, précis, ramassé, sobre. — CONTR. : 1 diffus, long, touffu ; 2 prolixe, verbeux. concision [kɔ̃sizjɔ̃] n. f. (lat. concisio, action de couper, de concisum, supin de concidere, couper ; 1488, Mer des histoires, au sens de « action de retrancher [une voyelle, etc.] » ; sens actuel, 1709, Grimarest). Qualité d’un style, d’un écrivain qui retranche tout ce qui est superflu et recherche l’énergie dans la brièveté : Ces mémoires [...] sont généralement écrits avec cette concision qui caractérise presque toujours le style de ceux qui s’occupent avec downloadModeText.vue.download 124 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 838 succès des sciences exactes (Choderlos de Laclos). • SYN. : brièveté, densité, laconisme, sobriété. — CONTR. : longueur, prolixité, verbiage, verbosité. concitoyen, enne [kɔ̃sitwajɛ̃, -ɛn] n. (de con- et de citoyen, d’après le bas lat. concivis, de cum, avec, et civis, citoyen ; 1290, Godefroy, écrit concitien). Personne qui est de la même ville, du même État qu’une autre, ou qui appartient à la même communauté politique : Désireux d’acheter par un grand service le pardon de mes concitoyens, j’étais prêt à leur livrer contre dix mille florins une des portes de Sienne (France) ; et littér. : Je suis concitoyen de tout homme qui pense (Lamartine). • SYN. : compatriote. concitoyenneté [kɔ̃sitwajɛnte] n. f. (de concitoyen ; 1845, Bescherelle). Qualité de ceux qui habitent la même ville, le même pays. conclave [kɔ̃klav] n. m. (lat. conclave, chambre fermée à clé [de cum, avec, et clavis, clé], d’où, en lat. médiév., « assemblée de hauts dignitaires » ; v. 1360, Froissart). 1. Lieu clos où les cardinaux s’assemblent pour élire un pape. ∥ 2. L’assemblée des cardinaux appelés à procéder à cette élection : Grégoire X sortit enfin du scrutin, et, pour remédier à l’avenir à un tel abus, établit alors le conclave, « cum clave », sous clef, ou avec une clef ; il régla les dispositions intérieures de ce conclave à peu près de la manière qu’elles existent aujourd’hui (Chateaubriand). Le conclave de Venise qui vous a élu pape m’a un peu l’air d’avoir été inspiré par ma campagne d’Italie (Vigny). conclaviste [kɔ̃klavist] n. m. (de conclave ; 1546, Rabelais). Ecclésiastique chargé de servir un cardinal pendant la durée du conclave. concluant, e [kɔ̃klyɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de conclure ; v. 1585, Cholières). Qui établit de façon irréfutable la conclusion à laquelle on veut arriver : À des raisonnements concluants il répondait par l’objection d’un enfant qui mettrait en question l’influence du soleil en été (Balzac). L’expérience n’ayant pas paru concluante, ce fut ensuite le tour de M. Roux d’aller à la porte et celui de Mme Bergeret de restituer la scène d’amour (France). • SYN. : convaincant, décisif, définitif, démonstratif, indiscutable, irrésistible, péremptoire, probant. — CONTR. : contestable, discutable. conclure [kɔ̃klyr] v. tr. (lat. concludere, enfermer, finir, conclure ; v. 1120, Psautiers d’Oxford et de Cambridge, au sens de « ne pas empêcher qu’on tombe dans les mains de l’ennemi » ; sens 1-2, fin du XIVe-début du XVe s. ; sens 3, 1640, Corneille ; sens 4, v. 1360, Froissart). [Conj. 62.] 1. Amener à son règlement définitif ; régler exactement les clauses d’un accord, d’une convention : Conclure un pacte, un armistice, un marché, une affaire. Songez à conclure avec la reine un bon traité de commerce (France). ∥ 2. Class. Décider, arrêter, fixer : Vous qui [...] | Avez conclu vous-même et hâté leur voyage (Racine). ∥ 3. Class. Parachever ; mettre le comble à : Voici le jour heureux | Qui doit conclure enfin nos desseins généreux (Corneille). ∥ 4. Amener à sa fin, terminer ; en particulier, clore un discours, un écrit par une phrase ou un développement qui marque son caractère achevé : Car, disait Antoine pour conclure son homélie, nous étions des Mauprat l’année dernière (Sand). ∥ Absol. Donner une conclusion : Aucun génie n’a conclu et aucun grand livre ne conclut, parce que l’humanité elle-même ne conclut pas (Flaubert). Je conclus enfin : « Puisque vous savez que cette maladie rend triste, vous ne devez pas vous étonner d’être triste ni en prendre de l’humeur » (Alain). ∥ 5. Tirer une conséquence de données qui précèdent : Qu’ils en concluent ce qu’ils voudront contre le déisme, ils n’en concluront rien contre la religion chrétienne (Pascal). J’en conclus que... • SYN. : 1 signer, traiter ; 4 achever. % v. tr. ind. (XIIIe s.). Conclure à (et un nom), aboutir à la conclusion de, à la suite d’un examen, d’un raisonnement : Pour admettre cet acte, il fallait conclure à la folie (Maupassant) ; spécialem., en style juridique, se prononcer pour, après examen, délibération : Les juges conclurent à la mort. ∥ Class. Conclure à (et un infinitif), décider de, après délibération : Je conclus à lui donner de l’émétique (Molière). % v. intr. (XVe s.). Conclure contre, ou en faveur de, se prononcer contre, ou en faveur de : L’homme du faubourg Saint-Germain a toujours conclu de sa supériorité matérielle en faveur de sa supériorité intellectuelle (Balzac) ; être concluant : Aucun indice ne conclut contre lui. Tous les témoignages concluent en sa faveur. conclusif, ive [kɔ̃klyzif, -iv] adj. (lat. scolast. conclusivus, de conclusum, supin de concludere, conclure ; v. 1460, Chastellain). Qui indique, qui exprime une conclusion : Un paragraphe conclusif. conclusion [kɔ̃klyzjɔ̃] n. f. (lat. conclusio, action de fermer, achèvement, conclusion, de conclusum, supin de concludere [v. CONCLURE] ; milieu du XIVe s., Modus, au sens 1 ; sens 2-4, v. 1265, J. de Meung). 1. Action de conclure quelque chose, de le mener à son règlement définitif : La conclusion d’un traité. Il pressait de toutes ses forces la conclusion d’un mariage dont il attendait le bonheur de sa fille (France). ∥ 2. Issue, dénouement d’une situation : Le conflit approche de sa conclusion. ∥ 3. Spécialem. Partie qui termine un discours, un écrit, qui en résume l’idée générale, en dégage le sens : Avant d’en venir à cette conclusion, le ministre protestant fournit les preuves (Chateaubriand). La conclusion d’un livre. ∥ 4. Conséquence logique tirée de données antérieures : Vous m’accuseriez peut-être de vouloir tirer quelque méchante conclusion (Mérimée). Craignant les conclusions qu’elle pouvait tirer de mon oubli (Gide). ∥ Spécialem. En logique, proposition qui clôt un raisonnement ; dans un syllogisme, proposition qui se déduit des deux premières propositions, appelées prémisses. • SYN. : 1 réalisation ; 2 fin, terme ; 3 épi- logue, péroraison ; 4 déduction. — CONTR. : 1 amorce, ouverture, préliminaires ; 2 commencement, début, naissance ; 3 avant-propos, avertissement, avis, exorde, exposition, introduction, préambule, préface, présentation, prologue. % En conclusion loc. adv. Pour finir, pour conclure, ou en conséquence. % conclusions n. f. pl. (av. 1453, Monstrelet). 1. Acte de procédure par lequel le représentant d’une des parties porte les prétentions de celle-ci à la connaissance du tribunal et de la partie adverse : L’avocat a déposé ses conclusions. Les conclusions ont été jugées irrecevables. On prend des conclusions, puis on rend un arrêté conforme au bon plaisir du maire (Courier). ∥ 2. Conclusions du ministère public, avis qu’il exprime sur la valeur des prétentions des parties. concombre [kɔ̃kɔ̃br] n. m. (altér. de co[u] combre, anc. provenç. cocombre, du bas lat. cucumer, -eris [lat. class. cucumis] ; 1256, Ald. de Sienne). 1. Plante potagère de la famille des cucurbitacées. ∥ 2. Fruit de cette plante, de forme allongée, que l’on consomme comme légume ou en salade. concomitamment [kɔ̃kɔmitamɑ̃] adv. (de concomitant ; 7 mars 1874, Journ. officiel). De manière concomitante. concomitance [kɔ̃kɔmitɑ̃s] n. f. (lat. scolast. concomitantia, de concomitari, accompagner ; XIVe s., B. de Gordon, au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet). 1. Coexistence ou évolution simultanée de deux choses : La concomitance de deux phénomènes. ∥ 2. Par concomitance, en termes de théologie, par la nature inséparable de deux objets. • SYN. : 1 coïncidence, simultanéité. concomitant, e [kɔ̃kɔmitɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. concomitans, part. prés. de concomitari, accompagner ; 1503, G. de Chauliac, au sens 1 [sons concomitants, 1845, Bescherelle] ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Qui se produit en même temps qu’un autre fait : La perte des hommes [à Austerlitz] n’est rien ; ce sont des circonstances concomitantes qui ont fait tout le mal (J. de Maistre). ∥ Sons concomitants, sons harmoniques qui accompagnent le son fondamental. ∥ Variations concomitantes, variations simultanées et proportionnelles de certains phénomènes. ∥ 2. Grâce concomitante, en termes de downloadModeText.vue.download 125 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 839 théologie, grâce divine qui accompagne la décision libre. • SYN. : 1 coexistant, coïncidant, simultané. • REM. Concomitant peut recevoir un complément introduit par de : Une élévation du niveau de vie concomitante de l’accroissement de la production. concordance [kɔ̃kɔrdɑ̃s] n. f. (de concorder ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens de « réconciliation » ; sens actuels, XIIIe s.). 1. Rapport de conformité entre deux ou plusieurs choses ou faits : La concordance de leurs aspirations les rendit tout de suite amis (Maupassant). La concordance des dates. ∥ Table de concordance, en linguistique, index qui fait ressortir le rapprochement entre tous les emplois d’un même mot dans un texte ou une oeuvre. ∥ Concordance des temps, en grammaire, règles suivant lesquelles le temps du verbe d’une proposition subordonnée dépend du temps de celui de la proposition principale. (V. art. spécial.) ∥ 2. Concordance des Évangiles, ouvrage dans lequel sont rapprochés les textes des quatre Évangiles, de manière à en montrer la similitude. ∥ Concordance de la Bible, index alphabétique des mots employés dans la Bible, avec l’indication, pour chaque mot, de la référence des passages où il est cité. • SYN. : 1 accord, affinité, coïncidence, correspondance, harmonie, ressemblance, synchronisme. — CONTR. : 1 antagonisme, désaccord, divergence, opposition. GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE LA CONCORDANCE DES TEMPS On réunit sous le chef de la concordance des temps des faits qui ressortissent à l’ « accord » (v. ce mot) dans le domaine temporel. Soit une phrase unique à verbe unique, telle que : (1) Pierre est venu. Le choix du temps de ce verbe est fait par le locuteur — soit Jean — en fonction seulement de l’époque qu’il veut désigner : le point de référence est l’instant présent, le moment de la parole. Disons que le repérage est « absolu ». Soit une phrase complexe à deux verbes, prononcée par le même locuteur : (2) Pierre a dit qu’il était venu. Le choix du temps du verbe a dit (V1) est fait comme dans l’exemple 1 par repérage absolu, mais le temps du verbe était venu (V2) est choisi en référence au moment où Pierre a parlé, moment passé, défini par a dit. Le repérage est « relatif ». Le temps de V2 est conditionné par le temps de V1, et ce conditionnement est ce qu’on entend par « concordance ». Les grammairiens, depuis Oudin (1632) jusqu’au XXe s., se sont appliqués à formuler de prétendues règles gouvernant étroitement le choix des temps, que le verbe V2 soit au subjonctif ou à l’indicatif. En réaction contre leur dirigisme grammatical, F. Brunot écrivait en 1922, dans la Pensée et la langue : « Ce n’est pas le temps principal qui amène le temps de la subordonnée, c’est le sens. Le chapitre de la concordance des temps se résume en une ligne : il n’y en a pas » (p. 782). Cette déclaration — dont le caractère de boutade s’accentue quand on l’isole du contexte — doit se comprendre de deux façons, non exclusives l’une de l’autre. • 1° La « concordance » n’est autre chose que l’application normale de la valeur des temps. Ainsi, le plus-que-parfait a pour fonction propre d’exprimer l’aspect accompli ou l’antériorité à un moment passé : il est à sa place dans l’exemple 2. Que l’on passe du point de vue de Jean à celui de Pierre importe peu, et ce cas ne doit pas être distingué du cas suivant, où des repères différents sont adoptés par une seule et même personne : (3) J’ai cassé l’assiette que j’ avais peinte. L’emploi pour V1 du passé composé (j’ai cassé) n’impose l’emploi du plus-queparfait pour V2 que dans la mesure où le sujet parlant veut marquer l’antériorité de V2 par rapport à V1 ; l’imparfait serait employé si l’action V2 était en cours d’accomplissement au moment de V1 : (4) J’ai cassé l’assiette que je peignais. Quant à savoir pourquoi l’imparfait peignais est préféré dans cette dernière phrase à un passé composé ou à un passé simple, ce n’est plus seulement une question de « temps », c’est aussi une question d’ « aspect » (v. ce mot). Les « règles de concordance » devraient tenir compte de l’aspect. Elles ne le pouvaient pas à l’époque où Brunot écrivait la Pensée et la langue, et c’est pourquoi le tableau en huit pages qu’il substitue au tableau en une page d’un de ses prédécesseurs n’apporte rien d’essentiellement nouveau. En 1954, Knud Togeby dénonça cette lacune et donna l’exemple d’une étude de la « concordance des aspects » (Studia neophilologica). Les cas traditionnellement évoqués de concordance entre deux verbes ne doivent pas non plus être distingués des cas où le repère temporel est donné par un adverbe : En 1604, Henri IV régnait sur la France. K. Togeby parle de « concordance complexe » quand le choix du « temps » est conditionné à la fois par le temps du verbe principal et par le sens de la conjonction subordonnante ; comparer : Je l’ai reconnu dès qu’il a chanté. Je l’ai reconnu pendant qu’il chantait. Comme on le voit, l’étude de la « concordance des temps » ainsi comprise n’a pas d’autre limite que l’étude de la valeur des temps — disons plutôt des « tiroirs » de la conjugaison, pour emprunter à Damourette et Pichon (Des mots à la pensée) un terme moins ambigu. Il est des tiroirs de repérage absolu (comme le présent, le futur, le passé simple ou le passé composé) et des tiroirs de repérage relatif, traditionnellement appelés « temps relatifs » (comme le plus-que-parfait, le futur antérieur, le conditionnel). Ce sont ces derniers dont l’emploi dans le discours est ordinairement codifié par les « règles de concordance ». • 2° Les « règles de concordance » méconnaissent la liberté que conserve souvent l’auteur d’une phrase de choisir entre deux repérages. Ainsi, les phrases des exemples précédents numérotés 2 et 3 seront facilement remplacées, dans la langue familière, par : (4) Pierre a dit qu’il est venu. (5) J’ai cassé l’assiette que j’ ai peinte. Le temps du verbe V2 est choisi par repérage absolu, et non plus « relatif », et c’est le contexte qui nous permet d’établir éventuellement une relation d’antériorité de V2 à V1. Aucune loi n’interdit en principe à celui qui parle ou qui écrit de maintenir son propre présent pour point de référence, ou d’y revenir quand il lui plaît. Ce retour, on le verra, peut être souhaitable. Négligence ou intention, il explique beaucoup des infractions invoquées par les négateurs de la « règle ». TIROIRS D’INDICATIF À REPÈRE FUTUR Les faits de « concordance » n’ont intéressé les grammairiens que dans la mesure où le repérage relatif entraîne un autre tiroir que le repérage absolu. On ne prend donc pas en considération les cas où les deux repères coïncident (verbe principal au présent : Pierre prétend qu’il est venu). La concordance dans l’avenir n’a guère de place dans les grammaires normatives. C’est qu’on utilise souvent, adossés à un repère futur, deux tiroirs qui s’adossent organiquement au présent : (6) Il se plaindra qu’il a faim. (7) Il croira qu’il a perdu la clef. Dans ces exemples, le tiroir « présent » du verbe V2 indique une action simultanée à V1, le tiroir « passé composé » une action antérieure. Les mêmes formes qui servent au repérage absolu à partir de downloadModeText.vue.download 126 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 840 l’instant présent sont donc utilisées pour un repérage relatif au futur ; la notion de « concordance » n’a pas ici plus d’utilité que n’en a la notion d’accord en genre pour un adjectif comme jaune. Le repérage relatif en V2 peut faire place au repérage absolu : (8) Il se plaindra qu’il aura faim. (9) Il croira qu’il aura perdu la clef. Dans la phrase 8, le futur aura ne marque pas expressément la simultanéité de l’action V2 avec V1 ; celle-ci ressort du contexte. Ailleurs, la forme de futur simple traduira une action à venir antérieure ou postérieure à l’action principale : (10) Il revendra le livre que vous lui donnerez. (11) Vous lui donnerez un livre qu’il revendra. Dans les phrases 8, 10 et 11, le futur en V 2 est absolu, rapporté à l’instant de la parole, et la relation de V2 à V1 est impliquée (différemment) par le sens de l’entourage. Du futur antérieur de la phrase 9, on peut seulement dire qu’il marque l’antériorité relativement à un moment donné futur par repérage absolu. Aucune forme n’est propre à marquer une action postérieure à un moment futur. Le repérage relatif de V2 est normal dans les propositions compléments d’un verbe de déclaration ou de pensée (exemples 6 et 7). Dans les propositions relatives, temporellement plus indépendantes de leur principale, le repérage relatif est licite, mais souvent fâcheux par les ambiguïtés qu’il occasionne : A ma mort, je vous laisserai tout ce qui me reste. S’agit-il de tout ce qui reste au moment de la parole, ou de tout ce qui restera à une date qu’on veut croire lointaine ? Le futur (tout ce qui me restera) ne laisserait dans ce cas aucun doute. TIROIRS D’INDICATIF À REPÈRE PASSÉ Le système verbal français comporte à l’indicatif un certain nombre de tiroirs à repérage spécifiquement passé ; les règles de concordance en donnent ordinairement la liste suivante : — l’imparfait, marquant une action simultanée au repère passé : Je m’aperçus qu’il dormait ; — le plus-que-parfait, marquant une action antérieure au repère passé : Je m’aperçus qu’il s’était endormi ; — le conditionnel présent, marquant une action ultérieure au repère passé : Il promit qu’il viendrait ; — le conditionnel passé, marquant une action antérieure à un moment ultérieur au repère passé : Il promit qu’il viendrait dès qu’il aurait reçu la lettre. Cette liste suffit à qui limite l’étude aux cas de « discours indirect », comme on le fait, pour des raisons pratiques, dans les classes, où il semble que l’on entende par « règles de concordance » les règles de transposition d’un texte du plan présent au plan passé. Dans les propos au « discours direct », celui qui parle énonce au présent des actions ou des vérités générales dont la réalisation s’étend, dans des mesures