Titre : *Grand Larousse de la langue française en six

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Titre : *Grand Larousse de la langue française en six
*Titre : *Grand Larousse de la langue française en six volumes. Tome
deuxième, Cir-Ery / [sous la direction de Louis Guilbert, René Lagane,
Georges Niobey]
*Auteur : *Larousse
*Éditeur : *Librairie Larousse (Paris)
*Date d'édition : *1972
*Contributeur : *Guilbert, Louis (1912-1977). Directeur de publication
*Contributeur : *Lagane, René. Directeur de publication
*Contributeur : *Niobey, Georges. Directeur de publication
*Sujet : *Français (langue) -- Dictionnaires
*Type : *monographie imprimée
*Langue : * Français
*Format : *1 vol. (paginé 737-1727) ; 27 cm
*Format : *application/pdf
*Droits : *domaine public
*Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200533r </ark:/12148/bpt6k1200533r>
*Source : *Larousse, 2012-144939
*Relation : *Notice d'ensemble :
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34294780h
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb351193384
*Provenance : *bnf.fr
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cir
cirage [siraʒ] n. m. (de cirer ; 1555,
B. Aneau, au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet ;
être dans le cirage, 1930, G. Esnault).
1. Action de cirer, d’encaustiquer pour faire
reluire : Le cirage des parquets. ∥ 2. Pâte
servant à nettoyer et à lustrer les chaussures, les cuirs : Ce grigou de Poiret se
passe de cirage (Balzac). Une nichée de
petits Savoyards jouant à la marelle ou dormant au bon soleil, la tête sur leurs boîtes à
cirage (Daudet). ∥ Noir comme du cirage,
très noir. ∥ Pop. Être dans le cirage, dans le
langage des aviateurs, avoir une très mauvaise visibilité ; par extens., être dans une
demi-conscience, sous l’effet de l’ivresse,
de la maladie, d’un choc.
• SYN. : 1 astiquage, encaustiquage.
circaète [sirkaɛt] n. m. (du gr. kirkos,
faucon, et aetos, aigle ; 1820, Laveaux).
Rapace diurne des régions boisées du midi
de la France, qui se nourrit de reptiles.
circassien, enne [sirkasjɛ̃, -ɛn] adj. et
n. (de Circassie, n. géogr. ; 1866, Larousse).
Relatif à la Circassie (ancien nom de la
région qui s’étend au nord du Caucase) ;
habitant ou originaire de cette région.
circom-, circum- [sirkɔm], élément tiré
du lat. circum, autour de, dans le voisinage
de, et qui entre comme préfixe dans la composition de nombreux mots.
circompolaire adj. V. CIRCUMPOLAIRE.
circoncellion [sirkɔ̃sɛljɔ̃] n. m. (lat.
impér. circumcellio, moine vagabond, de
circum, autour, et cella, demeure ; 1866,
Larousse). 1. Nom donné à des journaliers
agricoles libres de l’Afrique romaine, qui
se révoltèrent aux IVe-Ve s. ∥ 2. Sectaire de
la Souabe, au XIIIe s.
circoncire [sirkɔ̃sir] v. tr. (lat. ecclés. circumcidere, même sens [en lat. class., « couper autour »] ; v. 1190, Sermons de saint
Bernard, au sens 1 ; sens 2, 1541, Calvin).
[Conj. 67.] 1. Soumettre quelqu’un à la circoncision. ∥ 2. Fig. En langage mystique,
retrancher, corriger.
circoncis, e [sirkɔ̃si, -iz] adj. (part. passé
de circoncire ; XIIe s.). 1. Qui a subi la circoncision. ∥ 2. Se dit de la volve de certains
champignons lorsqu’elle est coupée au ras
du bulbe.
% circoncis n. m. (1690, Furetière). Péjor.
Nom donné par les chrétiens aux juifs et
aux musulmans : Les têtes à tonsures commises par le ciel et la terre à l’extermination
des circoncis (France).
circoncision [sirkɔ̃sizjɔ̃] n. f. (lat. ecclés.
circumcisio ; v. 1190, Sermons de saint
Bernard). Excision totale ou partielle du
prépuce. ∥ Spécialem. Excision rituelle du
prépuce chez les juifs et les musulmans :
Hier, nous avons vu une procession magnifique pour la circoncision du fils d’un riche
négociant (Flaubert).
circonférence [sirkɔ̃ferɑ̃s] n. f. (lat. circumferentia, de circumferre, faire le tour ; v.
1265, J. de Meung). 1. Ligne courbe plane,
fermée, limitant une aire : La circonférence
de l’ellipse. ∥ Spécialem. et absol. Pourtour
d’un cercle, courbe fermée dont tous les
points se trouvent à égale distance d’un
point fixe appelé « centre » : La longueur
de la circonférence est égale au produit
du diamètre par le nombre π. ∥ 2. Limite
extérieure, pourtour d’un objet, d’un lieu,
d’une agglomération : Ville enfermant plusieurs jardins dans sa circonférence (Acad.).
∥ 3. Surface limitée qui s’étend autour d’un
point considéré comme centre : Rome
faisait sentir sa puissance sans pouvoir
l’étendre, et dans une circonférence très
petite (Montesquieu).
• SYN. : 1 cercle, orbite, rond (fam.) ;
2 contour, enceinte, périmètre, périphérie,
tour ; 3 orbe, sphère.
circonférentiel, elle [sirkɔ̃ferɑ̃sjɛl]
adj. (de circonférence ; 1877, Littré). Qui
concerne la circonférence.
circonflexe [sirkɔ̃flɛks] adj. et n. m. (lat.
circumflexus [accentus], [accent] fléchi
autour, trad. du gr. perispômenê [prosôdia], proprem. « [accent] tiré autour », en
parlant de l’accent musical qui monte à
l’aigu, puis redescend au grave ; 1529, G.
Tory, écrit circonflect [circonflexe, 1550,
Meigret], au sens 1 ; sens 2, v. 1560, G.
des Autels ; sens 3, 1866, Larousse ; sens
4, milieu du XVIIe s., Scarron). 1. Accent
circonflexe, signe d’accentuation grec,
qui représente une intonation aiguë suivie d’une intonation grave sur la même
voyelle, et que l’on figure par une ligne
sinueuse (~ ou !). ∥ 2. Accent circonflexe,
ou circonflexe n. m., en français, signe (^)
qui note l’allongement de certaines voyelles
provenant d’une contraction (dû) ou de la
chute d’une consonne (tête). [On dit parfois
FLEXE, n. m., par abrév.] (V. art. spécial à
ACCENT.) ∥ 3. Se dit parfois de ce qui est
en forme d’accent circonflexe, de V renversé : Oh ! c’est frappant, il a les mêmes
sourcils circonflexes, le même nez recourbé,
les mêmes pommettes saillantes (Proust).
∥ 4. Vx et ironiq. Tortu, de travers : Ma
poitrine est toute convexe. | Enfin je suis
tout circonflexe (Scarron).
circonflexion [sirkɔ̃flɛksjɔ̃] n. f. (de
circonflexe ; XXe s.). Forme de l’accent circonflexe (rare) : Ses traits étaient restés les
mêmes ; peut-être l’ovale du visage s’étaitil allongé ; mais la bouche avait toujours
la même circonflexion compliquée, mieux
accusée encore par le liséré de la moustache
(Martin du Gard).
circonlocution [sirkɔ̃lɔkysjɔ̃] n. f. (lat.
circumlocutio, de circum, autour, et locutio, expression, trad. du gr. periphrasis,
périphrase ; XIIIe s., Delboulle). Manière
détournée de dire en plusieurs mots ce
qu’on ne sait ou qu’on ne veut exprimer par
le terme propre : Monsieur, je n’emploierai
ni circonlocutions, ni détours, et j’aborderai
franchement ce que j’ai à vous dire (Dumas
père). Oui, je vous le dis tout simplement : à
quoi bon des circonlocutions entre nous ?...
Je n’ai pas l’honneur d’être connu de vos
parents (Gide).
• SYN. : détours, périphrase.
circonscriptible [sirkɔ̃skriptibl] adj. (du
lat. circumscriptus, part. passé de circumscribere, circonscrire ; fin du XIVe s., Chr. de
Pisan, au sens 1 ; sens 2, 1845, J.-B. Richard
de Radonvilliers). 1. En géométrie, se dit
d’une figure qui peut être circonscrite :
Le carré est inscriptible dans un cercle et
circonscriptible à un autre cercle. ∥ 2. Fig.
Qui peut être circonscrit, enfermé dans
certaines limites : Si les esprits créés sont
locaux et circonscriptibles (Taine).
circonscription [sirkɔ̃skripsjɔ̃] n. f. (lat.
circumscriptio, cercle tracé, espace limité,
phase, période ; XIIe s., au sens 1 ; sens 2,
1648, Pascal ; sens 3, 1835, Acad.). 1. Vx.
Limite qui circonscrit l’étendue d’un corps.
∥ 2. En géométrie, action de circonscrire
une figure à une autre : Ceux qui sont habitués aux inscriptions et aux circonscriptions
de la géométrie... (Pascal). ∥ 3. Division
administrative, militaire ou religieuse d’un
territoire : En effet, il se trouve dans cette
circonscription ecclésiastique des congrégations autorisées et des congrégations recon-
nues (France). ∥ Spécialem. Circonscription
électorale, ou simplem. circonscription,
portion de territoire élisant un ou plusieurs
représentants à une assemblée délibérante
municipale, départementale ou nationale :
Je viens vous proposer d’annuler l’élection
de la deuxième circonscription du département de la Corse (Daudet).
• SYN. : 1 délimitation, limitation ; 3 district,
subdivision.
circonscrire [sirkɔ̃skrir] v. tr. (lat. circumscribere, tracer alentour, de circum,
autour, et scribere, écrire ; v. 1361, Oresme,
au sens 3 ; sens 1, v. 1560, Paré ; sens 2,
1690, Furetière ; sens 4, 1832, Raymond).
[Conj. 65.] 1. Déterminer les limites d’un
espace : M. Sariette étudia soigneusement
la topographie du quartier afin de circonscrire exactement l’îlot de maisons où
s’élève l’hôtel d’Esparvieu (France). ∥ 2. En
géométrie, tracer une figure dont tous les
côtés sont tangents à une circonférence, ou
tracer une circonférence passant par tous
les sommets d’un polygone : Circonscrire
un carré à un cercle. Le côté d’un hexagone
régulier est égal au rayon du cercle qui lui
est circonscrit. ∥ 3. Fig. Donner, définir les
limites de : Il ne s’agit point d’approfondownloadModeText.vue.download 10 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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dir : il ne s’agit même point de prétendre
circonscrire un sujet d’une étendue immense
et qui, loin de se simplifier et de s’éclaircir
par la méditation, ne fait que devenir plus
complexe et plus trouble à mesure que le
regard s’y appuie (Valéry). ∥ 4. Réduire à
certaines limites ; empêcher l’extension de :
En s’occupant de la science et en renonçant
à la littérature proprement dite, Ramond
sentait bien qu’il circonscrivait le cercle de
ses lecteurs (Sainte-Beuve). Et, comme ici
l’eau surabonde, l’incendie a vite été circonscrit, puis maté (Gide).
• SYN. : 1 délimiter, localiser ; 3 borner,
cerner ; 4 arrêter, enrayer, freiner, juguler, limiter, resserrer, restreindre, stopper.
— CONTR. : 3 élargir, étendre ; 4 accroître,
amplifier, augmenter, grossir, intensifier,
raviver.
circonspect, e [sirkɔ̃spɛ, ɛkt ou
sirkɔ̃spɛkt] adj. (lat. circumspectus, part.
circonspect, e [sirkɔ̃spɛ, ɛkt ou
sirkɔ̃spɛkt] adj. (lat. circumspectus, part.
passé de circumspicere, regarder à l’entour ;
v. 1395, Chr. de Pisan). 1. Se dit d’une personne qui envisage prudemment tous
les aspects d’une question pour parler
et agir : Pour les humains, elle restait
très circonspecte ; ses jugements étaient
prompts, sévères et sans rémission (Gide).
∥ 2. Qui se tient sur une prudente réserve :
Le bonhomme, circonspect, ne s’expliqua
pas davantage (Maupassant). ∥ 3. Qui
témoigne de cette attitude : Un langage
circonspect. Le chat, plus réfléchi, flairait
d’un nez plus circonspect les roues (Gautier).
Par des gestes circonspects, les voyageurs
affectèrent d’apporter quelques modifications à l’ordonnance des costumes ou des
bagages (Duhamel).
• SYN. : 1 avisé, précautionneux, réfléchi ;
2 et 3 méfiant, prudent, réservé, réticent.
— CONTR. : 1 aventureux, écervelé, imprévoyant, téméraire ; 2 et 3 confiant, étourdi,
imprudent, léger.
circonspection [sirkɔ̃spɛksjɔ̃] n. f. (lat.
circumspectio ; XIIIe s., Godefroy). Prudence
qui incite à ne négliger aucune circonstance avant de parler ou d’agir : Il vous
recommande la plus grande circonspection
[...]. Une jeune et jolie femme comme vous
est entourée de mille dangers (Dumas père).
Ils jettent le discrédit et la suspicion sur
nous-mêmes, et nous forcent à redoubler
d’astuce et de circonspection (Gide).
• SYN. : méfiance, précaution, réf lexion,
réserve, retenue, sagesse. — CONTR. :
confiance, étourderie, imprudence, légèreté, témérité.
circonstance [sirkɔ̃stɑ̃s] n. f. (lat. circumstantia, de circumstare, se tenir autour ;
v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ; sens 2, 1668,
Molière ; de circonstance, 1809, Wailly).
1. Class. Chacun des faits particuliers
d’une situation ; détail par opposition à
l’ensemble : Leur ruine [...], prédite dans
toutes ses circonstances (Bossuet). Songez
surtout à en pénétrer le sens [du texte]
dans toute son étendue et dans ses circonstances (La Bruyère). ∥ 2. Particularité
qui accompagne un événement, élément
secondaire d’une situation : Il préparait
ses mots fins [...] en supposant de petites
circonstances favorables à la déclaration
(Balzac). ∥ Circonstances atténuantes,
aggravantes, faits secondaires qui dimi-
nuent ou augmentent la gravité d’un
délit ou d’un crime : Colomban, reconnu
coupable sans circonstances atténuantes,
fut condamné au maximum de la peine
(France). ∥ 3. Occasion, état des choses
à un moment donné : Dans aucune circonstance de la vie, il ne faut s’abandonner au désespoir (Mérimée). Il est au foyer,
transformé pour la circonstance en salon
de jeu (Daudet). ∥ De circonstance, inspiré par une situation particulière, d’où
sans valeur durable, sans profondeur ni
sincérité : Bête comme une pièce de circonstance (Balzac). ∥ Visage, tête, etc.,
de circonstance, expression dépourvue
de sincérité, composée seulement en vue
d’une circonstance particulière : La veuve
Dentu se tenait au pied du lit avec un visage
de circonstance (Maupassant). Comme on
leur avait dit qu’ils étaient là pour juger
un ouvrage de poésie, tous ces braves gens
avaient cru devoir prendre des physionomies de circonstance, froides, éteintes, sans
sourires (Daudet).
• SYN. : 2 condition, détail, donnée, fait,
modalité ; 3 cas, conjoncture, moment,
occurrence, situation.
% circonstances n. f. pl. (1345, Runkewitz).
Circonstances et dépendances, dans la
langue du droit, tout ce qui dépend d’un
immeuble, d’une action légale ou d’un
procès.
circonstancié, e [sirkɔ̃stɑ̃sje] adj. (part.
passé de circonstancier). Qui expose toutes
les circonstances, tous les détails d’un fait,
d’une question : La relation circonstanciée
de ce qui s’est passé dans l’étude du notaire
royal (Balzac).
• SYN. : détaillé, précis. — CONTR. : imprécis,
indéterminé, vague.
circonstanciel, elle [sirkɔ̃stɑ̃sjɛl] adj.
(de circonstance ; 1747, G. Girard, au sens 1 ;
sens 2, 1801, Mercier). 1. En grammaire, se
dit d’un complément ou d’une proposition
qui précise une circonstance de l’action
indiquée par le verbe ou exprimée dans
la proposition complétée : Le complément
de temps est un complément circonstanciel.
(V. art. spécial.) ∥ 2. Qui dépend des circonstances (rare) : Sa manière [de David]
n’était pas la strophe banale et amplifiée,
sans rien de circonstanciel, qui domine dans
la plupart des psaumes (Renan).
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
LE COMPLÉMENT CIRCONSTANCIEL
DÉFINITION FONCTIONNELLE
1. Le lieutenant précédait / suivait /
accompagnait ses hommes.
2. Le lieutenant marchait devant /
derrière / à côté de ses hommes.
Il est clair que la « fonction » du nom
hommes, dans la phrase 1, est identique,
qu’il se rapporte au verbe précédait, suivait ou accompagnait ; de même, elle ne
varie pas dans la phrase 2, que la préposition soit devant, derrière ou à côté de. On
observe une différence fonctionnelle de
la phrase 1 à la phrase 2, et, dans chaque
phrase, une possibilité de variation sémantique, figurée par l’accolade.
Dans les deux phrases, le nom hommes
se rapporte au verbe (et non pas au nom
lieutenant) : il est « complément » de ce
verbe (v. COMPLÉMENT). Cette fonction
de complémentation recouvre, dans la
structure profonde du sens, une précision de lieu apportée au phénomène
qu’énonce la phrase : les personnes désignées par hommes servent de repère local
à l’évocation de la « marche » du lieutenant. L’indication de lieu est rigoureusement la même dans les deux phrases.
Le sens seul ne permet pas de distinguer
le « complément circonstanciel », qu’on a
dans la phrase 2, du « complément d’objet », qu’on a dans la phrase 1. La définition du complément circonstanciel doit
associer la considération des formes à
celle du sens, ce que rend aisé la confrontation des phrase 1 et 2 : dans la première, le sémantisme du verbe contient
la relation de lieu ; dans la seconde, il ne
la contient pas, et cette précision sémantique est donnée par la préposition, mot
accessoire au service du complément.
Dans une phrase comme :
Alexandre Dumas est mort là,
une relation de lieu est également exprimée hors du verbe : l’adverbe là exprime
à la fois l’idée d’une complémentation de
caractère local et la précision déictique
du lieu repère ; la relation n’étant pas
indiquée dans le verbe, on a affaire à un
« complément circonstanciel ».
Il peut arriver que la relation, sans être
marquée par un morphème propre, soit
impliquée par les mots en présence :
Ma mère travaillait le dimanche.
On devine ici une relation de temps, qui
n’est pas exprimée dans le verbe, mais que
le nom, de construction directe, implique
par sa présence à côté du verbe intransitif
travailler ; on a encore ici un complément
circonstanciel.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
725
Ainsi, le complément circonstanciel apparaît comme un complément du verbe
portant en lui-même la caractérisation
de sa fonction.
Cette autonomie entraîne une grande
facilité de « détachement » (v. ce mot) :
Devant ses hommes, le lieutenant
marchait.
Là, Alexandre Dumas est mort.
Le dimanche, ma mère travaillait.
Mais on ne dirait pas :
*Ses hommes, le lieutenant précédait.
L’autonomie est réciproque ; le verbe tolère la suppression éventuelle d’un complément circonstanciel :
Le lieutenant marchait.
Alexandre Dumas est mort.
Ma mère travaillait,
plus facilement que celle d’un complément d’objet :
*Le lieutenant précédait.
La différence fonctionnelle qui sépare le
complément circonstanciel du complément d’objet permet de les associer sans
confusion dans la phrase :
Le lieutenant presse le pas devant ses
hommes.
Ma mère fermait le magasin le
dimanche.
La variété des relations qu’expriment les
compléments circonstanciels permet de
les juxtaposer en nombre indéfini :
A. Dumas est mort là dans la misère
en 1870.
Les compléments d’objet ne peuvent être
juxtaposés que s’ils sont coordonnés ;
ce n’est pas le cas pour les compléments
circonstanciels quand des relations différentes sont exprimées : on ne pourrait
dire :
*A. Dumas est mort là, dans la
misère, et en 1870.
LA NOTION DE « CIRCONSTANCE »
Nous avons parlé de « relations » de
lieu, de temps. Le terme de relation est
employé par les logiciens et les mathématiciens lorsque plusieurs ensembles ou
objets, identifiés séparément, sont associés par un rapport permanent ou accidentel (par exemple : x > y). Un syntagme
comme le chapeau de Paul exprime très
exactement une relation entre les objets
désignés par les noms chapeau et Paul,
donnés comme différents l’un de l’autre,
et le cas serait le même s’il s’agissait d’un
objet contenu dans un autre (le nez de
Paul), du moment que chacun des deux
est défini isolément. Mais, dans le syntagme un long nez, il n’y a pas de « relation » exprimée : l’adjectif long précise
une qualité du nez particulier que l’on
désigne, une « propriété » définissant cet
objet, propriété essentiellement interne,
et s’étendant à tout l’objet.
Dans un syntagme comme :
Le lieutenant marchait devant ses
hommes,
la « relation », au sens propre du mot, ne
peut exister qu’entre l’objet le lieutenant
et l’ensemble ses hommes. Pour concevoir
une relation entre cet ensemble et l’idée
de « marcher », il faudrait exprimer cette
idée sous la forme nominale, qui institue
un objet ou un ensemble ; c’est ce qu’on
fait quand on dit : « Il y a une relation
de lieu entre les hommes et la marche du
lieutenant », mais, ce faisant, on altère la
forme de la phrase.
Le terme de « circonstance » est-il meilleur ? Emprunté depuis le XIIIe s. au latin
(circumstantia, « ce qui se tient autour »),
il fut longtemps un terme savant, joignant une idée d’extériorité à l’idée
d’association, sans préjuger de la nature
du rapport. Pour Buffier (Grammaire
françoise, 1709), nom et verbe « sont susceptibles de diverses circonstances ou
modifications », qu’expriment des modificatifs comme les adverbes ou les compléments prépositionnels ; selon Beauzée
(Encyclopédie, au mot « Régime », 1765),
« pour caractériser les circonstances d’un
fait », les rhéteurs usaient « de la formule
quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando » : ils comptaient donc le
sujet et l’objet au nombre des circonstances. Cependant, Du Marsais (mort
en 1756) semblait réserver déjà le nom
de « circonstances » aux déterminations
« adjointes », « que les mots précédents
n’exigent pas nécessairement », et qui
« n’influent en rien à l’essence de la proposition grammaticale ». C’est seulement
vers 1880 que les rééditions de la Grammaire Noël et Chapsal s’enrichirent des
termes de « complément circonstanciel »,
distinguant, dans l’ensemble des compléments « indirects » du verbe, ceux qui
ne répondaient pas à la question à qui ? à
quoi ? C’était la limitation moderne, opposant les compléments circonstanciels
aux compléments d’objet et d’attribution
par un caractère commun qui ne peut
être qu’une nuance d’extériorité.
Or, si l’on peut admettre que le lieu et
le temps constituent bien des « circonstances » de l’événement ordinairement
énoncé par le verbe, le mot apparaît bien
impropre quand il s’agit, par exemple, de
la manière. Un caractère extérieur est-il
exprimé par le mot grâce dans : Sylvie
danse avec grâce ? La grâce, ici nommée
sans article, caractérise le verbe danser
comme l’adjectif gracieux caractériserait le nom une danse : une qualité est
exprimée, observable dans l’action même
qu’évoque ici le mot dansait, et non dans
son entourage (la manière est la « qualité
du procès »). Le terme de « circonstance »
s’applique tout aussi mal aux compléments de prix (Ce tableau vaut cher), de
quantité (Elle souffre beaucoup). Pourtant, il est convenu depuis le XIXe s., de
l’employer dans toutes ces valeurs inconciliables, réunies par le seul caractère
fonctionnel d’une relative autonomie.
Les défauts du terme n’échappèrent pas
à la commission de grammairiens réunie
en 1906 par le ministre de l’Instruction
publique en vue d’unifier et de simplifier
la nomenclature, et dont les délibérations
aboutirent à l’arrêté ministériel du 25
juillet 1910. Le document publié porta
simplement : Compléments du verbe :
complément direct et indirect.
Une circulaire du 28 septembre 1910,
relative à la nouvelle nomenclature,
recommanda aux maîtres de compléter
les distinctions de forme (direct/indirect) par des distinctions de sens, avec les
élèves d’un niveau supérieur à celui de
l’école primaire.« Quand l’analyse servira à l’intelligence d’un texte, rien n’empêchera le professeur d’expliquer qu’il
y a un complément direct ou indirect
indiquant l’objet de l’action, et des compléments de circonstance qui marquent
le lieu, le temps, la manière, etc. » Et F.
Brunot, commentant le document et les
travaux de la commission — dont il avait
été membre —, écrivait à propos de « circonstanciels » : « La Commission ellemême avertit que ce mot n’a aucun sens
précis, et laisse entendre que, dans une
foule de cas, il n’est pas bon. Et, en effet,
de trouver un mot qui convînt à tout ce
qu’on met dans ce cadre, il n’y fallait pas
songer. On n’eût guère pu trouver qu’un
numéro, comme pour les avenues de New
York. » Ce pis-aller devait pourtant être
introduit dans la nomenclature, quand
elle fut reconduite en 1949 ; en réaction
contre un formalisme jugé périmé, les
membres de la commission avaient remplacé l’ancienne formulation par celle-ci :
Compléments du verbe : d’objet — d’agent
d’attribution — de circonstances (circonstances de temps, de lieu, de cause, de manière, de but, etc.).
Les termes « direct » et « indirect », définis par l’absence ou la présence de préposition, n’intervenaient plus que dans un
Nota bene applicable à tous les compléments, et les commentaires préliminaires
recommandaient de n’y recourir que
lorsque leur emploi « présentait un intérêt pratique » (l’Éducation nationale, 6
octobre 1949). La même liste des compléments du verbe (objet, agent, attribution,
circonstances) fut expressément imposée, l’année suivante, dans les classes du
premier degré, à partir de la deuxième
année du cours moyen. En fait, cette
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quadripartition, par laquelle on croyait
rendre la priorité au « sens », manquait
totalement son but : nous avons vu plus
haut que l’objet et les circonstances ne
s’opposent pas sur ce plan ; quant à l’agent
et à l’attribution (v. ces deux mots), ils
n’ont de bonne définition que formelle.
Une distinction de « sens » apparaît seulement dans la parenthèse où sont mentionnées les circonstances de temps, de
lieu, de cause, de manière, de but, etc.
Certes, les mêmes relations peuvent être
exprimées par d’autres moyens, tels que
le « complément de nom » :
un voyage de huit jours (temps :
durée) ;
le départ de samedi prochain (temps :
date) ;
les fermes de Normandie (lieu) ;
un mariage de dépit (cause) ;
un plongeon de style (manière),
un mariage d’argent (but) ;
un livre de dix francs (prix) ;
ou l’association d’un verbe avec son complément d’objet :
Pierre fréquente la Sorbonne (lieu) ;
Félicité pleure son perroquet (cause) ;
Ce travailleur vise la gloire (but) ;
Le verglas provoque des accidents
(conséquence) ;
Ce jeune homme me rappelle son père
(comparaison).
Cependant, l’usage n’est pas d’analyser
les nuances des compléments du nom
(le plus souvent confondues par l’emploi
indifférencié de la préposition de), ni
celles des verbes transitifs, variées à l’infini comme les radicaux eux-mêmes (voir,
entendre, ouvrir, fermer sont des termes
de relation). La liste des quelque 130 prépositions et locutions prépositives introduisant des compléments circonstanciels
constitue, au contraire, un répertoire
limité, facilement réductible lui-même
à quelques sous-ensembles, dont l’identification est nécessaire à la traduction
d’une langue dans une autre, et même
aux transformations que chacun opère
constamment quand il use de sa langue
maternelle. Le système le plus simplifié en est proposé aux écoliers quand on
rattache ces compléments aux adverbes
interrogatifs où, quand, pourquoi, comment, combien.
Au niveau des lycées et collèges, on
enseigne aux élèves une courte liste de
« circonstances », sorte de tableau des
catégories logiques, dont le nombre et la
dénomination varient quelque peu d’un
auteur à l’autre. En voici une, datant de
1907, parmi cent autres : temps, lieu,
cause, manière, origine, but, tendance
(direction, destination, attribution),
distance, mesure, différence, accompagnement, partie, prix, poids, instrument, agent. Comme on voit, l’attribution et l’agent y sont tenus pour des
circonstances, opinion assez souvent
partagée, et conséquente dès le moment
que l’on confond le plan formel avec le
plan sémantique.
Le Bon Usage, de Maurice Grevisse, mentionne aussi l’extraction (issu de Jupiter),
l’échange (rendre le bien pour le mal), la
partie (Il le prend par la main), la matière
(carreler avec de la brique), l’opposition
(agir contre sa conscience), la concession
(malgré l’obscurité), le propos (discourir
d’une affaire), la fréquence, la privation,
la proximité, l’éloignement, la conséquence, la supposition, la relativité, le
changement, la séparation. Encore cette
liste ne prétend-elle pas être exhaustive :
on ne peut espérer, ni souhaiter, qu’aucune le soit. Devant un complément des
plus banals, comme celui de cette phrase :
Je suis dans l’attente de son retour,
les étiquettes se révèlent insuffisantes,
mais quelle importance ? Ce problème
d’identification est étranger à la grammaire et sa solution n’intéresse personne.
AUX LIMITES DE L’ « OBJET »
On a considéré les cas où une relation
était exprimée soit par un verbe, soit par
une préposition. Elle peut être contenue
dans les deux à la fois, phénomène qui se
présente sous deux aspects.
Je doute de lui.
Je me fie à lui.
La relation de doute ou de confiance
entre « moi » et « lui » est exprimée par
le verbe ; pourtant, le complément est
« indirect », introduit par les prépositions
de et à. Mais il s’agit des deux prépositions les plus abstraites du français (et, ce
qui va de pair, les plus employées), et l’on
constate qu’elles ne sont pas interchangeables, ni remplaçables par aucune autre
(on ne dit pas : *je doute à lui, *je me fie de
lui, *je doute sur lui, par lui, chez lui) ; or,
un mot n’a de valeur significative propre
que s’il est commutable avec un ou plusieurs autres. En fait, les prépositions de
et à sont ici des éléments lexicaux inséparables du radical verbal qui les précède,
et l’ensemble lexical douter de ou se fier
à doit être tenu pour transitif, le complément lui étant complément d’objet
(indirect). Un même verbe peut avoir
plusieurs constructions de sens différent,
les prépositions jouant un rôle distinctif à
l’instar des phonèmes :
Il tient sa mère / Il tient à sa mère / Il
tient de sa mère.
Pour beaucoup de verbes, la préposition
apparaît quand le complément d’objet est
un infinitif :
Il décide le départ / de partir.
Il commence son travail / à travailler.
Les raisons de cette différence sont de
nature purement formelle.
• Je vais à Rome.
Il se réfugie chez nous.
Certains verbes, comme aller, se réfugier,
ne s’emploient normalement que suivis
d’un complément indiquant le lieu où l’on
« va », où l’on « se réfugie ». La relation de
lieu paraissant exprimée concurremment
par le verbe et par la préposition, on est
tenté d’appeler le mot qui suit « complément d’objet » (indirect), comme dans le
cas précédent. Mais, ici, la préposition
n’est pas grammaticalisée, le choix est
libre entre : Je vais à Rome, ou vers Rome,
près de Rome, devant Rome, au-delà de
Rome, etc. On est donc devant un authentique complément circonstanciel.
SUPPORT DU COMPLÉMENT
CIRCONSTANCIEL
L’analyse grammaticale rapporte traditionnellement chaque complément
— mot ou groupe de mots — à un mot,
qui est son support : l’épithète à un nom
ou à un pronom, l’adverbe à un verbe, etc.
Le rattachement du complément d’objet
au verbe s’impose, puisque le verbe réclame pour ainsi dire ce terme, auquel
il confère une fonction. Tel complément
de quantité (Il souffrait beaucoup) ou de
temps (Il est venu hier) se rattache sans
discussion possible au verbe, dont le sens
appelle naturellement des précisions
d’intensité et de date.
Mais beaucoup de « circonstances », principalement quand elles s’expriment dans
un complément détaché, sont liées, sur le
plan du sens, à l’ensemble des termes de
la proposition plutôt qu’exclusivement au
verbe :
Malgré cette alerte, le souper fut gai
(Maupassant).
Dira-t-on que le complément de concession alerte se rapporte au verbe fut ?
Souvent, des adverbes, détachés ou non,
ont un sens qui ne se justifie que par la
phrase entière ; aussi certains les appellent-ils « adverbes de phrase » :
Il n’avait malheureusement pas pris
son violon.
Un ouvrier vint maladroitement
annoncer cette nouvelle à M. de
Mortsauf (Balzac).
L’action étant souvent inséparable, dans
la pensée, de l’agent qui la produit ou de
l’objet qui en est affecté, une qualification du sujet ou du complément d’objet
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
727
peut avoir pour
de « manière ».
sens porte à la
ils s’accordent
ils se trouvent
— placés :
effet une caractérisation
Il est des adjectifs dont le
fois sur le sujet avec lequel
et sur le verbe après lequel
— exceptionnellement
Les spectateurs écoutaient attentifs.
Il en est d’autres qui, construits en épithètes d’un objet neutre inexprimé, se
confondent pratiquement avec des adverbes invariables :
Elle vise haut (= quelque chose de
haut).
Ils boivent sec (= tout sans eau).
Il existe une catégorie de compléments
dont le rattachement au nom ou au verbe
relève surtout de facteurs sémantiques ;
ce sont des groupes sans préposition initiale, comme dans :
Il entra la tête haute.
Détachés ou non, ces groupes se caractérisent par la « solidarité » de leurs termes,
puisqu’on ne peut remplacer la tête haute
ni par la tête ni par haute. La place avant
le verbe oriente l’interprétation vers une
caractérisation du sujet :
Des femmes, panier au dos, guettaient les poissons à terre (P. Hamp).
Si la complémentation porte sur le verbe,
la « circonstance » exprimée est ordinairement la manière, mais non forcément :
Demachy, sa musette déjà vide, a
ramassé les grenades d’un copain
tombé (R. Dorgelès).
Si le second terme est un participe, le
groupe est appelé « proposition » (sa musette vidée).
FORMES DU COMPLÉMENT
CIRCONSTANCIEL
Le complément circonstanciel peut être :
— un nom ou un pronom avec préposition : devant ses hommes ;
— un nom ou un pronom sans préposition : travailler le dimanche, parler
affaires ;
— un adverbe : parler bien ;
— un adjectif accordé : elle court légère ;
— un adjectif invariable : elle vise haut ;
— un verbe au gérondif : en venant ; ou
à l’infinitif, après les prépositions autres
que en : pour venir, sans venir, avant de
venir ;
— un groupe solidaire à base de nom ou
de pronom, sans préposition : Il avançait
le dos bossu, les mains dans les poches,
nu-tête ;
— une proposition subordonnée (v. plus
loin).
PLACE DU COMPLÉMENT CIRCONSTANCIEL
Dans la chaîne de la phrase, le complément circonstanciel vient après le verbe ;
le complément d’objet direct le précède
normalement :
Pose la lampe sur la table.
Mais il n’est nullement incorrect de placer le complément circonstanciel indirect
avant l’objet direct, surtout si celui-ci est
plus volumineux :
Elle me montra dans la vitrine un
magnifique bracelet.
La plupart des compléments circonstanciels peuvent être détachés (v. plus haut) ;
un petit nombre d’adverbes doivent
suivre immédiatement le verbe aux
formes simples :
Il joue bien.
Il parle beaucoup.
Les écrivains placent quelquefois un adverbe entre le sujet et le verbe sans signe
de détachement :
Un souffle maintenant me caresse la
figure (Maupassant).
... les feuilles mortes lentement s’en
allaient, en tournoyant, vers la
Marne (Aragon).
Aux formes composées du verbe, on
place entre l’auxiliaire et le participe
les adverbes de quantité (Il a beaucoup
dormi) et de manière (Il a bien travaillé),
et certains adverbes de temps : jamais,
toujours, aussitôt, bientôt, déjà, encore,
ensuite, quelquefois (J’ai déjà lu ce livre).
La mise en valeur en tête de la proposition d’un complément circonstanciel non
détaché entraîne l’inversion du sujet :
Ici vécut Balzac.
Le long d’un clair ruisseau buvait une
colombe (La Fontaine).
PROPOSITIONS CIRCONSTANCIELLES
La tradition, dans l’enseignement secondaire français, a longtemps réparti
les propositions subordonnées en trois
classes :
— les relatives,
— les complétives,
— les circonstancielles.
Une partition plus étroitement fonctionnelle distingue :
— des subordonnées compléments de
nom, d’adjectif ou d’adverbe
— des subordonnées sujet, complément
d’objet, attribut ou apposition
— une classe définie par l’élimination
des deux autres, et qu’on appelle encore,
faute de mieux, les circonstancielles.
Cette classe réunit donc :
• Des propositions relatives sans
antécédent à valeur de complément
circonstanciel :
Promène-toi avec qui tu voudras.
Range ta voiture où tu pourras.
Ce groupe inclut les relatives indéfinies
introduites par qui que, où que, etc. :
Où que tu ailles, je te retrouverai ;
• Des propositions participes :
Le courage me manquant, je n’en dis
pas davantage (A. France) ;
• Des propositions conjonctives, introduites par quand, comme, si, que et les
locutions composées de que (lorsque,
puisque, quoique, avant que, pour que,
etc.) :
Quand elle revint, son mari était
parti ;
• Des propositions doublement
conjonctives :
Faites
comme si vous étiez chez vous ;
comme quand vous êtes chez vous ;
• Des propositions conjonctives introduites, comme un mot complément, par
une préposition (ordinairement pour,
moins souvent de ou sauf) :
Je suis pour que les femmes votent (=
pour le vote des femmes).
Il y a là des chansons pour quand tu
es triste.
Du point de vue de la relation exprimée,
on distingue, parmi les « circonstancielles », des propositions :
• De temps (temporelles) :
Son mari était parti quand elle
revint ;
• De cause (causales) :
J’ai fermé la porte parce qu’il y avait
de l’air ;
• De but (finales) :
Elle tourna la tête pour qu’on ne la
vît pas rougir ;
• De conséquence (consécutives) :
Il a erré sous la pluie, si bien qu’il est
rentré malade ;
• De condition (conditionnelles) :
Je serai très heureux s’il vient ce soir ;
• De concession ou d’opposition
(concessives) :
Quoiqu’il fasse encore froid, je me
baigne à l’aube ;
• De comparaison (comparatives) :
Elle hésita sur le seuil, comme on
hésite à plonger dans une eau
glacée.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
728
Cette gamme sommaire de « circonstances », dont se contente la pratique
scolaire de l’analyse propositionnelle,
n’exclut pas la combinaison de plusieurs
circonstances, comme la condition et la
comparaison :
Faites comme si vous étiez chez
vous ;
ou le temps, la quantité et la comparaison :
A mesure que nous avancions, la
forêt devenait plus épaisse.
Telles conjonctions sont polyvalentes ;
tandis que exprime le temps ou l’opposition ; sans que exprime la négation
d’une cause, d’une conséquence ou d’une
concomitance :
Il vient sans qu’on l’appelle.
Il court sans que son plateau se
renverse.
Nous ne voulons pas sortir en mer
sans qu’il fasse beau.
Enfin, il est évident que les « circonstances » de la subordination ne se limitent
pas à sept comme les notes de la gamme ;
on y ajoute, à un niveau plus poussé
d’analyse, des propositions d’addition :
Outre qu’il était très riche, il descendait en ligne directe de Jean sans
Terre (M. Aymé) ;
et de restriction ou d’exception :
Sauf qu’il avait tellement grossi, il
avait gardé bien des choses d’autrefois
(Proust).
Cette liste, que rien ne clôt a priori, se
trouve être empiriquement suffisante.
Elle ne se confond pas avec la liste, donnée plus haut, des circonstances qu’expriment les compléments simples. Elle est
plus courte, et, si les termes qui la composent se retrouvent tous dans celle-là,
les pourcentages d’application sont bien
différents : la cause, la condition, le but,
la conséquence trouvent dans la proposition une expression bien plus adéquate
et nuancée que dans le nom ou l’adverbe.
C’est la raison qui a fait nommer « analyse logique » l’analyse des propositions.
L’assimilation fonctionnelle, pratiquée
dans les classes, des propositions aux
mots est commode — car les fonctions reconnues dans la phrase simple
s’étendent ainsi à la phrase complexe —,
mais elle est quelquefois abusive. Beaucoup de théoriciens ont été jusqu’à remplacer le terme de « circonstancielles »
par « adverbiales », en appelant parallèlement « substantives » les propositions
complétives, et « adjectives » les relatives.
Pourtant, on ne connaît guère d’adverbes
compléments de condition, de conséquence ; et l’on ne voit pas quel principe
peut fonder en théorie une identité fonctionnelle que tant d’exemples démentent. Pourquoi la langue n’aurait-elle pas
affecté certaines fonctions en propre à la
proposition, unité dont l’élément central,
à la différence du nom, du pronom et de
l’adverbe, se fléchit en temps et en mode ?
Plus encore que pour les compléments
simples, l’identification du support est
problématique. Devant des phrases
comme :
Si tu n’avais servi qu’un meunier
comme moi,
Tu ne serais pas si malade (La
Fontaine).
Si la chambre est froide, le lit de
plume est trop chaud (J. Renard).
Ta lettre n’arrivera pas demain,
puisque la levée était à 8 heures,
on est autorisé à se demander si l’ancienne formule d’analyse, donnant la
subordonnée pour « complément de la
principale », n’était pas moins artificielle
que celle qui en fait aujourd’hui un complément du verbe principal. Si l’on estime
que, dans ces trois exemples, la complémentation s’étend à toute la phrase précisément parce qu’elle porte sur son élément central, le verbe, que dira-t-on des
cas où une consécutive, une comparative
prennent nettement appui sur un terme
autre que le verbe :
Goulatroncoeur rêve d’une maison si
haute que son toit serait couvert de
neiges éternelles (Tr. Derème).
Cette auberge [...] offre aujourd’hui
aux voyageurs un logis aussi propre
et bien tenu qu’il est admirablement
situé (Töpffer).
La conséquence et la comparaison s’assoient souvent sur l’expression première
d’une intensité, d’une quantité, d’une
qualité ou d’une manière : seule la dernière de ces catégories est l’apanage du
verbe.
Le rapport de conséquence ou de comparaison unissant la principale à la subordonnée peut être exprimé par des « systèmes à distance », comme tellement...
que, (au)tant... que, (aus)si... que, tel...
que, assez... pour que, plus (moins)... que,
meilleur ... que, mieux... que. Solidarité
qui n’existe pas dans le cas des compléments simples, mais qui se retrouve dans
certains systèmes d’accouplement des
propositions :
Plus le fer est chaud, plus il est
malléable,
dont on est en peine de dire s’ils relèvent
de la coordination ou de la subordination
(v. ces mots).
Les propositions de comparaison
prennent souvent, par ellipse, l’apparence
d’un complément morphologiquement
simple, mais qui n’a pas forcément pour
support un verbe :
Nous sommes venus par une route
plus belle que la vôtre.
Appeler que la vôtre une « proposition
complément circonstanciel du verbe
sommes venus » est la position absurde
à laquelle conduirait le classement univoque de toute « comparaison » dans les
« circonstances » ; incontestablement, le
pronom la vôtre serait appelé « complément d’adjectif » si l’on remplaçait plus
belle que par supérieure à.
On retiendra de ces réflexions générales
qu’il ne faut pas admettre sans réserve
le postulat d’une identité fonctionnelle
entre les propositions dites « circonstancielles », ou qui pis est « adverbiales », et
les compléments circonstanciels simples,
eux-mêmes improprement nommés. La
prudence commande de les désigner plutôt, selon les besoins, soit par des termes
purement formels, comme propositions
conjonctives, relatives, participes, infinitives, soit par des termes de sens n’engageant pas la nature du support, comme
propositions de temps, de cause, de
conséquence.
circonstancier [sirkɔ̃stɑ̃sje] v. tr. (de
circonstance ; 1632, Chapelain [1468,
Chastellain, au part. passé, au sens de
« appliqué à des occasions favorables »]).
Class. et littér. Rapporter avec toutes les
circonstances, tous les détails : Je passe
des endroits si importants sans les circonstancier (Furetière). Au nombre des pensées
secrètes [...] qui confirment et circonstancient les autres détails sur Rome et sur
l’Église (Sainte-Beuve).
• REM. Circonstancier ne s’emploie plus
qu’à l’infinitif : Il faudra me circonstancier ce rapport, et au part. passé (v. CIRCONSTANCIÉ, E, adj.).
circonvallation [sirkɔ̃valasjɔ̃] n. f. (lat.
circumvallatio, de circumvallare, bloquer,
cerner, de circum, autour, et vallum, palissade ; 1640, Oudin). Fortification sommaire
(tranchée et palissade), établie par l’assiégeant d’une place pour se protéger contre
les attaques venues de l’extérieur.
circonvenir [sirkɔ̃vnir] v. tr. (lat. circumvenire, venir autour, assiéger, accabler,
puis, en bas lat., « tromper » ; 1355, Bersuire,
au sens 1 ; sens fig. dès le XIVe s.). [Conj.
16.] 1. Vx et littér. Entourer de tous côtés :
Un lierre obscur qui circonvient un tronc
(Rostand). ∥ 2. Fig. Établir les limites
exactes d’une question, d’un sujet : Si j’eusse
eu plus de temps, je me fusse amusé à vous
montrer le nietzschéisme devant Nietzsche.
Par des citations habilement choisies, j’eusse
pu circonvenir presque de toutes parts sa
figure (Gide). Je ne m’écarte pas de mon
objet et, malgré les apparences, le circonviens petit à petit (Duhamel). ∥ 3. Fig.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Entourer quelqu’un de ruses et d’artifices
pour le séduire, le soumettre à sa volonté
ou l’induire en erreur : Circonvenu par ses
manoeuvres, subissait-il l’influence de cette
fascination ? (Maupassant). Circonvenus
comme nous le sommes, reprenait le cardinal, nous avons parfois quelque mal à
toucher les offrandes que quelques bonnes
âmes secrètement nous envoient (Gide).
• SYN. : 2 borner, cerner, circonscrire, délimiter ; 3 amadouer, embobiner (fam.), enjôler, entortiller (fam.). — CONTR. : 2 élargir,
étendre.
circonvoisin, e [sirkɔ̃vwazɛ̃, -in] adj.
(bas lat. circumvicinus [IXe s.], de circum,
autour, et vicinus, voisin ; 1387, Runkewitz).
Situé tout autour : Tous les paysans de
Médintiltas et lieux circonvoisins viendront chez moi manger quelques boeufs
(Mérimée).
• SYN. : avoisinant, limitrophe, proche, voisin. — CONTR. : éloigné, lointain.
circonvolutif, ive [sirkɔ̃vɔlytif, -iv]
adj. (du lat. circumvolutus [v. CIRCONVOLUTION] ; 1877, Littré). Relatif aux circon-
volutions du cerveau.
circonvolution [sirkɔ̃vɔlysjɔ̃] n. f. (du
lat. circumvolutus, part. passé de circumvolvere, rouler autour ; fin du XIIIe s.,
Godefroy, au sens de « sinuosité circulaire
[de la mer] » ; sens 1, 1762, Acad. ; sens 2,
1546, Ch. Estienne [pour l’intestin ; pour
le cerveau, 1832, Raymond] ; sens 3, XIXe s.,
Lamartine). 1. Enroulement autour d’un
centre : La jeune femme descendit l’escalier à double circonvolution (Mauriac).
∥ 2. Nom donné aux sinuosités de certains
organes, et en particulier aux bourrelets
sinueux qu’offre la surface du cerveau et du
cervelet : Un cerveau aux circonvolutions
nombreuses (France). ∥ 3. Fig. et vx. Paroles
détournées, circonlocutions : De longues
circonvolutions de paroles (Lamartine).
circuit [sirkɥi] n. m. (lat. circuitus, du v.
circuire, autre forme de circumire, faire le
tour, de circum, autour, et ire, aller ; v. 1220,
la Queste del saint Graal, écrit circuite, fém.
[circuit, masc., 1257, Delboulle], au sens 1 ;
sens 2, 1907, Larousse ; sens 3, XXe s. ; sens
4, 1907, Larousse ; sens 5, XVIe s., Amyot ;
sens 6, 1541, Calvin ; sens 7, 1695, Kuhn).
1. Vx. Chemin à parcourir pour faire le
tour d’un lieu ; limite extérieure : Le circuit
d’une agglomération. ∥ 2. Itinéraire fermé
d’une épreuve sportive, que les concurrents
doivent parcourir une ou plusieurs fois : Le
grand prix de l’Automobile-Club de France
se court sur le circuit de Reims. ∥ Fig. et
pop. Ne plus être dans le circuit, avoir
abandonné une entreprise, une activité,
etc. ∥ 3. Parcours touristique dans lequel
on revient à son point de départ : Nous
marquions sur la carte routière des circuits
ambitieux (Fargue). ∥ 4. En électricité,
suite de conducteurs à travers lesquels passe
un courant électrique : Couper, rétablir le
circuit. Circuit fermé, ouvert. ∥ Mettre en
circuit, intercaler dans un circuit. ∥ Mettre
hors circuit, supprimer un conducteur d’un
circuit. ∥ Court-circuit, v. ce mot à son
ordre alphab. ∥ 5. Sinuosité, détour d’un
chemin : La route suivait ensuite la rivière
[...]. Peu à peu, elle montait avec de lents circuits pour contourner le monticule (Zola).
∥ 6. Class. et littér. Paroles, pensées qui
s’éloignent du but, du sujet ; manoeuvres
détournées, parfois perfides : Nous avions
jugé à propos [...] de lui proposer d’abord et
sans circuit cette lettre (Retz). M. de Maistre
a comme un sens particulier, excellent pour
pénétrer les ennemis cauteleux du christianisme, pour les démasquer dans leurs
circuits et leurs ruses (Sainte-Beuve). Mais
ces préambules, ces circuits de plus en plus
larges ne l’amenaient pas où il voulait ;
au contraire, ils l’éloignaient de son idée
(Daudet). ∥ 7. Spécialem. Double mouvement qui relie le marché des services et le
marché des produits.
• SYN. : 3 croisière, périple, randonnée, tour,
tournée.
circulaire [sirkylɛr] adj. (bas lat. circularis, de circulus, cercle ; v. 1265, Br. Latini,
écrit circulere [circulier, même date, J. de
Meung], au sens I, 1 ; sens I, 2, v. 1361,
Oresme [circulaire] ; sens I, 3, 1678, La
Fontaine [pour un argument ; pour un
voyage, 1885, Daudet] ; sens I, 4, 1654, La
Rochefoucauld ; sens II, 1753, Encyclopédie).
I. 1. Qui a la forme d’un cercle ou une
forme qui s’en rapproche : Il avait [...]
autour de la bouche deux grands plis circulaires, descendant des joues au menton (Maupassant). Scie circulaire. Édifice
de plan circulaire. ∥ 2. Qui décrit un
cercle : Mouvement circulaire. ∥ 3. Dont
le parcours revient à son point de départ :
Je m’en irai quand sera partie la jeune
femme au pagne couleur jonquille que je
croise à chaque tour de ma promenade
circulaire (Loti). ∥ Billet circulaire, billet de chemin de fer à prix réduit, pour
un parcours déterminé, et qui oblige
le bénéficiaire à revenir à son point de
départ. ∥ Voyage circulaire, voyage dont
l’itinéraire ramène au point de départ :
Ces deux implacables ennemis condamnés à vivre côte à côte, pendant un mois,
rivés au même itinéraire d’un voyage circulaire Cook (Daudet). ∥ Raisonnement,
argument circulaire, raisonnement, argument vicieux qui aboutit à conclure ce
qu’on a pris pour hypothèse. (On dit aussi
CERCLE VICIEUX.) ∥ 4. Se dit d’une lettre
que l’on expédie sous la même forme à
plusieurs personnes.
II. Fonctions circulaires, fonctions trigonométriques (sinus, cosinus, tangente,
cotangente, sécante, cosécante).
• SYN. : I, 1 arrondi, courbe, rond ; 2 giratoire, rotatif, rotatoire.
% n. f. (1787, Féraud). Écrit, avis tiré à un
certain nombre d’exemplaires, et adressé
à des destinataires différents pour leur
communiquer les mêmes informations :
Circulaire administrative.
circulairement [sirkylɛrmɑ̃] adv. (de
circulaire ; XIVe s., Godefroy). En cercle :
Il se mit donc à parler avec plus de suite
en marchant circulairement (Vigny). Le
caveau [...] s’étendait circulairement dans
les flancs du monticule, sous une voûte
arrondie (Feuillet).
circulant, e [sirkylɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de circuler ; 1745, Brunot). 1. Qui circule,
se déplace : La lueur lentement circulante
des files de lanternes (Daudet). ∥ 2. Qui
est en circulation (en parlant des richesses,
des valeurs, etc.) : La monnaie circulante.
circulateur [sirkylatoer] n. m. (lat. circulator, celui qui forme cercle autour de lui,
charlatan, de circulari, former un groupe ;
XVIe s., Godefroy, au sens du lat. ; sens class.
[influencé par circulation du sang], 1673,
Molière). Class. Partisan de la théorie de la
circulation du sang : J’ai contre les circulateurs soutenu une thèse (Molière).
circulation [sirkylasjɔ̃] n. f. (lat. circulatio, orbite, circuit ; v. 1360, Oresme,
au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet ; sens 3,
1829, Boiste ; sens 4, 1694, Acad. ; sens
5, XVIIe s., Brunot). 1. Mouvement d’un
mobile qui revient à son point de départ.
∥ 2. Spécialem. Mouvement continu du
sang qui va du coeur aux extrémités et
revient des extrémités vers le coeur : W.
Harvey découvrit en 1629 les lois de la
circulation. Il est incroyable pour nous,
et c’est presque une honte pour l’esprit
humain, presque une objection contre
l’intelligence observatrice de l’homme,
que le fait qui nous paraît si manifeste, si
facile à découvrir, de la circulation du sang,
n’ait été démontré que du temps même de
Descartes (Valéry). ∥ Grande circulation,
mouvement qui conduit le sang du ventricule gauche du coeur à l’oreillette droite,
par les artères, les capillaires et les veines.
∥ Petite circulation, ou circulation pulmonaire, mouvement qui conduit le sang
du ventricule droit à l’oreillette gauche
du coeur, par les artères pulmonaires, les
poumons et les veines pulmonaires. ∥ Par
extens. Circulation de la sève, mouvement
de la sève à travers les vaisseaux ligneux
des végétaux. ∥ 3. Mouvement des véhicules et des piétons se déplaçant sur les
voies de communication ; ensemble des
véhicules qui circulent : La circulation
ne pouvant se faire qu’à cheval, dans les
montagnes et les rochers (Nerval). C’était
une circulation ininterrompue de gens
descendant vers la ville ou remontant vers
l’ancienne barrière (Daudet). [Je] le menais
[un aveugle] d’une main douce et ferme
sur le passage clouté, parmi les obstacles
de la circulation, vers le havre tranquille
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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du trottoir (Camus). Circulation routière,
ferroviaire. ∥ 4. Mouvement des marchandises, des biens, des valeurs, de la monnaie
qui passent de main en main : Comme de
souscrire des effets de complaisance et de
te lancer dans un système de circulations
qui, selon moi, est un commencement de
friponnerie (Balzac). ∥ Circulation monétaire, quantité de monnaie (métallique,
fiduciaire, scripturale) en circulation au
cours d’une période donnée. ∥ Mettre en
circulation, répandre dans le public : Le
nombre total des bibles mises en circulation depuis l’origine s’élève à 1 027 000
(Stendhal). ∥ 5. Par extens. Mouvement,
diffusion des idées et des nouvelles : Les
philosophes du XVIIIe siècle ont mis en circulation les principes révolutionnaires.
• SYN. : 1 circuit, révolution ; 3 passage,
roulage, trafic ; 4 échanges, roulement ; 5
propagation, transmission.
circulatoire [sirkylatwar] adj. (de circuler [et non du lat. circulatorius, qui signifie
seulement « charlatan »] ; v. 1560, Paré, au
sens de « qui sert à faire la distillation par
circulation » ; sens actuel, 1835, Acad.).
Relatif à la circulation du sang : Troubles
circulatoires. ∥ Appareil circulatoire,
ensemble des organes et des vaisseaux
assurant la circulation du sang et de la
lymphe (coeur, artères, capillaires, veines).
circuler [sirkyle] v. intr. (lat. circulari,
former un groupe, de circulus, cercle ; v.
1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2 [pour le
sang], 1680, Richelet ; sens 3, 1829, Boiste ;
sens 4, 1719, Brunot ; sens 5, 1798, Acad.).
1. Class. Décrire un mouvement circulaire :
La Terre est une des planètes qui circulent
autour du Soleil (Laplace). ∥ 2. Se mouvoir
de façon à revenir à son point de départ
(surtout en parlant des liquides et des
gaz) : Le sang commençait à circuler dans
mes veines (Vigny). ∥ 3. Se déplacer sur
les voies de communication ; aller d’un
lieu à un autre ou en divers sens : Toute
la journée, des hommes à visage sinistre
ont circulé dans le Louvre (Dumas père).
Quelle amitié, quelle société facile sur ce
trottoir ! Un vieillard, un enfant, un chien
même y circulent à l’aise (Alain). La voie
ayant été dégagée, les trains circulaient de
nouveau. ∥ Circulez !, ordre par lequel la
police invite les manifestants à se disperser
ou les conducteurs de véhicules à avancer. ∥ 4. En parlant des marchandises, des
biens, des valeurs, de la monnaie, passer de
main en main. ∥ 5. En parlant des idées,
des nouvelles, se répandre, se propager : Il
circulait des histoires abominables (Zola).
• SYN. : 3 passer, rouler ; 5 courir. — CONTR. :
3 stationner.
circum- préf. V. CIRCOM-.
circumduction [sirkɔmdyksjɔ̃] n. f. (lat.
circumductio, action de conduire autour, de
circumducere, entourer ; 1562, M. Scève).
Mouvement de rotation autour d’un axe
ou d’un point.
circumlunaire [sirkɔmlynɛr] adj. (de
circum- et de lunaire ; milieu du XXe s.).
Qui existe, qui a lieu autour de la Lune :
Espace, satellite circumlunaire.
circumnavigation [sirkɔmnavigasjɔ̃]
n. f. (de circum- et de navigation ; 1788,
Pauw, écrit circonnavigation, au sens de
« voyage autour d’une île » ; sens actuel,
1838, Acad.). Voyage par mer autour d’un
continent ou du globe.
• SYN. : périple.
circumpolaire ou circompolaire
[sirkɔmpɔlɛr] adj. (de circum- ou circomet de polaire ; 1700, Brunot, écrit circonpolaire ; circom-, 1752, Trévoux ; circum-,
1866, Larousse). 1. Qui avoisine les pôles :
La Petite Ourse est une constellation circumpolaire. ∥ 2. Qui se fait autour du pôle :
Navigation circumpolaire.
circumterrestre [sirkɔmtɛrɛstr] adj.
(de circum- et de terrestre ; milieu du XXe s.).
Qui existe autour de la Terre : Espace
circumterrestre.
cire [sir] n. f. (lat. cera ; 1080, Chanson de
Roland, au sens I, 5 ; sens I, 1 et 3, XIIe s. ;
sens I, 2, 1723, Savary des Bruslons ; sens I,
4, 1741, Savary des Bruslons ; sens I, 6, fin
du XVIe s. ; sens II, fin du XIIIe s).
I. 1. Substance jaunâtre, molle, devenant
dure et cassante au froid, sécrétée par les
abeilles, qui en font les rayons de leurs
ruches : Qui veut goûter du miel ? Les
cellules de cire ont fondu (Gide). ∥ Cire
vierge, cire naturelle qui n’a pas été fondue. ∥ Moulage à cire perdue, procédé
qui consiste à mouler de l’argile autour
d’un modèle en cire, que l’on élimine par
fusion pour couler le métal fondu dans le
moule ainsi obtenu. ∥ Cire perdue, statuette ou objet coulés suivant ce procédé.
∥ Fig. De cire, jaune ou très pâle, comme
la cire (généralement en parlant du teint) :
Sous le hâle de la figure perçait une pâleur
de cire (Gautier). ∥ Class. Comme de cire,
d’une façon parfaite, ou fort à propos :
Approchant la pantoufle de mon pied, il
vit qu’elle y était juste comme de cire (Perrault). ∥ 2. Figure, image, médaillon, statue de cire : L’immobilité des cires du musée Tussaud (M. Prévost). ∥ Spécialem. et
vx. Bougie, cierge de cire : Je vis à la lueur
vacillante des cires | Un visage de marbre
avec de lourds bandeaux (Samain). ∥ Vx.
La cire, le luminaire, l’éclairage d’une
église : Les funérailles ont coûté tant pour
la cire (Acad.). ∥ 3. Préparation à base de
cire servant à entretenir et à faire briller
les parquets, les meubles, les boiseries : La
vieille femme ne quittait pas son plumeau,
sa brosse, le morceau de cire (Daudet).
∥ 4. Substance analogue à la cire, sécrétée par certains végétaux : Palmier à cire.
∥ 5. Cire à cacheter, ou cire d’Espagne,
composition de gomme laque et de résine
servant à cacheter les lettres : Après avoir
décacheté devant nous l’enveloppe scellée
à la cire rouge... (Maupassant). ∥ 6. Sécrétion jaunâtre qui se forme dans les
oreilles (cérumen), ou matière gluante
qui se dépose au bord des paupières
(chassie).
II. Membrane qui recouvre la base du bec
de certains oiseaux (rapaces, perroquets,
pigeons).
ciré, e [sire] adj. (part. passé de cirer ; toile
cirée, début du XIIIe s.). 1. Enduit de cire ou
de cirage : Le salon était ciré à ne pouvoir
y tenir debout (Flaubert). ∥ 2. Toile cirée,
toile couverte d’un enduit vernissé qui la
rend imperméable : Une petite charrette de
bois blanc, couverte de trois cercles et d’une
toile cirée noire (Vigny).
% ciré n. m. (1911, Larousse). Vêtement
imperméable en toile huilée, que portent
les marins par gros temps : Tous les hommes
portaient le ciré des marins, capuchon
rabattu sur leurs uniformes (Malraux).
cirer [sire] v. tr. (de cire ; fin du XIIe s.,
Aliscans, aux sens 1-2 [cirer les bottes, 1866,
Larousse]). 1. Enduire de cire ; frotter avec
une composition à base de cire : Cirer du fil.
Cirer des meubles. ∥ 2. Enduire de cirage,
et frotter pour nettoyer, faire reluire : Cirer
des chaussures. ∥ Fam. Cirer les bottes à
quelqu’un, le flatter bassement.
• SYN. : 1 encaustiquer, glacer, lustrer.
cireur, euse [siroer, -øz] n. (de cirer ;
1866, Larousse). Personne qui cire : Elle
répond au type de la cireuse de parquet,
de l’épousseteuse de meubles (Romains).
% cireur n. m. Celui qui fait métier de cirer
les chaussures.
% cireuse n. f. (XXe s.). Appareil ménager
servant à l’entretien des parquets.
cireux, euse [sirø, -øz] adj. (de cire ;
milieu du XVIe s., Huguet). 1. Qui est de
la nature de la cire : Substance cireuse.
∥ 2. Qui a l’aspect de la cire ; qui paraît
enduit de cire : Il y avait de beaux choux,
de beaux choux de bronze à la feuille cireuse
et intacte (Duhamel). ∥ 3. Qui a la pâleur
de la cire : La figure du vieillard, généralement cireuse, est empourprée (Martin du
Gard). Il fut frappé par cette figure cireuse,
presque grise, qui ne se souleva pas d’entre
les oreillers (Mauriac).
• SYN. : 2 glacé, lustré, vernissé ; 3 blafard,
blême, livide, plombé, terreux.
1. cirier [sirje] n. m. (de cire ; fin du XIIe s.,
Aymeri de Narbonne, aux sens 1-2 ; sens 3,
1771, Trévoux). 1. Marchand ou fabricant
de cierges et d’objets en cire. ∥ 2. Artiste,
ouvrier qui travaille la cire. ∥ 3. Nom de
plusieurs arbustes producteurs de cire,
notamment du myrica.
2. cirier, ère [sirje, -ɛr] adj. (de cire ; 1907,
Larousse). Qui peut produire de la cire.
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% cirière adj. et n. f. (1845, Bescherelle).
Abeille cirière, ou cirière, n. f., abeille
ouvrière qui sécrète la cire et construit les
rayons.
ciron [sirɔ̃] n. m. (francique *seuro ; XIIIe s.,
Dict. général [var. seuron, sueron, suiron,
au Moyen Âgel). 1. Insecte aptère minuscule, qui vit sur les aliments, les détritus.
∥ 2. Fig. et vx. Symbole de l’extrême petitesse : Qu’un ciron lui offre [à l’homme]
dans la petitesse de son corps des parties
incomparablement plus petites [...], il pensera peut-être que c’est là l’extrême petitesse
de la nature (Pascal). Nous étions des géants
en comparaison de la société de cirons qui
s’est engendrée (Chateaubriand). Que
d’amour dans ton sein pour embrasser ces
mondes, | Pour couver de si loin ces poussières fécondes, | Descendre aussi puissant
des soleils au ciron (Lamartine).
cirque [sirk] n. m. (lat. circus ; 1355,
Bersuire, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1832,
Raymond ; sens II, 1, 1822, Vigny ; sens
II, 2, XXe s.).
I. 1. Chez les Romains, vaste enceinte
où l’on célébrait les jeux publics (courses
de chars, combats de gladiateurs, etc.) :
L’apostat repenti, jaloux de voler au ciel de
conserve avec ses frères, obtenait la grâce
de mourir dans le cirque (Balzac). Dans
le cirque ébloui, vers le but et la palme
| Il a tourné (Heredia). ∥ 2. Enceinte
circulaire couverte, où se donnent des
spectacles équestres, acrobatiques, de
domptage et de pitreries : C’est ravissant
comme ça vous soûle | D’aller ainsi dans
ce cirque bête (Verlaine). ∥ L’entreprise
qui organise ces spectacles : Le cirque
X présente un nouveau spectacle ce soir.
∥ L’ensemble des artistes, des animaux,
du matériel : Le cirque s’est installé sur la
place. ∥ Fig. et fam. C’est un cirque, un
vrai cirque, se dit d’un lieu où règne une
agitation désordonnée et tumultueuse.
II. 1. Dépression semi-circulaire, entourée de montagnes aux parois abruptes : Le
cirque de Gavarnie. Une espèce de cirque
naturel parfaitement ombragé (Mérimée).
Un jour froid et blême sur un cirque grandiose de pics, de flèches, dominés par le
mont Blanc encore à quinze cents mètres
(Daudet). Extraordinaire cirque de roches
abruptes (Gide). ∥ 2. Dépression circulaire de la surface de la Lune ou de Mars.
• SYN. : I, 1 amphithéâtre, arène, carrière ;
2 chapiteau.
cirre [sir] n. m. (lat. cirrus, proprem.
« boucle de cheveux » ; 1545, Guéroult, au
sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Vrille
de certaines plantes. ∥ 2. Appendice de
diverse nature que possèdent certains vers,
mollusques, crustacés.
• REM. Certains écrivent à tort CIRRHE.
cirrhose [siroz] n. f. (du gr. kirrhos,
jaunâtre ; mot créé en 1805 par Laennec).
Maladie du foie, caractérisée parfois par
des granulations d’un jaune roux : Cirrhose
alcoolique, cirrhose paludéenne.
cirripèdes [siripɛd] n. m. pl. (du lat.
cirrus [v. CIRRE] et pes, pedis, pied ; 1817,
Dict. d’histoire naturelle). Sous-classe de
crustacés marins, fixés généralement toute
leur vie ou presque, ayant normalement six
paires de pattes recourbées en panache.
cirro-cumulus [sirokymylys] n. m. (de
cirro-, élément tiré de cirrus, et de cumulus ; 1866, Larousse). Nuage formé par des
groupes de flocons blancs nettement séparés (ciel moutonné).
cirro-stratus [sirostratys] n. m. (de
cirro-, élément tiré de cirrus, et de stratus ;
1866, Larousse). Nuage de haute altitude,
qui a la forme d’un voile blanchâtre et ténu,
dessinant un halo autour de la lune ou du
soleil.
cirrus [sirys] n. m. (mot lat. signif.
« boucle de cheveux », « frange », « filament » [v. CIRRE] ; milieu du XIXe s.). Nuage
élevé, d’un blanc soyeux, en forme de longs
filaments, de boucles, de clous ou de rides :
Ils contemplaient [...] ceux qu’on prendrait
pour des montagnes de neige, tâchant de
distinguer les nimbus des cirrus (Flaubert).
cis- [siz devant une voyelle ; sis devant
une consonne], élément tiré de la préposition lat. cis, de ce côté-ci de, en deçà de,
et entrant dans la formation de plusieurs
termes savants, notamment en géographie.
cisaillage [sizɑjaʒ] n. m. (de cisailler ;
XXe s.). Découpage d’une feuille de métal
suivant un tracé rectiligne ou quelconque.
1. cisaille [sizɑj] n. f. (déverbal de cisailler ; 1324, Du Cange). Rognure de métal
cisaillé. ∥ Spécialem. Dans la fabrication
des monnaies, lame perforée provenant du
découpage des flans.
2. cisaille [sizɑj] n. f. (lat. pop. *cisaculum, réfection de *caesaculum, formé sur le
part. passé caesus, de caedere, tailler, avec
le suff. -aculum, fréquent dans les noms
d’outils ; 1866, Larousse). Machine servant au découpage des tôles, des feuilles
de carton.
% cisailles n. f. pl. (XIIIe s., Rutebeuf). Gros
ciseaux servant à couper les matières dures
(métaux, carton, etc.), à élaguer les arbres
et les arbustes : Cisailles de zingueur, de
jardinier. Il détachait un large éventail à
l’aide d’une paire de cisailles cintrées (Zola).
cisaillement [sizɑjmɑ̃] n. m. (de cisailler ; 1636, Monet, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Action de cisailler : Le cisaillement des
monnaies défectueuses. ∥ 2. Usure d’un
boulon ou d’un rivet due au frottement et
au déplacement des pièces qu’il maintient.
cisailler [sizɑje] v. tr. (de cisaille[s] ;
1450, Godefroy, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s. ;
sens 4, 1866, Larousse). 1. Couper, rogner
au moyen de la cisaille ou des cisailles :
Cisailler une tôle. Cisailler des barbelés.
∥ 2. Couper largement avec un instrument
tranchant : Pouvait-il renoncer à cisailler
la chair vive pour débrider toute la plaie ?
(Duhamel). ∥ 3. User, détruire par cisaillement. ∥ 4. Vx. Repasser le linge, le tuyauter
avec des fers en forme de cisailles.
• SYN. : 2 tailler, trancher.
cisailleur, euse [sizɑjoer, -øz] n. (de
cisailler ; 1866, Larousse). Personne qui
cisaille, qui coupe, qui rogne (au pr. et au
fig.) : Les ennemis du cinéma, les cisailleurs
de ses ailes (Fargue).
% cisailleuse n. f. (1929, Larousse). Grande
cisaille pour couper les barres et les plaques
de métal.
cisalpin, e [sizalpɛ̃, -in] adj. (lat. cisalpinus, de cis, en deçà de, et Alpes, les Alpes ;
1596, Hulsius). Situé en deçà des Alpes par
rapport à Rome : Gaule cisalpine. La longue
domination des empereurs sur les pays cisalpins a rempli l’Allemagne d’artistes de ces
pays (Chateaubriand).
• CONTR. : transalpin.
ciseau [sizo] n. m. (lat. pop. *cisellus, altér.
de *caesellus, dér. de caesus, part. passé de
caedere, couper ; XIIe s., au sens I, 1 ; sens
I, 2, 1740, Acad. [« manière de sculpter »] ;
sens II, XXe s.).
I. 1. Lame d’acier à bout tranchant, servant à travailler les corps durs (bois, fer,
pierre) : Ciseau de menuisier, de marbrier.
Nous [les colonnes] fûmes de nos lits |
Par le ciseau tirées | Pour devenir ces lys !
(Valéry). ∥ Ciseau à froid, ciseau servant
à sectionner des corps durs. ∥ 2. Fig. et
littér. La sculpture : La gaze de Céos et les
autres voiles, que les satiriques appelaient
des nuages, n’étaient jamais imités par le
ciseau (Chateaubriand). ∥ La manière,
l’art du sculpteur : On reconnaît là le ciseau de Michel-Ange.
II. Au catch, prise consistant à saisir et
à maintenir l’adversaire en croisant les
jambes autour de lui.
% ciseaux n. m. pl. (sens 1, XIIe s. ; sens
2, XXe s.). 1. Instrument servant à couper,
formé de deux lames d’acier tranchantes,
croisées en X et mobiles autour d’un
pivot : Ciseaux de couturière. Ciseaux de
chirurgien. Les grands ciseaux du jardinier alignaient sans relâche ces cloisons de
branches (Maupassant). De gros ciseaux
en main, elle, si vive, réfléchissait longuement avant de tailler à même l’étoffe
(Duhamel). ∥ Les ciseaux de la Parque,
dans la mythologie, les ciseaux avec lesquels l’une des trois Parques coupait le
fil de la vie humaine. ∥ Les ciseaux de la
censure, l’action du censeur retranchant
un passage. ∥ Fam. Coups de ciseaux, coupures effectuées dans un texte. ∥ Faire un
ouvrage, un article à coups de ciseaux, en
empruntant des citations, des passages à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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d’autres écrits. ∥ 2. Dans les exercices physiques (saut, danse, natation, gymnastique),
mouvement des jambes que l’on écarte et
rapproche comme les branches de ciseaux :
Il s’étendit sur le dos, leva les jambes en l’air
et fit les ciseaux (Sartre).
ciselage [sizlaʒ] ou cisèlement
[sizɛlmɑ̃] n. m. (de ciseler ; ciselage, 1611,
Cotgrave ; cisellement, 1636, Monet).
1. Action de ciseler ; résultat de cette
action. ∥ 2. En viticulture, action de couper les grains défectueux pour favoriser la
croissance des autres. ∥ 3. Fig. Travail fin et
minutieux (surtout en art et en littérature) :
Le ciselage des vers parnassiens.
ciseler [sizle] v. tr. (de cisel, forme anc.
de ciseau ; début du XIIIe s., Yder, au sens
1 ; sens 2, 1866, Larousse ; sens 3, 1690,
Furetière ; sens 4, 1866, Larousse ; sens 5,
1877, Littré). [Conj. 3 b.] 1. Travailler finement le métal, une matière précieuse, à
l’aide du ciselet : Ciseler un bijou. Ciseler de
la vaisselle d’argent (Acad., 1878). Une porte
qui [...] est toute dorée, ciselée, guillochée,
autant qu’un joyau (Loti). ∥ Travailler
la pierre au ciseau avec finesse : Ciseler
une statue. Ce pauvre Chambord [...], que
Germain Pilon et Jean Cousin avaient ciselé
et sculpté (Flaubert). ∥ 2. En parlant de
l’écrivain, travailler avec un art minutieux :
Mallarmé qui, en quelques mots ciselés
comme des joyaux, m’en accuse réception
[d’un livre] (Maeterlinck). ∥ 3. Découper
dans une étoffe, au moyen de ciseaux, des
fleurs, des ramages, etc. ∥ 4. En cuisine,
faire des incisions sur certaines pièces
avant de les faire cuire : Ciseler un poisson.
∥ 5. En viticulture, pratiquer le cisèlement.
• SYN. : 2 fignoler (fam.), limer, polir.
ciselet [sizlɛ] n. m. (dimin. de cisel, forme
anc. de ciseau ; 1491, Godefroy). Petit ciseau
employé par les bronziers, les orfèvres, les
graveurs.
ciseleur [sizloer] n. m. (de ciseler ; XVIe s.,
Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré).
1. Artisan, artiste travaillant le métal au
ciselet, au burin ou au poinçon : Cinq mois
après avoir achevé son apprentissage de
ciseleur, il fit la connaissance du fameux
Stidmann (Balzac). [Emma] se limait les
ongles avec un soin de ciseleur (Flaubert).
Maintenant, l’argenterie l’intéressait, et
cela l’avait amenée, depuis que nous étions
revenus de Balbec, à lire des ouvrages sur
l’art de l’argenterie, sur les poinçons des
vieux ciseleurs (Proust). ∥ 2. Fig. Écrivain
qui travaille son style avec un art minutieux : Il connaît et manie la langue comme
n’importe quel ciseleur littéraire (Sand).