variables, à la fois sur le passé et sur l’avenir : Il dort. La Terre tourne. Deux et deux font quatre. C’est l’aspect sécant (v. ASPECT), qui, sans être inhérent au tiroir présent, lui est associé presque obligatoirement dans ces conditions d’emploi. L’imparfait, étant le seul tiroir passé qui exprime l’aspect sécant, devient l’homologue du présent dans le discours indirect adossé au passé. De la même manière, le plus-que-parfait (à auxiliaire imparfait) devient l’homologue du passé composé (à auxiliaire présent). Dormait montre un sommeil commencé depuis un temps indéfini ; s’était endormi montre un état commencé depuis un temps indéfini. Mais, en dehors du discours indirect, d’autres aspects peuvent être à exprimer, et l’on rencontre, par exemple, toujours le passé simple après ce fut... qui : Ce fut Tartarin qui paya la note (A. Daudet). La locution c’est... que n’a pour fonction, dans de telles phrases, que de donner valeur prédicative au nom Tartarin, qui serait sujet dans la phrase simple : Tartarin paya la note ; le passé simple, conformément à sa valeur aspectuelle organique, montre l’action s’accomplissant depuis son début. Il en est de même après les verbes et locutions d’ « événement », comme ce fut alors (ce jour-là, etc.) que, il arriva (advint) que : Ce fut à 20 heures que le spectacle commença (I. Némirovsky). Il advint qu’on vola trois melons à Mme Cornouiller (A. France). Certaines conjonctions impliquent ce même aspect soit pour l’action subordonnée, soit pour l’état succédant à son accomplissement (« concordance complexe » de K. Togeby) : Le silence s’établit dès que le directeur entra. Le bavardage reprit aussitôt qu’il fut sorti. On peut collectionner quantité d’exemples d’emploi du passé simple en proposition subordonnée (comme l’a fait, entre autres, Poul Høybye, dans Revue romane, 1966). Il faudrait les examiner dans le cadre d’une étude des propositions subordonnées conjonctives et relatives. Ces exemples, comme on l’a montré, n’infirment en rien la traditionnelle « règle de concordance », entendue dans le champ restreint des propositions du discours indirect : subordonnées (conjonctives ou interrogatives) ou indépendantes (« style indirect libre »). Le grammairien danois Holger Sten (les Temps du verbe fini en français moderne, 1952), s’attaquant, après Brunot, à la règle de concordance (entre-temps défendue par Damourette et Pichon), réunit trois exemples d’infractions du type suivant : Mais il découvrait que la religion lui fut surtout un refuge (F. Mauriac). Il s’agit évidemment d’un de ces retours au repérage absolu dont on a posé plus haut la légitimité : Mauriac se substitue à son personnage dans l’énonciation d’un jugement qui constitue pour celui-ci la découverte. Substitution licite, mais dont on doit avouer qu’elle est très rare dans de telles conditions. Un cas beaucoup plus banal est celui des vérités permanentes : Il estoit expérimenté Et sçavoit que la méfiance Est mère de la seureté (La Fontaine, Fables). La Fontaine rappelle une maxime atemporelle, ordinairement énoncée au présent. Vous releviez un peu votre jupe pour ne pas la mouiller, si bien que je pus voir que vous avez des pieds charmants (A. Dumas fils). Le galant homme qui parle n’a garde de laisser croire, en employant l’imparfait, que ces charmes furent passagers. Une opposition peut être mise en évidence entre l’imparfait de concordance exprimant une croyance mal fondée et le présent qui soustrait le fait à la relativité d’un jugement particulier : Le Saturnien, convaincu que notre monde est habité, s’imagina bien vite downloadModeText.vue.download 127 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 841 qu’il ne l’était que par des baleines (Voltaire). Mais des raisons stylistiques subtiles amènent parfois les écrivains à prendre le contre-pied de cet usage ; voici un présent de valeur ironique, selon Damourette et Pichon (§ 1718) : Chez nous, il était admis que tous les sentiments conventionnels sont vrais (A. Maurois). Un autre cas d’infraction apparente aux habitudes de concordance résulte de la double valeur du passé composé. Fonctionnant comme un « passé tensif » (v. ASPECT) dans tous les exemples donnés ci-dessus, ce tiroir n’a bien souvent, dans ses emplois familiers ou non, que sa valeur originelle de « présent extensif », exprimant l’état présent qui résulte d’une action révolue. Cette valeur autorise ou favorise — associée à d’autres facteurs — le repérage d’un verbe subordonné à partir du présent : J’ai compris qu’elle se moque de moi. (C’est maintenant une certitude, et le fait reste présentement vrai.) Il m’a promis qu’il sera des nôtres ce soir. (Je me fonde présentement sur cette promesse, dont l’échéance est d’ailleurs à venir dans les deux sortes de repérage.) Une autre catégorie de perturbations est liée à l’emploi du « présent de narration », qui peut fonctionner comme un repère présent ou passé ; dans un récit, l’usage flotte donc entre : Il pousse (= poussa) la porte qui donne sur le jardin et : Il pousse la porte qui donnait sur le jardin. La première solution — formellement plus cohérente — est préférée dans les cas de discours indirect : On frappe ; il crie que la porte est (et non était) ouverte. Mentionnons enfin, pour mémoire, une violation si peu justifiée que Brunot luimême (p. 789) en approuvait la condamnation ; elle s’observe en proposition relative chez les poètes romantiques, pour qui elle n’a sans doute jamais été autre chose qu’une licence commode : Le soleil regardait le vieillard qui se meurt (Hugo). TIROIRS DE SUBJONCTIF Au subjonctif (v. ce mot), aucune variation morphologique ne marque un repérage futur : Nous regrettons / Nous regretterons qu’il soit absent. Nous regrettons / Nous regretterons qu’il nous ait quittés. On se trouve dans la même situation qu’aux phrases 6 et 7 pour l’indicatif. Mais, à la différence de l’indicatif, le subjonctif ne donne pas la possibilité de marquer le futur par repérage absolu : le « présent » du subjonctif vaut pour l’avenir comme pour le présent : Je doute qu’il soit chez lui maitenant / demain. Le repérage passé n’est pas non plus marqué dans le français parlé : Nous regrettions qu’il soit absent. Nous regrettions qu’il nous ait quittés. Mais la langue littéraire conserve un jeu de formes dont une des fonctions spécifiques était de marquer le repérage passé ; ce sont l’imparfait et le plus-que-parfait : Nous regrettions qu’il fût absent. Nous regrettions qu’il nous eût quittés. La « règle de concordance » au subjonctif, déjà formulée par les grammairiens latins (consecutio temporum), pèse encore sur l’expression littéraire, alors que les formes d’imparfait du subjonctif ont disparu de l’usage parlé. Cette règle, dans l’usage classique même, souffre des exceptions analogues à celles qu’on rencontre à l’indicatif. Un verbe principal au passé composé favorise, dans sa valeur de présent extensif, un repérage à partir du présent : Dieu a entouré les yeux de tuniques fort minces, transparentes au devant, afin que l’on puisse voir au travers (d’Olivet). [L’état créé par Dieu est présent, et la possibilité qui en résulte est permanente.] Mon père a consenti que je suive mon choix (Corneille). [Fort du consentement acquis, je suis présentement mon choix.] Il a fallu, pour mes péchés, que cette passion lui soit venue en tête (Molière). [Décision passée du destin, dont résulte un état présent tenace.] Le repérage relatif n’en gardait pas moins ses droits : J’ai voulu que des coeurs vous fussiez l’interprète (Racine). On rencontre, en revanche, des imparfaits du subjonctif après un verbe principal au présent : Il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien (Molière).[La proposition principale désigne, en fait, une période passée.] Il faut qu’il fût riche alors, car il acheta une superbe maison (Stendhal).[La déduction logique est présente, mais porte sur un fait passé.] D’autres infractions sont propres au cas du subjonctif. L’imparfait de ce mode a présenté, dès le Xe s., un emploi comme marque d’irréel, où l’a secondé plus tard le plus-que-parfait (v. CONDITION). Disparu au XVIIe s. dans les « systèmes hypothétiques », cet imparfait irréel survivait dans certaines propositions complétives où le subjonctif, obligatoire, excluait le conditionnel : Je n’y veux point aller, De peur qu’elle ne vînt encor me quereller (Molière, Tartuffe). [« Si j’y allais, elle viendrait me quereller ; voilà de quoi j’ai peur » ; le subjonctif présent ne marquerait pas cette nuance, l’imparfait fonctionne ici comme un « conditionnel du subjonctif ».] Le conditionnel proprement dit (v. ce mot) est originellement un temps du passé ; il l’est encore dans une bonne partie de ses emplois et, de ce fait, entraîne l’imparfait dans une complétive au subjonctif : Il espérait qu’elle voudrait bien qu’il lui parlât. En français classique, cette construction s’étendait à tous les emplois du conditionnel, même s’il n’était qu’une marque de doute ou de politesse affectant un verbe dont l’action se situe au moment de la parole : Comment voudriez-vous qu’ils traînassent un carrosse ? (Molière). Quelquefois, pourtant, le sens l’emportait sur l’automatisme : Et ne sauroit souffrir qu’une phrase insipide Vienne à la fin d’un vers remplir la place vide (Boileau, Satires). Dans l’usage moderne, les écrivains, soit par inattention, soit de propos délibéré, downloadModeText.vue.download 128 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 842 observent de moins en moins la règle de concordance au subjonctif : Xavier, sans répondre, attendit que le couple ait pénétré dans le bureau (F. Mauriac). Il eût aimé que j’en sois tourmentée (F. Sagan). Les formes insolites étant aujourd’hui exclues du bon style, les écrivains scrupuleux, sans violer la règle, qui garde un certain crédit, tournent le plus souvent la difficulté par la transformation des subordonnées trop prétentieuses en constructions infinitives. Des phrases aussi ridicules que : Rien ne s’opposait à ce que les voleurs filassent dans la campagne. Elle apporta de l’eau afin qu’ils se lavassent deviennent aisément : Rien n’empêchait les voleurs de filer dans la campagne. Elle leur apporta de l’eau pour se laver. LA CONCORDANCE AU MODE NOMINAL L’infinitif (v. ce mot) se caractérise par une indépendance temporelle totale. Son « présent » comme son « passé » (aspect accompli ou temps antérieur) s’adossent indifféremment aux repères présents, passés et futurs : Je l’empêche / Je l’ai empêché / Je l’empêcherai de filer. Le subjonctif a conquis en français parlé la même indépendance. Il en est de même pour l’indicatif dans certaines langues, comme le polonais, où le tiroir du verbe subordonné indique simultanéité, antériorité ou ultériorité par rapport à l’action principale sans marquer si celle-ci est présente, passée ou future (Léon Zawadowsky, Kwartalnik Neofilologiczny, 1967). Une pareille tendance à l’indistinction s’est manifestée en français, mais les tiroirs relatifs au présent ne se sont étendus qu’au plan de l’avenir (v. plus haut) : relativement au passé, il est impossible de dissocier la marque de relation chronologique de l’indication du caractère passé du repère. Les temps passés de l’indicatif comportent de plus des indications d’aspect dont le choix est lié non seulement au repère temporel, mais à la conjonction introductrice (comme il approchait / dès qu’il approcha). On peut penser que le mode nominal connaît tout au moins une semblable opposition d’aspect si l’on y inclut le gérondif (v. ce mot), qui s’oppose aux autres formes par le même aspect sécant que l’imparfait ; aussi s’est-il associé à la préposition en, signe d’intériorité (spatiale ou temporelle) ; comparer : avant d’entrer, pour entrer, sans entrer, après être entré, en entrant. HISTORIQUE Les « règles » modernes de la concordance des temps remontent au latin — à part l’usage du conditionnel, dont le développement est roman. Il n’est donc pas surprenant qu’on les trouve observées dès les premiers textes du français. I. INDICATIF Carles se dort, li empereres riches : Sunjat qu’il eret as greignurs porz de Sizer [Il rêva qu’il était aux plus grands ports de Cize] (la Chanson de Roland). ...jura come loiax chevaliers qu’il ceste queste maintendroit un an et un jor (la Queste del Saint-Graal). Le plus-que-parfait, qui apparaît dès les premiers textes, était cependant peu employé ; on lui préférait le passé antérieur : Quant Renart vit qu’il ot falli, Forment se tint a malbailli (Roman de Renart), ou le retour au repérage absolu : Et si li ont dit et conté Comment il trouverent pasmé A l’uis de la cambre Amadas (Amadas et Ydoine). Des flottements très nombreux s’observent dans l’application de la règle, tenant surtout à l’alternance continuelle, dans les propositions indépendantes ou principales du récit, et particulièrement de l’épopée, de trois temps à peu près synonymes : le passé simple, le passé composé, le présent narratif. Ce dernier temps était indifféremment tenu pour un repère présent ou passé : Li auquant dient qu’ele en estoit fuie, et li autre dient que li quens Garins l’a faite mordrir [Les uns disent qu’elle s’était enfuie, et les autres disent que le comte Garin l’avait fait assassiner] (Aucassin et Nicolette). Mais, en contrepartie, un passé simple pouvait fonctionner comme un repère présent : Et on li dist qu’ele est en l’ost et si i avoit mené tox ciax du païs [On lui dit (passé) qu’elle était à l’armée et y avait mené tous ceux du pays] (ibid.). Et Floovam jura, quant s’ est agenoilliez... [Et Floovant jura, quand il se fut agenouillé...] (Floovant). A plus forte raison, le passé composé, comme il arrive souvent aujourd’hui, pouvait être tenu pour un présent : Venus la desse d’amor Qui est sa mere, li a noncié Que Troïen sont trebuchié [... lui a annoncé que les Troyens étaient abattus] (Énéas). Après un repère futur, l’antériorité est quelquefois exprimée au passé composé dans des constructions qui ne l’admettraient plus aujourd’hui : Jel vu dirrai quant tu me l’ as demandé [Je vous le dirai quand tu me l’auras demandé] (la Chanson de Guillaume). II. SUBJONCTIF Ne dites mie que je nul tort vos face [Ne dites pas que je vous fasse aucun tort] (le Couronnement de Louis). En talent ot qu’il li colpast le chief [Il eut envie de lui couper la tête] (ibid.). Les infractions dont l’inventaire a été fait à propos de la langue classique se rencontrent au Moyen Âge, multipliées par le flottement de la base temporelle qu’on vient de signaler : L’eglise guarde, qu’ele ne fust guastée (ibid.). Prist l’olifan, que reproce n’en ait (la Chanson de Roland). Proïe m’a que vienge a toi [Il m’a priée que je vienne à toi] (Passion du Christ). Dans le vers suivant, l’auteur exprime au présent un jugement qu’il porte sur le comportement passé d’un saint ermite : Ne cuit qu’oncques alumast feu [Je ne crois pas qu’il allumât jamais du feu] (Contes de la vie des pères, XIIIe s.). Après un conditionnel s’observait le même flottement que de nos jours, avec une prédominance, toutefois, de l’imparfait : Ne voldreie por nule rien Qu’ele eüst d’autre robe point (Érec). Mes d’une chose vos vodroie proier, Que ja gloton n’ aiez a conseillier (le Charroi de Nîmes). L’imparfait fonctionnait, bien entendu, comme « conditionnel du subjonctif » : Cuidiez vos ore qu’ alasse reculant ? [Croyez-vous qu’alors je reculerais ?] (le Couronnement de Louis). downloadModeText.vue.download 129 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 843 G. Moignet a montré (Essai sur le mode subjonctif, 1959) comment ces infractions devinrent plus rares du XIIe au XIIIe s., surtout dans la prose, à mesure qu’une plus grande cohérence était exigée dans l’emploi des temps du récit. Dès cette époque, le système avait à peu près acquis le degré de pureté qu’il présente dans la littérature moderne. Dans le français parlé, un grand changement fut apporté par la disparition graduelle de l’imparfait du subjonctif, sensible dès le XVIIe s. et dont on lira ailleurs les étapes (v. SUBJONCTIF). concordant, e [kɔ̃kɔrdɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de concorder ; v. 1260, Adam de la Halle). 1. Vx. Qui s’accorde bien avec quelque chose : J’en avais trouvé les vers et la mélodie, que j’ai été obligé de faire noter et qui a été trouvée très concordante aux paroles (Nerval). ∥ 2. Se dit de choses qui s’accordent entre elles (surtout au plur.) : Des témoignages concordants. ∥ 3. Class. Où règne la concorde : Rose avait marié sa petite-fille à Portail ; le mariage ne fut point concordant (Saint-Simon). concordat [kɔ̃kɔrda] n. m. (lat. médiév. concordatum, de concordare [v. CONCORDER] ; 1482, Bartzsch, au sens 1 ; sens 2, XVIe s. ; sens 3, 1787, Féraud). 1. Accord entre le Saint-Siège et un État souverain pour régler les rapports entre cet État et l’Église. ∥ Absol. Le Concordat, celui de 1801, conclu entre Pie VII et Bonaparte (prend une majuscule en ce cens) : Vous consentez au sacre de la même manière que, l’autre fois, au Concordat (Vigny). ∥ 2. Par extens. et littér. Ce qui met fin aux discordes : Jusqu’au jour où le grand concordat humain sera conclu (Hugo). ∥ 3. Traité signé entre un commerçant ayant déposé son bilan et ses créanciers, et par lequel ceux-ci lui accordent des délais de remboursement, et, souvent, une réduction de sa dette. concordataire [kɔ̃kɔrdatɛr] adj. (de concordat ; 1842, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Qui a rapport à un concordat : Loi concordataire. ∥ Spécialem. Évêques concordataires, ceux qui approuvèrent le Concordat de 1801. ∥ 2. Qui a obtenu un concordat commercial : Failli concordataire. concorde [kɔ̃kɔrd] n. f. (lat. concordia ; v. 1155, Wace). Union des coeurs et des volontés entre individus, ou entre peuples, qui entretient un état de tranquillité et de paix : Tout respire ici la joie, la concorde et la paix (France). • SYN. : accord, entente, fraternité, harmonie, union. — CONTR. : antagonisme, discorde, dissension, dissentiment, division, guerre, hostilité, mésintelligence. concorder [kɔ̃kɔrde] v. intr. (lat. concordare, s’accorder ; v. 1130, Eneas, comme v. tr. ind. [v. ci-dessous] ; ce verbe, devenu rare à partir du XVIIe s., a été repris, en 1777, par Linguet). Présenter des rapports de similitude, de conformité : On devrait, au moins par prudence, ne jamais parler de soi, parce que c’est un sujet où on peut être sûr que la vue des autres et la nôtre propre ne concordent jamais (Proust). • SYN. : s’accorder, s’assortir, cadrer, s’harmoniser. — CONTR. : contraster, se contredire, différer, s’opposer. % v. tr. ind. Concorder avec ou (vx) à, être en accord avec : Pour mener un parti, ne faut-il pas concorder à ses idées (Balzac). Des jeux de physionomie ne concordant pas aux paroles (Goncourt). La déposition du témoin concordait parfaitement avec les déclarations du prévenu ; en parlant d’époques, de dates ou de faits dans leur relation au temps, coïncider : Le bail fut consenti pour dix-huit années, afin de le faire concorder à celui de la rue des CinqDiamants (Balzac). concourant, e [kɔ̃kurɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de concourir ; 1753, Encyclopédie). Qui converge vers un même point, un même but : Droites concourantes. Forces concourantes. • SYN. : convergent. — CONTR. : divergent. concourir [kɔ̃kurir] v. tr. ind. [à] (altér., d’après courir, de concurre [XIVe s.] et concurrer [fin du XVe s.], lat. concurrere, se rencontrer, se joindre, de cum, avec, et currere, courir ; milieu du XVIe s., au sens de « se rencontrer en un même lieu » ; sens 1-2, 1636, Monet). [Conj. 21.] 1. Tendre à un même effet, à un même résultat, en parlant de choses : L’air glacial, la profondeur caverneuse du sol concourent à faire de ces maisons des espèces de cryptes (Balzac). Tout concourait à la majesté tragique de cette minute suprême (Hugo). À la dignité de l’attitude concourait, sans se laisser voir, la souplesse d’une taille charmante (Proust). ∥ 2. Coopérer, contribuer à un résultat commun, en parlant de personnes : Concourir au succès d’une entreprise. % v. intr. (sens I, 1, 1681, Bossuet ; sens I, 2, 1636, Monet ; sens I, 3, 1753, Encyclopédie ; sens II, 1, 1690, Furetière ; sens II, 2, 1751, Voltaire). I. 1. Class. Se produire au même moment, coïncider dans le temps : [Cette époque] a encore ceci de remarquable qu’elle concourt à peu près avec le temps où Rome retourne à l’état monarchique (Bossuet). ∥ 2. Class. Se prêter une assistance mutuelle : Ces puissances doivent concourir et se prêter la main mutuellement, et non se regarder avec jalousie (Bossuet). ∥ 3. En mathématiques, converger vers un même point de manière à s’y rencontrer : Dans un triangle, les médianes concourent en un même point. II. 1. Être sur le même rang que d’autres pour faire valoir une prétention : Tous les créanciers concourent lorsqu’ils ont une hypothèque de même date. ∥ 2. Entrer en concurrence, en compétition avec d’autres pour obtenir un prix, un emploi, un titre, etc. ; participer à un concours : Joseph Bertrand concourut à onze ans avec les jeunes gens qui se présentaient à l’École polytechnique et satisfit à toutes les épreuves (France). ∥ Par extens. Se dit des ouvrages envoyés à un concours : Tableaux admis à concourir. concours [kɔ̃kur] n. m. (lat. concursus, course en masse, rencontre, concurrence [avec influence phonétique de cours] ; début du XIVe s., au sens de « recours » ; sens I, 1, 1574, Amyot ; sens I, 2, 1636, Monet ; sens I, 3, 1834, Landais ; sens II, 1, 1644, Descartes ; sens II, 2, 1690, Furetière ; sens II, 3-4, 1660, Oudin). I. 1. Class. et littér. Affluence, rassemblement de personnes en un même lieu : Il fréquente les temples où se fait un grand concours (La Bruyère). Pendant tout le lundi, le concours fut immense audit palais (Stendhal). Un grand concours de foule, du monde à toutes les fenêtres ; mais, malgré tout, la gaieté, l’entrain n’étaient pas de la fête (Daudet). Il était nuit close quand le cortège bruyant fit son entrée dans Papeete, au milieu d’un grand concours de peuple (Loti). ∥ 2. Class. et littér. Rencontre, coïncidence de choses tendant à un même but : Fuyez des mauvais sons le concours odieux (Boileau). Je suis venu au monde par un concours fortuit de causes (Restif de La Bretonne). Quel concours d’harmonies préétablies ! (France). Un concours de circonstances. ∥ 3. Vx. En géométrie, rencontre, intersection dans l’espace : Point de concours de deux droites. II. 1. Action de contribuer à une action commune ; coopération : Louis XIII ne s’était pas résolu à prêter à l’Empereur le concours de ses armées (Bainville). Demander le concours de quelqu’un. ∥ Spécialem. Participation d’une personne, conjointement avec une autre, à un acte juridique, ou de plusieurs personnes à un même acte. ∥ 2. En termes juridiques, compétition de personnes ayant les mêmes droits : Concours entre créanciers. ∥ 3. Examen, ensemble d’épreuves qui met en compétition des candidats à l’obtention d’un emploi, d’un prix, d’un titre, attribué à un nombre limité d’entre eux, en fonction de leur classement : Le concours de l’agrégation. L’élève a un droit obtenu au concours dont on ne peut le priver (Renan). ∥ Concours général, ensemble de compositions qui ont lieu chaque année entre les meilleurs élèves des classes supérieures de tous les lycées et collèges de France. ∥ 4. Exposition solennelle, et donnant lieu à l’octroi de récompenses, de produits obtenus ou de travaux accomplis par les concurrents : downloadModeText.vue.download 130 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 844 Concours agricole. ∥ Hors concours, dans la situation d’un candidat qui a déjà obtenu la récompense décernée à un concours et qui n’est plus admis à concourir : Une première médaille le mit hors concours (Maupassant) ; fam. et adjectiv., qui témoigne d’une supériorité éclatante sur les autres, dans un domaine quelconque : Un tireur hors concours. concrescence [kɔ̃krɛsɑ̃s] n. f. (dér. savant du lat. concrescere, croître ensemble, de cum, avec, et crescere, croître ; 1888, Larousse). En botanique, croissance en commun de plusieurs organes. concret, ète [kɔ̃krɛ, -ɛt] adj. (lat. concretus, épais, compact, part. passé de concrescere, croître ensemble, s’épaissir ; début du XVIe s., au sens I ; sens II, 1, 1704, Trévoux ; sens II, 2-3, fin du XIXe s.). I. Vx. Se dit, par opposition à fluide, d’une substance solide, épaisse : Le sol est un sable blanc, solide et recouvert d’une croûte concrète et saline (Lamartine). II. 1. Se dit, par opposition à imaginaire, de ce qui est réel, effectif, et, par opposition à abstrait, d’une représentation qui reproduit l’objet tel qu’il est donné dans l’expérience : Il ne se faisait pas de la souffrance humaine une idée concrète et physique, il s’en faisait une idée purement morale et dogmatique (France). ∥ Noms concrets, ceux qui désignent des êtres ou des choses perceptibles à nos sens. ∥ Termes concrets, ceux qui désignent des êtres ou des objets, non des qualités, des manières d’être. ∥ 2. Qui se rapporte à quelque chose de précis, de matériel, de tangible : Des promesses concrètes. Des avantages concrets. ∥ 3. Se dit d’une personne qui a le sens des réalités, qui s’intéresse surtout à ce qui tombe sous le sens : Les orthodoxes sont trop concrets, ils tiennent à des faits, à des riens, à des minuties (Renan). Il unissait l’esprit concret des hommes de race anglaise à l’âme insatisfaite et passionnée par le rêve d’un Hindou (Tharaud). • SYN. : II, 1 matériel, physique, tangible ; 2 palpable, réel ; 3 positif, pratique, réaliste. — CONTR. : II, 1 immatériel, irréel ; 2 illusoire, imaginaire, utopique ; 3 idéaliste, rêveur. % concret n. m. (XIXe s.). Ce qui est concret : On va du concret à l’abstrait par cette opération bien connue qu’on nomme l’abstraction (Cousin). concrètement [kɔ̃krɛtmɑ̃] adv. (de concret ; XXe s.). De façon concrète ; pratiquement : Concrètement, voici comment se présente la situation... concréter [kɔ̃krete] v. tr. (de concret ; fin du XVIIIe s., au sens I ; sens II, 1872, d’après Littré, 1877). [Conj. 5 b.] I.Vx. Rendre concret, solide : Le froid concrète la plupart des liquides. II. Vx. Rendre concret ; donner une forme réelle, individualisée : Ce qui fait l’art, à savoir la pensée concrétée (Flaubert). [C’est là] que resplendit le sujet général du porche, celui qui concrète les Évangiles (Huysmans). % se concréter v. pr. (av. 1850, Balzac). I. Vx. Se coaguler. II. Vx. Prendre corps : Les pensées se concrètent autour d’une figure qui leur est jetée par hasard (Balzac). concrétion [kɔ̃kresjɔ̃] n. f. (lat. concretio, agrégation, assemblage, de concretus [v. CONCRET] ; 1537, J. Canappe, aux sens 1-2 ; sens 3, 1753, Encyclopédie). 1. Vx. Action de s’épaissir : La concrétion du sang. ∥ 2. Agrégation de particules arrivant à former un corps solide ; le corps ainsi formé : Concrétion calcaire. ∥ 3. Spécialem. Production morbide de formations solides dans l’épaisseur des tissus organiques, dans les articulations, dans certains conduits, etc. : Concrétion arthritique, biliaire. • SYN. : 3 calcul, pierre. concrétionné, e [kɔ̃kresjɔne] adj. (de concrétion ; 1842, Acad.). 1. En termes de géologie et de minéralogie, qui a été soumis au concrétionnement. ∥ Qui est fait de concrétions ou présente des concrétions. ∥ 2. Par extens. et littér. Qui prend l’aspect d’une concrétion : Des nuages aux rondeurs solides et concrétionnées (Goncourt). concrétionnement [kɔ̃kresjɔnmɑ̃] n. m. (de concrétion ; XXe s.). En géologie, action qui donne naissance aux concrétions. concrétisation [kɔ̃kretizasjɔ̃] n. f. (de concrétiser ; XXe s.). Action de rendre concret ; forme concrète ainsi donnée : Il me suffit que chaque trait de ce récit soit d’une éloquence admirable, permette au coeur d’intervenir et gonfle de vie cette concrétisation de l’abstrait (Gide). concrétiser [kɔ̃kretize] v. tr. (de concret ; fin du XIXe s.). Donner une forme concrète, perceptible aux sens, à ce qui est abstrait, idéal, imaginaire : L’arrivée de son hôtesse vint opportunément concrétiser ces rêveries (Chevallier). % se concrétiser v. pr. Se manifester sous une forme concrète, sensible : Son impression se concrétisait dans cette phrase vague, qu’elle se répétait avec accablement : « Rien de bon ne peut sortir de là » (Martin du Gard). concubin n. m. V. CONCUBINE. concubinage [kɔ̃kybinaʒ] n. m. (de concubine ; 1407, Du Cange). État d’un homme et d’une femme qui vivent maritalement sans être mariés : L’étal radieux d’un concubinage autorisé (Goncourt). • REM. On dit aussi, plus rarement, CONCUBINAT. concubinaire [kɔ̃kybinɛr] n. m. et adj. (lat. médiév. concubinarius, de concubina, concubine ; XIVe s., Godefroy). Vx. Celui qui vit en concubinage : Deux ou trois prêtres soi-disant mariés, mais en réalité concubinaires (Barbey d’Aurevilly). concubinat [kɔ̃kybina] n. m. (lat. concubinatus, concubinage, de concubina, concubine ; v. 1590, Marnix de SainteAldegonde, au sens 2 ; sens 1, 1845, Bescherelle). 1. Chez les Romains, sorte de mariage morganatique entre des personnes de condition inégale. ∥ 2. SYN. de CONCUBINAGE. concubine [kɔ̃kybin] n. f. (lat. concubina, de concumbere, coucher avec ; 1213, Fet des Romains). Femme qui vit maritalement avec un homme sans être mariée avec lui : On les voit [les Égyptiens] assez ordinairement n’avoir qu’une épouse ou une concubine esclave (Nerval). • REM. Le masc. CONCUBIN (XIVe s.) est vieilli ; il se rencontre surtout pour désigner (au plur.) les gens vivant en concubinage : La plupart sont des concubins ou des époux qui s’attardent dans les brasseries (Huysmans) ; ou, en droit romain, pour désigner celui qui avait contracté la forme d’union dite concubinat. concubiner [kɔ̃kybine] v. intr. (de concubine ; 1658, Godefroy). Vx. Vivre en concubinage : La quinquagénaire faisandée qui concubinait avec l’immonde Chapuis avait été une femme assez aristocratiquement belle (Bloy). Elle concubinait avec l’un des amis de l’amant de Jeanne (Huysmans). concupiscence [kɔ̃kypisɑ̃s] n. f. (lat. ecclés. concupiscentia, de concupiscere, désirer ardemment ; v. 1265, Br. Latini). Dans la langue des théologiens, attirance naturelle éprouvée par l’homme pour les biens sensibles : Les trois concupiscences des théologiens sont le désir de savoir, de sentir, de dominer. ∥ Spécialem. Désir des plaisirs sensuels : Et le vent furibond de la concupiscence | Fait claquer votre chair ainsi qu’un vieux drapeau (Baudelaire). concupiscent, e [kɔ̃kypisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. concupiscens, -entis, part. prés. de concupiscere, désirer ardemment ; « mot créé par d’Alembert », au XVIIIe s., d’après Acad., 1842 [aussi dans Landais, 1834]). 1. Qui éprouve de la concupiscence ; qui est attaché aux plaisirs des sens : Le côté concupiscent de notre nature. ∥ 2. Qui exprime la concupiscence, et, spécialem., le désir sexuel : Paroles concupiscentes. concurremment [kɔ̃kyramɑ̃] adv. (de concurrent ; 1596, Guénoys, au sens 1 ; sens 2-3, 1690, Furetière). 1. Conjointement, en conjuguant son action avec celle d’un autre : Agir concurremment avec quelqu’un. ∥ 2. En concurrence avec : Il briguait ce poste concurremment avec d’autres. ∥ 3. Simultanément, à la fois : Je lis concurremment le « Dieu est-il frandownloadModeText.vue.download 131 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 845 çais ? » de Sieburg [...] et le « Frankreich » de Curtius (Gide). concurrence [kɔ̃kyrɑ̃s] n. f. (de concurrent ; 1392, E. Deschamps, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1690, Furetière [jusqu’à concurrence de, 1740, Acad.] ; sens II, 1, 1559, Amyot ; sens II, 2, 1748, Montesquieu ; sens II, 3, av. 1850, Balzac). I. 1. Vx. Le fait de se trouver ensemble au même moment, dans le même lieu ; rencontre : La peinture [...] demande la concurrence immédiate d’une foule de qualités (Baudelaire). ∥ Concurrence d’offices, dans la liturgie catholique, coïncidence, aux secondes vêpres, des offices de deux fêtes doubles consécutives. ∥ 2. Le fait de se trouver sur un pied d’égalité pour exercer un droit : Deux créanciers qui exercent en concurrence une hypothèque de même date. ∥ Jusqu’à concurrence de, jusqu’à ce que telle limite soit atteinte. II. 1. Rivalité entre personnes, activités, forces qui tendent à un même but : Entrer en concurrence avec un rival. La concurrence (qui est l’un des traits les plus frappants de l’ère moderne) a atteint de très bonne heure, en Méditerranée, une intensité singulière : concurrence des négoces, des influences, des religions (Valéry). ∥ Concurrence vitale, lutte pour la vie, qui s’établit entre les espèces et aboutit à la sélection naturelle des sujets les plus aptes. ∥ 2. Situation mutuelle des commerçants d’un marché dont chacun cherche à attirer la clientèle par des prix plus avantageux, des conditions de vente ou une qualité meilleures : Elles n’allaient pas, les affaires. La concurrence était terrible (Maupassant). ∥ Régime de libre concurrence, système économique qui ne comporte aucune intervention de l’État en vue de limiter la liberté de l’industrie et du commerce, et qui considère les coalitions de producteurs comme des délits. ∥ 3. Vx et fam. Entreprise de transports publics qui fait concurrence à une autre, et, par extens., voiture de messageries : Il allait s’établir une concurrence pour le service de Tours à Chinon (Balzac). • SYN. : II, 1 compétition, lutte. — CONTR. : II, 1 alliance, entente, union. concurrencer [kɔ̃kyrɑ̃se] v. tr. (de concurrence ; 13 mai 1868, le Moniteur universel). [Conj. 1 a.] Faire concurrence à ; être en concurrence avec : Des matières plastiques qui concurrencent le cuir. concurrent, e [kɔ̃kyrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. concurrens, -entis, part. prés. de concurrere [v. CONCOURIR] ; 1119, Ph. de Thaon, au sens I, 2 ; sens I, 1, 1546, Ch. Estienne ; sens II, 1 [comme n. et adj.] 1552, R. Estienne ; sens II, 2 [comme n. et adj.], 1692, Kuhn). I. 1. Qui vient se rencontrer, s’unir avec ; qui tend au même but : Forces concurrentes. Actions concurrentes. ∥ 2. Jours concurrents, ou concurrents n. m. pl., jours que l’on ajoute à ceux des cinquante-deux semaines de l’année (un pour les années ordinaires, deux pour les bissextiles) pour faire concorder année civile et année solaire. II. 1. Qui entre en compétition avec : Un vétérinaire et un avocat concurrents au même siège dans une de nos circonscriptions rurales (Bainville). ∥ 2. Spécialem. Qui entre en concurrence dans le domaine économique : Industries concurrentes. % n. 1. Personne qui entre en compétition avec d’autres pour obtenir quelque chose : Il reçut l’avis qu’il était nommé membre du Conseil général de la Commune. Candidat depuis quatre ans, il avait été élu sans concurrent (France). ∥ 2. Rival dans le domaine commercial, industriel : Cette maison pratique des prix inférieurs à ceux de ses concurrents. concurrentiel, elle [kɔ̃kyrɑ̃sjɛl] adj. (de concurrence ; 16 juin 1872, Journ. officiel). 1. Capable d’entrer en concurrence : Nos prix doivent être concurrentiels. ∥ 2. Où peut s’exercer la concurrence : Un marché concurrentiel. • SYN. : 1 compétitif. concussion [kɔ̃kysjɔ̃] n. f. (lat. concussio, secousse, concussion, de concussum, supin de concutere, ébranler, extorquer de l’argent à ; v. 1450, Échecs amoureux, au sens de « ébranlement » ; sens actuel, 1559, Amyot). Abus qu’un fonctionnaire fait de son autorité en percevant indûment et sciemment de l’argent de ceux qui dépendent de lui : Le crime de concussion (Code pénal). Sosie [...], par les concussions [...], s’est enrichi sur les ruines de plusieurs familles (La Bruyère). • SYN. : exaction, extorsion, malversation, prévarication. concussionnaire [kɔ̃kysjɔnɛr] adj. et n. (de concussion ; 1559, Amyot). Coupable de concussion : Ces coquins l’avaient, par leur dépense, poussé à la ruine et contraint à des actes pour lesquels il était poursuivi comme concussionnaire (France). • SYN. : prévaricateur. condamnable [kɔ̃danabl] adj. (de condamner ; 1404, Ordonnance royale, écrit condempnable, au sens de « [viande] inutilisable » ; sens actuels, début du XVIe s. [condemnable ; condamnable, 1587, F. de La Noue]). 