• SYN. : 1 et 2 orfèvre.
cisellement ou cisèlement n. m. V.
CISELAGE.
cisellerie [sizɛlri] n. f. (de cisel, forme anc.
de ciseau ; 1877, Littré). Art de fabriquer les
ciseaux. ∥ Produits de cette fabrication.
ciselure [sizlyr] n. f. (de ciseler ; 1307,
Dehaisnes, au sens 1 ; sens 2, 1611,
Cotgrave ; sens 3, 1866, Larousse). 1. Art,
travail du ciseleur. ∥ Par extens. Art de
sculpter délicatement : L’église [...] est un
gracieux monument du XVe siècle dont le
porche et les fenêtres sont des bijoux de
ciselure (Feuillet). ∥ 2. Ouvrage ciselé : On
admirait les riches ciselures du gothique
flamboyant. ∥ Ornement ciselé : Tout le
cristal du service était mince et léger, sans
une ciselure (Zola). ∥ 3. Fig. Art minutieux de l’écrivain : Horace porte dans ses
descriptions cette ciselure de diction qui
ne l’abandonne jamais (Sainte-Beuve).
On oublie qu’une moitié de la littérature
grecque, cette merveille [...], n’est que ciselure et imagination (Renan).
cisjuran, e [sisjyrɑ̃, -an] adj. (de cis- et de
Jura ; 1752, Trévoux). En deçà du Jura, par
rapport à Paris : La Bourgogne cisjurane.
• CONTR. : transjuran.
cisoir [sizwar] n. m. (bas lat. cisorium,
instrument tranchant ; milieu du XIVe s.).
Ciseau d’orfèvre.
cisoires [sizwar] n. f. pl. (bas lat. cisoria,
instrument tranchant ; XIIIe s.). Grosses
cisailles de tôlier-chaudronnier, montées
sur pied.
cispadan, e [sispadɑ̃, -an] adj. (de cis- et
du lat. Padus, le Pô ; 1866, Larousse). En
deçà du Pô, par rapport à Rome : La Gaule
cispadane.
• CONTR. : transpadan.
cisrhénan, e [sisrenɑ̃, -an] adj. (de cis- et
du lat. Rhenus, le Rhin ; fin du XVIIIe s.).
En deçà du Rhin, par rapport à Paris : En
retournant dans le Palatinat cisrhénan, je
songeais que ce pays formait naguère un
département de la France (Chateaubriand).
• CONTR. : transrhénan.
1. ciste [sist] n. m. (gr. kistos ou kisthos ;
1555, Aneau, écrit cisthe). Arbrisseau méditerranéen à fleurs blanches ou roses, dont
une espèce fournit une résine aromatique,
le labdanum, employée en parfumerie : Un
peu plus bas, les cistes ponceau pavoisaient
la garrigue (Gide).
2. ciste [sist] n. f. (lat. cista, du gr. kistê,
corbeille ; 1771, Trévoux). Dans l’Antiquité, corbeille portée dans les mystères
de Déméter, de Dionysos, de Cybèle, et
qui contenait des objets connus des seuls
initiés : La ciste mystique.
cistercien, enne [sistɛrsjɛ̃, -ɛn] adj. et n.
(de Cistercium, n. lat. de Cîteaux ; début du
XVe s.). Qui appartient à l’ordre de Cîteaux :
J’avais une vocation très particulière pour
cette branche cistercienne du grand ordre
de Saint-Benoît (Huysmans). Un monastère
de cisterciens.
cistre [sistr] n. m. (lat. cithara, avec
influence de sistrum, crécelle [v. SISTRE] ;
1527, C. Marot). Instrument du genre du
luth, à cordes pincées, à long manche et à
fond plat, employé aux XVIe et XVIIe s. : Par
les symboles cachés, par les cistres résonnants (Flaubert).
cistude [sistyd] n. f. (lat. zool. cistudo,
contamination des mots lat. cista, corbeille, et testudo, tortue ; 1775, Valmont de
Bomare). Tortue d’eau douce européenne.
citable [sitabl] adj. (de citer ; v. 1298, le
Livre de Marco Polo). Qu’on peut citer ; qui
mérite d’être cité. (Peu usité.)
citadelle [sitadɛl] n. f. (ital. cittadella,
petite cité, dimin. de l’anc. ital. cittade,
ville, auj. città ; fin du XVe s., Godefroy, au
sens 1 ; sens 2, 1668, La Fontaine ; sens 3,
1863, Littré). 1. Ouvrage fortifié qui protège et commande une ville : À dix minutes
de la ville s’élève cette fameuse citadelle
(Stendhal). ∥ 2. Lieu qui dispose de puissants moyens de défense : L’immeuble
de la poste était devenu la citadelle des
insurgés. ∥ 3. Fig. Centre où l’on défend,
maintient une doctrine, des idées : Je
connais maintes villes d’Europe qui sont de
radieuses citadelles de l’esprit (Duhamel).
La franç-maçonnerie est la citadelle où sont
enrôlés tous les démolisseurs de divinités
(Maupassant).
• SYN. : 1 acropole, alcazar, forteresse, fortification, oppidum, redoute ; 3 bastion,
forteresse.
citadin, e [sitadɛ̃, -in] n. (ital. cittadino,
de cittade, anc. forme de città, cité ; fin du
XIIIe s., Aimé du Mont-Cassin). Habitant
d’une ville, par opposition aux habitants
de la campagne : Les citadins regardaient
en passant le thermomètre à la porte des
opticiens (France).
% adj. Qui appartient à la ville : Verhaeren
est de ceux qui nous ont révélé la grandeur
lugubre des paysages citadins, des cités usinières (Duhamel).
• SYN. : urbain. — CONTR. : campagnard,
champêtre, paysan, rural, villageois.
% citadine n. f. (1832, Raymond). Autrefois,
voiture de louage : Une citadine à deux chevaux, de celles qui s’appellent « Compagnie
générale », du nom de l’entreprise (Balzac).
citateur, trice [sitatoer, -tris] n. (de citer ;
1696, Bayle). Personne qui a l’habitude de
faire des citations : Vaugelas ne se trouve
nullement désarmé en face de ces intrépides
et perpétuels citateurs des Anciens (SainteBeuve). Citateur automate qui a appris pour
le plaisir de citer, mais ne comprend pas ce
qu’il récite (Baudelaire). On serait en droit,
il me semble, d’intenter un procès aux faux
citateurs (Gide).
citation [sitasjɔ̃] n. f. (de citer ; v. 1355,
Bersuire, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1567, Junius ;
sens II, 1-2, 1671, Pomey ; sens II, 3, v. 1790,
Brunot).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
733
I. 1. Sommation de comparaître en justice, en qualité de défendeur ou de témoin : Citation devant un tribunal civil.
∥ 2. Acte, écrit assignant quelqu’un en
justice : Il a reçu une citation du juge.
II. 1. Action de citer, de rapporter les
paroles d’une personne, un passage d’auteur : La citation ne peut remplacer l’analyse. ∥ 2. Paroles, passage rapportés :
Elle continuait à prêcher [...] et terminait
par une citation de l’Écriture (Daudet).
∥ 3. Récompense consistant à citer un
militaire à l’ordre d’une unité : Citation
à l’ordre de la division, de l’armée, de la
nation.
• SYN. : I, 1 ajournement ; 2 assignation.
cité [site] n. f. (lat. civitatem, accus. de
civitas, proprem. « ensemble des citoyens »,
d’où « ville » ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
écrit ciptet, au sens II, 1 ; sens I, v. 1450,
Chastellain ; sens II, 2, 1680, Richelet ; sens
II, 3, 1829, Boiste).
I. 1. Dans l’Antiquité et au Moyen Âge,
communauté politique dont les membres
se gouvernaient eux-mêmes : La ligue de
Délos, au Ve s. av. J.-C., groupa les cités
grecques sous la direction d’Athènes. De
Suisse, de Hollande, des cités hanséatiques, il montrait la révolution gagnant
de proche en proche (Bainville). ∥ Droit
de cité, droit d’être admis au nombre
des citoyens, avec les prérogatives qui
y étaient attachées ; au fig., droit d’être
admis à figurer dans un domaine : Tout
relève de l’art, tout a droit de cité en poésie (Hugo). ∥ 2. Le territoire, la capitale
de cette communauté : l’Acropole était à
Athènes le coeur de la cité. ∥ 3. auj. Communauté politique, État : Les lois de la
cité. Chacun doit se dévouer pour la cité.
∥ 4. Fig. Société idéale : Le réformateur
traça un tableau de la cité de demain.
∥ La cité sainte, la cité de Dieu, l’Église
ou le paradis. ∥ La cité céleste, le séjour
de Dieu et des bienheureux. ∥ La cité
future, le séjour des élus après leur mort.
II. 1. Ville : Et sur cette cité monstre aux
écailles de toits | Le silence descend, doux
comme une paupière (Samain). Ils auront
la ville comme ils ont déjà Jargeau et Beaugency, et tant de bonnes cités du royaume
(France). ∥ Cité sainte, ville particulièrement vénérée par les fidèles d’une
religion : La Mecque est la cité sainte de
l’islam. ∥ 2. Partie la plus ancienne de
certaines villes (avec une majuscule en
ce sens) : La Cité est le berceau de Paris.
∥ 3. Groupe d’immeubles formant un
ensemble clos à l’intérieur d’une ville,
ou ayant une même destination : La cité
Bergère, à Paris. ∥ Cité universitaire, résidence pour étudiants. ∥ Cité ouvrière,
ensemble de logements économiques
destinés aux familles ouvrières : Mme Ebsen et sa fille s’engageaient à la nuit dans
une cour de cité ouvrière (Daudet).
• SYN. : I, 3 nation, patrie, pays, république.
∥ II, 1 agglomération.
cité-dortoir [sitedɔrtwar] n. f. (de cité et
de dortoir ; milieu du XXe s.). Agglomération
suburbaine dont la fonction principale est
de loger des personnes qui ont leurs occupations dans un centre voisin.
• Pl. des CITÉS-DORTOIRS.
cité-jardin [siteʒardɛ̃] n. f. (de cité et de
jardin ; 1929, Larousse). Ville aménagée
au milieu de jardins et d’espaces plantés,
permettant d’assurer une plus grande salubrité de l’air, et où le terrain appartient en
totalité à la communauté.
• Pl. des CITÉS-JARDINS.
citer [site] v. tr. (lat. citare, convoquer ;
milieu du XIIIe s., au sens de « exhorter à,
sommer de » ; sens I, v. 1355, Bersuire ; sens
II, 1, 2 et 4, fin du XVIe s. ; sens II, 3, 1704,
Trévoux ; sens II, 5, v. 1790, Brunot).
I.1.Sommer quelqu’un de comparaître
devant un tribunal, un juge : Elle allait
courir chez le juge de paix où elle citait une
cliente (Zola). ∥ 2. Par extens. Faire venir,
appeler : Vous avez adopté la coutume
assez remarquable de citer un non-chirurgien à la tribune d’un congrès de chirurgie (Valéry). Quand le taureau, sa fougue
brouillonne apaisée, parut fixé, Alban alla
à lui, le cita avec la cape (Montherlant).
II. 1. Produire, invoquer un texte, un
auteur, une autorité à l’appui de son
opinion : Citer la loi. « Et je vous dis en
vérité [...] », dit-elle, citant les paroles du
Christ (Gide). ∥ Fam. Citer son auteur,
ses sources, ses références, nommer la
personne ou la source dont on tient,
d’où émane un renseignement. ∥ 2. Rapporter un passage : M. Lerond cita de
mémoire les phrases essentielles de cette
lettre touchante (France). ∥ 3. Signaler
à l’attention une personne, une chose
remarquable : Si le sort l’avait voulu, il
serait cité dans les journaux (Flaubert).
Une de ces colères célèbres dans la ville et
dont on cite les traits bizarres (Daudet).
∥ 4. Dire, énumérer : Il citait des noms
communs, célèbres même (Hugo). Elle
cita des exemples étonnants (Maupassant). ∥ 5. Signaler à l’ordre du jour une
unité, un militaire qui se sont distingués
au combat.
• SYN. : I, 1 ajourner, assigner ; 2 convoquer, mander. ∥ II, 1 indiquer, mentionner,
rapporter ; 2 rappeler ; 3 désigner, évoquer,
invoquer, nommer.
citérieur, e [siterjoer] adj. (lat. citerior ;
av. 1505, Le Baud). Se disait, en géographie
ancienne, d’une région située en deçà d’une
autre, par rapport à celui qui parle : La
Gaule citérieure.
• CONTR. : ultérieur.
citerne [sitɛrn] n. f. (lat. cisterna, de cista,
coffre ; XIIe s., écrit cisterne, au sens 1 ; sens
2-3, XXe s.). 1. Réservoir où l’on recueille et
conserve les eaux de pluie : De la caverne
d’Adullam, tu soupirais, David, après l’eau
des citernes (Gide) ; et fig. et poét. : Tes
yeux sont la citerne où boivent mes ennuis
(Baudelaire). ∥ 2. Réservoir pour produit
pétrolier : Citerne à mazout, à essence.
∥ Spécialem. Chacun des compartiments
qui, sur un pétrolier, reçoivent la cargaison. ∥ 3. Entre dans la formation de mots
composés désignant des véhicules pour le
transport des liquides : Camion-citerne,
wagon-citerne. (V. ces termes à leur ordre
alphab.)
citerneau [sitɛrno] n. m. (de citerne ;
1600, O. de Serres). Petit réservoir qui précède une citerne, et où les eaux s’épurent, se
filtrent : Dans un petit citerneau du potager,
je trempai mon mouchoir, l’appliquai sur
mon front, lavai, frottai mes joues (Gide).
cithare [sitar] n. f. (lat. cithara, du gr.
kithara ; v. 1361, Oresme [au XIIIe s., on
trouve une forme kitaire, empr. de l’esp.
quitarra, de l’ar. qitāra]). 1. Dans la Grèce
antique, forme perfectionnée de la lyre :
Il avait un masque doré, des sandales,
une cithare, une couronne de feuillage
(Duhamel). ∥ 2. Par extens. Tout instrument à cordes dépourvu de manche.
∥ Spécialem. Instrument d’Europe centrale
dont les cordes sont montées sur une caisse
trapézoïdale.
citharède [sitarɛd] n. (lat. citharoedus,
du gr. kitharôdos ; milieu du XVIe s.). Dans
la Grèce antique, personne qui chantait en
s’accompagnant de la cithare : Que l’harmonie soit entre nous, comme entre les
divins citharèdes que tu inspirais (Donnay).
cithariste [sitarist] n. (lat. citharista, du
gr. kitharistês ; début du XIIIe s., écrit chistariste).) Joueur, joueuse de cithare : Enfin,
Homère avait placé un cithariste (Arnoux).
citole [sitɔl] n. f. (lat. cithara, cithare
[l’évolution vocalique reste mal expliquée] ;
v. 1164, Chr. de Troyes). Instrument de
musique à cordes grattées, à corps allongé
et à manche très court, en usage au Moyen
Âge.
citoyen, enne [sitwajɛ̃, -ɛn] n. (de
cité ; fin du XIIe s., Roman d’Alexandre,
écrit citoian, au sens 6 ; sens 1, 1651,
Corneille ; sens 2, 1771, Trévoux ; sens 3,
1751, Voltaire ; sens 4, 1791, Brunot ; sens
5, XVIe s. ; sens 7, 1866, Larousse). 1. Dans
l’Antiquité, celui qui jouissait du droit de
cité (par opposition aux simples habitants :
esclaves, sujets, étrangers) et participait au
gouvernement de la cité : Saint Augustin,
dans Hippone assiégée par les Vandales,
mourut évêque et citoyen romain (France).
∥ 2. Auj. Membre d’un État, considéré du
point de vue de ses droits politiques (par
opposition à certains condamnés, aux
interdits, aux étrangers) et de ses devoirs
envers son pays : Aux armes, citoyens, fordownloadModeText.vue.download 20 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
734
mez vos bataillons (Rouget de Lisle). Il parlait d’aller à New York, de se faire citoyen et
soldat républicain en Amérique (Stendhal).
∥ Citoyen du monde, celui qui ne se veut
pas seulement citoyen de tel ou tel État,
mais considère l’humanité tout entière
comme une seule et même patrie : On avait
voulu que nous fussions citoyens du monde,
on nous avait parlé de fraternité humaine
(Barrès). ∥ 3. Spécialem. Celui qui pratique
les vertus nécessaires à la sauvegarde des
libertés démocratiques : C’est un vrai, un
grand citoyen. On vit les meilleurs citoyens
préparer la restauration de la monarchie
(France). ∥ 4. Sous la Révolution, titre
substitué à « Monsieur », « Madame », jugés
trop aristocratiques : Le citoyen Blaise [...]
tendit sa main aux citoyennes (France).
∥ Le Roi-Citoyen, Louis-Philippe, roi des
Français, ainsi surnommé en raison de
ses manières démocratiques. ∥ 5. Class.
Citoyen du même État, de la même ville,
concitoyen : Vengeons nos citoyens et que
sa peine étonne | Quiconque après sa mort
aspire à la couronne (Corneille). ∥ 6. Class.
Habitant d’une ville, citadin : « Comment
trouvez-vous cette ville ? — Nombreuse en
citoyens » (Molière). ∥ Fam. S’employait
plaisamment : Les citoyens de l’enfer ; souvent en parlant d’animaux : Les citoyennes
des étangs [les grenouilles] (La Fontaine).
∥ 7. Fam. Individu plus ou moins suspect ou bizarre : Bigre, bigre ! il est temps.
Notre citoyen va passer dans dix minutes.
Dépêchons-nous (Romains).
• SYN. : 2 ressortissant ; 3 démocrate, républicain ; 7 bonhomme, individu (fam.), quidam, oiseau (pop.), type (pop.), zèbre (pop.).
% adj. (XIIIe s.). Relatif aux citoyens ; composé de citoyens (vieilli) : Les bals citoyens
des Tuileries (Goncourt). Il me semble que
les cadres d’officiers, dans l’armée citoyenne,
devraient être formés, pour un tiers ou pour
un quart, de spécialistes (Jaurès).
citoyenneté [sitwajɛnte] n. f. (de
citoyen ; 1783, le Courrier de l’Europe).
Qualité de citoyen : La citoyenneté
française.
• REM. Aujourd’hui, on dit plutôt
NATIONALITÉ.
citrate [sitrat] n. m. (du lat. citrus, citron ;
1782, Guyton de Morveau). Sel de l’acide
citrique.
citre [sitr] n. m. (lat. citrus, citron ; XIVe s.,
Antidotaire Nicolas, au sens de « citron » ;
sens actuel, fin du XIXe s., Daudet). Dialect.
Sorte de pastèque à chair blanche et à
graines rouges, utilisée pour faire des
confitures : Pauvres Pères blancs ! Je les
vois encore, à la procession de la Fête-Dieu,
défilant tristement dans leurs capes rapiécées, pâles, maigres, nourris de citres et de
pastèques (Daudet).
citrin, e [sitrɛ̃, -in] adj. (lat. scientif. citrinus, de citrus, citron ; XIIe s., Marbode). Vx.
Qui a la couleur du citron.
citrique [sitrik] adj. (du lat. citrus, citron ;
1782, Guyton de Morveau). Se dit d’un
acide qui existe dans le citron, les groseilles
et divers fruits.
citron [sitrɔ̃] n. m. (dér. savant du lat.
citrus, citron ; 1398, le Ménagier de Paris,
écrit chitron [citron, XVe s.], au sens 1 ; sens
2, 1907, Larousse). 1. Fruit du citronnier,
de couleur jaune clair et de forme ovoïde,
renfermant un jus de saveur acide : Nous
mordîmes des citrons mûrs, dont la saveur
première est d’une acidité intolérable (Gide).
∥ Citron pressé, boisson composée de jus
de citron, d’eau et de sucre. ∥ Fig. Presser
quelqu’un comme un citron, tirer de lui tout
ce qu’il peut donner, argent ou autre chose :
Le citron bien pressé, ses filles ont laissé le
zeste au coin des rues (Balzac). ∥ 2. Pop.
Tête : Il va en faire un citron (T. Bernard).
∥ Fig. et fam. Se presser le citron, se torturer
l’esprit pour comprendre ou pour inventer.
• SYN. : 1 cédrat, limon (vx).
% adj. invar. (1680, Richelet). De la couleur du citron : Un corsage citron. Des robes
citron.
citronnade [sitrɔnad] n. f. (de citron ;
1845, Bescherelle, au sens de « mélisse » ;
sens actuel, 1858, Peschier). Boisson rafraîchissante, préparée avec de l’eau et du sirop
de citron, ou avec de l’eau, du sucre et du
jus de citron.
citronné, e [sitrɔne] adj. (de citron ; 1680,
Richelet). 1. Où l’on a mis du jus de citron :
Tisane citronnée. ∥ 2. Qui sent le citron :
L’odeur citronnée du lin roui (Hamp).
% citronnée n. f. Vx. Boisson citronnée.
citronnelle [sitrɔnɛl] n. f. (de citron ;
1601, Champlain, au sens 1 ; sens 2, 1740,
Acad.). 1. Nom de diverses plantes dont les
feuilles, quand on les froisse, laissent une
odeur de citron. ∥ 2. Liqueur composée
d’eau-de-vie dans laquelle on a fait macérer
des zestes de citron, appelée aussi eau des
Barbades.
citronner [sitrɔne] v. tr. (de citron ; 1803,
Boiste). Additionner de jus de citron :
Citronner un poisson.
citronnier [sitrɔnje] n. m. (de citron ;
1373, Traduction de P. Crescens).
1. Arbrisseau des pays chauds qui produit le citron : Je remarquai des peupliers
de Lombardie, mêlés à des cyprès, à des
citronniers (Chateaubriand). Les citronniers, plus grêles, plus élancés, avaient tout
à la fois moins de faste et plus d’élégance
(Gide). ∥ 2. Bois de cet arbre, utilisé en
ébénisterie : Une armoire en citronnier.
• SYN. : 1 cédratier, limonier.
citrouille [sitruj] n. f. (issu, par changement de suff., de l’anc. franç. citrole
[1256, Ald. de Sienne], ital. citruolo, du
lat. citrium, concombre, dér. de citrus,
citron ; 1549, R. Estienne, au sens 1 ; sens
2, 1669, Widerhold). 1. Nom donné à certaines espèces de courges, en particulier au
potiron et à son fruit : Les jardiniers et les
notaires font des greffes si extraordinaires
que les pommes deviennent des citrouilles
(Musset). ∥ 2. Pop. Objet d’une grosseur
ridicule, ou personne lourde et niaise : On
finit, à l’exemple du baron, par se croire peu
changé, jeune, alors que les autres voient
[...] des accents circonflexes à notre front,
et de grosses citrouilles dans notre abdomen
(Balzac). ∥ Spécialem. Grosse tête.
cive [siv] n. f. (lat. cepa, oignon ; XIIe s.,
au sens de « oignon » ; sens actuel, 1268,
É. Boileau). Syn. de CIBOULE.
civelle [sivɛl] n. f. (bas lat. caecula, sorte
de serpent sans yeux, de caecus, aveugle ;
1771, Trévoux). Jeune anguille, qui remonte
de la mer dans les cours d’eau, souvent en
troupes nombreuses.
civet [sivɛ] n. m. (de cive ; d’abord écrit
civé, proprem. « préparé avec des cives »
[XIIIe s., Recueil des fabliaux, II], puis civet,
par changement de suff. [1636, Monet]).
Ragoût de lièvre, de lapin ou d’un autre
gibier mariné, préparé avec du vin et des
oignons.
1. civette [sivɛt] n. f. (dimin. de cive ;
1549, R. Estienne). Syn. de CIBOULETTE.
2. civette [sivɛt] n. f. (ital. zibetto, de l’ar.
zabād, sorte de musc produit par la civette ;
1467, Laborde). 1. Mammifère carnivore de
l’Afrique et de l’Inde, au corps allongé, au
pelage gris marqué de bandes et de taches
noires. ∥ 2. Liquide onctueux, à odeur
pénétrante de musc, sécrété par la poche
glandulaire de cet animal et utilisé en parfumerie. ∥ 3. Le parfum qui en est extrait.
civière [sivjɛr] n. f. (lat. pop. *cibaria,
engin pour le transport des provisions, de
cibus, nourriture ; XIIIe s., Dict. général, au
sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Dialect.
Cadre de bois servant à transporter des
fardeaux, du fumier. ∥ 2. Appareil à brancards, formé d’un cadre recouvert de tissu
ou de caoutchouc et servant à transporter
un blessé, un malade.
• SYN. : 1 bard ; 2 brancard.
civil, e [sivil] adj. (lat. civilis, de civis,
citoyen ; 1290, Godefroy, au sens I, 5 ; sens I,
1, v. 1355, Bersuire [état civil, 1835, Acad.] ;
sens I, 2, 1718, Acad. ; sens I, 3, v. 1790,
Brunot ; sens I, 4, 1671, Pomey [mort civile,
1690, Furetière] ; sens I, 6, 1866, Larousse ;
sens II, 1549, R. Estienne).
I. 1. Qui concerne les citoyens, la collectivité des citoyens : Vie civile, Troubles
civils. Mauprat et ses enfants rompirent
avec les lois civiles (Sand). ∥ Guerre civile,
lutte armée entre citoyens d’un même
pays, généralement pour la prise ou la
conservation du pouvoir politique : Dans
les querelles armées, il y a des philan-
thropes qui distinguent les espèces et sont
prêts à se trouver mal au seul nom de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
735
guerre civile : « Des compatriotes qui se
tuent ! des frères, des pères, des fils en face
les uns des autres ! » (Chateaubriand). Le
Bourbon relevait le plan du Valois, abandonné pendant la période de guerre civile
(Bainville). ∥ État civil, condition des
personnes en ce qui touche les relations
de famille, la naissance, la filiation, le
mariage, le décès, etc. ∥ Actes, registres
de l’état civil, actes, registres officiels où
sont consignés les faits relatifs à l’état
civil des personnes. ∥ Liste civile, somme
allouée annuellement à un chef d’État,
considéré comme simple citoyen, pour
subvenir à ses dépenses privées. ∥ 2. Spécialem. Se dit par opposition à militaire :
Il faut que les vertus civiles aient leur part
de récompenses comme les vertus militaires (Napoléon Ier). Général, on vous sait
le courage militaire, mais vous manquez
de courage civil (Barrès). ∥ 3. Se dit par
opposition à ecclésiastique ou à religieux :
Les rois de France défendirent contre les
papes les droits du pouvoir civil. ∥ Mariage civil, mariage contracté devant
un magistrat civil. ∥ Enterrement civil,
enterrement effectué sans cérémonie
religieuse. ∥ 4. Se dit, par opposition à
politique, pour désigner les droits garantis par la loi à tous les citoyens considérés
comme personnes privées : L’exercice des
droits civils est indépendant de l’exercice
des droits politiques (Code civil). ∥ Mort
civile, perte de tous les droits civils, qui
accompagnait, jusqu’en 1854, la peine de
mort et les peines perpétuelles. ∥ 5. En
droit, se dit, par opposition à criminel
et à correctionnel, pour désigner ce qui
concerne les particuliers et leurs conflits :
Tribunal civil. Code civil. Droit civil.
∥ Partie civile, dans un procès criminel
ou correctionnel, la victime ou ses ayants
droit, qui exercent une action civile en
vue de la réparation du préjudice subi du
fait du délit commis par l’accusé : Nous
nous porterons partie civile. ∥ 6. Jour
civil (par opposition à astronomique),
jour compté de minuit à minuit. ∥ Année
civile, année de 365 ou 366 jours, utilisée
pour les actes de la vie civile.
II. 1. Vx. Qui observe les convenances et
les règles en usage dans la bonne société,
ou qui est conforme à ces usages : On
vous parlerait pourtant d’une façon plus
civile si l’on était plus content (Hugo).
∥ 2. Vx. Civilisé : Ces peuples [...] ont été
transportés du fond des forêts et de l’état
sauvage au milieu des cités et de l’état civil
(Chateaubriand).
• SYN. : I, 3 laïc. ∥ II, 1 affable, correct,
courtois, honnête, poli.
% civil n. m. (sens 1-2, v. 1790, Brunot ;
sens 3, 1829, Boiste). 1. Homme qui n’est
pas militaire, ou qui n’est pas prêtre. ∥ Se
mettre en civil, en parlant d’un militaire,
mettre un vêtement autre que l’uniforme.
∥ 2. État, condition du civil : Je me suis
réintégré dans le civil, j’ai pris mon congé
définitif (Dumas père). Dans le civil,
j’étais indiscutablement plus perspicace
dans mon diagnostic, plus entreprenant
en thérapeutique, quand je faisais ma
consultation d’hôpital, sous l’oeil de mes
collaborateurs, que quand j’étais seul chez
moi, dans mon cabinet, en face d’un client
(Martin du Gard). ∥ 3. Dans la langue du
droit, juridiction civile (par opposition à
la voie criminelle) : L’affaire se jugera donc
au civil (Daudet).
civilement [sivilmɑ̃] adv. (de civil ; v.
1370, Oresme).
I. 1. En tant que citoyen. ∥ Être mort
civilement, avoir perdu ses droits civils.
∥ 2. En tant que civil (opposé à religieux) :
L’évêché et quelques hôtels de chanoines
étaient les seules maisons civilement
habitables (Renan). ∥ Sans cérémonie
religieuse : Mon fils s’est marié civilement l’année dernière (Sand). Être enterré
civilement. ∥ 3. Selon la procédure civile
(opposée à procédure criminelle) : Poursuivre civilement. ∥ Du point de vue du
Code civil : Être civilement responsable.
II. Vx. Avec civilité, selon les règles de la
politesse et du savoir-vivre : [Il en a usé]
le plus civilement du monde avec moi
(Molière). Il aborda mon bon maître assez
civilement et lui dit... (France).
civilisable [sivilizabl] adj. (de civiliser ;
fin du XVIIIe s., Cuvier). Qui peut être civilisé : Il est le plus éducable, le plus civilisable
(Michelet). Ce qui me frappe surtout, c’est
la faculté civilisable des Grecs (Mérimée).
civilisateur, trice [sivilizatoer, -tris] adj.
et n. (de civiliser ; 1829, la Mode). Qui civilise, propage la civilisation : Un peuple civilisateur doit rester un peuple mâle (Hugo).
Son grand rôle [de la France] pacificateur
et civilisateur ira se précisant tous les jours
davantage (Jaurès).
civilisation [sivilizasjɔ̃] n. f. (de civiliser ;
1732, Trévoux, au sens de « transformation
d’un procès criminel en procès civil » ; sens
1-2, 1756, V. de Mirabeau ; sens 3, 1828,
Guizot). 1. Action de civiliser, de perfectionner les conditions matérielles, morales
et culturelles dans lesquelles vit un peuple :
La civilisation de la Gaule par Rome fut
rapide. ∥ 2. État de haute évolution matérielle, intellectuelle, morale et artistique
auquel sont parvenues certaines sociétés,
considéré comme un idéal à atteindre par
toute société : Je savais, bien avant mon
voyage, que la Grèce avait créé la science,
l’art, la philosophie, la civilisation (Renan).
C’est ainsi qu’ils portèrent la civilisation
jusqu’aux extrémités du monde connu
(France). La civilisation est tout entière
dans l’éducation, dans la tradition, tout
entière dans nos livres, dans nos bibliothèques, dans nos méthodes (Duhamel).
∥ 3. État de développement des conditions
matérielles de vie, des connaissances, des
moeurs et des arts d’une société à une
époque déterminée de son histoire : Eugène
[...] n’en était qu’à sa première journée
sur le champ de bataille de la civilisation
parisienne (Balzac). Là, on voit [...] des
ustensiles de toutes sortes recueillis dans
les nécropoles de cette énorme civilisation
disparue [l’ancienne Égypte] (Gautier). À
présent, je sais que notre civilisation occidentale (j’allais dire : française) est non
point seulement la plus belle ; je crois, je
sais qu’elle est la seule — oui, celle même
de la Grèce dont nous sommes les seuls
héritiers (Gide).
• SYN. : 2 culture. — CONTR. : 2 barbarie,
sauvagerie.
civilisé, e [sivilize] adj. et n. (part. passé
de civiliser). Qui participe au mode de
vie conforme à l’idéal de la civilisation :
Depuis la Paix romaine, depuis l’échec de
la République chrétienne, le monde civilisé
pouvait, pour la première fois, respirer et
vivre tranquille (Bainville). Si le civilisé
pense d’une manière si différente du pri-
mitif, c’est par conséquence de la prédominance des réactions conscientes sur les
produits inconscients (Valéry).
• SYN. : cultivé, évolué, policé. — CONTR. :
barbare, grossier, inculte, inhumain, primitif, sauvage.
civiliser [sivilize] v. tr. (de civil, adj. ; 1568,
L. Le Roy, aux sens I, 1-2 ; sens II, fin du
XVIe s.).
I. 1. Amener une société, un peuple d’un
état primitif à un état supérieur d’évolution matérielle, intellectuelle, artistique
et morale : Souvenez-vous, Quintius,
que vous commandez à des Grecs qui ont
civilisé tous les peuples (Chateaubriand).
∥ 2. Fam. Adoucir, polir le caractère, les
manières de quelqu’un : L’enfant est un
petit sauvage qu’il s’agit de civiliser sans
qu’il s’en aperçoive (Sand). Parviendra-ton à civiliser cet ours mal léché ?
II. Vx. En termes de droit, transformer
en procès civil une affaire pénale.
• SYN. : I, 1 éduquer, élever, humaniser,
policer ; 2 affiner, apprivoiser, dégrossir.
civiliste [sivilist] n. m. (de civil, au sens
jurid. ; 1866, Larousse). Jurisconsulte spécialiste du droit civil.
civilité [sivilite] n. f. (lat. civilitas, affabilité ; v. 1361, Oresme, au sens de « institutions d’une communauté » ; sens 1,
milieu du XVe s. ; sens 2, 1866, Larousse).
1. Observation des convenances, des
règles de bienséance en usage dans la
bonne société (vieilli) : La politesse flatte
les vices des autres, la civilité nous empêche
de mettre les nôtres au jour (Montesquieu).
Tristan [...], lui demandant pardon de son
inadvertance avec beaucoup de civilité,
lui offrit son bras (Sand). Tous nos invités
étaient d’une civilité parfaite, et pourtant
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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ils ont écrasé les branches des arbres, cueilli,
pour les emporter, les fleurs qui poussent
au hasard (Duhamel). ∥ Ironiq. Civilité
puérile et honnête, politesse élémentaire
(par allusion au titre d’un vieux traité
de savoir-vivre). ∥ Class. Faire civilité à
quelqu’un, le saluer poliment : Comme
je le connaissais extrêmement, je lui fis
civilité (Retz). ∥ 2. Caractères de civilité,
caractères d’imprimerie imitant l’écriture
cursive : Un exemplaire des « Diaboliques »
imprimé avec ces caractères de civilité dont
les croches biscornues, dont les paraphes en
queues retroussées et en griffes affectent une
forme satanique (Huysmans).
• SYN. : 1 affabilité, aménité, correction,
courtoisie, politesse, savoir-vivre, urbanité,
usage. — CONTR. : 1 grossièreté, impertinence, impolitesse, incorrection, muflerie
(fam.), sans-gêne.
•REM. Au XVIIe s., civil et civilité sont
sentis comme synonymes de courtois et
de courtoisie, mais ils sont plus usités que
ceux-ci : [Plusieurs provinciaux] diront
d’un homme : il est courtois envers les
dames ; ces mots d’ « envers », de « courtois » sont du vieil stile. Il faut dire : il
est civil et obligeant aux dames (M. Buffet, 1668). En pratique, aujourd’hui, ces
mots sont souvent employés les uns pour
les autres. Politesse, poli sont des termes
généraux. Courtoisie et courtois sont plus
courants que civilité et civil, dont l’usage
devient plus rare.
% civilités n. f. pl. (début du XVIIe s.).
1. Gestes, paroles de politesse : Après les
premières civilités, le dialogue suivant
eut lieu entre nous (Musset). ∥ Présenter
ses civilités à quelqu’un, lui adresser ses
salutations, ses compliments, l’assurer de
son estime, de son respect, etc. ∥ 2. Entre
dans les formules de fin de lettres : Agréez,
Monsieur, mes civilités empressées (Acad.).
• SYN. : 1 et 2 compliments, devoirs, hommages, respects, salutations.
civique [sivik] adj. (lat. civicus, de civis,
citoyen ; fin du XVIIIe s., Brunot [mais
déjà couronne civique en 1504, J. Lemaire
de Belges]). 1. Relatif au citoyen et à son
rôle dans la vie politique : Droits, devoirs
civiques. Guerrière au visage irrité, | Qui
fit jaillir des plis de ta toge civique | La
victoire et la liberté (Leconte de Lisle).
∥ Dégradation civique, peine infamante
privant un citoyen de ses droits civiques et
politiques. ∥ Garde civique, garde formée
de citoyens. garde nationale : Gloire à la
garde civique, piédestal des lois (Béranger).
∥ Serment civique, serment de fidélité à
la nation, au roi et à la loi, prescrit par la
Constituante, en 1789, pour l’armée et les
milices nationales. ∥ 2. Propre au bon
citoyen : Vertus civiques, esprit civique. Il
est glorieux de penser que vos funérailles
auront un lendemain civique (Daudet).
∥ Instruction civique, enseignement destiné à préparer les élèves à leur rôle de
citoyens. ∥ Couronne civique, à Rome,
couronne décernée à celui qui, dans un
combat, avait sauvé un citoyen au péril de
sa vie. ∥ Carte civique, sous la Révolution,
certificat de civisme : Je me souviens que
l’intendant disait à ma grand-mère [...] que
ses blés étaient une excellente carte civique
(Balzac).
• SYN. : 1 civil ; 2 patriotique.
civisme [sivism] n. m. (de civique ; 1770,
l’Année littéraire). 1. Sentiments, vertus
du bon citoyen ; dévouement à la nation :
Sachez que mon civisme et mon dévouement
à la chose publique sont attestés par des
actes nombreux (France). ∥ 2. Sens qu’un
homme a de ses responsabilités et de ses
devoirs de citoyen.
• SYN. : patriotisme. — CONTR. : incivisme.
clabaud [klabo] n. m. (probablem. de
*claber, var. dialect. de clapper ; 1458,
Mystère du Vieil Testament, comme n. pr.
d’un chien : sens 1, 1527, Chevalet ; sens 2-3,
1680, Richelet). 1. Chien courant à oreilles
pendantes, qui aboie fortement. ∥ Par
extens. Chien qui aboie mal à propos, hors
des voies. ∥ 2. Fig. et fam. Personne qui
criaille sans cesse et sans motif. ∥ 3. Class.
et littér. Chapeau en clabaud, chapeau
clabaud, ou simplem. clabaud, chapeau
à bords pendants (par analogie avec les
oreilles pendantes du chien de chasse) :
Un grand chapeau clabaud toujours sur
ses yeux (Saint-Simon). Le visage était très
ombragé par le chapeau rabattu en clabaud
(Sand).
clabaudage [klabodaʒ] n. m. (de clabauder ; v. 1560, Paré, au sens 1 ; sens 2, 1743,
Trévoux ; sens 3, 1798, Acad.). 1. Aboiement
du chien qui clabaude : La rencontre d’un
hérisson [...], cela mérite [pour le chien
Castor] un véritable concerto de clabaudages (Duhamel). ∥ 2. Le fait de parler fort,
de criailler sans motif. ∥ 3. Fig. et littér.
Le fait de répandre des médisances : Elle
se refusa net au clabaudage des petites
nouvelles, à cette médisance de bas étage
(Balzac).
clabauder [klabode] v. intr. (de clabaud ;
1564, J. Thierry, au sens 1 ; sens 2, 1611,
Cotgrave ; sens 3, 1808, d’Hautel). 1. En
parlant du chien courant, aboyer fortement : Je m’en suis allé pendant que les
chiens, sur mes pas, recommençaient de
clabauder (Duhamel). L’homme m’aperçut
et rappela le chien qui clabaudait insolitement (Arnoux). ∥ Par extens. Aboyer
mal à propos, hors des voies. ∥ 2. Parler
fort, crier : Des charroyeurs clabaudaient,
au loin, derrière leurs voitures chargées de
débris (Duhamel). ∥ 3. Fig. Clabauder sur,
contre quelqu’un, répandre des médisances
sur son compte : Tout Villefranche clabaude
sur toi (Bertrand).
• SYN. : 3 cancaner (fam.), commérer (fam.),
jaser, médire.
% v. tr. (début du XVIIe s.). 1. Class. et littér. Rapporter dans une intention malveillante : Ils virent que je ne clabaudais
autre chose, sinon qu’ils n’étaient pas plus
savants qu’Aristote (Cyrano). Les histoires
jadis clabaudées dans sa propre maison
(Huysmans). ∥ 2. Class. Prôner bruyamment : Elle clabauda son chef-d’oeuvre
(Cyrano).
clabauderie [klabodri] n. f. (de clabauder ; 1611, Cotgrave, au sens de « criaillerie pour ameuter contre quelqu’un » ; sens
actuel, 1866, Larousse). Propos malveillant,
médisance : Je me suis bien gardé de les
donner [les détails], par crainte qu’il n’y
eût là matière à clabauderies pour quelques
imbéciles (Loti). Les clabauderies des autres
journaux sont honteuses (Gide). Est-ce bientôt fini, toutes ces clabauderies ? (Martin
du Gard).
• SYN. : cancan (fam.), commérage (fam.),
potin (fam.), ragot (fam.).
clabaudeur, euse [klabodoer, -øz] adj.
et n. (de clabauder ; 1554, Tahureau). 1. Se
dit d’un chien qui aboie bruyamment, hors
de propos, et, par extens., d’un animal
dont le cri est fort : Et les fientes d’oiseaux
clabandeurs aux yeux blonds (Rimbaud).
∥ 2. Se dit d’une personne qui criaille,
parle fort : Malgré les réduits puants, la
foule clabaudeuse, les sentines et les taudis,
cet étrange quartier me signifiait une vie
nouvelle (Duhamel). ∥ 3. Fig. Se dit d’une
personne qui tient des propos malveillants.
• SYN. : 3 cancanier (fam.), médisant, potinier (fam.).
clabot [klabo] n. m. (var. de crabot ; milieu
du XXe s.). Dispositif permettant le clabotage de deux pièces mécaniques.
clabotage [klabɔtaʒ] n. m. (de claboter
2 ; milieu du XXe s.). Accouplement de deux
pièces par l’engagement des dents ou des
saillies de l’une dans les creux correspondants de l’autre : Le clabotage est utilisé en
mécanique automobile pour rendre solidaires l’arbre moteur et l’arbre de transmission, sans autre organe intermédiaire.
1. claboter [klabɔte] v. intr. (peut-être
var. de claquer, mourir ; 1899, G. Esnault).
Pop. Mourir : Ceux qui ne sont pas arrachés
par les éclats sont assommés par le vent du
machin ou clabotent asphyxiés (Barbusse).
2. claboter [klabɔte] v. tr. (de clabot ;
milieu du XXe s.). En mécanique, assembler
deux pièces ou deux arbres par clabotage.
1. clac ! [klak] interj. Onomatopée figurant un bruit sec, un claquement bref et
soudain : Clac, clac, clac, la chanson laborieuse commençait, répétée par le métier
de Mélie (H. Bazin).
2. clac n. m. Autre orthogr. de CLAQUE 1.
clade [klad] n. m. (gr. klados, rameau ;
XXe s.). Grand groupe d’animaux ou de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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plantes pouvant être les descendants les
uns des autres et manifestant la même tendance évolutive : Les trois grands clades
sont les invertébrés, les vertébrés et les
plantes vertes.
clafoutis [klafuti] n. m. (de clafir, remplir,
mot du Centre [claufir, attacher avec des
clous, v. 980, Fragment de Valenciennes],
lat. clavo figere, fixer à l’aide d’un clou, avec
influence du v. foutre ; 1866, Larousse).
Gâteau limousin et berrichon fait d’une
pâte à crêpe dans laquelle on incorpore
des cerises, et que l’on cuit au four dans
une tourtière beurrée.
claie [klɛ] n. f. (lat. pop. *cleta, mot gaulois ; fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit
cleide ; claie, début du XVe s.). 1. Treillis
d’osier à claire-voie, servant à divers
usages, et en particulier à faire égoutter
des fromages ou sécher des fruits : Les
voyageurs se trouvèrent en face de la soeur
du tambourinaire, occupée à tresser des
claies en osier (Daudet). ∥ 2. Spécialem.
et vx. Treillis d’osier sur lequel on plaçait
le corps de certains suppliciés, suicidés,
etc., et qu’on faisait traîner par un cheval : Ils sont les patients qu’on traîne sur
les claies (Hugo). ∥ Fig. Traîner quelqu’un
sur la claie, le traiter publiquement d’une
manière outrageante : Ils ont beau traîner sur des claies ce Dieu mort dans leur
abandon... (Hugo). ∥ 3. Treillis en fils
métalliques servant à cribler la terre ou
le sable. ∥ 4. Clôture à claire-voie, en bois
ou en métal : Claie de parc, de pâturage.
∥ 5. Plancher à claire-voie utilisé dans les
ateliers (bijouterie, orfèvrerie) où l’on récupère les particules de métaux précieux tombées pendant le travail. ∥ 6. Assemblage de
branches servant à édifier des protections
provisoires, à boucher des fossés, etc. : Les
Armagnacs avaient apporté dans des charrettes de grandes bourrées et des claies pour
combler les fossés (France).
• SYN. : 1 clayon, clisse, éclisse ; 3 crible,
tamis ; 6 fascine.
claim [klɛm] n. m. (anc. déverbal de clamer, réclamer en justice, passé en anglais
au sens de « revendication », puis revenu en
français ; 1866, Larousse). 1. Titre de propriété minière conférant le droit d’extraire
du minerai sur une superficie déterminée. ∥ 2. Par extens. Terrain renfermant
un minerai précieux ou rare (or, diamant,
uranium).
clain [klɛ̃] ou clam [klam] n. m. (déverbal
de clamer [qui a signifié « porter plainte »,
XIIIe s., Godefroy). En droit ancien, action
en justice, poursuites ; saisie par autorité de
justice. (On disait aussi CLAMEUR.)
clair, e [klɛr] adj. (lat. clarus, brillant ; v.
1050, Vie de saint Alexis, écrit clar [cler,
1080, Chanson de Roland ; clair, XIVe s.],
aux sens I, 1, 3 et 4 ; sens I, 2, 7, et II, 3,
1690, Furetière ; sens I, 5, 8-10, XIIe s. ; sens
I, 6, v. 1398, le Ménagier de Paris ; sens
II, 1, v. 1361, Oresme ; sens II, 2, v. 1283,
Beaumanoir).
I. 1. Qui répand de la lumière ou qui a
l’éclat de la lumière : Si l’abîme est obscur, les étoiles sont claires (Hugo). Ce
beau diadème éblouissant et clair (Baudelaire). ∥ Feu clair, feu vif : On arrivait
à la cabane, heureusement ; et l’installation, le déjeuner rustique devant un grand
feu clair de pieds de vigne et de tamaris
rejetaient bien loin toutes ces infamies
(Daudet). ∥ 2. Qui reçoit beaucoup de
lumière : Le salon était une grande pièce
claire. ∥ 3. Qui laisse passer la lumière ;
qui est translucide : C’est le maître du
clos et de la source claire (Heredia).
n∥i Cbirelu mclea.ir∥, OEtemufp sc lacilra, iroe, usfa ncso unvué aqgeusi
demeure transparent parce qu’il n’a pas
été fécondé. ∥ Fam. Croyez cela et buvez
de l’eau claire, se dit pour se moquer
de la crédulité de quelqu’un. ∥ 4. Dont
rien n’altère l’éclat, la pureté : Des vitres
claires. Teint clair. ∥ 5. Qui présente des
intervalles par où passe la lumière ; qui
est peu fourni, peu serré : Des bois clairs.
∥ Spécialem. Se dit d’un tissu rendu
presque transparent par l’usure : Un pantalon clair aux genoux. ∥ 6. Qui est peu
consistant : Une soupe claire. Le galant,
pour toute besogne, | Avait un brouet clair
(La Fontaine). ∥ 7. Qui est de couleur peu
foncée : Dans les herbages paissaient des
bestiaux à robe claire (Romains) ; et en
parlant de la couleur elle-même : Beige
clair. Un corsage vert clair. ∥ 8. Fig. Pur,
limpide, qui marque la franchise : Le
moyen de résister à ce regard clair, croisant le sien ? (Daudet). ∥ 9. Fig. et littér. Illuminé par le bonheur, heureux :
Les Heures claires (titre d’une oeuvre de
Verhaeren). ∥ 10. Se dit d’un son net,
sonore, cristallin : Partout sonne l’appel
clair des buccinateurs (Heredia). Au fond
de l’antre, empli d’un clair murmure d’eau
(Samain). Le maréchal[-ferrant] laissait à
petits coups pesants et clairs retomber son
marteau sur l’enclume (Alain-Fournier).
II.1.Qui est immédiatement intelligible ; qui ne présente aucune difficulté
pour l’esprit : Ce qui n’est pas clair n’est
pas français (Rivarol). Cela est si clair
qu’il me semble aussitôt prouvé que dit
(Courier). J’aime les situations claires...
Je ne recule jamais devant les explications
(Duhamel). Faire un résumé clair de la
situation. Style clair. Idées claires. ∥ Cette
affaire n’est pas claire, elle est embrouillée, douteuse, suspecte. ∥ 2. Qui apparaît
avec évidence ; qui semble sûr : Il est clair,
dit M. Anquetil, que nous sommes en danger (France). ∥ Fam. Son affaire est claire,
il est manifestement coupable, il sera
sûrement condamné. ∥ C’est clair comme
le jour, clair comme de l’eau de source, de
l’eau de roche, c’est tout à fait évident,
manifeste. ∥ 3. Se dit d’une personne qui
comprend facilement ou qui se fait facilement comprendre : S’il avait l’esprit clair,
juste et patient, il devenait professeur
(Chateaubriand). Conférencier, écrivain
qui n’est pas clair. ∥ Un esprit clair, une
personne lucide, et qui distingue immédiatement ce qui est essentiel.
• SYN. : I, 1 brillant, éclatant, étincelant,
luisant, lumineux ; 2 éclairé ; 3 diaphane,
limpide, pur ; 5 clairsemé, rare ; 6 fluide,
léger ; 7 pâle ; 8 droit, franc ; 10 aigu,
argentin. ∥ II, 1 compréhensible, limpide,
lumineux, net, simple ; 2 certain, évident,
explicite, manifeste, notoire ; 3 clairvoyant,
délié, lucide, ouvert, pénétrant, perspicace,
sagace, sûr, vif. — CONTR. : I, 1 obscur ; 2
noir, sombre, ténébreux ; 3 dépoli, opaque ;
5 compact, dense, dru, fourni, serré, touffu ;
6 épais, pâteux ; 7 foncé, sombre ; 8 équivoque, louche, torve ; 9 sombre ; 10 bssé,
couvert, grave, sourd, voilé. ∥ II, 1 abscons,
confus, embrouillé, énigmatique, fumeux,
hermétique, incompréhensible, inintelligible, nébuleux, obscur ; 2 ambigu, douteux, équivoque, incertain, problématique ;
3 brumeux, fumeux.
• REM. Lorsque clair suit un mot indiquant la couleur, il reste invariable : Une
robe bleu clair.
% clair adv. (sens 1, XIIIe s. ; sens 2, XIIe s. ;
sens 3, 1080, Chanson de Roland). 1. D’une
manière claire, lumineuse (usité seulement dans certaines locutions). ∥ Il fait
clair, il fait jour, on distingue nettement
les objets. ∥ Voir clair, distinguer nettement les objets ; au fig., comprendre, être
capable de choisir, de décider, d’agir avec
perspicacité : Tout homme [...] se dit dans sa
jeunesse qu’il y verra plus clair quand il sera
plus âgé (Maeterlinck). ∥ Class. Voir clair
à, comprendre clairement : Elle voit bien
clair à l’intérêt que j’y prends (Sévigné).
∥ Clair comme le jour, d’une manière évidente : Ce qu’ils disaient me prouva clair
comme le jour que le dévouement était
leur pain quotidien (France). ∥ 2. D’une
manière espacée : Semer, planter clair.
∥ 3. D’une manière sonore : Pleine [...] de
voix sonnant clair dans les brises salubres
(Samain). ∥ Parler clair, parler d’une voix
bien timbrée, distinctement ; au fig., parler
nettement et franchement.
% clair n. m. (sens I, 1, 1611, Cotgrave ;
sens I, 2, 1684, Brunot ; sens I, 3, v. 1354,
Modus ; sens I, 4, fin du XIVe s. ; sens II, 1,
1723, Savary des Bruslons ; sens II, 2, 1832,
Raymond ; sens II, 3, 1690, Furetière).
I. 1. Clair de lune, clarté répandue par la
lune : Le clair de lune bleu qui baignait
l’horizon (Hugo). Le clair de lune, appuyé
aux volets entrouverts, jette jusqu’au pied
du lit son échelle enchantée (Proust) ; par
extens., tableau représentant un paysage,
des sujets éclairés par la lune : Peintre
qui a fait de nombreux clairs de lune.
∥ Au clair de (ou de la) lune, à la lumière
de la lune : Toute la nuit, au clair de la
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lune, par les routes du pays, il y eut des
carrioles emportées (Flaubert). ∥ Sabre
au clair, sabre dégainé au jour, hors du
fourreau. ∥ 2. Partie lumineuse, éclairée
d’un tableau, par opposition aux parties
qui sont dans l’ombre (presque toujours
au plur.) : Les ombres et les clairs. ∥ 3. Endroit où les choses sont peu serrées ; partie moins épaisse, moins touffue, par où
la lumière peut filtrer : Par un clair des
hautes branches, une lueur diffuse tombait du ciel (Genevoix). Les clairs d’un
gazon, d’un champ de blé, d’une étoffe.
∥ 4. Partie, chose peu foncée : Figures qui
se détachent en clair sur un fond sombre.
S’habiller en clair.
II. 1. Tirer au clair, parvenir à comprendre une difficulté, à éclaircir, élucider une chose obscure : De toute cette
fortune [...], rien n’avait paru dans le
ménage. Il fallut tirer la chose au clair
(Flaubert). Il souhaitait une occasion de
tirer la chose au clair, non sans un aigre
désir de revanche (Martin du Gard). Mais
du moins, depuis hier, la chose était tirée
au clair (Duhamel). ∥ Mettre au clair,
présenter sous une forme plus nette, plus
intelligible : C’est de ce voyage que je rapportai les notes que j’ai mises au clair [...]
à mon retour de Cuverville (Gide). ∥ 2. En
clair, en langage courant, compréhensible, par opposition à en chiffre, en langage chiffré : Message transmis en clair.
∥ 3. Le plus clair de (et un nom), la partie
la plus importante de : J’y ai passé le plus
clair de ma matinée et n’ai réussi rien qui
vaille (Gide). En quelques années, Thédenat a dissipé le plus clair de son avoir
(Duhamel). Il n’a pas de fonction dans
l’État. Mais il est le chef du tas de sociétés secrètes qui forment le plus clair de la
droite du Kuomintang (Malraux).
claire [klɛr] n. f. (fém. substantivé de clair,
adj. ; 1753, Encyclopédie). Bassin peu profond, dans lequel se fait l’engraissement
ou le verdissement des huîtres : Si nous
passons à la Saintonge maritime, voici la
claire, bassin où l’on fait verdir les huîtres
(Dauzat).
clairement [klɛrmɑ̃] adv. (de clair ; v.
1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence,
écrit clerement). 1. D’une manière claire,
distincte, en parlant des sens : Distinguer
clairement un avion dans le lointain.
Entendre clairement un bruit de moteur.
∥ 2. D’une manière nette, compréhensible
ou évidente : Quand tu voudras que je te
comprenne, tu tâcheras de t’exprimer plus
clairement (Gide).
• SYN. : 1 distinctement, nettement ;
2 explicitement, franchement, ouvertement,
simplement. — CONTR. : 1 indistinctement,
vaguement ; 2 confusément, obscurément.
clairer [klɛre] v. intr. (de clair ; milieu
du XVe s., Passion de Semur). Dialect.
Briller : Je vais vous accompagner jusqu’à
votre chambre pour faire clairer votre feu
(Theuriet).
clairet, ette [klɛrɛ, -ɛt] adj. (de clair ;
d’abord claré, puis, par substitution de
suff., claret [XIIe s., Partenopeus de Blois] ;
clairet, XIVe s., aux sens 1-3 ; sens 4, 1834,
Balzac). 1. Qui est d’une agréable transparence : Boire de la belle eau clairette (Sand).
∥ 2. D’une teinte claire : Des yeux clairets
(Huysmans). ∥ Spécialem. Se dit d’un vin
rouge peu foncé, léger et agréable : Si saint
Pierre [...] avait bu un doigt de vin clairet
de la Moselle (France). Les Baudoin [...]
cultivaient un clos qui leur donnait beaucoup de mal et rapportait, une saison sur
trois ou quatre, assez de raisin pour faire
un vin amer, un vin clairet que l’on buvait
en famille (Duhamel). ∥ 3. Qui est d’une
consistance trop légère : Potage clairet.
Sauce clairette. ∥ 4. Se dit d’une voix au
son aigu, perçant : Elle [Mlle Michonneau]
avait la voix clairette d’une cigale (Balzac).
% clairet n. m. (XIIe s., écrit claré, claret ;
clairet, v. 1460, Villon). Vin clairet : Aussi
fis-je amitié avec ces trois hommes, autour
d’une cruche de clairet (Arnoux).
% clairette n. f. (1829, Boiste, écrit clarette,
aux sens 1-2 [clairette, milieu du XIXe s.]).
1. Cépage blanc du Midi. ∥ 2. Vin mousseux fabriqué avec ce cépage, appelé aussi
blanquette : Clairette de Die.
claire-voie [klɛrvwa] n. f. (de clair, adj., et
de voie ; 1344, Gay, au sens 1 ; sens 2, 1866,
Larousse ; sens 3, 1877, Littré). 1. Clôture
formée d’éléments espacés, laissant passer
le jour : Quand [...] s’ouvrait l’énorme trou
noir du podium, fermé d’une claire-voie, on
s’attendait à voir bondir les fauves (Daudet).
∥ 2. Par anal. Suite de fenêtres formant
l’étage supérieur de la grande nef d’une
église gothique. ∥ 3. Balustrade à jour, en
pierre de taille.
• Pl. des CLAIRES-VOIES.
% À claire-voie loc. adj. et adv. (1420, Dict.
général). 1. Qui présente alternativement
des espaces vides et des espaces pleins ;
à jour : À la nuit tombante, ma porte à
claire-voie est remplacée par une porte
pleine (Balzac). ∥ Tissu à claire-voie, tissu
à mailles peu serrées, qui laissent passer
un jour tamisé. ∥ 2. Semer à claire-voie,
en espaçant beaucoup les graines.
clairière [klɛrjɛr] n. f. (de clair ; 1660,
La Fontaine, écrit clarière [clairière, 1690,
Furetière], au sens 1 ; sens 2, 1752, Trévoux).
1. Espace dégarni d’arbres, dans un bois,
une forêt : Une clairière lointaine, aux
jours mélangés d’ombres ou nuancés par les
teintes rouges du couchant, point à travers
les feuilles (Balzac). ∥ 2. Par anal. Partie
claire d’une étoffe, où le tissu est peu serré.
• SYN. : 1 clair, éclaircie.
clair-obscur [klɛrɔpskyr] n. m. (ital.
chiaroscuro, de chiaro, clair, et oscuro, obscur ; 1596, Vigenère, écrit chiar-obscuro
[clair-obscur, 1668, R. de Piles], aux sens
1-2 ; sens 3, 1761, J.-J. Rousseau). 1. Dans
la peinture, la gravure, le dessin, art de
ménager sur un fond d’ombre une partie
délicatement éclairée : Le Corrège inventa
le clair-obscur. Les Italiens ignoraient
l’art de la perspective et du clair-obscur
(Voltaire). Sous la ligne tourmentée des
sourcils, le regard, tapi dans le clair-obscur,
était, à souhait, franc et volontaire, mais
avec une expression trop hardie, effrontée,
qui n’était pas ressemblante (Martin du
Gard). ∥ Spécialem. Dans un tableau, une
gravure, etc., lumières et ombres douces
finement fondues. ∥ 2. Vx. Gravure sur
bois tirée en camaïeu. ∥ 3. Par extens.
Lumière atténuée : Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe (Hugo).
Le passage, sans transition, du grand jour
extérieur aux savants clairs-obscurs de
cette demeure contribuait à le désorienter
(Martin du Gard).
• Pl. des CLAIRS-OBSCURS.
• SYN. : 3 pénombre. — CONTR. : 3 clarté,
lumière.
% adj. (1829, Boiste). Fig. Qui manque
de netteté ; qui est douteux, incertain :
Quelque chose de fuyant, d’indécis, de
clair-obscur (Sainte-Beuve).
clair-obscuriste [klɛrɔpskyrist] n. m.
(de clair-obscur ; 1877, Littré). Peintre qui
a recours au procédé du clair-obscur. (Peu
usité.)
clairon [klɛrɔ̃] n. m. (de clair, sonore ;
XIIIe s., Du Cange, écrit cleron, au sens 1 ;
sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3-4, 1866,
Larousse). 1. Instrument à vent en cuivre,
sans clés ni pistons, au son clair et strident,
utilisé surtout dans l’armée : Une colonne
d’infanterie de ligne, clairon sonnant,
baïonnettes croisées (Hugo). ∥ 2. Soldat,
musicien qui joue du clairon. ∥ 3. Sonnerie
de clairon : Tartarin de Tarascon, s’armant
de pied en cap pour aller au cercle à neuf
heures du soir, une heure après les clairons
de la retraite (Daudet). ∥ 4. Fig. Ce qui
donne l’éveil : La presse est le clairon ; elle
sonne la diane des peuples (Hugo). Durant
ce temps-là, tu te taisais, ô Salpinx, clairon
de la pensée (Renan).
claironnade [klɛrɔnad] n. f. (de claironner ; 1895, Daudet). Action de claironner ;
son du clairon : Claironnades et tambourinades, mêlées aux tintements des carillons,
faisaient un fier ramage et jetaient aux
quatre vents, en promesse de victoire, un
chant allègre, mi-belliqueux et mi-sacré
(Daudet).
claironnant, e [klɛrɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de claironner ; fin du XIXe s.). 1. Qui
a le timbre clair et retentissant du clairon :
« Quelle horreur », s’écria-t-il, en rendant
à sa voix toute sa vigueur claironnante
(Proust). D’une voix claironnante, dont
l’intonation très particulière avait peut-être
la valeur d’un signal (Romains). ∥ 2. Fig.
downloadModeText.vue.download 25 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
739
et littér. Éclatant comme une sonnerie de
clairon : Une claironnante joie envahit le
coeur d’Amédée (Gide).
• SYN. : 1 sonore, tonitruant, tonnant. —
CONTR. : 1 assourdi, bas, voilé.
claironner [klɛrɔne] v. intr. (de clairon ;
1559, Buttet, au sens 1 ; sens 2, 1606, Nicot ;
sens 3, fin du XIXe s.). 1. Jouer du clairon :
On claironnait pour l’angélus, pour matines
et complies (Daudet). ∥ 2. Produire un son
semblable à celui du clairon : Tandis qu’un
coq claironne et qu’un bonhomme ouvre, en
souriant, sa fenêtre (Huysmans). ∥ 3. Fig.
Clamer sa joie, sa fierté : Exalté par ses souvenirs, Mahoul claironnait (Aymé).
% v. tr. (fin du XVIe s., Godefroy ; repris au
XIXe s.). Proclamer bruyamment ; publier
avec éclat : N’ayant pas besoin de claironner ses succès, Albertine garda le silence
(Proust).
• SYN. : carillonner, corner (fam.), trompetter (fam.).
clairsemé, e [klɛrsəme] adj. (de clair et
de semé ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit clersemé [clairsemé, 1538, R. Estienne], aux sens
1-3). 1. Se dit de végétaux semés, plantés à
de larges intervalles : Le bouquet d’arbres
clairsemé, mais très vert (Hugo). ∥ 2. Peu
serré : Des cheveux pâles, clairsemés et
duveteux couronnaient bizarrement une
figure toute en hauteur (Martin du Gard).
∥ 3. Fig. Peu nombreux, rare : Sammécaud
s’installe au milieu d’une assistance très
clairsemée (Romains).
• SYN. : 1 clair ; 2 espacé ; 3 dispersé, disséminé, éparpillé, épars. — CONTR. : 1 touffu ;
2 compact, serré ; 3 dense, nombreux.
clairvoyance [klɛrvwajɑ̃s] n. f. (de clairvoyant ; v. 1190, Garnier de Pont-SainteMaxence, écrit clerveiaunce [clairvoyance,
1580, Montaigne], au sens 1 ; sens 2, 1863,
Littré). 1. Faculté de discerner, de concevoir les choses avec lucidité, pénétration :
Cette clairvoyance rapide qui accompagne
les catastrophes ne lui faisait grâce d’aucun détail (Daudet). ∥ 2. Faculté de voir à
distance, de pénétrer la pensée, attribuée
aux personnes soumises au sommeil
magnétique.
• SYN. : 1 acuité, discernement, flair (fam.),
nez (fam.), perspicacité, sagacité ; 2 voyance.
clairvoyant, e [klɛrvwajɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n.
(de clair, adv., et de voyant, part. prés. de
voir ; v. 1265, J. de Meung, écrit clerveant ;
clairvoyant, 1635, Monet). 1. Qui voit clair,
qui a bonne vue (par opposition à aveugle) :
Voilà le noir tableau qu’en un rêve nocturne
| Je vis se dérouler sous mon oeil clairvoyant
(Baudelaire). ∥ 2. Qui discerne, comprend
clairement les choses : Clairvoyante comme
elle était, Rosalie s’aperçut vite du changement qui se faisait dans les opinions de son
mari (Daudet).
• SYN. : 2 avisé, lucide, pénétrant, perspicace, sagace. — CONTR. : 2 borné, obtus.
1. clam n. m. V. CLAIN.
2. clam [klam] n. m. (de l’anglo-amér. to
clam, serrer ; XXe s.). Nom usuel d’un mollusque bivalve comestible, que l’on trouve
en abondance sur les plages de l’Atlantique.
clamecer [klamse] v. intr. (de crampe,
au sens arg. de « raidissement, convulsion d’agonie » ; d’abord cramecer [1878],
crampecer [1883], puis clamecer, 1888,
G. Esnault). Pop. Mourir : Il va en clamecer
la moitié (Benjamin).
•REM. Les var. CLAPSER, CRAMECER,
CRAMPER et CRAPSER sont rares.
clamer [klame] v. tr. (lat. clamare ; 1080,
Chanson de Roland [peu usité entre le
XVIIe s. et la fin du XIXe : v. 1690, Furetière,
et 1866, Larousse]). 1. Littér. Manifester
ses sentiments en termes violents et bruyamment : Les manifestants clament leur
mécontentement. ∥ 2. Par extens. Crier
fort : Alors éclatait [...] le soprano suraigu
de M. Chèbe, qui clamait de sa voix de
goéland : « Enfoncez les portes » (Daudet).
• SYN. : 1 corner (fam.), proclamer, publier ;
2 hurler, tonner, vociférer.
clameur [klamoer] n. f. (lat. clamorem,
accus. de clamor, cri ; XIIe s., aux sens 1-2 ;
sens 3, fin du XVe s., Commynes). 1. En droit
ancien, syn. de CLAIN. ∥ 2. Ensemble de
cris tumultueux, de bruits de voix forts,
mais confus : Il volait par le stade aux
clameurs de la foule (Heredia). ∥ Cris
de réprobation : Là-dessus, plusieurs
personnes ont commencé de pousser des
clameurs. On m’a reproché mon humanitarisme (Duhamel). ∥ 3. Fig. Protestation
violente : De toutes parts, dans la presse
conservatrice et modérée, un concert de
clameurs s’éleva (Jaurès).
• SYN. : 2 hurlement, tumulte, vocifération ;
3 huée, tollé.
clamp [klɑ̃] n. m. (du néerl. klamp, crampon ; 1643, Fournier, au sens de « pièce de
bois soutenant une vergue et l’empêchant
d’éclater » ; sens actuel [empr. de l’angl.],
XXe s.). Pince chirurgicale utilisée pour
obturer les gros vaisseaux ou certaines
portions du tube digestif.
clampin [klɑ̃pɛ̃] n. m. (var. de clopin, boiteux ; 1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens
2, 1832, Raymond). 1. Celui qui reste en
arrière dans une marche, traînard. ∥ 2. Fig.
et fam. Celui qui flâne, paresseux.
% adj. (fin du XVIIe s., Godefroy). Vx.
Boiteux : Le duc du Maine, tout clampin
qu’il est (Littré).
clampiner [klɑ̃pine] v. intr. (de clam-pin ;
1845, Bescherelle). Vx et fam. Paresser.
• SYN. : flâner, traîner. — CONTR. : s’activer,
bûcher (fam.), travailler.
clan [klɑ̃] n. m. (angl. clan, de l’irland.
clann, tribu, proprem. « descendant » ; 1750,
Prévost, au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3,
1845, Bescherelle). 1. Groupement social
formé d’un certain nombre de familles,
en Écosse et en Irlande. ∥ 2. Dans certaines sociétés, groupement de familles
qui constitue une division de la tribu : Les
Tziganes se divisent en clans, en métiers
(Morand). Clan totémique. ∥ 3. Fig. Groupe
de personnes se soutenant mutuellement
par passion ou par intérêt : La méthode de
Massis et de son clan est de dénier toute
valeur à ceux qu’ils ne peuvent annexer
(Gide).
• SYN. : 3 bande, chapelle, clique, coterie,
faction, maffia.
clandestin, e [klɑ̃dɛstɛ̃, -in] adj. (lat.
clandestinus, de clam, en secret ; v. 1355,
Bersuire, aux sens 1-2 ; sens 3, 1761,
Voltaire). 1. Qui est caché ; qui se fait en
cachette : Pour toi respire ainsi qu’un trésor
clandestin | Le lis de solitude à ton balcon
hautain (Samain). Réunion clandestine.
∥ 2. Qui agit ou qui est fait en violation des
lois ou à l’insu de l’autorité : Voilà Rodolphe
vendeur de journaux et bookmaker clandestin (Arnoux). Commerce, trafic clandestin.
∥ 3. Où il se passe quelque chose de secret
ou d’illicite : Maison de jeux clandestine.
• SYN. : 1 occulte, secret ; 2 illicite, prohibé.
— CONTR. : 1 avoué, public ; 2 autorisé, légal,
reconnu.
% n. (XXe s.). Personne qui vit dans la
clandestinité.
% clandestine n. f. (1732, Trévoux [auparavant, herbe clandestine, 1615, Daléchamps]).
Plante parasite vivant sur les racines des
arbres.
clandestinement [klɑ̃dɛstinmɑ̃] adv.
(de clandestin ; 1403, E. Deschamps). De
façon clandestine : Il y avait à Paris des
milliers de retraites semblables où le clergé
réfractaire réunissait clandestinement de
petits troupeaux de fidèles (France).
•SYN. : furtivement, secrètement,
subrepticement.
clandestinité [klɑ̃dɛstinite] n. f. (de
clandestin ; fin du XVIe s., Delboulle).
1. Caractère de ce qui est caché, clandestin : Cela donnait à notre amour un air de
clandestinité coupable (Theuriet). Il y a,
dans l’assassinat par l’empoisonnement,
un caractère de clandestinité qui en fait
le crime par excellence de l’hystérie perverse (Bourget). ∥ 2. Spécialem. En droit,
défaut de publicité qui rend irréguliers
certains actes : La clandestinité est une
cause de nullité du mariage. ∥ 3. État de
celui qui mène une existence clandestine : De nombreux résistants français ont
vécu dans la clandestinité de 1940 à 1944.
∥ La clandestinité, pendant l’occupation
allemande, ensemble des personnes qui
vivaient clandestinement.
• SYN. : 1 mystère, secret.
clangor [klɑ̃gɔr] n. m. (mot lat. signif.
« cri perçant » ; XXe s.). Modification du
deuxième bruit du coeur, perçue à l’ausdownloadModeText.vue.download 26 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
740
cultation sous la forme d’un son éclatant,
métallique : Le clangor est le signe d’une
altération de l’origine de l’aorte.
clangoreux, euse [klɑ̃gɔrø, -øz] adj. (de
clangor ; XXe s.). Se dit du deuxième bruit
du coeur quand il prend une résonance
métallique.
clangueur [klɑ̃goer] n. f. (lat. clangor,
-oris, cri perçant de certains oiseaux, etc. ;
XVIe s.). Cri retentissant de certains animaux, plus particulièrement des oiseaux :
La clangueur des grenouilles est si large,
si haute, si constante, qu’à la longue elle
déferle comme une cascade (Suarès). La
clangueur du butor.
clanique [klanik] adj. (de clan ; 1952,
Larousse). Relatif au clan : Organisation
clanique.
clapet [klapɛ] n. m. (de l’anc. franç. claper, frapper [v. CLAPPER] ; 1517, Dict. général, au sens 1 ; sens 2, 1907, G. Esnault).
1. Soupape qui se lève ou s’abaisse pour
permettre ou empêcher le passage d’un
fluide : On pompait et j’entendais par instants le glouglou sinistre de l’eau dans les
clapets (Malot). ∥ 2. Fig. et pop. Bouche
(en tant qu’organe de la parole) : Ferme
ton clapet. ∥ Bavardage, débit : Il a un de
ces clapets !
clapier [klapje] n. m. (anc. provenç. clapier, de clap, tas de pierres, d’un mot préroman *klappa, pierre plate ; 1365, Prost,
écrit glapier, au sens 2 ; sens 1 et 3, fin du
XIVe s. ; sens 4, 1456, Godefroy ; sens 5, 1611,
Cotgrave). 1. Ensemble de terriers creusés
par les lapins de garenne. ∥ 2. Cabane, loge
où l’on élève des lapins. ∥ Lapin de clapier, ou simplem. clapier, lapin domestique.
∥ 3. Fam. Logement étroit et misérable :
Comme toutes les malheureuses que la
misère et l’embauchage ont traînées dans les
clapiers d’une ville... (Huysmans). ∥ 4. En
montagne, amoncellement, au pied d’une
paroi, de débris rocheux détachés par l’érosion : La combe de Brévent, où les gros blocs
du clapier dessinent des formes étranges et
familières (Frison-Roche). ∥ 5. En termes
de médecine, poche purulente, foyer
d’infection.
1. clapir [klapir] v. intr. (de l’onomatop.
klapp- [v. CLAPPER] ; 1701, Furetière). Crier,
en parlant du lapin.
2. clapir (se) [səklapir] v. pr. (même
racine que clapier ; 1727, Furetière). En
parlant du lapin, se blottir dans son terrier.
• SYN. : se tapir, se terrer.
clapot [klapo] (déverbal de clapoter ; 1886,
Maupassant), clapotage [klapɔtaʒ] (de
clapoter ; début du XVIIIe s.) n. m. Syn. anc.
de CLAPOTIS.
clapotant, e adj. V. CLAPOTEUX, EUSE.
clapotement [klapɔtmɑ̃] n. m. (de clapoter ; 1654, Du Tertre, au sens 1 ; sens 2,
1833, Th. Gautier). 1. Syn. de CLAPOTIS.
∥ 2. Littér. Petit bruit semblable au clapotis
de l’eau : Un bon et franc baiser français,
avec ce mignard clapotement des lèvres
comme au temps de la Régence (Gautier).
clapoter [klapɔte] v. intr. (d’un radical
onomatopéique klapp- [v. CLAPPER] ; 1611,
Cotgrave, écrit clapeter ; clapoter, XVIIIe s.).
1. Se briser en vagues courtes et serrées
qui produisent un bruit caractéristique en
se rencontrant : Les oiseaux | S’envolèrent
ainsi qu’une brusque rafale | Sur le lugubre
lac dont clapotaient les eaux (Heredia).
Le long du quai désert, l’Arve clapotait
faiblement contre les roches (Martin du
Gard). Une houle brisée clapotait autour
des remorqueurs rangés devant les ateliers
de la Compagnie (Morand). ∥ 2. Produire
une série de petits bruits semblables à un
clapotis, en heurtant quelque chose : Je me
suis mise au piano et mon bracelet clapotait
[...] sur les touches (Feuillet).
clapoteux, euse [klapɔtø, -øz] adj. (de
clapoter ; 1730, Labat). Se dit d’une étendue liquide qui clapote : Une mer clapoteuse, qui menaçait à chaque instant de les
engloutir (Mérimée). La mer était courte,
clapoteuse (Gautier).
• REM. On dit aussi CLAPOTANT, E (1866,
Larousse) : De petits balcons de bois qui
surplombaient les vagues clapotantes
(Alain-Fournier).
clapotis [klapɔti] n. m. (de clapoter ; 1792,
Romme). Agitation et bruit léger de l’eau
soulevée par des vagues courtes et serrées
qui s’entrechoquent : Je pouvais même espérer d’écouter avec la jeune femme quelque
clapotis de vagues, car, la veille du dîner, une
tempête se déchaîna (Proust). L’eau ne faisait entendre qu’un clapotis confus (Martin
du Gard). ∥ Spécialem. Agitation de la mer
qui se produit lorsque deux houles égales
et de sens contraire se rencontrent.
• REM. On dit aussi, dans le même sens,
CLAPOT, CLAPOTAGE, CLAPOTEMENT :
Le « Jean-Guiton » [...] laissait derrière
lui quelques vagues, quelques clapots,
quelques ondulations qui se calmaient
(Maupassant). La vague est courte et violente, le flot est un clapotement (Hugo).
clappement [klapmɑ̃] n. m. (de clapper ;
1835, Th. Gautier). 1. Bruit sec produit avec
la langue, quand on la détache brusquement du palais : Un mignard clappement
des lèvres et une douce moiteur à la place
effleurée me firent juger que je ne rêvais
pas (Gautier). Thaulieu avertit sa femme
d’un petit clappement de langue (Colette).
∥ 2. Bruit sec qui y ressemble : Un clappement de savates devint distinct (Huysmans).
• SYN. : 2 claquement.
clapper [klape] v. intr. (de l’onomatop.
klapp-, exprimant un bruit sec ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, écrit claper, au
sens de « frapper, gifler » ; sens actuel, 1845,
Bescherelle). Produire un clappement : Les
cochers clappèrent de la langue, touchèrent
leurs chevaux (Gautier). Il avala coup sur
coup deux verres de vin doux en clappant
de la langue (L. Fabre).
• SYN. : claquer.
% v. tr. Aspirer avec un clappement : Les
carpes demi-asphyxiées, clappant l’air de
leurs lèvres blanches et charnues (Donnay).
clappette [klapɛt] n. f. (déverbal de clapeter, babiller, faire un bruit de crécelle, dér.
de clapper ; 1866, Larousse, écrit clapète).
Fam. Babil, bavardage : Si le sommeil de la
jeunesse ne fût venu mettre un terme à leur
clappette (Rolland).
claquage [klakaʒ] n. m. (de claquer 1 ;
milieu du XXe s.). 1. En termes de sport,
rupture partielle d’un tendon ou d’un
muscle : Les sprinters sont souvent victimes
de claquages. ∥ 2. Fam. Fatigue extrême
due à un effort violent. ∥ 3. En termes
d’électricité, percement d’une matière
isolante produit par une différence de
potentiel excessive.
• SYN. : 2 épuisement, harassement.
claquant, e [klakɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de claquer 1 ; 1775, Beaumarchais). Pop.
Très fatigant, exténuant : Quel métier
claquant !
1. claque [klak] n. f. (déverbal de claquer
1 ; v. 1307, Guiart, au sens I, 1 ; sens I, 2,
XIXe s. ; sens I, 3, 1836, Landais ; sens I, 4,
1907, Larousse ; sens II, 1, 1743, Trévoux
[d’où claquer 2] ; sens II, 2, 1890, Dict.
général).
I. 1. Coup appliqué avec le plat de la
main et qui fait un bruit sec : À chaque
instant retentissaient les claques vigoureuses que les causeurs s’appliquaient
sur les cuisses (Tharaud). ∥ Fam. Tête
à claques, visage, personnage déplaisant. ∥ 2. Coup qui frappe comme une
claque : La claque en pleine figure de la
giboulée (Claudel). ∥ Fig. et fam. Prendre
une claque, faire une grosse perte au jeu,
à la Bourse : Il a pris une belle claque au
baccara. ∥ 3. Groupe de spectateurs,
parfois rémunérés, chargés d’applaudir
une oeuvre, un artiste, pour aider à son
succès : La claque, aux premiers rangs du
parterre, tapa furieusement des mains
(Zola). ∥ 4. Pop. En avoir sa claque, être
très fatigué, épuisé : J’en avais ma claque,
et j’ai commencé à roupiller (T. Bernard) ;
au fig., être excédé, dégoûté de quelque
chose.
II. 1. Socque plat que les dames mettaient
par-dessus leurs souliers, pour se protéger contre la boue et l’humidité. ∥ Fam.
Prendre ses cliques et ses claques, s’en aller
en toute hâte. ∥ 2. Partie de la chaussure
qui est fixée à la semelle et qui entoure le
pied.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
741
• SYN. : I, 1 baffe (pop.), calotte (fam.), gifle,
mornifle (fam.), soufflet, taloche (fam.),
tape.
2. claque [klak] n. m. (même étym. qu’à
l’art. précéd. ; fin du XVIIIe s., au sens de
« chapeau plat porté sous le bras » ; sens
1, 1823, Arcieu ; sens 2, 1866, Larousse).
1. Chapeau haut de forme à ressort, pouvant s’aplatir et se mettre sous le bras : Le
claque, une espèce de demi-cercle en feutre
qu’on gardait alors sous le bras au lieu de
le mettre sur la tête (Balzac). ∥ 2. Bicorne
porté une pointe en avant : Monsieur le
sous-préfet a mis son bel habit brodé, son
petit claque, sa culotte collante à bandes
d’argent et son épée de gala (Daudet).
[On dit aussi CHAPEAU CLAQUE.]
3. claque [klak] n. m. (abrév.
dent ; XXe s.). 1. Pop. Maison
(vieilli) : Il se vantait déjà
(Duhamel). ∥ 2. Pop. Maison de
de claquede tolérance
d’aller au claque
jeux.
• REM. On trouve aussi la var. graphique
CLAC : « Au clac ? — Au bordel, enfin,
puisque tu ne connais pas le français »
(V. Margueritte).
claqué, e [klake] adj. (part. passé de claquer 1). Pop. Fatigué, épuisé : Tu as fait la
bombe avec Carac. C’est pourquoi il était
claqué hier (Vailland).
claquebois [klakbwa] n. m. (de claque,
forme verbale de claquer 1, et de bois ; 1636,
Mersenne). Vx. Instrument de musique à
dix-sept touches, en bois, qu’on fait résonner avec des baguettes : Partout tintent des
crécelles, bruissent durement des claquebois
(Loti).
claquedent [klakdɑ̃] n. m. (de claque,
forme verbale de claquer 1, et de dent ;
v. 1450, Gréban, comme n. pr. d’un personnage ; sens 1, fin du XVe s. ; sens 2, 1907,
Larousse). 1. Fam. Gueux, misérable, qui
claque des dents de froid : Qu’on donne
à ce pauvre claquedent une maisonnette
et une pension (Louÿs). ∥ 2. Vx et fam.
Cabaret, tripot de bas étage : Les claquedents de Mourmelon étaient sans cesse
pleins (Huysmans). Mon préfet de police
a fait fermer tous les claquedents (France).
claquement [klakmɑ̃] n. m. (de claquer
1 ; 1552, R. Estienne). Bruit sec de ce qui
claque : Les espadrilles [...] font entendre
des petits claquements mouillés, des « floc,
floc » d’eau battue (Loti). Il faisait avec la
langue de petits claquements propres à
manifester son dégoût (Gide). L’étui d’argent
brilla entre ses doigts ; elle en reconnut le
claquement sec (Martin du Gard). Je mange
aussi la bouche ouverte, avec des bruits et
des claquements mouillés (Duhamel).
claquemurer [klakmyre] v. tr. (de la loc.
à claquemur [de claque, forme verbale de
claquer 1, et de mur], proprem. « dans un
endroit si étroit que le mur claque » ; 1644,
Scarron). Tenir étroitement enfermé :
Parbleu ! je sais bien que, claquemuré du
matin au soir dans ton atelier, tu n’as jamais
réfléchi à ces choses-là (Daudet). Plus libre
que moi (j’étais claquemuré par Ariane),
Pirithoüs avait loisir de s’enquérir des coutumes de la Crète et d’observer (Gide).
• SYN. : claustrer, cloîtrer, reclure.
% se claquemurer v. pr. S’enfermer chez
soi, se cloîtrer.
1. claquer [klake] v. intr. (de l’onomatop. klakk-, exprimant un bruit bref et sec ;
v. 1508, J. Lemaire de Belges, au sens I ; sens
II, 1, 1890, Dict. général ; sens II, 2, 1929,
Larousse ; sens II, 3, 1842, Ch.-P. de Kock).
I. Produire un bruit sec, généralement
par un choc rapide : Les marabouts [...]
claquaient du bec en se pâmant au soleil
(Loti). Il leva la main et claqua des doigts
comme les élèves ont coutume de faire
pour solliciter du maître une autorisation (Gide). Il était parvenu à une telle
tension nerveuse qu’il claquait des dents
(Martin du Gard). Vidam fit claquer sa
langue contre ses dents, à petits coups secs,
comme l’on fait pour rappeler à l’ordre
une personne qui s’égare (Duhamel).
Les talons de Lolita claquaient gaiement
sur les silex de Bogota (Maurois). ∥ Claquer des mains, les frapper l’une contre
l’autre pour applaudir. ∥ Faire claquer
une porte, la fermer violemment : Il [...]
partit à grands pas furieux en faisant claquer les portes (Daudet). ∥ Fam. Claquer
du bec, être affamé : Tant de compositeurs qui n’ont pas une lèche de pain à se
mettre sous la dent, qui claquent du bec
(Arnoux).
II. 1. Fam. Se casser, se rompre ; céder :
Verre, ficelle qui claque. ∥ 2. Fam. Claquer dans les doigts, dans les mains à
quelqu’un, ne pas aboutir, échouer soudainement, en parlant d’une entreprise,
d’une affaire : C’est l’affaire de l’Institut
qui vient de me claquer dans les mains
(Duhamel). Ce dernier espoir m’a claqué
dans les mains (Anouilh). ∥ 3. Pop. Mourir : Le chirurgien fait cinq opérations,
les cinq opérés claquent (Goncourt).
Convaincu que ces pauvres bougres allaient claquer dans leur cave, si on ne les
évacuait pas sur-le-champ (Martin du
Gard). Je claquerai en rendant le miracle
par la bouche, comme les bouffeurs de feu,
dans les fêtes foraines, qui soufflent le feu
(Montherlant). Allons ! si je claquais en
mer, on pourrait coller sur le sac une belle
étiquette ! (Malraux). ∥ Claquer de froid,
mourir de froid, grelotter.
% v. tr. (sens I, 1, XXe s. ; sens I, 2, 1648,
Scarron ; sens I, 3, 1756, Voltaire ; sens II,
1, 1920, G. Esnault ; sens II, 2, 1877, Littré ;
sens II, 3, 1848, G. Esnault ; sens II, 4, 1866,
Larousse).
I.1.Appliquer, fermer quelque chose
avec un bruit sec : Claquer un pupitre.
∥ Claquer la porte, la fermer violemment : Il [...] s’échappe vers la porte, qu’il
claque (Gide). ∥ Claquer la langue, produire un bruit sec en la détachant du palais. ∥ 2. Frapper du plat de la main, donner une claque : On attend qu’une mouche
vienne dans le piège et on la claque, alors
(Audiberti). ∥ Claquer quelqu’un, le gifler. ∥ 3. Vx. Claquer un artiste, l’applaudir : Ce rôle, c’est son triomphe, elle y fut
toujours claquée (Gautier).
II. 1. Fam. Claquer quelqu’un, un animal, l’épuiser en exigeant de lui un effort
excessif : Durville est claqué. Il souffle
comme un phoque (France). Ces derniers
jours de Marseille m’ont claqué (Gide).
∥ 2. Claquer ou se claquer un muscle,
un tendon, en parlant d’un cheval, d’un
athlète, se rompre un muscle, un tendon par un effort violent. ∥ Intransitiv.
Le cheval a claqué, il a eu une rupture
de tendon. ∥ 3. Pop. et vx. Manger : J’ai
faim, faut me trouver quelque chose à claquer (Zola). ∥ 4. Pop. Claquer de l’argent,
telle somme, sa fortune, etc., les dépenser,
les dissiper : Je n’ai pas le sou : je viens du
cercle où j’ai tout claqué (Maupassant).
• SYN. : I, 2 calotter (fam.), souffleter, talocher (fam.). ∥ II, 1 éreinter (fam.), esquinter (fam.), vanner (pop.), vider ; 4 croquer
(fam.), dilapider, gaspiller, manger (fam.).
% se claquer v. pr. (1920, G. Esnault). Se
fatiguer, ruiner sa santé.
2. claquer [klake] v. tr. (de claque 2 ; 1863,
Littré). Garnir une chaussure d’une claque,
pièce de cuir ou d’une autre matière qui
la rend moins perméable ou plus solide
(surtout au part. passé).
claquet [klakɛ] n. m. (de claquer 1 ; XVe s.,
Godefroy). Petite latte placée sur la trémie
d’un moulin et qui est animée d’un battement continuel. ∥ Vx et fam. Sa langue
va comme un claquet de moulin, il bavarde
sans arrêt.
claqueter [klakte] v. intr. (de claquer 1 ;
1530, Palsgrave, au sens 2 ; sens 1, v. 1560,
Paré). [Conj. 4 a.] 1. Crier, en parlant de
la cigogne et de la poule qui va pondre :
Pas loin, soudain, une cigogne s’abat [...]
en claquetant (Arnoux). ∥ 2. Claquer à
petits coups : Le vent faisait claqueter sa
robe blanche (Sand). Ses dents claquetaient ;
son crâne était exsangue. Il était pénible à
regarder, tant il semblait attaqué, diminué,
par la rigueur de la température (Martin
du Gard).
• SYN. : 1 craqueter (pour la cigogne).
claquette [klakɛt] n. f. (de claquer
1 ; 1549, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2,
1863, Littré ; sens 3, XXe s. ; sens 4-5, 1845,
Bescherelle). 1. Sorte de crécelle. ∥ 2. Syn.
de CLAQUOIR. ∥ 3. Dans l’industrie du
cinéma, instrument formé de deux plaquettes de bois surmontées d’un tableau où
figurent les références du plan de prises de
vues. ∥ 4. Instrument de musique formé
de lanières de cuir garnies de grelots.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
742
∥ 5. Fig. Personne qui bavarde sans cesse :
Elle jacasse comme une pie, elle ne fait que
babiller du matin au soir. Quelle claquette !
(France).
% claquettes n. f. pl. (XXe s.). 1. Lames de
métal fixées aux semelles, pour rythmer
certaines danses. ∥ 2. Danse à claquettes,
ou simplem. claquettes, style de danse où
l’on se sert du talon et de la pointe du pied
pour obtenir des claquements rythmés.
claqueur [klakoer] n. m. (de claquer 1 ;
1781, Correspondance littéraire, au sens 1 ;
sens 2, 1863, Littré). 1. Vx. Personne payée
pour applaudir une oeuvre, un artiste :
Nous entrerons avec les claqueurs. La claque
à l’Opéra est très bien composée (Hugo).
∥ 2. Fig. et vx. Celui qui approuve, applaudit avec excès : Claqueurs convaincus, les
rebuffades ne les dégoûtent pas de leur dieu
(Goncourt).
claquoir [klakwar] n. m. (de claquer 1 ;
fin du XIXe s., Zola). Instrument formé de
deux planchettes jointes par une charnière,
que l’on frappe pour donner un signal : On
mangeait encore qu’un coup de claquoir
annonçait la récréation (Zola).
• SYN. : claquette.
claret [klarɛ] n. m. (mot angl., lui-même
empr. de l’anc. franç. claret, vin rouge [v.
CLAIRET] ; 1726, Mackenzie). Nom que
les Anglais donnent au vin de Bordeaux
rouge : Le buveur grandiose de claret à la
mode anglaise (Barbey d’Aurevilly).
clarifiant, e [klarifjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de clarifier ; XXe s.). Qui clarifie.
% clarifiant n. m. Substance propre à clarifier : Le charbon est un clarifiant.
clarificateur, trice [klarifikatoer, -tris]
adj. (de clarifier ; 1866, Larousse). Qui sert
à clarifier.
clarification [klarifikasjɔ̃] n. f. (de clarifier ; début du XVe s., au sens II ; sens I,
1690, Furetière).
I. Opération consistant à rendre clair, à
épurer un liquide : La clarification des
eaux de rivière s’opère sur des filtres de
gravier. La clarification des vins.
II. Action de rendre clair, compréhensible, ou le fait de se clarifier ; état de ce
qui a été rendu ou est devenu intelligible :
La clarification d’un problème, d’une
situation.
• SYN. : I décantation, épuration, filtrage, purification. ∥ II éclaircissement,
élucidation.
clarifier [klarifje] v. tr. (lat. ecclés. clarificare, glorifier, avec influence des sens
de l’adj. clair ; v. 1190, Sermons de saint
Bernard, au sens I ; sens II, XVIe s. ; sens
III, fin du XIVe s.).
I. Class. En langage mystique, glorifier :
Comme j’ai clarifié mon Père sur la terre,
vous allez me clarifier (Massillon).
II. 1. Rendre clair un liquide trouble : Il
y a plusieurs manières de clarifier le vin
(Acad.). ∥ 2. Rendre clair, transparent,
net : L’air tout à coup clarifié, infiniment
transparent, limpide et profond (Loti). Le
bruit soudain, à la fois étouffé par les couloirs et clarifié par l’éloignement, d’une
engueulade dans une cour (Malraux).
III. 1. Clarifier une situation, un problème, les rendre plus clairs pour l’esprit : Le temps a-t-il clarifié la question
d’Orient ? ∥ 2. Rendre plus lucide, plus
pénétrant : Sa pensée est extraordinairement lucide, clarifiée, comme l’atmosphère des montagnes après l’orage (Martin du Gard).
• SYN. : II, 1 décanter, éclaircir, filtrer ; 2
épurer, purifier. ∥ III, 1 débrouiller, démêler, éclairer, élucider.
clarine [klarin] n. f. (fém., pris substantiv.,
de l’anc. adj. clarin, de clair ; fin du XVIe s.,
Fauchet). Clochette pendue au cou des bestiaux qu’on fait paître dans les montagnes :
Des clarines sonnent, le vent porte une paisible odeur d’étable (Colette).
clarinette [klarinɛt] n. f. (de clarin, hautbois, mot provenç. [1508, Pansier], de clar,
forme provenç. de clair ; 1753, Encyclopédie,
au sens 1 ; sens 2, 1798, Acad. ; sens 3, 1808,
d’Hautel). 1. Instrument de musique à vent
et à anche simple, de la famille des bois : Je
fredonnerai des solos de clarinette (Musset).
∥ 2. Musicien qui joue de cet instrument.
∥ 3. Arg. mil. et vx. Fusil : Larose [...] lui
dit en faisant sonner son fusil : « On va leur
siffler un air de clarinette, mon commandant » (Balzac).
clarinettiste [klarinɛtist] n. (de clarinette ; 1834, Landais). Musicien qui joue
de la clarinette.
clarisse [klaris] n. et adj. f. (du n. de
sainte Claire [en lat. Clara], fondatrice de
cet ordre au XIIIe s.). Religieuse de l’ordre
de Sainte-Claire : Une moitié du palais de
l’Inquisition serait donnée à des religieuses
clarisses (Stendhal).
clarté [klarte] n. f. (lat. claritatem, accus,
de claritas, de clarus, clair ; Xe s., Vie de
saint Léger, écrit claritet [clarté, XIIe s.], au
sens I, 1 ; sens I, 2, 1644, Corneille ; sens I,
3, XVe s., l’Amant rendu cordelier ; sens I, 4,
1538, R. Estienne ; sens I, 5, 1080, Chanson
de Roland ; sens I, 6, 1530, Marot ; sens II,
début du XVIIe s.).
I. 1. Luminosité qui permet de distinguer
assez clairement les objets : Cette catin de
lune nous donne assez de clarté pour nous
conduire dans les rues (France). Christiane
[...] se réveilla dès que le soleil jeta dans sa
chambre un flot de clarté rouge (Maupas-
sant). ∥ À la clarté de, sous l’éclairage de :
Souvent, à la clarté rouge d’un réverbère,
| On voit un chiffonnier qui vient hochant
la tête (Baudelaire). ∥ 2. Class. Clarté du
jour, ou simplem. clarté, la vie : Mais où
vous a-t-il dit qu’il reçut la clarté ? (Molière). ∥ 3. Class. Flambeau, torche, etc. :
Suivez-moi, s’il vous plaît, avec votre clarté (Molière). ∥ Poét. Source de lumière :
D’innombrables clartés brillent dans la
nuit sombre (Hugo). ∥ 4. Qualité de ce
qui est transparent, limpide : Clarté du
verre, de l’eau. ∥ 5. Qualité de ce qui a
de l’éclat, de la pureté : Clarté du teint.
∥ 6. Class. et fig. Éclat, caractère de ce qui
est brillant, illustre : Un rang [...] | Dont je
n’ai pu de loin soutenir la clarté (Racine).
II. 1. Qualité de ce qui est clair, facile à
comprendre : Je dois, pour la clarté du récit, prendre les choses d’un peu plus haut
(Courier). Cette preuve de l’existence de
Dieu m’apparut soudainement dans toute
sa clarté (France). ∥ 2. Qualité d’une personne, d’un esprit qui se fait facilement
comprendre : Il parlait de tout avec un
semblant de compétence attachant et une
clarté de vulgarisateur (Maupassant). Séverin, avec [...] une clarté d’exposition tout
à fait remarquable, entreprend un résumé
de l’affaire (Romains).
• SYN. : 1 éclairage, jour, lumière ; 4 limpidité, transparence. ∥ II, 1 évidence ; 2
netteté, précision. — CONTR. : I, 1 obscurité,
ombre, ténèbres ; 4 opacité. ∥ II, 1 confusion, mystère, trouble.
% clartés n. f. pl. (début du XVIIe s.). 1. Class.
et littér. Connaissances élémentaires,
explications nécessaires pour éclairer une
question : Dom Louis du secret a toutes les
clartés (Molière). Il [Proust] s’interrompt
pour me demander si je peux lui donner quelques clartés sur l’enseignement
de l’Évangile (Gide). ∥ 2. Littér. Vérités
lumineuses, connaissances : Le siècle qui
commence l’ère de l’Europe civilisée [...]
emprunta ses clartés au siècle d’Alexandre
(Chateaubriand).
classe [klɑs] n. f. (lat. classis, classe de
citoyens ; v. 1355, Bersuire, au sens I, 1-2 ;
sens I, 3-4, 1792, Frey ; sens II, 1, 1690,
Furetière ; sens II, 2, 1733, Sauvages de la
Croix ; sens II, 3, 1680, Richelet ; sens II, 4,
début du XIXe s. ; sens II, 5, 1916, G. Esnault ;
sens III, 1-2, 1549, R. Estienne ; sens III, 3,
1740, Acad. ; sens III, 4, 1635, Monet ; sens
III, 5-6, 1690, Furetière ; sens IV, 1, 1863,
Littré ; sens IV, 2, 1888, G. Esnault ; sens
IV, 3, 1833, G. Esnault).
I. 1. Dans la Rome antique, chacune des
catégories entre lesquelles étaient répartis les citoyens d’après le chiffre de leur
fortune : La famille de Cicéron appartenait à la classe des chevaliers. ∥ 2. En
France, sous l’Ancien Régime, catégorie
à laquelle appartenaient les sujets selon
leur naissance ou leur vocation : Le clergé,
la noblesse et le tiers état constituaient les
trois classes de l’Ancienne France. ∥ 3. Au
XIXe s., ensemble de personnes qui se
différencient par leur situation dans la
hiérarchie sociale (d’abord au plur.) :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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La grande propriété et les privilèges des
hautes classes (Courier). ∥ 4. Auj. Ensemble de personnes entre lesquelles la
communauté de condition sociale, de
niveau de vie, de moeurs et d’intérêts
crée un sentiment de solidarité : La classe
bourgeoise. La classe ouvrière. Quelqu’un
qui choisissait ses fréquentations en dehors de la caste où il était né, en dehors
de « sa classe sociale », subissait à ses yeux
un fâcheux déclassement (Proust). C’est
bien aussi, pensais-je, pourquoi ceux de la
classe ouvrière acceptent si facilement les
idées d’autrui ; pourquoi si souvent (certains disent : toujours) les incitations révolutionnaires sont un produit de la classe
bourgeoise (Gide).
II. 1. En logique, ensemble d’êtres ou
d’objets possédant tous un ou plusieurs
caractères communs et étant les seuls
dans ce cas : Je voudrais me passionner
pour une classe de minéraux (Musset).
∥ 2. En histoire naturelle, chacune des
grandes divisions d’un embranchement
d’êtres vivants : La classe des oiseaux,
des insectes, des plantes monocotylédones.
∥ 3. Grade, rang attribué à des personnes ou à des choses classées selon un
ordre d’importance, de valeur, de qualité : Enterrement de première classe. Un
hôtel de dernière classe. Ce serait l’autre
qui deviendrait comte de Marana, grand
d’Espagne de première classe (Dumas
père). Préfet hors classe. ∥ Soldat de
deuxième classe, de première classe (ou,
substantiv., un deuxième classe, un première classe), dans l’armée, soldat qui
appartient à l’échelon le plus bas de la
hiérarchie militaire, ou qui a été admis
à l’échelon immédiatement supérieur :
Paraît qu’il la connaît, le bleu, dit le première classe (Hermant). ∥ 4. Spécialem.
Dans les moyens de transport, catégorie
de places répondant à un certain degré
de confort et à laquelle est appliqué un
tarif donné : Première, deuxième classe.
Classe touriste ; et ellipt. : Monter en
première. Voyager en seconde. ∥ 5. Fam.
Distinction, valeur : La classe, cette sorte
de supériorité native qui ne s’acquiert pas
(Vandérem). « Génie » est un mot à ménager, dit Hervé, mais qu’elle [une artiste]
ait beaucoup de classe est certain (Maurois). ∥ De grande classe, de classe, d’une
valeur supérieure : Il devinait un adversaire de grande classe, avec lequel il fallait
compter (Aymé). ∥ Spécialem. Ensemble
des qualités d’un sportif.
III.1.Dans les établissements d’enseignement, chacun des degrés d’un programme d’études : Classe de première,
de mathématiques spéciales. Dictionnaire
destiné aux classes terminales des lycées.
∥ 2. Groupe d’élèves qui suivent les cours
du même degré d’études : Je passai avec
les élèves de ma classe au grand séminaire
(Renan). Il était fort en retard dans ses
études et le plus âgé de la classe (Duhamel). ∥ 3. L’enseignement dispensé à
ce groupe : Elle faisait la classe aux tout
petits. À la classe de musique, dans les
romances qu’elle chantait, il n’était question que de petits anges (Flaubert). ∥ 4. La
salle où l’on donne cet enseignement : Les
élèves attendaient à la porte de la classe.
∥ 5. Les élèves groupés dans cette salle :
Sa casquette tomba, toute la classe se mit
à rire (Flaubert). ∥ 6. Par extens. L’établissement scolaire : Aller en classe. ∥ Vx.
Faire ses classes, être élève : Le Manset,
avec qui j’avais fait mes classes au lycée
d’Avranches, ne ressemblait à aucun de
ses camarades (France).
IV. 1. Dans l’armée, ensemble des jeunes
gens atteignant la même année l’âge d’accomplir leur service militaire : Pourquoi
m’a-t-il fallu apprendre que sa classe allait
être appelée, qu’il courait le risque d’être
versé de l’armée auxiliaire dans l’armée
active ? (Gide). ∥ 2. Libération du service
militaire : Dans trois mois, c’est la classe.
∥ Fam. Être de la classe, appartenir au
contingent prochainement libérable :
On est de la classe, pas vrai ? (Hermant).
∥ 3. Faire ses classes, en parlant d’une
recrue, recevoir les premiers éléments de
l’instruction militaire.
classement [klɑsmɑ̃] n. m. (de classer ;
1784, Courrier de l’Europe). 1. Action de
ranger, de classer dans un certain ordre :
Il se mit, ainsi qu’il disait, à faire un peu
de classement (Daudet). Classement de
fiches. ∥ 2. Manière de classer les objets,
les personnes ; ordre dans lequel on les
range : Classement trimestriel des élèves.
Classement logique, alphabétique, chronologique. ∥ Spécialem. Rang dans lequel
une personne est classée : Il n’a pas eu ce
mois-ci un bon classement. ∥ 3. Décision
administrative faisant rentrer quelque
chose dans une catégorie soumise à une
réglementation particulière : Classement
comme monument historique, site protégé.
∥ 4. Décision judiciaire ou administrative
mettant fin par un non-lieu à l’instruction
d’une affaire.
• SYN. : 1 rangement ; 2 classification.
— CONTR. : 1 confusion, déclassement,
désordre, fouillis (fam.).
classer [klɑse] v. tr. (de classe ; 1756,
Bordeu ; sens 4, 1866, Larousse ; sens 5,
XXe s.). 1. Répartir par classes, par catégories : Ces signes nommés « envies » se
réduisent à un petit nombre de types, qu’on
peut classer d’après leur couleur et leur
forme (France). ∥ 2. Assigner une place
à quelqu’un ou à quelque chose dans une
classe, une catégorie : Dans cette vie de
Combray [...], chacun est à jamais classé suivant les revenus qu’on lui connaît, comme
dans une caste indienne (Proust). Bientôt,
son mal est classé et connu de tous (Alain).
∥ Par extens. Ranger au nombre de : Une
jocaste, sujet hardi, classa Bertin parmi les
audacieux (Maupassant). ∥ 3. Spécialem.
Assigner définitivement une place, bonne
ou mauvaise, à quelqu’un, selon l’opinion
qu’on a de lui : Un mot heureux qu’elle [la
Dauphine] dit tout d’abord fit fortune et la
classa pour l’esprit (Sainte-Beuve). ∥ Absol.
et péjor. Juger quelqu’un une fois pour
toutes : Cet individu est classé. ∥ 4. Répartir
dans un certain ordre : Un huissier classait la correspondance qui venait d’arriver
(Maupassant). ∥ 5. Classer une affaire, en
ranger le dossier, la considérer comme
réglée ; spécialem., en justice, clore une
affaire par un non-lieu : Le ministre de la
Justice sera chez moi ce soir et votre affaire
sera classée (Aymé). L’affaire de la rue
Dailloud est-elle définitivement ou provisoirement classée ? (Romains). ∥ Classer
une question, ne plus vouloir y revenir.
• SYN. : 1 classifier, ranger ; 3 cataloguer
(fam.), coter (fam.), étiqueter ; 4 ordonner,
sérier, trier. — CONTR. : 4 brouiller, déclasser, déranger, mélanger, mêler.
% se classer v. pr. (1866, Larousse). Avoir
tel ou tel rang (dans un sens favorable) :
Il s’est classé parmi les meilleurs nageurs.
classeur, euse [klɑsoer, -øz] n. (de classer ; XXe s.). Personne qui classe des objets,
des documents, etc.
% classeur n. m. (1811, Archives des découvertes). Portefeuille, carton ou meuble de
bureau divisé en compartiments, où l’on
classe les papiers : Apportez-moi le facturier
qui se trouve dans le classeur (Bourdet).
• SYN. : cartonnier, chemise.
% classeuse n. f. (XXe s.). Machine de bureau
permettant de classer et d’endosser les
chèques ou les pièces comptables et d’en
totaliser les montants.
classicisme [klasisism] n. m. (de classique ; 1823, Stendhal, au sens 1 ; sens 2-3,
XXe s.). 1. Doctrine des écrivains français du XVIIe s. et de leurs partisans, qui
trouvent dans l’Antiquité gréco-latine
leurs modèles et leurs sources d’inspiration (par opposition à romantisme) :
Imiter aujourd’hui Sophocle et Euripide
et prétendre que ces imitations ne feront
pas bâiller les Français du XIXe siècle, c’est
du classicisme (Stendhal). ∥ 2. Tendance
artistique qui se caractérise par le sens
des proportions, le goût des compositions
équilibrées et stables, la recherche de l’harmonie des formes, une volonté de pudeur
dans l’expression : On goûte dans l’oeuvre
d’Ingres la pureté du classicisme. ∥ 3. Par
extens. Caractère de ce qui fait preuve de
qualités d’équilibre, de goût, d’harmonie
en quelque domaine.
classificateur, trice [klasifikatoer, -tris]
adj. et n. (de classifier ; 1842, Acad.). Qui
établit des classifications ; qui sait ranger
par classes, par catégories : Le directeur
général de la conscription était alors M. de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Cessac, qui, méthodique et classificateur,
avait dressé un tableau des préfets (France).
% classificateur n. m. (XXe s.). Dans les
exploitations minières, appareil qui, à la
sortie d’un broyeur de minerai, sépare les
particules trop grosses, pour les renvoyer
dans la machine.
classification [klasifikasjɔ̃] n. f. (de classifier ; 1752, Trévoux). 1. Action de répartir
par classes, par catégories, selon un certain ordre ; résultat de cette action : Dans
quelle classification pourra-t-on jamais
faire entrer les ouvrages d’Aristophane ?
(Musset). ∥ Spécialem. Répartition des
espèces vivantes, animales et végétales,
en catégories hiérarchisées, d’après leurs
caractères communs : La classification
de Linné. La classification périodique de
Mendeleïev. ∥ 2. Système de classement :
Ils étudièrent les nuages d’après la classification de Luke-Howard (Flaubert).
• SYN. : 1 classement.
classifier [klasifje] v. tr. (lat. scientif. classificare, de classis, classe, et facere, faire ;
début du XVIe s., écrit clacyfier, au sens de
« établir [un texte] d’après des classifications » ; sens actuel, 1787, Féraud). Répartir
selon une classification méthodique : Le
logicien s’efforce de classifier les connaissances humaines.
• SYN. : cataloguer, classer, inventorier,
répertorier. — CONTR. : brouiller, déclasser,
embrouiller, mélanger, mêler.
classique [klasik] adj. (lat. classicus,
qui est de la première des cinq classes de
citoyens romains, d’où « distingué » ; 1548,
Sébillet, au sens de « [auteur] de premier
rang » [sens 6] ; sens 1, 1611, Cotgrave ; sens
2, 1798, Acad. ; sens 3, début du XIXe s. ;
sens 4, XVIIIe s. ; sens 5, 1863, Littré ; sens
7-8, 1866, Larousse). 1. Qui est à l’usage des
classes : Auteur classique. Oxford présente
[...] ses éditions classiques (Chateaubriand).
∥ Spécialem. Se dit de l’état d’une langue
qui sert de base à l’enseignement dans les
classes : Latin classique (par opposition
à bas latin), arabe classique (par opposition à arabe parlé). ∥ 2. Qui appartient à
l’Antiquité gréco-latine, considérée comme
le fondement de la civilisation et de la
culture : Je crois que, pour former un esprit,
rien ne vaut l’étude des vieux humanistes
français. Ce mot d’humanité, qui veut dire
élégance, s’applique bien à la culture classique (France). ∥ Langues classiques, le grec
et le latin. ∥ Enseignement classique, études
classiques, ceux qui comportent l’étude du
latin (par opposition à moderne) : Après
avoir terminé mes études classiques dans
la maison dirigée si brillamment par M.
Dupanloup (Renan). ∥ Inspiré par l’art de
l’Antiquité gréco-latine : Sculpture, peinture classique. ∥ 3. Qui est propre aux
grands écrivains et artistes français du
XVIIe s. et à leur époque (par opposition à
romantique ou à baroque) : La nation française, la plus cultivée des nations latines,
tend vers la poésie classique, imitée des
Grecs et des Romains (Staël). Le théâtre
classique. Le vers classique. ∥ 4. Spécialem.
Musique classique, celle qui appartient à
la période dominée par J.-S. Bach ; se dit
aussi des oeuvres musicales d’inspiration
élevée, par opposition à musique légère, de
variétés, etc. ∥ École classique, en économie politique, nom donné aux économistes
anglais et français considérés comme les
fondateurs de l’économie politique en tant
que science (dernier quart du XVIIIe s., première moitié du XIXe s.). ∥ 5. Par extens.
Inspiré par les qualités de goût, d’équilibre,
de mesure de l’école classique : Prétendre
qu’il goûtait les belles proportions des hôtels
qui dressaient leurs ordres classiques entre
cour et jardin, ce serait trop dire (France).
L’art classique dit au poète : tu ne sacrifieras
point aux idoles, qui sont les beautés du
détail (Valéry). ∥ 6. Considéré comme un
modèle du genre : L’ouvrage de ce médecin, de ce jurisconsulte est devenu classique
(Acad.). Cette île fameuse [l’Angleterre],
cette terre classique des amis de la liberté
(Mirabeau). ∥ Par extens. Qui est conforme
à un modèle, à un ensemble de règles
considéré comme idéal : Beauté classique.
∥ 7. Qui ne s’écarte pas des usages établis :
Nous nous félicitons de ne voir dans la rue
que des gens vêtus d’une manière classique
(Loti). ∥ 8. Qui est conforme à ce qu’on
a l’habitude de voir, de penser, de faire :
Des lauriers-roses et des fusains s’étiolaient dans leurs classiques caisses vertes
(Daudet). Enfin Bourdillon le fit entrer dans
son bureau, bureau nettement classique,
avec ses vitres genre vitraux moyenâgeux,
ses photos jaunies de personnages à favoris
(Montherlant). ∥ Fam. Ordinaire, inévitable : Attitude, réflexe classique. ∥ C’est
le coup classique !, c’est ce qui ne manque
pas d’arriver.
• SYN. : 7 courant, habituel ; 8 conventionnel, rituel, traditionnel. — CONTR. : 7
excentrique, extraordinaire, extravagant,
singulier ; 8 bizarre, original, unique.
% n. m. 1. Auteur, ouvrage étudié dans
les classes : Une collection de classiques.
∥ 2. Auteur de l’Antiquité grecque et latine.
∥ 3. Auteur, artiste du XVIIe s., ou partisan
de la doctrine classique (par opposition
à romantique) : Salut, jeunes champions
d’une cause, | Classiques bien rasés à la face
vermeille (Musset). ∥ 4. Le classique, l’art
classique ; spécialem., la musique classique :
Jouer du classique. ∥ 5. Écrivain, artiste,
ouvrage qui fait autorité et peut servir de
modèle : Un vrai classique, c’est un auteur
qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire
un pas de plus (Sainte-Beuve).
% n. f. et adj. (1910, G. Esnault). Épreuve
sportive d’un intérêt consacré par la tradition : Bordeaux-Paris est l’une des classiques du cyclisme sur route.
classiquement [klasikmɑ̃] adv. (de classique ; 10 juin 1826, le Globe). 1. De façon
classique : Une bande d’écoliers [...] les
saluait classiquement de quelques huées
en latin (Hugo). ∥ 2. Selon les usages reçus :
Un poète méridional, classiquement chevelu
(Colette).
clastique [klastik] adj. (du gr. klastos,
brisé ; début du XIXe s.). 1. Se dit de pièces
d’anatomie artificielles démontables.
∥ 2. Roche clastique, roche formée de
débris d’autres roches, comme le sable,
le grès.
clatir [klatir] v. intr. (var. de glatir, du lat.
glattire, japper ; 1690, Furetière). Vx. En
parlant d’un chien qui poursuit du gibier,
redoubler ses aboiements.
claudicant, e [klodikɑ̃, -ɑ̃t] adj. (du lat.
claudicare, boiter ; XIVe s., B. de Gordon).
Littér. Qui boite ; qui révèle la boiterie : Il
entrait dans le cabinet de son pas claudicant (Tharaud). C’était un petit avorton au
teint allumé, à l’oeil fripon, à la démarche
claudicante (Gide).
claudication [klodikasjɔ̃] n. f. (lat.
claudicatio, de claudicare, boiter ; XIIIe s.,
Godefroy). Action de boiter.
• SYN. : boitement, boiterie.
claudiquer [klodike] v. intr. (lat. claudicare, boiter, de claudus, boiteux, ou
forgé en français sur claudicant ; v. 1880,
Huysmans). Littér. Boiter : Ravagé par le
rhumatisme, il claudiquait, se traînait sur
une canne (Huysmans).
• SYN. : boitiller, clocher (fam.), clopiner
(fam).
clause [kloz] n. f. (lat. médiév. clausa, part.
passé fém. substantivé de claudere, clore,
qui a pris les sens du lat. class. clausula,
fin de phrase, de vers, conclusion, clause ;
v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence,
au sens de « vers, ligne » ; XIVe s., Girart de
Roussillon, au sens de « conclusion » ; sens
actuel, v. 1464, Maistre Pierre Pathelin).
Disposition particulière d’un acte juridique : Je le tiens, ce contrat dactylographié, et je le relis pour la dixième fois, dans
la crainte d’y découvrir, entre ses quinze
lignes brèves, le piège caché, la clause louche
(Colette). ∥ Clause de style, clause qu’il est
d’usage d’inscrire dans tous les actes de
même nature ; par extens., formule dont
on fait usage par habitude, mais qui est
sans importance.
• SYN. : condition, convention, modalité,
stipulation.
claustral, e, aux [klostral, -o] adj. (lat.
médiév. claustralis, de claustrum, cloître ;
1471, Godefroy). 1. Propre au cloître :
Discipline claustrale. Les biens partagés
en divers lots [...] prirent le nom [...] de
bénéfices manuels, simples, claustraux
(Chateaubriand). ∥ 2. Qui rappelle le
cloître : Qui de nous, en ces temps d’adodownloadModeText.vue.download 31 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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lescences pâles, | N’a connu la torpeur des
fatigues claustrales (Baudelaire). Le chant
des cigales, quelques gammes de piano
animent seuls le silence claustral (Daudet).
• SYN. : monacal, monastique.
% claustraux adj. et n. m. pl. (1866,
Larousse). Bâtiments claustraux, ou simplem. claustraux, bâtiments dépendant
d’un cloître et comprenant le cloître
lui-même.
claustration [klostrasjɔ̃] n. f. (de claustral ; 7 avr. 1791, Journ. de Paris, au sens
médic. de « internement » ; sens 1, 1866,
Larousse ; sens 2, 1842, J.-B. Richard de
Radonvilliers). 1. Action d’enfermer dans
un cloître ; état qui en résulte ; vie du
cloître : Les moines vivent dans la claustration. Les claustrations ont fait leur temps
(Hugo). Il avait ainsi les avantages de la
claustration et il en évitait les inconvénients
(Huysmans). ∥ 2. Par extens. Etat de celui
qui est enfermé dans un lieu clos, loin du
monde : Je profiterai des loisirs que me vaut
cette claustration forcée pour [...] raconter comment je fus amené à m’occuper de
Gertrude (Gide).
claustrer [klostre] v. tr. (de claustral ;
1866, Larousse, au sens 1 ; sens 2 et v.
pr., 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers).
1. Littér. et vx. Enfermer dans un cloître :
Un rigide silence de moines claustrés
(Huysmans). ∥ 2. Littér. Enfermer dans
un lieu clos, isolé, loin du monde.
% se claustrer v. pr. Littér. S’enfermer, s’isoler du monde : Je me claustre dans mon
jardin (Goncourt).
• SYN. : se claquemurer, se confiner.
claustrophobie [klostrofɔbi] n. f. (de
claustro-, élément tiré de claustrer, et de
phobie, du gr. phobos, crainte ; 1896, Th.
Ribot). Crainte morbide des espaces fermés.
clausule [klozyl] n. f. (lat. clausula [v.
CLAUSE], de claudere, clore ; 1541, Calvin).
Dernier membre d’un vers, d’une strophe,
d’une période oratoire : Les clausules
cicéroniennes.
clavaire [klavɛr] n. f. (du lat. clava, massue, d’après la forme du champignon ; 1793,
Nemnich). Champignon des bois, généralement comestible, qui développe des
fructifications rameuses.
1. claveau [klavo] n. m. (de clef, lat. clavis ; 1380, Godefroy). Pierre taillée en forme
de coin, servant à la construction d’un arc,
d’une voûte, de la partie supérieure d’une
baie. (Syn. CLEF DE VOÛTE.)
2. claveau [klavo] n. m. (lat. impér. clavellus, dimin. de clavus, clou, d’après la
forme des pustules de la clavelée ; XIIIe s.,
Lapidaire de Cambridge, écrit clavel, au
sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Syn. de
CLAVELÉE. ∥ 2. Matière purulente qui se
forme dans les boutons de la clavelée et
qu’on emploie comme vaccin.
clavecin [klavsɛ̃] n. m. (du lat. médiév.
clavicymbalum [de clavis, clé, et de cymbalum, cymbale], proprem. « cymbale à
clavier », par apocope de la finale ; 1611,
Cotgrave, écrit clavessin). Instrument à
clavier et à cordes pincées, dont l’apparence est celle d’un piano : Laissant errer
comme par distraction [...] mes doigts sur le
clavecin, je couvrais ainsi ma conversation
futile (Sainte-Beuve).
claveciniste [klavsinist] n. (de clavecin ; 1694, Regnard). Personne qui joue
du clavecin.
clavelé, e adj. V. CLAVELEUX, EUSE.
clavelée [klavle] n. f. (de clavel, forme
anc. de claveau 2 ; v. 1464, Maistre Pierre
Pathelin). Maladie contagieuse des bêtes à
laine, analogue à la variole, caractérisée par
une éruption de pustules sur la peau et les
muqueuses. (On l’appelle aussi CLAVEAU,
VARIOLE DU MOUTON.)
claveleux, euse [klavlø, -øz] adj. (de
clavel, forme anc. de claveau 2 ; 1448,
Godefroy). 1. Qui a rapport à la clavelée :
Éruption claveleuse. ∥ 2. Atteint de clavelée : Moutons claveleux. (En ce sens, on dit
aussi CLAVELÉ, E.)
clavetage [klavtaʒ] ou clavettage
[klavɛtaʒ] n. m. (de claveter ; 1922,
Larousse, au sens 1 ; sens 2, milieu du
XXe s.). 1. Opération par laquelle on rend
deux pièces de machine solidaires au
moyen de clavettes. ∥ 2. En chirurgie,
opération qui consiste à introduire un
greffon osseux, formant clavette, entre le
tibia et l’astragale.
claveter [klavte] ou clavetter [klavɛte]
v. tr. (de clavette ; 1877, Littré, au part. passé
et au sens de « pourvu de clavettes » ; claveter, au sens actuel, 1907, Larousse). [Conj. 4
a.] Fixer au moyen d’une clavette.
clavette [klavɛt] n. f. (de clef, lat. clavis ;
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens de
« petite clé » ; sens actuel, 1611, Cotgrave).
Petite cheville métallique, que l’on enfonce
à force dans la mortaise d’une pièce pour
l’assujettir, ou entre deux pièces mécaniques pour les rendre solidaires.
clavicorde [klavikɔrd] n. m. (du lat. clavis, clef, et de chorda, corde ; 1514, Gay, écrit
clavicordium ; forme actuelle, 1803, Boiste).
Instrument de musique formé d’une boîte
rectangulaire posée sur une table et tendue
de cordes que frappent des lames de laiton :
Le clavicorde doit être tenu pour l’ancêtre
du piano.
claviculaire [klavikylɛr] adj. (de clavicule ; v. 1560, Paré). Relatif à la clavicule.
clavicule [klavikyl] n. f. (lat. clavicula,
petite clef, d’après la forme de l’os ; 1541,
J. Canappe). Os en forme d’S allongé, joignant le sternum à l’épaule : Un coup de
feu venait de lui casser la clavicule (Hugo).
clavier [klavje] n. m. (de clef, lat. clavis ;
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens
de « portier, porte-clefs » ; sens 1-2, 1564,
J. Thierry ; sens 3, 1866, Larousse ; sens
4, 1794, Acad. ; sens 5, début du XVIIIe s.,
J.-B. Rousseau). 1. Vx. Anneau auquel on
attachait des clefs : Dame Barbe, toutes ses
clefs pendues sur le côté à un clavier d’argent
fin (Daudet). ∥ Spécialem. Chaîne pour
attacher les ciseaux : Depuis, elle le tint à
distance avec la pointe des ciseaux pendus à
sa ceinture par un clavier d’argent (Daudet).
∥ 2. Ensemble des touches, primitivement
nommées « clefs », servant à produire, sous
la pression des mains ou des pieds, le son,
dans certains instruments de musique à
cordes (clavecin, piano) ou à vent (orgue,
harmonium, accordéon) : Je m’asseyais
devant le clavier auprès d’elle (Gide).
∥ 3. Ensemble des touches qui, sous la
pression des doigts, permettent d’actionner
certains appareils ou certaines machines :
Clavier de machine à écrire, de machine
à calculer, de Linotype. ∥ 4. Par extens.
Ensemble des notes qu’un instrument
de musique, une voix peuvent émettre :
Il savait que le souvenir même du piano
faussait le plan dans lequel il voyait les
choses de la musique, que le champ ouvert
au musicien n’est pas un clavier mesquin
de sept notes, mais un clavier incommensurable (Proust). ∥ 5. Fig. Ensemble des
ressources, des possibilités que l’on détient
dans un domaine donné et dont on peut
user tour à tour : Le clavier des sensations,
des sentiments. C’était trop beau [...], à
moins qu’il n’ait réellement un clavier de
relations très étendu et qu’il le possède assez
pour voir tout de suite sur quelle touche il va
appuyer (Romains). ∥ Absol. Ensemble des
moyens dont dispose un artiste ; étendue
de son talent : Poète qui a un riche clavier.
• SYN. : 4 étendue, portée ; 5 gamme.
clayère [klɛjɛr] n. f. (de claie ; 1856,
Lachâtre). Parc à huîtres entouré de claies,
recouvert à marée haute.
clayette [klɛjɛt] n. f. (de claie ; 1863,
Littré). 1. Petite claie. ∥ 2. Syn. de CAGEOT.
• SYN. : clayon, clisse, éclisse.
claymore [klɛmɔr] n. f. (angl. claymore,
du celt. claidheamh-mor, grande épée ;
1804, Mackenzie). Épée écossaise à lame
longue et large, qu’on maniait à deux
mains, en usage du XIVe au XVIe s.
clayon [klɛjɔ̃] n. m. (de claie ; 1328,
Godefroy, écrit claon [clayon, 1642, Oudin],
au sens 3 ; sens 1, 1680, Richelet ; sens 2,
1845, Bescherelle). 1. Petite claie servant à
faire égoutter les fromages, à faire sécher
des fruits, à supporter des pâtisseries, du
pain : Juste au-dessous du clayon où l’on
dépose le pain de la semaine, une massive table de hêtre où le couvert est déjà
mis (Theuriet). ∥ 2. Brin de bois flexible
entrant dans la construction des clayondownloadModeText.vue.download 32 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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nages. ∥ 3. Élément de clôture d’un parc
à moutons.
• SYN. : 1 clayette, clisse, éclisse.
clayonnage [klɛjɔnaʒ] n. m. (de clayon ;
1694, Th. Corneille). 1. Claie de pieux et
de branchages pour soutenir des terres,
fermer un passage : Un clayonnage en partie
arraché (Romains). ∥ 2. Action, manière de
préparer cet ouvrage : Il était surnuméraire
aux corvées de clayonnage (Dorgelès).
clayonner [klɛjɔne] v. tr. (de clayon ;
1845, J.-B. Richard de Radonvilliers).
Garnir de clayonnages le talus d’un fossé,
d’une route, etc.
clé n. f. V. CLEF.
clearing [kliring] n. m. (de l’angl. clearing-house, chambre de compensation ;
1948, Larousse [clearing-house, 1833, M.
Chevalier]). En matière d’opérations financières ou commerciales, compensation.
∥ Accord de clearing, convention en vue
du règlement des dettes conclue entre deux
pays dont l’un pratique un strict contrôle
des changes.
cleb [klɛb] ou clebs [klɛps] n. m. (ar.
maghrébin kleb, chien [ar. class. kalb] ;
cleb, 1863 [clebs, 1928], au sens 1, et 1914,
au sens 2, G. Esnault). 1. Pop. Chien : On
aurait dit un cleb échappé de la fourrière
(Rosny). [On dit aussi CLÉBARD.] ∥ 2. Arg.
mil. Caporal.
clef ou clé [kle] n. f. (lat. clavis ; 1080,
Chanson de Roland, au sens I, 1 ; sens I, 2,
XIIIe s. ; sens I, 3, II et III, 4, 1680, Richelet ;
sens I, 4, et III, 2, XVIe s. ; sens III, 1, 1401,
Havard ; sens III, 3, 1690, Furetière ; sens
III, 5, XXe s. ; sens III, 6, XIIIe s., Villard
de Honnecourt [clé de voûte, 1549, R.
Estienne]).
I. 1. Pièce métallique qu’on enfonce et
tourne dans une serrure pour manoeuvrer le mécanisme permettant de l’ouvrir
ou de la fermer : Une clef se compose ordinairement de quatre parties : l’anneau, la
boucle, la tige et le panneton. Il ouvrit avec
une clef longue pour le moins d’une aune
(France). Donner un tour de clef. ∥ Fermer une porte à clef, la fermer en donnant
un ou plusieurs tours de clef. ∥ Laisser la
clef sur la porte, la laisser dans la serrure.
∥ Fausse clef, clef utilisée pour ouvrir une
serrure dont on n’a pas la véritable clef.
∥ Vx. Les clefs d’une ville, les clefs qui
en ouvraient les portes, ou qui, plus souvent, étaient le symbole de sa possession.
∥ Remettre, présenter les clefs d’une ville,
la livrer à l’ennemi : Il remettrait les clefs
de ses meilleures villes (Flaubert). ∥ Sous
clef, en un lieu fermé à clef : Mettre des
papiers sous clef ; appliqué à une personne, en prison : Mettre un voleur sous
clef. ∥ Mettre la clef sous la porte, déménager furtivement, abandonner un lieu :
Il ne faut pas mettre la clef sous la porte
du manoir (Gautier). ∥ Louer une maison clefs en main, la louer avec le droit
d’occuper immédiatement les locaux.
∥ La clef des champs, v. CHAMP. ∥ Clef
d’or, l’argent, considéré comme moyen
de corruption et d’influence : Les députés
commençaient à envier la clef d’or du président du conseil (France). ∥ Spécialem.
Les clefs du royaume des cieux, les clefs du
paradis. ∥ Le pouvoir des clefs, le pouvoir
donné par Jésus aux Apôtres, par l’Église
aux prêtres, d’ouvrir l’accès au paradis en
déliant les fidèles de leurs péchés. ∥ Clefs
de saint Pierre, pouvoir spirituel du SaintSiège ; en iconographie, représentation
symbolique par des clefs de ce pouvoir :
La tiare, les clefs, la barque et le tramail
| Blasonnent en reliefs d’un somptueux
travail (Heredia). ∥ 2. Fig. Point stratégique, position qui ferme, commande un
passage : Cette position est la clef des défilés. ∥ 3. Fig. Ce qui permet d’accéder à
quelque chose : À Paris, le succès est tout,
c’est la clef du pouvoir (Balzac). ∥ 4. Fig.
Ce qui permet d’accéder à la compréhension de quelque chose : J’avais souvent
pensé à cette énigme [...]. J’en eus la clef
il y a huit ans (Renan). ∥ Clef du chiffre,
en cryptographie, convention permettant de chiffrer ou de déchiffrer un texte.
∥ Ouvrage, livre à clef, celui qui met en
scène, sous des noms supposés, des événements, des personnages réels. ∥ Les
clefs d’un ouvrage, ce qui permet d’identifier les personnages réels : L’auteur a
beau se défendre, jurer ses grands dieux
que son roman n’a pas de clefs, chacun lui
en forge au moins une, à l’aide de laquelle
il tend à ouvrir cette serrure à combinaison (Daudet).
II. En musique, signe inscrit au début
de la portée, qui indique le nom de la
note placée sur la ligne qu’il occupe et,
par conséquent, le nom et la hauteur des
autres notes : Clefs de « fa », de « sol », d’
« ut ». J’adore votre musique, M. Dodd !
Je sais par coeur votre symphonie en trois
clefs (Giraudoux). ∥ À la clef, se dit des
altérations placées à droite de la clef et
qui étendent leur effet à toute la portée :
Trois dièses à la clef ; au fig., se dit des
faits qui accompagnent nécessairement
et par voie de conséquence une situation
donnée : Nous nous hâtions d’achever le
travail, il y avait une récompense à la clef.
III. 1. Instrument servant à ouvrir ou à
fermer : Clef de robinet, clef de poêle. Clef
à ouvrir les boîtes de conserve. ∥ Clef de
barrage, clef composée d’une tige à évidement carré et d’une traverse mobile, utilisée pour ouvrir une bouche d’incendie,
une plaque d’égout. ∥ 2. Spécialem. Dans
les instruments à vent, mécanisme qui
commande les trous réglant le volume de
la colonne d’air : Le son se divise sous les
clefs d’une flûte (Balzac). ∥ 3. Pièce d’un
instrument, d’un ensemble, servant à
serrer : Clef d’un pressoir. ∥ Spécialem.
Cheville servant à tendre les cordes d’un
instrument de musique : Clef de violon.
∥ Clef d’une montre, d’une horloge, instrument servant à en remonter le ressort.
∥ 4. Outil utilisé pour serrer ou desserrer écrous et boulons, pour monter ou
démonter certaines pièces. ∥ Clef plate,
clef à ouverture fixe. ∥ Clef anglaise, à
molette, universelle, clef à ouverture variable. ∥ 5. Nom de certaines prises de
lutte libre consistant à tordre ou à enserrer un membre de l’adversaire : On lui fit
une clef qui lui arracha un cri de douleur.
∥ 6. Clef de voûte, en architecture, pierre
taillée en coin qui occupe le centre d’une
voûte ou d’un arc et qui maintient en
équilibre les autres pierres ; au fig., partie
essentielle dont dépend tout l’équilibre
d’un système, d’un raisonnement : Le
cogito est la clef de voûte de la philosophie
cartésienne. J’abrège et je mutile atrocement cette déduction qu’il refait et corrige
ou développe dans ses grands ouvrages
successifs ; et parfois la remanie sous l’aiguillon des critiques et des objections qui
n’ont pas manqué de s’en prendre à cette
clef de voûte de son système (Valéry).
% adj. (XXe s.). Se dit de ce qui conditionne
un ensemble de choses ; capital, essentiel.
∥ Position, situation clef, ce qui commande
toute une branche de l’activité économique,
politique, etc. ∥ Industrie clef, branche de
l’activité industrielle dont dépendent de
nombreux centres industriels.
• REM. 1. Clef est l’orthographe de l’Académie, qui admet cependant clé, très
usité.
2. On peut dire : La clef est à la porte ou
sur la porte.
clématite [klematit] n. f. (lat. clematitis, gr. klêmatitis, de klêma, sarment ;
1559, Mathée, écrit clématide ; clématite,
1572, J. Des Moulins). Plante grimpante
de la famille des renonculacées, à fleurs
blanches, bleues ou violettes, poussant
dans les bois et les haies : Une trentaine
de masures séparées par des jardins, par
des haies de chèvrefeuille, de jasmin et de
clématite (Balzac).
clémence [klemɑ̃s] n. f. (lat. clementia ;
fin du IXe s., Cantilène de sainte Eulalie,
écrit clementia ; clémence, v. 1265, Br.
Latini, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.).
1. Vertu qui porte à épargner le coupable
ou à atténuer son châtiment : « Le roi a
pardonné à tout le monde. — La clémence
est vertu royale » (Dumas père). ∥ 2. Fig.
En parlant du climat, caractère doux :
Clémence de la température. Il faisait
observer sans cesse à ses disciples que la
clémence du temps est plus sûre que celle
des hommes (France).
• SYN. : 1 bienveillance, indulgence,
magnanimité, mansuétude, miséricorde ;
2 douceur. — CONTR. : 1 cruauté, dureté,
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inclémence, sévérité ; 2 âpreté, rigueur,
rudesse.
clément, e [klemɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. clemens,
-entis ; 1213, Fet des Romains, au sens 1 ;
sens 2-3, 1863, Littré). 1. Se dit d’une personne qui agit avec clémence, qui est portée
à oublier les fautes, les offenses : Dieux !
Elle a pardonné, clémente autant que belle
(Verlaine). ∥ 2. Se dit des paroles, des actes
inspirés par la clémence : Je ferai savoir
| Comment il advint qu’une âme des plus
égarées, | Grâce à ces regards cléments de
votre gloire tendre, | Revint au bercail des
Innocences ignorées (Verlaine). ∥ Exempt
de rigueur : Les traits de son visage, jadis
frais et rose, avaient été grossis par une
petite vérole assez clémente pour n’y point
laisser de trace, mais qui avait détruit le
velouté de la peau (Balzac). ∥ Spécialem.
Se dit du climat, des éléments : Ô nef inébranlable aux flots comme aux rafales | Qui,
sous le ciel noir ou clément [...], Voguais
victorieusement (Leconte de Lisle).
• SYN. : 1 bienveillant, généreux, indulgent,
magnanime, miséricordieux. — CONTR. : 1
cruel, dur, inclément, inexorable, inflexible,
sévère.
clémentine [klemɑ̃tin] n. f. (du n. du
P. Clément, qui créa le fruit en 1902). Variété
de mandarine, mûrissant dès novembre.
clenche [klɑ̃ʃ] n. f. (anc. francique
*klinka, même sens ; XIIIe s., Rutebeuf).
Pièce principale d’un loquet de porte, qui
vient s’engager dans le mentonnet, fixé sur
le chambranle.
clenchette [klɑ̃ʃɛt] n. f. (dimin. de
clenche ; 1863, Littré). Syn. de CLENCHE.
clephte n. m. V. KLEPHTE.
clepsydre [klɛpsidr] n. f. (lat. clepsydra,
mot gr., de kleptein, voler, et hudôr, eau
[le récipient inférieur « volant » l’eau du
récipient supérieur] ; XIVe s., Godefroy,
écrit clepsidre ; clepsydre, 1611, Cotgrave).
Horloge antique, d’origine égyptienne, qui
mesurait le temps par écoulement régulier
de l’eau : La pendule, le sablier, la clepsydre
donnent des heures abstraites, sans forme,
sans visage (Maeterlinck).
cleptomane ou kleptomane
[klɛptɔman] n. (de cleptomanie ; fin du
XIXe s.). Personne qui a la manie de voler :
On l’a relâchée tout de suite, on a dit qu’elle
était cleptomane (Martin du Gard).
cleptomanie ou kleptomanie
[klɛptɔmani] n. f. (du gr. kleptein, voler,
et de manie ; 1er nov. 1872, M. Du Camp,
dans Revue des Deux Mondes). Manie qui
pousse certaines personnes à voler.
clerc [klɛr] n. m. (lat. ecclés. clericus, de
clerus, clergé, gr. klêros, proprem. « lot reçu
par héritage » [trad. de l’hébreu na’ala, mot
par lequel Dieu se déclare l’héritage des
Lévites], d’où « les chrétiens » et spécialem.
« le clergé » ; Xe s., Vie de saint Léger, au
sens I, 1 ; sens I, 2, 1596, Hulsius ; sens I, 3,
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure ; sens II, v.
1283, Beaumanoir).
I. 1. Celui qui, en recevant la tonsure,
est entré dans l’état ecclésiastique : Le
séminaire, la pépinière où se forment les
jeunes clercs (Renan). ∥ Vx. Parler latin
devant les clercs, parler, devant certaines
personnes, de choses dont elles sont
mieux instruites que vous. ∥ 2. Vx. Celui
qui étudie pour devenir ecclésiastique.
∥ 3. Vx et littér. Personne qui se consacre
aux activités de l’esprit : La Trahison des
clercs (titre d’un ouvrage de J. Benda).
∥ Auj. Personne instruite (employé plaisamment dans des loc.). ∥ Être grand
clerc en..., être très versé en telle matière.
∥ Je ne suis pas grand clerc en la matière,
je n’y connais pas grand-chose.
II. Employé qui travaille dans l’étude
d’un officier public ou ministériel (notaire, avoué, huissier) : Le clerc de l’huissier, qui passait sur la grand-route, nutête et en chaussons, s’arrêtait à l’écouter
(Flaubert). ∥ Premier clerc, le principal
collaborateur d’un officier ministériel.
∥ Vx. Petit clerc, jeune employé chargé
des menus travaux et des commissions.
∥ Pas de clerc, faute, maladresse due
à l’inexpérience : Il se trouve qu’il n’y a
pas eu conspiration, cependant les têtes
étaient coupées : voilà un furieux pas de
clerc (Courier). Il en venait donc à douter s’il n’avait pas fait un pas de clerc en
emmenant avec lui ces deux êtres qu’il
n’avait réunis, semblait-il, que pour les
liguer contre lui (Gide).
• SYN. : I, 1 ecclésiastique ; 2 séminariste ;
3 intellectuel, lettré, savant.
% adj. m. (XVe s., La Curne). Class. Instruit :
Un loup quelque peu clerc prouva par sa
harangue | Qu’il fallait dévouer ce maudit
animal (La Fontaine).
clergé [klɛrʒe] n. m. (lat. ecclés. clericatus, de clericus [v. CLERC] ; Xe s., Vie
de saint Léger). Ensemble des ecclésiastiques d’une religion, d’un pays, d’une
ville, d’une paroisse, etc. : Clergé anglican, bouddhique. Le clergé et le peuple
de son Église lui envoyèrent une somme
d’argent pour sa rançon (Chateaubriand).
∥ Spécialem. L’ensemble des prêtres
catholiques : L’hommage d’un membre du
clergé, c’était presque l’hommage de cette
noblesse rurale (France). ∥ Clergé régulier,
ensemble des membres du clergé appartenant à des ordres religieux. ∥ Clergé
séculier, ensemble des prêtres desservant
les paroisses, qui vivent dans le monde :
J’estime que le clergé séculier suffit à l’Église
de France pour gouverner et administrer les
âmes (France).
clergeon [klɛrʒɔ̃] n. m. (de clerc [avec un
-g- dû à l’influence de clergé] ; v. 1160, Wace,
au sens de « petit clerc » [ecclésiastique] ;
sens 1, XIVe s., Miracles de Nostre-Dame ;
sens 2, 1622, Sorel). 1. Fam. Enfant de
choeur : Et les petits clergeons de la maîtrise
qui passaient graves, les bras croisés sous
leurs camails fourrés d’hermine, laissant
traîner sur les dalles les longues queues
de leurs soutanes (Daudet). Tous purent
entendre [...] les sanglots étouffés des clergeons (Bernanos). ∥ 2. Class. Petit clerc
de procureur : Je n’étais point clergeon de
procureur (Sorel).
clergie [klɛrʒi] n. f. (de clerc [avec un -gdû à l’influence de clergé] ; v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure). 1. Vx et littér. Instruction,
science digne d’un clerc : Lorsque sa clergie
était en défaut, les lucides explications qu’il
donnait de mon ignorance paraissaient plus
profitables (Bloy). Son habit percé ne décelait ni sens ni clergie (France). ∥ Bénéfice,
privilège de clergie, privilège qui exemptait
de la peine de mort le condamné ayant un
certain degré d’instruction ; privilège en
vertu duquel les clercs, les maîtres et étudiants de l’Université de Paris étaient jugés
par les tribunaux ecclésiastiques : Une juridiction qui ne s’arrête pas devant le bénéfice
de clergie (Hugo). ∥ 2. État de clerc.
clergyman [klɛrʒiman] n. m. (mot
angl. ; 1818, Mackenzie, au sens 1 ; sens
2, milieu du XXe s.). 1. Ministre protestant
anglo-saxon : L’énorme cravate blanche de
clergyman qui lui sanglait le cou (Daudet).
∥ 2. Habit de clergyman, vêtement ecclésiastique se rapprochant du costume civil
et adopté par les prêtres catholiques.
• Pl. des CLERGYMEN [-mɛn].
clérical, e, aux [klerikal, -o] adj. (lat.
ecclés. clericalis, de clericus [v. CLERC] ;
XIVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, début
du XIXe s.). 1. Propre au clergé, à l’état ecclésiastique : L’éducation cléricale a une supériorité sur l’éducation universitaire, c’est
sa liberté en tout ce qui ne touche pas à la
religion (Renan). Je ne sais quelle onction
cléricale de son geste et de sa voix (Gide).
∥ 2. Qui se rapporte au cléricalisme : Le
parti clérical.
% n. m. et adj. (1863, Littré). Partisan du
cléricalisme : Je crains un retour offensif
des cléricaux. Les circonstances favorisent
la réaction (France).
cléricalement [klerikalmɑ̃] adv. (de
clérical ; 1517, Godefroy). 1. À la façon des
clercs. ∥ 2. Selon l’esprit clérical.
cléricalisme [klerikalism] n. m. (de clérical ; 1855, d’après Block, 1863). Opinion,
tendance de ceux qui sont favorables à
l’intervention de l’Église dans le domaine
temporel, et spécialement à celle du clergé
dans le domaine politique : Les interminables catéchismes de ses filles l’avaient fait
noter de cléricalisme dans les bureaux du
ministère (France).
• CONTR. : anticléricalisme.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
748
cléricature [klerikatyr] n. f. (lat. médiév.
clericatura, de clericus [v. CLERC] ; 1429,
Godefroy, au sens I ; sens II, fin du XVIIIe s.).
I. État, condition des clercs, des ecclésiastiques : Ce fut à cette époque que mon
frère, suivant toujours ses projets, prit
le parti de me faire agréger à l’ordre de
Malte. Il fallait pour cela me faire entrer
dans la cléricature : elle pouvait m’être
donnée par M. Courtois de Pressigny,
évêque de Saint-Malo (Chateaubriand).
Ces communautés devinrent des écoles de
cléricature (Renan).
II. État, condition des clercs de notaire,
d’avoué, etc. : Les dossiers sont si vieux
qu’ils ont de la barbe, en style de cléricature (Balzac).
clérouque [kleruk] n. m. (gr. klêroukhos,
de klêros, lot, et ekhein, avoir ; 1866,
Larousse). Colon grec qui restait citoyen
de la mère patrie.
clérouquie [kleruki] ou clérouchie
[kleruʃi] n. f. (gr. klêroukhia, de klêroukhos
[v. CLÉROUQUE] ; 1877, Littré). Colonie de
clérouques.
1. clic ! [klik] interj. Onomatopée exprimant le bruit sec d’un déclic.
2. clic ou click [klik] n. m. (onomatop. ;
XXe s.). 1. En acoustique, son ou bruit d’une
durée très brève. ∥ 2. En phonétique, sensation auditive provoquée par des sons
transitoires très brefs : Les phonèmes inspirés ou clics sont très rares (Vendryes).
clic-clac [klikklak] n. m. invar. (onomatop. par redoublement, avec alternance
i/a du type cric-crac, flic-flac, etc. ; 1836,
Landais [déjà au Moyen Age, au sens de
« c’est fini »]). Bruit de claquement sec et
répété : L’action se déroula, toujours la
même, égayée par les bourrades de la servante, par son tutoiement et le clic-clac de
ses gifles (Huysmans).
• REM. En tant qu’onomatopée, s’écrit
sans trait d’union : Le fouet fait « clic clac ».
Mais, pris substantivement, il s’écrit avec
un trait d’union : Le clic-clac du fouet.
clichage [kliʃaʒ] n. m. (de clicher 1 ; 1809,
Wailly). Action de clicher.
cliche [kliʃ] n. f. (d’une onomatop. clitch-,
évoquant la diarrhée, ou déverbal de clicher
2 ; 1836, Landais). Pop. Diarrhée : Avoir
la cliche.
cliché [kliʃe] n. m. (part. passé substantivé
de clicher 1 ; 1809, Wailly, au sens 1 ; sens
2-3, 1866, Larousse). 1. Planche métallique
plane ou cintrée, portant en relief la reproduction d’une composition typographique
et des illustrations qui l’accompagnent,
en vue de l’impression. ∥ 2. Négatif d’une
photographie, servant à tirer les épreuves
positives : Octave n’allait pas [en photographie] au-delà du cliché (Chardonne).
∥ 3. Fig. et péjor. Idée, expression trop
souvent répétée : Ajoutez à cela un style
tout neuf roulant l’imprévu, un style d’où
tout cliché est banni, et qui, par l’originalité
voulue de la phrase et de l’image, interdit
toute banalité à la pensée (Daudet).
• SYN. : 3 banalité, lieu commun, poncif.
1. clicher [kliʃe] v. tr. (de clitch-, onomatop. évoquant le bruit que faisait la matrice
en s’abattant sur le métal en fusion ; fin
du XVIIIe s., d’après Boiste, 1803). Préparer
un cliché en coulant un alliage métallique
dans une empreinte prise sur la forme
typographique.
2. clicher [kliʃe] v. intr. (de clitch-, onomatop. évoquant le défaut de prononciation des gens qui clichent ; 1836, Landais).
Prononcer défectueusement les chuintantes en expirant l’air sur les côtés de la
langue.
clicherie [kliʃri] n. f. (de clicher 1 ; 1866,
Larousse). Atelier de clichage.
clicheur [kliʃoer] n. et adj. m. (de clicher
1 ; 1835, Acad.). Ouvrier qui procède aux
opérations de clichage.
click n. m. V. CLIC.
client, e [klijɑ̃, -ɑ̃t] n. (lat. cliens, -entis,
protégé d’un personnage important ; 1437,
Coutumes d’Anjou et du Maine, au sens
II, 1 ; sens I, 1-2, 1539, R. Estienne ; sens
II, 2, 1826, Castellane ; sens II, 3, 1878, G.
Esnault).
I.1.Dans la Rome antique, citoyen
pauvre qui se plaçait sous la protection
d’un personnage puissant, dit « patron » :
Si les clients sont rattachés à la cité, ce
n’est pas par l’intermédiaire de leurs chefs
patriciens (Fustel de Coulanges). ∥ 2. Vx.
Personne qui se place sous la protection
et la dépendance d’une autre : Suivis seulement de quelques clients dévoués, ils [les
bâtards d’Alphonse XI] coururent se réfugier dans le château de Marin (Mérimée).
II. 1. Personne qui, contre paiement
d’une rétribution, réclame les services
d’une autre : Client d’un notaire, d’une
banque. ∥ Client d’un homme d’affaires,
d’un homme de loi, d’un avocat, personne
qui lui confie ses intérêts et le charge
de les défendre. ∥ Client d’un médecin,
d’un dentiste, celui qui confie sa santé à
un praticien : LE DOCTEUR : Mais comment connaissez-vous les revenus de vos
clients ? — KNOCK : Pas par les agents du
fisc, croyez-le (Romains). ∥ 2. Personne
qui achète quelque chose à une autre :
Les clients, noble terme alors appliqué par
les détaillants à leurs pratiques (Balzac).
Client de passage. ∥ Spécialem. Celui,
celle qui se fournit régulièrement chez le
même commerçant, recourt habituellement aux services du même artisan, etc. :
Être client d’une boulangerie, d’un tailleur. ∥ 3. Fam. et péjor. Individu, type :
Quel drôle de client !
• SYN. : II, 2 acheteur, acquéreur, chaland
(vx).
clientèle [klijɑ̃tɛl] n. f. (lat. clientela, état
de client, ensemble des clients, de cliens [v.
CLIENT] ; 1474, Bartzsch, au sens de « action
de confier ses intérêts à un avocat » ; sens
I, 1-3, 1518, Faicts des saincts Pères ; sens I,
4, et II, 2, 1866, Larousse ; sens II, 1, 1832,
Raymond ; sens II, 3, fin du XIXe s.).
I. 1. À Rome, ensemble des clients protégés par un patron : Les Scipions avaient
une nombreuse clientèle. ∥ 2. Ensemble
des personnes protégées par un homme
puissant, un parti, un gouvernement : La
féodalité n’est pas morte ; chaque puissant a sa clientèle, qu’il domestique et
qu’il défend (Barrès). ∥ 3. Relations entre
client et patron, protecteur et protégé : La
clientèle primitive fait place à une clientèle d’un genre nouveau, lien volontaire et
fictif, qui n’entraîne plus les mêmes obligations (Fustel de Coulanges). ∥ 4. Par
anal. Ensemble des disciples, des partisans d’une personne : Je ne lui cacherai
point [à Renan] que son article sur Amiel
lui a fait perdre [...] une partie de sa clien-
tèle spirituelle (France).
II. 1. Ensemble des personnes qui recourent régulièrement, et moyennant
paiement, aux services de la même personne, du même établissement : La clientèle d’un commerçant, d’un avocat, d’un
médecin. La clientèle d’un restaurant.