1. Qui tombe sous le coup de la loi : Le vol est un acte condamnable. ∥ 2. Qui encourt la réprobation générale : On le disait de moeurs condamnables ; il était ce soir-là en compagnie de deux jeunes gens (Zola). • SYN. : 1 coupable, délictueux, fautif, punissable ; 2 blâmable, critiquable, indigne, répréhensible. — CONTR. : 1 innocent ; 2 irréprochable, louable, recommandable. condamnateur, trice [kɔ̃danatoer, -tris] n. et adj. (lat. condemnator, celui qui fait condamner, de condemnatum, supin de condemnare [v. CONDAMNER] ; début du XVIe s., écrit condemnateur ; condamnateur, 1776, Voltaire). Celui, celle qui condamne. (Peu usité.) condamnation [kɔ̃danasjɔ̃] n. f. (lat. condemnatio, condamnation, de condemnatum, supin de condemnare [v. CONDAMNER] ; XIIIe s., écrit condem[p]nation ou condam[p]nassion, aux sens I, 1 et 3 ; sens I, 2, 1413, Bartzsch ; sens I, 4, 1541, Calvin ; sens I, 5, 1681, Bossuet ; sens II, XXe s.). I. 1. Décision d’un tribunal qui oblige l’un des plaideurs à satisfaire au moins partiellement à la prétention de son adversaire : Condamnation aux dépens. ∥ Décision d’une juridiction répressive prononçant une peine contre l’auteur d’un crime, d’un délit ou d’une infraction : Condamnation à une peine de prison. Condamnation à mort. ∥ Accepter, subir condamnation, ne pas interjeter appel de la sentence par laquelle on est condamné. ∥ Passer condamnation, accepter d’avance un jugement en faveur de la partie adverse ; au fig., reconnaître qu’on a eu tort et cesser toute opposition, toute discussion. ∥ 2. La peine même qui est prononcée par le tribunal : Être frappé d’une lourde condamnation. Subir sa condamnation jusqu’au bout. ∥ 3. Action par laquelle les autorités religieuses taxent d’erreur une doctrine, un livre : La condamnation des cinq propositions de Jansénius. ∥ 4. Fig. Action de blâmer très sévèrement, de réprouver des moeurs de son époque : Les « Satires » de Juvénal sont une condamnation. L’amour-propre souffre plus impatiemment la condamnation de nos goûts que de nos opinions (La Rochefoucauld.) ∥ 5. Fig. Acte, fait, écrit portant témoignage contre quelque chose ou contre quelqu’un : Le marasme économique auquel elle a abouti est la condamnation de cette politique. II. Action d’interdire ou de rendre inutilisable une ouverture, un passage : La condamnation d’une porte, d’une fenêtre. • SYN. : I, 2 punition, sanction ; 3 interdit ; 4 attaque, blâme, critique, désaveu, réprobation ; 5 négation, procès. condamnatoire [kɔ̃danatwar] adj. (de condamner ; XVe s., Bartzsch, écrit condemnatoire [v. CONDAMNER] ; condamnatoire, 1559, Amyot). Qui porte condamnation : Sentence condamnatoire. condamné, e [kɔ̃dane] n. (part. passé substantivé de condamner ; 1580, Montaigne). Personne frappée d’une condamnation par un tribunal : Il est toujours plus facile de signer de loin un arrêt de mort que de le prononcer en face du condamné (Daudet). Comment passeriezvous votre dernière nuit de condamnée ? downloadModeText.vue.download 132 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 846 (Bernanos). ∥ Vx. Travailler comme un condamné, travailler péniblement et sans relâche, à la manière d’un forçat. condamner [kɔ̃dane] v. tr. (lat. condemnare, condamner, de cum- intensif et damnare, condamner, de damnum, dommage, tort ; fin du Xe s., Vie de saint Léger, écrit condemner, au sens de « blesser » [l’orthogr. condampner, XIIe s., Herman de Valenciennes, puis condamner, v. 1360, Froissart, est due à l’influence de damner ; condemner a subsisté jusqu’au XVIIe s.] ; sens I, 1, v. 1120, Psautier d’Oxford ; sens I, 2, 1863, Littré ; sens I, 3, v. 1657, Pascal ; sens I, 4, fin du XVIIe s., Bossuet ; sens I, 5, milieu du XVIe s., Ronsard ; sens I, 6, 1348, Godefroy ; sens I, 7, 1675, Widerhold ; sens I, 8, 1541, Calvin ; sens II, 1, v. 1360, Froissart ; sens II, 2, 1678, Jal). I.1.Condamner quelqu’un, prononcer contre lui un jugement qui le reconnaît coupable et lui inflige une peine : Condamner quelqu’un à verser des dommages-intérêts. Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent (Voltaire). Les cas de sorciers et de sorcières condamnés au feu ou à la corde (Hugo). ∥ Condamner un acte, un état, etc., le déclarer passible d’une condamnation : La loi condamne la fraude, la bigamie. ∥ 2. Déterminer, entraîner la condamnation de quelqu’un, en parlant d’un fait, d’une preuve, etc. : Ce témoignage a condamné l’accusé. ∥ 3. Condamner un livre, une doctrine, les déclarer erronés, non conformes à une orthodoxie : Condamner le jansénisme, une hérésie. ∥ 4. Condamner un malade, le déclarer perdu : Les médecins l’ont condamné. ∥ 5. Fig. Astreindre, contraindre à quelque chose de pénible : Le despotisme condamne les hommes à déguiser leurs vertus (Constant). Condamné au repos, il partageait son temps entre la lecture et la promenade (Balzac). ∥ 6. Considérer comme répréhensible, blâmer hautement, souvent pour des raisons morales : Ce raisonnement déplut aux Nains, et l’un d’eux [...] le condamna avec indignation (France). Qu’un autre, s’il lui plaît, vous condamne, | Amères joies de la chair et des sens (Gide). Condamner les abus. ∥ 7. Porter témoignage contre : Quant au nombre, sa précision même le condamne (Valéry). ∥ 8. Class. Condamner de, taxer de : Faire condamner de calomnie et d’imposture (Saint-Simon). II.1.Condamner une ouverture, une porte, etc., en interdire l’accès, la rendre inutilisable : Une simple porte condamnée séparait les deux chambres (Zola). ∥ Fig. Condamner sa porte, refuser de recevoir qui que ce soit. ∥ 2. Déclarer hors d’usage ou de service : La modicité du loyer dans des maisons condamnées à disparaître avait engagé la cousine Bette à loger là (Balzac). • SYN. : I, 2 accabler, charger, perdre ; 5 forcer, obliger, réduire ; 6 critiquer, désapprouver, désavouer, flétrir, réprouver, stigmatiser. ∥ II, 1 barrer, boucher, murer, obstruer. — CONTR. : I, 1 acquitter, amnistier, gracier, réhabiliter, relaxer ; 2 disculper, innocenter ; 6 accepter, applaudir, apprécier, louer, priser. • REM. 1. Dans la langue classique, l’infinitif complément de condamner était introduit par de : Quelqu’un vient d’être condamné en justice de payer pour un autre (La Bruyère). Aujourd’hui, on dit condamner quelqu’un à payer. 2. Le motif de la condamnation s’exprime par le moyen de la prép. pour : Condamner quelqu’un pour vol. L’emploi de la prép. sur est vieilli : On ne voulut pas les condamner sur cela (Courier). condensable [kɔ̃dɑ̃sabl] adj. (de condenser ; 1803, Boiste). Qui peut être condensé, réduit à un moindre volume. condensateur [kɔ̃dɑ̃satoer] n. m. (de condenser ; 1753, Encyclopédie, au sens de « appareil à condenser des gaz » ; sens 1, 1832, Raymond ; sens 2, 1929, Larousse). 1. Appareil servant à emmagasiner une charge électrique : Un condensateur est un système de deux conducteurs séparés par un milieu isolant. ∥ 2. Lentille servant à éclairer un objet dont on veut former une image. condensation [kɔ̃dɑ̃sasjɔ̃] n. f. (lat. impér. condensatio, condensation, de condensatum, supin de condensare [v. CONDENSER] ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2-3, 1866, Larousse). 1. Passage d’une vapeur à l’état liquide ou solide par compression ou par refroidissement : La condensation de la vapeur d’eau sur la vitre gêne le conducteur de la voiture. ∥ 2. Accroissement de charge électrique. ∥ 3. Fig. Action de condenser, de ne garder que l’essentiel : Je veux arriver à cet état de condensation des sensations qui fait le tableau (Matisse). % condensations n. f. pl. Gouttes ou ruissellement d’eau provenant de la condensation de la vapeur d’eau sur des parois froides. condensé, e [kɔ̃dɑ̃se] adj. (part. passé de condenser).) 1. Qui a repris la forme liquide : De la vapeur d’eau condensée. ∥ 2. Lait condensé, lait qui a été rendu plus dense par élimination d’eau : Vous viendrez un jour avec moi. Un jour que j’aurai quelque chose de lourd à porter : un poêle à pétrole ou des lainages, ou une caisse de lait condensé (Duhamel). Le soir même, M. de Coantré acheta du lait condensé, des conserves (Montherlant). [On dit plus souvent LAIT CONCENTRÉ.] ∥ 3. Fig. Qui ne contient que l’essentiel pour l’expression de la pensée ; concis : Style condensé. % condensé n. m. (XXe s.). 1. Présentation résumée d’un ensemble de faits, d’une oeuvre littéraire : Le condensé d’un roman. ∥ 2. Recueil où sont réunis des résumés, des extraits de plusieurs articles. condenser [kɔ̃dɑ̃se] v. tr. (lat. condensare, rendre épais, de condensus, compact, de cum- intensif et densus, épais ; 1314, Mondeville, au sens 1 ; sens 2, 1863, Renan ; sens 3, milieu du XIXe s., SainteBeuve). 1. Faire passer un corps de l’état gazeux à l’état liquide, par refroidissement ou par compression : Le froid condense la vapeur d’eau. ∥ 2. Fig. Comprimer, accumuler, en parlant des sentiments, de l’affectivité : Tout cela fut refoulé, condensé, pressé en son coeur, qui ne s’ouvrit jamais (Maupassant). ∥ 3. Fig. Réduire l’expression de la pensée à ses éléments essentiels et significatifs, en éliminant l’accessoire : Condenser l’essentiel d’une longue réflexion (Martin du Gard). Cette réponse est bien longue : il faut la condenser. • SYN. : 1 liquéfier ; 3 abréger, ramasser, résumer. condenseur [kɔ̃dɑ̃soer] n. m. (angl. condenser, tiré du v. to condense, condenser [empr. du franç.], par l’inventeur Watt, en 1769 ; 1796, Prony, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse ; sens 3-4, XXe s.). 1. Récipient dans lequel on reçoit la vapeur d’échappement de certaines machines thermiques et où elle se liquéfie après son action. ∥ 2. Appareil dans lequel le gaz de ville, après une première épuration, se condense et abandonne les impuretés qu’il contient. ∥ 3. Dans une installation frigorifique, appareil dans lequel le fluide frigorigène, préalablement comprimé, passe de l’état de vapeur à l’état liquide sous l’action d’un agent extérieur. ∥ 4. Système optique servant à éclairer l’objet examiné au microscope. condescendance [kɔ̃dɛsɑ̃dɑ̃s] n. f. (de condescendre ; 1609, François de Sales, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Complaisance qui amène quelqu’un à se mettre au niveau d’autrui et à céder à ses désirs (vieilli) : Devant le monde, elle restait douce pour lui, gardait une condescendance de grande soeur (Zola). Avec cet air de condescendance que l’on prend pour parler à des enfants (Daudet). Julius sourit avec une accommodante condescendance et, pour changer de sujet, demande à son beau-frère des nouvelles de sa sciatique, qu’il appelle par erreur « son lumbago » (Gide). ∥ 2. Péjor. Attitude plus ou moins hautaine ou dédaigneuse d’une personne qui accorde une faveur en montrant qu’elle pourrait la refuser : Sa condescendance, l’affectation de sa supériorité (Gide). • SYN. : 1 amabilité, bienveillance, cordialité, gentillesse, prévenance ; 2 arrogance, dédain, fierté, hauteur, morgue. % condescendances n. f. pl. (fin du XVIIe s., Bourdaloue). Vx. Actes de condescendownloadModeText.vue.download 133 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 847 dance : Ergoteur, roide et hirsute, l’ancien député de la noblesse de Riom se permet néanmoins des condescendances au pouvoir (Chateaubriand). condescendant, e [kɔ̃dɛsɑ̃dɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de condescendre ; XIVe s., Godefroy). Qui marque de la condescendance : Il lui parle d’une voix dédaigneuse et sèchement condescendante, comme on parle aux faibles, aux enfants, aux fous, aux malades ; n’est-ce pas un peu tout cela ? (Daudet). Il pensa qu’elle [sa femme] l’aimait encore et déposa sur son chignon un baiser condescendant (Maupassant). D’ailleurs, il a pour toutes les femmes ce sentiment paternel, un peu condescendant, qu’il a pour ses malades (Martin du Gard). « Tiens, vous êtes là, mon petit », dit-il en jetant sur Philippe un regard condescendant (Duhamel). • SYN. : arrogant, dédaigneux, hautain, protecteur, supérieur. condescendre [kɔ̃dɛsɑ̃dr] v. tr. ind. [à] (bas lat. condescendere, se mettre au niveau de, de cum, avec, et descendere, descendre ; XIIIe s., Sept Sages de Rome, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). [Conj. 46.] 1. Céder aux désirs, à la volonté de quelqu’un, par complaisance ou par bonté (vieilli) : Condescendre aux caprices d’un enfant. ∥ 2. Péjor. Consentir de mauvais gré à quelque chose et en faisant sentir qu’on s’abaisse à agir ainsi : L’entretien que j’ai condescendu à vous accorder, à la prière d’une personne qui désire que je ne la nomme pas, marquera pour nos relations un point final (Proust). Il semblait ne pas vouloir condescendre à discuter avec des profanes de choses qui lui tenaient à coeur (Martin du Gard). • SYN. : 1 accéder, consentir, se plier à, se prêter à ; 2 s’abaisser à, daigner. condiment [kɔ̃dimɑ̃] n. m. (lat. condimentum, de condire, confire, assaisonner ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne). 1. Assaisonnement à la saveur ou à l’odeur marquée, qu’on ajoute aux aliments en les préparant ou en les consommant : La moutarde est un condiment. ∥ 2. Fig. et littér. Ce qui donne du piquant, de l’accent, de l’intérêt à quelque chose : Mettre dans une musique un peu fade le condiment de quelques dissonances. condimenter [kɔ̃dimɑ̃te] v. tr. (de condiment ; 1889, Huysmans). Relever à l’aide de condiments : Une morue cuite avec des pruneaux et condimentée d’affreuses épices (Huysmans). • SYN. : assaisonner. condisciple [kɔ̃disipl] n. m. (lat. condiscipulus, de cum, avec, et discipulus, élève ; 1470, Livre de la discipline d’amour divine). Compagnon d’études, dans un établissement d’enseignement : La première fois que mes condisciples m’entendirent argumenter en latin, ils furent surpris (Renan). condit [kɔ̃di] n. m. (lat. conditum, vin aromatisé, de condire [v. CONDIMENT] ; 1458, Mystère du Vieil Testament, au sens de « condiment » ; sens 1, 1694, Th. Corneille ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Substance végétale (orange, cédrat, angélique, etc.) confite dans du sucre cristallisé. ∥ 2. Composé de vin, de miel, de poivre et de quelques autres aromates. condition [kɔ̃disjɔ̃] n. f. (bas lat. conditio, condition, lat. class. condicio, de condicere, fixer par accord, de cum, avec, et dicere, dire ; fin du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire, au sens II, 3 ; sens I, 1, 1538, R. Estienne ; sens I, 2, et II, 1, XIVe s. ; sens I, 3-5, XIIIe s. ; sens I, 6, 1863, Littré [pour un cheval ; pour un athlète, 1929, Larousse] ; sens I, 7, 1832, Raymond ; sens II, 2, 1863, Littré [condition sine qua non, 1798, Acad.]). I. 1. Sort, situation que les lois mêmes de sa nature imposent à un être : Si l’on tient compte des difficultés sans nombre de la condition humaine, la bienveillance générale est la vraie justice (Renan). L’homme meurt de même que la bête ; leur condition est la même (France). ∥ 2. Situation de l’homme telle qu’elle résulte des circonstances et qui, par conséquent, peut varier : Nous avons de fortes raisons de croire qu’au début de la guerre de Cent Ans la condition des paysans était généralement bonne en France (France). Les lois sociales visent à améliorer la condition de la classe ouvrière. ∥ 3. Class. et littér. Place que donnent à l’homme, dans la société, sa naissance, sa fortune, sa profession : Avec ses défauts, quand il [Ésope] n’aurait pas été de condition à être esclave, il ne pouvait manquer de le devenir (La Fontaine). Que chacun, à mon exemple, agisse selon sa condition (France). ∥ Class. Personne de condition, personne appartenant à la noblesse : C’est un extravagant qui s’est mis dans la tête de vouloir faire l’homme de condition (Molière). Soyez de condition, n’en soyez pas : une duchesse, une financière, c’est égal (Sedaine). ∥ 4. Vx. Être en condition, être domestique, servir comme domestique : Cela ne lui faisait pas honneur de laisser sa petite-fille ainsi traîner d’une ferme à l’autre, exposée [...] à toutes les misères des jeunesses en condition (Daudet). ∥ 5. Spécialem. et vx. État civil, juridique de la personne : Une femme française qui épousera un étranger suivra la condition de son mari (Code civil). ∥ 6. État physique ou moral d’une personne, d’un animal, qui doit leur permettre d’assurer au mieux les services qu’on attend d’eux : Un coureur qui n’est pas au mieux de sa condition. ∥ Mettre en condition un cheval, un athlète, les entraîner jusqu’à ce qu’ils aient acquis une forme physique parfaite. ∥ Fig. Mettre en condition des personnes, les préparer peu à peu à recevoir une nouvelle désagréable, à accepter une situation nouvelle sans réagir : La propagande met en condition l’opinion publique. ∥ 7. Condition des textiles, v. CONDITIONNEMENT. II. 1. Circonstance extérieure qui accompagne un fait, un acte, et qui joue en sa faveur ou contre lui (généralement au pluriel) : Grâce à des conditions politiques particulières, ce fut la France qui prit le pas sur l’ennemi (Bainville). ∥ 2. Spécialem. Circonstance à laquelle est rigoureusement subordonné l’accomplissement d’une action, ou la production d’un phénomène : Si vous oubliez une seule fois cette condition de ma présence ici, vous ne me reverrez plus (Maupassant). La transmission directe et par héritage de la couronne était apparue comme la condition même de la puissance politique (Bainville). L’ébullition d’un liquide se produit dans des conditions déterminées de température et de pression. ∥ Condition sine qua non, condition qui, si elle n’est pas observée, rend une chose absolument impossible. ∥ 3. Clause, obligation dont dépend la validité ou la réalisation d’une convention, d’un contrat, d’un marché : Pour les conditions, il n’y aura point de difficultés (Gautier). Les conditions d’un armistice, d’un accord commercial. Reddition sans condition. ∥ Spécialem. Modalité du prix d’un loyer, d’un séjour à l’hôtel : Pendant que ma grand-mère [...] discutait les conditions avec le directeur... (Proust). • SYN. : I, 1 destin, destinée ; 2 état ; 6 forme. ∥ II, 1 conjoncture ; 3 convention, stipulation ; prix, tarif. % À condition loc. adv. Sous certaines réserves : Vous me prenez à condition, voilà tout (Porto-Riche). ∥ Acheter à condition, acheter sous réserve de pouvoir rendre la marchandise après un délai convenu. % A (la) condition de loc. prép. (suivie de l’infinitif). À charge de, sous réserve de. % A (la) condition que loc. conj. (suivie du subjonctif ou de l’indicatif futur). Étant bien entendu que, étant convenu que. % Sous condition loc. adv. 1. Affranchir sous condition, autrefois, accorder la liberté à un serf à condition qu’il remplît certains services. ∥ 2. Administrer un sacrement sous condition, l’administrer sous réserve qu’une condition soit remplie : Baptiser un enfant sous condition qu’il n’ait pas déjà été baptisé ou soit encore vivant. downloadModeText.vue.download 134 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 848 GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE L’EXPRESSION DE LA CONDITION La condition paraît souvent se confondre avec la cause : Si vous agitez le mélange, il se trouble. Dans cette phrase, un phénomène A semble donné comme une circonstance suffisant à provoquer un phénomène B. Dans d’autres cas, on voit une grande différence entre les facteurs qui provoquent un phénomène et ceux qui le « conditionnent » : S’il fait beau, nous déjeunerons dehors. Le beau temps est une circonstance nécessaire, mais non suffisante, pour manger en plein air : il permet qu’on le fasse, il n’y force personne. Dans une autre catégorie de phrases, on verra un phénomène A présenté comme sans influence — causative ni permissive — sur un phénomène B : Si vous agitez le mélange, il ne se trouble pas. La première proposition équivaut ici moins à une subordonnée causale qu’à une concessive (Quoique vous agitiez le mélange...). Pour désigner le phénomène B, on ne peut donc pas user proprement du terme d’ « effet » ou de « conséquence ». Les rhéteurs nous ont légué une terminologie précise, mais qui s’applique aux propositions, non aux phénomènes : dans les trois exemples ci-dessus, la première proposition est la protase, la seconde l’apodose. Quand nous devrons nous placer dans le plan des phénomènes, nous pourrons distinguer, faute de termes offerts par la tradition, le conditionnant (qui est la « condition » elle-même, le phénomène A) et le conditionné (B). Ainsi, nous dirons que le conditionnant et le conditionné s’expriment parfois en une seule proposition : En cas de pluie, nous déjeunerons dedans. On peut serrer de plus près l’unité du rapport de conditionnant à conditionné en raisonnant sur les trois exemples donnés plus haut. Les trois phrases énoncent le rapport qu’on établit mentalement entre la réalisation imaginée du conditionnant et celle du conditionné. Dans le premier cas, l’une entraîne l’autre ; dans le deuxième cas également, car la phrase implique que le déjeuner en plein air ne dépend plus que du temps qu’il fera. Dans le troisième cas, la négation du conditionné annule un effet attendu. Dans les trois cas, un phénomène est énoncé en tant qu’influant ou n’influant pas sur la réalisation d’un autre ; ce rapport est donné comme un enchaînement virtuel, il n’est aucunement affirmé que la condition se trouve présentement, ou se soit trouvée, ou doive se trouver réalisée : il n’est pas dit si l’on agite ou non le mélange, ni si le temps est au beau. Deux autres termes, hypothèse et supposition, ont été employés par les grammairiens ; mais ces mots ont le défaut d’emporter, dans l’usage courant, une idée d’incertitude (La police n’a pu faire que des hypothèses sur l’identité de la victime. On suppose qu’il s’agit d’un étranger). Ils sont chargés, à la différence du mot condition, d’une nuance de doute, impliquant une pesée des chances de réalisation du phénomène considéré. Une telle pesée n’est d’ailleurs pas sans recevoir une expression grammaticale, qui se manifeste en français par l’emploi de certains temps (imparfait, conditionnel), ainsi qu’on le verra plus loin. Mais il s’agit là d’une indication indépendante de la condition en soi, même si elle y trouve son domaine d’expression privilégié. Les compléments de condition sont rangés parmi les « circonstanciels » (v. ce mot), c’est-à-dire dans une catégorie des compléments du verbe. Mais il est clair que chacun des termes liés au verbe peut être intéressé au premier chef par la réalisation de la condition : S’il fait beau, nous déjeunerons dehors (et non dedans) ; aussi bien chacun des termes de la proposition conditionnelle peut-il jouer le rôle essentiel dans la définition du conditionnant. De sorte qu’il paraît arbitraire de donner l’une des deux propositions pour subordonnée à un seul terme de l’autre ; il est plus juste de voir dans l’ensemble SUBORDONNÉE + PRINCIPALE un « système » logique à deux termes, dont aucun n’est une partie de l’autre. Contrairement aux autres subordonnées, les conditionnelles précèdent normalement leur principale (deux fois sur trois) : manifestation d’une antériorité logique ou psychologique de la condition sur le conditionné. COMPLÉMENTS DE CONDITION I. ADVERBES DE CONDITION Des adverbes comme alors, ainsi peuvent résumer une condition énoncée dans le contexte. L’adverbe éventuellement exprime l’idée que la réalisation d’un phénomène énoncé est soumise à une condition incertaine : J’achète du sérum pour soigner éventuellement une piqûre de vipère. II. NOMS OU PRONOMS La préposition sans et les locutions en cas de, à moins de, à défaut de, faute de expriment diverses nuances de la condition : Sans votre aide, je n’aurais pu finir. A moins de mauvais temps, nous déjeunerons dehors. A défaut de piano, il s’accompagnerait à la guitare. La locution n’était, dont on verra ciaprès l’origine syntagmatique, mais dont l’invariabilité facultative atteste la valeur globale prépositionnelle, exprime dans la langue littéraire une restriction hypothétique : N’était ses mains, cette fille serait jolie (A. de Châteaubriant). Une proposition conditionnelle se réduit souvent, par ellipse, à un simple nom complément : Sous cet arbre, nous serions mieux. Avec un chapeau, tu aurais moins chaud. Ce n’est pas assez pour voir dans les prépositions sous ou avec des marques de condition. III. VERBES Deux locutions prépositives introduisent des verbes à l’infinitif équivalant à une proposition subordonnée conditionnelle dont le sujet serait le même que celui du verbe principal ; ce sont à condition de et à moins de (comparer à condition que, à moins que) : A condition d’avoir beau temps, / A moins d’avoir la pluie, nous déjeunerons dehors. La simple préposition à suivie de l’infinitif peut, dans certains contextes, franchir le seuil du « moyen » pour exprimer la condition : A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire (le Cid). A plus forte raison si le verbe est de sens hypothétique : d’où la locution conjonctive à supposer que (v. plus loin). Le gérondif aussi peut, dans certains contextes, exprimer la condition : En venant dix minutes plus tard, vous ne nous auriez pas trouvés. D’où la locution conjonctive en admettant que. PROPOSITIONS CONDITIONNELLES I. COORDINATION On est vraiment dans la « coordination », définie par l’absence de toute dépendance downloadModeText.vue.download 135 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 849 grammaticale, avec des phrases comme la suivante : On lui parle, elle ne vous répond pas (Zola). Différentes marques peuvent cependant exprimer — sans sortir de la juxtaposition — la dépendance d’une proposition par rapport à l’autre : • 1° La modalité interrogative de la première : Trouve-t-il ce chemin barré ? Il accepte un détour (A. Maurois) ; • 2° La modalité impérative de la première, se traduisant par le mode impératif ou par le mode subjonctif, selon les personnes ; on trouve alors — facultativement — la conjonction et devant la seconde : Fais un pas, je t’assomme ! (Hugo). Que je ferme les paupières, et je revois l’hôpital (Duhamel). Qu’une crise se déclarât, et c’était un désastre (Zola). Dans la langue littéraire, quelques verbes (surtout venir) se rencontrent au subjonc- tif sans que, avec inversion du sujet : Vienne une invasion, le peuple est écrasé (Balzac). Ursule et Ida ne se comprenaient plus ; survînt la moindre crise, peut-être même deviendraient-elles ennemies (Estaunié) ; • 3° L’emploi du conditionnel simultanément dans les deux propositions, construction usuelle en français parlé : Vous seriez arrivée quelques heures plus tôt, vous l’auriez trouvée au chevet de son mari (H. Troyat). La langue littéraire connaît un tour semblable au subjonctif plus-que-parfait, éventuellement combiné avec l’inversion : Le corps eût-il été plus sec, l’accident n’aurait pas eu lieu (Gide) ; • 4° L’emploi, littéraire, de n’était ou n’eût été, suivi d’un sujet avec lequel le verbe s’accorde en principe : N’étaient le bordj et la mosquée, on chercherait en vain, de l’oeil, la cité des Matmata (Duhamel). N’eût été la fraîcheur de l’air, on se serait cru encore au mois d’août (M. Butor). S’il commande l’accord de n’était, le nom qui suit sera analysé comme « sujet » ; s’il n’y a pas accord, on devra le tenir pour un complément, et n’était pour une locution prépositive (v. plus haut) • 5° Dans plusieurs des types de phrase énumérés ci-dessus, l’emploi de la conjonction que marquant la solidarité logique des deux propositions, mais placée en tête de celle qui a le sens principal ; c’est un que de « subordination inverse » : Il les eût eus [ces trois mille francs], qu’il les aurait donnés (Flaubert). N’eût été le lac, que, fort bien, on eût pu se croire à Robinson (P. Frondaie). II. SUBORDINATION 1° Conjonctives introduites par « si ». Les différents systèmes qu’on rencontre se laissent classer en deux groupes, selon que le conditionnant est : a) accepté dans l’ordre des faits réels : Je le ferai encore, si j’ai à le faire ; b) rejeté du réel : Je le ferais encor, si j’avais à le faire (Le Cid). Dans le premier cas, la condition est donnée comme réalisable : rien n’empêche que le locuteur se trouve un jour à même de recommencer. Dans le second cas, la condition est donnée comme irréalisable : Rodrigue ne se cache pas d’avoir tué le comte, et ne peut présenter comme réalisable l’éventualité d’une nouvelle insulte — ce qu’impliquerait l’indicatif présent après si ; l’imparfait si j’avais rejette expressément la condition de l’ordre des faits réels. L’interprétation des phrases conditionnelles suppose la connaissance d’une casuistique temporelle assez complexe. • CONDITION POSÉE DANS LE RÉEL. C’est presque toujours le cas quand les deux verbes sont à l’indicatif : Si un triangle a deux côtés égaux, il est isocèle. Le cas est posé en général, comme possible ; on ne met pas en cause son application à un triangle particulier observable dans l’entourage. Si tu as des tickets, prête-m’en un. Il y a bien ici application à la situation présente : la possession de tickets est donnée comme un fait présentement possible, et l’action commandée est subordonnée à sa réalité. Si elle pensait à l’un, elle voyait apparaître l’autre (Gyp). Il s’agit d’une condition réalisée par intermittence dans le passé, et si pourrait être remplacé par quand. Si j’ ai des nouvelles, je te téléphonerai. Le fait est donné comme possible dans l’avenir ; une improbabilité pourrait être marquée par si jamais. Dans tous ces exemples, les temps sont employés avec leur valeur habituelle, sauf dans le dernier, où le présent après si exprime une condition future, alors que le futur reprend ses droits dans l’expression du conditionné. Une règle interdit en effet, en français parlé comme en français écrit, d’employer le futur après si ; ce temps est remplacé par le présent, et le futur antérieur par le passé composé : Si demain la température n’a pas baissé, vous me rappellerez. Les infractions à cette règle sont ou bien des incorrections de la langue populaire (si tu voudras), ou bien des libertés que prennent les écrivains, par exemple pour marquer expressément le caractère futur de la condition : Fais ce que tu veux si tu pourras le supporter indéfiniment (Valéry), ou lorsque si exprime moins une supposition qu’une position (si = puisqu’il est vrai que) : Pardon [...] si je ne puis t’aimer, si je ne t’ aimerai jamais ! (R. Rolland). • CONDITION REJETÉE DU RÉEL. Le sens irréel de la supposition ne fait pas difficulté quand l’action est située dans le passé : J’aurais joué du coeur, si j’en avais eu. Au plus-que-parfait de l’indicatif après si répond le conditionnel passé dans la principale. La langue littéraire use quelquefois dans les deux propositions, ou dans une seulement, du plus-que-parfait du subjonctif : S’il eût osé, il eût prié son nouveau patron de lui consentir une avance (J. Romains). Si François eût été vivant, elle l’aurait amené au cirque (A. Maurois). Si Georgette s’était retournée à ce moment, il fût mort de honte (M. Tinayre). Il y a, au contraire, ambiguïté quand les verbes de la phrase hypothétique sont à des temps simples ; comparer : 1. Si j’ étais un homme, je voudrais être marin. 2. Si j’ épousais un marin, je voudrais le suivre en mer. La première phrase est manifestement prononcée par une femme, et personne ne discutera le caractère irréel de la supposition exprimée à l’imparfait. La seconde phrase est prononcée par une downloadModeText.vue.download 136 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 850 femme pour qui le mariage est une éventualité possible : aussi beaucoup de grammairiens y voient-ils l’expression d’un « potentiel », et non plus d’un « irréel » ; ils distinguent un potentiel, dont le domaine est l’avenir, d’un irréel, limité au présent et au passé. Une telle distinction n’est évidemment pas pertinente en grammaire structurale, puisqu’elle n’est fondée que sur le sens contextuel — le signifiant (si + IMPARFAIT) étant identique dans les deux cas. Mais que vaut même ce fondement sémantique ? La personne qui prononce la phrase 2 pourrait tout aussi bien dire : 3. Si j’ épouse un marin, je voudrai le suivre en mer. L’emploi du présent (si j’épouse) au lieu de l’imparfait (si j’épousais) doit être significatif ; ne marque-t-il pas, précisément, le caractère « possible » de l’éventualité énoncée ? C’est là le véritable « potentiel », le seul marqué, alors que la phrase 2, affectant de donner l’action pour irréelle, coupe court à toute supputation, par l’interlocuteur, des chances de réalisation. Une forme unique de pensée doit être signifiée par la forme unique de l’imparfait après si (dans un contexte non passé) : il ne semble pas impropre de l’appeler « irréel », même si cet irréel couvre souvent, par métaphore, un fait dont la réalisation future est souhaitée (Si je gagnais le gros lot... — Si le docteur me demandait en mariage...) ; la locution dubitative si jamais convient particulièrement à ces cas. A la différence du système latin, qui opposait par le temps du subjonctif un irréel de l’avenir (si dives sim, « si j’étais riche un jour ») à l’irréel du présent (si dives essem, « si j’étais riche présentement »), le français confond, dans l’irréel, ces deux époques, et cela présente plus d’avantages que d’inconvénients ; dans bien des cas, la fiction s’applique indifféremment au présent et à l’avenir : Rodrigue tuerait le comte sur-le-champ comme il le ferait plus tard, s’il ne l’avait déjà tué. Comme le futur, le conditionnel est interdit après si hypothétique. Les infractions appartiennent encore à la langue populaire : Si tu voudrais, on travaillerait ensemble (F. Carco), ou s’expliquent par différentes valeurs de si éloignées de la condition (si = s’il est vrai que ; si en liaison avec c’est, etc.) : Si vous auriez de la répugnance à me voir votre belle-mère, je n’en aurais pas moins sans doute à vous voir mon beau-fils (Molière). Si jamais batailles auraient dû être gagnées, ce sont celles-là (A. Maurois). L’inventaire qu’on vient de lire des systèmes hypothétiques basés sur si ne considère que les cas typiques ; d’autres rapports temporels se rencontrent, dont l’expression découle des règles ainsi définies : Si j’ avais choisi ce métier, je serais riche (aujourd’hui). Si j’ étais égoïste, je ne t’aurais pas rendu ce service. Le rapport temporel des deux verbes peut être apparemment perturbé par des emplois métaphoriques dans la proposition principale ; exemples : Si tu pars pour l’Amérique, je te suis (le présent de la principale remplace un futur, avec la nuance d’une décision arrêtée dès à présent) ; Si j’avais joué coeur, je gagnais (l’imparfait remplace un conditionnel passé en apportant une nuance de certitude propre à l’indicatif : le locuteur se voit après coup gagner infailliblement ; c’est l’emploi appelé « imparfait d’imminence »). Ne laissons pas cette importante classe de subordonnées conditionnelles sans avoir dit qu’en cas de coordination la conjonction si peut être reprise par que, suivi du subjonctif : Si vous venez et qu’il fasse beau, nous déjeunerons dehors. En principe, dans ce cas, la nuance d’irréel peut être marquée par l’imparfait du subjonctif (Si vous veniez et qu’il fît beau), mais l’usage de ce temps, inconnu aujourd’hui de la langue parlée, est très obscurci dans la langue littéraire. La reprise par que n’est pas obligatoire : Si j’invite un camarade à dîner et s’il n’accepte pas tout de suite, je n’insiste jamais (J. Romains). Si entre dans les locutions excepté si, sauf si, comme si, qui ont les mêmes constructions. Il prend en fonction du contexte de nombreuses valeurs dérivées, telles que l’ « opposition » (v. le mot CONCESSION) : S’il était économe, sa femme dépensait bien pour deux. La valeur interrogative (Écoute s’il pleut) est encore plus éloignée de la valeur conditionnelle, dont elle dérive. 2° Autres conjonctions de condition. Quelques autres conjonctions, beaucoup moins employées que si, expriment diverses nuances de la condition ; ce sont principalement : — à (la) condition que, suivi du subjonctif ou de l’indicatif : C’est une tâche [...] sans inconvénient pour celui qui l’entreprend, à condition qu’il y soit apte (A. France). Maman m’a permis de revenir seule à la condition que je rentrerais de très bonne heure (P. Géraldy) ; — pourvu que, pour peu que, suivis du subjonctif : Les garçons, tous les mêmes, pourvu qu’ils voient tourner une machine, ils sont contents (G. E. Clancier). Pour peu que le gaspillage des cyclamens continue, nous verrons bientôt cette jolie fleur disparaître de nos forêts savoyardes (Theuriet) ; — à moins que, généralement suivi de ne « expressif », et avec le verbe au subjonctif : Il refusait impitoyablement de renouveler les baux, à moins qu’on ne consentît à des augmentations formidables de loyer (Zola) ; — supposé que, à supposer que, en admettant que, si tant est que, suivis du subjonctif : Nous déjeunerons dehors, si tant est qu’il fasse beau ; — dans le cas où, au cas où, généralement suivis du conditionnel : Au cas où la fièvre persisterait, rappelez-moi. La langue populaire connaît des fois que, quelquefois que, une supposition que, gouvernant (de façon très libérale) le conditionnel. 3° Relatives conditionnelles. Les propositions relatives sans antécédent, en fonction de sujet, constituent souvent avec leur principale de véritables systèmes hypothétiques : Qui veut la fin veut les moyens (= Si l’on veut la fin, on veut les moyens). Elles tiennent cette valeur du sens indéterminé de leur pronom. Une nuance d’irréel peut être donnée par l’emploi du conditionnel : Qui voudrait entrer n’aurait qu’à pousser la porte. Le lien conditionnel a tendu à prévaloir sur le lien syntaxique unissant la subordonnée à la principale : de là des downloadModeText.vue.download 137 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 851 constructions anciennes, se rencontrant encore chez La Fontaine : Bonne chasse, dit-il, qui l’aurait à son croc ! dans tel proverbe méridional : Qui perd une femme et quinze sous, c’est grand dommage de l’argent (Daudet), et dans une formule de computation transmise jusqu’au XXe s. : Qui de dix ôte sept, reste trois. HISTORIQUE I. COORDINATION L’ancien français, comme le français moderne, savait user de l’interrogation pour exprimer la condition en proposition indépendante ; souvent, la conjonction et soulignait le lien logique en tête de l’indépendante conditionnée : Biaus Sires, le volez vos Savoir et je le vos dirai (Fabliau du Povre Mercier). Il usait également de la modalité impérative : Ma vie est tote ens en mon doi, Quant cestui anelet i port : Tolés le moi, si m’arés mort [Enlevez-le-moi, vous m’aurez tué] (Chrétien de Troyes). Bien souvent, comme dans cet exemple, la conditionnée commençait par si (adverbe, issu de sic). A la 3e personne, le subjonctif exprimait la même modalité, non encore précédé de la « béquille » que, aujourd’hui indispensable : Vienget li reis, si nus purrat vengier [Vienne le roi, il pourra nous venger] (la Chanson de Roland). C’est un emploi bien connu en latin classique : Vendat aedes vir bonus... [Qu’un honnête homme vienne à mettre en vente une maison...] (Cicéron). Dans les mêmes conditions, en ancien français comme en latin, l’imparfait du subjonctif marquait l’irréel : Fust i li reis, n’i oüssum damage [Si le roi était là, nous n’aurions rien à craindre] (la Chanson de Roland). C’est l’équivalent exact du tour familier moderne à double conditionnel, qui n’est pas sans exemple en ancien français : Bien set qu’il li aprismeroient, Ne se porroit vers els deffendre [Il sait bien que s’ils s’approchaient de lui, Il ne pourrait se défendre contre eux] (Énéas, XIIe s.). La conjonction de coordination mais, devant le subjonctif, prenait une valeur voisine de pourvu que : Ne li chaut puis à quoi qu’il tort, Mais alosez soit en ta cort [Peu lui importe ensuite comment peut tourner la chose, Pourvu qu’il soit vanté dans ta cour] (Roman de Thèbés). La béquille apparaît au XIIIe s. : Que fust seur aux la force moie, Mout volentiers m’en vengeroie ! [Si j’avais sur eux la domination, Je m’en vengerais très volontiers] (Roman de Thèbes). Il n’est pas jusqu’au tour par n’était dont on ne rencontre des exemples anciens : N’iert por mon pere, qui lez lui est assis, Jel porfendisse [N’était à cause de mon père, qui est assis près de lui, Je le pourfendrais] (Aliscans). Mais il semble qu’il faille voir là un faux cas de parataxe, remontant à des conjonctives qui commençaient par se n’es-toi(en) t, se ne fust, etc. II. SUBORDINATION Le plus ancien texte français (842) présente deux conjonctions de condition : in o quid, dans le Serment de Louis le Germanique, et si, dans le Serment des fidèles de Charles le Chauve. Ces graphies recouvrent vraisemblablement une locution en o que, « à condition que », et la conjonction issue du latin si, abrégé en position atone, qui apparaît ensuite en ancien français sous la forme se et retourne à si en moyen français, probablement par une imitation du latin que pouvaient favoriser la fausse coupe de groupes où se s’élidait devant il (s’il veut, s’il li plaist, prononcés si veut, si li plaît) et la fermeture d’e en hiatus dans les groupes comme se on, se elle. La première n’a pas vécu ; la seconde a montré au long des siècles, jusqu’à nous, une exceptionnelle vitalité. 