Une clientèle d’habitués. Avoir une bonne
clientèle. ∥ Faire de la clientèle, en parlant d’un médecin, donner des consultations (par opposition au médecin qui fait
des recherches ou est salarié) : Mon ami
s’était consolé en faisant de la clientèle
(Farrère). ∥ Avoir la clientèle de, compter au nombre de ses clients. ∥ 2. État de
client fidèle : La vieille fille allait de porte
en porte, promettant la clientèle ou la
protection du château (Daudet). ∥ 3. Fig.
Ensemble de gens qui fréquentent habituellement un lieu, un milieu : De grands
casiers alignant les fiches multicolores où
étaient inscrits les députés, sénateurs, recteurs, professeurs, académiciens, gens du
monde, la clientèle ordinaire et extraordinaire des soirées ministérielles (Daudet).
clifoire [klifwar] n. f. (altér. de cliquefoire
[encore dans Cotgrave, 1611], de clique,
impér. de l’anc. v. cliquer [v. CLIQUE], et de
foire, impér. du v. foirer ; 1552, Rabelais,
écrit glyphouoire ; clifoire, 1798, Acad.).
Dialect. Seringue en sureau, avec laquelle
les enfants lancent de l’eau.
clignant, e [kliɲɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de
cligner ; 1866, Larousse). Qui luit par intermittence : D’en bas, la clignante lumière
des guides semble un ver luisant en marche
(Daudet).
• SYN. : clignotant.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
749
clignement [kliɲmɑ̃] n. m. (de cligner ;
XIIIe s., Godefroy, écrit cloignement [clignement, v. 1560, Paré], au sens 1 ; sens 2,
XXe s.). 1. Action de cligner, mouvement
par lequel on ferme à demi les paupières
pour éviter une lumière trop vive ou pour
mieux distinguer un objet : Le clignement
des yeux sur le livre assoupis (Lamartine).
∥ Spécialem. Clignement d’oeil, battement
rapide des paupières pour faire un signe
d’intelligence à quelqu’un, attirer son
attention : Elle lui avait dit
bas, avec un clignement d’oeil
« Je comprends » (Maupassant).
de briller par intermittence ;
Le clignement d’un phare.
« Bonjour » tout
qui signifiait
∥ 2. Le fait
clignotement :
cligne-musette [kliɲmyzɛt] n. f. (altér.
de cligne-mussette [v. 1462, Cent Nouvelles
nouvelles], de cligne-musse, comp. des
impér. de cligner et de l’anc. v. musser, se
cacher ; 1534, Rabelais, écrit cline-muzete ;
cligne-musette, 1662, Richer). Vx. Jeu de
cache-cache : Allons-nous recommencer à
jouer à cligne-musette ? (Musset). Comme
l’enfant à cligne-musette, qui certes ne veut
pas qu’on le trouve, mais qui veut du moins
qu’on le cherche (Gide).
cligner [kliɲe] v. tr. et tr. ind. [de] (peutêtre d’un lat. pop. *cludiniare, dér. de
*cludinare, fermer à demi les yeux, issu
de cludere, autre forme de claudere, fermer ; v. 1155, Wace). 1. Cligner les yeux, ou
cligner des yeux, fermer à demi les yeux,
généralement pour mieux voir un objet, ou
battre des paupières : Il [le jaguar] cligne
ses yeux d’or hébétés de sommeil (Leconte
de Lisle). C’était pour Charles un grand
amusement que de rester là, tout debout, à
la regarder penchée sur son carton, clignant
des yeux (Flaubert). Un petit vieux, appuyé
contre un arbre, fumait tranquillement sa
pipe, en clignant des yeux comme s’il voulait dormir (Daudet). Zéphyrin ne parlait
pas, se contentait de cligner les paupières
d’un air malin (Zola). ∥ 2. Cligner de l’oeil,
faire signe de l’oeil à quelqu’un : Il cligna de
l’oeil du côté d’Antoine (Martin du Gard).
Le brave homme clignait de l’oeil de manière
confidentielle (Duhamel).
% v. intr. 1. En parlant des yeux, des paupières, se fermer et s’ouvrir vivement et à
plusieurs reprises : Dans sa face d’aveugle,
ses longs cils incolores clignaient nerveusement (Martin du Gard). ∥ 2. Briller par
intermittence, en parlant d’une source
lumineuse : Ils virent une, puis deux, puis
trois petites lumières cligner au même point
de l’horizon (Romains).
• SYN. : 1 ciller, papilloter ; 2 clignoter, scintiller, trembloter, vaciller.
clignotant, e [kliɲɔtɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de clignoter ; 1546, R. Estienne, au
sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Se dit des
yeux, des paupières qui clignotent : Je
chante les chiens calamiteux, soit ceux qui
errent solitaires, dans les ravines sinueuses
des immenses villes, soit ceux qui ont dit à
l’homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels : « Prends-moi avec toi,
et de nos deux misères nous ferons peutêtre une espèce de bonheur » (Baudelaire).
Ils étaient descendus sur le quai, les yeux
clignotants, silencieux, inquiets, dégrisés
(Martin du Gard). ∥ 2. Qui brille par intermittence : Tout était noir. De loin en loin
un réverbère clignotant dans le brouillard
du Rhône... (Daudet). ∥ Feu clignotant,
feu orange qui s’allume et s’éteint alternativement, pour signaler un carrefour
dangereux aux automobilistes.
• SYN. : 2 tremblotant. — CONTR. : 2 fixe.
% clignotant n. m. (1953, Larousse).
1. Dispositif à lumière intermittente, qui,
sur un véhicule, sert à signaler un changement de direction. (On dit aussi CLIGNOTEUR.) ∥ 2. Fig. et fam. Signe qui avertit
d’un changement dans une évolution : Le
clignotant de l’indice des prix.
clignotement [kliɲɔtmɑ̃] n. m. (de clignoter ; 1546, R. Estienne, au sens 1 ; sens
2, fin du XIXe s.). 1. Mouvement convulsif
et rapide des paupières : Ses yeux rapetissés par les clignotements de l’attention (Baudelaire). ∥ 2. En parlant d’une
lumière, le fait de s’allumer et de s’éteindre
à des intervalles très rapprochés : Le clignotement d’un feu de signalisation.
• SYN. : 1 battement, clignement.
clignoter [kliɲɔte] v. intr. (de cligner ;
d’abord cligneter [XIIIe s.], puis, par changement de suff., clignoter ; XVe s., O. Maillard,
au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. En parlant des yeux, des paupières, se fermer et
s’ouvrir involontairement, à intervalles très
brefs : Ses pauvres yeux sans cils clignotant
dans la lumière de la fenêtre... (Daudet).
Lafcadio l’observait, s’étonnait de ses yeux
de taupe clignotant sous d’épaisses paupières rougies (Gide). Ses yeux clignotaient
dans sa figure creusée, rongée (Mauriac).
∥ 2. En parlant des lumières, s’allumer et
s’éteindre, ou croître et diminuer d’intensité, à intervalles très courts : Les becs de
gaz clignotaient, au milieu d’un halo jaunâtre, en pleine brume (Huysmans). La ville
se devinait à quelques rangées de lumières
qui clignotaient dans la brume (Martin
du Gard). Une première étoile scintillait,
clignotait (Carco).
• SYN. : 1 ciller, cligner, papilloter ; 2 trem-
bloter, vaciller.
clignoteur n. m. V. CLIGNOTANT N. M.
climat [klima] n. m. (lat. clima, -atis,
du gr. klima, inclinaison, obliquité d’un
point de la Terre par rapport au Soleil,
puis « région » ; XIIe s., au sens 1 ; sens
2-3, fin du XIIIe s., Aimé du MontCassin ;
sens 4, XIXe s., Lamartine). 1. Ensemble
des conditions météorologiques propres
à une région : Moi-même, né à Rome, de
parents romains, je supporte mal le climat
de Rome (France). Climat maritime. Climat
continental. ∥ 2. La région où règnent ces
conditions (vieilli) : Comme aux oiseaux
voyageurs, il me prend au mois d’octobre
une inquiétude, qui m’obligerait à changer
de climat si j’avais encore la puissance des
ailes et la légèreté des heures : les nuages qui
volent à travers le ciel me donnent envie de
fuir (Chateaubriand). ∥ 3. Class. et dialect.
Pays, région, indépendamment des conditions météorologiques : Jusqu’au fond du
climat ses lions en rugissent (Corneille).
Cîteaux a possédé des vignobles dans
les climats de Corton et de la Romanée
(Huysmans). ∥ 4. Fig. Ensemble des conditions de vie, des circonstances qui agissent
sur la personnalité et la déterminent en
partie : Blaise n’a pas neuf ans que Pascal
veut le transplanter dans un climat intellectuel plus riche et plus stimulant (Barrès). Il
m’apparaissait que le climat où se débattait
mon esprit était on ne peut moins propice à
l’élaboration de l’oeuvre d’art (Gide). Une
correspondance affectueuse, mais espacée,
lui semblait être le seul climat qui convînt à
ce que leur amitié était devenue (Martin du
Gard). Un climat nouveau dont les hideux
petits journaux de calomnie et de chantage
lui donnaient, chaque jour, la température
exacte (Duhamel).
• SYN. : 1 air, atmosphère ; 2 ciel (poét.),
contrée, rivage (poét.) ; 4 ambiance, atmosphère, milieu.
climatérique [klimaterik] adj. et n. f.
(lat. climactericus, du gr. klimaktêrikos,
qui va par échelons, de klimaktêr, échelon,
avec influence morphologique de climat ;
1564, Marcouville). 1. Vx. Années climatériques, années de la vie humaine qui sont
des multiples de 7 et de 9, et que les Anciens
disaient critiques, spécialement la 49e et
la 81e, et surtout la 63e, ou grande climatérique, la plus critique : Nous sommes en
1910, année presque climatérique où tout
peut être attendu pour ce qui est du peuple
chrétien, année strictement climatérique
pour moi [il a soixante-trois ans] (Bloy).
∥ 2. Littér. Se dit d’une période dangereuse, difficile à franchir : Il croyait que
rien ne change, bien que tout ait l’air de
changer, et que certaines époques climatériques, dans l’histoire des peuples, ramènent
invariablement des phénomènes analogues
(Baudelaire). C’est que le milieu du siècle
passé est une époque climatérique pour
le style noble ; — comme il l’est pour tant
d’autres choses (Valéry).
• SYN. : 2 critique.
• REM. Ce mot a été employé pour climatique (1832, Raymond) : Dalat, la
grande station climatérique (Dorgelès).
Les conditions climatériques d’un pays
(Acad.).
climatique [klimatik] adj. (de climat ; fin
du XIXe s.). Relatif au climat : Les conditions
climatiques. ∥ Station climatique, station
réputée pour l’action bienfaisante de son
climat.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
750
climatisation [klimatizasjɔ̃] n. f. (de
climatiser ; milieu du XXe s.). Action de
climatiser.
climatiser [klimatize] v. tr. (de climat ;
milieu du XXe s.). Créer ou maintenir dans
un local, un véhicule, des conditions
favorables de température, de pression,
d’humidité, indépendantes de l’atmosphère extérieure : Climatiser une salle,
une cabine.
Climatiseur [klimatizoer] n. m. (nom
déposé, de climatiser ; milieu du XXe s.).
Appareil permettant de réaliser la climatisation dans un endroit clos.
climatisme [klimatism] n. m. (de climat ;
XXe s.). Ensemble des constatations relatives au climat, en vue de leur application
à l’hygiène et au traitement de certaines
maladies. ∥ Spécialem. Ensemble des problèmes relatifs aux stations climatiques.
climatologie [klimatɔlɔʒi] n. f. (de
climat, et du gr. logos, science ; 1834,
A. Jourdan). Science, étude des climats.
climatologique [klimatɔlɔʒik] adj. (de
climatologie ; 1842, Acad.). Relatif à l’étude
des climats : « Je ne suis pas certain que
le séjour de Berck convienne tout à fait à
Huguette. » Et il se lança dans des explications climatologiques (Martin du Gard).
climatologue [klimatɔlɔg] n. m.
(de climatologie ; XXe s.). Spécialiste de
climatologie.
climatopathologie [klimatɔpatɔlɔʒi] n.
f. (de climat et de pathologie ; XXe s.). Partie
de la pathologie qui étudie les influences
pathogènes des climats sur l’organisme.
climatothérapie [klimatɔterapi] n. f. (de
climat et de -thérapie, du gr. therapeuein,
soigner ; 1888, Larousse). Utilisation des
propriétés des divers climats en vue de
maintenir ou de rétablir la santé.
climature [klimatyr] n. f. (de climat ;
1829, Boiste). Vx. Nature d’un climat :
Par la restauration des climatures, la terre
deviendra plus belle (Flaubert).
1. clin [klɛ̃] n. m. (déverbal de cligner ;
XVe s. ; faire un clin d’oeil, 1690, Furetière).
Usité seulement auj. dans l’expression
clin d’oeil, mouvement de la paupière
qu’on abaisse et relève vivement : Je me
rappelais [...] qu’en ce clin d’oeil involontaire toute la cruauté rentra dans son coeur
(Sainte-Beuve). Marguerite et Véronique,
inquiètes, ont échangé un clin d’oeil, puis
toutes deux reporté le regard vers Julie
(Gide). ∥ Spécialem. Adresser, faire un
clin d’oeil à quelqu’un, lui faire un signe
d’intelligence.
• SYN. : clignement, coup d’oeil, oeillade.
% En un clin d’oeil loc. adv. (1680, Richelet).
En un espace de temps très court ; très vite :
En un clin d’oeil, tous les Mauprat furent à
la herse (Sand).
• REM. Au pluriel, on emploie les deux
formes CLINS D’OEIL et CLINS D’YEUX : De
rapides clins d’oeil (Jaloux). Les demi-sourires et clins d’oeil dont il soulignait certaines saillies (Martin du Gard). Répondant aux clins d’yeux (Gautier). Faisant
force clins d’yeux (Hugo).
2. clin [klɛ̃] n. m. (déverbal de l’anc. franç.
cliner, s’incliner [XIIe s.], lat. clinare ; XIIIe s.,
Girart de Vienne, au sens de « inclinaison » ;
bordage à clin, 1866, Larousse). Bordages à
clin, bordages qui se recouvrent l’un l’autre,
fixés par des clous rivés en dedans sur des
viroles ou par des vis à écrou. ∥ Bordages
à double clin, bordages dont les bords se
superposent deux à deux, chevillés comme
des bordages à clin simple.
clinamen [klinamɛn] n. m. (mot lat., dér.
de clinare, incliner ; 1713, Fénelon). Dans la
philosophie d’Épicure et de Lucrèce, mouvement par lequel les atomes, dans leur
chute dans le vide, s’écartent de la verticale,
et qui permet leurs combinaisons.
clincaille n. f., clincaillerie n. f.,
clincaillier ou clincailler n. m. V. QUINCAILLE, QUINCAILLERIE, QUINCAILLIER.
clinfoc [klɛ̃fɔk] n. m. (néerl. kleine fock,
petit foc ; 1792, Romme). Voile très légère,
placée à l’extrémité du grand foc.
clinicat [klinika] n. m. (de clinique ;
1866, Larousse, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Fonction de chef de clinique d’un service
hospitalier. ∥ 2. Concours donnant accès
à cette fonction.
clinicien [klinisjɛ̃] n. m. (de clinique ;
1842, Acad.). Praticien qui se consacre à
la médecine de soins par examen direct
du malade (par opposition aux médecins
qui ne sont pas en contact direct avec le
malade : médecins fonctionnaires, chercheurs) : C’était le résumé de son expérience
que le grand clinicien spiritualiste nous versait ainsi avec le vin brillant (L. Daudet).
Cette perspicacité presque infaillible qui,
seule, fait les grands cliniciens (Martin du
Gard).
clinique [klinik] adj. (lat. clinicus, du gr.
klinikos, qui visite les malades, de klinê,
lit ; 1611, Cotgrave, au sens de « qui, étant
malade, garde le lit » ; sens actuel, 1696,
Daniel Leclerc). Qui se fait près du lit du
malade ; qui s’établit d’après l’observation directe du malade et non d’après la
théorie : Médecine, examen clinique. Leur
répugnance à se prêter aux observations
cliniques ne prouve point leur chasteté
(France). [J’]ai vu des esprits de même
valeur, de même sagacité, animés de la
même passion du vrai, aboutir, par l’étude
des mêmes phénomènes, et en faisant exactement les mêmes observations cliniques, à
des conclusions très différentes, quelquefois diamétralement opposées (Martin du
Gard). ∥ Signes cliniques, signes que le
médecin peut percevoir par le seul usage
des sens (par opposition aux symptômes
décelés par les examens biochimiques,
radiologiques, etc.). ∥ Examens cliniques
(ou, par ellipse, cliniques, n. m. pl.), examens pratiques auxquels sont soumis les
futurs médecins.
% n. f. (sens I, 1, début du XVIIe s. ; sens I,
2, 1829, Boiste ; sens II, 1907, Larousse).
I. 1. Méthode de diagnostic par observation directe du malade. (Vieilli.) ∥ 2. Enseignement médical que le professeur
donne près du lit du malade ; connaissances ainsi dispensées : Professeur de
clinique. Clinique médicale, chirurgicale.
Le programme des cours, qu’il lut sur
l’affiche, lui fit un effet d’étourdissement :
Cours d’anatomie [...], cours de chimie et
de botanique, et de clinique (Flaubert).
∥ Service de clinique, service d’hôpital
dirigé par un professeur nommé par la
faculté de médecine. ∥ Chef de clinique,
médecin qui est désigné par concours
pour assurer, dans un service de clinique,
l’instruction des stagiaires.
II. Établissement de soins privé, réservé
surtout à la chirurgie ou à l’obstétrique :
Gertrude est entrée hier à la clinique de
Lausanne (Gide).
% n. m. (1704, Trévoux). Nom donné à des
chrétiens qui ne recevaient le baptême
qu’au lit de mort ou à un âge avancé.
cliniquement [klinikmɑ̃] adv. (de clinique ; XXe s.). En procédant à des observations cliniques : Je m’observe cliniquement
comme s’il s’agissait d’un de mes malades ;
depuis le premier jour, je prends des notes
quotidiennes ! (Martin du Gard).
clino- [klinɔ], élément tiré du gr. klinê, lit,
ou de klinein, incliner, et entrant comme
préfixe dans la composition de quelques
mots.
clinomanie [klinɔmani] n. f. (de clino- et
de manie ; XXe s.). Obsession consistant
en la recherche insistante de la position
couchée.
clinomètre [klinɔmɛtr] n. m. (de clino- et
du gr. metron, mesure ; milieu du XIXe s., au
sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Instrument destiné à mesurer l’inclinaison de la quille
d’un navire sur l’horizontale. (On dit aussi
CLINOSCOPE.) ∥ 2. Appareil utilisé dans
l’aviation pour vérifier l’horizontalité d’un
avion ou pour mesurer sa pente, spécialement dans les nuages ou la brume.
clinostatisme [klinɔstatism] n. m. (de
clino- et de statisme ; XXe s.). Modifications
physiologiques résultant de la position
couchée.
1. clinquant [klɛ̃kɑ̃] n. m. (part. prés.
de l’anc. v. clinquer, faire du bruit, var. de
cliquer [v. CLIQUE], avec influence possible
du néerl. klinken, résonner ; fin du XVe s.,
O. de La Marche, écrit clicquant [clinquant,
XVIe s.], au sens 1 ; sens 2-3, 1680, Richelet ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
751
sens 4, 1667, Boileau). 1. Lamelles brillantes
d’or ou d’argent, rehaussant des broderies,
des parures : Point de clinquant, jupe simple
et modeste (La Fontaine). J’admire partout
les jolies filles des pays environnants, vêtues
comme des reines avec leurs bonnets de drap
d’or et leurs corsages de clinquant (Nerval).
∥ 2. Par extens. Lamelles de cuivre doré
imitant le vrai clinquant : Comme cela
chatoyait de vives couleurs et de modeste
clinquant (Nerval). ∥ 3. Péjor. Mauvaise
imitation de pierreries, de métal précieux :
La robe tenait à peine aux épaules ; les cheveux s’envolaient en un brouillard blond audessus des yeux, et autour du cou un collier
de perles trop grosses pour être vraies s’étageait avec un brio de clinquant (Daudet).
Son épaisse chevelure noire était piquée
d’épingles de clinquant (Loti). ∥ 4. Fig.
Éclat faux et trompeur : Poète et feuilletoniste, le libertin Lousteau, paré de sa
misanthropie, offrait ce clinquant d’âme et
cette vie à demi oisive qui plaît aux femmes
(Balzac). ∥ Spécialem. En matière de style,
procédé brillant, mais de mauvais goût : À
Malherbe, à Racan, préférer Théophile, | Et
le clinquant du Tasse à tout l’or de Virgile
(Boileau).
• SYN. : 1 et 2 paillette, paillon ; 3 simili, toc
(fam.), verroterie ; 4 vernis.
2. clinquant, e [klɛ̃kɑ̃, -ɑ̃t] adj. (même
étym. qu’à l’art. précéd. ; XXe s.). Qui
brille d’un éclat de mauvais aloi ; qui a
du brillant, mais peu de valeur : La vaste
salle clinquante, avec ses velours, ses vernis
(E. Rod).
clinquanter [klɛ̃kɑ̃te] v. tr. (de clinquant
1 ; début du XVIIe s., A. d’Aubigné). Garnir
de clinquant : Clinquanter des dentelles.
clip [klip] n. m. (mot angl. signif. « attache,
agrafe » ; XXe s.). Agrafe, broche ou boucle
d’oreille qui se fixe par une pince à ressort.
clipper [klipoer] n. m. (mot angl. signif.
proprem. « qui coupe [les flots] » ; 1845,
Itier, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse ; sens
3, v. 1938). 1. Voilier de fort tonnage, mais
fin et rapide, employé au XIXe s. ∥ 2. Canot
de plaisance aux formes effilées : Et il
accepta à déjeuner chez lui le dimanche
suivant avec la promesse d’une bonne
partie de canot dans le « Plongeon », clipper de son ami (Maupassant). ∥ 3. Avion
long-courrier.
cliquart ou clicquart [klikar] n. m.
(de clique, au sens premier de « coup,
tape, bruit » ; 1581, Dict. général). 1. Banc
de pierre à bâtir qui, sous le choc du métal,
rend un son clair. ∥ 2. Grès à grain très
fin, utilisé pour faire du pavé mosaïque.
clique [klik] n. f. (déverbal de l’anc. franç.
cliquer, faire du bruit, de l’onomatop.
klikk-, évoquant un bruit de choc bref et
aigu ; début du XIVe s., Gilles li Muisis, au
sens de « tape » ; sens 1, milieu du XIVe s.,
Digulleville ; sens 2, 1907, Larousse).
1. Fam. et péjor. Groupe d’individus qui
s’unissent pour intriguer, nuire à d’autres :
Par malheur, il est entouré d’une clique
d’intrigants et d’imposteurs audacieux qui
feignent de partager sa foi et de servir ses
projets (Sand). C’est l’avis de Berchtold et de
sa clique (Martin du Gard). ∥ 2. Ensemble
des clairons et des tambours d’une musique
militaire : Le commandant fit porter les
armes quand la clique parvint à la hauteur
du général (Adam).
• SYN. : 1 bande, camarilla, coterie, maffia.
% cliques n. f. pl. (XXe s., au sens de
« sabots » ; prendre ses cliques et ses claques,
loc. formée sur le modèle de l’onomatop.
clic-clac, 1866, Larousse). Dialect. Dans
certaines régions, nom donné aux sabots
de bois. ∥ Fig. et fam. Prendre ses cliques
et ses claques, partir à la hâte en emportant
tout ce qu’on a : Victorine prend son magot,
ses cliques, ses claques, et hop ! dans le train
de Lannion ! Adieu la compagnie ! (Martin
du Gard). Il prit ses cliques et ses claques et
se mit à courir (Arnoux).
cliquet [klikɛ] n. m. (de l’anc. v. cliquer
[v. CLIQUE] ; fin du XIIIe s., au sens de « claquet d’un moulin » ; sens 1, 1752, Trévoux ;
sens 2, 1866, Larousse). 1. Petit levier qui
s’engage entre les dents d’un engrenage ou
d’une roue à rochet et l’empêche de tourner
dans le sens contraire à son mouvement.
∥ 2. Pièce d’un fermoir de bijouterie.
cliquetant, e [kliktɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de cliqueter ; 1866, Larousse). Qui produit
un cliquetis : La cliquetante mécanique qui
décapite les secondes (Pagnol).
cliquètement n. m. V. CLIQUETTEMENT.
cliqueter [klikte] v. intr. (de l’anc.
v. cliquer [v. CLIQUE] ; v. 1230, Eustache le
Moine). [Conj. 4 a.] Prôduire une suite de
bruits secs et sonores, en parlant de deux
objets qui s’entrechoquent : Son poing,
cliquetant de bracelets comme celui d’une
romanichelle (Martin du Gard). Il [le train]
craquait de toute sa charpente et cliquetait
de toutes ses vitres (Duhamel). Les sabots
cliquettent sur les dalles (Escholier).
cliquetis [klikti] n. m. (de cliqueter ;
XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1752, Trévoux ;
sens 3, XXe s.). 1. Bruit répété, traduit par
l’onomatopée clic, que font certains corps
en s’entrechoquant : Il écoutait la cadence
des bottes et le léger cliquetis des épées
(Zola). Et muette, immobile, j’aurais pu
croire qu’elle dormait, sans le cliquetis de
son chapelet que ses doigts égrenaient au
fond de sa poche (Daudet). D’interminables
conversations, hachées par les coups de marteau du savetier, mouchetées par le cliquetis
de la machine à coudre (Duhamel). Elle
[la voix] n’évoquait pas mal l’esprit du lieu,
isolée dans un silence plein du cliquetis
des verres au-dessus du clergyman ahuri
(Malraux). ∥ 2. Fig. Cliquetis de mots,
assemblage de mots sonores, imagés, qui
produisent un effet brillant, mais factice :
Notre professeur, deux fois par semaine,
nous reçoit chez lui. On cause sans cliquetis de mots (Barrès). ∥ 3. Cliquetis du
moteur, bruit anormal qui se produit dans
la chambre de combustion d’un moteur à
explosion.
cliquette [klikɛt] n. f. (de l’anc. v. cliquer
[v. CLIQUE] ; v. 1230, Eustache le Moine, au
sens 1 ; sens 2, fin du XVe s.). 1. Instrument
fait de deux ou trois lamelles de bois, d’os,
de métal, etc., que l’on choque pour faire du
bruit et attirer l’attention, signaler sa présence : Choquant des cliquettes de bronze
à tête d’Hathor (Gautier). Quelquefois,
un écho du tumulte parisien, des roues en
mouvement, un orgue attardé, la cliquette
d’une marchande de plaisirs, traversaient
ce silence comme pour l’augmenter encore
(Daudet). Elle [la marchande d’oublies]
montait tous les jours aux Champs-Élysées,
agitant sa cliquette en criant : « Voilà le
plaisir, Mesdames ! » (France). ∥ 2. Dialect.
Petit levier servant à maintenir un volet,
etc. : Tout à coup, un bruit se fit contre le
mur, l’auvent s’était rabattu, la cliquette
tremblait encore (Flaubert).
% cliquettes n. f. pl. (1723, Savary des
Bruslons). Pierres trouées que les pêcheurs
utilisent pour lester leurs filets.
cliquettement ou cliquètement
[klikɛtmɑ̃] n. m. (de cliqueter ; milieu du
XVIe s.). Syn. de CLIQUETIS : Sa voix était
prompte, pétulante, d’une articulation fort
nette, presque avec des cliquètements de
métal (Romains).
clissage [klisaʒ] n. m. (de clisser ; 1866,
Larousse). Action de garnir d’une clisse ;
ouvrage exécuté de cette façon : Une
petite tasse de clissage en fil de bambou
(Goncourt).
clisse [klis] n. f. (altér. de claie, par croisement avec éclisse ; v. 1160, Benoît de SainteMaure, écrit clice, au sens de « morceau de
bois allongé » ; sens actuels, 1863, Littré).
1. Petite claie d’osier pour faire égoutter
les fromages. ∥ 2. Enveloppe d’osier qui
protège une bouteille, un récipient fragile.
• SYN. : 1 clayette, clayon, éclisse.
clisser [klise] v. tr. (de clisse ; 1546,
Rabelais). Garnir d’une clisse : Une bouteille clissée d’osier (Huysmans).
clitocybe [klitɔsib] n. m. (du gr. klitos,
incliné, et kubê, tête ; 1888, Larousse).
Champignon à chapeau déprimé et à lames
décurrentes.
clitoris [klitɔris] n. m. (gr. kleitoris ;
1611, Cotgrave). Chez la femme et chez les
femelles de mammifères, petit organe érectile situé à la partie supérieure de la vulve.
clivable [klivabl] adj. (de cliver ; milieu
du XIXe s.). Qui peut être clivé : Le mica
est clivable.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
752
clivage [klivaʒ] n. m. (de cliver ; 1753,
Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Action, manière de cliver les minéraux :
Le clivage de l’ardoise est aisé. ∥ Plan de clivage, plan selon lequel se fend un minéral.
∥ 2. Fig. Séparation selon certains niveaux :
Le clivage des couches sociales.
cliver [klive] v. tr. (néerl. klieven, fendre,
employé au sens techn. par les diamantaires
d’Amsterdam ; 1723, Savary des Bruslons
[clivé, fendu, au sens général, dès 1583,
Bretin]). Fendre un minéral cristallisé
par lames parallèles, selon les directions
naturelles : Le mica peut se cliver en lames
de 0,006 mm d’épaisseur. ∥ Spécialem. En
joaillerie, tailler une pierre, un diamant
dans le sens naturel des couches.
cloacal, e, aux [klɔakal, -o] adj. (de
cloaque ; 1866, Larousse). En anatomie,
relatif au cloaque de certains animaux :
Poche cloacale.
cloaque [klɔak] n. m. (lat. cloaca, égout ;
v. 1355, Bersuire, au sens 1 ; sens 2-3, milieu
du XVIe s., Ronsard ; sens 4, 1752, Trévoux).
1. Emplacement destiné à recevoir les
eaux sales, les immondices : Le paradis
du porc, n’est-ce pas le cloaque ? (Hugo).
∥ Spécialem. Dans la Rome antique, égout.
∥ 2. Endroit très sale, où croupissent des
eaux, où traînent des ordures : Chaque
petite rue, bien étroite, bien tortueuse, est
un cloaque, un ruisseau immonde, où notre
passage remue des puanteurs (Loti). ∥ 3. Fig.
et littér. Foyer de corruption morale ou
intellectuelle : Quelle chimère est-ce donc
que l’homme ? [...] Juge de toutes choses,
imbécile ver de terre ; dépositaire du vrai,
cloaque d’incertitude et d’erreur ; gloire
et rebut de l’univers (Pascal). ∥ 4. Orifice
dans lequel débouchent les voies génitales et urinaires, ainsi que l’anus, chez
les oiseaux, les reptiles, les marsupiaux.
• SYN. : 2 bourbier, sentine ; 3 bas-fond,
marais, marécage.
clochage [klɔʃaʒ] n. m. (de clocher 3 ;
1908, Larousse). Action de mettre une
plante sous cloche pour la protéger du
froid.
clochant, e [klɔʃɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de clocher 2 ;
début du XXe s.). Qui cloche, qui boite : Le
regard de Jacques, hébété, se fixe sur cette
jambe clochante, toujours en retard, et qui,
à chaque effort, fléchit un peu du genou
(Martin du Gard).
clochard, e [klɔʃar, -ard] n. (de clocher
2 ; 1895, G. Esnault). Fam. Homme, femme
sans domicile, qui refuse de s’intégrer à la
vie sociale et recourt à des expédients pour
subsister : Sous la menace du déshonneur
attaché à la condition de clochard, de vagabond (Bernanos).
• SYN. : sans-logis, vagabond.
1. cloche [klɔʃ] n. f. (bas lat. clocca
[VIIe s.], d’origine celtique, mot apporté par
les moines irlandais ; XIe s., aux sens I, 1-2 ;
sens II, 1, 1552, R. Estienne ; sens II, 2, 1675,
Widerhold ; sens II, 3, 1832, Raymond ; sens
II, 4, 1583, Liébault ; sens II, 5 et 7, début du
XXe s. ; sens II, 6, 1678, Jal ; sens II, 8, milieu
du XVIIe s. ; sens II, 9, 1898, G. Esnault
[se taper la cloche, 1928, Bauche] ; sens II,
10, 1899, G. Esnault).
I. 1. Instrument de percussion en métal, généralement en bronze, en forme
de coupe renversée, qui produit un son
retentissant quand on le frappe avec un
marteau de l’extérieur, ou avec un battant de l’intérieur : Les dimanches et les
jours de fête, j’ai souvent entendu, dans le
grand bois, à travers les arbres, les sons de
la cloche lointaine qui appelait au temple
l’homme des champs (Chateaubriand). Ils
gardaient sans soucis ces troupeaux dont
la cloche, | Comme un appel lointain,
tintait de roche en roche (Lamartine).
À l’appel de la cloche, nous prions le maître
d’étude de conduire les élèves au réfectoire
(Martin du Gard). ∥ Coup de cloche, son
produit par une cloche lorsqu’elle est
frappée par le battant. ∥ Fam. Son de
cloche, point de vue de quelqu’un sur
une affaire ou sur un événement : Voilà
un autre son de cloche. ∥ Cloche de bois,
nom donné aux instruments qui remplacent les sonneries de cloche du jeudi saint
au samedi saint : La cloche de bois, qu’on
ne sonnait que depuis l’après-dîner du
jeudi absolu jusqu’au matin de la veille de
Pâques (Hugo). ∥ Fam. Déménager à la
cloche de bois, déménager en cachette : Le
père Guinardon [...] déménagea à la cloche
de bois les tableaux, meubles et curiosi-
tés amassés dans son grenier (France).
∥ Pop. Sonner les cloches à quelqu’un, le
réprimander vertement. ∥ 2. Sonnerie de
cloche : La cloche, au loin, note par note
s’est éteinte (Samain). ∥ Spécialem. Sonnerie annonçant le dernier tour dans une
course en circuit fermé.
II. 1. Corolle de fleur affectant la forme
d’une clochette : Cinq ou six touffes
bleuâtres de jonquilles fleurissent de leurs
cloches ces gazons (Pourrat). ∥ 2. Abri
de verre servant à protéger les plantes
du froid ou à concentrer sur elles la chaleur solaire : Cloche à melon. [Redoutant
les coups de soleil,] il barbouilla de craie
toutes les cloches (Flaubert). ∥ 3. Couvercle de verre de forme bombée, sous
lequel on met le fromage pour l’empêcher
de se dessécher. ∥ Ustensile métallique
permettant de tenir les plats au chaud ou
de protéger les aliments. ∥ 4. Appareil de
verre utilisé dans certaines expériences
de chimie. ∥ 5. Partie mobile d’un gazomètre, flottant sur l’eau de la cuve de
base. ∥ 6. Cloche à plongeur, appareil en
forme de cloche, permettant de travailler
sous l’eau. ∥ Cloche à oxygène, tente fortement alimentée en oxygène pour ranimer un malade. ∥ 7. Chapeau cloche, ou
simplem. cloche, chapeau à bords évasés
et rabattus tout autour : Un feutre cloche
de même teinte que les carreaux (Benoit).
[Pl. des CHAPEAUX CLOCHES.] ∥ 8. Vx.
Ampoule remplie de sérosité, cloque : De
nombreuses cloches sur les mains et le visage témoignaient chaque matin de l’inefficacité du remède (Gautier). ∥ 9. Arg.
Tête. ∥ Avoir la cloche fêlée, déraisonner,
être fou. ∥ Pop. Se taper la cloche, faire
un repas plantureux. ∥ 10. Pop. Personne stupide, incapable : Quelle cloche,
ce dépanneur !
• SYN. : I, 1 clarine, sonnaille. ∥ II, 1
clochette.
% adj. (1947, G. Esnault). 1. Pop. Ridicule,
de mauvaise qualité : Elle a un de ces costumes cloche ! ∥ 2. Stupide, gauche : Ils sont
vraiment cloches !
2. cloche [klɔʃ] n. f. (de clocher 2 ; 1918,
G. Esnault). Pop. L’ensemble, le milieu des
clochards ; la condition de clochard : Être
de la cloche.
clochement [klɔʃmɑ̃] n. m. (de clocher
2 ; 1546, R. Estienne). 1. Action de clocher,
claudication (rare) : Un clochement douloureux. ∥ 2. État de quelque chose qui
est bancal : [Il] s’assit d’un air embarrassé
sur une chaise basse [...] qui avait un pied
trop bref et dont, tout de suite, il éprouva
le clochement familier (Duhamel). ∥ 3. Fig.
Défectuosité, mauvais fonctionnement.
• SYN. : 1 boitement, boiterie.
cloche-pied (à) [aklɔʃpje] loc. adv. (de
cloche, forme verbale de clocher 2, et de
pied ; v. 1395, Chr. de Pisan). En sautant
sur un seul pied : En reprenant une balle,
Micheline se donna un coup de raquette sur
la cheville. Elle serra les lèvres et se mit à
sauter à cloche-pied (Aymé).
1. clocher [klɔʃe] n. m. (de cloche 1 ;
début du XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne,
au sens 1 ; sens 2, 1606, Nicot ; sens 3, av.
1869, Sainte-Beuve). 1. Construction élevée au-dessus ou dans le voisinage d’une
église, et renfermant les cloches : La cloche
engendra le clocher (Veuillot). Aucun clocher ne montrait au loin son toit reluisant
d’ardoises (Flaubert). Rouen, la ville aux
églises, aux clochers gothiques travaillés
comme des bibelots d’ivoire (Maupassant).
Sur la droite, on apercevait, par-delà les
blés, les deux clochers ciselés et rustiques de
Saint-André-des-Champs, eux-mêmes effilés, écailleux, imbriqués d’alvéoles, guillochés, jaunissants et grumeleux, comme
deux épis (Proust). ∥ Vx. Course au clocher,
course dans laquelle on court vers un but
désigné comme si on allait droit sur un
clocher. ∥ 2. Paroisse, village, ville où l’on
demeure ; pays natal : Tous ces étudiants
passaient leur vie chez Malmus, se groupant par provinces, par clochers (Daudet).
∥ Esprit de clocher, attachement étroit,
particulariste, à son village, à sa ville, au
petit cercle dans lequel on vit : L’esprit de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
753
clocher, mon ami, n’est pas autre chose que
le patriotisme naturel. J’aime ma maison,
ma ville et ma province par extension, parce
que j’y trouve encore les habitudes de mon
village (Maupassant). ∥ Querelle, rivalité,
affaire de clocher, querelle, rivalité, affaire
purement locale, souvent mesquine : Mais
Bois-Doré sentait que le cas était grave et
qu’il ne s’agissait pas seulement de rosser le guet dans une affaire de clocher
(Sand). ∥ 3. Intérêt particulier : Chacun
prêche pour son saint et pour son clocher
(Sainte-Beuve).
• SYN. : 1 campanile.
2. clocher [klɔʃe] v. intr. (lat. pop. *cloppicare, de cloppus, syn. pop. de claudus,
boiteux ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au
sens 1 ; sens 2-3, XIIIe s., Rutebeuf). 1. Fam.
Boiter : Il court en clochant à la porte de
sa chambre (Chateaubriand). Le pauvre
peuple des pèlerins qui, boitant, clochant
[...], soufflait sur la rude montée (France).
∥ 2. En parlant d’un meuble, d’un objet
sur pieds, être bancal : Des dix chaises de la
salle à manger, il n’y en avait qu’une, paraîtil, qui ne clochât pas du tout (Montherlant).
∥ 3. Fig. Présenter quelque défaut ; aller de
travers : Ma mère prenait garde que rien ne
clochât dans ma tenue, puis on partait pour
l’église (Proust).
• SYN. : 1 claudiquer ; 2 boiter.
3. clocher [klɔʃe] v. intr. (de cloche 1 ;
milieu du XVIe s.). Vx. Sonner à la cloche :
Minuit clochant, j’entrai dans un bastringue
de bas étage (Arnoux).
% v. tr. (sens 1, 1690, La Quintinie ; sens
2-3, XXe s.). 1. En horticulture, mettre sous
cloche : Clocher des melons. ∥ 2. Annoncer
l’arrivée ou le départ d’un train par des
signaux à cloche. ∥ 3. Donner un aspect
fermé à une passe de chapeau, en diminuant son contour : Clocher un feutre.
clocher-arcades [klɔʃearkad] n. m.
(de clocher 1 et de arcade ; XXe s.). Clocher
ajouré dans un mur surmontant la façade
d’une église.
• Pl. des CLOCHERS-ARCADES.
clocheton [klɔʃtɔ̃] n. m. (de clochette ;
début du XVIe s., au sens de « petite cloche » ;
sens actuels, par attraction sémantique
de clocher, vers la fin du XVIIe s. [d’après
Trévoux, 1704]). 1. Petit clocher : Il reconnut dans le ciel lointain, par-dessus des
frondaisons vertes, les pointes en faisceau
du beffroi, le clocheton arrondi de l’église
(Martin du Gard). ∥ 2. Ornement pyramidal en forme de clocher, flanquant la
base d’une flèche, les contreforts, les angles
d’un édifice : Son église à flèche octogone
flanquée de quatre clochetons (Hugo).
clochette [klɔʃɛt] n. f. (de cloche ; XIIe s.,
Godefroy, écrit clokete, au sens 1 ; sens 2,
1611, Cotgrave). 1. Petite cloche : De bon
matin me réveillaient les clochettes des
troupeaux (Gide). ∥ 2. Corolle de certaines fleurs, en forme de petite cloche :
Les enfants restaient derrière, s’amusant à
arracher les clochettes des brins d’avoine
(Flaubert). Les clochettes tachetées des
rouges digitales (Bourget).
• SYN. : 1 clarine, grelot, sonnaille, sonnette.
cloison [klwazɔ̃] n. f. (lat. pop.
*clausionem, accus. de *clausio, dér. de
clausus, clos ; v. 1160, Benoît de SainteMaure, au sens de « enceinte fortifiée » ;
sens 1, 1538, R. Estienne ; sens 2, XXe s. ;
sens 3, 1866, Larousse ; sens 4-5, 1732,
Trévoux ; sens 6, 1580, Montaigne). 1. Paroi
légère, servant à séparer deux pièces d’une
construction : Cette pièce n’était séparée
que par une légère cloison du boudoir
(Balzac). ∥ 2. Spécialem. Cloison étanche,
cloison divisant un navire en compartiments étanches, pour localiser une voie
d’eau ; au fig., séparation infranchissable :
Il existe, tout comme dans une grande
ville, des cloisons étanches séparant et isolant chaque catégorie sociale (Theuriet).
∥ 3. Mince paroi établissant des divisions
dans un objet : Les cloisons d’un casier.
∥ 4. Membrane séparant une cavité anatomique : Cloison des fosses nasales. Une
couleur rose traversait la cloison de son nez
(Flaubert). ∥ 5. Lame partageant l’intérieur de certains fruits en plusieurs loges.
∥ 6. Fig. Ce qui divise ; ce qui sépare : Cette
cloison séparatrice qui, si l’on n’y veille,
risque d’aller s’épaississant (Gide).
• SYN. : 3 séparation ; 6 barrière, fossé, mur,
muraille.
cloisonnage [klwazɔnaʒ] n. m. (de cloison ; 1676, Félibien). 1. Action de cloisonner. ∥ 2. Ouvrage de cloisons ; dispositif
en cloisons.
• REM. On dit aussi CLOISONNEMENT, au
sens 2. Cloisonnage semble plutôt réservé
aux opérations techniques, et cloisonnement au résultat, et surtout au sens figuré.
cloisonné, e [klwazɔne] adj. et n. m. (de
cloison ; 1752, Trévoux). 1. Divisé par des
cloisons : Fruits cloisonnés. Coquille cloisonnée. ∥ 2. Émail cloisonné, ou cloisonné
n. m., émail dont les motifs sont séparés
par de minces cloisons de métal retenant
la matière vitrifiée : Une jardinière en
cloisonné (Daudet). ∥ 3. Fig. Séparé d’une
manière arbitraire : Des disciplines trop
cloisonnées à l’intérieur d’une université.
cloisonnement [klwazɔnmɑ̃] n. m.
(de cloisonner ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). 1. Syn. de CLOISONNAGE
au sens 2 ∥ 2. Fig. Séparation, souvent
artificielle, qui existe entre des groupes
de personnes, de choses : Le cloisonnement
des services dans une administration.
cloisonner [klwazɔne] v. tr. (de cloison ;
1803, Boiste). Séparer par des cloisons :
L’impossibilité où s’étaient trouvés les propriétaires de cloisonner aussi les pièces dans
leur hauteur (Camus).
• SYN. : compartimenter.
cloître [klwatr] n. m. (altér., sous l’influence de cloison [v. ce mot], de clostre
[v. 1160, Benoît de Sainte-Maure], lat.
claustrum, barrière, puis « lieu clos »,
de claudere, fermer ; fin du XIe s., Gloses
de Raschi, écrit cloistre, au sens 1 ; sens
2, v. 1265, J. de Meung ; sens 3, 1845,
Bescherelle ; sens 4, 1671, Pomey ; sens 5,
1690, Furetière). 1. Dans une église ou dans
un monastère, galerie couverte, à colonnes,
entourant une cour ou un jardin : Derrière
Notre-Dame se déroulait le cloître avec ses
galeries gothiques (Hugo). ∥ 2. Le monastère lui-même : Les hommes lassés de leur
sort se confinaient autrefois dans un cloître
(Balzac). ∥ 3. Partie close d’un monastère
réservée aux religieux ou aux religieuses,
et interdite aux laïcs. ∥ 4. Vie que l’on
mène dans un cloître ; règle monastique :
La rigueur et les austérités du cloître. Dès
les premiers temps de sa liaison avec le
roi, Mme de La Vallière avait déjà songé au
cloître (Sainte-Beuve). ∥ 5. Vx. Enceinte
à l’intérieur de laquelle se trouvaient les
demeures des chanoines des églises cathédrales ou collégiales : Il venait de se retirer,
après l’office, dans sa cellule canoniale du
cloître Notre-Dame (Hugo).
• SYN. : 2 abbaye, chartreuse, couvent, moutier (vx), prieuré ; 3 clôture ; 4 claustration.
cloîtré, e [klwatre] adj. (part. passé de
cloîtrer). 1. Se dit des personnes enfermées
dans un cloître : Une tiédeur inconnue
l’enveloppait ; il lui semblait qu’elle avait
jusqu’alors vécu cloîtrée, et que les limites
de sa clôture, reculant soudain, lui décou-
vraient un horizon insoupçonné (Martin
du Gard). ∥ Par extens. Couvent cloîtré,
couvent dont les religieux ou les religieuses
ne sortent jamais. ∥ 2. Littér. Se dit d’une
habitation ressemblant à un cloître : Des
rues entières formées des longs et hauts
murs de ces demeures cloîtrées (Renan).
∥ 3. Fig. Se dit d’une personne qui vit retirée, séparée du monde : Le marquis et la
marquise, cloîtrés depuis quinze ans au fond
du grand hôtel vide, crurent devoir rouvrir
leur salon (Zola). Ma mère, par désir passionné d’être rassurée par l’ami de Bergotte,
ajouta à l’appui de son dire qu’une cousine
germaine de ma grand-mère, en proie à une
affection nerveuse, était restée cloîtrée sept
ans dans sa chambre à coucher de Combray
(Proust) ; et par extens. : La fillette, qui
préférait, d’ailleurs, la vie libre et remuante
de la campagne à la vie cloîtrée de la ville
(Maupassant).
• SYN. : 3 claquemuré, claustré, confiné,
reclus.
cloîtrer [klwatre] v. tr. (de cloître ;
1690, Furetière, au sens 1 ; sens 2, 1832,
Raymond). 1. Enfermer dans un cloître :
Les Matignon étaient cinq frères, et force
filles dont ils cloîtrèrent la plupart (SaintdownloadModeText.vue.download 40 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
754
Simon). ∥ 2. Par extens. Tenir étroitement
enfermé.
• SYN. : 1 claustrer ; 2 enfermer.
% se cloîtrer v. pr. (sens 1, 1834, Landais ;
sens 2, 1866, Larousse). 1. Rester enfermé
chez soi ; vivre sans contact avec le monde
extérieur : Se cloîtrer dans sa chambre.
∥ 2. Fig. Se limiter étroitement à un
domaine d’activité, de réflexion, etc. : Se
cloîtrer dans un rôle.
• SYN. : 1 se claquemurer, se confiner ; 2 se
borner, se cantonner.
cloîtrier, ère [klwatrije, -ɛr] adj. et n. (de
cloître ; fin du XIIe s., Reclus de Moiliens).
Vx. Qui vit dans un cloître : Car ces très
anciens cloîtriers évoquaient devant lui
ceux du Val-des-Saints (Huysmans).
Religieux cloîtrier.
clonique [klɔnik] adj. (du gr. klonos, agitation ; début du XIXe s.). Se dit de convulsions caractérisées par des contractions et
des relâchements des muscles se succédant
de manière régulière.
clope [klɔp] n. m. (origine obscure ; 1902,
G. Esnault). Arg. Mégot.
clopinant, e [klɔpinɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de clopiner ; 1866, Larousse). 1. Qui boite
légèrement. ∥ 2. Qui révèle une légère boiterie : Le pas clopinant de Fanfan résonne
sur les dalles du corridor (Theuriet). L’éclat
blanchâtre et mat de la chaussée brûlante
n’est taché que de la silhouette clopinante
d’un marchand de soupe bientôt disparu
dans une ruelle (Malraux).
• SYN. : boitillant.
clopin-clopant [klɔpɛ̃klɔpɑ̃] loc. adv.
(de l’anc. adj. clopin, boiteux, et de clopant,
part. prés. de l’anc. v. cloper, boiter, de clop,
boiteux [v. CLOPINER] ; 1668, La Fontaine).
1. En boitant, en traînant la jambe : Les
pensionnaires valides commençaient à sortir de la chapelle, et, clopin-clopant, se groupaient de chaque côté du portail (Martin
du Gard). ∥ 2. Fig. et fam. D’une manière
irrégulière, tantôt mieux, tantôt moins
bien : Les affaires vont clopin-clopant.
• SYN. : 2 cahin-caha (fam.), comme ci,
comme ça, couci-couça (fam.).
clopiner [klɔpine] v. intr. (de l’anc. adj.
clopin, boiteux [v. 1265, Br. Latini], dér.
de clop, boiteux [XIIe s.], lat. pop. cloppus,
.mot d’origine onomatopéique, évoquant
peut-être la démarche lourde des boiteux ;
v. 1560, Paré). Fam. Marcher avec peine, en
boitant un peu : « Quoi ! vous boitez », dit
Julius, surpris de le voir de nouveau clopiner (Gide). La vieille s’éloigne en clopinant
(Sartre).
• SYN. : boitiller, claudiquer.
clopinettes [klɔpinɛt] n. f. pl. (de clope,
mégot ; 1925, G. Esnault). Usité seulement
dans l’expression populaire des clopinettes,
rien, absolument rien. ∥ Des clopinettes !,
vous pouvez toujours chercher, attendre !
clopineux, euse [klɔpinø, -øz] adj. (de
clopin [v. CLOPIN-CLOPANT] ; fin du XVIIe s.,
Mme de Sévigné). Qui boite un peu : Je laisse
la plume à M. le clopineux (Sévigné).
cloporte [klɔpɔrt] n. m. (origine incertaine ; peut-être de clo, anc. impér. de clore,
et de porte, parce que ce crustacé se replie
sur lui-même au moindre contact, de même
qu’un homme, en présence d’un danger,
ferme sa porte ; XIIIe s., Godefroy, écrit choplote [cloporte, 1538, R. Estienne]). Crustacé
isopode vivant sous les pierres et dans les
lieux sombres et humides. ∥ Fam. Chaleur
de cloporte, chaleur lourde et étouffante :
Moi je passais mes nuits dans les salles de
rédaction. Il faisait toujours une chaleur
de cloporte (Sartre).
% n. (1866, Larousse). Fam. Concierge.
cloquage [klɔkaʒ] n. m. (de cloquer ;
1866, Larousse). Apparition de cloques
sur une surface peinte.
cloque [klɔk] n. f. (forme picarde de cloche
1 ; 1750, Ch. Bonnet, au sens 1 ; sens 2-3,
1866, Larousse). 1. Boursouflure qui apparaît sur les feuilles de certains arbres, en
particulier du pêcher, et qui est due à un
champignon parasite. ∥ 2. Boursouflure
de la peau, remplie de sérosité, le plus souvent causée par une brûlure. ∥ 3. Par anal.
Défaut du papier qui se produit quand, au
cours de la fabrication, la feuille est appliquée sur un cylindre sécheur trop chaud,
ou quand une feuille est mouillée : La
pluie l’avait trempée et tordue [la page],
elle était couverte de cloques et de boursouflures comme une main brûlée (Sartre).
∥ 4. Boursouflure dans une couche de
peinture.
• SYN. : 2 ampoule, phlyctène, vésicule ;
3 boursouflure.
cloqué, e [klɔke] adj. (de cloque ; 1820,
Laveaux, au sens 1 [terme de jardinage] ;
sens 2, début du XXe s.). 1. Qui présente
des cloques. ∥ 2. Étoffe cloquée, ou cloqué
n. m., étoffe de coton ou de soie gaufrée.
cloquer [klɔke] v. intr. (de cloque ; 1866,
Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1929, Larousse
[le mot existait déjà à la fin du XVIIIe s.,
comme terme d’horticulture]). 1. En
parlant d’une peinture, se boursoufler,
présenter des cloques. ∥ 2. En parlant de
l’épiderme, se gonfler, former une cloque
à l’endroit d’une brûlure.
% v. tr. (début du XXe s.). Imprimer sur
une étoffe des dessins en relief, gaufrer :
Cloquer une étoffe.
clore [klɔr] v. tr. (lat. claudere, fermer ;
XIe s., au sens 1 ; sens 2, XIIe s. ; sens 3,
1474, Bartzsch). [Conj. 76.] 1. Littér. Barrer
l’accès à un lieu ; fermer complètement :
Et la servante a clos les portes de la cour
(Samain). ∥ Clore l’oeil, la paupière, s’endormir, et aussi mourir. ∥ Clore les yeux de
quelqu’un, fermer les yeux d’un mort, et,
par extens., assister à la mort de quelqu’un.
∥ Clore la bouche, et, fam., clore le bec à
quelqu’un, le réduire au silence : Il est
temps de clore le bec à l’épouse du farouche
Clotaire (France). ∥ Clore la marche, occuper le dernier rang dans une colonne en
marche. ∥ 2. Entourer d’une clôture, d’une
enceinte : Clore un parc ; et en parlant de
la clôture elle-même : Un mur clôt la fontaine où, par l’heure échauffée, | Folâtre,
elle buvait en descendant des bois (Hugo).
∥ 3. Fig. Mettre fin à quelque chose : Clore
une discussion. Elle [cette lettre] va clore
cette correspondance qui n’a pas manqué un
seul courrier (Chateaubriand). ∥ Spécialem.
Déclarer terminé : Clore la séance, la session. Il va de soi, d’ailleurs, que c’est au gouvernement qu’il appartient de dire le droit
et de clore la liste trop longue des crimes
impunis (Proust).
• SYN. : 1 barricader ; 2 ceindre, clôturer,
enceindre, enclore, enfermer ; 3 achever,
arrêter, clôturer, fermer, finir, terminer.
% v. intr. Pouvoir se fermer : Cette porte
ne clôt pas bien.
• REM. On tend à remplacer clore soit par
fermer, soit par clôturer.
1. clos, e [klo, kloz] adj. (part. passé de
clore). 1. Hermétiquement fermé, ou dont
les ouvertures sont bien fermées : Les
maisons étaient éteintes, closes et comme
mortes (Vigny). Au rez-de-chaussée, les
volets de l’unique fenêtre sont clos comme
les paupières de quelqu’un qui se recueille
(Gide). ∥ Trouver (la) porte close, ne trouver
personne au lieu où l’on se présente : Trois
fois encore, il trouva la porte close (Balzac).
∥ Maison close, maison de prostitution.
∥ En vase clos, à l’abri de tout contact,
et, au fig., de toute influence extérieure :
La Diète reproduisait toutes les divisions
territoriales, politiques et religieuses de
l’Allemagne et les échauffait en vase clos
(Bainville). ∥ À huis clos, v. HUIS. ∥ Bouche
close, lèvres closes, en gardant le silence,
spécialement pour conserver un secret :
Sur ce point, bouche close, car nous allons
avoir à parler d’autre chose (Dumas père).
∥ Les yeux clos, les paupières fermées pour
s’abstraire de l’entourage : M. Thibault,
sans répondre, revint vers sa chaise et s’assit lourdement, les yeux clos (Martin du
Gard) ; au fig., sans regarder quoi que ce
soit, en toute confiance ou avec une aveugle
imprudence : Je vous suivrais les yeux clos.
∥ Lettre close, sous l’Ancien Régime, ordre
du roi contenu dans une lettre scellée de
son cachet ; au fig., chose incompréhensible : Sans dire quoi, car c’étaient lettres
closes (La Fontaine). ∥ 2. Enfermé (dans
quelques expressions, en parlant des personnes). ∥ Class. Clos et couvert, à l’abri :
Que, pour courir à nous n’étant plus assez
vert, | Il veut désormais se tenir clos et couvert (La Fontaine) ; au fig., en silence, sur
une prudente réserve : Le meilleur était que
je m’étais tenu parfaitement clos et couvert sur le mariage (Saint-Simon). [V. aussi
downloadModeText.vue.download 41 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
755
CLOS, n. m.] ∥ Class. Se tenir clos et coi, ne
pas bouger de chez soi, demeurer dans une
prudente expectative : Dans les visites qui
sont faites, | Le renard se dispense et se tient
clos et coi (La Fontaine). ∥ 3. Champ clos,
espace fermé de barrières, où se déroulait
un tournoi : Halte, je te défie à pied, sur
la pelouse, | Auprès de la Wisper à trois
milles d’ici, | À toute arme, en champ clos,
sans délai, sans merci (Hugo). [V. aussi
CHAMP.] ∥ 4. Fig. et littér. Se dit d’un visage
fermé, qui exprime une réserve hostile :
Relevant un visage clos et courroucé, elle
quitte la pièce à pas sonnants (Martin du
Gard). ∥ 5. Fig. Achevé, terminé définitivement : L’argent d’ici [...] est de l’argent
gagné. Les opérations dont il procède sont
closes (Romains). L’incident est clos. Un
exercice clos (en matière financière). ∥ À la
nuit close, quand la nuit est tout à fait tombée : Le poète, à la nuit close, | Ira prier à
deux genoux (Gautier). ∥ Vx. Pâques closes,
dimanche qui suit le dimanche de Pâques
et termine les fêtes pascales. [On l’appelle
aussi DIMANCHE DE QUASIMODO.]
2. clos [klo] n. m. (part. passé substantivé
de clore ; XIIe s.).
I. 1. Terrain cultivé, fermé de murs, de
haies ou de fossés : Sidi Tart’si, à califourchon sur sa mule, revenait tout seulet de
son petit clos (Daudet). ∥ 2. Spécialem.
Terrain planté de vigne : Le clos Vougeot.
Sans compter les clos de vigne, ni les deux
cents arpents de bois qui les joignaient
(Balzac).
II. Le clos et le couvert, en termes de
droit, la clôture et la couverture de l’habitation : Le propriétaire doit assurer le clos
et le couvert au locataire.
closeau [klozo] n. m. (de clos 2 ; XIIIe s.,
écrit closel ; closeau, 1690, Furetière). Petit
clos.
closerie [klozri] n. f. (de closier ; 1449,
Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse).
1. Petite ferme, entourée de murs ou de
haies : Une petite closerie qu’il possédait (R.
Bazin). ∥ 2. À Paris, au XIXe s., jardin où
se tenaient des bals et autres amusements
publics : La closerie des Lilas.
closier, ère [klozje, -ɛr] n. (de clos ; v.
1240, G. de Lorris). Dialect. En Anjou et
en Touraine, fermier, fermière qui exploite
une closerie : Des closiers labourent des
champs perpendiculaires (Balzac). Elle
n’habitait plus la maison des Gailleton,
mais à côté, chez leurs « closiers », chargés
de conduire le vignoble qui joignait le jardin
(Daudet).
clôture [klotyr] n. f. (réfection, d’après les
mots en -ture, de closure [XIIe s.], lat. clausura, fermeture, de claudere, clore ; XIIe s.,
Herman de Valenciennes, écrit closture,
au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet ; sens 3,
XVIe s. ; sens 4, 1474, Bartzsch). 1. Enceinte
qui ferme un terrain, entoure un édifice :
Regardant, sans entrer, pardessus les clôtures, | Ainsi qu’un paria, | Il erra tout
le jour (Hugo). ∥ 2. Spécialem. Enceinte
d’un monastère interdite aux personnes
étrangères à la communauté, et à l’intérieur de laquelle les religieux vivent cloîtrés : Une tiédeur inconnue l’enveloppait ;
il lui semblait qu’elle avait jusqu’alors vécu
cloîtrée, et que les limites de sa clôture, reculant soudain, lui découvraient un horizon
insoupçonné (Martin du Gard). ∥ 3. Loi
canonique interdisant ou limitant l’entrée
et la sortie de l’enceinte d’un monastère ;
obligations qui en résultent : Clôture
papale, épiscopale. Le grand point à gagner
dans la réforme du monastère, c’était la clôture ; une clôture exacte, absolue à l’égard
du monde et de la famille (Sainte-Beuve).
Une mondaine abbesse d’un de ces couvents
d’Italie dont la clôture n’était pas si stricte
que l’art n’y pût entrer (Gautier). ∥ 4. Fig.
Action de terminer, d’arrêter définitivement : Clôture d’un exercice. Clôture d’une
session. À la clôture des débats, l’ombre
emplissait la salle (France).
• SYN. : 2 cloître ; 4 achèvement, cessation,
conclusion, fin. — CONTR. : 4 commencement, début, ouverture.
clôturer [klotyre] v. tr. (de clôture ; 1787,
Féraud, au sens 2 ; sens 1, fin du XVIIIe s.).
1. Entourer d’une clôture : Clôturer un
jardin. ∥ 2. Fig. Mettre fin à ; terminer
définitivement : Clôturer un exercice.
Clôturer la saison théâtrale. La première
partie [du spectacle] fut clôturée par une
fort belle passe d’armes entre Jacques Rival
et le fameux professeur belge Lebègue
(Maupassant). ∥ Spécialem. Déclarer
clos ; prononcer la clôture de : On clôtura
la session.
• SYN. : 1 clore, enclore ; 2 achever, arrêter,
finir, terminer. — CONTR. : 2 amorcer, attaquer, commencer, engager, entamer, ouvrir.
clou [klu] n. m. (lat. clavus, clou ; 1080,
Chanson de Roland, au sens I, 1 ; sens I, 2,
1865 ; sens I, 3, 1823, sens I, 4, 1833, sens
I, 5, 1878, G. Esnault ; sens II, 1, v. 1265, J.
de Meung ; sens II, 2, fin du XIIe s., Livre
des Rois).
I. 1. Petite tige de métal pointue à une
extrémité, garnie d’une tête à l’autre,
servant à fixer, à suspendre, à consolider
ou à orner quelque chose : Chaussures à
clous. La porte charretière [...], bossuée
d’énormes têtes de clous (Daudet). Une
plaque de marbre fixée par quatre clous
à tête de bronze (Romains). ∥ Maigre
comme un clou, comme un cent de clous,
extrêmement maigre. ∥ Fig. River le clou,
river son clou à quelqu’un, le faire taire
par un argument sans réplique : Je me demande si, dans mon désir de river le clou à
notre cher Paul et de méduser mon avoué,
je ne t’ai pas attribué un titre inexact (Romains). ∥ Vx. Ne tenir ni à fer ni à clou, ni
à clou ni à cheville, être peu solide. ∥ Vx.
Compter les clous de la porte, attendre
longtemps. ∥ Un clou chasse l’autre,
une personne, une chose, une mode en
supplante une autre. ∥ Planter son clou
(comme pour suspendre ses affaires),
s’installer à demeure. ∥ Fam. Cela ne
vaut pas un clou, cela ne vaut rien. ∥ Pop.
Ne pas en foutre un clou, ne rien faire :
Un conducteur qui n’en fout pas un clou
(Fabre). ∥ Pop. Des clous !, pas du tout,
ou absolument rien, ou vous pouvez toujours attendre : Des clous que je vais me
déranger pour cet empaillé-là ! (Bourdet).
∥ 2. Pop. Machine ou instrument usagés,
en particulier bicyclette, véhicule hors
d’âge ou en mauvais état : Il roulait sur
un vieux clou et adjectiv. : J’ai décidé ma
mère à bazarder mon vélo qui est vraiment
trop clou (Martin du Gard). ∥ 3. Pop. Le
clou, le mont-de-piété, où l’on dépose des
objets en gage pour se procurer quelque
argent : Demander à Élysée, à ce grand
bohème qui connaissait tous les montsde-piété parisiens, s’il connaissait le clou !
(Daudet). ∥ Pop. Mettre au clou, mettre
en gage, et aussi mettre au rebut quelque
chose, renoncer à s’en servir : Elle avait
mis ses bijoux au clou (Capus). ∥ 4. Arg.
Prison, salle de police : À la fin de chacune
de ses phrases revenaient, ainsi qu’une
ritournelle obstinée, les mots de « clou »,
de « salle de police » et d’ « ours » (Huysmans). On m’a empoigné et v’lan, au clou
(Hermant). ∥ 5. Fig. Ce qui accroche le
regard, retient l’attention ; la principale
attraction, la partie la plus réussie d’un
spectacle, d’une manifestation : Le vrai
clou de l’Exposition, pour moi, c’était,
derrière ce décor, le wagon du Transsibérien (Morand).
II. 1. Clou de girofle, bouton à fleur du giroflier, employé comme épice. ∥ 2. Fam.
Nom usuel du furoncle : « Le pauvre petit
avait un clou à la nuque », remarqua-telle avec indulgence (Martin du Gard).
% clous n. m. pl. (sens 1, XXe s. ; sens 2,
1866, Larousse). 1. Fam. Passage clouté,
où les piétons doivent traverser la chaussée : Traverser aux clous, dans les clous.
∥ 2. Pop. Outils, instruments de travail,
dans certains métiers : Ramasser, reprendre
ses clous.
clouage [kluaʒ] ou clouement [klumɑ̃]
n. m. (de clouer ; 1611, Cotgrave, pour les
deux mots). Action, manière de clouer :
Au milieu de clouements, à grands coups
de marteau (Goncourt).
clouer [klue] v. tr. (de clou ; XIIe s., aux
sens 1-2 ; sens 3, 1835, Acad. ; sens 4, 1680,
Richelet ; sens 5, 1866, Larousse). 1. Fixer,
assembler avec des clous : Au sol, un tapis
cloué sur lequel sont jetées plusieurs carpettes d’Orient (Romains). ∥ Clouer son
pavillon, en termes de marine, fixer le
pavillon au mât avec des clous, pour montrer qu’on ne se rendra pas. ∥ 2. Spécialem.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
756
Fermer quelque chose en assujettissant les
différentes parties avec des clous : Il alla
chez Rondonneau jeune et le trouva dans
l’arrière-boutique qui clouait une caisse
(France). ∥ Par extens. Enfermer quelqu’un
dans un coffre clos au moyen de clous :
Dans la sacristie, on clouait le mort en son
cercueil (Flaubert). ∥ 3. Fixer, immobiliser
comme avec un clou : Enjolras resta adossé
au mur comme si les balles l’y eussent cloué
(Hugo). ∥ 4. Fig. Réduire à l’immobilité ;
retenir à la même place : Elle vit le baron
cloué sur place par l’admiration (Balzac).
Depuis que cette rechute terrible de sa maladie de poitrine [...] le tenait cloué dans son
lit (Daudet). Il revit son père cloué dans son
fauteuil, et sa lèvre épaisse mouillée de lait
(Martin du Gard). ∥ Clouer les regards,
regarder ou faire regarder fixement : Le
riche Voltaire se plaît à clouer nos regards
sur la vue des malheurs inévitables de la
pauvre nature humaine (Stendhal). ∥ 5. Fig.
et fam. Clouer le bec à quelqu’un, le réduire
au silence : Des acclamations avaient
accueilli la première salve. Enfin on allait
donc leur clouer le bec aux canons puissants
(Zola). Il ergote volontiers, ne cherchant du
reste pas à convaincre l’adversaire, mais à
lui clouer le bec et à avoir le dernier mot
(Gide). Eh bien ! tante Coralie leur tenait
tête et leur clouait le bec ; mais sans jamais,
jamais passer les bornes (Duhamel).
• SYN. : 4 immobiliser, river.
cloueur, euse [kluoer, -øz] n. (de clouer ;
1611, Cotgrave, au sens général de « celui
qui cloue »). Ouvrier, ouvrière de la peausserie chargés de clouer les peaux sur une
planche, pour leur donner leur forme
définitive.
% cloueuse n. f. (XXe s.). Machine automatique à clouer les caisses.
cloutage [klutaʒ] n. m. (de clouter ; fin
du XIXe s.). Action de clouter ; ensemble
de clous disposés d’une certaine façon :
Un cloutage des mêmes pierres encerclait la
taille bohémienne (Daudet). ∥ Cloutage à
glace, clous en forme de crampons, que l’on
intercale entre les autres clous pour empêcher les chevaux de glisser sur le verglas.
clouté, e [klute] adj. (part. passé de
clouter).) Garni de clous : Les femmes [...]
flairaient, tâtaient les lainages, soupesaient
les brodequins cloutés (Martin du Gard).
∥ Passage clouté, Passage limité par une
double rangée de clous à large tête, disposé en travers de la chaussée et destiné
aux piétons.
clouter [klute] v. tr. (de clou, avec un
-t-dû à l’influence de cloutier ; 1547, Du
Fail). Garnir de clous, pour protéger ou
pour orner : Clouter des souliers. Clouter
un coffret ; et au fig. : Le ciel bleu de roi,
tout clouté d’étoiles (Vercel).
•REM. Clouter est usité surtout au participe passé, à l’infinitif, aux temps
composés.
clouterie [klutri] n. f. (de cloutier ; début
du XIIIe s., écrit claueterie ; clouterie, XVe s.).
1. Fabrique de clous ∥ 2. Fabrication industrielle, commerce des clous.
cloutier [klutje] n. m. (de clouet [XIIIe s.],
dimin. de clou ; XIIIe s., Godefroy, écrit
d’abord clouetier, puis clotier, cloutier, sous
l’influence de clou). Celui qui fabrique ou
vend des clous.
cloutière [klutjɛr] n. f. (de clou ; 1676,
Félibien, au sens 1 ; sens 2, 1771, Trévoux).
1. Pièce de fer percée de trous, dont on se
sert pour former à la main les têtes de clous,
de vis : Il posait les bouts dans une cloutière,
écrasant le fer qui formait la tête (Zola). [En
ce sens, on dit aussi CLOUÈRE, CLOUIÈRE,
CLOUTÈRE ou CLOUVIÈRE.] ∥ 2. Boîte à
compartiments, où l’on répartit les clous
selon leur grosseur.
clovisse [klɔvis] n. f. (provenç. clauvisso,
altér. de clausisso [de claus, clos], proprem.
« [coquillage] qui se ferme [quand on le
touche] » ; 1611, Cotgrave, écrit clouïsse ;
clovisse, 1866, Larousse). Nom donné,
dans les régions méditerranéennes, à un
mollusque lamellibranche, coquillage
comestible de la famille des vénéridés : Des
vendeuses de moules et de clovisses, accroupies et piaillant à côté de leurs coquillages
(Daudet). [Autre nom : PALOURDE.]
• REM. On trouve aussi la graphie CLAUVISSE : Oui, Messieurs, le chef de la grande
maison de banque « Hemerlingue et fils »
n’avait pas, en ce temps-là, de quoi seulement se payer deux sous de clauvisses, sur
le quai (Daudet).
clown [klun] n. m. (mot angl. signif.
proprem. « rustre » ; 1823, Arcieu, au sens
1 ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3, 1866,
Larousse). 1. Personnage bouffon des farces
anglaises. ∥ 2. Au cirque, artiste chargé
de divertir les spectateurs, primitivement
par des acrobaties, puis par des facéties,
des sketches comiques : Clown admirable
en vérité [...]. Il était barbouillé de blanc,
de jaune, de vert et de rouge (Banville).
∥ 3. Fig. Personnage qui rappelle un clown
par son comportement, ses propos ridicules : N’as-tu pas fini de faire le clown ?
• SYN. : 2 auguste, bouffon, gugusse (fam.),
paillasse ; 3 guignol, pitre, singe (fam.),
zouave (fam.).
clownerie [klunri] n. f. (de clown ;
1866, Larousse, au sens de « profession
de clown » ; sens 1, 1873, Banville ; sens
2, fin du XIXe s.). 1. Tour, farce, plaisanterie de clown : Les mêmes clowneries et les
mêmes sauts à travers les ronds de papier
(Banville). Les clowneries des pitres semblaient fades à côté des leurs (Huysmans).
∥ 2. Fig. Acrobatie, contorsion, tour digne
d’un clown : Ne jamais avoir recours à
des supercheries, même heureuses, à des
clowneries de langage pour éviter la difficulté (Maupassant).
• SYN. : 2 bouffonnerie, facétie, pitrerie,
singerie (fam.).
clownesque [klunɛsk] adj. (de clown ;
1905, Bonnafé). 1. Propre au clown : La
bouche clownesque ensorcelle comme un
singulier géranium (Laforgue). ∥ 2. Digne
d’un clown, grotesque : Sa coiffure semblait
une houppe clownesque (Margueritte).
clownesse [klunɛs] n. f. (de clown ;
1884, Huysmans). 1. Femme clown (peu
usité) : Une clownesse enfarinée, perchiste
et spécialiste du saut périlleux (Goncourt).
∥ 2. Femme ridiculement grimée ou accoutrée : Cette clownesse doit aimer, par tendance, une créature faible (Huysmans).
cloyère [klwajɛr ou klɔjɛr] n. f. (de claie ;
1771, Trévoux). 1. Panier pour expédier le
poisson ou les huîtres. ∥ 2. Contenu de ce
panier (vingt-cinq douzaines) : La cloyère
d’huîtres qu’elle nous envoyait (Labiche).
∥ 3. Par extens. Panier : Nous avons dans la
rue marchande un gros cabinet de lecture où
il nous vient des cloyères de livres (Musset).
• SYN. : 1 et 2 bourriche.
1. club [kloeb] n. m. (mot angl. ; sens 1,
début du XVIIIe s. ; sens 2, 1702, Brunot ;
sens 3, 1774, Gohin ; sens 4, 1953, Robert).
1. Au XVIIIe s., société où l’on discutait de
problèmes philosophiques ou politiques,
des affaires publiques : Le Club de l’Entresol. Le Club des Jacobins. Les hameaux et les
bourgades gémissaient sous la tyrannie des
clubs affiliés au club central des Cordeliers,
depuis réuni aux Jacobins (Chateaubriand).
Les clubs qui s’étaient formés pour soutenir
les principes de notre Révolution furent en
grande partie dissous (Michelet). Les mouvements populaires, les clubs et les solennités de 1848 avaient également fourni à M.
G. une série de compositions pittoresques
(Baudelaire). ∥ 2. Cercle aristocratique où
l’on se réunit pour lire, causer, jouer : Votre
seigneur et maître | À son club est allé tailler
le baccara (Murger). La vie des clubs et des
cercles l’absorba tout entier (Baudelaire).
C’était une sorte de club, comprenant des
membres de l’Institut et des candidats choisis (Duhamel). ∥ 3. Association réunissant des personnes ayant un même but,
des intérêts communs : Club d’étudiants.
∥ Spécialem. Association sportive, ou
association à buts touristiques : Jacques
Peyrony, quinze ans, capitaine d’une équipe
« junior » de football dans un grand club de
Paris (Montherlant). Club alpin. TouringClub. ∥ 4. Fauteuil club, ou simplem. club,
large et profond fauteuil de cuir.
• SYN. : 3 groupe, groupement, société.
2. club [kloeb] n. m. (mot angl. signif.
« massue » ; 15 sept. 1882, la Vie élégante).
Au golf, instrument en forme de crosse
dont la tête est en bois ou en fer, et qui sert à
lancer la balle : Ses épaules, que j’avais vues
baissées et sournoises quand elle rapportait
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
757
les clubs de golf, s’appuyaient à mes livres
(Proust).
clubiste [kloebist] n. m. (de club 1 ; 1784,
Journ. de Paris, au sens 1 ; sens 2, 1863,
Littré ; sens 3, fin du XIXe s.). 1. Celui qui
fréquentait un club politique, spéciale-
ment sous la Révolution : Journaliste et
clubiste, sans cesse haletant, il [Camille
Desmoulins] se vantait d’avoir toujours eu
six mois d’avance sur l’opinion publique
(Sainte-Beuve). ∥ 2. Vx. Membre d’un club,
d’un cercle. ∥ 3. Membre d’une association
sportive : Deux grands clubistes allemands
se présentèrent (Frison-Roche).
clubman [kloebman] n. m. (mot angl. ;
1862, E. Texier). Vx. Membre d’un club,
d’un cercle aristocratique : Les élèves [...]
courent au boulevard Magenta, rempli de
coupés et de victorias d’où descendent des
clubmen, l’oeillet blanc à la boutonnière
(Morand).
• Pl. des CLUBMEN [mɛn].
clupéidés [klypeide] n. m. pl. (du lat.
clupea, alose ; milieu du XIXe s.). Famille
de poissons de mer ou d’eau douce, comprenant les harengs, les sardines, les aloses.
cluse [klyz] n. f. (mot jurassien, du lat.
clusa, autre forme de clausa, endroit fermé,
de claudere, clore ; 1562, Du Pinet ; rare
jusqu’au XIXe s.). Vallée encaissée, entaillée par une rivière transversalement à une
chaîne de montagnes : Lisée, ce jour-là,
comme les jours précédents, gravissait la
cluse étroite (Pergaud). ∥ Cluse morte, celle
qui n’est plus parcourue par une rivière.
clysoir [klizwar] n. m. (du gr. kluzein,
laver [v. CLYSTÈRE] ; 1835, Acad.). Vx.
Tuyau terminé par une canule, servant à
prendre des lavements : Un pauvre bougre,
qui ribotte avec de la tisane et bamboche
avec le clysoir (Flaubert).
clysopompe [klizɔpɔ̃p] n. m. (de clyso-,
élément tiré du gr. kluzein, laver, et de
pompe ; 1836, Landais). Vx. Instrument
pour administrer des clystères : Enfin, ces
employés des postes ne jouèrent plus qu’en
sourdine : on aurait dit une harmonie de
clysopompes (Montherlant).
clystère [klistɛr] n. m. (lat. clyster, gr.
klustêr, de kluzein, laver ; 1256, Ald. de
Sienne). Vx. Lavement, injection de liquide
par le fondement : Ils traitaient eux-mêmes
les animaux, leur administraient des purgations, des clystères (Flaubert).
cnémide [knemid] n. f. (gr. knêmis, -idos,
jambière, de knêmê, jambe ; 1788, Encycl.
méthodique). Jambière de bronze, doublée
de cuir, des soldats de la Grèce ancienne :
Des pieds qui n’avaient plus de chair sortaient des cnémides (Flaubert).
co- [kɔ], col- [kɔl], com- [kɔm], con[kɔ̃], cor- [kɔr], formes du même élément (tiré du lat. co, var. de cum, avec),
employées comme préfixes, dès le latin,
dans de nombreux mots exprimant la réunion : coalition ; l’adjonction : coauteur
d’un crime ; la simultanéité : coéternel.
• REM. On rencontre co- devant une
voyelle : coaccusé, coefficient, coopérer,
ainsi que devant des consonnes dans
certains mots de formation récente : copilote, coproduction. Quand le deuxième
élément commence par i, cet i prend un
tréma en composition : coïncidence, coïnculpé. On trouve col- devant un radical
commençant par l : collaborer ; comdevant un radical commençant par b,
m, p : combattre, commettre, comparer ;
cor- devant un radical commençant par
r : correspondre ; con- devant les autres
consonnes : concourir, condamner.
coaccusation [kɔakyzasjɔ̃] n. f. (de coet de accusation ; 1866, Larousse). État de
personnes coaccusées.
coaccusé, e [kɔakyze] n. et adj. (de co- et
de accusé ; 1771, Trévoux). Chacune des
personnes accusées d’avoir participé avec
d’autres à un même crime ou délit.
coach [kotʃ] n. m. (mot angl. signif. « carrosse » ; 1948, Larousse [fin du XIXe s., au
sens de « diligence anglaise »]). Carrosserie
automobile fermée, à deux portes et à
quatre glaces, et dans laquelle les sièges
avant se rabattent pour donner accès aux
places arrière.
coacquéreur [kɔakeroer] n. m. (de co- et
de acquéreur ; XVIe s., Godefroy). Personne
qui acquiert un bien en commun avec
d’autres.
coacquisition [kɔakizisjɔ̃] n. f. (de co- et
de acquisition ; XVIe s., Coutumier général).
Acquisition faite en commun.
coadjuteur [kɔadʒytoer] n. m. (bas lat.
coadjutor, de co- et de adjutor, aide ; v.
1265, J. de Meung). 1. Ecclésiastique désigné pour aider un évêque, un archevêque
à exercer ses fonctions, avec ou sans droit
à sa succession : Cette crainte qu’on ne lui
donnât un coadjuteur empoisonnait la
vieillesse de Mgr Charlot (France). ∥ 2. Un
des grades de l’ordre des Jésuites : L’ordre
des Jésuites était divisé en trois degrés :
écoliers approuvés, coadjuteurs formés et
profès (Chateaubriand).
% adj. m. Père coadjuteur, frère coadjuteur,
religieux adjoints à un supérieur, dans certaines congrégations.
coadjutrice [kɔadʒytris] n. f. (fém. de
coadjuteur ; 1690, Furetière). Religieuse
adjointe à une abbesse et désignée pour
lui succéder.
coadministrateur [kɔadministratoer]
n. m. (de co- et de administrateur ; 1866,
Larousse). Celui qui administre avec un
ou plusieurs autres.
coagulabilité [kɔagylabilite] n. f. (de
coagulable ; 1866, Larousse). Propriété de
se coaguler : Coagulabilité du sang.
coagulable [kɔagylabl] adj. (de coaguler ;
av. 1594, Dariot). Qui peut se coaguler :
L’albumine est coagulable.
coagulant, e [kɔagylɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de coaguler ; 1827, Acad.). Qui a la
propriété de coaguler : La présure est une
substance coagulante.
% coagulant n. m. (1845, Bescherelle).
Substance capable d’en coaguler d’autres :
Le tanin est un coagulant de la gélatine.
coagulateur, trice [kɔagylatoer, -tris]
adj. (de coaguler ; 1866, Larousse). Qui produit la coagulation : L’effet coagulateur de
l’alcool.
coagulation [kɔagylasjɔ̃] n. f. (de coaguler ; fin du XIVe s., Somme Me Gautier).
Phénomène par lequel les particules solides
en suspension dans un liquide organique
(sang, lymphe, lait) se prennent en une
masse solide : Avant toute opération chirurgicale, on détermine le temps de coagulation
du sang du patient.
coaguler [kɔagyle] v. tr. (lat. coagulare ;
XIIIe s., Godefroy). Précipiter en une masse
solide les particules en suspension dans un
liquide organique : La chaleur coagule les
solutions d’albumine.
• SYN. : cailler, figer.
% v. intr. ou se coaguler v. pr. En parlant
d’un liquide organique, former un caillot,
se prendre en une masse solide, ou coagulum : Le sang coagule, se coagule plus ou
moins vite.
• SYN. : se cailler, se figer ou figer, prendre.
coagulum [kɔagylɔm] n. m. (mot
lat. signif. « présure, lait caillé » ; 1743,
Brunot [aux XVIe et XVIIe s., on utilisait la
forme francisée coagule : v. Godefroy et
Delboulle]). Masse de substance coagulée.
• SYN. : caillot.
coalisé, e [kɔalize] adj. et n. (part. passé
de [se] coaliser ; 1784, Courrier de l’Europe).
Se dit d’une personne, d’un État qui unit
ses forces à d’autres contre un adversaire
commun : Les Coalisés envahirent la France
en 1814.
coaliser [kɔalize] v. tr. (de coalition ; 1791,
Journ. de Paris). Unir les forces de plusieurs
personnes, de plusieurs peuples contre un
autre : L’Angleterre coalisa les peuples de
l’Europe contre Napoléon.
• SYN. : grouper, liguer, rassembler, réunir.
% se coaliser v. pr. 1. En parlant d’États,
former une coalition contre un adversaire
commun : Des forces nombreuses étaient
toujours prêtes à se coaliser pour empêcher qu’il n’y eût une Allemagne unie et
puissante sous un seul sceptre (Bainville).
∥ 2. Vx. En parlant de personnes (travailleurs, producteurs, etc.), s’unir en vue d’une
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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lutte commune : Les ouvriers se coalisent
pour obtenir une augmentation de salaire
(Blanqui). ∥ 3. Fig. et vx. Unir ses efforts
pour oeuvrer en commun : Mille cerveaux
auront beau se coaliser, ils ne composeront
jamais le chef-d’oeuvre qui sort de la tête
d’un Homère (Chateaubriand).
• SYN. : 1 s’allier, se liguer ; 2 s’accorder, se
concerter, s’entendre ; 3 s’assembler, se grouper, se rassembler, se réunir. — CONTR. : 1
se battre, combattre, rompre ; 2 s’opposer,
se séparer ; 3 rivaliser.
coaliseur, euse [kɔalizoer, -øz] adj. (de
coaliser ; XXe s.). Qui tend à grouper des
individus en vue d’un effort commun
(peu usité) : L’instinct coaliseur des êtres
de même espèce, de même faiblesse (Frapié).
coalition [kɔalisjɔ̃] n. f. (du part. passé
coalitus du v. lat. coalescere, s’unir ; 1544,
M. Mathée, au sens théol. de « réunion » ;
repris de l’angl. coalition [de même origine], aux sens actuels, 1718, Mackenzie).
1. Association militaire et politique de
peuples, d’États, contre un adversaire commun : Ce furent eux qui sauvèrent la colonie
au berceau [...] en prévenant des coalitions
générales d’Indiens (Chateaubriand).
Presque toutes les coalitions ont eu pour
objet l’iniquité et la guerre (Guizot).
∥ 2. Entente entre personnes (ouvriers,
patrons, commerçants, industriels) pour
modifier à leur profit des conditions économiques : La loi Le Chapelier (1791) réprimait les coalitions. ∥ 3. Entente entre partis
politiques pour une action commune,
sur un programme commun : Coalition
électorale. ∥ Gouvernement de coalition,
gouvernement par plusieurs groupes parlementaires. ∥ 4. Ensemble des forces unies
contre un adversaire commun : Pour former la coalition dont il aspirait à devenir
le chef, Démétrius était obligé à de grands
ménagements à l’égard du roi de Pologne
et du pape (Mérimée). ∥ 5. Fig. et littér.
Association intellectuelle, morale : Une
coalition monstrueuse entre l’intrigue et
la probité (Mirabeau).
• SYN. : 1 alliance, entente, ligue ; 2 association, collusion, confédération. — CONTR. :
1 conflit, hostilité ; 2 discorde, dissension.
coaltar [koltar] n. m. (mot angl., de coal,
charbon, et tar, goudron ; début du XIXe s.,
d’après Larousse, 1866). Anc. appellation du
goudron de houille employé pour prévenir
la pourriture du bois.
coaltarer [koltare] v. tr. (de coaltar ;
1866, Larousse). Vx. Enduire, imprégner
de coaltar : Coaltarer un bateau.
coassant, e [kɔasɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de coasser ; 1863, Littré). Qui coasse (au pr.
et au fig.) : Une foule coassante se dispute
les trottoirs étroits (Duhamel).
coassement [kɔasmɑ̃] n. m. (de coasser ;
1600, O. de Serres, écrit coaxement [coassement, 1677, Miege], au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Cri de la grenouille, du crapaud : Nos
chevaux qu’effrayait le coassement d’une
multitude de grenouilles... (Chateaubriand).
∥ 2. Fig. et péjor. Propos défavorables tenus
contre quelqu’un : Je suis, Dieu merci, audessus des coassements de l’autre parti
(Martin du Gard).
coasser [kɔase] v. intr. (lat. coaxare,
de l’onomatop. grecque koax ; milieu du
XVIe s., Ronsard, au sens 1 ; sens 2, av. 1720,
Chaulieu). 1. Crier, en parlant de la grenouille, du crapaud : Vers neuf heures, une
rainette coassa (Bosco). ∥ 2. Fig. et péjor.
Tenir des propos malveillants : Laissons
coasser les envieux.
• SYN. : 2 cancaner (fam.), clabauder, commérer (fam.), criailler, jaser.
coassocié, e [kɔasɔsje] n. (de co- et
de associé ; 1596, Basmaison). Personne
associée à une ou plusieurs autres : Si M.
Haffner devient votre coassocié, nos profits
seront compromis (Zola).
coassurance [kɔasyrɑ̃s] n. f. (de co- et de
assurance ; 30 août 1876, Journ. des débats).
Assurance simultanée d’un même risque
par plusieurs assureurs, dans la limite de
valeur du bien garanti.
coati [kɔati] n. m. (mot tupi-guarani,
empr. par l’intermédiaire du portug. ;
1558, Lokotsch). Mammifère carnassier,
à museau allongé, à longue queue, vivant
dans les forêts des deux Amériques.
coauteur [kɔotoer] n. m. (de co- et de
auteur ; 1863, Littré). 1. Auteur qui collabore ou a collaboré avec un ou plusieurs
autres à une même oeuvre littéraire ou
artistique : Erckmann et Chatrian sont
les coauteurs de « l’Ami Fritz ». ∥ 2. En
droit pénal, celui qui a commis un délit,
un crime, en participation directe et principale avec un ou plusieurs autres.
coaxial, e, aux [kɔaksjal, -o] adj. (de
co- et de axial ; 1953, Larousse). 1. Qui a
le même axe qu’une autre pièce, un autre
élément : Cylindres coaxiaux. ∥ 2. Hélices
coaxiales, hélices montées sur des arbres
concentriques.
cob [kɔb] n. m. (mot angl. ; 2 avr. 1880, le
Figaro). Cheval de taille moyenne, à l’encolure épaisse et courte.
cobalt [kɔbalt] n. m. (allem. Kobalt, var.
de Kobold, lutin [évolution sémantique
semblable à celle de nickel] ; 1549, Belon
[cité par Gobet, 1779], au sens 1 ; sens 2,
av. 1850, Balzac). 1. Métal blanc, voisin
du fer et du nickel, employé surtout en
alliage et pour la préparation de certains
colorants. ∥ Bombe au cobalt, générateur
de rayons γ thérapeutiques, émis par une
charge de radiocobalt. ∥ 2. Couleur bleue
de certains composés du cobalt : L’ardent
cobalt de l’éther (Balzac).
cobaye [kɔbaj] n. m. (lat. zool. cobaya,
du tupi-guarani sabúja, par l’intermédiaire
du portug. ; 1775, Valmont de Bomare,
écrit cobaya [cobaye, 1820, Laveaux], au
sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Petit mammifère rongeur, originaire de l’Amérique
du Sud, élevé surtout comme animal de
laboratoire, et appelé couramment cochon
d’Inde : Ses yeux, comme ceux des cobayes,
avaient des prunelles de rubis (France).
Les cobayes remuent dans leur cage et me
considèrent avec leur petit oeil vif et intelligent (Duhamel). ∥ 2. Fig. et fam. Sujet
d’expérience.
cobéa [kɔbea] n. m. ou cobée [kɔbe] n.
f. (lat. des botanistes cobaea, n. donné à la
plante en l’honneur du missionnaire espagnol Juan Cobo ; 1801, Encycl. méthodique).
Plante grimpante, originaire du Mexique, à
grandes fleurs bleues en cloche : Ma petite
croisée festonnée de lierre et de cobées à
cloche d’iris (Chateaubriand).
cobelligérant, e [kɔbɛliʒerɑ̃, -ɑ̃t] adj.
et n. (de co- et de belligérant ; milieu du
XXe s.). Se dit d’une nation, d’un État qui
participe aux côtés d’autres à une guerre
contre un adversaire commun : L’Italie fut,
en 1943, considérée par les Alliés comme
cobelligérante.
cobra [kɔbra] n. m. (ellipse de cobra capel
[1587, Brunot], du portug. cobra capelo
[lat. pop. *colobra, couleuvre, et *capellus, coiffe, de cappa, capuchon], proprem.
« couleuvre-chapeau », à cause de la peau
en forme de capuchon que l’animal a sur la
tête ; 1866, Larousse). Serpent venimeux du
genre naja, qui peut dépasser 4 m de long,
et dont une espèce de l’Inde est appelée
serpent à lunettes.
coca [kɔka] n. m. (mot esp., empr. de
l’aymara, langue de l’est de l’Argentine ;
1569, Fumée). Arbuste des Andes, dont les
feuilles ont des propriétés stimulantes et
renferment un alcaloïde, la cocaïne.
• REM. L’arbuste est aussi connu sous le
nom de COCAÏER (1907, Larousse).
% n. f. (milieu du XIXe s.). Substance extraite
des feuilles du coca : Il serait oiseux de parler des excitants vulgaires tels que l’absinthe,
le thé, le café, le vin de quinquina ou même
la coca, ou erythroxylon, cette singulière
plante dont les feuilles mâchées augmentent l’énergie en diminuant le sommeil et
en supprimant l’appétit (Baudelaire).
cocagne [kɔkaɲ] n. f. (mot méridional,
d’origine obscure ; début du XIIIe s., Aymeri
de Narbonne, écrit quoquaigne). 1. Class.
Réjouissance : Je vois des cocagnes pour
un peuple immense, des feux d’artifice
(Voltaire). ∥ 2. Auj., ne s’emploie plus
que dans quelques expressions. ∥ Pays de
cocagne, pays merveilleux où l’on a tout à
volonté, où la vie est facile : Un vrai pays
de cocagne, où tout est beau, riche, tranquille, honnête ; où le luxe a plaisir à se
mirer dans l’ordre ; où la vie est grasse et
douce à respirer ; d’où le désordre, la turbudownloadModeText.vue.download 45 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
759
lence et l’imprévu sont exclus (Baudelaire).
Alger, ville de cocagne pour les spahis (Loti).
∥ Vie de cocagne, celle où l’on goûte toutes
sortes de plaisirs : Denis organisait une
vie de cocagne. Son travail serait d’aller
à l’affût des grives, de tendre des nasses
(Mauriac). ∥ Mât de cocagne, dans les
fêtes publiques, mât glissant, au sommet
duquel sont suspendus divers objets, qu’il
faut aller décrocher.
• SYN. : 2 eldorado.
cocaïer n. m. V. COCA.
cocaïne [kɔkain] n. f. (de coca ; 1856,
Lachâtre). Alcaloïde extrait des feuilles de
coca, utilisé comme anesthésique local, et
dont l’usage prolongé aboutit à une toxicomanie grave.
• SYN. : coco (fam.).
cocaïnisation [kɔkainizasjɔ̃] n. f. (de
cocaïne ; 1907, Larousse). Anesthésie par
la cocaïne.
cocaïnisme [kɔkainism] ou cocaïsme
[kɔkaism] n. m. (de cocaïne ; 1907,
Larousse). État morbide résultant de l’abus
de la coca ou de son alcaloïde, la cocaïne.
cocaïnomane [kɔkainɔman] n. (de
cocaïnomanie ; 1922, Larousse). Personne
atteinte de cocaïnomanie : Nous autres,
domestiques, c’est rare si nous ne servons
pas chez des cocaïnomanes des morphines
ou des absinthes (L. Daudet). Nombre de
fumeurs d’opium et de cocaïnomanes à
Zurich (Gide).
cocaïnomanie [kɔkainɔmani] n. f. (de
cocaïno-, élément tiré de cocaïne, et de
manie ; 1888, Larousse). Abus de la cocaïne,
qui aboutit à l’intoxication.
cocarde [kɔkard] n. f. (de l’anc. franç.
coquart, vaniteux, coq, dér. de coq ; 1532,
Rabelais, dans bonnet à la cocarde, bonnet
orné d’une patte découpée en crête de coq ;
cocarde, 1732, Trévoux, au sens 1 ; sens 2,
début du XIXe s., Chateaubriand ; sens 3,
XXe s. ; sens 4, 1835, Acad. ; sens 5, 1866,
Larousse). 1. Insigne circulaire en étoffe,
aux couleurs d’une nation, d’un parti,
que l’on portait autrefois fixé à la coiffure, et qui, primitivement, était réservé
aux militaires : Il [...] fixa avec l’épine le
bord retroussé et la cocarde à la forme
du chapeau (Hugo). ∥ Cocarde tricolore,
sous la Révolution et au début du XIXe s.,
emblème des républicains : Il sortit dans
la rue avec une énorme cocarde tricolore
(Renan). ∥ Cocarde blanche, emblème
des royalistes légitimistes, partisans des
Bourbons : Il ôta son chapeau [...], tira de
sa poche une cocarde blanche (Hugo). ∥ Vx.
Prendre la cocarde, se faire soldat. ∥ 2. Par
extens. Nation, parti : Enfin, par la guerre
d’Espagne, j’avais contribué à étouffer les
conspirations, à réunir les opinions sous
la même cocarde et à rendre à notre canon
sa portée (Chateaubriand). ∥ Vx. Changer
de cocarde, changer de parti, d’opinion.
∥ 3. Cercles concentriques aux couleurs
nationales, peints sur le fuselage et les ailes
des avions militaires. ∥ 4. Vx. Rosace de
ruban, de perles ou de plumes, posée sur un
chapeau, un vêtement de femme. ∥ Dans
certaines courses de taureaux, rosace que
porte la bête et qu’il s’agit de lui arracher :
Il arracha la cocarde au taureau et la porta
à Carmen qui s’en coiffa sur-le-champ
(Mérimée). ∥ 5. Pop. Tête : Ce vin lui a tapé
sur la cocarde. ∥ Vx. Avoir sa cocarde, être
ivre. ∥ Vx. Une cocarde, une saoulerie : On
était bien venu de lui reprocher une cocarde
de temps à autre (Zola).
cocardeau [kɔkardo] n. m. (de l’anc.
franç. coquard, coq, par comparaison de
la couleur rouge de la fleur avec celle de la
crête du coq ; XVe s., Godefroy, puis 1832,
Raymond). Nom donné à une variété de
giroflée.
cocarder (se) [səkɔkarde] v. pr. (de
[avoir sa] cocarde ; 1870, Poulot). Pop. et
vx. S’enivrer : On était gai, il ne fallait pas
maintenant se cocarder cochonnément si
l’on voulait respecter les dames (Zola).
cocardier, ère [kɔkardje, -ɛr] adj. (de
cocarde ; 1858, Larchey, au sens 2 ; sens 1,
1866, Larousse ; sens 3, 1907, Larousse).
1. Qui porte la cocarde : En provence, nos
taureaux cocardiers reconnaissent très
bien les hommes avec qui ils ont eu particulièrement maille à partir (Montherlant).
∥ 2. Péjor. Se dit des personnes qui aiment
l’uniforme, le panache, qui font preuve
d’un patriotisme étroit et excessif : S’il
passait pour un dreyfusard enragé aux
yeux de beaucoup, mon camarade le trouva
tiède, infecté de nationalisme, et cocardier
(Proust). Par-dessus le marché, je suis
cocardier. Je crois à la tradition militaire
de la France (Romains). ∥ 3. Péjor. Se dit
des actes, des sentiments inspirés par cette
tendance : On doit remettre la croix d’honneur à quelques braves. Ton côté cocardier
est-il content ? (Bourget). En temps de
paix — nous l’avons vu en France —, on
trouve, à la rigueur, une majorité pour élire
au gouvernement l’homme d’une politique
cocardière : il y a toujours des imprudents
pour jouer avec le feu (Martin du Gard).
• SYN. : 2 et 3 chauvin, patriotard (fam.).
cocasse [kɔkas] adj. (var. de l’anc. adj.
coquard, vantard, prétentieux, dér. de coq ;
1739, Caylus). Qui fait rire par son étrangeté, sa bizarrerie : Non, je préfère ne pas
parler de Coltard, c’est une des figures les
plus cocasses de ma vie (Duhamel). Je tombe
sur une place sans lumière et devant une
espèce de véhicule cocasse, un métis avorté
d’omnibus et de tramway (Romains).
• SYN. : bouffon, burlesque, comique, drôle,
impayable (fam.).
cocasserie [kɔkasri] n. f. (de cocasse ;
1837, Balzac). 1. Caractère de ce qui est
cocasse : Quand la lettre était remarquable
par son extrême cocasserie, il arrivait que
Joseph la montrât à sa femme (Duhamel).
∥ 2. Chose cocasse : Lorie [...] s’amusait [...]
des cocasseries du vaudeville à surprises
(Daudet).
• SYN. : 1 drôlerie.
cocassier n. m. V. COQUASSIER.
coccidés [kɔkside] n. m. pl. (du gr.
kokkos, cochenille, et eidos, apparence ;
1878, Larousse). Famille d’insectes comprenant les cochenilles et les formes voisines.
coccidies [kɔksidi] n. f. pl. (du gr. kokkos,
grain, et eidos, apparence, à cause de la
forme de ces microbes ; 1898, Larousse).
Genre de protozoaires, comprenant de
nombreuses espèces, parasites du foie, de
l’intestin, des reins.
coccidiose [kɔksidjoz] n. f. (de coccidie ;
début du XXe s.). Affection provoquée par
les coccidies : Coccidiose du lapin.
coccinelle [kɔksinɛl] n. f. (lat. des naturalistes coccinella, de l’adj. coccinus, écarlate [de coccum, gr. kokkos, cochenille], à
cause de la couleur des élytres de l’insecte ;
1754, La Chesnaye des Bois). Insecte coléoptère, appelé aussi bête à bon Dieu, dont les
élytres orangés ou rouges sont parsemés de
points noirs : Une coccinelle cheminait sur
la manche de sa redingote (France).
coccobacille [kɔkobasil] n. m. (du gr.
kokkos, graine, et de bacille ; XXe s.). Petit
bacille de forme ovale.
coccygien, enne [kɔksiʒjɛ̃, -ɛn] adj. (de
coccyx ; 1753, Encyclopédie). Qui appartient
au coccyx : Vertèbres coccygiennes.
coccyx [kɔksis] n. m. (gr. kokkux, coucou,
par comparaison de la forme de l’os avec le
bec de cet oiseau ; 1541, J. Canappe). Pièce
osseuse formée par la soudure des vertèbres
terminales, réduites, de la colonne vertébrale : Un appendice caudal qui semblait
n’être d’abord qu’un prolongement du coccyx (Nerval).
1. coche [kɔʃ] n. m. (bas lat. caudica,
sorte de canot ; v. 1283, Beaumanoir
[fém. jusqu’au XVIe s.] ; coche d’eau, 1669,
Widerhold). Coche d’eau, chaland tiré par
des chevaux, qui transportait des voyageurs et des marchandises : La Saône, voilée de brumes légères, effaçait lentement le
sillage du coche d’eau qui venait de passer
(France).
2. coche [kɔʃ] n. m. (allem. Kutsche,
d’origine hongroise ou tchèque ; 1545,
Charrière). Grande voiture qui faisait le
service des voyageurs : Bon gentilhomme
[...], présentant le coude aux dames pour
descendre de coche (Gautier). ∥ Fig.
Manquer, rater (fam.) le coche, laisser
perdre une occasion favorable ou profitable. ∥ Être, faire la mouche du coche,
se remuer beaucoup sans aucun résultat
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
760
appréciable (par allusion à la fable de
La Fontaine).
3. coche [kɔʃ] n. f. (lat. pop. *cocca, probablem. de coccum, excroissance d’une
plante, les bords d’une entaille ressemblant
à une excroissance ; v. 1175, Chr. de Troyes).
1. Vx. Entaille faite dans un corps solide ;
spécialem., marque faite autrefois dans un
morceau de bois, par un commerçant, pour
noter une dette : Lisant à peine, n’écrivant
pas, marquant les sous qu’il prêtait avec
des coches, dans du bois, comme il avait
vu faire aux garçons boulangers de Lyon,
ses compatriotes, jamais il ne s’embrouillait
dans ses comptes (Daudet). ∥ 2. Par extens.
Entaille : Cette vallée est une coche de deux
mille pieds de profondeur entaillée dans un
plein bloc de granit (Chateaubriand).
• SYN. : 1 cran, encoche, marque.
4. coche [kɔʃ] n. f. (de cochon ; XIIIe s.,
Roman de Renart, au sens 1 ; sens 2, 1606,
Nicot). 1. Vx. Femelle du cochon, truie.
∥ 2. Fig. et pop. Grosse femme vulgaire.
cochenillage [kɔʃnijaʒ] n. m. (de cocheniller ; 1723, Savary des Bruslons). Bain de
teinture rouge, préparé avec la cochenille.
cochenille [kɔʃnij] n. f. (esp. cochinilla,
proprem. « cloporte », dimin. de cochino,
cochon ; 1567, Fréville, écrit cossenille,
au sens 2 ; cochenille, aux sens 1-2, 1578,
Vigenère). 1. Insecte de la famille des coccidés, dont une espèce vit sur le nopal du
Mexique et fournit une teinture rouge, le
carmin. ∥ 2. Cette teinture elle-même.
cocheniller [kɔʃnije] v. intr. (de cochenille ; 1877, Littré). Récolter la cochenille.
% v. tr. (1723, Savary des Bruslons). Plonger
un tissu dans un bain de cochenille.
cochenillier [kɔʃnilje] n. m. (de cochenille ; 1698, Dampier). Nom usuel du nopal,
sur lequel vit la cochenille.
1. cocher [kɔʃe] n. m. (de coche 2 ; 1560,
R. Belleau). Conducteur d’une voiture
à cheval : Un cocher de remise, que tous
les matins de sa vie ouvrière elle avait
vu s’en aller ainsi, lourd dans ses grosses
bottes peu habituées à la marche, tenant
précieusement à la main ce fouet qui est
l’épée du cocher, l’insigne de son grade, et
ne le quitte jamais (Daudet). ∥ Fam. et vx.
Fouette cocher !, ordre donné au cocher
de fouetter ses chevaux pour partir ; au
fig., signifie « En avant, que rien ne nous
arrête ! ».
2. cocher [kɔʃe] v. tr. (de coche 3 ; début
du XIVe s.). 1. Vx. Marquer d’une entaille.
∥ 2. Par extens. Marquer d’un trait, d’un
repère : Sous la Terreur, on le prévint de
Bernay que son nom était coché sur la liste
sanglante (La Varende).
côcher [koʃe] v. tr. (altér. de l’anc. franç.
chaucher [XIIIe s.], d’après le picard cauquer,
caukier, même sens [1256, Ald. de Sienne],
proprem. « presser, fouler », lat. calcare,
fouler, piétiner ; 1680, Richelet). Vx et dialect. En parlant d’un oiseau de basse-cour,
couvrir la femelle.
• REM. On trouve aussi la forme COCHER
(influencée par coq).
cochère [kɔʃɛr] adj. f. (de coche 2 ; 1611,
Cotgrave). Porte cochère, grande porte, à
deux battants, qui permet le passage des
voitures : Élisabeth guettait le choc sourd
de la porte cochère (Cocteau).
• SYN. : charretière.
cochet [kɔʃɛ] n. m. (de coq ; XIIIe s.,
Roman de Renart). Class. Jeune coq.
cochevis [kɔʃvi] n. m. (origine obscure,
peut-être onomatop. ; v. 1320, Watriquet de
Couvin). Grosse alouette à huppe pointue.
cochléaire [kɔkleɛr] adj. (du lat. cochlear,
cuiller ; 1866, Larousse). En forme de cuiller. ∥ Organe cochléaire, le limaçon, partie de l’oreille interne. ∥ Nerf cochléaire,
ensemble des fibres du nerf auditif.
cochléaria [kɔklearja] n. m. (mot du
lat. des botanistes, tiré du lat. cochlear,
cuiller, à cause de la forme des feuilles
de cette plante ; 1599, Vera). Plante de la
famille des crucifères, à fleurs blanches,
poussant sur le littoral et dans les lieux
humides, dont une variété, dite cranson
officinal, est utilisée comme antiscorbutique : L’évêque considérait en soupirant
un plant de cochléaria que le panier avait
brisé (Hugo).
1. cochon [kɔʃɔ̃] n. m. (peut-être de l’onomatop. coch-, servant à appeler les porcs ;
XIIIe s., au sens de « jeune porc » [encore au
XVIIe s.] ; sens 1 et 3, 1680, Richelet ; sens
2, 1808, d’Hautel). 1. Mammifère domestique de l’ordre des pachydermes, voisin
du sanglier, engraissé pour sa viande : Il
[...] graissait ses souliers de chasse avec le
lard de ses cochons (Flaubert). La guerre
consiste uniquement à voler des poules et
des cochons aux vilains (France). ∥ Cochon
de lait, petit cochon qui tète encore : Elle
n’avait peur de personne, pas même d’un
petit cochon de lait (Vigny). ∥ Fam. Tête de
cochon, personne qui a fort mauvais caractère. ∥ Fam. Yeux de cochon, yeux petits et
eexntfroênmcéesm.∥enFt agmra.sG. ∥r aFsa cmom. Mmaen ugner c coocmhomne,
un cochon, manger avec voracité et malpropreté. ∥ Fam. Nous n’avons pas gardé
les cochons ensemble, nous n’avons rien de
commun. (Se dit pour repousser la familiarité déplacée de quelqu’un.) ∥ Fam. Un
cochon n’y retrouverait pas ses petits, c’est
un désordre inextricable. ∥ Pop. Donner
des confitures à un cochon, donner à une
personne un cadeau qu’elle est incapable
d’apprécier. ∥ 2. Fam. Viande de porc : Un
rôti de cochon. ∥ Fig. et fam. Ne pas savoir,
se demander si c’est du lard ou du cochon,
s’interroger avec embarras sur l’attitude de
quelqu’un, se demander si l’on n’est pas victime d’un mauvais tour. ∥ 3. Par anal. Nom
donné à divers animaux qui rappellent
plus ou moins le cochon, en particulier
au sanglier : Les chiens sont sur un cochon.
∥ Cochon d’Amérique, cochon noir, pécari.
∥ Cochon cuirassé, tatou. ∥ Cochon d’Inde,
cobaye. ∥ Cochon de mer, marsouin.
• SYN. : 1 porc.
2. cochon, onne [kɔʃɔ̃, -ɔn] adj. et n.
(même étym. qu’à l’art. précéd. ; 1666,
Roman bourgeois, dans la loc. camarades
comme cochons ; sens 1, fin du XVIIe s., Mme
de Sévigné ; sens 2, 1759, Voltaire ; sens
3, 1835, Acad. ; sens 4, 1898, Téramond).
1. Fig. et fam. Individu malpropre, qui
a des manières grossières : Avant notre
mariage, il buvait en vrai cochon (Zola).
∥ Spécialem. et pop. Se dit, comme injure,
à un individu désagréable, déplaisant.
∥ 2. Personnage déloyal : Il m’a joué un
tour de cochon. Cochon qui s’en dédit.
∥ 3. Fam. Individu qui a des pensées, des
paroles, des gestes contraires à la décence :
C’est un vieux cochon. Tu viens encore de
prononcer ces quatre mots : « Ce cochon de
Morin » (Maupassant). Non, voyez-vous,
conclut-elle, c’est une cochonne (Proust).
∥ Pop. Amis, camarades, copains comme
cochons, se dit de personnes qui vivent
dans une extrême familiarité. ∥ 4. Fam.
Eh bien ! mon cochon, se dit, avec une
nuance d’étonnement admiratif, à une
personne qui a eu beaucoup de chance ou
a montré beaucoup de toupet : Ben, mon
cochon, monologua-t-il, tu ne te gênes pas
(Pergaud).
• SYN. : 1 dégoûtant, sagouin (pop.), souillon
(fam.) ; 3 débauché, dépravé, paillard, pervers, vicieux.
% adj. (sens 1, 1863, Goncourt ; sens 2,
XXe s.). 1. Fam. Qui heurte la décence : Je
leur enverrais des grossièretés et des trucs
cochons en pleine table (Aymé) ; et substantiv. : Vous allez voir le costume de ma femme
au second acte. Il est d’un cochon (Zola).
∥ 2. Fam. Ce n’est pas cochon, ce n’est pas
mal, ce n’est pas mauvais, cela mérite considération (marque l’admiration).
• SYN. : 1 égrillard, grivois, inconvenant,
leste, licencieux, obscène, polisson, raide
(fam.), salé (fam.).
cochonceté [kɔʃɔ̃ste] n. f. (de cochon ;
1891, Goncourt). 1. Pop. Caractère de ce qui
est cochon, sale ou contraire à la décence.
∥ 2. Pop. Chose sale, indécente : Il n’y a
pas de cochoncetés dans mon roman, dit
Zola (Goncourt).
cochonnaille [kɔʃɔnaj] n. f. (de cochon ;
1788, Gohin). Fam. Viande de cochon
apprêtée de diverses façons ; charcuterie :
On mange des saucisses, des boudins, de la
cochonnaille (Flaubert).
cochonnée [kɔʃɔne] n. f. (part. passé
fém. substantivé de cochonner, v. intr. ;
1642, Oudin). Portée d’une truie.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
761
cochonnément [kɔʃɔnemɑ̃] adv. (de
cochon, adj. ; 1877, Zola). Pop. D’une
manière basse et vulgaire : Il ne fallait pas
maintenant se cocarder cochonnément
(Zola).
cochonner [kɔʃɔne] v. intr. (de cochon ;
1403, Godefroy). Mettre bas, en parlant
de la truie.
% v. tr. (1808, d’Hautel). 1. Fam. Exécuter
d’une manière sale, grossière : Elle faisait
deux ou trois jours dans chaque atelier,
puis elle recevait son paquet, tellement
elle cochonnait l’ouvrage (Zola). ∥ 2. Fam.
Rendre sale, abîmer : Le client a voulu
gommer lui-même [les traits de fusain]. Il
a cochonné tout (Romains).
• SYN. : 1 saloper (pop.), torchonner (pop.) ;
2 barbouiller, maculer, salir, souiller, tacher.
cochonnerie [kɔʃɔnri] n. f. (de cochon ;
fin du XVIIe s., aux sens 1 et 4 ; sens 2-3,
1866, Larousse ; sens 5, début du XXe s.).
1. Pop. Malpropreté digne d’un cochon :
Cet homme est d’une cochonnerie ! ∥ 2. Pop.
Objet sans valeur ; produit de mauvaise
qualité : Ce tissu, c’est de la cochonnerie.
∥ 3. Fam. Chose mauvaise ou désagréable :
Ah ! le gouvernement aurait bien dû empêcher la fabrication de ces cochonneries [les
alcools] (Zola). Sans cette cochonnerie de
brume, vous la verriez (Benoit). ∥ 4. Pop.
Propos, geste contraire à la décence : Pour
que les femmes le prennent encore pour un
godelureau et lui disent des cochonneries
dans l’oreille (Maupassant). ∥ 5. Pop.
Action méprisable ou procédé déloyal :
C’était une trahison, ou, plus exactement, une cochonnerie qu’on lui faisait là
(Duhamel).
• SYN. : 1 saleté ; 2 pacotille ; 4 gaudriole,
gauloiserie, grivoiserie, grossièreté, obscénité ; 5 crasse (fam.), entourloupette (fam.),
vacherie (pop.).
cochonnet [kɔʃɔnɛ] n. m. (de cochon ; fin
du XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, 1534, Rabelais). 1. Petit cochon.
∥ 2. Dé à jouer à douze faces, marquées
de un à douze. ∥ 3. Boule plus petite que
les autres, servant de but au jeu de boules.
• SYN. : 1 goret, porcelet.
cochylis [kɔkilis] ou conchylis [kɔ̃kilis]
n. m. (du lat. conchylium, coquillage, gr.
konkhulion ; 1866, Larousse, écrit cochylide ; cochylis et conchylis, XXe s.). Papillon
dont la chenille attaque les feuilles de vigne.
cocker [kɔkɛr] n. m. (mot angl., abrév. de
wood-cocker, proprem. « bécassier » ; 1863,
Bonnafé). Petit chien de chasse d’origine
anglaise, à poils longs et soyeux, à grandes
oreilles tombantes, à robe variée.
cockney [kɔknɛ] n. m. (mot angl. pop.,
d’origine incertaine ; 1750, Prévost). Celui
qui est né à Londres, Londonien. ∥ Par
extens. Gavroche de Londres.
% adj., : L’accent cockney.
•REM. On trouve aussi la graphie COKENEY (1832, Matoré) : Le Don Juan de
Molière n’est qu’un Céladon auprès de
moi ; celui de Byron un misérable cokeney
(Gautier).
cockpit [kɔkpit] n. m. (mot angl. signif.
« trou de coq » ; 1878, le Yacht, au sens 1 ;
sens 2, v. 1939). 1. Dans un yacht, réduit
étanche, à l’arrière, où se tient le barreur
et parfois l’équipage. ∥ 2. Dans un avion,
emplacement du pilote.
• SYN. : 2 habitacle.
cocktail [kɔktɛl] n. m. (mot angloamér.
signif. proprem. « queue de coq », réduction
de cocktailed horse, cheval dont la queue
a été partiellement coupée et se redresse
comme celle d’un coq, puis « cheval de
faible valeur », ensuite « homme abâtardi »
[cocktail en ce sens, en 1755, dans Prévost],
enfin, au début du XIXe s., « boisson bâtarde,
faite d’alcool et d’autres choses » ; 1836,
Defauconpret, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Mélange capiteux de diverses boissons,
comprenant le plus souvent des alcools
et servi glacé : Le secrétaire particulier
s’arrêta pour boire un cocktail carabiné
(Daudet). Laissez-moi boire mon cocktail
(France). Commande-moi un cocktail, fit
brusquement Jacques ; tu sais : celui où il
y a du lait, de la groseille et du zeste de
citron (Martin du Gard). Ceux qui disent
de pareilles bourdes boivent des cocktails
dans lesquels ils mélangent tout (Duhamel).
∥ 2. Réunion mondaine qui a lieu en fin
d’après-midi : Être invité à un cocktail.
1. coco [koko] adj. (abrév. de rococo ; fin
du XIXe s.). Vx. Démodé : Et l’abat-jour, estil assez coco ? (Donnay).
2. coco [koko] n. m. (mot portug. signif.
proprem. « croquemitaine », appliqué à
la noix de coco à cause de son aspect hirsute ; v. 1525, Voyage d’Antoine Pigaphetta,
écrit cocho, au sens 1 [noix de coco, 1610,
Linschoten] ; sens 2, 1774, G. Esnault ; sens
3, 1866, Larousse ; sens 4, 1847, G. Esnault).
1. Noix de coco, ou simplem. coco, fruit du
cocotier : Je m’enivre ardemment des senteurs confondues | De l’huile de coco, du
musc et du goudron (Baudelaire). ∥ Lait de
coco, liquide blanc contenu dans ce fruit
avant sa maturité. ∥ Balai, tapis de coco,
balai, tapis fait avec les fibres qui entourent
la noix de coco. ∥ 2. Par assimilation avec
le lait de coco, boisson bon marché faite
d’une infusion de réglisse : Fier, le tonnerre
au poing, il avait mis en poudre | Un marchand de coco près des Variétés (Hugo). Le
père Clément, en tablier bleu, tout pareil
aux anciens portiers des lycées, vendait des
billes, des hannetons, des toupies, du coco,
des bâtons de sucre à la menthe (Gide).
Son échoppe de cordonnier était toujours
encombrée de militants sans travail, qui
trouvaient là, aux heures où le local était
fermé, l’hiver du feu, l’été du coco (Martin
du Gard). ∥ 3. Arg. et vx. Tête. ∥ Monter
le coco, monter la tête, chauffer l’imagination : Annonces de toutes les couleurs
[...], que Bompard tenait à avoir sous les
yeux, « pour se monter le coco », disait-il
ingénument (Daudet). ∥ Dévisser le coco,
étrangler : Aucun idiome n’est plus métaphorique que l’argot : « dévisser le coco »,
tordre le cou (Hugo). ∥ Avoir le coco fêlé,
avoir l’esprit dérangé. ∥ 4. Arg. Estomac :
Il avait dans ses fontes un flacon d’absinthe
pure, qu’il sifflait d’une haleine, et fonçait
avec cela dans le coco, ne pouvant se battre
qu’ivre mort (Daudet).
3. coco [koko] n. m. (réduplication
enfantine de coque, coquille [d’oeuf] ; 1821,
Desgranges, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré).
1. OEuf, dans le langage enfantin : Bébé
mangera un beau coco. ∥ 2. Fam. Terme
d’affection à l’adresse d’une grande personne, d’un enfant : Ah, coco, ce n’est pas
gentil, ce que tu dis là ! (Donnay). Écoute,
coco, en ce moment, je n’ai aucune disponibilité (Pagnol).
% cocos n. m. pl. (28 oct. 1872, Journ. officiel). Variété de haricots dont le grain a la
forme d’un oeuf.
4. coco [koko] n. m. (origine obscure ;
1792, Hébert). 1. Péjor. Individu bizarre :
Me ferai-je passer pour être Étienne ou
Béranger ?... Non, ces cocos-là sont gens à ne
reconnaître ni l’un ni l’autre (Balzac). Quel
piètre coco que le sieur Musset (Flaubert).
Ce vieux coco songe avec chagrin que son
tour ne reviendra plus (Duhamel). Il y a des
cocos dont nous nous servons qui ne sont
pas à prendre avec des pincettes (Romains).
∥ 2. Individu suspect, dangereux : Voilà
un joli coco ! dit Hulot en se parlant à luimême. Il m’a l’air d’être l’ambassadeur de
gens qui s’apprêtent à parlementer à coups
de fusil (Balzac). C’est un coco des plus malfaisants (Proust).
5. coco [koko] n. f. (abrév. de cocaïne ;
1912, G. Esnault). Pop. Cocaïne.
cocodès [kɔkɔdɛs] n. m. (formation
onomatopéique d’après le cri de la poule ;
v. 1860, Delvau). Vx. Jeune homme d’une
élégance outrée et ridicule : Nous avons
eu tour à tour le petit-maître, le mirliflor, le dandy, le cocodès et le petit-crevé
(Taine). À ce moment, un grand cocodès
indolent et bouffi, bien connu de Tortoni
à la Madeleine, s’approcha de notre table.
C’était un des plus tristes échantillons de
l’élégant du dernier Empire (Daudet).
cocodette [kɔkɔdɛt] n. f. (fém. de cocodès ; v. 1860, Delvau). Vx. Femme facile :
Une ancienne cocodette de l’Empire
(Lavedan).
cocon [kɔkɔ̃] n. m. (du provenç. coucoun,
cocon, coque d’oeuf, de coco, coque [v.
COQUE] ; 1600, O. de Serres, écrit coucon ;
coc[c]on, 1653, Oudin). 1. Enveloppe
soyeuse que filent certaines chenilles de
lépidoptères (particulièrement les vers à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
762
soie), et dont elles s’entourent pour leurs
métamorphoses. ∥ Fig. S’enfermer, se retirer dans son cocon, vivre dans la solitude.
∥ 2. Sac soyeux dans lequel certaines araignées enferment leurs oeufs.
coconnage [kɔkɔnaʒ] n. m. (de coconner ;
1866, Larousse). Travail du ver à soie qui
file son cocon.
coconner [kɔkɔne] v. intr. (de cocon ;
1845, Bescherelle). Filer son cocon, en
parlant du ver à soie.
coconnière [kɔkɔnjɛr] n. f. (de cocon ;
1834, Landais). Local de stockage des
cocons, au lieu d’étouffage ou à l’usine de
filature.
cocontractant, e [kɔkɔ̃traktɑ̃, -ɑ̃t] n.
et adj. (de co- et de contractant ; XVIe s.,
Coutumier général). Chacune des personnes qui sont parties à un contrat : C’est
à peine s’il avait achevé avec Mauléon, leurs
cocontractants et le notaire (Fabre).
cocorico [kɔkɔriko] n. m. (onomatop.
imitant le cri du coq ; 1547, Haudent, écrit
coquerycoq ; cocorico, 1866, Larousse).
Cri du coq : J’ai tellement la foi que mon
cocorico | Fera crouler la nuit comme une
Jéricho (Rostand).
cocote n. f. V. COCOTTE 1.
cocoter [kɔkɔte] v. intr. (aphérèse redoublée de chlingoter, dér. de chlinguer, puer ;
d’abord gogoter [1881], puis coco-ter, 1890,
G. Esnault). Pop. Puer : Fi de chien !... ça
cocote ici (Chérau).
cocoteraie [kɔkɔtrɛ] n. f. (de cocotier ;
XXe s.). Lieu planté de cocotiers : Les trésors exotiques consistaient en papillons
océaniens, décolorés, photographies de
palmeraies, de cocoteraies tahitiennes et
de cascades marquésanes (Colette).
cocoterie n. f. V. COCOTTERIE.
cocotier [kɔkɔtje] n. m. (de coco 2 ; 1677,
L’Estra). Palmier des régions tropicales,
qui produit la noix de coco : Et cherchant,
l’oeil hagard, | Les cocotiers absents de la
superbe Afrique (Baudelaire). ∥ Fig. et fam.
Faire monter au cocotier, secouer le cocotier,
éliminer les vieillards (par allusion aux
usages prêtés à certains peuples africains).
1. cocotte ou cocote [kɔkɔt] n. f. (onomatop. imitant le cri de la poule ; 1789,
Nisard, au sens 5 ; sens 1, 1808, d’Hautel ;
sens 2 et 6, 1845, Bescherelle ; sens 3, 1863,
Littré). 1. Nom donné à la poule dans le
langage enfantin. ∥ 2. Carré de papier plié,
ressemblant vaguement à une poule : M.
Rambaud l’émerveillait par son adresse à
tirer d’une feuille de papier toutes sortes de
joujoux. Il faisait des cocottes, des bateaux
(Zola). ∥ 3. Terme affectueux adressé à une
femme, à une petite fille : Bonsoir mon chat,
bonsoir ma cocotte, dit-il, en la baisant
de son air passionné de bon mari (Zola).
∥ 4. Terme affectueux pour désigner un
cheval : Hue, cocotte ! Il faut que j’aille panser ma cocotte (France). ∥ 5. Fam. Femme
de moeurs légères (vieilli) : Sa soeur voulait
donc devenir une cocotte, qu’elle se laissait
embobiner par des aristos ? (Huysmans).
On ne traite pas en cocottes les jeunes filles
qu’on veut épouser (M. Prévost). Cette
opinion de mes parents sur les relations de
Swann leur parut ensuite confirmée par son
mariage avec une femme de la pire société,
presque une cocotte, que, d’ailleurs, il ne
chercha jamais à présenter (Proust). Malgré
mes explorations à travers les appartements
des cocottes, j’étais demeuré, à quinze ans,
incroyablement ignorant des alentours de
la débauche (Gide). ∥ 6. Dialect. Nom de la
fièvre aphteuse, de la blépharite : Bernard
détacha le veau, l’amena à la lumière et
le grand-père lui desserra les mâchoires :
« Eh bien, oui ! il a la cocotte » (Pérochon).
% cocottes n. f. pl. (XXe s.). Ruban plié en
forme de crête de coq et utilisé en bordure
dans des ouvrages de couture.
2. cocotte [kɔkɔt] n. f. (origine incertaine ; peut-être var. de coquasse, marmite
[1552, Rabelais], issu, par changement de
suff., de coquemar [v. ce mot] ; 1807, J.-F.
Michel). Sorte de marmite en fonte ou
en verrerie culinaire, comportant deux
anses et un couvercle : Elle reparut, tenant
la cocotte de fonte (Theuriet). ∥ Poulet
cocotte, poulet préparé dans une cocotte.
cocotterie ou cocoterie [kɔkɔtri] n.
f. (de cocotte 1 ; v. 1860, Delvau). Fam. et
vx. Le monde des cocottes, des femmes
légères : La poussière était noire ; et pourtant, chaque jeudi, la haute cocotterie passait par là, se rendant au Casino, au grand
train de ses roues fragiles et de ses postillons
d’emprunt (Daudet).
cocourrier [kɔkurje] n. m. (de co- et
de courrier ; 1866, Larousse). Papier que
les enfants enfilent sur la corde d’un cerfvolant, et qui, poussé par le vent, monte
vers lui.
• SYN. : postillon.
cocquard [kɔkar] n. m. (de coq ; 1803,
Boiste). Métis provenant du croisement du
faisan mâle avec la poule domestique, ou
réciproquement.
cocréancier, ère [kɔkreɑ̃sje, -ɛr] n.
(de co- et de créancier ; 1866, Larousse).
Personne qui détient en commun avec
d’autres une créance sur un débiteur.
coction [kɔksjɔ̃] n. f. (lat. coctio, -onis,
cuisson, de coctum, supin de coquere,
cuire, faire cuire ; v. 1560, Paré). 1. Class.
Cuisson, transformation des matières
organiques par la chaleur : Après [...] que
par une longue et puissante coction, il [le
soleil] a eu séparé dans cette boule les corps
les plus contraires... (Cyrano). ∥ 2. Class.
Transformation des aliments dans le
tube digestif : Les aliments, changés par
une prompte coction, se transforment tous
en une liqueur douce (Fénelon). ∥ 3. En
médecine, modification des humeurs qui
permet de les expulser. ∥ Période de coction, période d’une inflammation où les
humeurs peuvent être expulsées.
cocu, e [kɔky] n. et adj. (var. onomatopéique anc. de coucou 1, la femelle du coucou aimant à changer de compagnon ; v.
1340, J. Le Fèvre, au sens 1 [a désigné aussi
l’oiseau jusqu’au XVIe s.] ; sens 2, XXe s.).
1. Fam. Mari trompé : Au sort d’être cocu
son ascendant l’expose (Molière). Je ne t’ai
jamais trompé. Tu l’aurais bien mérité,
Mario, et ce n’est pas les occasions qui m’ont
manqué, je t’assure. Mais l’idée d’être la
femme d’un cocu ! Non, j’ai trop d’amourpropre (Duhamel). Il est veuf depuis trois
mois, mais cocu depuis vingt ans (Pagnol).
∥ Par extens. et fam. Femme dont le mari
ou l’amant est infidèle : Toi, tu as envie de
me faire cocue (V. Margueritte). ∥ Fam.
Cocu en herbe, celui qui risque de l’être.
∥ Fam. Cocu en gerbe, cocu après mariage.
∥ Fam. Cocu, battu et content, se dit d’un
mari trompé et trop naïf ou complaisant
(par allusion au personnage d’un conte de
Boccace). ∥ Fam. Chance, veine de cocu,
chance, veine extrême. ∥ 2. Fig. et fam.
Dupé, trompé.
cocuage [kɔkɥaʒ] n. m. (de cocu ; 1513,
Dict. général, écrit coqulaige ; cocuage,
1546, Rabelais). Fam. État de celui qui est
cocu : Elle résistait à l’envie de lui envoyer
son cocuage par la figure (Zola).
cocufiable [kɔkyfjabl] adj. (de cocufier ;
fin du XIXe s.). Fam. Qui peut être cocufié,
trompé : De nouveaux époux fraîchement
bénis par un cocufiable adjoint (Bloy).
cocufier [kɔkyfje] v. tr. (de cocu et du
lat. facere, faire ; 1660, Molière, aux sens
1-2). 1. Fam. Faire cocu : Oh ! trop heureux
d’avoir une si belle femme ! | Malheureux
bien plutôt de l’avoir cette infâme | Dont le
coupable feu, trop bien vérifié, | Sans respect
ni demi nous a cocufié (Molière). L’austère
matrone, qui le cocufiait [...], n’était pas
assez littéraire pour lui (Bloy). ∥ 2. Fig. et
fam. Tromper, duper : Le cerveau loyal toujours trompé par la clarté, cocufié (Valéry).
• SYN. : 1 trahir, tromper.
coda [kɔda] n. f. (mot ital., du lat. cauda,
queue ; 1842, Mozin). 1. Période vive
et brillante, qui sert de conclusion à un
morceau de musique. ∥ 2. Dans la danse
classique, troisième partie du pas de deux,
après la variation. ∥ Final d’un ballet
classique, dans lequel apparaissent les
principaux interprètes. ∥ 3. Fig. et littér.
Partie terminale, trait final : Une dizaine
de gilets blancs applaudissant en choeur la
coda d’une plaisanterie de cette spirituelle
personne (Murger). Pour ne point choquer
son public, Roger Marx me demanda de
supprimer une coda sur Cézanne et Renoir.
Cette coda était assez médiocre, ce qui fit
que j’obtempérai volontiers (Gide).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
763
codage [kɔdaʒ] n. m. (de coder ; XXe s.).
Action de transformer ou de transcrire suivant les équivalences d’un code (signaux,
signes, lettres, chiffres, etc.) un texte rédigé
en langage clair.
code [kɔd] n. m. (lat. jurid. impér. codex,
planche, d’où « recueil, livre » ; v. 1220,
H. d’Andeli, au sens 1 ; sens 2-4, 1835,
Acad. ; sens 5-6, 1866, Larousse). 1. Recueil
de lois et de dispositions ayant force de
loi dans un pays : Le code Justinien. Le
code Louis. Ce héros, ce génie du pouvoir,
qui faisait en quelques jours un code pour
toutes les nations (Courier). Il fuit la forme,
le nombre, le rythme, les figures, et se fortifie
contre eux dans la lecture rigoureuse du code
Napoléon (Valéry). ∥ Spécialem. Ensemble
des dispositions législatives régissant une
matière particulière : Code forestier. Code
pénal. Code de commerce. ∥ Code de la
route, ensemble des dispositions réglant
la circulation routière. ∥ Éclairage code,
phare code, ou simplem. code, un des trois
éclairages prévus par le code de la route,
comportant un faisceau lumineux puissant, mais rabattu à courte distance : Se
mettre en code. Pierre s’occupa avec application à fumer, à faire jouer les phares, le
code, les lanternes (Morand). ∥ 2. Volume,
livre contenant un ensemble de dispositions législatives, réglementaires : Acheter
un code civil. ∥ 3. Par extens. Les lois, le
droit, la légalité : Connaître le code. Opérer
en marge du code. ∥ C’est dans le code, c’est
légal. ∥ Avoir toujours le code en main,
brandir à tout propos le code, invoquer à
tout instant les lois, user rigoureusement
des droits qu’elles vous donnent. ∥ 4. Fig.
Ensemble de règles qui font loi dans un
domaine particulier (morale, goût, art,
littérature, etc.) : Tartarin savait à fond le
code du chasseur (Daudet). Son opinion
formait une sorte de code du comme il
faut (Maupassant). Code de l’honneur,
de la politesse. ∥ 5. Système de symboles
permettant de transmettre un message :
Code de signaux. Code télégraphique.
Passer un message en code. ∥ Ensemble
de conventions permettant de transcrire
un texte pour le rendre inintelligible aux
non-initiés : Code secret. Télégramme en
code. ∥ 6. Document, ouvrage donnant
les équivalences convenues pour le codage
des textes : Passez-moi le code.
codébiteur, trice [kɔdebitoer, -tris]
n. (de co- et de débiteur ; 1611, Godefroy).
Personne qui a contracté une dette conjointement avec une ou plusieurs autres
personnes.
codéine [kɔdein] n. f. (dér. savant du
gr. kôdeia, tête de pavot ; 1832, Robiquet).
Alcaloïde extrait de l’opium, ayant des propriétés narcotiques : Vous ne voulez pas
boire quelque chose ? une gorgée d’eau ?
une cuillerée de codéine ? Non ? (Martin
du Gard).
codemandeur, eresse [kɔdəmɑ̃doer,
-drɛs] n. (de co- et de demandeur ; 1771,
Trévoux). Personne qui forme une
demande en justice conjointement avec
une ou plusieurs autres.
coder [kɔde] v. tr. (de code ; XXe s.).
Transcrire un texte en utilisant les équivalences d’un code.
• SYN. : chiffrer. — CONTR. : déchiffrer,
décoder.
codétenteur, trice [kɔdetɑ̃toer, -tris] n.
(de co- et de détenteur ; XVIe s., Godefroy).
Personne qui détient un bien conjointement avec une ou plusieurs autres.
codétenu, e [kɔdetny] n. (de co- et de
détenu ; 1858, Peschier). Personne détenue avec une ou plusieurs autres dans un
même lieu.
codex [kɔdeks] n. m. (mot lat. [v. CODE],
abrév. de Codex medicamentarius gallicus ;
1651, Hellot). Nom porté de 1748 à 1963
par le recueil officiel français contenant la
nomenclature des drogues, médicaments
et articles officinaux. (La dénomination
légale actuelle est PHARMACOPÉE.)
codicillaire [kɔdisilɛr] adj. (de codicille ;
1562, Papon). Contenu dans un codicille :
Disposition, legs codicillaire.
codicille [kɔdisil] n. m. (lat. jurid. codicillus, de codex [v. CODE] ; 1269, Godefroy).
Disposition ajoutée à un testament pour le
compléter, le modifier ou l’annuler : J’ai à le
consulter [le notaire] pour le pauvre vieux
cher La Pérouse, qui s’inquiète et voudrait
faire à son testament je ne sais quel codicille
pour avantager son petit-fils (Gide).
codicologie [kɔdikɔlɔʒi] n. f. (du lat.
codex, livre [v. CODE], et du gr. logos,
science ; XXe s.). Science qui s’applique à
l’étude des manuscrits en tant qu’ayant
une vie propre.
codificateur, trice [kɔdifikatoer, -tris]
adj. et n. (de codifier ; 1845, Bescherelle).
Qui codifie.
codification [kɔdifikasjɔ̃] n. f. (de codifier ; 1819, H. de Saint-Simon). Action de
codifier, de réunir des lois en un code ;
résultat de cette action.
codifier [kɔdifje] v. tr. (de code et du lat.
facere, faire ; 1836, Raymond). 1. Réunir
en un code unique des textes législatifs
ou réglementaires, des coutumes, etc. :
Justinien fit codifier les lois romaines.
∥ 2. Par extens. Ériger en un système
rationnel et cohérent : Vaugelas s’efforça
de codifier le bon usage.
• SYN. : 2 normaliser, rationaliser, réglementer, systématiser.
codirecteur, trice [kɔdirɛktoer, -tris]
n. (de co- et de directeur ; 1842, Acad.).
Personne qui dirige avec une ou plusieurs
autres : Très touché, mon cher codirecteur
(Romains).
codirection [kɔdirɛksjɔ̃] n. f. (de co- et
de direction ; 1866, Larousse). Direction
exercée avec d’autres personnes.
codonataire [kɔdɔnatɛr] n. (de co- et
de donataire ; 1762, Acad.). Personne qui
reçoit une donation avec une ou plusieurs
autres.
codonateur, trice [kɔdɔnatoer, -tris]
n. (de co- et de donateur ; 1878, Larousse).
Personne qui fait une donation avec une
ou plusieurs autres.
coéchangiste [kɔeʃɑ̃ʒist] n. (de co- et de
échangiste ; 2 janv. 1875, Gazette des tribunaux). Personne qui fait un échange avec
une ou plusieurs autres : Les coéchangistes
devront remplir les conditions d’occupation
minimale des logements.
coéducation [kɔedykasjɔ̃] n. f. (de co- et
de éducation ; 1877, Littré). Éducation en
commun : La coéducation des sexes aux
États-Unis (Littré).
coefficient [kɔefisjɑ̃] n. m. (de co- et
de efficient ; début du XVIIe s., aux sens
pr. ; sens fig., 1866, Larousse). 1. Dans
une expression algébrique en forme de
monôme, partie numérique qui multiplie
la partie littérale : Dans 3 ab, le coefficient
est 3. ∥ 2. En physique, valeur numérique
caractérisant une propriété déterminée
d’une substance : Coefficient de dilatation
des solides, des liquides. ∥ Coefficient d’erreur, pourcentage d’erreur possible dans
une mesure, une évaluation. ∥ 3. Dans un
examen, nombre qui fixe la valeur relative
de chacune des épreuves : Dans les séries
scientifiques du baccalauréat, les mathématiques ont un fort coefficient. ∥ 4. Fig.
Importance, valeur attribuée à quelqu’un :
Être vu avec certaines personnes peut vous
ajouter, sur une plage où l’on retourne quelquefois, un coefficient sans équivalent dans
la vie mondaine (Proust). ∥ 5. Fig. Facteur
qui contribue à un phénomène, à un événement : Ce grand coefficient des choses
humaines, la victoire (Renan).
coel(o)- [sel(o)], coelio- [seljo], éléments
tirés du gr. koilos, creux, et entrant, comme
préfixes, dans la composition de quelques
mots savants.
coelacanthe [selakɑ̃t] n. m. (de coel- et du
gr. akantha, épine ; 1898, Larousse). Poisson
osseux d’une espèce très ancienne et qu’on
croyait disparue, découvert vivant à une
époque récente et qui peut être considéré
comme intermédiaire entre les poissons
et les amphibiens.
coelentérés [selɑ̃tere] n. m. pl. (de coel- et
du gr. enteron, intestin ; 1888, Larousse).
Embranchement d’animaux surtout
marins, dont le corps, formé de deux parois
entourant une cavité digestive, est muni
de tentacules urticants (anémone de mer,
hydre, madrépore, méduse).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
764
coeliaque [seljak] adj. (lat. coeliacus,
gr. koiliakos, de koilia, entrailles ; 1545,
Guéroult). Qui appartient aux viscères
abdominaux. ∥ Tronc coeliaque, branche
de l’aorte qui irrigue ces viscères.
coelioscopie [seljɔskɔpi] n. f. (de coelioet de -scopie ; milieu du XXe s.). Examen
endoscopique du péritoine.
coeliotomie [seljɔtɔmi] n. f. (de coelio- et
de -tomie ; XXe s.). Ouverture chirurgicale
de la cavité abdominale.
• SYN. : laparotomie.
coempereur [kɔɑ̃proer] n. m. (de co- et
de empereur ; 1866, Larousse). Celui qui
partage la dignité impériale avec un ou
plusieurs autres : Michel VIII Paléologue
donna à son fils le titre de coempereur.
coemption [kɔɑ̃psjɔ̃] n. f. (lat. coemptio,
de cum, avec, et de emptio, achat, marché,
de emptum, supin de emere, acheter ; 1788,
Encycl. méthodique). En droit romain,
achat réciproque. ∥ Spécialem. Mariage
plébéien dans lequel la femme était vendue
fictivement à l’époux.
coenure n. m. V. CÉNURE.
coéquation [kɔekwasjɔ̃] n. f. (de co- et
de équation ; XVIe s., Coutumier général).
Vx. Répartition proportionnelle des impôts
entre les contribuables.
coéquipier, ère [kɔekipje, -ɛr] n. (de coet de équipier ; 1929, Larousse). Celui, celle
qui fait partie avec d’autres d’une équipe
(football, course, etc.).
coercibilité [kɔɛrsibilite] n. f. (de coercible ; 1842, Acad.). Qualité de ce qui est
coercible.
• CONTR. : incoercibilité.
coercible [kɔɛrsibl] adj. (dér. savant du
lat. coercere, contraindre ; 1766, Brunot).
1. Qui peut être comprimé, réduit : Les gaz
sont très coercibles. ∥ 2. Fig. Qui peut être
retenu, contenu : Une envie de rire difficilement coercible.
• SYN. : 1 compressible. — CONTR. : 1 incompressible ; 2 incoercible.
coercitif, ive [kɔɛrsitif, -iv] adj. (du
lat. coercitus, part. passé de coercere,
contraindre ; 1560, Postel). Qui agit par
contrainte : Quiconque s’imagine arrêter
un mouvement social ou religieux par des
mesures coercitives fait [...] preuve d’une
complète ignorance du coeur humain
(Renan).
coercition [kɔɛrsisjɔ̃] n. f. (lat. coercitio, de coercitum, supin de coercere,
contraindre ; 1586, Le Loyer). Action, pouvoir de contraindre : Moyens de coercition.
• SYN. : contrainte, pression.
coesre ou coêre [kɔɛr] n. m. (origine
incertaine ; 1596, Pechon de Ruby). Arg.
Au Moyen Âge, gueux à qui d’autres obéissaient : Le roi de l’argot, le grand coesre
(Hugo).
coétat [kɔeta] n. m. (de co- et de État ;
1762, Acad.). Vx. État qui partage la souveraineté avec un autre : Sommes-nous une
agrégation distincte comme nation provençale ? Le roi le reconnaît, il nous traite en
coétat (Mirabeau).
coéternel, elle [kɔetɛrnɛl] adj. (de
co- et de éternel ; v. 1160, Benoît de SainteMaure). En théologie, qui existe de toute
éternité avec un autre : Ô Verbe que j’adore,
| Rayon coéternel, est-ce vous que je vois ?
(Lamartine). ∥ Spécialem. Se dit des personnes de la Sainte-Trinité : Le fils de
Dieu, nécessairement, est coéternel à son
père (Bossuet).
coéternité [kɔetɛrnite] n. f. (lat. ecclés.
coaeternitas, de cum, avec, et de aeternitas, éternité ; 1530, Huguet). En théologie,
caractère de ce qui est coéternel : Une
doctrine contraire à la coéternité des trois
personnes divines (Bossuet).
coeur [koer] n. m. (lat. pop. cor, *coris, lat.
class. cor, cordis ; XIe s., aux sens I, 1 et III,
1-4, 6, 7, 9 ; sens I, 2-3 et III, 5, 8, 10-12, 1538,
R. Estienne ; sens II, 1, 1340, Gay ; sens II,
2, milieu du XVIIe s. ; sens II, 3, 1600, O. de
Serres ; sens II, 4-5 et III, 13, XIIIe s.).
I. 1. Chez l’homme et chez les animaux
supérieurs, muscle creux de forme
ovoïde, situé au milieu du thorax, et qui
est l’organe moteur de la circulation du
sang : Viens par ici, corbeau, mon brave
mangeur d’hommes ! | Ouvre-moi la
poitrine avec ton bec de fer [...], | Porte
mon coeur tout chaud à la fille d’Ylmer
(Leconte de Lisle). Que l’augure, appuyé
sur son sceptre d’érable, | Interroge le foie
et le coeur des moutons (Hugo). ∥ Opération à coeur ouvert, intervention chirurgicale pour laquelle on dévie préalablement
la circulation sanguine dans un appareil
dit coeur-poumon artificiel, avant d’ouvrir les cavités cardiaques. ∥ Faire battre
le coeur, accélérer les battements cardiaques, en parlant d’une cause physique,
d’une émotion ; au fig., émouvoir, toucher profondément : Il faut que la gloire
soit quelque chose de réel puisqu’elle fait
battre le coeur de celui qui n’en est que le
juge (Chateaubriand). ∥ 2. La région du
coeur, le devant de la poitrine : Elle s’assit
en prenant son fils entre ses deux genoux
et, le pressant avec force sur son coeur, elle
l’embrassa (Balzac). ∥ 3. L’estomac, dans
quelques locutions. ∥ Avoir mal au coeur,
le coeur barbouillé, le coeur sur les lèvres,
avoir la nausée, avoir envie de vomir.
∥ Faire mal au coeur, soulever le coeur,
donner envie de vomir ; au fig., inspirer
un profond dégoût. ∥ Haut-le-coeur, v. à
son ordre alphab. ∥ Pop. et ironiq. Mettre
(jeter) le coeur sur le carreau, vomir : Ça
me ferait jeter du coeur sur du carreau
(Zola).
II. 1. Ce qui a ou évoque la forme d’un
coeur : Un jour, à la foire des Prés-SaintGervais, les yeux noirs avaient acheté
ce petit coeur de sucre (Daudet). ∥ Fig.
et fam. Faire la bouche en coeur, affecter
un air aimable. ∥ 2. Une des quatre couleurs du jeu de cartes, figure stylisée d’un
coeur : La dame de coeur représente de
façon emblématique la belle Agnès Sorel
(France). « C’est ce coup-ci que la partie
se gagne ou se perd. — C’est pour ça que
je me demande si Panisse coupe à coeur »
(Pagnol). ∥ 3. Entre dans divers noms de
plantes dont la fleur, le fruit, etc., rappelle plus ou moins la forme d’un coeur.
∥ Coeur-de-Marie ou coeur-de-Jeannette,
plante exotique cultivée pour ses grappes
de fleurs roses : Ces fleurs de parterre, les
juliennes, les passe-velours, et les coeursde-Marie qu’on ne cultive plus (Pourrat).
∥ Coeur-de-boeuf, variété de chou pommé. ∥ Coeur-de-pigeon, variété de cerise.
∥ 4. Partie centrale d’une chose : La
France est le coeur de l’Europe ; à mesure
qu’on s’en éloigne, la vie sociale diminue ;
on pourrait juger de la distance où l’on est
de Paris par le plus ou moins de langueur
du pays où l’on se retire (Chateaubriand).
La cloche sonne grave, au coeur de la
paroisse (Samain). Les salades, les laitues [...] montraient leurs coeurs éclatants
(Zola). En attendant, les deux femmes, au
coeur d’août, étaient à Paris (Montherlant). ∥ Spécialem. Partie centrale du
tronc d’un arbre : Des stalles nouvelles
en coeur de chêne (Maupassant). ∥ Vx. À
coeur de journée, sans relâche : Vous qui
clabaudez à coeur de journée contre l’Inquisition (Barbey d’Aurevilly). ∥ 5. Fig. Le
point essentiel d’une question, d’un problème : Toutes les grandes oeuvres d’art
sont assez difficiles d’accès. Le lecteur qui
les croit aisées, c’est qu’il n’a pas su pénétrer au coeur de l’oeuvre (Gide). Arriver au
coeur du sujet.
III. 1. Class. et littér. Siège de l’intelligence intuitive, par opposition à l’intelligence rationnelle et discursive : Nous
connaissons la vérité non seulement par la
raison, mais encore par le coeur : c’est de
cette sorte que nous connaissons les premiers principes (Pascal). Vous connaissant comme je fais, il me tomba au coeur
que vous ne voudriez point quitter M. de
Grignan (Sévigné). Je n’ai point cédé, j’en
conviens, à de grandes lumières surnaturelles ; ma conviction est sortie du coeur ;
j’ai pleuré et j’ai cru (Chateaubriand).
∥ 2. Littér. Siège de l’affectivité, de la sensibilité, par opposition à l’esprit : L’esprit
est toujours la dupe du coeur (La Rochefoucauld). Notre coeur est un instrument
incomplet, une lyre où il manque des
cordes, et où nous sommes forcés de rendre
les accents de la joie sur le ton consacré
aux soupirs (Chateaubriand). Tu te frappais le front en lisant Lamartine. | Ah !
frappe-toi le coeur, c’est là qu’est le génie, |
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
765
C’est là qu’est la pitié, la souffrance et
l’amour (Musset). ∥ Spécialem. Siège des
sentiments profonds, les plus sincères : Il
[Gobseck] vint à moi, me lança un de ces
regards profonds par lesquels il sonde les
coeurs et me dit : « Tu te mêles de me juger » (Balzac). ∥ De coeur, par disposition
intérieure et en toute sincérité : Il est de
coeur avec nous. ∥ Cri du coeur, expression spontanée traduisant une pensée, un
sentiment intime. ∥ Aller au coeur, toucher, remuer le coeur, émouvoir vivement.
∥ Parler d’abondance de coeur, en épanchant ses sentiments profonds. ∥ Ouvrir,
vider son coeur, révéler ses sentiments les
plus secrets. ∥ Avoir, garder quelque
chose sur le coeur, en garder un vif ressentiment. ∥ Rester, peser sur le coeur, inspirer du ressentiment. ∥ Si le coeur vous en
dit, si vous en avez le goût ; au fig., si vous
en avez envie, si la chose vous tente. ∥ À
coeur ouvert, avec une entière sincérité : Je
me déclare à vous à coeur ouvert, je ne
vous cèle rien de ma vie (Arnoux). ∥ Coeur
à coeur, avec une totale franchise, sans
aucune réserve : On se sent coeur à coeur
avec son monde (Tharaud). ∥ En avoir le
coeur net, n’avoir plus aucun doute au sujet de quelque chose. ∥ Selon le coeur de,
selon les désirs les plus profonds de : David fut un roi selon le coeur de Dieu.
∥ 3. Siège de la tristesse, de la douleur ou
de la joie : Je n’ai plus le coeur à rire. J’en ai
la joie au coeur. ∥ Arracher, déchirer,
fendre le coeur à quelqu’un, blesser
quelqu’un au coeur, lui causer une grande
douleur. ∥ Serrer le coeur, causer un violent chagrin : On ne peut songer à ces
pauvres enfants sans avoir le coeur serré
(Martin du Gard). ∥ Dilater le coeur, réjouir : Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, | De tristesse et d’oubli,
d’amour et de malheur, | Ce n’est pas un
spectacle à dilater le coeur (Musset).