1° Subordination par « si ». Dans les Serments de Strasbourg, le système temporel est si + INDICATIF PRÉSENT — INDICATIF FUTUR. C’est le type dont nous usons encore normalement lorsque nous posons une condition comme possible dans l’avenir. Le latin classique avait, en pareil cas, l’indicatif futur dans la protase comme dans l’apodose : Si istud mihi dabis, hoc tibi dabo. Pourtant, le futur antérieur pouvait y spécifier dans la protase l’antériorité du conditionnant : Si istud mihi dederis, hoc tibi dabo. On trouve chez Plaute, et jusque chez Cicéron, des exemples d’un présent dans la protase lorsque le caractère immédiat du conditionnant doit être souligné : Si mihi dantur duo talenta [...], hanc tibi noctem dabo [Si l’on me donne deux talents, je t’accorderai cette nuit-là] (Asinaire). On peut penser que ces cas d’antériorité chronologique — particulièrement fréquents — ont entraîné l’emploi du présent, dominant en roman primitif, puis obligatoire en français, pour marquer l’antériorité logique de toute protase, même postposée, d’une apodose au futur. Dans l’apodose, le présent de l’indicatif alterne avec le futur dès les plus anciens textes ; il y marquait, comme aujourd’hui, le conditionné présent ou atemporel d’une condition posée réelle. Ces deux systèmes n’ont jamais varié en français : les seules modifications structurales observables du Xe s. à nos jours concernent les conditions rejetées du réel, dont l’histoire a été retracée par R. L. Wagner dans son étude sur les Phrases hypothétiques commençant par « si », des origines à la fin du XVIe s. (Paris, 1939). Le tour le plus anciennement attesté (XIe s.) est se + SUBJONCTIF IMPARFAIT — SUBJONCTIF IMPARFAIT : Granz fut li colps, li dux en estonat : Sempres caïst, se Deus ne li aidast [Le coup fut rude, le duc en fut étourdi. Il serait tombé aussitôt, si Dieu ne l’avait aidé] (la Chanson de Roland). Ce temps convenait à l’expression des fictions passées, présentes ou à venir — bien difficiles à distinguer à une époque où les repères présent et passé alternent conti- nuellement dans le récit. Dès les textes où il apparaît avec assez de fréquence pour qu’on puisse apprécier sa vitalité, le double subjonctif imparfait semble « voué à l’échec », survivant plutôt que vivant, propre à la poésie et à quelques genres en prose, limité de plus en plus à des verbes comme être, devoir, vouloir, pouvoir, que leurs emplois dénoncent comme réfractaires à la flexion du conditionnel. Forme rare, ce tour se chargeait, en littérature, de nombreuses downloadModeText.vue.download 138 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 852 valeurs stylistiques : marque de poésie, latinisme, point d’orgue sentimental : Je volsisse miauz estre morte (Chrétien de Troyes), ou atténuation discrète d’un désir exprimé : J’aimasse mieux de bouche le vous dire (Charles d’Orléans). A partir du XIVe s., le tour n’existe que pour les verbes réfractaires, en prose comme en poésie ; au XVIe s., c’est une fantaisie de lettrés, à peu près limitée au verbe deust, ou aux protases coordonnées : Si j’estoye morte et j’ouysse un violon, je me leveroys pour baller (Bonaventure Des Périers). On relève chez Rabelais quelques phrases de ce type : Si je montasse aussi bien comme je avalle, je feusse desja au dessus la sphere de la lune (Pantagruel). Ce sont, estime R. L. Wagner, « facéties aristophanesques ». Dans les textes du XIIe s. apparaissent les premiers exemples sûrs du tour moderne se + INDICATIF IMPARFAIT — CONDITIONNEL PRÉSENT : Se tu voleies Mahomet aorer Ge te donreie onor et richeté [Si tu voulais adorer Mahomet, Je te donnerais honneur et richesse] (Le Couronnement de Louis). Dès ce siècle, le tour moderne se rencontre trois ou quatre fois plus souvent que l’ancien. La rareté des exemples — c’est-à-dire des textes — antérieurs à cette époque a permis de formuler les hypothèses les plus opposées sur l’économie des états de langue prélittéraires et l’origine même des tours concurrents. Avant la thèse de R. L. Wagner, on estimait généralement (Brunot, Séchehaye, Lerch) que le double imparfait du subjonctif est le système primitif, système roman continuant le plus-que-parfait latin. Ce dernier temps avait exprimé en latin classique l’irréel du passé, puis, indistinctivement, sous le règne d’Auguste (Vitruve), l’irréel du présent-futur : c’est la valeur « atemporelle » de nos premiers textes. Le tour moderne serait une création des XIe-XIIe s. : l’apparition du conditionnel dans l’apodose aurait été la première étape, entraînant le remplacement du subjonctif par l’indicatif dans la protase, sur le modèle du tour si + INDICATIF PRÉSENT — INDICATIF FUTUR. On sait, en effet, que le conditionnel (v. ce mot) est, étymologiquement, à l’imparfait ce que le futur est au présent : futur et conditionnel remontent à une périphrase latine où l’infinitif était suivi du verbe avoir, respectivement au présent (habeo > -ai) et à l’imparfait (habebam > -eie, -oie, -ois, -ais). Pour R. L. Wagner, le silence des textes archaïques ne prouve pas l’inexistence du tour moderne, qui remonte certainement à l’époque prélittéraire. On doit le voir dans un passage d’une homélie sur Jonas écrite vers l’an 1000, où la forme erent est ambiguë (imparfait ou futur) : E io ne dolreie de tanta milia hominum si perdut erent ? [Et moi, je n’aurais pas de chagrin pour tant de milliers d’hommes, s’ils étaient damnés ?] Quant au tour à double subjonctif, il ne serait ancien que dans la valeur passée du latin classique ; son emploi pour l’irréel du présent-futur serait une création savante, d’un clerc du XIIe s., sur le modèle de la phrase latine : Denarios si haberem, eos tibi darem. Les deux points de cette théorie — que l’auteur présente comme une simple hypothèse — ont été différemment accueillis. L’accord est mieux réalisé sur le premier que sur le second. Ch. Camproux (dans le Français moderne, juill. 1946), observant que l’imparfait du subjonctif vit aujourd’hui en langue d’oc, aussi bien que le passé simple, et y est « mode de l’irréel », pense que cet emploi continue un usage qui fut général et populaire au Moyen Age. Sa disparition en français aurait été liée à la disparition du passé simple. Ainsi, les emplois relevés chez Rabelais seraient à mettre au compte du goût qu’on lui connaît pour les popularismes. Un vestige s’en voit dans les imparfaits à valeur de « conditionnel du subjonctif » qu’on relève abondamment au XVIIe s., dans des textes de langue tenue ou familière : Pomenais est divin, il n’y a point d’homme à qui je souhaitasse plus volontiers deux têtes (Sévigné). Il n’y a point de dépense que je ne fisse, si par là je pouvois trouver le chemin de son coeur (Molière). Qu’on admette ou non l’ancienneté du double subjonctif, la genèse du tour moderne n’en reste pas moins un champ ouvert à toutes les hypothèses. Les historiens du roman invoquent des antécédents latins. Le tour classique : Si pecuniam habuissem, tibi dedissem, dans la valeur atemporelle qu’il avait prise en latin vulgaire (v. plus haut), s’y doublait d’une construction : Si pecuniam habuissem, tibi daturus eram, où la périphrase daturus eram fut remplacée à la fin de la période impériale par dare habebam : Sanare te habebat Deus per indulgentiam, si fatereris [Dieu te guérirait par indulgence, si tu avouais] (Ve s.). Ainsi serait né le conditionnel de l’apodose. Quant à l’indicatif imparfait de la protase, il est connu en Gaule du Nord à l’époque mérovingienne : Si iubebas, accederemus ad prilium [Si tu l’ordonnais, nous irions à la bataille] (Frédégaire). En fait, ces exemples latins, d’interprétation souvent ambiguë, nous apprennent peu de chose. Lequel, de l’indicatif imparfait et du conditionnel, a pris le premier le sens « irréel » ? L’ont-ils pris ensemble ? Les exemples latins, les exemples français des premiers textes n’offrent que l’un ou l’autre ; mais il est peu vraisemblable que le modèle du système si + INDICATIF PRÉSENT — INDICATIF FUTUR n’ait pas joué très anciennement un rôle régulateur, sinon génératif. Il y a cependant une question qui nous arrêtera plus, si nous remarquons qu’elle se pose à propos de tous les systèmes d’expression de l’irréel, français ou latin (comme grec) : pourquoi a-t-on recouru, pour exprimer un phénomène fictif situé dans le présent ou dans l’avenir, à une forme de passé (imparfait de l’indicatif, du subjonctif) ou à une forme s’appuyant, génétiquement et systématiquement, sur le passé (conditionnel) ? On a expliqué le fait, du moins en ce qui concerne les temps de l’indicatif, par des valeurs systématiques liées à toute une conception structurale de la morphologie. Selon la « psychosystématique » de G. Guillaume, l’imparfait exprimerait, dans notre sens inconscient de la « structure de la langue », une « décadence » dont la réalisation dans la parole peut être double : sur la ligne du temps, valeur de passé ; sur la ligne de la possibilité, valeur d’irréel (chances minimales de réalisation). D’autres disent, d’une manière moins abstraite, mais qui ressortit aux mêmes méthodes, que l’imparfait français fut choisi pour exprimer l’irréel du présent et du futur précisément parce qu’il rejette l’action dans le passé, qui n’est ni l’un ni l’autre. Il aurait été préféré au passé simple, dans cette fonction, parce qu’il a l’aspect « sécant » du présent, que n’a pas le passé simple (v. ASPECT). Toutes ces explications justifient bien la fortune des tours considérés, mais très mal leur naissance, car la langue ne connaît pas de « mutations ». Un emploi « préludique » (L. Warnant) de l’imparfait ou du downloadModeText.vue.download 139 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 853 conditionnel est souvent observé par les éducateurs : Moi, je faisais (ferais) la maman, et toi, le bébé..., ais il est à peu près cantonné dans la langue enfantine, aux antipodes des contextes où apparaissent les premiers emplois de l’ « irréel ». La genèse historique de ces valeurs devra plutôt être cherchée dans un emploi du style indirect, et particulièrement du « style indirect libre » (tour spontané connu du latin, de l’ancien français, comme du français moderne), dans des contextes à double repérage temporel. Soit une phrase comme : Les Anciens croyaient que le Soleil tournait autour de la Terre. L’imparfait tournait a, par rapport au moment de la pensée évoquée, la valeur d’un présent affirmatif, « réel » ; pour nous qui sommes détrompés, il n’exprime qu’un fait irréel, et c’est la nuance que nous lui faisons exprimer quand nous le préférons, en rédigeant cette phrase, à l’indicatif présent (nous dirions au contraire : Galilée savait que la Terre tourne autour du Soleil). Dans la Cantilène de sainte Eulalie (IXe s.), un conditionnel se relève, qui semble bien la transposition dans le passé d’un futur de certitude pensé par la sainte (v. CONDITIONNEL) : Melz sostendreiet les empedementz Qu’elle perdesse sa virginitet [Elle supporterait les tortures Plutôt que de perdre sa virginité]. Ainsi, le premier repère étant le moment où pensait un des personnages dont il est question, le second peut être celui où pense un autre personnage du récit, ou le narrateur lui-même. Mais un fait particulier au récit épique vient y rendre cette occurrence encore plus fréquente : l’alternance continuelle du « présent de narration » avec les temps passés : il a houmes quel traïroient moult volentiers, se il pooient (Roman de Thèbes). Le présent il a vaut un passé ; le roi Étéocle avait des hommes dont il pensait : Ils me trahiront bien volontiers, s’ils peuvent. L’histoire des systèmes exprimant l’ « irréel du passé » est beaucoup plus facile à faire, parce qu’elle s’inscrit entièrement dans l’époque littéraire. Ils étaient contenus en puissance dans les deux systèmes étudiés ci-dessus : il suffisait d’y remplacer chaque temps simple par le temps composé correspondant, ayant valeur d’aspect accompli, puis de temps antérieur. Or, cette opération n’a réussi d’abord que dans le système subjonctif : à partir de la fin du XIe s., le plus-que-parfait peut y apparaître dans une des propositions, plus tard dans les deux : Sem creïsez, venuz i fust mi sires [Si vous m’aviez cru, mon seigneur serait revenu ici] (la Chanson de Roland). Se engenré l’aüst uns cuens Ne fust plus biax [Si un comte l’avait engendré, Il ne serait pas plus beau] (Richeut, fabliau du XIIe s.). Mais les exemples sûrs de l’emploi de ce temps composé avec une valeur d’antériorité proprement dite — et non d’aspect, comme dans les vers qu’on vient de lire — ne se multiplient et ne gagnent la prose, selon R. L. Wagner, qu’au XIIIe s. : on y avait trouvé un moyen (le seul à cette date) d’opposer utilement, dans l’expression du fictif, l’époque passée au présent-futur. Le système concurrent si + INDICATIF PLUS-QUE-PARFAIT — CONDITIONNEL PASSÉ demanda beaucoup plus de temps pour s’achever. Tandis que l’indicatif plus-que-parfait pouvait marquer l’antériorité dans la protase dès le XIIe s. : Mes bien sachiez certainement Que, se vos m’ avïez ocis, Tost vos en poroit estre pis [...si vous m’aviez tué, Cela pourrait bientôt tourner mal pour vous] (Chrétien de Troyes), le conditionnel passé, qu’on relève au XIIe s., gardera jusqu’au XIVe une valeur purement aspectuelle, et la rencontre de l’un et de l’autre dans la protase et l’apodose d’une phrase unique, exprimant une fiction passée, sera un fait exceptionnel jusqu’à la fin du XVIe s. Deux raisons principalement peuvent en être données : — la solidité du système concurrent, le double subjonctif plus-que-parfait, dont la flexion ne fait intervenir que les auxiliaires être et avoir, verbes réfractaires à la forme conditionnelle — l’absence d’un homologue dans les systèmes « réels », équivalent de ce qu’avait été, pour le développement du système : Si tu voulais, tu viendrais, le modèle : Si tu veux, tu viendras (on n’a jamais dit : *Si tu as voulu, tu seras venu). C’est au XVIIe s., probablement par les lettres de style familier, que se répandit le tour nouveau : Si j’ avais tenu ce maraud-là, je lui aurais rompu le bras et coupé les oreilles (Sévigné). La concurrence n’attirera l’attention des grammairiens qu’au XVIIIe s. : Condillac, Domergue chercheront à définir des nuances — d’ailleurs illusoires — entre le tour ancien et le tour moderne. C’est pour l’euphonie, non par scrupule de correction, que l’abbé Prévost remplacera si j’eusse su par si j’avais su, dans une réédition de Manon. Par la suite, et jusqu’à nos jours, le subjonctif plus-que-parfait survivra dans la langue littéraire à côté du tour moderne. 2° Autres conjonctions. Au Moyen Age comme en français moderne, la condition pouvait être exprimée par d’autres conjonctions que si. Après l’unique in o quid des Serments, les anciens textes présentent par si que, varié en par un si que, por ainsi que, par tel si que. Plus usité fut mais que, suivi du subjonctif : Mout en eüst bien sa consence, Mes que ne fust en sa presence [Il aurait très bien eu son accord pour cela, A condition que ce ne fût pas en sa présence] (Roman de Thèbes). Conservée seulement dans les parlers régionaux, cette locution traduisait le mouvement de pensée bien naturel qui fait dire à La Fontaine : N’en ayons qu’un, mais qu’il soit bon. A condition que se constitue au XIVe s., pourvu que au XVe, à moins que au XVIIe : Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ? (La Fontaine). En cas que, au cas que, en cas où, au cas où alternent à partir du XIVe s., suivis de modes divers. La reprise de si par que, en cas de coordination, est un fait tardif, peu développé jusqu’au XVIe s. downloadModeText.vue.download 140 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 854 Au XVIIe s., que vient habiller si d’une toge cicéronienne : Que si ce loup t’atteint, casse-lui la mâchoire (La Fontaine). 