∥ Crever le coeur, causer une douleur déchirante. ∥ Crève-coeur, v. à son ordre alphab. ∥ Avoir le coeur gros, éprouver de la
peine : Mais il avait le coeur gros, et l’on
voyait sans peine combien le sacrifice lui
avait coûté (Mérimée). ∥ Se ronger le
coeur, se consumer d’un chagrin secret,
d’une passion dévorante. ∥ Rire de bon
coeur, de tout son coeur, sans contrainte.
∥ De gaieté de coeur, volontairement, de
propos délibéré : Il semble difficile d’admettre que l’Allemagne veuille de gaieté de
coeur se jeter sur nous (Jaurès). ∥ À contrecoeur, v. CONTRECOEUR (à). ∥ S’en donner
à coeur joie, jouir pleinement, abondamment d’une chose, s’en rassasier. ∥ Avoir
le coeur léger, n’avoir aucun souci : Hélas,
tout le second Empire s’est placé sous le
signe du « coeur léger » (Aubry). ∥ 4. Siège
de l’affection, de la tendresse que l’on
éprouve pour les personnes : Elle [...]
avait les yeux blonds aussi, et si chauds
qu’il leur suffisait d’un regard pour dévorer le coeur d’un homme (Aymé). ∥ Affaire
de coeur, intrigue amoureuse. ∥ Peine de
coeur, chagrin d’amour. ∥ Parler au coeur,
inspirer de la tendresse. ∥ Trouver le chemin du coeur, gagner le coeur, plaire, séduire. ∥ Son coeur a parlé, se dit d’une
personne qui éprouve une première inclination pour une autre : Ainsi, tu ne crois
pas que si elle refuse, c’est que son coeur a
parlé peut-être pour un autre ? (Daudet).
∥ N’avoir qu’un coeur, n’être qu’un coeur,
en parlant de deux personnes, être unies
par un indissoluble amour. ∥ Loin des
yeux, loin du coeur, l’éloignement, l’absence affaiblit l’amour. ∥ Accroche-coeur,
v. à son ordre alphab. ∥ 5. Class. et littér.
Personne qui inspire l’affection, qui est
l’objet des sentiments d’un autre : J’avais
encor tes voeux, j’étais encor ton coeur
(Corneille). Qu’importe aux coeurs unis ce
qui change autour d’eux ? (Lamartine).
∥ Fam. Mon coeur, mon cher coeur, mon
petit coeur, expressions de tendresse ou de
badinage ironique. ∥ Joli comme un coeur,
beau, attendrissant : Vingt ans, jolie
comme un coeur et déjà veuve (Daudet).
∥ Fam. Faire le joli coeur, faire le galant :
Lucas, au premier taureau, fit le joli coeur
(Mérimée). Il ne voulait pas porter de lunettes pour faire le joli coeur devant les
dames (Duhamel). ∥ Coeur d’artichaut,
personne volage, peu fidèle en amour.
∥ 6. Siège des désirs, des élans qui nous
portent vers les choses, ou de l’ardeur
qu’on met à l’action : Je n’ai plus deux
jours de suite de bonne santé ; cela me fait
enrager, car je n’ai coeur à rien au milieu
de mes souffrances (Chateaubriand). C’est
Isquibaïval, un fameux, un vaillant plein
de coeur à l’ouvrage (Gautier). Puis-je oser
me mettre au travail, après une nuit d’angoisses, du même coeur que je ferais reposé ? (Gide). ∥ Avoir, prendre à coeur
quelque chose, y être attaché, sensible, et
aussi s’y appliquer avec ardeur : La garde
Mariette prenait à coeur sa tâche (Cocteau). ∥ Tenir au coeur à quelqu’un, avoir
à ses yeux une grande importance, susciter chez lui un vif intérêt : On sentait que
cela lui tenait au coeur (Vigny). ∥ 7. Siège
des sentiments altruistes, de la bonté, de
la générosité : Avoir du coeur. ∥ Avoir bon
coeur, être sensible et généreux. ∥ Vx et
ironiq. À votre bon coeur, formule par laquelle on invite le public à se montrer
généreux. ∥ De bon coeur, avec bienveillance, affabilité : Le vice-consul allemand, logé dans une méchante soupente
de plâtre, m’offrit de très bon coeur à souper (Chateaubriand). ∥ Coeur d’or, caractère dévoué, généreux. ∥ Avoir le coeur
sur la main, se montrer très bon, très généreux. ∥ Recevoir à coeur ouvert, faire
un accueil chaleureux. ∥ Mauvaise tête et
bon coeur, se dit d’une personne généreuse, mais d’un caractère difficile.
∥ Coeur sec, coeur dur, personne peu sensible. ∥ Coeur de pierre, caractère insensible. ∥ Sans coeur, dépourvu de sensibilité : Ce voyou sans coeur et sans honneur,
ce bandit, ce débauché adonné aux vices
les plus honteux... (Aymé). ∥ 8. Personne
considérée sous le rapport des qualités
sensibles : Vous êtes deux coeurs généreux
et dévoués (Daudet). ∥ C’est un coeur sec,
un brave coeur, une personne dénuée,
douée de sensibilité. ∥ Sans-coeur, v. à son
ordre alphab. ∥ 9. Siège des qualités morales, de la conscience morale : Son coeur
est bourrelé de remords. Un coeur candide.
Le jour n’est pas plus pur que le fond de
mon coeur (Racine). ∥ 10. Personne qui
possède des qualités morales : C’est un
noble coeur. ∥ 11. Class. et littér. Courage,
force d’âme, vertu virile : Rodrigue, as-tu
du coeur ? (Corneille). Au lieu d’éprouver
leur grand coeur | L’oisiveté d’un camp
consume leur vigueur (Racine). ∥ Homme
de coeur, homme plein de courage et
d’honneur : Tu sais comme un soufflet
touche un homme de coeur (Corneille).
∥ Auj., ce sens demeure dans quelques
locutions ou proverbes : À coeur vaillant
rien d’impossible. ∥ Affermir les coeurs,
donner du coeur, et, fam., mettre, remettre
du coeur au ventre, donner, rendre courage. ∥ Faire contre mauvaise fortune bon
coeur, supporter l’adversité sans se décourager. ∥ Haut les coeurs !, courage ! ∥ Le
coeur me manque, je suis abattu, découragé. ∥ Coeur de lion, grand courage ; et,
par méton., homme très courageux : Encor si ce banni n’eût rien aimé sur terre. |
Mais les coeurs de lion sont les vrais coeurs
de père (Hugo). ∥ Coeur de poule, de poulet, âme lâche ; et, par méton., personnage
veule, pusillanime. ∥ Péjor. Avoir le coeur
de, avoir le triste courage, l’audace, l’impudence de : Vous n’auriez pas le coeur de
me dénoncer faussement (Romains).
∥ 12. Class. Grandeur, noblesse d’âme,
magnanimité : Seigneur, vous devez tout
au grand coeur d’Exupère (Corneille).
∥ 13. Siège de la mémoire affective :
J’étais là, j’ai tout vu. Ce fut terrible et
grand. | Ce souvenir jamais dans mon
coeur ne s’émousse (Hugo).
• SYN. : I, 2 giron, sein. ∥ II, 4 centre, foyer,
milieu. ∥ III, 6 énergie, goût, vigueur ;
11 audace, bravoure, hardiesse, vaillance.
% Par coeur loc. adv. (sens 1, v. 1200, Poème
moral ; sens 2, 1669, Molière [dîner par coeur,
v. 1540, Yver]). 1. De mémoire et sans une
faute : Pourriez-vous apprendre par coeur
quatre pages [...], mais sans changer un mot
(Stendhal). ∥ 2. Par extens. Parfaitement,
jusque dans le moindre détail : Savoir par
coeur le chemin. Connaître quelqu’un par
coeur. ∥ Fam. Dîner par coeur, se passer de
dîner : En décembre, un soir, on dîna par
coeur. Il n’y avait plus un radis (Zola).
coexistant, e [kɔɛgzistɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de coet de existant ; 1594, Godefroy). Se dit d’une
chose qui existe en même temps qu’une
autre : Et comme ils avaient été dans mon
coeur des mouvements coexistants et simuldownloadModeText.vue.download 52 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
766
tanés, ils cessaient [...] d’être isolés pour
composer un ensemble régulier (Barrès).
• SYN. : coïncidant, concomitant, simultané.
coexistence [kɔɛgzistɑ̃s] n. f. (de co- et
de existence ; 1560, Viret). Le fait d’exister en même temps : Il [Manès] affirmait
l’éternelle coexistence de deux puissances
souveraines : le prince de la lumière et le
prince des ténèbres (Barrès). ∥ Coexistence
pacifique, principe qui permet à deux États
ou à deux blocs d’États régis par des systèmes politiques et économiques antagonistes d’entretenir des relations pacifiques.
• SYN. : concomitance, simultanéité.
coexister [kɔɛgziste] v. intr. (de co- et de
exister ; 1745, Brunot). 1. Exister ensemble
en même temps : Il y a en M. de Girardin
l’homme positif, pratique [...], il y a l’homme
de théorie et de système : les deux coexistent
sans se confondre et sans se nuire (SainteBeuve). ∥ 2. En parlant de deux États,
de deux systèmes d’alliance ou de deux
blocs d’États, entretenir des rapports pacifiques malgré l’opposition irréductible des
régimes économiques et politiques.
• SYN. : 1 cohabiter, coïncider.
coextensif, ive [kɔekstɑ̃sif, -iv] adj. (de
co- et de extensif ; XXe s.). En logique, se
dit d’un concept, d’un terme susceptible
d’avoir la même extension qu’un autre.
coffin [kɔfɛ̃] n. m. (bas lat. cophinus, gr.
kophinos, corbeille ; XIIIe s., Queste del saint
Graal, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse).
1. Vx et dialect. Panier ou coffret haut et de
forme circulaire : Trois coffins de pâte à la
guimauve (Flaubert). ∥ 2. Étui rempli d’eau
où le faucheur met la pierre à aiguiser, et
qu’il porte attaché à la ceinture.
coffrage [kɔfraʒ] n. m. (de coffre ; 1836,
Raymond, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s.).
1. Charpente en bois ou en fer destinée à
prévenir les éboulements dans les puits, les
tranchées, les galeries de mine. ∥ 2. Forme
de bois ou de métal servant à mouler le
béton. ∥ 3. Pose de coffres destinés à maintenir les matériaux jusqu’à leur prise.
coffre [kɔfr] n. m. (bas lat. cophinus, gr.
kophinos, corbeille ; v. 1175, Chr. de Troyes,
au sens I, 1 ; sens I, 2, 1291, Runkewitz ; sens
I, 3, av. 1650, Rotrou [coffres de l’État, 1835,
Acad.] ; sens I, 4, 1690, Furetière ; sens I, 5,
1680, Richelet ; sens I, 6, 1863, Littré ; sens
I, 7, XVIe s., Tilander ; sens I, 8, XXe s. ; sens
II, 1776, Encyclopédie).
I. 1. Meuble en forme de caisse, s’ouvrant
par un couvercle, où l’on range toutes
sortes d’objets (linge, vêtements, vaisselle, etc.) : Une chambre meublée d’une
petite table, de deux tabourets et d’un
coffre (Mérimée). ∥ Fig. et vx. Mourir
assis sur son coffre, attendre indéfiniment : Il serait plutôt mort assis sur son
coffre [...] que de faire une demande quelconque (Gautier). ∥ Class. Mourir sur le
coffre, passer sa vie dans les antichambres
(où, jadis, un coffre servait de siège) : Je
vous donne ma parole que si j’en reviens,
je ne mourrai pas sur le coffre (Turenne,
d’après Mme de Sévigné). ∥ 2. Spécialem.
Caisse ou coffret où l’on range des objets
précieux, de l’argent : Superbe et distraite,
elle appuie | La main sur un coffre à bijoux
(Gautier). ∥ 3. Coffre-fort, ou compartiment d’un coffre-fort qu’une banque loue
à ses clients : Tu seras étonnée de découvrir cette lettre dans mon coffre (Mauriac).
Votre maîtresse a un coffre à la banque
(Romains). ∥ Fam. Les coffres de l’État, le
Trésor public. ∥ 4. Espace creux ménagé
à l’avant ou à l’arrière d’une voiture pour
recevoir des bagages. ∥ 5. Réceptacle
ayant la forme d’un coffre : Ce sont de petits omnibus au coffre large, assis sur des
roues grêles (Fromentin). ∥ Spécialem.
Coffre d’un clavecin, d’un piano, sa caisse.
∥ Coffre d’un navire, sa coque. ∥ 6. Coffre
d’amarrage, caisson métallique flottant,
auquel on amarre les chaînes des navires.
∥ 7. Fig. et fam. Poitrine large. ∥ Avoir du
coffre, avoir une forte poitrine, une forte
voix, un souffle puissant ; au fig., avoir de
l’audace, du courage : Ah ! on ne cachait
pas son jeu, en ce temps-là ! On avait du
coffre, on disait : « Voilà, j’ai pignon sur
rue, je trafique des esclaves, je vends de
la chair noire » (Camus). ∥ 8. Arg. Estomac : Je n’ai rien dans le coffre depuis
deux jours.
II. Poisson osseux des mers chaudes,
à carapace rigide faite de plaques
polygonales.
coffre-fort [kɔfrəfɔr] n. m. (de coffre
et de fort, adj. ; 1589, Havard). Armoire
métallique blindée, munie de serrures
de sûreté ou de dispositifs d’ouverture à
combinaison, où l’on enferme de l’argent
ou des objets précieux : Au fond se voyait la
plaque d’un coffre-fort noyé dans le béton
(Duhamel).
• Pl. des COFFRES-FORTS.
coffrer [kɔfre] v. tr. (de coffre ; 1544,
Mathée, au sens de « mettre dans un
coffre » ; sens 1, XXe s. ; sens 2, 1564, J.
Thierry). 1. Poser un coffrage autour de ;
préparer par un coffrage : Coffrer un pilier
de béton. ∥ 2. Fam. Mettre en prison :
Douze gentilshommes furent choisis pour
porter cette pièce au roi ; à leur arrivée à
Paris, on les coffra à la Bastille, d’où ils
sortirent bientôt en façon de héros ; ils furent
reçus à leur retour avec des branches de laurier (Chateaubriand). Allez, coffrez-moi.
Ça me mettra un toit sur la tête, quand il
pleut (Maupassant). D’ailleurs, il en a fait,
des indélicatesses. Il a même failli être cof-
fré (Duhamel). Inexpérimenté comme vous
êtes, je ne vous donne pas deux jours pour
vous faire coffrer (Romains).
• SYN. : 2 arrêter, boucler (fam.),
emprisonner.
coffret [kɔfrɛ] n. m. (de coffre ; v. 1265,
J. de Meung). Petit coffre fermant à clef,
souvent orné, où l’on range des objets précieux : Ton souvenir est comme un coffret
de reliques (Samain).
• SYN. : cassette, écrin.
coffretier [kɔfrətje] n. m. (de coffret ;
1379, Fagniez). Autref. Fabricant ou marchand de coffres. ∥ Coffretiermalletier,
celui qui fabriquait coffres, malles,
armoires, etc.
cogérance [kɔʒerɑ̃s] n. f. (de co- et de
gérance ; 1866, Larousse). Gérance exercée
en commun avec une ou plusieurs autres
personnes.
cogérant, e [kɔʒerɑ̃, -ɑ̃t] n. (de co- et
de gérant ; XXe s.). Personne qui gère avec
d’autres un bien, une entreprise, pour le
compte d’autrui.
cogestion [kɔʒɛstjɔ̃] n. f. (de co- et de gestion ; XXe s.). Gestion exercée en commun
avec une ou plusieurs autres personnes.
cogitation [kɔʒitasjɔ̃] n. f. (lat. cogitatio,
pensée ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens
de « pensée » ; sens 1, 1370, Oresme ; sens
2, 1866, Larousse). 1. Class. Dans la langue
philosophique, fixation de la pensée sur
un objet : Tout ce que je vous désire, c’est
que vous soyez délivré de toutes les cogitations vagues et fluctuantes (Malherbe).
∥ 2. Ironiq. Action de réfléchir ; résultat de
cette action, pensées : Le téléphone arracha
Jérôme à ses cogitations (Arnoux).
cogiter [kɔʒite] v. intr. (lat. cogitare, penser ; XVe s., au sens de « méditer, projeter » ;
sens actuels, 1866, Larousse). Fam. et ironiq. Penser, réfléchir de façon laborieuse
et parfois vaine.
% v. tr. Fam. Penser : Qu’est-ce que tu
cogites ?
cogito [kɔʒito] n. m. (abrév.
ergo sum, « Je pense, donc je
célèbre de Descartes [1637] ;
Dans la langue philosophique,
du lat. Cogito
suis », formule
fin du XIXe s.).
raisonne-
ment cartésien qui conclut de la pensée
à l’existence : Non seulement ce n’est pas
du « cogito » que Descartes est allé à Dieu,
mais [...] c’est de la croyance de Descartes à
Dieu que le « cogito » prend toute sa valeur
(Faguet).
cognac [kɔɲak] n. m. (de Cognac, ch.l. d’arrond. de la Charente ; 1783, Encycl.
méthodique). Eau-de-vie de vin réputée,
fabriquée à Cognac et dans la région
(Charente et Charente-Maritime) : Il se
jucha, ruisselant de pluie, sur le haut d’un
tabouret et demanda du cognac (Duhamel).
cognasse [kɔɲas] n. f. (de coing ; 1534,
Huguet). Fruit du cognassier sauvage.
cognassier [kɔɲasje] n. m. (de cognasse ;
1611, Cotgrave). 1. Arbre fruitier de la
famille des rosacées, qui produit le coing.
∥ 2. Cognassier du Japon, arbrisseau à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
767
fleurs rouges, cultivé dans les jardins
d’agrément : Et les petits carreaux du
pavage paraissaient semés [...] de pétales
rouges de cognassiers du Japon (Goncourt).
cognat [kɔgna] n. m. (lat. cognatus, uni
par le sang, parent ; XIIIe s., Godefroy).
En droit romain, celui qui était uni à
d’autres par des liens de parenté naturelle.
∥ Spécialem. Parent par les femmes, par
opposition à agnat, parent par les mâles.
cognation [kɔgnasjɔ̃] n. f. (lat. cognatio,
parenté de naissance ; v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure). En droit romain, parenté
résultant de la consanguinité. ∥ Spécialem.
Parenté par les femmes.
cognatique [kɔgnatik] adj. (de cognat ;
1866, Larousse). Succession cognatique,
en droit romain, succession dévolue aux
cognats.
cogne [kɔɲ] n. m. (déverbal de cogner ;
1800, G. Esnault). Arg. Gendarme, agent de
police : Les gens de police sont des railles,
puis des roussins, puis des rousses, puis des
marchands de lacets, puis des coqueurs, puis
des cognes (Hugo). Les cognes ne l’avaient
pas suivi (Genevoix).
cognée [kɔɲe] n. f. (lat. pop. cuneata, fém.
substantivé de l’adj. cuneatus, en forme de
coin, de cuneus, coin ; 1080, Chanson de
Roland). Hache à fer étroit, à long manche,
servant à abattre les arbres, à dégrossir les
pièces de charpente, à fendre le gros bois :
Et les coups de la cognée faisaient, pour la
dernière fois, mugir des échos expirant euxmêmes avec les arbres qui leur servaient
d’asile (Chateaubriand). ∥ Charpentier de
petite cognée, de grande cognée, au Moyen
Âge, menuisier, charpentier : J’entrai
apprenti parmi les charpentiers de la
grande cognée (Hugo). ∥ Fig. et vx. Mettre
la cognée à l’arbre, auprès de l’arbre, entreprendre quelque chose. ∥ Jeter le manche
après la cognée, abandonner une entreprise
par découragement.
cognement [kɔɲmɑ̃] n. m. (de cogner ;
1907, Larousse). 1. Action de cogner, de
frapper à coups répétés. ∥ 2. Bruit sourd
provoqué par cette action : Un cognement de querelle de ménage (Frapié).
∥ Spécialem. Bruit caractéristique produit
par un moteur à explosion dont l’allumage
est déréglé ou dont une bielle a pris du jeu.
cogner [kɔɲe] v. tr. (lat. cuneare, enfoncer,
maintenir avec un coin, de cuneus, coin ; v.
1131, Couronnement de Louis, aux sens 1-2 ;
sens 3, XVe s., Miracles de sainte Geneviève ;
sens 4, 1690, Furetière). 1. Vx. Frapper avec
force, à coups répétés, sur quelque chose
que l’on veut enfoncer : Cogner un clou.
∥ Fig. et fam. Cogner une idée dans la
tête de quelqu’un, la faire entrer de force.
∥ 2. Choquer, heurter involontairement,
par accident : [Des démons] s’éveillent
lourdement [...] | Et cognent en volant les
volets et l’auvent (Baudelaire). Octave expliqua une fois de plus qu’il venait de cogner
maladroitement le volume, lorsque Marie
entra (Zola). ∥ 3. Pop. Frapper quelqu’un
à coups de poings, le battre : Ma concierge
s’est collée [...] avec un faraud à belle voix.
Il la cognait, on entendait des cris affreux
(Camus). ∥ 4. Fig. Se cogner la tête contre
les murs, s’efforcer désespérément de venir
à bout d’une difficulté insurmontable.
• SYN. : 1 taper ; 2 accrocher ; 3 buter (pop.),
étriller (fam.), rosser. — CONTR. : 3 câliner,
caresser, flatter.
% v. intr. et tr. ind. (XIVe s.). 1. Donner des
coups : Il aperçut des gens groupés au fond
devant sa porte, cognant, appelant : « Hé !
Tartarin » (Daudet). Je sens que je ne me
possède plus ; j’ai envie de cogner, de crier,
de pleurer (Gide). ∥ 2. Cogner contre, à,
sur quelque chose, donner un coup, volontairement ou non, à : Cogner sur la table,
au plafond.
• SYN. : frapper, tambouriner, taper.
% v. intr. (sens 1, début du XXe s. ; sens 2,
1913, G. Esnault). 1. Faire entendre un battement fort et accéléré : Un silence pendant
lequel j’entends le ronron de Fanchette,
le tic-tac de ma petite montre, la respiration de Marcel et mon coeur qui cogne
(Colette). ∥ Spécialem. En parlant d’un
moteur, d’un mécanisme, faire entendre
des bruits sourds par suite d’un fonctionnement défectueux : Il vivait comme un
moteur tourne rond, sans cogner (Morand).
∥ 2. Arg. Sentir mauvais : ça cogne ici.
% se cogner v. pr. (sens 1, 1680, Richelet ;
sens 2, 1866, Larousse). 1. Se heurter accidentellement, maladroitement, contre
quelque chose : On voit un chiffonnier qui
vient hochant la tête, | Butant et se cognant
aux murs, comme un poète (Baudelaire).
∥ Absol. Se donner involontairement une
contusion : Je me suis cogné. ∥ 2. Pop. Se
frapper, se battre : Je regrette les temps où
l’on se cognait (France).
cogneur [kɔɲoer] adj. et n. m. (de cogner ;
1920, G. Esnault). Fam. Qui porte de rudes
coups, qui frappe fort (surtout en parlant
d’un boxeur) : Il traitait Ram comme un des
cogneurs issus du peuple qu’il faut mener à
l’abattoir (Morand).
cognitif, ive [kɔgnitif, -iv] adj. (dér.
savant du lat. cognitus, connu ; v. 1361,
Oresme). Vx. Qui permet de connaître :
Faculté cognitive.
cognition [kɔgnisjɔ̃] n. f. (lat. cognitio,
connaissance ; début du XIVe s., puis 1801,
Villers). Dans la langue philosophique,
opération de l’esprit qui conduit à la
connaissance.
cognoscibilité [kɔgnɔsibilite] n. f. (de
cognoscible ; 1898, Larousse). Qualité de ce
qui peut être connu (peu usité) : La cognoscibilité du monde.
cognoscible [kɔgnɔsibl] adj. (bas lat.
cognoscibilis, de cognoscere, connaître ;
1878, Larousse). Qui peut être connu ; qui
est accessible à l’intelligence humaine.
(Peu usité.)
cohabitation [kɔabitasjɔ̃] n. f. (bas lat.
cohabitatio, de cohabitatum, supin de cohabitare, demeurer avec ; XIIIe s., Godefroy).
État de personnes qui habitent, vivent
ensemble. ∥ Spécialem. Vie commune
des époux.
cohabiter [kɔabite] v. intr. (bas lat. cohabitare, demeurer avec ; v. 1355, Bersuire, au
sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Habiter,
vivre ensemble, spécialement en parlant
des époux ; habiter avec : J’ai cohabité trois
fois avec des femmes. Avec les trois je me suis
brouillé rapidement, du jour de la cohabitation (Montherlant). ∥ 2. Fig. Exister
simultanément, en parlant de choses : Et
qui dira combien de passions et combien
de pensées ennemies peuvent cohabiter en
l’homme ? (Gide).
cohérence [kɔerɑ̃s] n. f. (lat. cohaerentia, connexion, cohésion, de cohaerens [v.
COHÉRENT] ; 1524, Godefroy). 1. Vx. Liaison
étroite des divers éléments d’un corps
matériel : Dans le bois, la cohérence longitudinale est bien plus considérable que l’union
transversale (Buffon). ∥ 2. Fig. Harmonie
logique, absence de contradiction entre les
divers éléments d’un ensemble d’idées ou
de faits : Washington a voulu ce qu’il devait
vouloir ; de là la cohérence et la perpétuité
de son oeuvre (Chateaubriand).
cohérent, e [kɔerɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.
cohaerens, -entis, part. prés. adjectivé de
cohaerere, être attaché ensemble ; 1539,
J. Canappe). 1. Vx. Qui s’applique, s’adapte,
s’unit étroitement à autre chose : Les
molécules du fer sont plus cohérentes que
celles du plomb (Acad.). ∥ 2. Fig. Se dit
d’un ensemble qui présente des parties
en rapport logique et harmonieux : Notre
fraternel mariage, fondé sur la confiance,
devint plus cohérent (Balzac). Après une
journée éreintante, il essaie sous sa véranda
de rassembler en un tout cohérent les renseignements contradictoires qu’il a reçus dans
la journée (Tharaud). Un programme cohérent. ∥ Se dit de ces parties elles-mêmes :
Une démonstration fondée sur des arguments cohérents.
• SYN. : 2 conséquent, ordonné, rationnel,
suivi.
cohéreur [kɔeroer] n. m. (dér. savant
du lat. cohaerere, être attaché avec ; 1890,
Branly). Premier appareil de détection
des ondes électromagnétiques (dû à
É. Branly), fondé sur la variation de résistance de contact imparfait entre certains
corps conducteurs.
cohériter [kɔerite] v. intr. (de co- et de
hériter ; 1866, Larousse). Recueillir un héritage avec d’autres.
cohéritier, ère [kɔeritje, -ɛr] n. (de coet de héritier ; 1411, Coutumes d’Anjou et du
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Maine).) Chacune des personnes appelées
à recueillir un même héritage.
cohésif, ive [kɔezif, -iv] adj. (dér. savant
du lat. cohaesum, supin de cohaerere, être
attaché avec ; 1866, Larousse). Qui joint,
unit : Ce produit a de grandes qualités
cohésives.
cohésion [kɔezjɔ̃] n. f. (dér. savant du lat.
cohaesus, part. passé de cohaerere, être attaché avec ; fin du XVIIe s.). 1. Force qui fait
adhérer les molécules d’un corps solide :
L’immersion augmente la cohésion du
ciment hydraulique. ∥ 2. Force qui retient,
unit les différentes parties d’un tout : Ces
parties, ces aspects sont unis par un autre
lien que la cohésion (Valéry). ∥ 3. Qualité
d’un ensemble dont toutes les parties sont
étroitement solidaires : La cohésion d’une
troupe, d’un État. ∥ 4. Caractère d’une
pensée, d’un exposé dont toutes les parties
sont liées logiquement : La cohésion d’une
intrigue romanesque.
• SYN. : 1 adhérence, agrégation ; 2 affinité, connexion, homogénéité, solidarité ;
4 cohérence, harmonie, logique. — CONTR. :
2 dispersion, dissolution, éparpillement ;
3 chaos, confusion, décousu, incohérence.
cohobation [kɔɔbasjɔ̃] n. f. (de cohober ;
1615, Béguin). Action de cohober.
cohober [kɔɔbe] v. tr. (lat. des alchimistes
cohobare, de l’ar. quhba, couleur sombre ;
1615, Béguin). Faire repasser un liquide
qu’on distille sur son résidu, pour le rendre
plus fort, ou sur d’autres substances, pour
le charger d’autres principes volatils.
cohorte [kɔɔrt] n. f. (lat. cohors, -ortis,
troupe ; 1213, Fet des Romains, au sens
1 ; sens 2, v. 1530, C. Marot ; sens 3, av.
1352, Gilles li Muisis). 1. Unité de l’armée
romaine comprenant, à partir de Marius,
trois manipules, soit six centuries, et
formant la dixième partie de la légion :
Et les centurions ralliant leurs cohortes |
Humaient encor dans l’air [...] | La chaleur
du carnage (Heredia). ∥ 2. Littér. Troupe
de gens armés : Sous des murs entourés de
cohortes sanglantes | Siège le sombre tribunal (Hugo). ∥ 3. Fam. Troupe de gens quelconques : L’une après l’autre, les cohortes
[d’écoliers en rang] se mirent en marche
(Duhamel).
• SYN. : 3 bande, caravane, cortège, horde,
meute, troupeau.
cohue [kɔy] n. f. (moyen breton cochuy,
réunion bruyante ; XIIIe s., au sens de
« halle » et au sens 1 ; sens 2-4, 1638,
Chapelain). 1. Autref. Lieu public où se
tenaient les petites justices : À Jersey, la
Cour royale se nomme la Cohue (Hugo).
∥ 2. Class. Bruit confus, exclamation
bruyante : La cohue du parlement s’éleva
à ce mot (Retz). ∥ 3. Multitude confuse
et bruyante : Par l’autorité de son regard
tranquille, ce jeune homme contraignit
cette cohue sinistre à le tuer avec respect
(Hugo). Sur la place de Goderville, c’était
une foule, une cohue d’humains et de bêtes
mélangés (Maupassant). ∥ 4. Vx. Désordre,
confusion : Il ne voyait que pure cohue
(Sainte-Beuve).
• SYN. : 3 bousculade, f lot, fourmilière,
mêlée, presse ; 4 chaos.
coi, coite [kwa, kwat] adj. (lat. pop.
*quetus, lat. class. quietus, tranquille ;
1080, Chanson de Roland ). 1. Vx et littér.
Tranquille et silencieux : Nous étions si
heureux d’être là, cois et chauds dans une
chambre bien close (Gautier). L’enfilade des
chambres et des cours, cette échappée sur
le jardin [...], loin de nous distraire, nous
donne une jouissance plus coite de notre
profondeur et de notre sécurité (Claudel).
∥ 2. Class. Où règne le calme, la tranquillité : Ces fertiles vallons, ces ombrages si
cois (La Fontaine). ∥ 3. N’est plus usité
aujourd’hui que dans les loc. : Rester,
demeurer, se tenir coi, rester sans bouger
ni parler : La comtesse s’obstinait à demeurer coite, le chanoine lâcha son bras (Gide) ;
rester silencieux et ne pas agir : Pendant
sept mois, Clemenceau se tint coi, fit le mort
(Tharaud). ∥ En rester coi, rester muet de
stupéfaction.
• REM. L’ancienne forme du féminin
était coie ; coite est apparu seulement au
XVIIIe s.
coiffage [kwafaʒ] n. m. (de coiffer ;
XXe s.). En chirurgie dentaire, intervention
qui consiste à recouvrir d’un revêtement
protecteur la pulpe dentaire lésée par une
carie : Coiffage pulpaire.
coiffant, e [kwafɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de coiffer ; XXe s.). Qui coiffe bien : Un béret
coiffant.
% coiffant n. m. Manière de placer un chapeau sur la tête : Coiffant classique ou droit.
coiffe [kwaf] n. f. (bas lat. cofia [VIe s.],
d’un germ. occid. kufia ; 1080, Chanson
de Roland, au sens 1 ; sens 2-3, 1680,
Richelet ; sens 4, 1690, Furetière ; sens 5,
milieu du XIVe s., Modus ; sens 6, depuis
1782, Duhamel du Monceau ; sens 7,
1922, Larousse ; sens 8, 1704, Trévoux).
1. Ornement de tête en toile, en dentelle
ou en tissu léger, porté autrefois par toutes
les femmes, et encore aujourd’hui par les
femmes de certaines provinces : La jolie Mlle
Schontz, que sa joue en fleur un peu hâlée et
sa coiffe alsacienne aux ailes de tulle noir
faisaient ressembler à une rose sauvage de
Guebwiller ou de Rouge-Goutte sur laquelle
se serait posé un papillon (Daudet). Sous les
coiffes de lin, toutes croisant leurs bras [...],
| Les femmes à genoux sur le roc de la cale
| Regardent l’Océan blanchir l’île de Batz
(Heredia). ∥ Spécialem. Coiffure des religieuses. ∥ 2. Class. Garniture en linge que
l’on mettait directement sur les cheveux et
par-dessus laquelle on mettait la coiffure.
∥ 3. Doublure d’un chapeau. ∥ Garniture
intérieure d’un casque. ∥ Enveloppe
d’étoffe d’un képi. ∥ 4. Portion de la membrane foetale recouvrant la tête de certains
enfants à leur naissance. ∥ 5. Membrane
enveloppant les intestins de certains animaux de boucherie. ∥ 6. Partie rapportée
à l’extrémité de certains objets : capsule
de bouteille, pointe dure sertie à l’extrémité d’un obus, enveloppe d’une fusée,
etc. ∥ 7. En reliure, rebord qui surmonte
le dos des volumes reliés, en tête et queue.
∥ 8. En botanique, enveloppe recouvrant
la capsule des mousses. ∥ Capuchon qui
protège l’extrémité de certaines racines.
• SYN. : 1 béguin, bonnet, cornette ; 5 cré-
pine, voilette.
coiffé, e [kwafe] adj. (part. passé de coiffer ; XIIIe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, 1549,
R. Estienne [au fig.] ; sens II, 1, 1675,
Widerhold ; sens II, 2, 1680, Richelet).
I. 1. Qui porte une coiffe, une coiffure :
Un village breton où l’on rencontre encore
des femmes coiffées. ∥ Fam. Chèvre coiffée, femme fort laide. ∥ Fam. Chien coiffé,
le premier chien coiffé, v. CHIEN. ∥ 2. Être
né coiffé, en parlant d’un nouveau-né,
venir au monde avec une partie de la
membrane foetale sur la tête, ce qui passe
parfois pour un signe de chance, d’où,
au fig., avoir une chance insolente : Je le
hais parce qu’il est né coiffé, et que l’art
est pour lui chose claire et facile (Baudelaire). On enviait [...] Désiré Lecoq. Il était
né coiffé, disait-on avec un sourire malin
(Maupassant).
II. 1. Dont les cheveux sont arrangés :
Rastignac se retourna brusquement et
vit la comtesse [...] coiffée négligemment
(Balzac). La belle lady, coiffée en pouf avec
des plumes blanches et roses (Gautier).
∥ 2. Spécialem. Cheval bien coiffé, cheval
qui a les oreilles petites et bien placées.
∥ Chien bien coiffé, chien qui a les oreilles
longues et pendantes.
coiffer [kwafe] v. tr. (de coiffe ; XIIIe s.,
Dict. général, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1er avr.
1872, Revue des Deux Mondes ; sens I, 3,
XXe s. ; sens I, 4, et II, 1675, Widerhold ; sens
I, 5, av. 1848, Chateaubriand ; sens I, 6 et 8,
1690, Furetière ; sens I, 7, 1946, le Figaro).
I. 1. Mettre une coiffe, une coiffure sur la
tête de quelqu’un : Coiffer un enfant d’un
béret. ∥ Ceindre le front d’un emblème :
Nous avons montré Tartarin de Tarascon
comme il était en son privé avant que la
gloire l’eût baisé au front et coiffé du laurier séculaire (Daudet). ∥ Fam. et ironiq. Coiffer son mari, lui faire porter des
cornes, le tromper : Enfin, on ne savait
si elle avait congrûment coiffé son vieux
mari (France). ∥ Être coiffé de, v. ci-après
SE COIFFER v. pr. ∥ 2. Mettre sur sa tête
comme coiffure : Coiffer un chapeau.
∥ Fig. Coiffer la mitre, la tiare, être élevé
à la dignité d’évêque, de pape. ∥ Coiffer
sainte Catherine, en parlant d’une jeune
fille, atteindre l’âge de vingt-cinq ans
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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sans être mariée : Ta soeur ne se console
pas de coiffer sainte Catherine (Theuriet). ∥ 3. Avoir comme mesure de coiffure, comme tour de tête : Coiffer du 50.
∥ 4. En parlant d’une coiffure, couvrir la
tête de quelqu’un : Il s’y voyait avec le foulard qui le coiffait et le haut de sa chemise
entrouvert (Flaubert) ; et absol. : Cette
toque coiffe de façon ravissante. ∥ 5. Être
placé au-dessus de, couronner : Pendant
qu’on se battait dans ce village, ma compagnie était commandée pour une batterie à établir au bord d’un bois qui coiffait
le sommet d’une colline (Chateaubriand).
La neige coiffait les collines et traînait en
plaques à demi fondues dans les creux
d’un sol calciné (Martin du Gard). Elle
[l’église de la Métropole] coiffe le plus
beau site de Bucarest (Morand). ∥ Coiffer un objectif, dans la langue militaire,
l’atteindre par son tir, ou le conquérir.
∥ 6. En parlant des chiens de chasse,
saisir le sanglier par les oreilles et le jeter à terre. ∥ Coiffer au poteau, dans les
courses hippiques, dépasser un concurrent sur la ligne d’arrivée. ∥ 7. Fig. Être
à la tête de ; coordonner les activités de
plusieurs services ou organismes : Un bureau central qui coiffe les comités locaux.
∥ 8. Fam. Enivrer (vieilli) : Le vin de la
Moselle vous coiffe vite.
II.Arranger la chevelure, la disposer d’une certaine manière : Coiffer
quelqu’un en bandeaux.
% se coiffer v. pr. (sens I, 1, XIIIe s. ; sens I,
2, fin du XVIe s. ; sens I, 3, 1752, Trévoux ;
sens II, 1675, Widerhold).
I. 1. Couvrir sa tête d’une coiffure : Je
m’étais coiffé d’un béret. ∥ 2. Fam. Se
coiffer (ou être coiffé) de quelqu’un, avoir
une attirance excessive et déraisonnable
pour une personne : C’est un bonheur de
n’être point sujette à se coiffer d’un de ces
oisons-là (Sévigné). ∥ 3. Spécialem. En
parlant d’une voile, être frappée par le
vent sur sa face antérieure et appliquée
contre le mât : On nous parla d’un bijoutier de Paris [...] qui venait de se noyer
avec son camarade, les voiles du canot
qu’il conduisait s’étant coiffées et l’embarcation ayant chaviré (Gautier) ; et intransitiv., en parlant d’un navire : Le bateau
coiffe.
II. Se peigner, arranger sa chevelure : Je
venais de briser, en me coiffant, un miroir
(France).
• SYN. : I, 2 s’amouracher, s’engouer, s’enticher, se toquer (fam.).
coiffeur, euse [kwafoer, -øz] n. (de coiffer ; 1669, Widerhold). Personne qui a pour
métier de couper et d’arranger les cheveux
et la barbe : Garçon coiffeur. Naples ; petite
boutique du coiffeur devant la mer et le
soleil (Gide).
% coiffeuse n. f. Petite table à tiroirs, munie
d’une glace, devant laquelle les femmes se
coiffent, se fardent : Il demeura debout,
regardant le lit, la coiffeuse (Martin du
Gard). Puis elle fit encore quelques pas,
entra dans sa chambre, s’assit devant la
coiffeuse, et jeta sur le miroir un regard
anxieux (Duhamel).
coiffure [kwafyr] n. f. (de coiffer ; fin du
XVe s., J. d’Auton, au sens I ; sens II, 1, 1694,
Acad. ; sens II, 2, 1866, Larousse).
I. Ce qui sert à couvrir ou à orner la tête :
Pour s’essuyer le front, ils retirèrent leur
coiffure (Flaubert).
II. 1. Manière dont les cheveux sont coupés, arrangés : Je pense qu’elle [Anny] a
conservé sa coiffure, ses lourds cheveux
blonds (Sartre). ∥ 2. Action, art de coiffer : Salon de coiffure.
• SYN. : I chapeau, coiffe, couvre-chef (fam.).
coin [kwɛ̃] n. m. (lat. cuneus, coin à
fendre ; XIIe s., aux sens I, 1-2, et II, 1 ;
sens I, 3 et 5, 1690, Furetière ; sens I, 4, v.
1265, J. de Meung [marquer au coin, 1690,
Furetière] ; sens II, 2, début du XIVe s. ; sens
II, 3, 1530, Palsgrave [coin de l’oeil] ; sens II,
4, 1680, Richelet ; sens II, 5, 1660, Oudin ;
sens III, 1, 1690, Furetière ; sens III, 2, 1549,
R. Estienne ; sens III, 3, 1866, Larousse ;
sens III, 4, XXe s. ; sens III, 5, 1907, Larousse).
I. 1. Pièce de fer ou de bois dur, en forme
de prisme à base triangulaire, servant à
fendre du bois. ∥ Fig. Enfoncer un coin
entre, introduire un élément de division,
de discorde entre deux personnes, deux
partis. ∥ 2. Pièce en bois de forme analogue, qui sert à maintenir le fer dans une
varlope, un rabot. ∥ Petite pièce qu’on
enfonce à force dans la tête d’un tenon
ou dans le manche d’un outil, pour les
assujettir. ∥ Pièce de calage en bois, ou
lame de fer repliée et formant ressort, que
l’on interpose entre l’âme du rail et l’une
des mâchoires du coussinet. ∥ 3. Par
anal. Objet en forme de coin : Autour de
la table du milieu chargée de pots, de cigares et de quelques coins de fromage [...],
vous trouverez une vingtaine de messieurs
bien mis (Nerval). ∥ 4. Pièce d’acier gravée en creux, servant à frapper les monnaies et les médailles : Depuis le règne de
Constantin, les médailles ont été frappées
avec des coins d’acier et à froid (Champollion). ∥ Vx. Monnaie à fleur de coin,
monnaie qui n’a pas été usée par le frottement et dont l’empreinte est encore nette.
(Se dit par opposition à monnaie fruste.)
∥ Fig. Être marqué au coin de, avoir la
marque, l’empreinte caractéristique de :
Cet ouvrage est marqué au coin du génie.
∥ 5. Poinçon de garantie qu’on applique
sur les pièces de bijouterie et d’orfèvrerie.
II. 1. Angle formé par l’intersection de
deux lignes, de deux ou de trois plans : Et
saint Joseph, très las, a laissé choir la gouge
| En s’essuyant le front au coin du tablier
(Heredia). Dans le compartiment [...],
deux messieurs dormaient, adossés à deux
coins (Maupassant). ∥ Meuble de coin,
petit meuble conçu pour être placé dans
l’angle d’une pièce. ∥ En coin, se disait
autrefois des troupes disposées en forme
de triangle : Ces Barbares, fidèles aux
usages des anciens Germains, s’étaient
formés en coin, leur ordre accoutumé de
bataille (Chateaubriand). ∥ Mettre au
coin, punir un enfant en l’obligeant à se
tenir debout dans l’angle d’une pièce,
le visage tourné contre le mur : Ce petit
coin noir où l’on met les enfants méchants
(Balzac). ∥ Coin d’une cheminée, chacun
des deux angles d’une cheminée. ∥ Au
coin du feu, près de la cheminée ; au fig.,
chez soi, en famille : Plus d’un | Ne viendra plus chercher la soupe parfumée, |
Au coin du feu, le soir, auprès d’une âme
aimée (Baudelaire). ∥ Ne pas bouger du
coin du feu, ne pas quitter le coin de son
feu, rester chez soi, mener une vie sédentaire et retirée. ∥ Jeu des quatre coins, jeu
dans lequel quatre joueurs, placés aux
quatre sommets d’un carré, cherchent à
changer de place, tandis qu’un cinquième
essaie d’occuper la place laissée libre par
un joueur. ∥ Fam. Jouer aux quatre coins,
se poursuivre sans se rejoindre. ∥ 2. Spé-
cialem. Angle formé par l’intersection de
deux rues : Une petite maison qui faisait
le coin de la rue des Écrivains et de la rue
Marivaux (Hugo). La vilaine couleur du
vin pris au litre chez le marchand de vin
du coin (Balzac). ∥ Coin d’un bois, angle
formé par un bois et la route qui le traverse ou par la corne d’un bois. ∥ Fig.
Mourir au coin d’un bois, d’une haie,
mourir loin de tout secours, de toute
assistance. ∥ On n’aimerait pas le rencontrer au coin d’un bois, il a une mine peu
rassurante. ∥ 3. Coin de la bouche ou des
lèvres, coin de l’oeil, angle formé par les
lèvres, les paupières : Elle parlait à peine.
Il lui suffisait d’un sourire imperceptible
au coin de la bouche (Rolland). Ce sourire
crispé au coin de la lèvre (Gide). ∥ Regard
en coin, regard furtif et dérobé. ∥ Sourire
en coin, sourire ironique et malveillant :
Ce sourire en coin, effroi de son enfance
persécutée (Daudet). ∥ Regarder, faire
signe du coin de l’oeil, regarder, faire
signe à la dérobée : Elle regarda la porte
cochère du coin de l’oeil (Balzac). ∥ Fam.
Entendre du coin de l’oreille, furtivement,
distraitement : Pendant que je cause avec
Fontaine, du coin de l’oreille je l’entends
[Claudel] proclamer son admiration pour
Baudelaire (Gide). ∥ 4. Pièce de métal
garnissant les angles d’un livre : Le magnifique livre à souches, couvert de serge
verte, orné de coins de cuivre (Daudet).
∥ Attache métallique servant à réunir
plusieurs feuillets. ∥ Papier gommé en
forme de coin permettant de fixer des
photos dans un album. ∥ 5. Vx. Partie
du bas, en forme de triangle, qui s’appliquait sur la cheville : Elle faisait venir
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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des chaussures de Paris et les choisissait
à talons minces et élevés, faisant valoir
la finesse de sa jambe, qui était couverte
d’un bas de coton à coins bleus bien tiré
(Nerval).
III. 1. Portion d’espace, étendue de terrain limitée : Ce ne sera certes pas un
hors-d’oeuvre que de décrire ce coin de
Paris actuel (Balzac). Un coin de mer, de
ciel. ∥ Aux quatre coins de, aux extrémités opposées d’une ville, d’une région,
d’un pays, à des points, en des lieux fort
éloignés : Son mari se trouvait sans cesse
aux quatre coins de la France, et toute la
maison retombait sur elle (Zola). ∥ Class.
Tenir son coin, à la paume, en parlant
d’un joueur qui fait équipe avec un autre,
savoir renvoyer les coups qui viennent de
son côté ; au fig., tenir une place honorable dans une assemblée, soutenir avec
avantage une discussion : Il peut tenir son
coin parmi les beaux esprits (Molière).
∥ 2. Endroit retiré, peu visible et peu
fréquenté : Je devrais rester dans un coin
à piocher le droit (Balzac). Je suis si bien
dans mon moulin ! C’est si bien le coin
que je cherchais, un petit coin parfumé
et chaud, à mille lieues des journaux, des
fiacres, du brouillard ! (Daudet). Il pensa
que la nuit allait tomber et qu’il lui faudrait reprendre sa marche au hasard [...],
et chercher interminablement un coin
pour croquer et un autre pour dormir
(Sartre). ∥ Rester (vivre) dans son coin, ne
pas montrer d’ambition, vivre à l’écart :
Le curé, lui, garda son poste, vécut dans
son coin (Daudet). ∥ Dans tous les coins,
dans les endroits les moins visibles, les
moins accessibles ; partout : Elle [...] promena son regard inquisiteur dans tous les
coins de la chambre (Gautier). Flairant
dans tous les coins les hasards de la rime
(Baudelaire). ∥ Fam. Aller au petit coin,
aller aux cabinets. ∥ Pop. La connaître
dans les coins, connaître une chose dans
ses moindres détails, parfaitement :
L’histoire fripouillarde de la Ngoko, s’il
y en a une, il la connaît dans les coins
(Romains). ∥ 3. Fig. Se dit aussi en parlant de l’esprit, des facultés : Garder un
souvenir dans un coin de sa mémoire.
∥ 4. Spécialem. Rubrique d’un journal,
d’une revue : Le coin des chercheurs, des
philatélistes. ∥ 5. Pop. Blague dans le coin,
blague à part, sans plaisanter, pour parler
sérieusement. ∥ Pop. En boucher un coin
à quelqu’un, le surprendre, le stupéfier
par quelque chose d’extraordinaire.
• SYN. : II, 1 encoignure ; 2 croisement ; 3
commissure. ∥ III, 1 endroit, point, quartier, secteur ; 2 localité, patelin (fam.), trou
(fam.) ; 3 recoin ; 4 chronique, courrier.
coinçage [kwɛ̃saʒ] n. m. (de coincer ;
1863, Littré). Action de coincer, de serrer
avec des coins.
coincement [kwɛ̃smɑ̃] n. m. (de coincer ; 1888, Larousse). 1. État d’une pièce
mécanique coincée, immobilisée. ∥ 2. Fig.
Arrêt brusque, blocage dû à un obstacle,
une difficulté imprévus : Sommé soudain
de fonctionner dans une nouvelle langue,
l’esprit est exposé à des coincements et blocages de mécanisme (Romains).
coincer [kwɛ̃se] v. tr. (de coin ; 1773,
Bourdé de Villehuet, au sens I ; sens II, 1,
2, 3, 1866, Larousse ; sens II, 4, 1942, G.
Esnault). [Conj. 1 a.]
I. Fixer, caler avec des coins : Coincer des
rails.
II. 1. Immobiliser, serrer dans un coin
ou dans un espace étroit : Le malfaiteur
était coincé dans l’impasse. De petites
vagues précipitées, qui, coincées entre les
baleinières et le bateau, jaillissaient en
geyser (Gide). ∥ 2. Par extens. Immobiliser quelque chose en l’engageant à fond
dans un espace étroit : Il parlait en coinçant sa figure dans l’entrebâillement de la
porte que je maintenais (Colette). ∥ 3. Fig.
et fam. Retenir, réduire à l’impuissance :
Ah ! cette fois, tu es coincé. Qu’est-ce
que tu trouves à répondre ? (Duhamel).
∥ 4. Fam. Prendre, arrêter : Si tu vois le
fils du sénateur, tâche de ne pas le rater,
parce que c’est lui qui a tout manigancé.
Nous sommes coincés (Sartre).
• SYN. : II, 2 bloquer, caler ; 3 acculer ;
4 pincer (pop.).
% se coincer v. pr. (1877, Littré). En parlant d’une pièce mécanique mobile ou d’un
mécanisme, se bloquer : La gâchette, l’arme
s’est coincée.
coinchée [kwɛ̃ʃe] adj. et n. f. (part. passé
de coincher). Manille coinchée, ou coinchée
n. f., manille où l’on peut contrer.
coincher [kwɛ̃ʃe] v. intr. (probablem.
forme normanno-picarde ou franco-provençale de coincer [verbe qui, dans plusieurs
dialectes, signifie « acculer »] ; XXe s.).
Contrer à la manille.
coïncidence [kɔɛ̃sidɑ̃s] n. f. (de coïncider ; milieu du XVe s., au sens de « similitude » ; sens 1, 1753, Encyclopédie ; sens 2,
1835, Acad.). 1. État de deux figures qui
peuvent se superposer point par point : La
coïncidence de deux figures démontre leur
égalité. ∥ 2. État de choses qui coïncident,
existent simultanément : La coïncidence
des qualités les plus exceptionnelles chez
un même individu est rare. ∥ Spécialem.
Rencontre fortuite : Au début, la maladie
du roi ne leur causait pas d’inquiétude.
Ils comptaient que le malade en guérirait
pendant qu’ils le soigneraient et que cette
coïncidence serait notée à leur avantage
(France).
• SYN. : 2 coexistence, concomitance,
concours, correspondance, rencontre,
simultanéité.
coïncident, e [kɔɛ̃sidɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de coïncider ; 1503, G. de Chauliac, au sens 2 ; sens
1, 1752, Trévoux). 1. Qui coïncide : Figures
coïncidentes. ∥ 2. Qui se produit en même
temps : Des événements coïncidents.
• SYN. : 2 coexistant, concomitant,
simultané.
coïncider [kɔɛ̃side] v. intr. (lat. scolastique coincidere, proprem. « tomber
ensemble », de cum, avec, et incidere, tomber ; v. 1361, Oresme, au sens 3 ; sens 1, 1753,
Encyclopédie ; sens 2, 1798, Acad.). 1. En
parlant de figures géométriques, se superposer point par point : Une translation fait
coïncider les deux triangles. ∥ 2. En parlant
d’événements, se produire en même temps :
La découverte de la boussole coïncide avec
celle de la poudre (Chateaubriand). Le
dîner de la maison, dont l’heure coïncidait avec notre rentrée (Balzac). ∥ 3. Fig.
Correspondre exactement, concorder : Les
dépositions des témoins coïncident.
• SYN. : 2 coexister, correspondre ; 3 se
recouper.
coin-coin [kwɛ̃kwɛ̃] n. m. invar. (onomatop. imitant le cri du canard ; XXe s.).
Cri du canard : C’étaient autour d’elle des
rires, des cris et des coin-coin comme dans
un troupeau (Alain-Fournier).
coïnculpé, e [kɔɛ̃kylpe] n. (de co- et de
inculpé ; 1866, Larousse). Personne inculpée avec une ou plusieurs autres pour une
même infraction.
coin-de-feu [kwɛ̃dfø] n. m. (de coin,
de, et feu ; 1877, Littré). Petit siège pour
s’asseoir au coin du feu.
• Pl. des COINS-DE-FEU.
coing [kwɛ̃] n. m. (lat. cotoneum ou cydoneum, du gr. kudônia, [fruit] de Cydonea
[ville de Crète] ou de Kutônion [en Asie
Mineure] ; v. 1138, Vie de saint Gilles, écrit
cooin ; coing dès le XIIIe s., forme répandue
ensuite pour éviter la confusion orthogr.
avec coin). Fruit du cognassier, en forme de
poire, à peau jaune et veloutée : Confiture
de coings. ∥ Fig. Jaune comme un coing, qui
a le teint extrêmement jaune.
coïntéressé, e [kɔɛ̃terese] adj. et n. (de
co- et de intéressé ; 1670, Colbert). Qui possède des intérêts en commun avec d’autres
dans une entreprise, une affaire.
coït [kɔit] n. m. (lat. coitus, de coire,
aller ensemble ; v. 1378, J. Le Fèvre).
Accouplement du mâle et de la femelle.
coite adj. Fém. de COI.
coite ou coitte n. f. V. COUETTE.
coïter [kɔite] v. intr. (de coït ; 1859,
Flaubert). S’accoupler.
cojouissance [kɔʒwisɑ̃s] n. f. (de co- et
de jouissance ; 1835, Acad.). Dans la langue
juridique, jouissance d’un bien commun à
deux ou plusieurs personnes.
coke [kɔk] n. m. (mot angl. ; 1758, de
Tilly, écrit coucke ; coke, 1827, Dufrénoy).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
771
Résidu de la distillation de la houille en
vase clos, employé comme combustible :
Le coke attire le feu sous la grande chaudière (Hugo). ∥ Coke métallurgique, coke
en morceaux assez gros, utilisé dans les
hauts fourneaux. ∥ Coke de pétrole, sousproduit solide de la distillation du pétrole.
cokéfaction [kɔkefaksjɔ̃] n. f. (de cokéfier ; 1923, Larousse). Transformation de
la houille en coke.
cokéfiable [kɔkefjabl] adj. (de cokéfier ;
XXe s.). Se dit d’un charbon qui peut être
transformé en coke.
cokéfier [kɔkefje] v. tr. (de coke et du lat.
facere, faire ; 1911, Larousse). Transformer
la houille en coke.
cokerie [kɔkri] n. f. (de coke ; fin du
XIXe s.). Usine productrice de coke destiné à l’industrie, notamment aux hauts
fourneaux.
col [kɔl] n. m. (anc. cas régime sing. de cou
[v. ce mot] ; 1080, Chanson de Roland, au
sens I, 1 ; sens I, 2, XIVe s. ; sens I, 3, 1546,
Ch. Estienne ; sens I, 4, 1645, Monet ; sens
I, 5, 1832, Raymond ; sens II, 1, v. 1175, Chr.
de Troyes ; sens II, 2, 1863, Littré).
I. 1. Class. et littér. Cou : Un valet cacha
son maître [...], vint au-devant de ceux
qui le cherchaient [...] et leur présenta le
col (Malherbe). Elle [Charlotte] paraissait
grande à cause de la proportion de sa tête
et de l’attache du col, qu’elle avait dégagé
et naturellement noble (Bourget). Une
belle tête bouclée, portée par un col droit et
blanc, sortait de ce vêtement étrange (Duhamel). ∥ Canard à col vert, v. COL-VERT.
∥ 2. Partie étroite et allongée de certains
objets : Col d’une bouteille, d’un vase. Depuis le haut chandelier kabyle jusqu’aux
aiguières à long col enserrant les vins dans
des formes bizarres et exquises (Daudet).
∥ 3. Partie étroite de certains organes :
Col de la vessie, de la matrice. ∥ Rétrécissement entre la tête et le corps de certains os : Col du fémur. ∥ 4. Dépression
étroite dans une crête montagneuse, permettant de passer d’un versant à l’autre :
Cols abrupts, lacs, forêts pleines d’ombres
et de nids (Heredia). ∥ 5. En serrurerie,
courbure que l’on fait subir à une tringle.
II. 1. Partie du vêtement qui entoure
le cou : Col de veste, de chemise. Col
dur, col mou. Sa nuque était puissante,
qu’encerclait un col demi-haut, échancré
par-devant et dont il rabattait les pointes
(Gide). Il passa sa vareuse dont il ne boutonnait jamais le col (Malraux). ∥ Faux
col, col de chemise amovible fig. et fam.,
et mousse d’un verre de bière : Un demi
sans faux col. ∥ 2. Parure de lingerie que
les femmes portent autour du cou, sur
leur corsage : Col de dentelle. ∥ Parure
d’étoffe ou de fourrure, au col d’un manteau : Col de velours. Col d’astrakan.
• SYN. : I, 2 goulot ; 4 brèche, défilé, pas,
port. ∥ II, 2 collerette, collet.
cola ou kola [kɔla] n. m. (mot du lat. des
botanistes [XVIe s.], empr. à une langue
indigène du Soudan ; 1610, Linschoten, au
sens 2 ; sens 1, 1866, Larousse). 1. Arbre
poussant sur la côte occidentale d’Afrique,
dont le fruit, la noix de cola, contient des
alcaloïdes stimulants. (On dit aussi COLATIER ou KOLATIER.) ∥ 2. La noix de cola
elle-même.
colas [kɔlɑ] n. m. (abrév. du prénom
Nicolas ; 1721, Trévoux, au sens 1, sous
la forme gros colas [colas, 1792, Brunot] ;
sens 2, 1817, Dict. d’histoire naturelle [1752,
Trévoux, au sens de « corbeau nourri à la
maison »]). 1. Vx. Homme niais et stupide :
Voyez ce grand colas. ∥ 2. Nom donné au
corbeau, au geai et au canard de Barbarie.
colateur [kɔlatoer] n. m. (dér. savant
du lat. colare, filtrer ; 1866, Larousse).
Canal servant à l’écoulement des eaux
d’irrigation.
colatier ou kolatier n. m. V. COLA.
colature [kɔlatyr] n. f. (dér. savant du lat.
colare, filtrer ; XIVe s., B. de Gordon, au sens
2 ; sens 1, v. 1560, Paré). 1. Action de filtrer
un liquide pour en séparer les matières les
plus grossières. ∥ 2. Le liquide ainsi filtré.
colback [kɔlbak] n. m. (turc qalpaq, bonnet de fourrure ; 1657, La Boullaye, écrit
kalepak ; colback, 1823, Boiste). Bonnet à
poil en forme de cône tronqué, évasé vers
le haut et fermé par une poche conique en
drap appelée « flamme », devenu la coiffure
des chasseurs à cheval de la garde consulaire après l’expédition d’Égypte (1798) :
Portant le noir colback ou le casque poli
(Hugo). À peine posé sur le crâne de tel
enfant Baudoin, un colback du premier
Empire perdait tout aspect insolite et
même tout caractère agressivement militaire (Duhamel).
colbertisme [kɔlbɛrtism] n. m. (de
Colbert, n. pr. ; fin du XVIIIe s.). Système,
doctrine économique de Colbert, fondés
sur le protectionnisme, le développement
des industries de luxe et du commerce
d’exportation.
colbertiste [kɔlbɛrtist] adj. (de colbertisme ; XXe s.). Relatif au colbertisme.
% n. et adj. Partisan du colbertisme.
col-bleu [kɔlblø] n. m. (de col et de bleu,
adj. ; 1884, G. Esnault). Fam. Marin de la
marine de guerre française.
• Pl. des COLS-BLEUS.
colchicine [kɔlʃisin] n. f. (de colchique ;
milieu du XIXe s.). Principal alcaloïde
extrait des graines de colchique, utilisé
dans le traitement de la goutte, mais
toxique.
colchique [kɔlʃik] n. m. (lat. colchicum,
gr. kolkhikon, [plante] de Colchide, patrie
de l’empoisonneuse Médée ; 1545, Guéroult,
écrit colchicon ; colchique, 1611, Cotgrave).
Plante bulbeuse commune dans les prés
humides, à fleurs mauves, roses, blanches,
parfois jaunes, très vénéneuse, de la famille
des liliacées : Le pré est vénéneux mais joli
en automne [...] | Le colchique couleur de
cerne et de lilas y fleurit (Apollinaire).
colcotar [kɔlkɔtar] n. m. (ar. qulqutār ;
1492, G. Tardif). Oxyde ferrique rouge,
obtenu par calcination du sulfate de fer,
servant à polir le verre.
cold-cream [kɔldkrim] n. m. (mots angl.
signif. proprem. « crème froide » ; 1827, A.
Martin). Pommade composée de cire,
de blanc de baleine, d’huile d’amandes
douces, utilisée pour les soins de beauté
ou servant d’excipient pour les médicaments de la peau : Il n’y avait jamais assez
de cold-cream sur sa peau (Flaubert).
col-de-cygne [kɔldəsiɲ] n. m. (de col,
de et cygne ; 1832, Raymond). 1. Pièce
de tuyauterie doublement coudée.
∥ 2. Spécialem. Robinet dont l’extrémité
est recourbée comme un col de cygne. (On
dit aussi ROBINET À COL DE CYGNE.)
• Pl. des COLS-DE-CYGNE.
colée [kɔle] n. f. (de col ; fin du XIe s.,
Gloses de Raschi, au sens général de « coup
sur le cou, la nuque » ; sens actuel, XIIe s.).
Coup du plat de l’épée que l’on donnait
au chevalier sur le cou, quand on l’armait.
colégataire [kɔlegatɛr] n. (de co- et de
légataire ; 1596, Basmaison). Personne
qui partage avec d’autres les legs d’un
testament.
coléo- [kɔleɔ], élément tiré du gr. koleos,
étui, et entrant, comme préfixe, dans la
composition de certains mots.
coléophore [kɔleɔfɔr] n. f. (de coléo- et
du gr. phoros, qui porte ; 1866, Larousse).
Petite teigne dont la chenille vit dans un
fourreau.
coléoptères [kɔleɔptɛr] n. m. pl. (lat.
des naturalistes coleopterum, du gr. koleos,
étui, et pteron, aile ; 1754, La Chesnaye des
Bois). Ordre d’insectes à métamorphoses
complètes, pourvus de pièces buccales
broyeuses, et dont les ailes antérieures,
cornées, ou élytres, servent d’étui aux
ailes postérieures, membraneuses : Voyez
le hanneton, le moins robuste des coléoptères (Maeterlinck). Car je ne m’intéressais
point tant alors aux plantes qu’aux insectes,
et plus spécialement aux coléoptères, dont
j’avais commencé de faire collection (Gide).
• Sing. : un COLÉOPTÈRE.
colère [kɔlɛr] n. f. (lat. cholera, proprem.
« choléra », puis [sous l’influence du gr.
kholê, bile] « maladie bilieuse », « bile », et,
dès le IVe s., « colère » ; v. 1265, Br. Latini,
au sens de « tempérament porté aux émotions violentes et durant longtemps » ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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sens actuels, 1418, Caumont). 1. État
affectif violent et passager, résultant du
sentiment d’avoir été blessé ou offensé,
qui se traduit par un vif mécontentement
et s’accompagne parfois de réactions
agressives : Se mettre en colère. La colère
est violente chez les timides (France). Telle
une bulle de savon — oh ! une bulle bien
sonore —, la colère s’évanouissait soudain
(Duhamel). Bordier s’arrêta et cogna du
poing sur la table. La colère le faisait suffoquer (Aymé). ∥ Colère de Dieu, divine,
céleste, violente manifestation de l’irritation de Dieu ou des puissances célestes.
∥ Enfants de colère, dans la langue biblique,
ceux qui sont punis par la colère divine :
Les enfants d’Adam sont enfants de colère,
indignes de l’héritage céleste (Fénelon).
∥ 2. Accès de colère : Une colère s’élevait
en elle (Maupassant). Au moindre objet
déplacé et qu’il ne retrouvait pas tout de
suite, M. de Coëtquidan faisait une colère
(Montherlant). ∥ Piquer une colère, avoir
un brusque accès de colère. ∥ Colère
blanche, colère froide, dans laquelle le
visage devient d’une extrême pâleur : Ces
hommes trop blonds et froids d’aspect,
comme Risler, ont des colères terribles, des
colères blanches dont on ne peut calculer les
résultats (Daudet). Anny entrait dans des
colères blanches (Sartre). ∥ Colère bleue,
colère très violente, qui fait bleuir le visage.
∥ Colère jaune, colère qui fait déborder la
bile : Une vraie colère le prit [Bonaparte],
une de ses colères jaunes (Vigny). ∥ Colère
noire, colère profonde : Une colère noire,
depuis longtemps concentrée, éclate dans
toute l’épouse Bovary (Baudelaire). ∥ 3. Fig.
et littér. Déchaînement, mouvement violent
et désordonné des éléments : Je me dressais,
vermeil, joyeux de la colère | Écumante ou
du rire éblouissant des flots (Heredia).
• SYN. : 1 courroux (littér.), emportement,
fureur, irritation, rage, rogne (pop.) ; 3
fureur, tempête. — CONTR. : 1 calme, douceur, impassibilité, modération, sérénité ;
3 bonace.
% adj. (1550, Ronsard). 1. Vx. Emporté par
la colère : J’étais rouge comme le feu et pardieu si colère qu’il fallut la présence des deux
femmes pour me contenir (Sue). Il devrait
être satisfait ; il a l’air agacé, presque colère
(Duhamel). ∥ Vx. Qui a l’habitude de se
mettre en colère : Il n’y a que les hommes
forts, grands et colères [...], pour avoir ces
partis pris de confiance, cette générosité
pour les faibles (Balzac). ∥ 2. Vx et fam.
Qui marque la colère : Le vieux venait de
se relever, me criant d’une voix colère cette
éternelle phrase (Zola). Paul, le coeur brisé,
contemplait cela tristement, cette face au
nez court, gardant, dans son inertie, l’expression colère et bonne d’un être inoffensif
qui a essayé de se mordre (Daudet).
colérer [kɔlere] v. intr. ou se colérer
[səkɔlere] v. pr. (de colère ; 1541, Amadis).
Class. (déjà vx au XVIIe s.) et littér. Se mettre
en colère : Ne te colère point contre mon
insolence (Corneille). Il est dans le caractère
français de s’enthousiasmer, de se colérer, de
se passionner pour le météore du moment
(Balzac). En général, le bon Colletet est assez
rapace, et il se colère fort contre ceux qui
ne lui donnent rien (Gautier). Comme on y
prévenait ses moindres désirs, d’ordinaire il
s’y tenait tranquille, et ne colérait que pour
des choses du dehors (Montherlant).
coléreusement [kɔlerøzmɑ̃] adv. (de
coléreux ; 1863, Goncourt). Avec colère :
Sainte-Beuve réplique coléreusement
(Goncourt). Celui-ci, le premier, y vit clair
et l’avertit un jour coléreusement (Daudet).
• SYN. : furieusement, rageusement. —
CONTR. : calmement, tranquillement.
coléreux, euse [kɔlerø, -øz] adj. et n.
(de colère ; 1574, R. Garnier ; supplanté par
colère, adj., et colérique, entre le XVIIe s. et la
fin du XIXe). Prompt à se mettre en colère :
On lui connaissait cette politesse excessive
par quoi les gens coléreux et qui ne se possèdent pas se rattrapent, donnent le change
(Mauriac).
• SYN. : colérique, emporté, irascible, irritable. — CONTR. : calme, doux, impassible.
% adj. Qui marque la colère : Alors le
père Tuvache articula d’un ton coléreux :
« Vas-tu pas nous r’procher d’ t’avoir gardé »
(Maupassant). Une amertume coléreuse
(Romains).
colérique [kɔlerik] adj. et n. (de colère
ou du lat. cholericus, bilieux ; 1256, Ald.
de Sienne, aux sens de « qui a rapport à la
bile », « qui produit de la bile » ; sens actuels,
v. 1361, Oresme). Vx. Porté à la colère : Il
[...] était devenu entêté, colérique (Sand).
• SYN. : emporté, irascible, irritable. —
CONTR. : calme, doux, impassible.
% adj. Vx. Qui dénote la colère : Hein ?
dit le percepteur au maître de poste et aux
femmes stupéfaites de la colérique allocution de Bongrand (Balzac).
colette [kɔlɛt] n. f. (du n. de sainte Colette
Boilet [1380-1446], réformatrice de l’ordre
de Sainte-Claire ; 1863, Littré [soeur colette,
1680, Richelet]). Religieuse non cloîtrée de
l’ordre de Sainte-Claire.
colibacille [kɔlibasil] n. m. (du gr. kôlon,
gros intestin, et de bacille ; 1907, Larousse).
Bactérie qui vit en saprophyte dans l’intestin de l’homme et des animaux, mais qui,
dans certaines conditions, peut devenir
pathogène.
colibacillose [kɔlibasiloz] n. f. (de colibacille ; 1907, Larousse). Affection provoquée
par le colibacille pathogène.
colibri [kɔlibri] n. m. (mot du caraïbe
des Antilles ; 1640, Bouton). Autre nom
des oiseaux-mouches, passereaux de très
petite taille, au plumage éclatant, propres à
l’Amérique : Tu poses doucement ton corps
sur une natte, | Où tes rêves flottants sont
pleins de colibris (Baudelaire). Dans leurs
grandes cages en treillis doré, les colibris ne
gazouillent plus. Leurs petites ailes bleues,
roses, rubis, vert de mer, restent immobiles
(Daudet).
colichemarde [kɔliʃmard] n. f. (peutêtre altér. de Königsmark, n. d’un homme
de guerre du XVIIe s. [1639-1688], qui passe
pour avoir inventé ce type de lame ; 1801,
Mercier, écrit konismarck ; colismarde et
colichemarde, 1866, Larousse). Épée d’origine allemande, dont la lame, large en sa
première moitié, s’effile brusquement en
carrelet : La rapière du marquis, une grande
diablesse de colichemarde qui avait fait tant
de victimes lorsqu’il était dans les gardes du
corps (Daudet). Armés de fleurets, d’arquebuses, de machines à rouet, que sais-je ?
de rapières et de colichemardes (Malraux).
colicitant, e [kolisitɑ̃, -ɑ̃t] n. et adj. (de
co- et de licitant, part. prés. de liciter [v. ce
mot] ; 1835, Acad.). Se dit des cohéritiers
ou des copropriétaires au profit desquels
se fait une vente par licitation.
colifichet [kɔlifiʃɛ] n. m. (altér., d’après
coller et, pour la finale, d’après affiquet, de
coeffichier [XVe s., Godefroy], dér. de coiffe ;
1666, Molière, au sens 3 ; sens 1-2, 1690,
Furetière ; sens 4, 1696, Regnard ; sens 5,
début du XIXe s. ; sens 6, 1866, Larousse).
1. Vx. Ornement de papier découpé, collé
sur du bois, du velours, ou ouvrage de broderie sur fond de papier. ∥ 2. Petit objet de
fantaisie sans grande valeur : Il y avait là
non pas des colifichets à la mode [...], mais
des objets d’art ou d’industrie d’une grande
beauté (Sand). ∥ 3. Péjor. OEuvre sans intérêt, ou ornement de peu de valeur ou de
mauvais goût qui surcharge une oeuvre :
Voilà, pour être franc, ce que j’aime en M.
de Musset [« Souvenir »], et non pas du tout
les petits vers « Sur trois marches de marbre
rose », et autres colifichets qui sentent leur
Régence (Sainte-Beuve). Elles ont effrontément ajouté sur les blessures de l’architecture gothique leurs misérables colifichets
d’un jour (Hugo). ∥ 4. Class. Homme
ou femme chargés d’ornements et d’une
coquetterie affectée : Ne verrai-je jamais
les femmes détrompées de ces colifichets,
de ces fades poupées (Regnard). ∥ 5. Petit
biscuit léger qu’on donne aux oiseaux :
Mme Verdurin, juchée sur son perchoir,
pareille à un oiseau dont on eût trempé le
colifichet dans du vin chaud... (Proust).
∥ 6. Support servant à soutenir les poteries,
à empêcher le contact des pièces émaillées
pendant leur cuisson.
colimaçon [kɔlimasɔ̃] n. m. (altér.,
sous l’influence de coque, de caillemasson [XIVe s.] ou calimachon, composés
normanno-picards de écaille ou écale
[francique skala] et de limaçon ; 1529,
Parmentier). Syn. vieilli de LIMAÇON :
Il [Quasimodo] en avait pris la forme [de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
773
la cathédrale] comme le colimaçon prend
la forme de sa coquille (Hugo).
% En colimaçon loc. adv. (1850, Balzac).
En spirale : Il descendait le petit escalier en
colimaçon qui faisait communiquer l’entresol avec la salle du café (Martin du Gard).
1. colin [kɔlɛ̃] n. m. (de cole [v. 1370, E.
Deschamps], par addition de suff., ou de
colfisch [1551, Belon], par substitution de
suff., issus tous deux du néerl. kole [fisch],
colin, proprem. « poisson-charbon », ainsi
appelé à cause de la couleur de son dos ; v.
1380, Mélanges Roques). 1. Poisson marin
du genre merlan. ∥ 2. Nom donné sur les
marchés à la merluche.
2. colin [kɔlɛ̃] n. m. (de Colin, abrév.
fam. de Nicolin, dér. de Nicolas ; 1555,
Belon, au sens de « espèce de goéland » ;
1611, Cotgrave, au sens de « grèbe » ; sens
actuel, 1759, Dict. des animaux). Petit
oiseau d’Amérique, voisin des cailles et
des perdrix.
colinette [kɔlinɛt] n. f. (de Colinette,
n. pr., fém., de Colin [v. COLIN 2] ; 1771,
Trévoux). Vx. Coiffe de femme, servant
de bonnet de nuit au XVIIIe s. : Elle portait encore la colinette, c’est-à-dire qu’un
mouchoir à carreaux blancs et bleus, noué
sous son menton, lui enveloppait la tête
(Acremant).
colin-maillard [kɔlɛ̃majar] n. m. (de
deux n. pr. : Colin [fréquent dans des acceptions fam.] et [pour une raison obscure]
Maillard ; 1532, Rabelais). Jeu dans lequel
un des joueurs, ayant les yeux bandés, doit
poursuivre les autres et reconnaître celui
qu’il a attrapé : Jouer à colinmaillard.
colinot [kɔlino] n. m. (dimin. de colin 1 ;
XXe s.). Petit colin (au sens 1).
colin-tampon [kɔlɛ̃tɑ̃pɔ̃] n. m. (de Colin
[v. COLIN-MAILLARD] et de tampon, dit par
plaisanterie pour tambour ; 1567, Pasquier,
comme surnom des soldats suisses au service de la France ; dans les loc. actuelles,
1698, Gherardi). Nom donné autrefois,
par plaisanterie, à une batterie des anciens
régiments suisses. ∥ Fam. Se soucier, se
moquer, se ficher de quelque chose comme
de colin-tampon, n’en avoir pas le moindre
souci : Je me moque de ton maître, de ses
fusées et de ses pétarades comme de colintampon (Gautier). Qu’il soit dreyfusard ou
non, cela m’est parfaitement égal, puisqu’il
est étranger. Je m’en fiche comme de colintampon (Proust).