3° Relatives conditionnelles. Quant aux relatives conditionnelles, elles abondent dès les premiers textes, suivies du subjonctif ou du conditionnel : Ki dunc oïst Munjoie demander De vasselage li poüst remembrer [Qui les eût entendu crier « Montjoie ! » Aurait le souvenir d’une belle vaillance] (la Chanson de Roland). Ces constructions sont latines, ainsi que l’équivalence qui = si l’on, dont la fortune fut si grande en ancien et en moyen français, et qui ne mourra vraiment qu’au milieu du XVIIe s. La langue n’a écarté aucune des ressources qui s’offraient pour exprimer la condition, notion logique dont la complexité apparaît au premier examen ; et dont les connexions sont déroutantes avec la cause, le temps, la comparaison (comme si), la concession (même si), l’opposition, l’exception (excepté si), l’alternative (selon que... ou que). Le pôle semble être représenté par la conjonction si, destinée depuis des millénaires à formuler les lois permanentes, éventuellement arbitraires, des phénomènes physiques comme des activités humaines. L’effort créateur du français a tendu, au cours des siècles, à organiser un système temporel et aspectuel efficace pour le monde parallèle des phénomènes fictifs, auquel ne s’appliquait pas sans distorsions ou ambiguïtés la partition ternaire imposée au réel. conditionnant, e [kɔ̃disjɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de conditionner ; XXe s.). Qui conditionne, détermine quelque chose : Je ne puis guère, en effet, ne pas donner l’oubli d’Albertine comme cause sinon unique, sinon même principale, au moins comme cause conditionnante et nécessaire, d’une conversation qu’Andrée eut avec moi (Proust). conditionné, e [kɔ̃disjɔne] adj. (part. passé de conditionner ; début du XIVe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, 1866, Larousse ; sens II, 1, v. 1360, Froissart ; sens II, 2, 1890, Dict. général ; sens II, 3, milieu du XXe s. ; sens II, 4, XXe s.). I. 1. Class. Sujet à des réserves : Je vous donnerai toujours mes conseils conditionnés, et en vous les donnant, j’entendrai toujours que vous en serez le juge (Chapelain). ∥ 2. Qui est déterminé à agir de telle ou telle manière par certaines circonstances extérieures : Il se ressaisit [...], il redevint un individu conditionné par ses aïeux, par son milieu, par ses intérêts (Barrès). ∥ Réflexe conditionné, v. RÉFLEXE. II. 1. Class. Pourvu des qualités requises : Une amitié si bien conditionnée ne craint point les injures du temps (Sévigné). ∥ 2. Se dit d’un objet, d’une construction dont la disposition, les divers éléments offrent les avantages qu’on peut en attendre : Un placard mal conditionné. ∥ 3. Air conditionné, air d’un local auquel on a donné artificiellement une température, un degré hygrométrique, éventuellement une pression déterminés. ∥ Poids conditionné, poids d’une matière textile contenant son taux normal d’humidité. ∥ 4. Présenté dans un emballage : Un produit pharmaceutique conditionné. • SYN. : II, 2 agencé, aménagé, conçu, disposé. % conditionné n. m. (1866, Larousse). Fait déterminé par les circonstances : La relation de la condition au conditionné. conditionnel, elle [kɔ̃disjɔnɛl] adj. (bas lat. condicionalis, soumis à certaines conditions, de condicio, condition ; v. 1361, Oresme, aux sens 1-2). 1. Soumis à certaines conditions : Je connais des fermiers qui aiment d’amour une terre dont ils ne sont que les maîtres conditionnels et surtout temporaires (Duhamel). ∥ 2. Se dit d’une chose dont la réalisation ou la validité dépend de certaines conditions : Promesse conditionnelle. Legs conditionnel. • SYN. : 2 casuel, contingent. — CONTR. : 2 catégorique, formel, inconditionnel. % conditionnel adj. et n. m. (milieu du XVIe s., comme adj., écrit conditional [conditionnel, 1636, Monet] ; comme n., 1771, Trévoux). Mode conditionnel, ou conditionnel n. m., en grammaire, mode du verbe qui sert à présenter l’action comme une éventualité ou comme la conséquence d’un fait supposé, d’une condition. (V. art. spécial.) % conditionnelle adj. et n. f. Proposition conditionnelle, ou conditionnelle n. f., proposition subordonnée conjonctive introduite par si, pourvu que, à moins que, etc., et qui exprime une condition ; par extens., toute proposition renfermant une idée de condition : Une relative conditionnelle. (V. art. spécial à CONDITION.) GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE LE CONDITIONNEL On appelle conditionnel un ensemble de formes de la conjugaison française comprenant six formes personnelles simples (conditionnel présent) et six formes personnelles composées (conditionnel passé) ; soit, pour le verbe aimer : PRÉSENT j’aimerais tu aimerais il aimerait nous aimerions vous aimeriez ils aimeraient PASSÉ j’aurais aimé tu aurais aimé il aurait aimé nous aurions aimé vous auriez aimé ils auraient aimé IMPROPRIÉTÉ DU TERME Dès 1530, Palsgrave employait le terme de « conditionnel », mais pour l’appliquer au présent de l’indicatif précédé de si : sy je parle ; l’ensemble exprimait bien une condition. Le terme se retrouve chez Ramus, associé cette fois au nom « prétérit », et pour désigner les formes j’aurois eu et j’eusse eu. C’est chez Restaut (Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise, 1730) que, pour la première fois, j’aurois et j’aurois eu sont nettement désignés par les termes modernes de « conditionnel présent » et « passé », du reste donnés comme temps de l’indicatif. Malgré l’opposition de Girard (1747) et de Beauzée (1767), le terme de « conditionnel », repris par Condillac (1780) et par Girault-Duvivier (Grammaire des grammaires, 1811), a régné sans contestation dans l’usage scolaire du XIXe s. et jusqu’à nos jours. Comme l’a montré, entre autres, H. Yvon, à qui sont empruntées ces précisions historiques (Le français moderne, juill. 1958), on ne pouvait choisir plus mauvaise étiquette, puisque normalement, en français — et cela depuis les premiers textes —, le conditionnel (comme le futur) est exclu des propositions de condition (v. ce mot) ; on ne dit pas : *Si j’oserais, je le lui demanderais. Les grammairiens entendaient le terme à la façon de Littré, qui définit le conditionnel : « celui des modes qui indique que l’action exprimée par le verbe est soumise à une condition ». Mais cette conception n’est pas pertinente, puisque la proposition principale dont dépend une conditionnelle peut être à n’importe quel temps de l’indicatif, au subjonctif ou à l’impératif. Et c’est oublier les nombreux cas où le downloadModeText.vue.download 141 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 855 conditionnel figure en proposition indépendante, hors de toute condition : Le couple royal serait attendu au Bourget ce soir même. C’est oublier, enfin, les cas où le conditionnel, en proposition subordonnée, énonce, en référence au passé, un fait donné comme à venir sans nulle idée de condition : Je savais que tu viendrais. SUBJONCTIF OU CONDITIONNEL ? Une autre inconséquence de la tradition, perpétuée par quelques manuels, quoique la nomenclature d’État imposée par arrêtés ministériels depuis 1910 l’ait condamnée par le silence, est la dénomination de « conditionnel passé 2e forme » donnée au plus-que-parfait du subjonctif. Cette assimilation remonte au XVIe s., époque où le conditionnel, comme on le verra, s’appelait ordinairement « optatif » (ou « délibératif »). Ainsi, Meigret distinguait : un optatif présent premier : j’aymeroye ; / un optatif présent second : j’aymasse ; un optatif prétérit parfait premier : j’auroye aymé ; / un optatif prétérit parfait second : j’eusse aymé. On suivait alors l’enseignement des grammairiens latins, qui définissaient les modes verbaux par le sens et non par la forme. La disparition de l’imparfait du subjonctif irréel, au XVIIe s., fit limiter la notion de double conditionnel aux formes composées. En 1706, Régnier-Desmarais plaçait j’eusse eu à côté de j’aurois eu au mode conditionnel, « sous lequel l’optatif et le subjonctif sont compris ». En 1811, Girault-Duvivier donnait comme paradigme de conjugaison du conditionnel passé : Si vous aviez voulu, J’aurois ou j’eusse chanté, Tu aurois ou tu eusses chanté, etc. En 1874, la Grammaire de Larive et Fleury adoptait pour j’eusse fait la formule « seconde forme du conditionnel passé », qui a été reproduite jusqu’à nos jours, malgré l’abandon officiel en 1910. Plusieurs raisons justifient amplement cet abandon : • Le subjonctif plus-que-parfait figure deux fois dans cette phrase de J. Romains : S’il eût osé, il eût prié son nouveau patron de lui consentir une avance. Dans le français parlé (au moins depuis deux siècles), cette phrase aurait la forme : S’il avait osé, il aurait prié, etc. Le plus-que-parfait du subjonctif assume donc la fonction d’un plus-queparfait de l’indicatif après si, tout aussi bien que d’un « conditionnel passé », et la logique voudrait qu’on introduisît ce temps du subjonctif également dans les paradigmes de l’indicatif, sous le nom de « seconde forme de l’indicatif plus-queparfait ». Or, cette complication semble n’avoir jamais tenté personne : c’était déjà trop que l’on dût faire figurer deux fois les mêmes formes (j’eusse aimé, etc.) dans le tableau de la conjugaison. • Le conditionnel passé assume le plus souvent une fonction où le subjonctif ne peut lui être substitué, celle de « futur antérieur du passé », sur laquelle on reviendra bientôt ; exemple : Il m’a promis de venir dès qu’il aurait achevé son travail. • Inversement, le subjonctif plus-queparfait assume le plus souvent des fonctions où le conditionnel ne peut prendre sa place, par exemple dans la phrase suivante : Il s’étonnait que le docteur ne fût pas venu. En admettant — ce qui sera discuté ailleurs (v. SUBJONCTIF) — qu’il n’y ait rien de commun entre ces fonctions normales du subjonctif et sa fonction exceptionnelle d’expression de l’irréel, ce n’est pas une raison pour donner à la forme unique du type j’eusse aimé deux noms différents, selon la valeur qu’accuse le contexte. Il y a là une faute de méthode que le structuralisme devait mettre en évidence. Nous allons voir que le même problème se pose à propos du conditionnel proprement dit. LE CONDITIONNEL EST-IL UN MODE ? De tout temps, le conditionnel a présenté des emplois de deux types. • Le premier type en fait un homologue du futur ; soit une phrase comme : Il sait que nous viendrons. Si l’on remplace il sait par il savait, il faut substituer viendrions à viendrons pour conserver identique le rapport temporel entre la principale et la subordonnée : Il savait que nous viendrions. Ce conditionnel exprime par rapport à un repère passé ce que le futur exprimait par rapport à l’instant présent ; il fonctionne là comme un futur du passé (on dit aussi « imparfait du futur »). • Le second type d’emplois prend au contraire pour repère l’instant présent : Je le ferais encor, si j’avais à le faire (le Cid). Rodrigue affirme qu’il tuerait encore le comte si l’occasion s’en offrait présentement ou dans l’avenir. L’emploi du conditionnel au lieu de l’indicatif futur exprime le caractère imaginaire de l’action — et même impossible, irréel en l’occurrence, puisque le comte est déjà mort. Si l’on admet que le futur appartient au mode indicatif, comme le présent (ex. : il sait), il faut nécessairement y classer aussi le conditionnel du premier type, son homologue par rapport à l’imparfait (il savait), qu’on classe dans l’indicatif. Or, nos premiers grammairiens, initiés par les grammaires latines de Priscien et Donat, ne trouvèrent dans ces ouvrages aucune mention d’un tel homologue du futur, vu qu’il n’en existait pas en latin classique. Les formes comme aymeroye n’avaient en latin de précédent que dans leur seconde valeur, la valeur imaginaire, fictive, et ce précédent n’était autre que le subjonctif, appelé en latin optativus, subjonctivus ou conjonctivus. Le Donat françois, rédigé par des clercs en 1409, appelait donc je ferai « futur de l’indicatif », mais ne retenait de je feroye que la valeur modale, pour en faire l’optativus (mode de l’action « désirée »). Au XVIe s., Sylvius (Jacques Dubois), tout en remarquant la ressemblance formelle entre les formes prononcées -rè et -roè, classait la première dans l’indicatif et la seconde dans l’ « optatif » (1532). Cette séparation fut discutée au XVIIe et au XVIIIe s., où des grammairiens comme Restaut (v. ci-dessus) et Buffier rangeaient ferais comme ferai dans l’indicatif ; mais elle fut généralement admise au XIXe s. Au XXe s., tout en donnant le conditionnel pour un « mode » autonome, conformément à la nomenclature imposée dans les classes, la plupart des auteurs ont eu soin de distinguer, sur le plan du sens, un « conditionnel-temps » et un « conditionnelmode ». F. Brunot le fait nettement dans la Pensée et la langue (1922) : « Les formes leur sont communes, mais tandis que le futur dans le passé a un sens strictement temporel, le conditionnel a un sens modal » (p. 755). Malheureusement, ces formulations, prises à la lettre, sont encore inconséquentes, puisque opposer downloadModeText.vue.download 142 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 856 « temps » et « mode » est opposer deux notions non comparables : tout temps appartient à un mode, tout mode comporte un ou plusieurs temps. Il serait donc plus juste de dire que le conditionnel peut avoir deux valeurs, différant à la fois par le mode et par le temps. La logique oblige encore à rejeter le terme de « conditionnel », qui ne convient qu’à la valeur « imaginaire », ou à le doubler d’un terme propre à la valeur « future ». On a dit plus haut quel encombrement risque d’entraîner le principe de semblables scissions dans les tableaux de paradigmes ; il compliquerait également l’énoncé des règles et les exercices d’analyse. Il vaut sans doute mieux désigner cet ensemble polyvalent de formes par un terme neutre : c’est ce qu’a fait R. L. Wagner en l’appelant « forme en -rais » dans sa thèse sur les systèmes hypothétiques (v. CONDITION). Il faut ensuite identifier les signifiés de cet unique signifiant, et se demander s’ils sont réductibles les uns aux autres, ou s’ils sont les valeurs dérivées que prend un signifié fondamental unique en fonction du contexte. On lira plus loin un inventaire détaillé des emplois. Certains s’expliquent par d’autres : par exemple, la valeur d’atténuation d’un ordre découle de la valeur « imaginaire ». On en arrive, de réduction en réduction, aux deux types d’emplois irréductibles définis ci-dessus, c’est-à-dire au dilemme : « futur du passé » ou « présent-futur imaginaire ». De l’un à l’autre, il est possible de supposer une filiation diachronique — on en discutera plus loin —, mais de pareilles conjectures, qu’elles soient bien ou mal fondées, ne sont pas à considérer dans l’optique d’une description structurale de la langue moderne : si le lien de sens n’est plus compris sans recours à l’histoire, c’est qu’on est en présence de deux formes homonymes. La forme en -rais a donné prétexte à d’infinies controverses touchant le problème de l’ « homonymie » : celle-ci est-elle possible dans le domaine de la morphologie comme dans celui du lexique ? Les linguistes qui en doutent, comme Gustave Guillaume, ont supposé des éléments sémantiques très abstraits, inaccessibles à la conscience, communs aux ensembles d’emplois apparemment disjoints. Ainsi les deux valeurs de la forme en -rais se rejoindraient — dans notre subconscient — par un élément « décadence », réalisé, selon le contexte, soit dans l’ordre de la chronologie (futur du passé), soit dans l’ordre de la probabilité (valeur « imaginaire »). En face du « futur catégorique » (je ferai), la forme en -rais serait donc le « futur hypothétique » (du grec hupo, « au-dessous de »). Qu’on accepte cette explication, ou qu’on la suspecte comme indémontrable, il ne reste pas moins à résoudre le problème du « mode ». L’opposition ferai/ferais paraît dans certains cas purement temporelle, dans d’autres purement modale. Les tableaux de conjugaison devront-ils présenter deux fois les formes simples et composées en -rais, la première fois comme un sous-ensemble temporel de l’indicatif, la seconde comme un mode intégral ? On rejoint le problème métho- dologique posé plus haut à propos du subjonctif plus-que-parfait, et que soulèvent aussi l’imparfait et le plus-queparfait de l’indicatif — lesquels, après si, changent de valeur temporelle et modale à la fois —, ainsi que le futur et le futur antérieur — lesquels peuvent prendre, avec une valeur de présent ou de passé, une nuance de probabilité : Je me serai trompé de manteau (= Je me suis probablement trompé de manteau). Où s’arrêtera-t-on ? La voie n’est pas celle de l’économie. Pratiquement, les grammairiens ont toujours fait un choix dans cette alternative, les uns optant pour le « mode conditionnel », les autres pour l’indicatif — les moins nombreux. Cette dernière solution paraît pourtant la meilleure, car le conditionnel, quel que soit son sens, apparaît dans les mêmes contextes que l’indicatif, avec lequel il peut entrer en opposition : Je suis sûr qu’il refusera (je l’invite cependant). Je suis sûr qu’il refuserait (je ne l’invite pas). Si la même proposition complétive dépend d’un verbe régissant le subjonctif, la nuance d’irréel ne peut être rendue, parce que le conditionnel n’est pas commutable avec le subjonctif ; on dit obligatoirement : Je crains qu’il ne refuse (et non *refuserait). Le français classique pouvait maintenir l’opposition, mais il remplaçait alors le conditionnel par l’imparfait du subjonctif, qu’on appelle en pareil cas le « conditionnel du subjonctif » : Je crains qu’il ne refusât (si je l’invitais). Il faut comprendre ainsi ce subjonctif de Phèdre : Quoi qu’ils fissent pour moi, leur funeste bonté Ne me sauroit payer de ce qu’ils m’ont ôté. La langue moderne a perdu, avec l’imparfait du subjonctif, la possibilité d’exprimer de telles nuances. Si, par ailleurs, le conditionnel y apparaît quelquefois dans un contexte où le subjonctif serait possible, il s’agit toujours de cas où l’indicatif peut aussi se présenter : Rien ne prouve qu’un cessez-le-feu pourrait être suivi intégralement par les rebelles (Paris-Match, 1960). En définitive, il y aurait tout avantage à reclasser le conditionnel parmi les temps de l’indicatif, dont il partage les conditions contextuelles d’emploi. L’expression du caractère imaginaire d’un fait énoncé pourrait faire l’objet d’un chapitre de grammaire rapprochant l’étude de diverses formes empruntées aux modes indicatif (je ferais ; si je faisais) et subjonctif (j’eusse fait). Le groupement de certaines formes verbales en modes n’a pas de meilleure justification qu’une plus grande commodité offerte à l’exploration et à la description des procédés d’expression morphologique. Comment appeler le conditionnel ainsi intégré à l’indicatif ? Damourette et Pichon, qui nomment l’imparfait de l’indicatif « toncal pur » (temps référant à un moment passé, d’après l’adverbe latin tunc, « alors »), appellent « toncal futur » le conditionnel. Sans bouleverser à ce point la terminologie, on pourrait dire « futur second ». Ce terme a le défaut de convenir à une partie seulement des emplois de la forme en -rais, mais n’en est-il pas de même pour plusieurs autres temps aptes à prendre plusieurs valeurs temporelles ? Le présent garde son nom de « présent » quand il exprime un fait passé (présent de narration). INVENTAIRE DES EMPLOIS I. FUTUR DU PASSÉ La valeur de « futur du passé » a besoin, sous peine d’ambiguïté, d’une référence temporelle très claire, laquelle est donnée le plus souvent dans les conditions d’un « discours indirect » régi par un verbe de déclaration ou de pensée à un temps passé : Il déclara qu’il ne se battrait pas (Flaubert). Dans cette phrase, le conditionnel transpose en référence à déclara ce qui serait dit au futur dans le « discours direct » : Il déclara : « Je ne me battrai pas ». Le conditionnel passé exprime le plus souvent l’aspect antérieur correspondant (futur antérieur du passé) ; il transpose un futur antérieur du discours direct : Ils promirent de venir se chauffer les pieds aussitôt qu’ils auraient changé d’habits (M. Aymé). Comme on le voit par ces deux exemples, le futur ou le futur antérieur du passé peut apparaître soit dans une proposition « complétive », soit dans une proposition downloadModeText.vue.download 143 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 857 circonstancielle dépendant d’une complétive. Rien n’interdit son emploi en proposition relative : Elle savait qu’Hélène et Françoise appartenaient à un monde où ne pénétrerait jamais cette petite Denise Herpain (A. Maurois). La même valeur peut apparaître en proposition indépendante lorsque l’ancrage en un point du passé est évident, ce qui se produit dans les conditions du discours « indirect libre » : Personne ne trouva plus rien à dire. Alors on se félicita de part et d’autre sans raisons. On continuerait, espérait-on des deux côtés, ces excellentes relations (Maupassant). Elle partirait d’Yonville. Rodolphe aurait retenu les places (Flaubert). Un linguiste suédois, H. Nilsson-Ehle (Studia neophilologica, n° 16, 1943), a distingué de ces emplois du conditionnel, qu’il appelle « subjectifs » parce qu’ils épousent le point de vue du sujet du verbe recteur exprimé ou sous-entendu, un emploi « objectif », dont la référence doit être cherchée dans la pensée de l’écrivain : Dans la boîte étroite où, vers minuit, piétineraient les couples, ronflait, comme une grosse mouche, un ventilateur (F. Mauriac). Néel emportait ailleurs qu’à la tête une blessure dont il ne guérirait pas (Barbey d’Aurevilly). On a beaucoup discuté sur la légitimité de ces emplois. Dans de tels contextes, le conditionnel est concurrencé par deux tours : — le passé simple, plus nettement « objectif » parce qu’il prend pour point de référence le moment où écrit l’auteur : Néel emportait une blessure dont il ne guérit pas ; — la périphrase devoir (à l’imparfait) + INFINITIF, qui nous ramène curieusement aux origines de la forme en -rais (comme on le verra bientôt) : C’était une nuit orageuse et sombre, de gros nuages couraient au ciel, voilant la clarté des étoiles ; la lune ne devait se lever qu’à minuit (A. Dumas père). Vraisemblablement, cette périphrase est préférée à la forme en -rais parce qu’elle exclut la valeur « imaginaire », que le conditionnel présente le plus souvent quand son point de référence est le moment présent. L’ambiguïté du conditionnel, en cas de double repérage possible, est la raison la plus probable pour laquelle le français évite la valeur de « futur du passé » en dehors des cas évidents de discours indirect. II. VALEUR " IRRÉELLE " Appelons ainsi, pour user d’un terme traditionnel, ce que l’on a désigné plus haut par des épithètes comme « imaginaire », « fictive », « improbable » ; en réalité, ces adjectifs expriment des nuances qui ressortent uniquement du contexte, et l’on peut dire que l’ensemble des emplois groupés ci-après se caractérise par la nuance « irréelle » : l’action est située dans un monde de rêve parallèle au réel, mais qui n’est pas donné pour tel. Des grammairiens ont souvent attaqué cette conception en disant que l’action, dans tel exemple, peut pratiquement se produire : Si je le rencontrais, je le lui demanderais. S’appuyer sur de tels cas pour nier la nuance irréelle donnée à l’expression de l’hypothèse, c’est n’en pas comprendre la valeur « métaphorique » ; il serait aussi faux de dire que cent n’est pas un nom de nombre précis, sous prétexte qu’on l’emploie souvent pour évoquer un ensemble d’éléments dont le nombre est plus ou moins éloigné de 100 : Je te l’ai dit cent fois ! Le conditionnel irréel apparaît, lié à une condition, dans les propositions principales des « systèmes hypothétiques » (v. au mot CONDITION) : Mais s’il avait fait cela, que diriezvous ? (Balzac). La condition peut être exprimée dans une proposition relative, qui est alors au conditionnel : Celui qui verrait le lien caché de toutes ces choses serait un peu plus qu’un ange (L. Bloy). Le conditionnel passé situe ordinairement le fait irréel dans le passé (il s’oppose alors à la forme simple par le temps plutôt que par l’aspect) : S’il avait fait cela, qu’ auriez-vous dit ? La condition peut n’être exprimée que par un mot, ou un groupe de mots non propositionnel : Si possible, je voudrais une table pour moi seule (Cl. Farrère). Sans toi, j’aurais été écrasé. Mais le conditionnel est usité au sens irréel dans bien des cas où aucune condition n’est exprimée ni vraisemblablement sous-entendue. • Conditionnel du rêve : Je rêve un soir de charme grave. Les vallons Seraient bleus sous le noir-violet des collines ; Des ramiers reviendraient vers les sourdes glycines... (Émile Despax). Ne séparons pas de cet emploi le conditionnel préludique : Vois-tu, ma soeur, jouons avec [le chat]. Ce serait ma petite fille. Je serais une dame. Je viendrais te voir et tu la regarderais... (V. Hugo). • Conditionnel atténuant l’expression d’une volonté, d’un conseil : Voudriez-vous fermer la fenêtre ? Vous devriez consulter un médecin. • Conditionnel de l’exclamation indignée : Quoi ! je pourrais trahir le Dieu que j’aime ! (Racine). • Conditionnel nuançant de doute une question : Seriez-vous devenu psychologue, lieutenant ? (E. Triolet). •Conditionnel de l’affirmation sans garantie : L’armée d’Abdullah aurait occupé Jéricho (journal du 27 avril 1948 ; affirmation démentie le lendemain). • Conditionnel des verbes dire et croire, exprimant l’apparence : Quelle mauvaise mine ! On dirait qu’il n’a pas dormi. On se serait cru en pleine mer (Daudet). III. EMPLOIS AMBIGUS Certains linguistes convaincus de l’unité sémantique des valeurs du conditionnel pensent observer les deux valeurs à la fois dans une quantité de phrases, qui constitueraient le trait d’union : Elle fit le serment que, si jamais, elle épousait Edmond Holmann, elle lui serait fidèle jusqu’à la mort (A. Maurois). On peut en effet se demander si la réalité fut conforme à l’intention, et même si le mariage eut lieu. Pourtant, rien ne marque, ni ne peut marquer, dans un tel contexte, une nuance d’irréalité. La femme dont il est question a pu dire : — soit : Si jamais je l’épouse, je lui serai fidèle ; — soit : Si jamais je l’épousais, je lui serais fidèle. La différence modale que l’on sent entre ces deux phrases (hypothèse acceptée, hypothèse écartée) se neutralise quand le propos est rapporté au passé. HISTORIQUE Il est admis que le conditionnel français remonte à l’imparfait de la périphrase downloadModeText.vue.download 144 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 858 qui a donné le futur dans les langues romanes, à l’exception du roumain (v. FUTUR) ; l’infinitif y était donc suivi de l’indicatif imparfait du verbe habere : Le verbe habeo, devenu auxiliaire dans cet emploi, a subi une évolution phonétique particulière. Le second b y a disparu par dissimilation, le premier étant maintenu pour la conservation du radical. Après quoi, la syllabe initiale inaccentuée hab- s’est effacée par une haplologie semblable à celle qui l’a fait disparaître aux 1re et 2e personnes du futur : ainsi le verbe devenait-il un pur morphème. Les désinences ont évolué comme celles de l’imparfait (v. ce mot). La genèse des sens a été étudiée par Ph. Thielmann, dans un article de 1885, auquel les travaux ultérieurs ont ajouté peu de chose. Les documents sont moins nombreux pour le conditionnel que pour le futur. Il semble qu’il faille partir d’une valeur d’obligation que prit habere au IIIe s. après J.-C. On ne trouve pas dans l’étymologie même une raison de penser que l’un des deux sens du conditionnel distingués plus haut ait été antérieur à l’autre. Rien n’empêche, en principe, qu’habere, selon qu’il exprimait une obligation morale ou une nécessité logique, ait fonctionné comme auxiliaire de temps ou comme auxiliaire de mode, de la même manière que le verbe devoir en français moderne ; comparer : Jean doit venir (= viendra) à 4 heures. Il doit être (= il est probablement) 4 heures. Les documents anciens ne sont pas décisifs : la périphrase y apparaît dans des systèmes hypothétiques, dont on trouvera l’analyse à l’article CONDITION (§ Historique). Du commentaire qu’on lira là, il ressort que les deux valeurs, futur du passé et irréel, peuvent être reconnues, selon le repère qu’on choisit, dans les plus anciens exemples de la périphrase latine comme dans le premier conditionnel français, le sostendreiet de la Cantilène de sainte Eulalie (IXe s.), figurant en proposition principale. Pourtant, la parenté de chantereie avec le futur chanterai interdit de penser que la valeur « temporelle », du moins, ne soit pas primitive, et l’ambiguïté même observée dans ces phrases à double repérage possible fait imaginer une filiation très vraisemblable de la valeur d’irréel à partir de la valeur future. A côté de tels cas, l’ancien français offre maint exemple d’une pure valeur de futur du passé, après un verbe de déclaration ou de pensée : Cil distrent ke il le tueroient (Wace, Rou), ou de volonté : Puis comanda et establi que li mostier refait seroient (Brut). Ailleurs, la nuance « imaginaire » d’une action future est exprimée dans un contexte excluant tout repère passé : Chi purreit faire que Rollant i fust mort, Dunc perdreit Carles le destre braz del cors (la Chanson de Roland). Dès la Chanson de Roland apparaissent d’autres nuances modales, non liées à une condition : Si vunt ferir, que fereient il el ? [Ils vont frapper ; que feraient-ils d’autre ?] Le conditionnel passé, apparu dès le XIIe s., ne présenta longtemps qu’une valeur aspectuelle, à repère souvent futur : Ha ! Qui or le porroit tenir E bien batre a la retornée Moult aroit fet bone jornée (le Miracle de Théophile). Une valeur nette d’irréel du passé n’apparaît qu’exceptionnellement avant le milieu du XIVe s., et rarement jusqu’au XVIIe. Les exemples qu’on relève figurent dans des contextes généralement non « conditionnels » : Je ne sçai si l’on auroit point faict oultrage à ses fouaciers (Rabelais, Gargantua). On a dit à l’article CONDITION comment l’usage moderne acheva de s’établir au XVIIe s. A considérer l’ensemble de cette étude théorique et historique, on ne peut manquer d’être frappé par le sort différent des deux périphrases jumelles qui ont abouti à chanterai et chanterais. La première a occupé le lit d’un temps latin en voie de tarissement, le futur, et n’en a jamais débordé. La seconde a dû creuser son propre lit parallèlement au futur, tout en dérivant une partie de ses eaux dans un bras du subjonctif, lequel en fut évincé en plus de dix siècles. Par là était apportée une modification capitale à l’équilibre du système verbal roman. conditionnellement [kɔ̃disjɔnɛlmɑ̃] adv. (de conditionnel ; v. 1361, Oresme). Sous condition : Accepter conditionnellement. conditionnement [kɔ̃disjɔnmɑ̃] n. m. (de conditionner ; 1845, Bescherelle, au sens I ; sens II, XXe s.). I. Action de conditionner, de préparer selon certaines conditions, certaines normes. ∥ Conditionnement des soies, des laines, des cotons, etc., série d’opérations destinées à déterminer le degré d’humidité de ces matières et à calculer leur poids conditionné ; par extens., établissement où l’on exécute ces opérations. ∥ Conditionnement des grains, des fruits, des oeufs, etc., traitements divers qu’on fait subir à ces produits en vue de leur assurer les meilleures conditions de conservation. ∥ Conditionnement de l’air, procédé ayant pour objet de maintenir l’atmosphère d’un local dans des conditions d’humidité, de température, de pression indépendantes de l’extérieur. ∥ Conditionnement des marchandises, emballage de certains produits en vue de leur présentation et de leur conservation : Le conditionnement des spécialités pharmaceutiques. Il regarda, par la fenêtre, le trottoir sur lequel se hâtaient les derniers ouvriers et les dernières dames du service de conditionnement (Duhamel). II. Établissement, chez l’homme ou chez l’animal, d’un comportement nouveau au moyen de réflexes conditionnés. conditionner [kɔ̃disjɔne] v. tr. (de condition ; v. 1265, J. de Meung, au sens de « placer dans certaines conditions » ; sens I, 1, début du XVIe s. ; sens I, 2, 1932, Acad. ; sens II, 1, 1690, Furetière ; sens II, 2, 1845, Bescherelle [pour la soie] ; sens II, 3, XXe s.). I.1.Subordonner à une ou à plusieurs conditions ; être la condition de : La décision que je dois prendre est conditionnée par une foule de choses. ∥ 2. Déterminer la manière d’agir, le comportement d’une personne, en parlant des circonstances, des événements : Que d’éléments étrangers à l’amour conditionnèrent mes amours ! (Vailland). II. 1. Disposer, arranger les divers éléments d’un tout en vue de satisfaire à un usage ou en fonction d’un certain plan : Des maisons épouvantables [...], conditionnées à l’art nouveau (France). ∥2.Spécialem. Conditionner les textiles, les soumettre aux opérations du conditionnement. ∥ Conditionner l’air, v. CONDITIONNÉ (air). ∥ 3. Emballer une marchandise en vue de sa présentation commerciale : Conditionner de la confiserie. conditionneur, euse [kɔ̃disjɔnoer, -øz] n. (de conditionner ; 1929, Larousse [pour un appareil]). Personne employée au conditionnement des marchandises : downloadModeText.vue.download 145 sur 978 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 859 Il s’immobilisait à la fenêtre, oubliant ses fourneaux, pour contempler, au fond de la cour, l’atelier où grouillaient les conditionneuses (Duhamel). % conditionneur n. m. 1. Appareil au moyen duquel on effectue le conditionnement des grains, des fruits, des oeufs. ∥ 2. Appareil de conditionnement climatique placé dans un local ou dans une de ses parois. condoléance [kɔ̃dɔleɑ̃s] n. f. (de l’anc. v. condoloir, s’affliger avec [XIIIe s.], lat. condolere [de cum, avec, et dolere, souffrir], avec influence de doléance ; v. 1460, Chastellain). Expression de la part qu’on prend à la douleur d’autrui : Après l’inhumation, M. Fellaire reçut les compliments de condoléance des assistants (France). ∥ Auj., s’emploie surtout au pluriel : Présenter ses condoléances. condoléant, e [kɔ̃dɔleɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de condoléance ; 1782, Gohin). 1. Qui s’afflige avec autrui, lui présente des condoléances (rare) : Je me retirai sans réclamer même le traitement qui m’était dû, sans recevoir ni une faveur ni une obole de la Cour ; je fermai ma porte à quiconque m’avait trahi ; je refusai la foule condoléante et je pris les armes (Chateaubriand). ∥ 2. Qui marque l’affliction (rare) : La mine sévère et condoléante du monsieur qui découvre une ignorance (Renard). condominium [kɔ̃dɔminjɔm] n. m. (mot angl., repris au lat. diplomatique, de cum, avec, et dominium, droit de propriété ; 1866, Larousse). Droit de souveraineté exercé en commun par plusieurs puissances sur un pays : Le condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides. condor [kɔ̃dɔr] n. m. (mot esp., du quechua cuntur ; 1598, Acosta). Grand vautour des Andes, au plumage noir et blanc, dont la tête et le cou sont nus et rouge sombre : Les condors dont le vol est comme un jet de flamme (Banville). condottiere [kɔ̃dɔtjɛr] n. m. (mot ital., de condotta, engagement, groupe de soldats loués, part. passé fém. substantivé de condurre, lat. conducere, louer ; 1770, Raynal, au sens 1 ; sens 2, 1842, Acad. ; sens 3, 1845, Balzac). 1. En Italie, au Moyen Âge et à l’époque de la Renaissance, chef de partisans ou de soldats mercenaires : Le condottiere du Quattrocento (Rolland). ∥ 2. Par extens. Soldat de fortune, aventurier, brave et sans trop de scrupules : Routiers, condottieri, vendus, prostitués (Hugo). ∥ 3. Fig. et littér. Aventurier sans scrupule : L’un de ces condottieri de la commandite (Balzac). • Pl. des CONDOTTIERI. conductance [kɔ̃dyktɑ̃s] n. f. (de conduction, d’après résistance ; 1893, d’après Robert, 1953). En électricité, inverse de la résistance. conducteur, trice [kɔ̃dyktoer, -tris] n. (doublet de l’anc. franç. conduiteur, celui qui conduit, lat. conductor, entrepreneur, locataire, de conductum, supin de conducere, conduire, louer ; début du XIIIe s., Sept Sages de Rome, au sens 3 [en politique, 1690, Furetière] ; sens 1, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 2, av. 1453, Monstrelet). 1. Personne qui conduit, dirige un véhicule, des animaux : Je refuserai ma lumière aux conducteurs de chariots qui portent des vivres aux Romains (France). Conducteur d’une barque, d’une voiture, d’une locomotive. Conducteur de caravane, de troupeau. ∥ Spécialem. et vx. Jadis, employé chargé des rapports avec les voyageurs dans une voiture publique : Un omnibus est une grosse voiture dans laquelle peuvent tenir une trentaine de personnes, y compris un postillon et un conducteur (Daudet). ∥ 2. Personne qui dirige la marche de quelque chose : Un conducteur de machine. ∥ Conducteur de presse, dans l’imprimerie et dans la fabrication du papier, ouvrier chargé de mettre en train une presse mécanique et d’en surveiller le fonctionnement. ∥ Conducteur de travaux, agent qui, sur un chantier, dirige l’exécution des travaux et surveille le personnel. ∥ 3. Fig. Celui qui dirige, guide, gouverne : Un conducteur de peuples. Si nous en croyons ce paisible conducteur de nos âmes, on ne peut échapper à la bonté divine (France). % adj. (1835, Acad.). 1. Qui conduit, dirige le mouvement, la marche de quelqu’un ou de quelque chose : Ces pas rythmés sous la main conductrice du maître (Bourget). Le fil conducteur donné par Ariane à Thésée. ∥ 2. Fig. Sur quoi on se règle pour se conduire : Principe conducteur. ∥ Fil conducteur, hypothèse, principe qui guide une recherche. % adj. et n. m. (sens 1, 1771, Trévoux ; sens 2, 1835, Acad.). 1. Corps conducteur, ou conducteur n. m., corps susceptible de transmettre la chaleur ou l’électricité : Les métaux sont bons conducteurs de la chaleur. ∥ Fil conducteur, ou conducteur n. m., câble métallique entouré d’une gaine isolante, qui sert à la transmission du courant électrique. ∥ 2. Par extens. Se dit d’un corps ou d’un milieu servant à la transmission d’un fluide ou d’une action : Le nerf est conducteur, comme l’air qui transmet les oscillations d’une corde vibrante, comme le fil de fer qui transmet l’action électrique (Taine). conductibilité [kɔ̃dyktibilite] n. f. (dér. savant du lat. conductus, part. passé de conducere, conduire ; 1811, Mozin, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Propriété que possèdent les corps ou les milieux de transmettre la chaleur, l’électricité ou certaines vibrations : L’air possédait une conductibilité particulière (Martin du Gard). ∥ 2. Propriété qu’a le nerf de propager l’influx nerveux. conductible [kɔ̃dyktibl] adj. (dér. savant du lat. conductus, part. passé de conducere, conduire ; 1832, Raymond). Qui possède la propriété de transmettre la chaleur ou l’électricité : Un corps conductible. conductif, ive [kɔ̃dyktif, -iv] adj. (dér. savant du lat. conductus [v. CONDUCTIBLE] ; XXe s.). Se di