1. colique [kɔlik] n. f. (lat. colica, fém.
substantivé de l’adj. colicus, qui souffre
de la colique, gr. kôlikos, de kôlon, gros
intestin ; XIVe s., Antidotaire Nicolas, aux
sens 1-3 ; sens 4, 1863, Littré). 1. Douleur
violente du côlon et, plus généralement, de
la cavité abdominale (souvent au plur.) :
Les coliques de Bouvard devenant trop
fortes, Germaine alla chercher le docteur
(Flaubert). ∥ 2. Par extens. Nom donné
à toutes les douleurs abdominales aiguës
dues à la contraction d’un organe creux :
Colique utérine. ∥ Spécialem. Colique
hépatique, colique vésiculaire, douleur
due au passage d’un calcul dans les voies
biliaires, ou à la contraction de la vésicule.
∥ Colique néphrétique, douleur due à une
contraction de l’uretère, le plus souvent
provoquée par un calcul. ∥ Vx. Colique
de miserere, nom donné autrefois aux
douleurs de la péritonite ou de l’occlusion.
∥ Colique de plomb, colique causée par le
saturnisme. ∥ 3. Fam. Diarrhée : Avoir
la colique. ∥ 4. Fig. et fam. Par allusion à
un effet assez ordinaire de la peur, forte
appréhension : Ce mal est tout d’imagination. La colique du candidat de même
(Alain). ∥ Fam. Avoir la colique, avoir peur.
∥ Fam. Donner la colique, ennuyer vivement. ∥ Fam. Quelle colique !, quel ennui.
2. colique [kɔlik] adj. (lat. colicus, gr.
kôlikos, de kôlon, gros intestin ; début du
XVIIe s., Huguet). Qui se rapporte au gros
intestin : Artère colique.
coliqueux, euse [kɔlikø, -øz] adj. (de
colique ; v. 1560, Paré). 1. Fam. et vx. Pris de
coliques. ∥ 2. Fam. et vx. Sujet à la colique.
coliquidateur [kɔlikidatoer] n. m. (de coet de liquidateur ; 1866, Larousse). Personne
qui procède avec une ou plusieurs autres à
une liquidation judiciaire.
colis [kɔli] n. m. (ital. colli, plur. de collo,
cou, d’où « charge portée sur le cou » ; 1723,
Savary des Bruslons). Objet ou ensemble
d’objets, de marchandises emballés et que
l’on expédie. ∥ Colis postal, colis transporté par chemin de fer sous le contrôle de
l’administration des Postes : Un ministre
européen envoie à sa femme un petit colis
postal (Malraux).
• SYN. : paquet.
colistier [kɔlistje] n. m. (de co- et de liste ;
1922, Larousse). Chacun des candidats à
une élection inscrits sur une même liste :
Je puis citer les noms de ses colistiers et les
chiffres des voix (Bourget).
colite [kɔlit] n. f. (dér. savant de côlon ;
milieu du XIXe s.). Inflammation du côlon.
colitigant, e [kɔlitigɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de co- et
de litigant, celui qui a un procès [XIVe s.],
du lat. litigare, avoir un procès ; v. 1480,
Molinet). Se dit des parties qui plaident
l’une contre l’autre dans un procès.
collabo [kɔlabo] n. (v. 1940). Pop. Abrév.
de COLLABORATEUR (au sens 3).
collaborateur, trice [kɔlabɔratoer,
-tris] n. (dér. savant du bas lat. collaborare
[v. COLLABORER] ; 1755, l’Année littéraire,
aux sens 1-2 ; sens 3, v. 1940). 1. Personne
qui travaille avec une ou plusieurs autres
à une entreprise commune : Complétez
donc votre idée avec la mienne, si vous
ne me jugez pas trop indigne d’être votre
collaborateur (Dumas). Puis nous nous
lancions dans d’énormes travaux, où nos
femmes devenaient volontiers nos collaboratrices (Gide). ∥ 2. Personne qui contribue
à une oeuvre, à un résultat : Selon nous,
tous les collaborateurs d’une légende sont
à la fois trompés et trompeurs (Renan).
∥ 3. Spécialem. En France, sous l’occupation allemande (1940-1944), partisan de la
politique de rapprochement et de coopération avec l’occupant : J’ai vu les pacifistes
devenir bellicistes, les anti-Allemands devenir collaborateurs, les sages devenir fous et
les fous se rasseoir (Duhamel). [Par abrév.
pop. : COLLABO.] ∥ Par extens. Personne
qui collabore avec un ennemi occupant le
territoire national.
• SYN. : 1 adjoint, aide, assistant, associé,
second.
collaboration [kɔlabɔrasjɔ̃] n. f. (dér.
savant du bas lat. collaborare [v. COLLABORER] ; 1759, Richelet, au sens de « travaux
communs du mari et de la femme » ; sens
1, 1829, Boiste ; sens 2, v. 1940). 1. Action
de travailler avec quelqu’un, de contribuer
à une oeuvre, à un résultat : Il est certain
que la poésie de Baudelaire [...] sait quêter
du lecteur une sorte de connivence, qu’elle
l’invite à la collaboration (Gide). Entre 1894
et 1909, quinze ans de suite, et même après
l’alliance franco-russe, l’Allemagne avait
cherché la collaboration de la France pour
régler les problèmes politiques, spécialement les questions africaines (Martin du
Gard). Le « Dictionnaire philosophique » est
le fruit de la collaboration de Voltaire à l’
« Encyclopédie ». ∥ 2. Spécialem. En France,
sous l’Occupation (1940-1944), politique
de rapprochement et de coopération avec
l’occupant allemand : Mais [je] tiens la collaboration que l’Allemagne nous propose
pour une duperie toute à son avantage et
qu’elle saura tourner à profit, le temps venu
(Gide). Celui-là n’était pas le seul à saboter
la collaboration (Dorgelès). ∥ 3. Par extens.
L’ensemble des partisans de cette politique.
• SYN. : 1 concours, coopération,
participation.
collaborationniste [kɔlabɔrasjɔnist]
adj. et n. (de collaboration ; v. 1940). Qui
était partisan de la collaboration avec les
Allemands pendant l’occupation de la
France entre 1940 et 1944 : Il écrit dans
des revues collaborationnistes (Vailland).
collaborer [kɔlabɔre] v. intr. (bas lat. collaborare, travailler ensemble, de cum, avec,
et laborare, travailler ; 1842, Mozin, au sens
1 ; sens 2, v. 1940). 1. Travailler avec une
ou plusieurs personnes à une entreprise
commune : Dans une opération importante, l’anesthésiste et le réanimateur collaborent avec le chirurgien. ∥ 2. Spécialem.
En France, pendant l’occupation allemande
(1940-1944), agir en partisan de la politique
de collaboration avec l’occupant.
• SYN. : 1 aider, assister, seconder.
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% v. tr. ind. [à]. Contribuer à une oeuvre, à
un résultat : Quelques-uns comme Jacques,
intellectuels privilégiés, collaboraient à des
journaux, des revues (Martin du Gard) ; et
littér. : Il fit à Jerphanion de grands gestes
comiques où collaboraient l’échine, le bras
et le visage (Romains).
• SYN. : concourir à, coopérer à, participer à.
collage [kɔlaʒ] n. m. (de coller ; 1544,
Delboulle, au sens 3 ; sens 1, 1829, Boiste ;
sens 2, début du XXe s. ; sens 4, 1845,
Bescherelle ; sens 5, 1861, Larchey ; sens 6,
1895, G. Esnault). 1. Action de faire adhérer des choses au moyen de colle ; état des
choses collées : On ne doit pas y toucher
[au livre] tant que le collage n’a pas pris
(Romains). ∥ 2. Composition artistique
formée d’éléments divers, collés sur toile,
carton, papier : Tous les peintres qu’on a
pu appeler surréalistes [...] ont employé le
collage au moins passagèrement (Aragon).
∥ 3. Opération consistant à ajouter de la
colle à la pâte à papier pour rendre le papier
imperméable à l’encre. ∥ 4. Clarification
du vin par addition d’une substance
(dite colle) qui entraîne, en se déposant,
les particules en suspension. ∥ 5. Pop. et
péjor. État d’un homme et d’une femme
qui vivent ensemble sans être mariés légitimement : Mais, terrés dans leur collage
comme des marmottes, ils ne connaissaient
personne (Daudet). Ce collage qu’il avait
péremptoirement repoussé lui apparut
comme un havre (Huysmans). S’entêter à
faire régulariser par le maire et le curé des
collages (Bernanos). ∥ 6. Par extens. et vx.
La femme avec laquelle quelqu’un vit sans
être marié : Il paraît que ce n’est pas une
femme à Faucarmont, c’est le collage à ce
monsieur là-bas (Zola).
collagène [kɔlaʒɛn] n. m. (de colle et
du suff. -gène ; 1898, Larousse). Protéine
complexe qui constitue la substance intercellulaire du tissu conjonctif.
collant, e [kɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de
coller 1 ; 1572, Amyot, au sens 1 ; sens 2,
fin du XVIIe s. ; sens 3, 1866, Larousse).
1. Qui colle, ou qui adhère comme la
colle : Point de pierres dans ce pays ; ils
n’avaient qu’une terre collante, bonne
pour empêtrer les pieds des hommes et des
chevaux (Taine). ∥ Papier collant, papier
enduit de colle sèche sur une de ses faces,
qui adhère quand on la mouille. ∥ 2. Se
dit d’un vêtement qui moule exactement
le corps : Sa robe de soie collante, d’un
ton clair et rose, tranche vivement sur les
ténèbres de sa peau et moule exactement sa
taille longue, son dos creux et sa gorge pointue (Baudelaire). Les femmes détaillaient
tout haut les deux Parisiennes, leurs petits
chapeaux de voyage, leurs robes collantes,
sans bijou (Daudet). ∥ 3. Fig. et fam. Se dit
d’une personne importune, dont on ne peut
se débarrasser : Qu’est-ce qui lui avait fichu
un homme aussi collant ? (Zola). Il s’imagine [...] qu’il exécute une suite d’acrobaties pour échapper à une maîtresse collante
(Romains).
• SYN. : 1 adhésif, gluant, poisseux, visqueux ; 2 ajusté, moulant, serré ; 3 crampon
(fam.), ennuyeux.
% collant n. m. (sens 1, 1868, A. Daudet ;
sens 2, 1896, G. Esnault). 1. Pantalon,
culotte qui moule la jambe et la cuisse :
Cette vaillante jeunesse en bottes molles
et collants de couleur tendre (Daudet).
∥ 2. Maillot collant de danseur ou de danseuse : Cette danseuse [...] est représentée en
habit d’homme [...], ses gracieuses et sveltes
formes modelées avec amour dans un collant (Goncourt).
collante [kɔlɑ̃t] n. f. (part. prés. fém. substantivé de coller 2 ; 1900, G. Esnault). Arg.
scol. Convocation à un examen.
collapsus [kɔlapsys] n. m. (mot lat., part.
passé substantivé de collabi, s’affaisser ;
1785, Cullen). 1. Collapsus cardiovasculaire,
syndrome d’apparition brutale, caractérisé par une chute de la tension artérielle,
par un pouls rapide et imperceptible, avec
refroidissement et cyanose des extrémités.
∥ 2. Collapsus pulmonaire, compression ou
affaissement du parenchyme pulmonaire
sous l’effet d’un épanchement pleural ou
du pneumothorax.
Collargol [kɔlargɔl] n. m. (n. déposé : de
coll[oïde] et de arg[ent] ; 1907, Larousse).
Argent colloïdal, employé comme antiseptique : Je me suis fait aussitôt un pansement
au Collargol et je me suis couché (Martin
du Gard).
collatéral, e, aux [kɔlateral, -o] adj. (lat.
médiév. collateralis, de cum, avec, et latus,
lateris, côté ; XIIIe s., Grandes Chroniques de
France, au sens 4 ; sens 1, début du XIVe s.
[écrit collatereil] ; sens 2, v. 1560, Paré ; sens
3, 1740, Acad.). 1. Qui est situé de côté par
rapport à quelque chose : Un boulevard et
les rues collatérales. ∥ Nef collatérale, dans
une église, nef parallèle à la nef principale.
∥ 2. Spécialem. En anatomie, se dit d’un
vaisseau, d’un nerf issu du tronc principal
et cheminant presque parallèlement à lui :
Artère collatérale. ∥ Bourgeons collatéraux,
bourgeons qui naissent de part et d’autre
du bourgeon axillaire principal. ∥ 3. Points
collatéraux, en géographie, points situés à
égale distance de deux points cardinaux :
Les points collatéraux sont le nord-est,
le sud-est, le sud-ouest et le nord-ouest.
∥ 4. Qui est hors de la ligne de parenté
directe : Parent collatéral. Ligne collatérale.
∥ Héritier collatéral, succession collatérale,
en ligne collatérale.
• SYN. : 1 latéral.
% collatéral n. m. (sens 1, 1743, Trévoux ;
sens 2, 1680, Richelet). 1. Bas-côté, nef collatérale d’une église. ∥ 2. Parent collatéral :
Après ma mort, mes collatéraux viendront
fouiller dans mes affaires (Theuriet).
collatéralement [kɔlateralmɑ̃] adv. (de
collatéral ; XVIe s., Coutumier général). En
ligne de parenté collatérale.
collateur [kɔlatoer] n. m. (lat. ecclés. collator, de collatum, supin de conferre, conférer [v. CONFÉRER] ; v. 1460, Villon). Celui
qui avait le droit d’accorder un bénéfice
ecclésiastique : Grégoire VII avait conçu
le dessein d’ôter à tous les collateurs séculiers le droit d’investir les ecclésiastiques
(Voltaire).
collatif, ive [kɔlatif, -iv] adj. (lat. médiév.
collativus, de collatus, part. passé de
conferre, conférer [v. CONFÉRER] ; 1461,
Godefroy). Bénéfice collatif, bénéfice ecclésiastique qui pouvait être conféré.
1. collation [kɔlasjɔ̃] n. f. (lat. collatio,
de collatum, supin de conferre, conférer,
réunir, comparer [v. CONFÉRER] ; 1276, Dict.
général, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1863, Littré ;
sens II, v. 1370, Oresme).
I. 1. Action de conférer un bénéfice ecclésiastique : Pratiquer la simonie dans la
collation des bénéfices (Renan). ∥ Droit
de conférer un bénéfice ecclésiastique.
∥ 2. Par extens. Action de conférer des
grades universitaires : La collation des
grades appartient à l’État.
II. Comparaison de textes, de documents, notamment d’une copie avec l’original, pour s’assurer de leur conformité :
Après avoir copié tout le morceau inédit,
j’achevai la collation du reste avec ces
messieurs (Courier).
• SYN. : II collationnement.
2. collation [kɔlasjɔ̃] n. f. (même étym.
qu’à l’art. précéd. ; v. 1200, Règle de saint
Benoît, au sens 1 ; sens 2, 1636, Monet ;
sens 3, 1675, Widerhold). 1. Vx. Action
de conférer avec quelqu’un. ∥ Spécialem.
Autrefois, dans les monastères, courte
conférence du soir, après laquelle les
moines prenaient un léger repas. ∥ 2. Repas
léger que prennent, le soir, les catholiques
en période de jeûne. ∥ 3. Class. et dialect.
Repas léger qu’on prend dans l’après-midi
ou dans la soirée : Le roi arriva jeudi au
soir ; la chasse, les lanternes, le clair de
lune, la promenade, la collation dans un
lieu tapissé de jonquilles [...], tout cela fut
à souhait (Sévigné). J’invitai l’étranger à
prendre sa part de la collation impromptue
(Mérimée). La collation nocturne terminée, Wladi s’occupe à tout remettre en ordre
(Gide). Faites-nous l’amitié de partager, ce
soir, dans cette maison qui n’est pourtant
pas la nôtre, une collation que l’on doit nous
monter ici (Duhamel).
collationnement [kɔlasjɔ̃nmɑ̃] n.m.
(de collationner 1 ; 1866, Larousse). Action
de collationner, de comparer, de vérifier.
• SYN. : collation.
1. collationner [kɔlasjɔne] v. tr. (de collation 1 ; 1345, Fagniez, aux sens 1-2 ; sens
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3, 1680, Richelet). 1. Comparer entre eux
des manuscrits, des imprimés ou des copies
avec l’original : Il eût été intéressant de collationner les textes de ce manuscrit avec
les textes que nous avons (Chateaubriand).
∥ 2. Par extens. Vérifier des textes, des
actes : Après avoir collationné le grand
livre [...], il reconnut la vérité (Flaubert).
∥ 3. En imprimerie, vérifier l’ordre des
cahiers d’un livre, la correspondance des
planches et des gravures.
• SYN. : 1 conférer, confronter.
2. collationner [kɔlasjɔne] v. intr. (de
collation 2 ; 1549, R. Estienne). Vx et dialect.
Prendre une collation.
• SYN. : goûter.
1. colle [kɔl] n. f. (lat. pop. *colla, gr. kolla ;
1268, É. Boileau, au sens 1 [colle forte, début
du XVIe s. ; colle de pâte, 1845, Bescherelle] ;
sens 2, XXe s.). 1. Matière gluante, liquide ou
pâteuse, qui fait adhérer solidement l’une
à l’autre deux surfaces. ∥ Colle forte, sorte
de gélatine, qui doit être chauffée pour être
rendue liquide et utilisée. ∥ Colle de pâte,
colle obtenue en délayant dans l’eau de
la farine ou de l’amidon, et en chauffant
jusqu’à ébullition. ∥ Fam. Faites chauffer
la colle, se dit par plaisanterie quand on
entend un bruit de casse. ∥ Fig. et fam. Quel
pot de colle !, C’est un véritable pot de colle !,
se dit d’une personne importune et dont
on ne peut se débarrasser. ∥ 2. Fig. et fam.
Chose ennuyeuse ou contrariante : Quelle
colle ! Depuis quelques jours, ils étaient, à la
suite d’une série malencontreuse de colles,
dans cet état qui n’épargne pas les meilleurs
(L. Fabre).
2. colle [kɔl] n. f. (emploi fig. du mot précédent ; 1455, Coquillards, au sens 1 ; sens
2, 1858, Larchey ; sens 3, 1844, G. Esnault).
1. Vx et pop. Mensonge, attitude feinte,
pour tromper, en faire accroire : Moi, je
ne donne pas dans la colle de ses malheurs.
Il n’a pas la mine à ne pas être au mieux
partout (Balzac). ∥ 2. Arg. scol. Question
embarrassante posée à un candidat et, par
extens et fam., question posée à quelqu’un
pour l’embarrasser : Je me promettais le
plaisir de vous pousser une petite colle
(Curel). ∥ 3. Par extens. Classe consacrée
par le professeur exclusivement à des interrogations d’élèves qui se préparent à un
examen ou à un concours.
3. colle [kɔl] n. f. (déverbal de coller 3 ;
1884, G. Esnault). Arg. scol. Punition qui
oblige un élève à venir en classe en dehors
de ses heures de cours.
• SYN. : consigne, retenue.
collectage [kɔlɛktaʒ] n. m. (de collecter ;
début du XVIe s.). Action de collecter.
collecte [kɔlɛkt] n. f. (lat. collecta, écot,
quote-part, et [à basse époque] assemblée,
réunion, part. passé fém. substantivé de
colligere, recueillir, réunir [v. CUEILLIR] ;
XIVe s., écrit collete [collecte, XVe s.], aux sens
I, 1 et II ; sens I, 2, XVe s. ; sens I, 3, XXe s.).
I. 1. Sous l’Ancien Régime, action de
lever la taille. ∥ Par extens. Circonscription établie pour la levée de la taille.
∥ 2. Action de recueillir des dons en
argent ou en nature destinés soit à une
oeuvre, soit à une personne : On avait fait
une collecte dans la salle Saint-Charles et
l’on avait réuni vingt-cinq francs (Malot).
∥ 3. Action de recueillir, de ramasser
certains produits chez le producteur : La
collecte du lait, des oeufs.
II. Oraison de la messe qui se dit avant
l’épître, au nom de tous les fidèles réunis :
Les archevêques de Cologne et de Trèves
chantaient les autres collectes (Hugo).
• SYN. : I, 2 quête ; 3 ramassage.
collecter [kɔlɛkte] v. tr. (de collecte ;
1557, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Recueillir des dons, des aumônes :
Quand pourrez-vous me remettre toute
la somme ? — Combien de temps me laissez-vous [...] ? » demanda la comtesse, qui
songeait à collecter (Gide). ∥ 2. Ramasser
certains produits agricoles en allant d’un
lieu à un autre : Collecter des produits
laitiers.
% se collecter v. pr. (1929, Larousse). Se
rassembler, former un abcès, en parlant
d’une accumulation purulente : Au-dessus
du poignet, un phlegmon superficiel, bien
circonscrit, semble déjà collecté (Martin
du Gard).
1. collecteur [kɔlɛktoer] n. m. (bas lat.
collector, celui qui amasse, de collectum,
supin de colligere, recueillir, réunir [v.
CUEILLIR] ; 1325, Godefroy, au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1611, Cotgrave ; sens II, 1, 1845,
Bescherelle ; sens II, 2, début du XXe s. ; sens
II, 3, 1878, Larousse).
I. 1. Sous l’Ancien Régime, celui qui était
chargé de lever la taille. ∥ 2. Celui qui recueille des dons, perçoit des cotisations.
II. 1. Dans une machine électrique à
courant continu (générateur ou moteur),
pièce cylindrique constituée de lames
conductrices sur lesquelles frottent les
balais, et destinée à transformer le courant alternatif induit en courant continu.
∥ 2. Collecteur d’ondes, conducteur parfaitement isolé (antenne, cadre) dont le
rôle est de capter les ondes hertziennes.
∥ 3. Conduite principale qui, dans les
adductions d’eau, les égouts, etc., reçoit
des canalisations secondaires.
2. collecteur, trice [kɔlɛktoer, -tris]
adj. (même étym. qu’à l’art. précéd. ; 1866,
Larousse). 1. Égout, tuyau collecteur, égout,
tuyau qui reçoit les eaux de plusieurs autres
de moindre importance. ∥ Aqueduc collecteur, aqueduc qui recueille les eaux de
plusieurs sources. ∥ 2. Barre collectrice,
chacune des barres de métal conducteur
auxquelles on relie les machines électriques
pour en diriger le courant sur les réseaux
de distribution.
collectif, ive [kɔlɛktif, -iv] adj. (lat. collectivus, ramassé, rassemblé, de colligere,
réunir, recueillir [v. CUEILLIR] ; XIIIe s., au
sens 3 ; sens 1-2, 1495, J. de Vignay). 1. Qui
appartient ou se rapporte à un ensemble
de personnes ou de choses ; qui est le fait
de plusieurs personnes ou de plusieurs
choses : Portrait collectif. OEuvre collective.
Démarche collective ; et littér. : Le pas collectif du genre humain s’appelle le progrès
(Hugo). Désormais, l’homme est conçu par
bien des hommes comme élément qui ne
vaut que dans le système social, qui ne vit
que par ce système et pour lui ; il n’est qu’un
moyen de la vie collective, et toute valeur
séparée lui est refusée, car il ne peut rien
recevoir que de la communauté et ne peut
rien donner qu’à elle (Valéry). ∥ Billet collectif, billet de chemin de fer à prix réduit,
à l’usage d’un groupe de personnes voyageant ensemble. ∥ 2. Qui représente un
certain nombre d’individus d’une manière
globale, indivise : Mais leur visage collectif
et informe, échappant à son imagination,
ne nourrissait pas sa jalousie (Proust).
∥ Spécialem. Qui concerne un groupe et
présente des caractères propres à ce groupe
et non aux individus : Conscience collective. ∥ 3. En logique, se dit d’un terme qui
désigne une collection. ∥ En grammaire, se
dit d’un terme singulier et concret employé
pour représenter un ensemble d’individus :
Le « peuple », la « foule », l’ « assemblée »
sont des mots collectifs.
• SYN. : 1 commun, général. — CONTR. : 1
individuel, personnel ; 2 particulier, propre.
% collectif n. m. (sens 1, 1845, Bescherelle ;
sens 2, XXe s.). 1. Nom ou expression au
singulier présentant à l’esprit l’idée d’un
ensemble de personnes ou de choses.
(Ex. :troupe, totalité, la plupart de, etc.)
∥ 2. Projet de loi par lequel le gouvernement sollicite l’ouverture ou l’annulation
de crédits en cours d’exercice : Le Parlement
est saisi de collectifs deux fois par an.
1. collection [kɔlɛksjɔ̃] n. f. (lat. collectio,
1. collection [kɔlɛksjɔ̃] n. f. (lat. collectio,
réunion, de collectum, supin de colligere,
recueillir, rassembler [v. CUEILLIR] ; v. 1361,
Oresme, au sens de « action de cueillir [des
fruits] » ; sens 1-2, 1680, Richelet ; sens 3,
1690, Furetière ; sens 4, 1863, Littré ; sens
5, av. 1854, Nerval ; sens 6, XXe s.). 1. En
logique, pluralité d’êtres ou de choses en
nombre déterminé. ∥ 2. Ensemble d’objets
classés, réunis pour leur beauté, leur rareté,
leur valeur documentaire, leur prix, etc. :
Collection de tableaux, de papillons, de
minéraux, de monnaies, de timbres-poste.
Les précieux trésors d’une collection qui
n’était pas étiquetée et soignée comme celle
de Mme de Spalato, mais d’un luxe plus
abondant (Daudet). ∥ 3. Réunion d’un certain nombre d’ouvrages d’un même auteur
ou de même nature, ou série de publications ayant trait à la même matière : Avoir
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
776
toute la collection des oeuvres de Racine.
La collection des conciles. Une collection
d’histoire contemporaine. ∥ Recueil des
numéros d’une publication : La collection
du « Journal officiel ». ∥ 4. Fam. Réunion,
assortiment de choses quelconques,
concrètes ou abstraites : Il avait des sourires
pour saluer, pour répondre, pour approuver
[...], toute une jolie collection de sourires
(Zola). ∥ 5. Fam. Réunion de personnes
ayant en commun quelque caractère
curieux ou original : Nous avions une collection d’attachés d’ambassade en habits
bleus à boutons d’or (Nerval). ∥ Ironiq. Ne
pas déparer la collection, posséder au même
degré que les autres un défaut, une disgrâce physique ou morale. ∥ 6. Ensemble
des échantillons que transporte avec lui un
placier, afin de les soumettre à sa clientèle :
Seulement, à force de rien gagner, de rien
vendre, de marcher toujours avec une collection si lourde, je maigrissais de plus en plus
(Céline). ∥ Absol. Ensemble des modèles
nouveaux présentés avant chaque saison
par un couturier : La collection d’hiver, de
printemps, d’été. Les mannequins présentent la collection.
2. collection [kɔlɛksjɔ̃] n. f. (même
étym. qu’à l’art. précéd. ; v. 1560, Paré). En
termes de médecine, accumulation, amas :
Collection de pus.
collectionner [kɔlɛksjɔne] v. tr. (de
collection ; 1840, Viel-Castel, au sens 1 ;
sens 2-3, XXe s.). 1. Réunir en collection :
Andermatt aimait d’ailleurs les bibelots
d’art [...], les connaissait à merveille et les
collectionnait habilement (Maupassant).
∥ 2. Fig. et fam. Réunir, grouper des
personnes présentant un caractère commun ou quelques traits curieux : Colette
semblait prendre plaisir à collectionner
autour d’elle tous les petits jeunes gens qui
pouvaient le plus exaspérer Christophe
(Rolland). ∥ 3. Fig. et fam. Recevoir en
grand nombre ; être surchargé, accablé de :
Avalant les affronts, gobant les camouflets
et collectionnant les avanies (L. Daudet).
Collectionner les accidents.
• SYN. : 2 assembler, rassembler ; 3 accumuler, amasser.
collectionneur, euse [kɔlɛksjɔnoer, -øz]
n. (de collection ; 1839, Balzac). Personne
qui se plaît à réunir des objets artistiques,
rares ou curieux : Les affiches devinrent si
originales qu’un de ces maniaques appelés « collectionneurs » possède un recueil
complet des affiches parisiennes (Balzac).
collectionnisme [kɔlɛksjɔnism] n. m.
(de collection ; XXe s.). Manie qui consiste
à accumuler des objets de toute sorte en
l’absence d’un but utilitaire.
collectivement [kɔlɛktivmɑ̃] adv. (de
collectif ; 1568, L. Le Roy). De façon collective : Les Francs exercèrent collectivement
la souveraineté, ensuite ils la déléguèrent à
quelques chefs, puis ces chefs la confièrent
à un seul ; puis ce chef unique l’usurpa au
profit de sa famille (Chateaubriand). Voilà
une poignée de tapageurs qui nous déshonorent collectivement (Baudelaire).
collectivisation [kɔlɛktivizasjɔ̃] n. f. (de
collectivisme ; 1871, Ch. Lemonnier). Action
de collectiviser ; résultat de cette action :
Le partage des terres, c’était la constitution de la petite propriété ; il aurait donc dû
faire non le partage, mais la collectivisation
immédiate (Malraux).
collectiviser [kɔlɛktivize] v. tr. (de collectivisme ; fin du XIXe s.). Mettre les moyens
de production et d’échange au service
de la collectivité par l’expropriation et la
nationalisation.
collectivisme [kɔlɛktivism] n. m. (de
[propriété] collective ; 1836, Matoré).
Système qui voit la solution de
sociale dans la mise en commun,
de la collectivité, de tous les
production : Un bon socialisme,
du monde opposent avec à-propos
au collectivisme (France).
la question
au profit
moyens de
que les gens
et esprit
collectiviste [kɔlɛktivist] adj. (de collectivisme ; 27 oct. 1869, Journ. des débats). Qui
s’inspire du collectivisme ; qui a rapport au
collectivisme : Les théories collectivistes.
% n. Celui, celle qui est partisan du collectivisme : :Le salariat [...] s’était même
transformé au point de satisfaire les collectivistes, le jour où il avait réalisé leur formule,
toute une circulation réglementée de bons
de travail (Zola).
collectivité [kɔlɛktivite] n. f. (de collectif ; 1836, Matoré).
I. 1. Caractère de ce qui est collectif :
La collectivité d’un sentiment. ∥ 2. Possession en commun : La collectivité des
moyens de production.
II. Ensemble de personnes liées par une
organisation commune, des intérêts ou
des sentiments communs : Chacun est
à l’ensemble et à personne, à la collectivité et à soi seul (Barrès) ; et par extens. :
Chez eux aussi [les animaux], l’individu
s’immole à la collectivité ; la collectivité
s’immole à la race (Duhamel).
• SYN. : II communauté, société.
% collectivités n. f. pl. (XXe s.). Les collectivités locales, les communes et les
départements.
collège [kɔlɛʒ] n. m. (lat. collegium,
confrérie, groupement, de collega [v. COLLÈGUE] ; fin du XIIIe s., A. du Mont-Cassin,
au sens I, 1 [Sacré Collège, 1671, Pomey] ;
sens I, 2, 1671, Pomey ; sens II, 1, 1549, R.
Estienne ; sens II, 2, 1635, Monet ; sens II,
3, v. 1960).
I. 1. Corps de personnes revêtues de la
même dignité ou investies des mêmes
fonctions : Le collège des pontifes, des
augures, à Rome. Antique séjour, dit-on,
d’un collège de druides (Sainte-Beuve).
∥ Le Sacré Collège, le corps des cardinaux, dans l’Église romaine : L’ambition
individuelle des cardinaux, qui veulent
des règnes courts afin de multiplier les
chances de la papauté, mille autres obs-
tacles trop longs à déduire, s’opposent au
rajeunissement du Sacré Collège (Chateaubriand). ∥ 2. Collège électoral, ou
simplem. collège, ensemble des électeurs
d’une circonscription appelés à participer à une élection déterminée : Des députés parfaitement libéraux ont été nommés
dans tous les collèges environnants (Sand).
II.1.Établissement d’enseignement secondaire : Un collège de jésuites. Un collège technique. Lorsqu’un de nos frères,
sorti depuis quelques mois du collège,
reparaissait en uniforme de houzard et le
bras en écharpe, nous rougissions de nos
livres (Vigny). ∥ Spécialem. Chacune des
divisions d’un collège, relativement au
niveau d’instruction qui y est dispensé :
Le grand, le petit collège. ∥ Vx. Sentir le
collège, avoir conservé les habitudes, le
comportement des collégiens ; être encore gauche ou pédant. ∥ 2. Par extens.
L’ensemble des élèves d’un collège : Tout
le collège était en émoi. ∥ 3. Collège universitaire, établissement d’enseignement
supérieur institué dans certaines villes
de province ne possédant pas de faculté :
Collège littéraire universitaire. Collège
scientifique universitaire. ∥ 4. Collège de
France, établissement d’enseignement
supérieur fondé par François Ier, à Paris,
en 1530 (sous le nom de Collège du roi).
collégial, e, aux [kɔleʒjal, -o] adj. (de
collège ; début du XIVe s., Gilles li Muisis,
au sens I, 1 [église collégiale, 1635, Monet] ;
sens I, 2, 20 août 1876, Journ. officiel ; sens
II, 1845, Bescherelle).
I. 1. Chapitre collégial, chapitre de chanoines établi dans une église sans siège
épiscopal. ∥ Église collégiale, église qui
possède un chapitre collégial. ∥ 2. Direction collégiale, direction exercée par
un organe collectif, un conseil dont les
membres possèdent des pouvoirs égaux.
II. Vx. Relatif au collège (établissement
d’enseignement) : Durant le cours de ma
vie collégiale, j’ai connu mille camarades
environ (Balzac).
% collégiale n. f. (1663, La Fontaine). Église
collégiale : C’est autour de sa collégiale qu’il
faut chercher Francfort (Hugo).
collégialité [kɔleʒjalite] n. f. (de collégial ; v. 1960). Caractère de ce qui est
organisé en collège : La collégialité de l’épiscopat a été votée par le deuxième concile
du Vatican.
collégien, enne [kɔleʒjɛ̃, -ɛn] n. (de
collège ; sens 1, 1743, Trévoux ; sens 2, fin
du XIXe s.). 1. Élève d’un collège. ∥ 2. Péjor.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
777
Personne naïve : Vous me prenez pour un
collégien.
• SYN. : 1 élève, lycéen, potache (fam.).
% adj. (1866, Larousse). Qui a rapport au
collège ou aux collégiens : La vie collégienne. La gaieté collégienne.
collègue [kɔlɛg] n. (lat. collega, collègue,
compagnon, camarade, de cum, avec, et
legere, choisir ; v. 1500, Seyssel, au sens 1 ;
sens 2, fin du XIXe s., Daudet). 1. Personne
qui exerce la même charge ou remplit la
même fonction qu’une ou plusieurs autres
personnes, ou qui appartient à la même
administration, à la même entreprise : Il
n’était pas du même avis que la plupart de
ses collègues [de bureau] (Maupassant). Le
ministre et ses collègues. ∥ 2. Dans le Midi,
syn. fam. de CAMARADE ou de AMI : À propos, collègue, j’ai du bon tabac (Daudet).
• REM. Collègues se dit de ceux qui exercent une même fonction publique, civile
ou militaire. Confrères se dit de ceux qui
appartiennent à un même corps (médecins, avocats, académiciens, etc.).
collement [kɔlmɑ̃] n. m. (de coller 1 ;
1538, R. Estienne, au sens de « action de coller » ; sens actuel, 1803, Boiste). Adhérence
de deux objets entre eux.
collenchyme [kɔlɑ̃ʃim] n. m. (du gr.
kolla, colle, et egkhuma, épanchement,
substance ; 1866, Larousse). Tissu de
soutien des végétaux supérieurs, formé
presque uniquement de cellulose.
1. coller [kɔle] v. tr. (de colle 1 ; 1320,
Barbier, au sens 1 ; sens 2, 1538, R. Estienne ;
sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1890,
G. Esnault ; sens 5, 1829, Boiste ; sens 6,
1866, Larousse ; sens 7, XXe s.). 1. Faire
adhérer, fixer une chose à une autre en se
servant de colle : Son échelle sous le bras,
un afficheur vint coller sur un mur [...] un
avis de la Commune rationnant la viande de
boucherie (France). ∥ Faire adhérer, agglutiner, en parlant d’une substance gluante,
d’un liquide : Il avait vu des soldats, la
baïonnette rouge de sang, avec des cheveux
collés à la crosse de leur fusil (Flaubert).
∥ 2. Enduire, imprégner de colle un papier,
une toile, ou ajouter de la colle à la pâte à
papier. ∥ Clarifier un vin par l’opération
du collage. ∥ 3. Fig. Appliquer étroitement à, sur, contre : Du Roy colla d’abord
son oreille contre la porte, puis son oeil au
trou de la serrure (Maupassant). Le visage
collé à la vitre, l’homme regarde tomber
la neige (Duhamel). Dix minutes pendant
lesquelles je resterai comme ça, à la regarder, le front collé contre la vitre (Sartre).
∥ 4. Fig. et pop. Coller quelqu’un, lui
imposer sa présence de façon continuelle
et importune : Je ferai venir avec lui le petit
de Bauvaison, pour qu’il n’ait pas la tentation de nous coller (Romains). ∥ 5. Fam.
Mettre, placer d’autorité quelqu’un ou
quelque chose dans un endroit : Je vous
collerai, dès demain, interne dans un lycée
(Donnay). ∥ Fam. Coller quelqu’un au mur,
le fusiller. ∥ 6. Fam. Appliquer un coup
avec vigueur ; imposer d’autorité une
obligation ou une contrainte : Coller une
gifle. Le jour où il marchera trop fort, je lui
fais coller un conseil judiciaire (Bernstein).
∥ 7. Pop. Coller quelque chose à quelqu’un,
lui donner ou lui vendre une chose dont
on veut se débarrasser : Il cherche à nous
coller ses rossignols.
• SYN. : 2 encoller ; 3 appuyer, plaquer ;
4 cramponner (pop.) ; 5 fourrer (fam.) ; 6
ficher (pop.), flanquer (pop.), mettre (pop.) ;
7 caser. — CONTR. : 1 arracher, décoller,
détacher ; 3 écarter, éloigner, retirer.
% v. intr. et tr. ind. [à] (sens 1, XIVe s. ; sens
2, 1829, Boiste ; sens 3-4, 1890, G. Esnault.).
1. En parlant de la colle ou d’une substance
gluante, compacte, adhérer fortement :
Cette enveloppe colle mal. La boue colle à
ses chaussures. ∥ 2. Être en contact étroit
avec quelque chose, exactement appliqué
contre : Ses bandeaux qui collaient à son
front jaune (Martin du Gard). ∥ Vêtement
qui colle, vêtement très ajusté. ∥ Coller à
la route, en parlant d’une voiture, bien
adhérer à la chaussée. ∥ 3. Spécialem. En
parlant d’un coureur cycliste, ne pas se
laisser distancer par celui qui le précède :
Coller à la roue d’un concurrent. ∥ 4. Fig.
et fam. Maintenir un contact étroit avec :
Valéry, lui, colle étroitement à la vie (Gide).
∥ S’adapter, convenir exactement : Chaque
geste décisif de Hamlet est précédé d’une
sorte d’essai de ce geste, comme s’il avait
d’abord quelque peine, ce geste, à coller
avec la réalité (Gide). Expression qui colle
à la pensée.
% v. intr. (1929, Larousse). Pop. Bien marcher ; aller au mieux : Ça m’a l’air de coller
tout à fait, toi et le lieutenant ? (Benoit). Ça
ne pouvait pas coller entre eux (Mauriac).
∥ Pop. Ça colle, il n’y a pas d’objection,
nous sommes d’accord : Nous pourrions
nous mettre à table ? Ça colle ! (Morand).
% se coller v. pr. (sens 1, 1680, Richelet ;
sens 2-3, 1866, Larousse). 1. Appliquer
son corps contre : Une dame en bleu
marine s’est collée contre mon flanc gauche
(Sartre). ∥ 2. Pop. En parlant d’un homme
et d’une femme, se mettre en ménage sans
être légalement mariés : Tu m’as souvent
entendu blaguer les gens qui se collaient
(Huysmans). ∥ 3. Pop. Se coller à, s’y coller,
se mettre, s’appliquer à quelque chose de
rebutant ou de désagréable (tâche, obligation, etc.) : Dans c’ cas-là, faut que tu t’y
colles (Bourdet).
2. coller [kɔle] v. tr. (de colle 2 ; sens 1,
1854, sens 2, 1866, G. Esnault). 1. Arg. scol.
Poser à un élève une question assez difficile
pour l’embarrasser. ∥ Par extens. et fam.
Mettre quelqu’un dans l’impossibilité de
répondre : Il s’amusait à coller ses interlocuteurs, comme on dit dans l’argot des
écoles (Hermant). ∥ 2. Recaler à un examen : Vous m’avez fait coller mon fils au
baccalauréat (Romains).
• SYN. : 2 ajourner, refuser.
3. coller [kɔle] v. tr. (emploi fig. de coller
1 ; v. 1865, G. Esnault). Arg. scol. Coller un
élève, le punir de consigne.
• SYN. : consigner.
collerette [kɔlrɛt] n. f. (de collier ; 1309,
Gay, au sens de « pèlerine faite d’un tissu de
mailles de fer » ; sens 1-2, début du XVIe s. ;
sens 3, 1907, Larousse). 1. Tour de cou,
généralement plissé, que les hommes et
les femmes portaient au temps d’Henri IV.
∥ 2. Petit volant plissé ou froncé, placé
en garniture au bord d’une encolure, au
décolleté d’une robe, ou sur un costume
d’enfant : Jacques avait une collerette brodée
par sa mère (Balzac). ∥ 3. Couronne terminant un tuyau ou bord rabattu d’une pièce
mécanique, et permettant leur jonction
avec un autre élément.
• SYN. : 1 collet, fraise.
collet [kɔlɛ] n. m. (de col ; v. 1050, Vie de
saint Alexis, au sens de « cou » ; sens I, 1, v.
1280, la Clef d’Amors ; sens I, 2 et 5, v. 1404,
Chr. de Pisan ; sens I, 4, fin du XVe s. ; sens
II, 1, 1398, le Ménagier de Paris ; sens II, 2,
milieu du XVIe s. ; sens II, 3, 1728, Brunot ;
sens II, 4, 1704, Trévoux ; sens II, 5, 1676,
Félibien).
I. 1. Class. Partie du vêtement qui entourait le cou : Collet de pourpoint, de manteau, de chemise (Acad., 1694). ∥ 2. Class.
Rabat de linge, de dentelle, qu’on portait
sur le collet du pourpoint : Ne voudriezvous point, dis-je, sur ces matières, | De vos
jeunes muguets m’inspirer les manières ? |
M’obliger à porter de ces petits chapeaux
[...] | Et de ces grands collets jusqu’au nombril pendants (Molière). ∥ Petit collet,
rabat uni et moins ample que celui des
laïcs, porté par les gens d’Église au XVIIe
et au XVIIIe s. : M. [...] fait de sa maison un
dépôt public où se font les distributions ;
les gens à petit collet et les soeurs grises
y ont une libre entrée (La Bruyère). Je
n’apercevais plus ces prêtres martyrs, portant le petit collet, le grand chapeau à trois
cornes, la longue redingote noire usée, et
que les Anglais saluaient en passant (Chateaubriand). Laissant le petit collet, je me
recommandai à un seigneur huguenot qui
me prit pour secrétaire (France). ∥ Collet
monté, collerette soutenue par de l’empois, du carton, des fils de fer, que portaient les femmes à l’époque de Marie de
Médicis : Il se garda bien de lui dire qu’elle
était habillée comme ma mère grand, et
qu’elle avait un collet monté (Perrault).
[V. aussi la loc. adj. en fin d’art.] ∥ 3. Fam.
Saisir quelqu’un par le collet, le prendre
au collet, mettre la main sur le ou au collet
de quelqu’un, se saisir brusquement et de
force de sa personne, l’arrêter : Il va arriver quatre estafiers qui me prendront au
collet (Musset). ∥ 4. Petite pèlerine faidownloadModeText.vue.download 64 sur 978
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sant corps avec un manteau et le renforçant sur les épaules : Derrière la porte se
trouvait accroché un manteau à petit collet (Flaubert). ∥ 5. Petite cape de femme,
en étoffe, en fourrure : Un collet de vison.
Attendez-moi une seconde, je prends mon
chapeau et mon collet (Romains).
II.1.Collet de mouton, de veau, partie
de ces animaux comprise entre la tête et
les épaules : Un morceau dans le collet.
(Syn. COLLIER.) ∥ 2. Noeud coulant dont
les braconniers se servent pour prendre
certains animaux (oiseaux, lièvres, lapins, etc.) : Le lendemain, allant relever
ces collets avec lui, j’eus l’amusement de
trouver deux lapins pris aux pièges (Gide).
∥ 3. Ligne de séparation entre la racine
d’une dent et sa couronne. ∥ 4. Partie
d’une plante où la tige se joint à la racine.
∥ 5. Couronne en saillie ou rebord sur
une pièce mécanique.
• SYN. : II, 2 lacet, lacs.
% Collet monté loc. adj. invar. (emploi
fig. de collet monté [v. I, 2] ; 1672, Molière,
au sens 1 ; sens 2, fin du XVIIe s., Mme de
Sévigné). 1. Class. et fig. Se disait d’une
chose archaïque et démodée : « Ah !
Sollicitude à mon oreille est rude : | Il put
[sic] étrangement son ancienneté. | — Il
est vrai que le mot est bien collet monté »
(Molière). ∥ 2. Auj. Se dit des personnes
qui, par pruderie, par souci exagéré des
bienséances, se montrent contraintes,
guindées : Mme d’Espard est d’autant plus
prude et sévère qu’elle-même est séparée de
son mari [...], mais [...] les femmes les plus
collet monté vont chez elle et l’accueillent
avec respect (Balzac).
colleté, e [kɔlte] adj. (de collet ; 1671,
Pomey). En héraldique, se dit de tout animal muni d’un collier d’émail particulier.
colleter [kɔlte] v. tr. (de collet ; fin du
XVIe s., A. d’Aubigné). [Conj. 4 a.] Saisir
brusquement et violemment quelqu’un
au collet pour le renverser : Paul-Louis
colletant Saint-Luc, quel assassin ! (Hugo).
% se colleter v. pr. (1671, Retz). En venir
aux mains ; se battre : Confusion, sang,
catastrophes, c’est l’histoire de la Bohême ;
ses ducs et ses rois, au milieu des guerres
civiles et des guerres étrangères, luttent avec
leurs sujets, ou se collettent avec les ducs
et les rois de Silésie, de Saxe, de Pologne,
de Moravie, de Hongrie, d’Autriche et de
Bavière (Chateaubriand). Je crus qu’ils
allaient se colleter (Maupassant).
• SYN. : s’empoigner (fam.).
colleteuse [kɔltøz] n. f. (de collet ; XXe s.).
Ouvrière poseuse de cols, dans un atelier
de bonneterie.
colletin [kɔltɛ̃] n. m. (de collet ; fin du
XVIe s.). Pièce de l’armure qui protégeait
le cou et les épaules.
1. colleur, euse [kɔloer, -øz] n. (de coller 1 ; 1544, Dict. général, au sens 1 ; sens
2, 1866, Larousse). 1. Celui, celle qui fait
métier de coller : Colleur d’affiches. Il y a
de la farine corrompue, incapable d’entrer
dans le corps humain, qu’on ne vend pas
même aux colleurs (Goncourt). ∥ 2. Fig.
et fam. Personne qui importune par sa
présence continuelle.
% colleuse n. f. (1907, Larousse). Machine
servant à coller bout à bout les éléments
de film.
2. colleur [kɔloer] n. m. (de coller 2 ; 1857,
G. Esnault). Arg. scol. Interrogateur spécial.
colley [kɔlɛ] n. m. (mot angl. ; 1877,
Bonnafé). Chien de berger écossais.
collibert n. m. V. CULVERT.
collier [kɔlje] n. m. (bas lat. collarium,
var. du lat. class. collare, collier [d’où coler
au XIe s.], de collum, cou ; XIIe s., au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1268, É. Boileau ; sens I, 3, v. 1300,
Laborde ; sens I, 4, av. 1872, Th. Gautier ;
sens I, 5, av. 1850, Balzac ; sens I, 6, 1694,
Acad. ; sens II, 1690, Furetière ; sens III, 1,
XXe s. ; sens III, 2, 1676, Félibien).
I. 1. Cercle de métal ou de cuir mis autrefois autour du cou des esclaves, et que l’on
fait porter aujourd’hui à certaines bêtes
pour les tenir à l’attache : Mettre un collier à un chien. Certes, il tient moins de
noblesse | Et de bonté, vois-tu bien, | Roi,
dans ton collier d’altesse, | Que dans le
collier d’un chien (Hugo). ∥ Spécialem.
Collier de force, collier garni de pointes
en dedans, que l’on met à certains chiens
d’arrêt pour les dresser. ∥ 2. Pièce principale du harnais, qui se met au cou des
bêtes de trait : La découverte du collier ne
date que du XIe siècle après J.-C. ∥ Franc
du collier, se dit d’un cheval qui tire franchement, courageusement ; au fig., se
dit d’un homme qui, dans ses paroles,
ses actes, se montre décidé, direct, sans
arrière-pensées : J’ai toujours entendu
nommer « pisse-froid », même par ma
mère, les gens qui n’étaient pas francs
du collier (Vallès). ∥ À plein collier, en
parlant d’un cheval, vigoureusement, en
donnant toute sa force ; au fig., en parlant
d’une personne, sans ménager ses efforts,
avec énergie et décision : La Varenne suivait une marche rétrograde, et retournait
à plein collier vers l’ancienne tyrannie
des hobereaux (Sand). ∥ Fig. Donner un
coup, un bon coup de collier, faire passagèrement un effort énergique. ∥ Fam.
Collier de misère, travail pénible et assujettissant. ∥ Fam. Reprendre le collier, le
collier de misère, se remettre au travail
après une période de repos. ∥ 3. Ornement qui se porte autour du cou, fait
d’éléments enfilés, de chaînons unis
les uns aux autres : La scintillation de
quelque passementerie d’or faux, l’orient
trompeur d’un collier en perles de Venise
l’éblouissaient (Gautier). ∥Spécialem.
Chaîne ouvragée que portent au cou les
hauts dignitaires de certains ordres : Le
collier de l’ordre du Saint-Esprit. ∥ 4. Par
anal. Collier de Vénus, légers sillons circulaires, au nombre de trois, que l’on
voit sur le cou de certaines femmes : Ce
col [...] sur lequel Aphrodite avait tracé de
l’ongle de son petit doigt les trois légères
raies que l’on appelle encore aujourd’hui
le collier de Vénus (Gautier). ∥ 5. Barbe en
collier, ou simplem. collier, barbe courte
et étroite, disposée en demi-cercle d’une
tempe à l’autre et passant sous le menton :
Un homme à collier brun (Flaubert). Sur
une face d’homme accompli, Louis Dargoult portait une barbe d’adolescent, un
collier soyeux (Duhamel). ∥ 6. Partie du
plumage de certains oiseaux qui entoure
le cou, dont la couleur est différente de
celle du reste du corps.
II.Partie des animaux de boucherie
qui comprend le cou et la naissance des
épaules : Un morceau de boeuf dans le
collier.
III.1.Bande métallique circulaire entourant un tuyau, une conduite, pour
les fixer à un appui. ∥ Collier de serrage,
bague métallique réglable. ∥ 2. En architecture, astragale d’une colonne.
colliger [kɔliʒe] v. tr. (lat. colligere, réunir,
de cum, avec, et legere, ramasser, recueillir ;
1539, J. Canappe, au sens 1 ; sens 2, v. 1560,
Paré ; sens 3, 1690, Furetière). [Conj. 1 b.]
1. Vx. Réunir, rassembler. ∥ 2. Réunir des
textes en recueil. ∥ Faire des extraits, des
résumés de : Colligeant pour lui ses notes
et l’assistant dans l’étude des hiéroglyphes
(Arnoux). ∥ 3. Vx. Faire collection de.
collignon [kɔliɲɔ̃] n. m. (du n. d’un
cocher qui assassina l’un de ses clients en
1855 ; 1866, Larousse). Pop. Nom injurieux
donné autrefois à Paris aux cochers de
fiacre : On en voit comme ça, des collignons
qui ne connaissent pas votre rue (France).
collimateur, trice [kɔlimatoer, -tris] adj.
(de collimation ; 1866, Larousse, comme n.
m.). Se dit d’un instrument d’optique servant à faire des visées : Lunette collimatrice.
% collimateur n. m. 1. Appareil d’optique
permettant d’obtenir un faisceau de rayons
lumineux parallèles. ∥ 2. Appareil de visée
pour le tir. ∥ Fam. Avoir quelqu’un dans le
collimateur, ne pas le manquer, se tenir prêt
à lui faire un mauvais parti.
collimation [kɔlimasjɔ̃] n. f. (du lat. des
astronomes collimare, viser, forme due
à une lecture fautive du lat. class. collineare, viser ; 1776, Encyclopédie). Action
d’orienter une lunette dans une direction
déterminée.
colline [kɔlin] n. f. (bas lat. collina, de collis, colline ; 1555, Belon). Relief de hauteur
modeste, de forme arrondie, à pente douce :
Ce jardin, sur la colline de Florence, où je
vous ai ce soir assemblés (Gide). ∥ La ville
aux sept collines, Rome.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
779
• SYN. : butte, coteau, élévation, éminence,
hauteur, mamelon, monticule, tertre.
collinette [kɔlinɛt] n. f. (dimin. de colline ; 1596, Hulsius). Petite colline (rare) :
Leur joli couvent de Pampérigouste, perché
sur une collinette toute grise de thym et de
lavande (Daudet).
collision [kɔlizjɔ̃] n. f. (lat. collisio, choc,
heurt, de collisum, supin de collidere, frapper contre ; XIVe s., Tilander, écrit colusion, au sens de « coup » ; collision, 1480,
Dict. général, au sens 1 ; sens 2-3, 1845,
Bescherelle). 1. Choc de deux corps en
mouvement, de deux véhicules venant à
la rencontre l’un de l’autre : Une collision
d’autos, d’avions. ∥ 2. Rencontre violente
de deux troupes, de deux partis ; heurt de
deux individus : Depuis longtemps, Mme
Olivier avait pris son parti dans le cas
d’une collision entre ses deux bienfaiteurs
(Balzac). ∥ 3. Fig. Opposition, rivalité
aiguë : Collision d’intérêts, de doctrines.
• SYN. : 1 heurt, tamponnement ; 2 bagarre,
choc, échauffourée, escarmouche ; 3 antagonisme, conflit, heurt.
collocation [kɔlɔkasjɔ̃] n. f. (lat. collocatio, arrangement, disposition, de
collocatum, supin de collocare [v. COLLOQUER] ; 1375, R. de Presles, au sens 1 ;
sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, milieu du
XVIe s., Ronsard). 1. En termes de logique,
position d’un objet par rapport à d’autres.
∥ En grammaire, position d’un mot par
rapport à d’autres. ∥ 2. En droit, classement judiciaire des créanciers dans l’ordre
où ils doivent être payés. ∥ 3. Classement,
en général.
collodion [kɔlɔdjɔ̃] n. m. (du gr. kollôdês, collant, de kolla, colle ; 1847, d’après
Larousse, 1866). Solution de nitrocellulose
dans un mélange d’alcool et d’éther, qu’on
utilise en photographie, en pharmacie, en
chirurgie.
colloïdal, e, aux [kɔlɔidal, -o] adj. (angl.
colloidal, dér. de colloid, créé par le chimiste
Graham ; 1855, Nysten, au sens 1 ; sens 2,
1922, Larousse). 1. Qui est de la nature des
colloïdes : L’albumine est une substance colloïdale. ∥ 2. État colloïdal, état d’un corps
qui a l’apparence de la colle de gélatine.
colloïde [kɔlɔid] n. m. (angl. colloid, mot
tiré par le chimiste Graham du gr. kolla,
colle, avec le suff. scientif. id[e], du gr.
eidos, apparence ; 1845, Bescherelle, comme
adj. ; comme n. m., au sens actuel, 1888,
Larousse). Nom donné à toute substance
qui a l’apparence de la colle de gélatine.
colloïdothérapie [kɔlɔidoterapi] n. f.
(de colloïdo-, tiré de colloïdal, et de thérapie ; XXe s.). Traitement de certaines maladies par des substances à l’état colloïdal.
colloque [kɔlɔk] n. m. (lat. colloquium,
entretien, de colloqui, s’entretenir avec ;
1495, J. de Vignay, au sens 1 ; sens 2, 1561,
date du colloque de Poissy). 1. Conversation
entre deux ou plusieurs personnes : Il y eut
un court colloque entre les nouvelles venues
(Martin du Gard). En général, Joseph avait
l’habitude, à compter du second colloque,
d’appeler ses partenaires, sans précautions
oratoires, par leur patronyme, tout sec
(Duhamel). ∥ 2. Réunion ayant pour but
la discussion de questions d’ordre religieux,
politique, scientifique, économique, etc.
• SYN. : 2 conférence, débat, séminaire,
symposium.
colloquer [kɔlɔke] v. tr. (lat. collocare, établir, régler ; XIIe s., Godefroy, au
sens 1 ; sens 2, 1530, Palsgrave ; sens 3,
1690, Furetière). 1. Fam. et vx. Placer :
Maupassant ne devait rien à Zola, ce qui
n’empêcha pas Zola de le colloquer parmi
ses disciples (L. Daudet). ∥ 2. Péjor. Placer
une personne ou une chose dont on veut
se défaire : Le paysan [...], s’attaquant enfin
à Christophe et à Louisa [...], voulut à toute
force leur colloquer son lait, son beurre et sa
crème (Rolland). ∥ 3. Colloquer des créanciers, en termes de droit, les inscrire dans
l’ordre suivant lequel ils doivent être payés.
collure [kɔlyr] n. f. (de coller 1 ; 1611,
Cotgrave). Joint entre deux surfaces de
matière plastique, réalisé par l’opération
du collage.
collusion [kɔlyzjɔ̃] n. f. (lat. collusio,
entente frauduleuse, de collusum, supin
de colludere, s’entendre avec un autre au
préjudice d’un tiers ; v. 1290, le Livre Roisin).
En termes de droit, entente secrète entre
deux ou plusieurs personnes en vue d’agir
contre les droits de quelqu’un. ∥ Par extens.
Toute entente pour tromper quelqu’un.
• SYN. : complicité, connivence.
collusoire [kɔlyzwar] adj. (de collusion,
d’après illusoire ; 1596, Basmaison). Qui
résulte d’une collusion : Une transaction
collusoire.
collutoire [kɔlytwar] n. m. (dér. savant
du lat. collutum, supin de colluere, nettoyer
à fond ; 1803, Boiste). Médicament destiné à
être appliqué sur les muqueuses de la cavité
buccale.
collyre [kɔlir] n. m. (lat. collyrium,
onguent, collyre, gr. kollurion ; v. 1170, Livre
des Rois). Médicament à action locale, destiné au traitement des maladies des yeux
et des paupières : Du collyre en pommade.
colmatage [kɔlmataʒ] n. m. (de colmater ; 1845, Bescherelle). Action de colmater
ou le fait de se colmater : Le colmatage d’un
terrain stérile. Le colmatage d’un filtre.
• SYN. : alluvionnement, obturation.
colmater [kɔlmate] v. tr. (de l’ital. colmata, comblement, terrain comblé, de
colmare, combler, dér. du lat. culmen,
faîte ; 1820, Lasteyrie du Saillant, au sens
1 ; sens 2 et 4, début du XXe s. ; sens 3,
1940, G. Esnault). 1. Combler, exhausser
des terrains bas ou stériles au moyen de
dépôts vaseux formés par les fleuves ou
les mers. ∥ 2. Boucher, obturer un orifice,
une fente, avec de la boue ou autre chose :
Les pores de la pierre sont bientôt colmatés
(Bourget). Colmater les fuites d’un radiateur. ∥ 3. Dans le langage militaire, rétablir
la continuité d’un front après une percée
faite par l’ennemi. ∥ 4. Fig. Arranger,
réparer tant bien que mal : Tous les efforts
ne consisteront ensuite qu’à repousser les
objections et à colmater son système croulant (Romains).
• SYN. : 2 aveugler, calfater, luter ; 4 raccommoder, rafistoler (fam.), retaper (fam.).
% se colmater v. pr. (début du XXe s.).
S’obturer progressivement par le fait des
dépôts, en parlant d’un filtre, d’un conduit,
d’un puisard, etc.
colocase [kɔlɔkaz] n. f. (lat. colocasia,
d’origine grecque ; 1547, Chesneau [var.
colocasie du XVIe s. au XIXe s.]). Plante
tropicale de la famille des aracées, cultivée en Inde et en Indochine, pour son
rhizome riche en féculents. (On dit aussi
COLOCASIA.)
colocataire [kɔlɔkatɛr] n. (de co- et de
locataire ; 1866, Larousse). Personne qui est
locataire d’un immeuble en même temps
que d’autres personnes.
cologarithme [kɔlɔgaritm] n. m. (de coet de logarithme ; fin du XIXe s.). Logarithme
de l’inverse du nombre considéré.
colombage [kɔlɔ̃baʒ] n. m. (de colombe
2 ; 1340, Actes normands de la Chambre
des comptes). 1. Construction en pans de
bois, dont les vides sont remplis par une
maçonnerie légère de brique ou de plâtre :
Plusieurs avaient un pignon pointu et la
façade en colombage (France). Ce n’était
qu’un grand vieux hangar, heureusement
vide de récoltes ; il flamba tout entier,
toit de chaume, poutres et colombage
(Gide). ∥ 2. Charpente apparente de cette
construction : Une maison à colombage.
∥ 3. Rang de colonnes dans une muraille.
colombaire [kɔlɔ̃bɛr] adj. (de colombe 1 ;
1866, Larousse). Relatif aux pigeons.
1. colombe [kɔlɔ̃b] n. f. (lat. columba,
pigeon ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au
sens 1 ; sens 2, 1689, Racine ; sens 3, 1866,
Larousse). 1. Nom que le langage poétique donne au pigeon, surtout au pigeon
blanc, emblème de douceur, de tendresse,
de pureté, mais que l’ornithologie réserve
aux oiseaux d’un genre bien défini, dont
le pigeon ramier est le type : Combien ma
mission serait plus facile et plus assurée si,
comme la colombe de l’arche, j’étais porteur
d’un brin d’olivier (France). ∥ 2. Fig. Jeune
fille pure, innocente. ∥ 3. Colombe eucharistique, vase en forme de colombe, suspendu au-dessus de l’autel dans certaines
églises, au Moyen Âge, et qui contenait
l’eucharistie.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
780
2. colombe [kɔlɔ̃b] n. f. (doublet de
colonne [v. ce mot] ; 1080, Chanson de
Roland, au sens de « colonne » ; sens actuel,
1334, Du Cange). Poteau vertical dans une
cloison ou dans un pan de bois.
colombiculteur [kɔlɔ̃bikyltoer] n. m. (de
colombiculture ; XXe s.). Éleveur de pigeons.
• SYN. : colombophile.
colombiculture [kɔlɔ̃bikyltyr] n. f. (de
colombe 1 et de -culture, du lat. colere, élever ; XXe s.). Élevage des pigeons.
• SYN. : colombophilie.
1. colombier [kɔlɔ̃bje] n. m. (lat. columbarium, pigeonnier, de columba, pigeon ;
XIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle).
1. Bâtiment important, autrefois en forme
de tour ronde ou carrée, où l’on élève des
pigeons : Quand les tuiles tombent des
colombiers (Flaubert). ∥ 2. Vx et pop. Places
d’un théâtre situées tout en haut, sous le
comble. (Auj., on dit POULAILLER.)
• SYN. : 1 pigeonnier.
2. colombier [kɔlɔ̃bje] n. m. (du n. du
fabricant de ce papier ; 1752, Trévoux).
Format de papier dont les dimensions sont
variables (0,60 x 0,80 m ; 0,62 x 0,85 m ;
0,63 x 0,90 m).
1. colombin, e [kɔlɔ̃bɛ̃, -in] adj. (lat.
columbinus, relatif au pigeon, couleur
de pigeon, de columba, pigeon ; XIIIe s.,
Barbazan, au sens de « qui ressemble à un
pigeon » ; sens actuel, XVe s.). D’une couleur entre le rouge et le violet : Du taffetas
colombin.
• SYN. : gorge-de-pigeon.
% colombine n. f. (1701, Liger). Fiente des
pigeons et des oiseaux de basse-cour, qui
sert d’engrais.
% colombins n. m. pl. (1866, Larousse).
Ordre d’oiseaux comprenant les pigeons
et les formes voisines.
2. colombin [kɔlɔ̃bɛ̃] n. m. (de colombe
2 ; av. 1844, au sens 1, et 1867, au sens 2,
G. Esnault). 1. En céramique, petit rouleau de pâte molle servant à confectionner de grands vases sans l’emploi du tour.
∥ 2. Pop. Étron : « J’ suis d’ colombins ! » Il
montre la pelle et le balai à l’aide desquels il
accomplit sa tâche de boueux et de vidangeur (Barbusse).
colombinage [kɔlɔ̃binaʒ] n. m. (de
colombiner [1866, Larousse], dér. de
colombin 2 ; XXe s.). En céramique, procédé de façonnage des pièces au moyen
de colombins.
colombo ou columbo [kɔlɔ̃bo] n. m.
(de Colombo, n. d’une ville de Ceylan ;
1866, Larousse). Racine d’une plante de
l’Afrique tropicale, à propriétés astringentes et apéritives.
colombophile [kɔlɔ̃bɔfil] adj. et n. (de
colombe 1 et de -phile, du gr. philos, ami ;
8 sept. 1874, Journ. officiel). Qui élève ou
emploie des pigeons voyageurs : Société
colombophile.
colombophilie [kɔlɔ̃bɔfili] n. f. (de
colombophile ; 1878, Larousse). Élevage
des pigeons voyageurs : La colombophilie
est réglementée.
• SYN. : colombiculture.
1. colon [kɔlɔ̃] n. m. (lat. colonus, cultivateur, colon, habitant ; fin du XIIIe s., A. du
Mont-Cassin, écrit colone, au sens de « habitant » ; sens 1 [colon], 1748, Montesquieu ;
sens 2, fin du XVIIe s. ; sens 3, 1665, Crécy).
1. À l’époque du Bas-Empire et au Moyen
Âge, homme de condition libre, mais assujetti à la terre qu’il cultivait pour le compte
d’un propriétaire. ∥ 2. En termes de droit,
exploitant lié par un bail au propriétaire,
auquel il paie un loyer en nature : Je ne
puis veiller à ce que nos colons n’amendent
pas leurs propres terres avec nos fumiers
(Balzac). ∥ 3. Personne qui a quitté son
pays pour aller exploiter une terre ou pour
faire du commerce dans un pays plus ou
moins lointain : Ce sont des colons phocéens
qui fondèrent Marseille. ∥ Descendant
d’immigrés installé à demeure dans ce
pays et cohabitant avec les autochtones :
Il considère les buveurs, ses clients, de l’oeil
dont un colon du bled considère les indigènes (Romains). ∥ 4. Enfant envoyé en
colonie de vacances.
• SYN. : 2 fermier, métayer ; 3 pionnier,
planteur.
2. colon [kɔlɔ̃] n. m. (abrév. de colonel ;
1883, G. Esnault). Arg. mil. Colonel : Pour
lors, que j’ ferai du foin dimanche, et que l’
colon n’y coupera pas (Courteline). ∥ Pop.
Ah ! mon colon !, Ben, mon colon !, interjections servant à souligner une affirmation
ou à marquer de la surprise, de l’admiration : Un amant ! Ah ! mon colon, j’en ai
eu des tapées (Croisset).
côlon [kolɔ̃] n. m. (lat. colon, gr. kôlon,
gros intestin ; v. 1398, Somme Me Gautier).
Partie du gros intestin qui commence au
caecum et se termine au rectum : Côlon
ascendant, transverse, descendant.
colonage [kɔlɔnaʒ] n. m. (de colon 1 ;
1808, Boiste). Bail dans lequel le bailleur
est rémunéré par le partage des fruits provenant de la terre qu’il loue.
• SYN. : fermage, métayage.
colonat [kɔlɔna] n. m. (bas lat. jurid.
colonatus, colonat, de colonus, colon ;
9 déc. 1811, Décret impérial, au sens de
« domaine du colon » ; sens 1-2, première
moitié du XIXe s. ; sens 3, XXe s.). 1. À Rome,
à l’époque du Bas-Empire, mode d’exploitation de la terre suivant lequel le colon et
sa famille étaient attachés à perpétuité à la
terre cultivée. ∥ 2. État de colon. ∥ 3. Par
extens. Ensemble des colons d’une colonie
ou d’une ancienne colonie.
colonel [kɔlɔnɛl] n. m. (ital. colonnello,
de colonna, troupe en colonne, lat. columna
[v. COLONNE] ; 1534, Archives de la Gironde
[dans Revue de linguist. rom., XX, 80], écrit
coulonel ; colonel, 1556, Huguet ; var. coronel jusqu’à la fin du XVIe s.). Officier supérieur des armées de terre et de l’air, dont le
grade est immédiatement inférieur à celui
de général, et qui commande un régiment :
Ce colonel qui va planter ses choux aurait
bien voulu être général (Alain). ∥ Colonel
d’état-major, officier qui a rang de colonel
sans commander un régiment.
colonelle [kɔlɔnɛl] adj. et n. f. (fém. de
colonel ; milieu du XVIe s., Amyot, comme
adj.). Compagnie colonelle, ou, absol., la
colonelle, sous l’Ancien Régime, première
compagnie de chaque régiment, qui appartenait au colonel général : Recevant le mat
et le contremat du sergent de la colonelle
(Hugo).
% n. f. (1834, Landais). Fam. Épouse d’un
colonel : La colonelle de Battaincourt
était une de ses amies d’enfance (Martin
du Gard).
colonial, e, aux [kɔlɔnjal, -o] adj. (de
colonie ; 1776, Proschwitz). 1. Qui a rapport aux colonies : Voici comment ils
expliquent notre organisation coloniale
(Daudet). Tout autour, les maisons basses,
couvertes de crépi multicolore, fermaient
la place derrière laquelle on apercevait
les deux tours rondes d’une église bleue et
blanche, de style colonial (Camus). Troupes
coloniales. ∥ Infanterie, artillerie coloniale,
ou, substantiv., la coloniale, nom donné,
jusqu’en 1958, à l’infanterie et à l’artillerie de marine chargées de la sécurité des
territoires français d’outremer : Faire son
service dans la coloniale. ∥ 2. Par extens.
Qui provient des colonies : Des denrées
coloniales.
% colonial n. m. (XXe s.). 1. Militaire qui
servait dans les troupes coloniales : À
quelques pas, des coloniaux en bourgeron
blanc déchargeaient, sous la surveillance
d’un caporal, la provision mensuelle de
charbon (Savignon). ∥ 2. Celui qui a longtemps vécu dans les pays d’outre-mer.
colonialisme [kɔlɔnjalism] n. m. (de
colonial ; 1910, Larousse). Doctrine qui
prône l’établissement et le développement
des colonies en tant que sources de richesse
et de puissance pour la nation qui les possède. (Presque toujours employé dans un
sens défavorable.)
colonialiste [kɔlɔnjalist] adj. (de colonialisme ; 1910, Larousse). 1. Relatif au colonialisme : Théorie colonialiste. ∥ 2. Qui
soutient le colonialisme ; qui le met en
pratique : Les derniers pays colonialistes.
% n. Partisan du colonialisme : Des colonialistes impénitents.
colonie [kɔlɔni] n. f. (lat. colonia, colonie, de colonus, colon ; fin du XIIIe s., A. du
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
781
Mont-Cassin, au sens I, 1 ; sens I, 2-3, 1842,
Balzac ; sens I, 4, 1866, Larousse ; sens I, 5,
1888, Larousse ; sens I, 6, 1907, Larousse
[colonie scolaire, dès 1879, Année scientif.
et industr.] ; sens II, 1636, Monet).
I. 1. Groupe de personnes qui quittent un
pays pour aller s’établir dans un autre :
Carthage fut fondée par une colonie de
Phéniciens. ∥ Par extens. Population qui
demeure et se développe à l’endroit où
se sont installés les premiers colons : Les
colonies germaniques fixées sur l’ancien
domaine de la Gaule impériale (Bainville). ∥ 2. Ensemble des personnes d’une
même nationalité établies dans une ville
ou dans une région d’un pays étranger :
La colonie française de Madrid. ∥ 3. Par
anal. Réunion de personnes que rapprochent leurs goûts ou leur situation :
Nous formions une petite colonie à laquelle, au milieu de l’hiver, Montroger
demanda la permission de s’adjoindre
(Sand). La colonie de peintres de Barbizon. ∥ 4. Réunion d’animaux vivant en
commun : Une colonie d’abeilles, de castors. Des colonies de madrépores. ∥ 5. Colonie pénitentiaire, établissement spécial
pour de jeunes délinquants : Est-ce que
je n’ai pas créé, à ma colonie pénitentiaire
de Crouy, un pavillon spécial ? (Martin du
Gard). ∥ 6. Colonie de vacances, groupe
d’enfants que l’on envoie dans un même
établissement, à la campagne, à la mer
ou à la montagne, pour y passer leurs
vacances.
II. Territoire sur lequel s’établit une colonie : En cas de succès, j’aurais eu l’honneur
d’imposer des noms français à des régions
inconnues, de doter mon pays d’une colonie sur l’océan Pacifique, d’enlever le riche
commerce des pelleteries à une puissance
rivale, d’empêcher cette rivale de s’ouvrir
un plus court chemin aux Indes, en mettant la France elle-même en possession
de ce chemin (Chateaubriand). ∥ Spécialem. Territoire occupé et administré par
une nation en dehors de ses frontières et
demeurant sous la dépendance étroite
de la métropole : En parlant du Canada
et de la Louisiane, en regardant sur les
vieilles cartes l’étendue des anciennes
colonies françaises en Amérique, je me
demandais comment le gouvernement de
mon pays avait pu laisser périr ces colonies, qui seraient aujourd’hui pour nous
une source inépuisable de prospérité
(Chateaubriand). Colonie de peuplement.
Colonie d’exploitation. ∥ Absol. Les colonies, les anciens territoires d’outre-mer.
• SYN. : I, 3 cénacle, clan, coterie, école ; 4
bande, compagnie, essaim, harde, société.
colonisable [kɔlɔnizabl] adj. (de coloniser ; 1842, Acad.). Qui peut être colonisé.
colonisateur, trice [kɔlɔnizatoer, -tris]
adj. (de coloniser ; 1835, Acad.). Qui colonise : Un peuple colonisateur.
% n. Celui qui fonde, qui met en valeur
une colonie.
colonisation [kɔlɔnizasjɔ̃] n. f. (de coloniser ; 1769, Mackenzie). Action de coloniser : Il [Deslauriers] avait été, ensuite,
chef de colonisation en Algérie, secrétaire
d’un pacha, gérant d’un journal, courtier
d’annonces (Flaubert). ∥ État de fait qui
résulte de cette action.
coloniser [kɔlɔnize] v. tr. (de colon ; 1790,
Mackenzie, au sens 1 ; sens 2-3, début du
XXe s.). 1. Peupler un territoire de colons :
Les Français ont colonisé la Louisiane au
XVIIIe siècle. ∥ 2. Transformer un pays
en un territoire dépendant d’une métropole : L’Italie, en 1936, entreprit de coloniser l’Éthiopie. ∥ 3. Fig. et fam. S’établir en
nombre en quelque endroit, envahir : Les
lieux que les mondains de Paris colonisent
en hiver (M. Prévost).
colonnade [kɔlɔnad] n. f. (de colonne,
d’après l’ital. colonnato, colonnade ; 1675, F.
Blondel, écrit colonnate [colomnade, 1694,
Th. Corneille ; colonnade, 1740, Acad.], au
sens 1 ; sens 2, 1830, Lamartine). 1. Rangée
de colonnes sur le devant ou sur le pourtour d’un édifice : Le temple d’Adonis, en
haut du promontoire, | Découpe sur fond
d’or sa colonnade noire (Samain). ∥ 2. Par
anal. et littér. Enfilade d’objets, de choses
alignés verticalement : Les pins n’ouvrent
plus leurs hautes colonnades (Lamartine).
colonne [kɔlɔn] n. f. (lat. columna,
colonne, appui, soutien ; XIIe s., au sens I, 1
[doublet colombe, du XIe au XVe s.] ; sens I, 2,
1578, Havard ; sens I, 3, 1690, Furetière ; sens
I, 4, 1890, Dict. général [colonne-affiches] ;
sens I, 5, début du XVIIe s., Descartes ; sens
II, 1, 1694, Th. Corneille ; sens II, 2, 1929,
Larousse ; sens II, 3, 1835, Acad. ; sens II,
4, 1680, Richelet ; sens II, 5, 1673, Kuhn ;
sens II, 6, 1666, Roman bourgeois ; sens II,
7, 1863, Littré).
I.1.Support vertical de forme cylindrique, composé d’une base, d’un fût
et d’un chapiteau, et qui sert à soutenir
certaines parties d’un édifice, en même
temps qu’à l’orner : Mais Samson expirant put ébranler encore | Les colonnes
du Philistin (Hugo). Colonne lisse, cannelée. Colonne dorique, ionique. ∥ 2. Par
extens. Support, montant de forme cylindrique : Un lit à colonnes. Mme de Pompadour voulut que le ciel des boudoirs fût
soutenu par des colonnes corinthiennes
(France). ∥ 3. Monument commémoratif
consistant en une colonne isolée plus ou
moins haute, portant souvent, à son sommet, une statue : La garnison d’Alexandrie célébra la fête autour de la colonne de
Pompée (Vigny). La colonne Trajane. La
colonne Vendôme. ∥ Colonne rostrale, colonne ornée de proues de navire, élevée en
souvenir d’une victoire navale. ∥ 4. Colonne-affiches (vx), ou colonne Morris (du
nom du premier concessionnaire), petite
construction de forme cylindrique, sur
laquelle, à Paris, on appose les affiches
des programmes de spectacles : Tous les
matins, je courais jusqu’à la colonne Morris pour voir les spectacles qu’elle annonçait (Proust). ∥ 5. Fig. Ce qui porte ; ce
qui soutient : Le cardinal de Fleury appelait les fermiers généraux les colonnes de
l’État (Grimm). Tout ce latin allait faire
de moi une colonne de l’Église (Renan).
∥ Colonnes d’Hercule, nom donné par les
anciens Romains à deux monts situés de
part et d’autre du détroit de Gibraltar, et
qui étaient considérés comme les bornes
du monde ; au fig., point qu’on ne peut
pas dépasser : Les premières « Odes » de
Victor Hugo, si classiques encore, étaient
son idéal et ses Colonnes d’Hercule dans le
lyrique (Sainte-Beuve).
II. 1. Fluide ou autre substance affectant
une forme plus ou moins cylindrique
et s’élevant verticalement : Au-dessus
des cheminées du village, des colonnes
de fumée jaune s’élevèrent droit en l’air
(Malot). Colonne d’air, d’eau. ∥ Colonne
barométrique, colonne de mercure s’élevant au-dessus du niveau de la cuve dans
le tube d’un baromètre. ∥ 2. Colonne
montante, canalisation principale d’eau,
de gaz, d’électricité, dans un immeuble à
plusieurs étages. ∥ 3. Colonne vertébrale,
chez l’homme et chez les animaux vertébrés, ensemble des vertèbres, qui, articulées entre elles, forment un axe osseux
s’étendant du crâne au bassin : Son torse
plié devenait tout petit, s’affaissait comme
si la colonne vertébrale eût été en caoutchouc (Maupassant). ∥ 4. File de personnes placées les unes derrière les autres.
∥ Spécialem. Formation militaire où les
hommes sont disposés sur un front étroit
et en profondeur : Une puissante colonne
d’infanterie de ligne déboucha dans la rue
(Hugo). Ce fut un lamentable retour, lui
marchant en queue de la colonne, devant
son gardien qui ne le quittait plus (Bourget). ∥ Colonne mobile, détachement destiné à parcourir rapidement un pays afin
d’y annihiler tous les points de résistance.
∥ Cinquième colonne, nom donné, depuis
la guerre civile d’Es-pagne, aux partisans
qu’un pays en guerre entretient dans les
rangs de l’adversaire, et qui y favorisent
clandestinement son action : Pour Garcia, le problème était, hélas ! résolu. Il n’y
avait ni avion ni canon ; la « cinquième »
colonne était entrée en jeu (Malraux).
∥ 5. Pile d’objets placés les uns sur les
autres : Une colonne de pains de mie au
jambon (Arnoux). ∥ Spécialem. Annotations, chiffres disposés verticalement les
uns au-dessous des autres : La colonne
des unités, des dizaines. Un crédit illimité,
qui [...] alignait d’interminables colonnes
de bocks, de cafés, de petits verres, sur les
livres fantastiquement tenus (Daudet).
∥ 6. Section verticale d’une page, délimitée par deux traits parallèles : Cette liste
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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est divisée en deux colonnes. ∥ Spécialem.
Chacune des sections verticales parallèles qui divisent une page d’imprimerie
et dans lesquelles est réparti le texte : Les
colonnes d’un dictionnaire, d’un journal.
∥ 7. Par extens. Article d’un journal ; le
journal lui-même : Une de ces imprudences qu’on rencontre sans émoi dans
la basse presse nationaliste [...], dans les
colonnes du « Temps » (Jaurès).
• SYN. : I, 3 obélisque, stèle ; 5 pilier, support.
∥ II, 3 échine, épine dorsale ; 4 chapelet,
cohorte, cortège.
colonnette [kɔlɔnɛt] n. f. (de colonne ;
1546, Ch. Estienne, pour désigner un os
allongé ; sens actuel, v. 1560, Belleau). Petite
colonne, souvent appliquée contre un pilier
ou contre un mur : Des colonnettes torses,
vert et rouge, au chapiteau massif et ouvragé
(Huysmans).
colophane [kɔlɔfan] n. f. (altér. du lat.
colophonia, gr. kolophônia, proprem.
« [résine] de Colophon » [en Asie Mineure] ;
v. 1560, Paré [var. colofonie, colofoine, colophone, du XIIIe au XVIIIe s.]). Résine jaune,
solide, transparente, résidu de la distillation de la térébenthine, utilisée dans
la fabrication des vernis, de la poix, des
isolants électriques, et par les musiciens
pour frotter les crins de l’archet : Il [...]
cirait longuement de colophane son archet
(Flaubert).
• SYN. : arcanson.
colophon [kɔlɔfɔ̃] n. m. (gr. kolophôn,
achèvement ; 1888, Larousse). Note finale
d’un livre, reproduisant et complétant les
indications du titre.
coloquinte [kɔlɔkɛ̃t] n. f. (lat. colocynthis,
gr. kolokunthis ; 1372, J. Corbichon, au sens
1 [var. colloquintide, XIVe s., Antidotaire
Nicolas] ; sens 2, 1809, G. Esnault). 1. Plante
grimpante voisine de la pastèque, dont le
fruit, de formes décoratives, contient une
pulpe amère et purgative. ∥ 2. Pop. Tête :
Mettez-vous dans la coloquinte de ne toucher à rien d’abord (Balzac). Le soleil des
tropiques m’avait tapé sur la coloquinte
(Daudet).
colorable [kɔlɔrabl] adj. (de colorer ; 1877,
Littré). Qui peut être coloré.
colorage [kɔlɔraʒ] n. m. (de colorer ;
1866, Larousse). Opération par laquelle le
confiseur colore les bonbons.
colorant, e [kɔlɔrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
colorant, e [kɔlɔrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de colorer ; 1690, Furetière). Qui a la propriété de colorer : La racine de la garance
fournit une substance colorante rouge.
Matières colorantes.
% colorant n. m. (1890, Dict. général).
Produit utilisé pour colorer : On se sert de
colorants en confiserie.
• SYN. : couleur, teinture.
coloration [kɔlɔrasjɔ̃] n. f. (de colorer ;
1460, Bartzsch, au sens de « atténuation,
excuse » ; sens actuels, fin du XVe s.).
1. Action de colorer, ou le fait de se colorer :
Tout à coup, ses traits s’animèrent, ce fut
comme un éclairement subit, une coloration
mystique (Gide). ∥ 2. État, apparence de ce
qui est coloré : La coloration du ciel, des
montagnes. ∥ Nuance de la couleur : Toutes
les colorations de sa chair (Maupassant).
Je l’invitai à se représenter les colorations
rouges et orangées analogues aux sonorités
des cors et des trombones (Gide).
• SYN. : 1 coloriage ; 2 coloris, couleur, pigmentation ; teinte, tonalité.
colorature [kɔlɔratyr] adj. et n. f. (ital.
coloratura, de colore, couleur, au sens de
« ornementation de la ligne mélodique » ;
XXe s.). Se dit d’une virtuose du chant
d’opéra à grandes vocalises.
coloré, e [kɔlɔre] adj. (part. passé de
colorer). 1. Qui a reçu une certaine couleur : Une vitre colorée en bleu. ∥ 2. Qui
est de couleur vive : Un teint coloré. Jaffa a
quelque chose, dans son ciel et dans son sol,
de plus grandiose, de plus solennel, de plus
coloré qu’aucun des sites que j’ai parcourus
(Lamartine). Le ciel était net et très coloré
(Fromentin). ∥ 3. Fig. Qui a du brillant, de
l’originalité, de l’éclat : Un style, un langage
coloré. Où trouver des expressions colorées
ou nuancées d’une manière assez délicate
pour répondre aux nécessités d’un sentiment
exquis ? (Baudelaire). ∥ 4. Fig. Qui est mêlé
d’autre chose : Une curiosité colorée d’inquiétude (Duhamel). ∥ 5. Class. Déguisé,
hypocrite : Cette offre peut-elle être un refus
coloré ? (Corneille). Vous nous payez ici
d’excuses colorées ; | Et toutes vos raisons,
Monsieur, sont trop tirées (Molière).
• SYN. : 1 peint, teint, teinté ; 3 éclatant,
étincelant, imagé, pittoresque ; 4 chargé,
empreint, marqué, pénétré. — CONTR. : 1
décoloré, incolore ; 3 banal, pauvre, plat,
terne.
colorer [kɔlɔre] v. tr. (lat. colorare, de
color, couleur ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
au sens 1 ; sens 2, milieu du XVIe s., Amyot ;
sens 3, XXe s. ; sens 4, XIIIe s.). 1. Donner
une certaine couleur, de la couleur à : Le
tiède regard du soleil | Le colore [le vallon] dès son réveil | De ses lueurs les plus
dorées (Lamartine). Nous marchions vite,
l’air vif colorait ses joues (Gide). ∥ 2. Fig.
Donner de l’éclat, de la vie, de l’originalité à : Son rayonnement ne colorait plus
les propos, l’humeur des gens (Romains).
∥ 3. Fig. Venir se mêler à ; faire sentir son
effet sur : Singulière époque ! [...] La passion
colore et empoisonne les moindres mouvements de l’âme (Duhamel). ∥ 4. Class.
et littér. Farder, donner un aspect flatteur
à : D’ailleurs il fallait colorer et excuser en
quelque sorte la guerre que Pompée et les
autres chefs romains continuaient contre
Sertorius (Corneille). Mais, aux yeux de
la Cour [...], on pourrait colorer cet exil,
adoucir cette disgrâce (Dumas père). Bien
entendu, il colorait ces craintes et ce besoin
de distraction de prétextes chevaleresques,
disant à Charlotte qu’il ne l’abandonnerait
pas, qu’il voulait être avec elle dans la peine
comme dans la joie (Daudet).
• SYN. : 1 colorier, teinter ; 2 animer, embellir ; 3 accompagner, imprégner, marquer,
nuancer, pénétrer. — CONTR. : 1 décolorer ;
2 affadir, ternir.
% se colorer v. pr. Prendre une certaine
couleur, se nuancer de : Les nuages se coloraient d’une teinte pourprée (Acad.).
coloriage [kɔlɔrjaʒ] n. m. (de colorier ;
1830, Balzac). Action de colorier ; résultat
de cette action : Sans doute, la distance
est immense qui sépare « le Départ pour
l’île de Cythère » des misérables coloriages
suspendus dans les chambres des filles, audessus d’un pot fêlé et d’une console branlante (Baudelaire). Ce vieil enfant n’avait
qu’une passion au monde : la passion du
coloriage (Daudet).
colorier [kɔlɔrje] v. tr. (de coloris ; v. 1660,
Brunot). Appliquer des couleurs en teinte
plate sur un dessin, un objet : Vous ouvrirez
des yeux grands comme la porte que voilà
de le voir dérouler un des parchemins qu’il a
coloriés (Musset). Depuis quelque quarante
ans, il vivait entouré de godets, de pinceaux,
de couleurs, et passait son temps à colorier
les images de journaux illustrés (Daudet).
∥ Absol. Employer des couleurs : Passer sa
matinée à colorier.
• SYN. : colorer, peindre, teinter.
colorieur [kɔlɔrjoer] adj. m. (de colorier ; 1877, Littré). Se dit, en impression,
du rouleau qui applique les couleurs sur
les étoffes.
colorimètre [kɔlɔrimɛtr] n. m. (de
colori-, élément tiré du lat. color, couleur,
et de -mètre, du gr. metron, mesure ; milieu
du XIXe s.). Appareil destiné à mesurer l’intensité de coloration des liquides (notamment pour doser les solutions), des verres
teintés, etc.
coloris [kɔlɔri] n. m. (de l’ital. colorito
[de colorire, colorier, du lat. color, couleur],
avec modification de la finale [-is au lieu de
-i] ; 1615, E. Binet, au sens 1 ; sens 2, 1674,
Boileau ; sens 3, 1731, Voltaire). 1. Art d’employer, d’assortir les couleurs en peinture :
Il faut étudier [...] le coloris dans le Titien
et les peintres français (Stendhal). ∥ Effet
résultant du choix et de la distribution des
couleurs : Toutes les couleurs se mêlant
mieux ensemble font un coloris plus doux,
plus délicat et plus agréable (Rolland).
∥ 2. Couleur, éclat du visage, des fleurs, des
fruits, etc. : Le bourgeois de campagne est
toujours, dès l’âge de quarante ans, affligé
d’un gros ventre, d’une démarche pesante
et d’un coloris vineux (Sand). ∥ 3. Fig. Éclat
d’un style pittoresque, vivant, imagé.
colorisation [kɔlɔrizasjɔ̃] n. f. (de
coloris ; 1690, Furetière, au sens de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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« changement de couleur survenant dans
certaines substances » ; sens actuel, 1863,
Littré). Action d’appliquer une couleur
sur un corps par un procédé technique :
Colorisation électromagnétique.
• REM. Quand l’application des couleurs est faite sur papier, on l’appelle
couramment COLORIAGE, et sur étoffe
COLORATION.
coloriste [kɔlɔrist] n. m. (de coloris ;
v. 1660, Brunot, au sens 1 ; sens 2, 1752,
Trévoux). 1. Artiste qui possède la science
du coloris : Le vrai coloriste [...] connaît
de naissance la gamme des tons, la force
du ton, les résultats des mélanges, et toute
la science du contrepoint (Baudelaire). J’ai
remarqué chez la princesse [Mathilde] un
goût de toilette particulier : le goût du ton ;
ses robes sont toujours des robes de coloristes (Goncourt). ∥ Spécialem. Peintre qui
s’intéresse plus à la couleur qu’au dessin
ou à la lumière : Ce qui prouve encore la
puissance de M. Corot, ne fût-ce que dans
le métier, c’est qu’il sait être coloriste avec
une gamme de tons peu variée — et qu’il
est toujours harmoniste même avec des tons
assez crus et assez vifs (Baudelaire). ∥ 2. Fig.
Écrivain qui, par les images, donne de
l’éclat à son style : Théophile Gautier est
un grand coloriste.
% n. (1832, Raymond). Celui, celle qui colorie des dessins, des estampes, des cartes,
etc.
coloristique [kɔlɔristik] n. f. (de coloris ; XXe s.). Étude de la couleur et des
phénomènes colorés : L’étude d’une aurore
boréale est un problème de coloristique.
colossal, e, aux [kɔlɔsal, -o] adj. (de
colosse ; av. 1596, Vigenère). 1. De proportions énormes, exagérées : Ce buste colossal
a, selon Pococke, cinq pieds et demi d’une
épaule à l’autre (Chateaubriand). Et maintenant, raide et debout au milieu du salon,
dressant jusqu’au lustre sa taille colossale,
il attendait avec tant d’émotion la grâce
d’un accueil favorable qu’on pouvait voir
trembler ses longues jambes de pandour
(Daudet). Un mulâtre colossal, à cou de
taureau, qui tient en main une énorme
trique de mauvais aloi (Loti). ∥ 2. Qui a des
dimensions imposantes : Les belles pierres
de la colonnade du Vatican, les ombres
majestueuses et colossales de Saint-Pierre
de Rome (Lamartine). ∥ 3. Fig. Qui dépasse
de beaucoup la mesure normale ; considérable : Erreur colossale. Cet être minable
qui, dans une dizaine d’années, se trouvera
à la tête d’une fortune colossale (Aymé).
• SYN. : 1 démesuré, géant, gigantesque,
monstrueux ; 2 grandiose, immense, majestueux, monumental ; 3 extraordinaire,
fabuleux, fantastique (fam.), pharamineux
(fam.), phénoménal (fam.), prodigieux.
% colossal n. m. (1866, Larousse). : Le
colossal est aussi loin du grand que le joli
est loin du beau (Veuillot).
colossalement [kɔlɔsalmɑ̃] adv. (de
colossalement [kɔlɔsalmɑ̃] adv. (de
colossal ; 1845, Th. Gautier). De façon
colossale : D’autre part, comme il était
lui-même colossalement riche, il trouvait
de bon goût d’avoir l’air de juger considérables les revenus moindres d’autrui, avec
pourtant un retour joyeux et confortable sur
la supériorité des siens (Proust).
• SYN. : énormément, excessivement,
extrêmement, fabuleusement, infiniment,
prodigieusement.
colosse [kɔlɔs] n. m. (lat. colossus, gr.
kolossos, statue colossale ; 1495, J. de Vignay,
au sens 1 ; sens 2, 1668, La Fontaine ;
sens 3, fin du XVIe s., Malherbe ; sens 4,
1666, Corneille). 1. Statue de proportions
énormes : Les troupes de la Haute-Égypte
célébrèrent la fête [...] sur les genoux du
colosse de Memnon (Vigny). Joséphine lui
répondit obligeamment que c’étaient les
fondations du colosse de Domitien nouvellement mises au jour (France). ∥ Fig. Colosse
aux pieds d’argile (image du style biblique),
personne qui, sous une apparence de force,
cache une faiblesse réelle ; puissance majestueuse, mais dont les bases sont fragiles.
∥ 2. Homme, animal d’une forte taille et
d’une grande force physique : C’était un
colosse. De larges pieds, de grosses mains
[...], une tête globuleuse (Duhamel). ∥ 3. Fig.
et vx. Celui qui, à un degré extraordinaire,
possède une qualité, un défaut, un avantage : Un colosse d’orgueil. Trente années
détruiront ces colosses de puissance qu’on
ne voyait qu’à force de lever la tête (La
Bruyère). ∥ 4. Fig. État, société industrielle
ou commerciale d’une grande puissance.
• SYN. : 2 géant, hercule.
colostomie [kɔlɔstɔmi] n. f. (de colo-,
élément tiré de kôlon, et du gr. stoma,
bouche ; XXe s. [d’abord côlotomie, de côloet de -tomie, du gr. tomê, section ; 1878,
Larousse]). Abouchement du côlon à la
peau, en vue de créer un anus artificiel.
colostrum [kɔlɔstrɔm] n. m. (mot lat. ;
v. 1585, Cholières [var. francisée colostre,
1564, J. Thierry]). Premier lait qu’une
femme donne au nouveau-né, ou une
femelle de mammifère à son petit, aussitôt après la naissance : Le colostrum a des
propriétés purgatives.
colportage [kɔlpɔrtaʒ] n. m. (de colporter ; 1723, Savary des Bruslons). 1. Action de
colporter (au pr. et au fig.) : Le colportage
de fausses nouvelles. ∥ 2. Profession de col-
porteur : Le colportage tend à disparaître.
colporter [kɔlpɔrte] v. tr. (altér. de
comporter, transporter [v. ce mot], sous
l’influence de porter à col, porter sur le
« col », c’est-à-dire le cou, les épaules ;
1539, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, 1798,
Acad.). 1. Porter de place en place des marchandises, afin de les vendre en sollicitant la clientèle à domicile : Colporter des
livres. ∥ 2. Fig. Transporter d’un endroit à
l’autre ; faire connaître partout : De taudis
en taudis colportant ma misère (Musset).
Colporter les commérages (Balzac). Les
renseignements que ces gens colportaient
sur les précautions prises par le gouvernement français étaient révélateurs (Martin
du Gard). Ces deux bavards [...] s’étaient
empressés de colporter la chose aussitôt dans
tout Paris (Duhamel).
• SYN. : 2 diffuser, divulguer, ébruiter,
proclamer, propager, publier, répandre. —
CONTR. : 2 cacher, dissimuler, taire.
colporteur, euse [kɔlpɔrtoer, -øz] n. et
adj. (de colporter ; 1533, M. Félibien [fém.
colporteresse ; colporteuse, 1803, Boiste],
au sens 1 ; sens 2, 1829, Boiste [colporteur apparaît déjà comme adj. en 1388,
Godefroy, mais le sens du mot reste obscur]). 1. Marchand ambulant qui propose
des marchandises à domicile. ∥ 2. Fig.
Celui, celle qui répand en tous lieux : Il
lui en coûtait de passer pour une bavarde,
une colporteuse de mauvaises nouvelles
(Daudet).
colt [kɔlt] n. m. (du n. de Samuel Colt,
inventeur, en 1829, de ce type de pistolet ;
1895, Bonnafé). Pistolet automatique américain de calibre 11,4 mm.
coltin [kɔltɛ̃] n. m. (var. de colletin [v. ce
mot] ; début du XIXe s.). Large chapeau de
cuir des portefaix, des forts des Halles,
protégeant la tête, le cou et les épaules.
coltinage [kɔltinaʒ] n. m. (de coltiner ;
1888, Larousse). Action de coltiner ; profession de coltineur.
coltiner [kɔltine] v. tr. (de coltin ; 1835,
Raspail [1790, le Rat du Châtelet, au sens
de « arrêter », proprem. « prendre au colletin = pourpoint »]). 1. Porter en s’aidant
du coltin. ∥ 2. Fam. Porter des choses
lourdes : Mais, je vous jure, je sortais de là
plus abruti par l’imbécillité de ce travail que
je ne l’étais à Hambourg, après avoir coltiné
deux heures de suite des sacs de ciment, dont
la poussière me rongeait les yeux et me desséchait le gosier ! (Martin du Gard). Comme
il était très vigoureux, quand il apportait
un paquet, même lourd et encombrant, il
le coltinait tout seul (Duhamel).
% se coltiner v. pr. (1915, G. Esnault). Fam.
Exécuter un travail pénible, long ou désagréable : Il se coltinait trois fois par semaine
des sacs entiers de manuscrits (Céline).
• SYN. : s’appuyer (fam.), s’envoyer (fam.),
se taper (fam.).
coltineur [kɔltinoer] n. m. (de coltiner ;
23 sept. 1827, Gazette des tribunaux, écrit
colletineur). Homme qui porte sur la tête,
les épaules, des fardeaux lourds et encombrants (vieilli) : Il n’eut qu’à descendre sur
les berges de la Seine [...] pour avoir le choix
entre plusieurs professions, déchargeur de
bateaux, coltineur (Daudet). Il a fait venir
de Paris une paire de coltineurs qui lui
déménagent ses hardes (Duhamel).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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• SYN. : débardeur, déchargeur, docker, portefaix, porteur.
colubriformes [kɔlybrifɔrm] n. m. pl.
(de colubri-, élément tiré du lat. colubra,
couleuvre, et de forme ; XXe s.). Famille de
reptiles ophidiens comprenant la plupart
des serpents, hormis les constricteurs
(boas, pythons) et ceux qui ont des crochets venimeux percés d’un canal (vipères,
crotales).
colubrin, e [kɔlybrɛ̃, -in] adj. (lat. colubrinus, de couleuvre, de serpent, de colubra [v.
COULEUVRE] ; 1501, J. Le-maire de Belges,
au sens de « où il y a des serpents » ; sens
actuel, 1863, Littré). Qui appartient à la
couleuvre ; qui a l’aspect, la forme d’une
couleuvre.
columbarium [kɔlɔ̃barjɔm] n. m. (mot
lat. signif. proprem. « colombier » ; 1752,
Trévoux, au sens 1 [var. francisée columbaire, colombaire, 1771, Trévoux] ; sens 2,
fin du XIXe s.). 1. Chez les Romains, vaste
bâtiment à niches où l’on déposait les urnes
funéraires : Le columbarium de Pomponius
Hylas, à Rome. Les columbariums éventrés, les sarcophages déserts (Goncourt).
∥ 2. Auj. Construction du même genre,
prévue, dans certains cimetières, pour
recevoir les cendres des personnes incinérées : Le columbarium du Père-Lachaise.
columelle [kɔlymɛl] n. f. (lat. columella,
dimin. de columna, colonne ; 1546, R.
Estienne, au sens de « luette » ; sens 1, 1611,
Cotgrave ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1802, Flick).
1. Petite colonne tumulaire. ∥ 2. Axe
conique du limaçon de l’oreille interne.
∥ 3. Colonne spiralée constituant l’axe de
la coquille des mollusques gastropodes.
colure [kɔlyr] n. m. (lat. colurus, gr.
kolouros ; v. 1360, Oresme). Chacun des
deux méridiens de la sphère céleste qui
contiennent, le premier, les deux solstices,
le second, les deux équinoxes.
col-vert ou colvert [kɔlvɛr] n. m. (de
col, cou, et de vert ; 1866, Larousse [var.
cou-vert, 1611, Cotgrave]). Le plus commun
des canards sauvages, souche des canards
domestiques : Des colverts et des sarcelles
qui hantent les roseaux (Genevoix).
• Pl. des COLS-VERTS OU COLVERTS.
colza [kɔlza] n. m. (néerl. koolzaad, proprem. « semence [zaad] de chou [kool] » ;
1671, Brunot, écrit colzat ; colza, 1762,
Acad. [var. colsat, colsa, au XVIIIe s.]). Plante
voisine du chou, à fleurs jaunes, cultivée
comme fourrage et surtout pour ses graines
riches en huile : Les colzas éblouissaient la
vue comme des carrés d’or (Fromentin). Je
goûtais voluptueusement la mielleuse odeur
des colzas (Gide).
coma [kɔma] n. m. (gr. médic. kôma,
-atos, sommeil profond ; 1658, Thévenin).
État morbide caractérisé par un assoupissement profond, une abolition de l’intelligence, de la sensibilité et du mouvement
volontaire, et qui ne laisse subsister que
les fonctions respiratoires et circulatoires :
Tu as l’air de sortir du coma (Duhamel).
comandant [komɑ̃dɑ̃] n. m. (de co- et
de mandant ; 1878, Larousse). Personne
qui, avec une ou plusieurs autres, donne à
quelqu’un mandat de faire quelque chose.
comateux, euse [kɔmatø, -øz] adj. (de
coma ; 1616, J. Duval). 1. Qui a rapport
au coma : Cet état que les physiologistes
appellent l’état comateux (Villiers de
L’Isle-Adam). ∥ 2. Qui produit le coma :
Une fièvre comateuse.
% adj. et n. Se dit d’une personne plongée
dans le coma : Un malade comateux. Un
comateux.
combat [kɔ̃ba] n. m. (déverbal de combattre ; début du XVIe s., aux sens 1, 4, 6, 7 ;
sens 2, 1671, Pomey ; sens 3, 1866, Larousse ;
sens 5, 1538, R. Estienne). 1. Lutte engagée
entre deux ou plusieurs adversaires, ou
entre deux groupes d’adversaires, avec les
armes dont ils disposent : Soutenir le combat. La rage du combat gonfle encor leurs
narines (Leconte de Lisle). ∥ Spécialem.
Phase active, et limitée dans l’espace et
dans le temps, d’une guerre, d’une bataille :
Combat naval, aérien, terrestre. Les guerres,
les combats n’ont été que les éclats d’une
rivalité permanente (Bainville). ∥ Hors
de combat, dans l’incapacité de continuer
à se battre ; dans la situation de vaincu.
∥ Combat singulier, duel. ∥ Combat judiciaire, au Moyen Âge, combat singulier,
autorisé par le juge, entre l’accusateur et
l’accusé, et dont le vainqueur était censé
avoir le bon droit pour lui. ∥ Combat à
outrance, combat qui ne devait se terminer
que par la mort d’un des deux adversaires,
à moins qu’il ne demandât merci. (Se disait
par opposition à combat à plaisance, combat où les adversaires s’affrontaient pour
le divertissement du public.) ∥ Poét. et vx.
Les combats, la guerre : Le dieu que nous
servons est le Dieu des combats (Racine).
∥ 2. Lutte où deux adversaires, autrefois
dans les jeux du cirque ou les jeux publics,
aujourd’hui dans les exercices sportifs,
s’affrontent selon certaines règles, pour
vaincre ou pour remporter un prix, un trophée : Combat de gladiateurs, d’athlètes.
Combat de boxe. ∥ 3. Lutte d’animaux
spécialement dressés : Combats de coqs.
∥ 4. Fig. et littér. Opposition, violente ou
non, des éléments, des forces naturelles :
Aveugle qui ne voit dans les destins du
monde | Que le combat des flots sous la
lutte des vents (Hugo). L’âme, sous le poids
du corps revêche et lourd, | Imite les combats
de la lampe et du jour (Baudelaire). ∥ 5. Fig.
Lutte, opposition dans le domaine de l’esprit : Ils font des combats de paroles où les
discours sont comme des charges de cavalerie (Balzac). Ces jeux et ces combats de
l’esprit l’occupèrent tout l’hiver (Rolland).
∥ Assaut d’émulation, effort pour surpasser quelqu’un en quelque matière : Combat
de générosité, de galanterie. ∥ 6. Fig. Lutte
de l’homme, menée surtout avec des
moyens intellectuels ou moraux, contre
les obstacles de tous ordres : La vie est un
combat. Ensuite le grand combat, la rupture avec la famille, qui, sauf sa mère, le
considère comme un apostat, comme un
traître (Arnoux). ∥ Mener le bon combat,
lutter pour faire triompher les idées que
l’on croit seules bonnes. ∥ 7. Fig. et littér.
Opposition de forces morales : Le combat
de la vérité contre l’erreur.
• SYN. : 1 action, assaut, baroud (arg. mil.),
bataille, échauffourée, engagement, escarmouche, mêlée ; 2 match, partie, rencontre ;
4 déchaînement, fureur, lutte ; 5 duel, joute,
rivalité.
combatif, ive [kɔ̃batif, -iv] adj. (de
combattre ; 1898, Larousse). 1. Qui aime
le combat, n’hésite pas à engager une
lutte : Un enfant, un jeune homme combatif. ∥ 2. Porté à la lutte : Esprit, caractère
combatif. Il était de tempérament extraordinairement combatif ; par générosité, grand
redresseur de torts (Gide). Les hommes [...]
réclament [la paix] dès qu’elle est compromise [...]. Mais leur intolérance réciproque,
leur instinct combatif la rendent précaire
dès qu’ils l’ont (Martin du Gard). ∥ 3. Qui
témoigne d’un goût marqué pour la lutte,
agressif : Elle [Lulu] se tenait droite, en
secouant ses boucles brunes d’un air combatif, et ses yeux lançaient des éclairs (Sartre).
• REM. On a écrit aussi COMBATTIF.
• SYN. : 1 et 3 agressif, belliqueux, guerrier ;
2 bagarreur (fam.), batailleur.
combativité [kɔ̃bativite] n. f. (de combattre ; 7 mai 1839, Journ. des débats).
Goût, disposition qui porte quelqu’un à
combattre, à lutter : La combativité est, à
ses yeux, la preuve même de son existence
(Goncourt). Alonzo bondit, ainsi qu’un
tigre honoraire qui retrouve une étincelle
de forme et de combativité, sur la proie
allongée au point d’eau (Arnoux).
• REM. On a écrit aussi COMBATTIVITÉ.
• SYN. : agressivité, mordant, pétulance. —
CONTR. : calme, indolence, placidité.
1. combattant, e [kɔ̃batɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(part. prés. de combattre ; 1832, Raymond).
Qui combat : Unité combattante.
2. combattant [kɔ̃batɑ̃] n. m. (part.
prés. substantivé de combattre ; 1080,
Chanson de Roland, au sens I, 1 ; sens I, 2,
1740, Acad. ; sens I, 3, 1680, Richelet ; sens
II, 1, XXe s. ; sens II, 2, 1803, Boiste).
I. 1. Personne qui prend part à un combat : Quel que soit le vainqueur, malheur
aux combattants ! (Lamartine). Vous
êtes celui d’entre nos chefs qui, parti
devant six mille hommes pour la guerre,
l’avez achevée à la tête de trois millions
de combattants (Valéry). ∥ Les anciens
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
785
combattants, ceux qui ont combattu
dans l’une des deux guerres mondiales.
∥ Spécialem. Soldat qui prend une part
active aux combats, par opposition à
non-combattant. ∥ 2. Celui qui lutte
pour être vainqueur dans un tournoi, un
exercice sportif, un jeu : Joutes, castilles
[...] font tour à tour briller la vaillance, la
force et l’adresse des combattants (Chateaubriand). ∥ 3. Celui qui en vient aux
mains dans une querelle.
II. 1. Petit poisson d’ornement, originaire d’Indo-Malaisie, de couleurs
vives et d’un caractère très combatif.
∥ 2. Oiseau échassier dont les mâles font
des parades amoureuses collectives qui
prennent des allures de combat.
• SYN. : I, 1 guerrier, soldat ; 2 champion,
compétiteur, concurrent, rival ; 3 adversaire,
antagoniste.
combattre [kɔ̃batr] v. tr. (lat. pop. *combattere, lat. de basse époque combattuere,
de cum, avec, et du lat. fam. battuere, battre
[v. BATTRE] ; XIIe s., au sens 1 ; sens 2-3, 1636,
Monet). [Conj. 48.] 1. Faire usage, contre
un adversaire, des armes matérielles dont
on dispose : Vous aimiez votre patrie même
en la combattant (France). Combattre les
bêtes féroces. ∥ Spécialem. Faire la guerre
à : Rome combattit les Barbares. ∥ 2. Fig.
S’opposer fortement à quelqu’un ou à
quelque chose pour en triompher : On
s’écrie : « Oh ! si je n’étais pas voluptueux ! »
— croyant n’avoir que ce vice à combattre
(Sainte-Beuve). Combattre ses passions,
l’hérésie. ∥ Manifester une vive opposition
à : Combattre le gouvernement. Le pasteur
combattit en vain cette résolution (Sand).
Ces grands desseins [...] combattus par un
grand nombre de Français, mal soutenus
par ceux-là mêmes qui les avaient formés,
furent rompus en un jour (France). ∥ 3. Fig.
Prendre des mesures énergiques pour venir
à bout d’un mal quelconque : La crainte
nous conduit à combattre la maladie par
le régime et les remèdes (Alain). Combattre
le froid, l’humidité.
• SYN. : 1 batailler contre, se battre contre ;
2 se dresser contre, s’élever contre, lutter
contre, résister à ; 3 maîtriser, surmonter.
% v. intr. et tr. ind. [contre, pour] (sens 1 et
3, 1080, Chanson de Roland ; sens 2, 1740,
Acad.). 1. Livrer un ou des combats : De
quel droit viens-tu dans l’arène juger sans
avoir combattu ? (Hugo). Il disait aussi les
moeurs des grands lions de l’Atlas, leur façon
de combattre (Daudet). ∥ Spécialem. Se
battre, faire la guerre : Combattre à l’arme
blanche. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a combattu sur mer. ∥ Combattre
contre, livrer bataille à (au pr. et au fig.) :
Les Anglais ne cessèrent de combattre contre
Napoléon que lorsqu’il fut abattu. Toute
sa vie, il a combattu contre les préjugés.
∥ Combattre pour, lutter en faveur de :
Combattre pour la liberté. ∥ 2. Fig. Lutter,
faire des efforts pour surpasser quelqu’un
en quelque matière : Les deux hommes combattaient de générosité. ∥ 3. Fig. Se donner
beaucoup de mal pour faire triompher son
point de vue : Rose eut à combattre pour que
toute la famille fût du cortège qui se rendrait
à la gare au-devant des fiancés (Zola).
combe [kɔ̃b] n. f. (gaulois *cumba, vallée ;
v. 1160, Moniage Guillaume). 1. Dépression
aux flancs abrupts, que l’érosion creuse
dans la voûte d’un pli du relief en saillie.
∥ 2. Petite vallée ou, parfois, simple repli
de terrain : Dans les ravins, les combes,
les lieux abrités, on sentait, malgré le
brouillard, la première chaleur du soleil
(R. Bazin).
combette [kɔ̃bɛt] n. f. (de combe ; 1615,
E. Binet). Petite combe.
combien [kɔ̃bjɛ̃] adv. (de l’anc. adv. com
[v. COMME] et de bien ; début du XIIe s.,
Pèlerinage de Charlemagne).
I. MODIFIANT UN VERBE, UN ADJECTIF, UN PARTICIPE PASSÉ, UN ADVERBE.
1. En emploi interrogatif ou exclamatif,
exprime la quantité, l’intensité, et signifie « quel prix », « à quel point », « à quel
degré » : Combien coûte ce livre ? Voyez,
songez combien les choses valent peu (Leconte de Lisle). Ces paroles [...] prouvaient
combien elle était occupée de mon avenir
(Balzac). ∥ 2. Ô combien, très, extrêmement (s’intercale dans la phrase tantôt
avant, tantôt après l’adjectif, l’adverbe ou
le verbe qu’il modifie) : Nous avons regretté, ô combien ! votre absence. Il eût été
ô combien plus sage de ne pas vous lancer
dans cette entreprise.
II. EMPLOYÉ AVEC UN NOM OU ABSOLUMENT. 1. Suivi de la préposition de et d’un
nom, dans des phrases interrogatives, signifie « quel nombre de », « quelle quantité de » : Combien d’invités sommes-nous ?
Combien d’argent vous faut-il ? ∥ Ellipt.
S’emploie pour combien de : Combien
sont-ils (= combien d’hommes, etc.) ? À
combien vous revient votre villa (= combien d’argent) ? Depuis combien ne nous
sommes-nous pas vus (= combien de
temps) ? ∥ 2. Dans les phrases exclamatives signifie « quel nombre important,
considérable de » : Combien de siècles se
sont écoulés avant que les hommes, dans
les sciences et dans les arts, aient pu revenir au goût des Anciens ! (La Bruyère).
% n. m. invar. (1807, J.-F. Michel). Fam.
Précédé de l’article défini, indique le rang :
Le combien êtes-vous ? ; la date : Le combien
sommes-nous aujourd’hui ? ; la fréquence :
Cette cérémonie revient tous les combien ?
• REM. 1. Le syntagme formé par combien
de et un nom au pluriel est traité, pour
l’accord, comme un pluriel : Combien
d’exploits célèbres | Sont demeurés sans
gloire ! (Corneille). Combien de roses m’at-il cueillies ? (mais : Combien a-t-il cueilli
de roses ?). Lorsque combien est employé
absolument, l’accord se fait avec le nom
sous-entendu : Combien sont venus ?
2. Lorsque combien est employé absolument comme complément, l’accord peut
se faire si combien précède le pronom en :
Combien en a-t-on vus, | Qui du soir au
matin sont pauvres devenus ! (La Fontaine). Ce sont vos lettres qui m’ont grisée !
Ah ! songez combien depuis un mois vous
m’en avez écrites (Rostand).
combientième [kɔ̃bjɛ̃tjɛm] adj. et pron.
(de combien, sur le modèle des adj. ordinaux comme vingtième, trentième, etc. ;
XXe s.). Très fam. Qui est à quel rang : C’est
le combientième étage, ici ? Il est arrivé le
combientième dans cette épreuve ?
combinable [kɔ̃binab] adj. (de combiner ;
1787, Féraud). Susceptible d’être combiné :
Il garde une confiance remarquable à l’esprit encyclopédiste et n’a peut-être pas perdu
les grands espoirs que l’on avait eus, dans la
seconde moitié du XVIIIe siècle, de réduire
la connaissance de l’homme à un système
fini de lois précises, nettement écrites et
logiquement combinables (Valéry).
combinaison [kɔ̃binɛzɔ̃] n. f. (de
combiner, d’après le bas lat. combinatio,
assemblage [d’où combination, du XIVe
au XVIIe s.] ; 1690, Furetière, aux sens I, 1
et 3 ; sens I, 2, 1671, Quatroux ; sens I, 4,
1763, Voltaire [combinaison ministérielle,
1845, Bescherelle] ; sens I, 5, XXe s. ; sens II,
1, 1895, Bonnafé, sur le modèle de l’angl.
combination, « vêtement qui en combine
deux » ; sens II, 2, 1929, Larousse).
I.1.Assemblage, arrangement, suivant
un certain ordre, de deux ou de plusieurs éléments : Pendant plus de soixante
années, cet homme extraordinaire est à
l’ouvrage tous les jours de cinq heures à
midi ! Il ne cesse de provoquer les combinaisons du langage, de les vouloir, de les
attendre, et de les entendre lui répondre
(Valéry). La nature ne possède-t-elle pas
des milliards de combinaisons de nez,
de cheveux, d’yeux ? (Arnoux). ∥ 2. En
chimie, union de plusieurs corps simples
donnant un corps composé : Les combinaisons chimiques sont souvent facilitées
par la présence d’un catalyseur. ∥ Le
corps composé ainsi formé : L’eau est une
combinaison d’hydrogène et d’oxygène.
∥ 3. Fig. Rencontre, interférence fortuite
ou voulue de faits, d’événements, de
sentiments : Le roman rendra-t-il jamais
l’effet des combinaisons bizarres de la
vie ? (Nerval). Dans ces états de résonance
intellectuelle qui suivent et prolongent un
entretien où l’on s’est intéressé, il se produit en nous une infinité de combinaisons
des idées qui furent émises et non point
épuisées (Valéry). Il doit y avoir en nous
une combinaison exceptionnelle d’orgueil,
de violence, d’obstination, je ne sais comment dire (Martin du Gard). ∥ 4. Fig. Mesures concertées que l’on prend pour asdownloadModeText.vue.download 72 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
786
surer le succès d’une entreprise : Le temps
qui se passa dans leurs combinaisons
d’avenir [...] fut pour Mme de Campvallon
le moment le plus doux de sa vie (Feuillet). ∥ Combinaison ministérielle, dosage,
selon les appartenances politiques, des
différentes personnalités appelées à composer un ministère. ∥ Péjor. Accords,
arrangements plus ou moins intéressés :
L’habileté, l’intrigue, les combinaisons, la
« politique » dans le sens le plus décrié du
mot (Bainville). ∥ 5. Agencement mécanique intérieur d’un coffre ou d’une serrure, qui exige certaines manipulations
déterminées à l’avance pour permettre
l’ouverture de la serrure.
II.1.Sous-vêtement de lingerie porté
par les femmes : Une combinaison de
crêpe de Chine. ∥ 2. Vêtement de travail
d’une seule pièce, qui enveloppe le corps
et les membres : Il portait une combinaison d’aviateur en toile bleue (Martin du
Gard). Engoncé dans sa combinaison,
casqué de cuir, les lunettes relevées sur le
front, il semblait un scaphandrier de l’air
(Kessel).
• SYN. : I, 1 agencement, groupement ;
3 alliage, alliance, amalgame, association,
concours, conjonction, mélange, réunion ;
4 calcul, combine (pop.), cuisine (pop.),
machination, manigance, manoeuvre,
menées, plan, projet, tractations.
∥ II, 2 bleu, cotte, salopette.
combinard, e [kɔ̃binar, -ard] n. et adj.
(de combine ; 1920, Bauche). Pop. et péjor.
Personne habile et généralement peu scrupuleuse dans le choix des moyens propres
à servir ses intérêts : Un Legoubin complètement inconnu, opportuniste et combinard, mais agressif dans l’opportunisme et
cynique dans la combinaison (Duhamel).
• SYN. : astucieux, débrouillard, habile,
intrigant, inventif, madré, malin, roublard,
roué, rusé. — CONTR. : honnête, naïf, niais,
scrupuleux.
combinat [kɔ̃bina] n. m. (mot russe formé
sur le radical de combiner ; 1949, Larousse).
En U. R. S. S., ensemble d’établissements
dont les activités sont solidaires et qui,
groupés sur un territoire déterminé, forment une unité industrielle.
combinateur [kɔ̃binatoer] n. m. (de combiner ; début du XVIIIe s., Saint-Simon, au
sens de « personne qui combine » ; sens
1, 1907, Larousse ; sens 2, 1929, Larousse).
1. Appareil destiné à régler la marche des
véhicules électriques en combinant les circuits des moteurs. ∥ 2. Dans les chemins de
fer, dispositif qui réalise mécaniquement
les opérations nécessaires pour commander à distance les signaux et les aiguillages.
combinatoire [kɔ̃binatwar] adj. (de
combiner ; 1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2,
milieu du XXe s.). 1. Qui a rapport aux combinaisons : Il y en avait pour qui l’audition
colorée et l’art combinatoire des allitérations
paraissaient ne plus avoir de secrets ; ils
transposaient délibérément les timbres de
l’orchestre dans leurs vers : ils ne s’abusaient
pas toujours (Valéry). ∥ Analyse combinatoire, domaine des mathématiques où
l’on traite des groupes finis d’éléments
engendrés par certaines opérations ou
par la combinaison de certaines opérations. ∥ 2. Spécialem. En linguistique, se
dit du changement d’un élément résultant
de la présence d’un autre élément qui le
conditionne.
% n. f. (1732, Trévoux, au sens de « méthode
qui consiste à combiner les idées humaines
de façon à résoudre toutes les questions
possibles » ; sens actuel, milieu du XXe s.).
Ensemble de contraintes linguistiques qui
déterminent les combinaisons des éléments
constitutifs d’un énoncé.
combine [kɔ̃bin] n. f. (abrév. de combinaison ; 1906, au sens I, et 1917, au sens II,
G. Esnault).
I. Pop. et péjor. Combinaison, moyen habile, mais souvent peu scrupuleux, pour
arriver à ses fins : Des intérêts industriels,
des compétitions de marchés, des combines
de politiciens et d’hommes d’affaires, l’insatiable cupidité des classes dirigeantes
de tous les pays ! (Martin du Gard). Nous
nous sommes séparés sur des paroles pacifiantes, des paroles que du moins il voulait
telles et qui puaient affreusement la petite
combine (Duhamel). Chercher des combines pour couper aux corvées (Romains).
Ce pays où la combine même règne avec
nonchalance (Malraux). ∥ Pop. Être dans
la combine, être au courant d’une affaire
qui se trame, y participer.
II. Pop. Combinaison de femme.
combiné, e [kɔ̃bine] adj. (part. passé de
combiner ; 1752, Trévoux). Dans le langage
militaire, se dit d’une opération qui inté-
resse simultanément plusieurs armées ou
plusieurs armes : Des opérations combinées
de la flotte et de l’aviation.
% combiné n. m. (1742 [d’après Trévoux,
1752], au sens de « corps résultant de la combinaison de plusieurs substances » ; sens
actuels, XXe s.). 1. Ensemble résultant d’une
combinaison : Le combiné fer-charbon de
la Sarre et de la Lorraine. ∥ 2. Appareil
téléphonique réunissant l’écouteur et le
microphone et permettant de parler tout en
écoutant. ∥ 3. Appareil présentant à la fois
les caractéristiques de l’avion et celles de
l’hélicoptère. ∥ 4. Sous-vêtement féminin
réunissant en une seule pièce la gaine et
le soutien-gorge. ∥ 5. Épreuve réunissant
plusieurs spécialités d’un sport.
combiner [kɔ̃bine] v. tr. (bas lat. combinare, unir deux choses ensemble, de
cum, avec, et bini, deux par deux ; XIIIe s.,
Roman de Renart, au sens de « se tenir à
deux » ; sens 1, v. 1361, Oresme ; sens 2,
1690, Furetière ; sens 3, 1762, Acad. ; sens
4, fin du XVIIIe s., Gohin). 1. Assembler,
disposer dans un certain ordre deux ou
plusieurs éléments : Combiner des couleurs. ∥ 2. Joindre, associer d’une certaine
manière plusieurs choses en vue d’obtenir
un résultat précis : Quand on se marie, il
faut unir les convenances, combiner les
fortunes (Maupassant). Tandis que mon
père peinait à son tableau noir, en train
de combiner ses formules, la foudre serait
tombée sur la maison sans qu’il y prît
garde (Bourget). Les traités de Westphalie
comprenaient quatre éléments essentiels
harmonieusement combinés (Bainville).
∥ 3. Produire la combinaison de deux ou
plusieurs corps, de façon à en obtenir un
nouveau : Combiner une base avec un acide.
∥ 4. Fig. Préparer, organiser quelque chose
dans ses moindres détails, souvent d’une
façon habile ou astucieuse : J’ai deux ou
trois plans de conduite à vous offrir, tous
assez bien combinés (Stendhal). Oh ! tout
ce qu’elle avait rêvé, combiné, préparé, pendant des mois, pour ce retour (Maupassant).
• SYN. : 1 arranger, grouper ; 2 agencer,
assortir, doser, harmoniser ; 4 calculer, élaborer, goupiller (pop.), machiner, manigancer (fam.), méditer, ourdir, tramer.
% se combiner v. pr. 1. Se disposer, s’arranger harmonieusement (au pr. et au fig.) :
Tout se combinait avec ma rêverie (Hugo).
∥ 2. En parlant de corps chimiques, former
un composé stable.
combineur, euse [kɔ̃binoer, -øz] n. et
adj. (de combiner ; 1888, Daudet). 1. Péjor.
Personne qui combine (vieilli) : Une incertitude délicieuse pour les rêveurs et les combineurs d’affaires (Daudet). ∥ 2. Péjor. Qui
cherche des combines (vieilli) : Débineurs,
combineurs, comme dans la plus sale garnison du temps de paix (Romains).
combisme [kɔ̃bism] n. m. (de Combes,
n. pr. ; début du XXe s.). Ensemble
des idées et des tendances politiques
d’É. Combes, président du Conseil de 1902
à 1905, notamment à propos des relations
de l’Église et de l’État : À peine eût-elle
signifié quelque chose au temps révolu du
combisme (Bernanos).
comblanchien [kɔ̃blɑ̃ʃjɛ̃] n. m. (n.
d’une commune de la Côte-d’Or ; milieu
du XXe s.). Calcaire très dur, prenant un
aspect poli, utilisé pour faire des revêtements et des dallages.
1. comble [kɔ̃bl] n. m. (lat. cumulus,
monceau, confondu en lat. pop. avec
culmen, sommet ; XIIe s., aux sens I, 1-2
et II, 3 ; sens II, 1-2, XIIIe s., Villard de
Honnecourt).
I. 1. Vx. Ce qui peut tenir au-dessus des
bords d’une mesure déjà pleine : La mesure de blé est au comble. ∥ 2. Fig. Ce qui
dépasse la mesure, apporte un surcroît,
un excès de : Les rires étouffés qu’il entendownloadModeText.vue.download 73 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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dit dans l’antichambre mirent le comble à
sa confusion (Balzac). ∥ C’est le comble,
ou C’est un comble !, on ne peut imaginer chose pareille : Vous m’avouerez que
si un des nôtres était refusé au Jockey, et
surtout Robert, dont le père y a été pendant dix ans président, ce serait un comble
(Proust). ∥ Pour comble, ou pour comble
de malheur, par excès de malheur, pour
couronner le tout : Pour comble, il se trouvait dans un coin une sorte de mort assez
blême (Alain).
II. 1. Ouvrage de charpente qui, au-dessus du bâtiment proprement dit, soutient
la couverture d’un édifice. ∥ 2. Par extens. Ensemble constitué par la charpente
et la couverture : Enfin, sous les combles,
se trouvaient encore trois bonnes pièces
lambrissées, où l’on ne pénétrait, malheureusement, qu’en traversant le grenier
(Duhamel). ∥ Dans le langage courant, le
faîte d’un bâtiment, le haut du toit : La cigogne blanche s’établit sur les combles des
édifices (Buffon). Sur le comble aucune
fumée (Gautier). ∥ 3. Fig. Le degré qui
ne peut être dépassé, le point culminant :
Des valets de chambre vêtus avec ce qui
me semblait alors le comble de la magnificence (Stendhal). Peut-être éprouvé-je
un peu moins que naguère, pour pousser
mon émotion à son comble, le besoin de la
dépayser (Gide). ∥ Au comble de, au sommet, au faîte de : Tout le monde le croyait
déjà au comble de la faveur (Stendhal).
• SYN. : I, 1 surplus, trop-plein. ∥ II, 3 apogée, faîte, maximum, pinacle, summum.
% De fond en comble loc. adv. (XVIe s.).
1. De la cave au grenier, de haut en bas :
Les enfants auraient, à ce moment, démoli
le gymnase de fond en comble que je ne
m’en fusse pas aperçu (Daudet). ∥ 2. Fig.
Entièrement : Vous avez détruit de fond
en comble la confiance que j’avais en vous.
% combles n. m. pl. (1866, Larousse).
Logements situés immédiatement sous le
toit d’un édifice : Au second, habitait une
sage-femme, au troisième, une couturière
et une manucure, dans les combles, deux
cochers avec leurs familles (Maupassant).
2. comble [kɔ̃bl] adj. (de combler ; XIIe s.,
au sens 1 [la mesure est comble, 1690,
Furetière] ; sens 2, 1835, Acad.). 1. Se dit
d’un récipient rempli au point de déborder : Un boisseau de seigle comble. ∥ Fig.
La mesure est comble, cela dépasse les
bornes, il est impossible d’en supporter
davantage. ∥ 2. Se dit d’un local, d’un lieu
fermé rempli de personnes au point qu’il ne
pourrait en tenir davantage : Dans le train
comble, surchauffé, il regretta d’avoir mis sa
jaquette (Mauriac). ∥ Faire salle comble, en
parlant d’un spectacle, d’un artiste, attirer
assez de spectateurs pour remplir la salle.
• SYN. : 2 bondé, bourré (fam.), complet.
comblé, e [kɔ̃ble] adj. (part. passé de
combler). Qui a reçu en abondance les biens
de ce monde : Qui de vous, parmi les plus
comblés, n’a subi l’ennui ? (Sainte-Beuve).
Il faut pardonner aux femmes... Même les
plus comblées en apparence méritent notre
pitié (Mauriac).
comblement [kɔ̃bləmɑ̃] n. m. (de com-
comblement [kɔ̃bləmɑ̃] n. m. (de combler ; 1560, Ronsard). Action de combler :
Le comblement d’une tranchée.
combler [kɔ̃ble] v. tr. (lat. cumulare,
amonceler, de cumulus [v. COMBLE] ; fin
du XIe s., Chanson de Guillaume, au sens
1 ; sens 2, XIIIe s. ; sens 3, 1835, Acad. ; sens
4, 1564, J. Thierry ; sens 5, 1740, Acad.).
1. Vx ou littér. Remplir une mesure, un récipient jusqu’aux bords : Combler un boisseau
d’avoine. Il était minuit. On avait plusieurs
fois comblé le poêle. Pierre prenait racine
(Morand). ∥ Fig. Combler la mesure, aller
au-delà des limites supportables, provoquer l’irritation, la colère. ∥ 2. Remplir un
creux pour le faire disparaître : Combler un
fossé, un souterrain. ∥ 3. Fig. Combler un
vide, un manque, une lacune, y remédier :
Ce mot [...] ouvrit entre ces deux femmes des
abîmes que rien ne pouvait combler désormais (Balzac). Seuls les apostrophes et les
monologues de la Méhoul comblaient les
lourds silences des autres convives (Aymé).
Recourir à de nouveaux impôts pour
combler le déficit budgétaire. ∥ 4. Class.
Combler quelqu’un de (avec un complément
désignant un bien ou un mal),lui donner
une chose à profusion : Horace, comblé tout
ensemble et d’honneur pour avoir vaincu
les Curiaces et de honte pour avoir tué sa
soeur (Bossuet) ; ou l’en accabler : J’étais
lasse d’un trône où d’éternels malheurs |
Me comblaient chaque jour de nouvelles
douleurs (Corneille). ∥ Auj., ne s’emploie
plus que pour les choses heureuses : Je
quittai Coron [...] comblé des politesses et
des attentions de M. Vial (Chateaubriand).
∥ 5. Fig. Satisfaire pleinement : Combler
les aspirations, les voeux, les espérances de
quelqu’un. ∥ Combler quelqu’un, le rendre
pleinement heureux : J’étais comblé intérieurement de sa parole (Sainte-Beuve).
• SYN. : 1 bourrer ; 2 boucher, colmater,
obturer, remblayer ; 5 contenter, exaucer.
combrière [kɔ̃brijɛr] n. f. (provenç.
coumbriero, de couloumar, précipiter,
gr. kolumbân, plonger, s’enfoncer ; 1681,
Pardessus). Filet servant à prendre certains
gros poissons, et spécialement le thon.
comburant, e [kɔ̃byrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.
comburens, part. prés. de comburere,
brûler entièrement ; 1789, Lavoisier). Se
dit d’un corps qui, par combinaison avec
un autre, amène la combustion de ce dernier : L’oxygène est comburant, mais non
combustible.
% comburant n. m. (1845, Bescherelle).
Corps comburant : Pour la propulsion des
engins en dehors de l’atmosphère, le comburant est parfois intégré au carburant.
combustibilité [kɔ̃bystibilite] n. f. (de
combustible ; XVIe s.). Propriété d’un corps
qui peut brûler : La grande combustibilité
du bois de pin.
combustible [kɔ̃bystibl] adj. (de combustion ; v. 1380, Conty). Qui a la propriété
de brûler : Le papier est très combustible.
% n. m. (sens 1, 1793, Wechssler ; sens
2, milieu du XXe s.). 1. Matière dont la
combustion produit de l’énergie calorifique : Combustibles végétaux, minéraux.
L’anthracite est un excellent combustible.
∥ 2. Élément capable de dégager de l’énergie par fission ou fusion nucléaires.
combustion [kɔ̃bystjɔ̃] n. f. (bas lat.
combustio, combustion, de combustum,
supin de comburere [v. COMBURANT] ;
XIIe s., Vie de saint Evroult, au sens 1 ; sens
2, 1625, Stoer ; sens 3, fin du XVIIIe s. ; sens
4, 1567, Amyot). 1. Le fait de se consumer
par le feu : Le charbon de bois est obtenu
par la combustion lente et incomplète du
bois. ∥ 2. Vx. Action de brûler complètement quelqu’un ou quelque chose : La
combustion des morts était pratiquée chez
les Anciens. ∥ 3. En chimie, ensemble des
phénomènes qui se produisent lorsqu’un
corps se combine avec l’oxygène : La respiration est un phénomène plus compliqué
que la simple combustion. L’oxydation est
une véritable combustion. ∥ 4. Class. et fig.
Discorde amenant le trouble, l’anarchie :
Dites-moi un peu quelle est la cause, le sujet
de votre combustion ? (Molière).
• SYN. : 1 brûlage, ignition ; 2 incinération.
comédie [kɔmedi] n. f. (lat. comoedia,
comédie, pièce de théâtre, gr. kômôidia,
comédie ; v. 1361, Oresme, au sens I, 1 ; sens
I, 2, 1661, Molière ; sens I, 3, 1667, Miege ;
sens I, 4, 1835, Acad. ; sens I, 5, 1694, Acad. ;
sens II, 1 et 2, milieu du XVIe s., Jodelle ; sens
II, 3, 1663, Molière).
I. 1. Class. et littér. Toute pièce de théâtre,
à quelque genre qu’elle appartienne, et,
par extens., le théâtre, l’art dramatique :
Racine a fait une comédie qui s’appelle
« Bajazet » (Sévigné). Le marquis [...]
jugea à propos de se dire tout à coup fort
épris du théâtre et bon juge en matière de
comédie (Gautier). ∥ 2. Class. et littér. La
représentation d’une pièce, le spectacle
donné au théâtre : Et j’ai maudit cent
fois cette innocente envie | Qui m’a pris,
à dîner, de voir la comédie (Molière).
Donner la comédie. ∥ Jouer la comédie,
prendre part, en tant qu’acteur, à une
représentation théâtrale ; au fig., manifester ostensiblement des sentiments qu’on
ne ressent pas : Jouer avec les croyances
les plus respectables une odieuse comédie (Renan). Lagrappe dégringola de son
lit, ébouriffé, furieux, jouant à merveille
la comédie de l’indignation (Courteline).
∥ Class. et fig. Donner la comédie, se donner en spectacle, se faire remarquer par
une conduite extravagante ou ridicule : Je
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vous dirai tout franc que cette maladie, |
Partout où vous allez, donne la comédie
(Molière). ∥ 3. Class. L’édifice, l’endroit
où sont jouées les pièces : Je m’offre à
vous mener l’un de ces jours à la comédie, si vous voulez (Molière). ∥ Portier de
comédie, celui qui faisait payer à l’entrée
du théâtre, et, par extens., celui qui ne
laisse entrer quelque part qu’en faisant
payer : J’étais un franc portier de comédie [...]. On n’entrait pas chez nous sans
graisser le marteau (Racine). ∥ Auj. La
ComédieFrançaise, le Théâtre-Français, à
Paris. ∥ 4. Vx. La troupe des comédiens :
Toute la comédie paraît dans la cérémonie
du « Malade imaginaire ». ∥ 5. Fig. Manifestation hypocrite de sentiments qu’on
n’éprouve pas réellement : Vous voulez
me faire croire que vous vous intéressez
à moi, mais je ne suis point dupe de vos
comédies (Alain). Veux-tu que je te dise,
mon ami ; tout cela, c’est de la comédie
(Gide). ∥ 6. Fig. et fam. Comportement
volontairement et ostensiblement désagréable, surtout en parlant des enfants :
Cesse tes comédies ! ∥ 7. Fam. Manoeuvres
compliquées et agaçantes, nécessitées par
certaines circonstances : Quelle comédie
pour garer sa voiture dans ce quartier !
II. 1. Pièce destinée à provoquer le rire,
par la présentation satirique des situations, des moeurs, des caractères, etc.
(s’oppose à tragédie) : Les comédies
d’Aristophane, de Molière. ∥ 2. Le genre
comique : Que préférez-vous, la tragédie
ou la comédie ? La comédie d’intrigue, de
moeurs, de caractère. ∥ La comédie italienne, genre bouffon qui met en scène
les types traditionnels du théâtre italien (Cassandre, Arlequin, Colombine,
etc.). ∥ La comédie larmoyante, comédie
moralisante et émouvante, en vogue au
XVIIIe s. ∥ Comédie musicale, spectacle
qui associe la musique, le chant, la danse
et la prose, en vogue aux États-Unis et
en Grande-Bretagne dès la fin du XIXe s.
∥ 3. Fig. Ensemble d’actions, de faits qui
provoquent le rire : Ma vie est là pourtant
[...], | Comédie et roman, faux rires, faux
sanglots (Samain).
• SYN. : I, 5 feinte, grimace, simagrées, singerie ; 6 scène, sérénade (fam.), vie (fam.) ;
7 histoire (fam.).
comédien, enne [kɔmedjɛ̃, -ɛn] n. (de
comédie ; v. 1500, J. d’Auton, au sens 1 ;
sens 2, 1663, Molière ; sens 3, 1696, Bayle ;
sens 4, début du XVIIe s., Montchal ; sens
5, 1673, Molière). 1. Personne dont la
profession est d’interpréter des rôles à la
scène, au cinéma, à la radio, à la télévision :
Des comédiens ambulants. En lui, pour le
compléter jusqu’au type, j’ai résumé tout
ce que je savais sur les comédiens, leurs
manies, leurs difficultés à reprendre pied
dans l’existence en sortant de scène, à garder
une individualité sous tant de changeantes
défroques (Daudet). Pauvres comédiens
qui, le long du coteau, emportez au soleil
Marivaux et Racine (Bainville). Vous êtes
une trop bonne comédienne pour vous en
aller ailleurs (Duhamel). ∥ Les Comédiensfrançais la troupe de la Comédie-Française.
∥ 2. Spécialem. Acteur comique (par opposition à tragédien) : Cet acteur excelle aussi
bien dans les rôles de tragédien que dans
ceux de comédien. ∥ 3. Littér. Auteur
dramatique : Je trouve à Stendhal le
mouvement, le feu, les réflexes rapides, le
ton rebondissant ; l’honnête cynisme des
Diderot et des Beaumarchais, ces comédiens admirables (Valéry). ∥ 4. Fig. et péjor.
Personne aimant se donner en spectacle,
se plaisant aux attitudes, aux gestes théâtraux : À peine se demandait-elle comment,
si réservée, si discrète, elle avait pu entrer
dans une pareille famille de comédiens,
drapés de phrases, débordants de gestes
(Daudet). ∥ 5. Fig. et péjor. Personne qui
se compose un personnage, qui feint des
sentiments qu’elle n’éprouve pas : Il est rare
qu’un homme soit lancé dans la bataille des
idées sans vite devenir le comédien de ses
premières sincérités (Bourget).
• SYN. : 1 acteur, artiste ; 3 dramaturge ; 4
cabotin (fam.) ; 5 tartufe.
% adj. (1687, Fénelon). 1. Apte à feindre, à
simuler : Louis XIV n’était à aucun degré
comédien. Il n’avait point de masque à ôter
(Sainte-Beuve). ∥ 2. Littér. Qui est composé, artificiel : Ces manières moqueuses
et comédiennes ont quelque chose de bas
(Fénelon). Une gentillesse à la longue comédienne, nerveuse (Goncourt).
comédon [kɔmedɔ̃] n. m. (lat. comedo,
mangeur, de comedere, manger [on croyait
que les cylindres de matière sébacée étaient
des vers qui mangeaient la peau] ; milieu du
XIXe s.). Petit cylindre de matière sébacée,
appelé communément « point noir », qui
obture certains pores de la peau.
comestibilité [kɔmɛstibilite] n. f.
(de comestible ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). Qualité de ce qui est
comestible.
comestible [kɔmɛstibl] adj. (dér. savant
du lat. comestus, part. passé de comedere,
manger ; v. 1380, Conty). Qui peut servir
d’aliment à l’homme : Ce champignon n’est
pas comestible. Une denrée comestible.
• SYN. : consommable, mangeable. —
CONTR. : immangeable.
% comestibles n. m. pl. (1787, Féraud). Tous
les aliments de l’homme : Un panier rempli
de comestibles variés. Pendant sa grossesse,
ma femme a eu des envies ruineuses... Bref,
je dois quinze cents francs à un marchand
de comestibles qui me poursuit (Labiche).
cométaire [kɔmetɛr] adj. (de comète ;
1778, Buffon). Qui a rapport aux comètes :
Les observations cométaires.
comète [kɔmɛt] n. f. (lat. cometa, du gr.
komêtês, proprem. « [astre] chevelu », de
komê, chevelure ; v. 1138, Gaimar [parfois
masc. du XVIe s. au XVIIIe s.], au sens 1 [tirer
des plans sur la comète, 1907, Larousse] ;
sens 2, 1752, Trévoux ; sens 3, 1690,
Furetière ; sens 4, 1803, Boiste ; sens 5, 1890,
Dict. général ; sens 6, 1878, G. Esnault).
1. Astre d’aspect nébuleux, qui décrit
autour du Soleil une ellipse très allongée et qui est souvent accompagné d’un
appendice lumineux, appelé « queue » :
Les cheveux s’allongent en arrière, comme
les rayons d’une lointaine comète (Vigny).
∥ Fig. et fam. Tirer des plans sur la comète,
chercher à atteindre ses fins malgré des
moyens réduits, par des voies ingénieuses,
mais risquées ou illusoires. ∥ 2. Fusée à
queue lumineuse. ∥ 3. En héraldique, étoile
dont l’un des rais inférieurs se prolonge
en une queue ondulée. ∥ 4. Petit ruban de
satin ou de velours très étroit, employé en
garniture : Le corsage brodé d’une ruche
ornée de comètes (Balzac). ∥ 5. Tranchefile
ne comportant qu’un seul bourrelet.
∥ 6. Fam. et vx. Individu considéré par
les joueurs comme portant la malchance.
comices [kɔmis] n. m. pl. (lat. comitium,
assemblée du peuple et place où elle se
tenait ; v. 1355, Bersuire, au sing., au sens de
« place... » ; au plur., 1694, Th. Corneille, au
sens de « assemblées... »). Chez les Romains,
assemblées du peuple dans lesquelles on
élisait les magistrats, et où l’on discutait
des affaires publiques : Comices curiates,
centuriates, tributes.
% comice n. m. (sens 1, 1863, Littré ; sens
2, 1760, Brunot). 1. Pendant la Révolution
française, réunion des électeurs pour nommer les membres des assemblées délibérantes. ∥ 2. Comices agricoles, associations
privées de propriétaires ruraux et de cultivateurs d’une région, visant à améliorer les
productions de l’agriculture et de l’élevage,
notamment par l’organisation de concours
et la distribution de récompenses : Les
comices agricoles de France et d’Angleterre
couronnent les chefs-d’oeuvre que font les
sillons et les prairies de Guernesey (Hugo).
comicial, e, aux adj. V. COMITIAL.
comics [kɔmiks] n. m. pl. (mot angl. ;
milieu du XXe s.). Publications destinées à
la jeunesse et aux adultes, et comportant
des histoires présentées sous la forme de
dessins légendés. ∥ Les bandes dessinées
elles-mêmes.
comique [kɔmik] adj. (lat. comicus, gr.
kômikos ; 1375, R. de Presles, aux sens 1-2 ;
sens 3-4, 1680, Richelet). 1. Class. Qui se
rapporte aux représentations théâtrales en
général, aux acteurs : La vie comique n’est
pas si heureuse qu’elle le paraît (Scarron).
∥ Personne comique, acteur : C’est en un
de ces tripots-là, si je m’en souviens, que j’ai
laissé trois personnes comiques récitant la
Marianne (Scarron). ∥ 2. Qui a rapport,
qui est propre à la comédie, au théâtre plai-
sant : Le genre comique. Le génie comique
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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de Molière. Un acteur comique. Une scène,
une situation comique. ∥ 3. Se dit de toute
production de l’esprit dont le but est de
faire rire : La littérature comique. Quels
sont les romans préférables aux histoires
comiques ou tragiques d’un journal de tribunaux ? (Nerval). ∥ 4. Qui provoque le
rire par son aspect insolite ou grotesque :
Un gendarme pontifical monte la garde à
l’une des portes, avec cet air comique que
donne toujours le tricorne sur quelque tête
qu’il se pose (Tharaud). Au bord d’une
aiguade, un crapaud immobile [...] regardait le lieutenant avec une gravité comique
(Montherlant).
• SYN. : 4 amusant, bouffon, cocasse, drôle,
hilarant, inénarrable, plaisant, tordant
(pop.). — CONTR. : 4 émouvant, grave, pathétique, poignant, sérieux, touchant, triste.
% n. m. (sens 1, 1669, La Fontaine ; sens 2-3,
milieu du XVIIIe s., J.-J. Rousseau ; sens 4,
1580, Montaigne ; sens 5, 1611, Cotgrave ;
sens 6, 1680, Richelet). 1. Caractère propre
à la comédie, au genre comique, et, par
extens., le théâtre comique, la comédie
elle-même : Les poètes tragiques trouvent
quelquefois le comique (Chateaubriand).
Corneille s’est d’abord exercé dans le
comique. ∥ 2. Manière, art de présenter les
éléments plaisants ou grotesques pour provoquer le rire : Pas de vérité sans comique,
pas de comique sans vérité, voilà la formule
de Molière. Le comique et la vérité se tirent
du même fonds, c’est-à-dire de l’observation
des types humains (Lanson). ∥ 3. Ce qui
provoque le rire ; côté plaisant ou grotesque d’une personne ou d’une situation :
Comique de geste, de mots, de situation. En
France, pays de pensée et de démonstration claires, où l’art vise naturellement et
directement à l’utilité, le comique est généralement significatif (Baudelaire). L’histoire
de leurs rapports [entre Mgr de Quélen et
Lacordaire] est piquante et le comique n’y
fait pas défaut (Mauriac). ∥ 4. Poète, auteur
comique : Clara Gazul s’est étudiée à imiter
les anciens comiques espagnols (Mérimée).
∥ 5. Acteur ou chanteur comique : C’était
le directeur du Casino [...], qui faisait sa partie ordinaire avec le comique de sa troupe
(Maupassant). ∥ 6. Rôle d’acteur comique :
Jouer les premiers comiques.
comiquement [kɔmikmɑ̃] adv. (de
comique ; 1546, R. Estienne). De façon
comique : Une petite fille arabe, de cinq
ou six ans, seule, l’air comiquement grave
(Loti). Le chauffeur regardait son voisin en
roulant comiquement les yeux (Camus).
comitadji [kɔmitadʒi] n. m. (mot du
gr. moderne, formé sur les radicaux de
comité et de agitation ; début du XXe s.).
Membre des comités d’agitateurs macédoniens, généralement d’origine bulgare,
qui, au début du XXe s., luttaient contre la
domination turque en faveur de leur cause
nationale.
comitard [kɔmitar] n. m. (de comité ;
XXe s.). Péjor. Personnage dont l’activité
politique a pour cadre les comités de parti.
comitat [kɔmita] n. m. (lat. comitatus,
suite d’un prince, puis, en bas lat., « fief d’un
comte », de comes, -itis [v. COMTE] ; 1866,
Larousse). Ancienne subdivision administrative de la Hongrie.
comite [kɔmit] n. m. (ital. comito, lat.
comes, -itis [v. COMTE] ; XIIIe s., Hist. occid.
des Croisades). Officier qui, autrefois,
commandait la chiourme d’une galère :
Les galères où l’on rame sous le fouet du
comite (Arnoux).
comité [kɔmite] n. m. (angl. commit-tee,
de to commit, confier, lat. committere [v.
COMMETTRE] ; 1652, Boulan, écrit commité
[comité, 1690, Furetière], au sens 1 ; sens
2, 1770, Brunot). 1. Réunion restreinte de
personnes désignées par une assemblée
plus importante ou par une autorité quelconque, ou groupe de particuliers réunis
pour étudier une question, émettre un
avis, exercer un pouvoir, etc. : Comité
de bienfaisance. Ayant reconnu d’ailleurs
que les comités électoraux constituaient la
seule autorité réelle qui subsistait dans le
département (France). ∥ Comité de salut
public, organisme créé par la Convention
en 1793, et qui concentrait toute la puissance exécutive. ∥ Comité de sûreté générale, organisme créé par la Convention en
1792, et chargé de diriger la police d’État.
∥ Comité de lecture, réunion de personnes
qualifiées (écrivains, acteurs, etc.) chargées d’accepter ou de rejeter des pièces de
théâtre, des écrits. ∥ Comité d’entreprise,
comité formé par les délégués élus des
ouvriers, des employés et des cadres, sous
la présidence du chef d’entreprise, pour
assumer certaines fonctions de gestion
et de contrôle. ∥ 2. Fig. En petit comité,
en se limitant à un cercle réduit d’amis :
Mme Swann m’avait écrit quelques jours
auparavant de venir déjeuner en petit
comité (Proust). ∥ En comité secret, en
séance privée, le public n’étant pas admis.
comitial, e, aux [kɔmisjal, -o] adj. (lat.
comitialis, de comitium [v. COMICES] ; v.
1355, Bersuire, au sens 1 ; sens 2, fin du
XVIe s.). 1. Qui a rapport aux comices : Vote
comitial. ∥ 2. Maladie comitiale, ou mal
comitial, l’épilepsie, ainsi nommée parce
qu’un accident d’épilepsie survenu au cours
des comices faisait séparer l’assemblée.
• REM. Au sens 1, on écrit aussi COMICIAL, E, AUX.
comma [kɔma] n. m. (lat. comma, gr.
komma, tranche, de koptein, couper ; 1550,
Meigret, au sens de « point-virgule » ; sens
actuel, 1552, Pontus de Tyard). Différence
de ton entre deux notes enharmoniques,
à peine perceptible pour l’oreille, comme
celle qui sépare le do dièse du ré bémol.
command [kɔmɑ̃] n. m. (déverbal de
commander ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
au sens de « commandement » ; sens actuel,
XIIIe s. [déclaration de command, 1866,
Larousse]). En termes de droit, la personne
au nom de laquelle on se porte acquéreur
ou adjudicataire. ∥ Déclaration de command, celle par laquelle on fait connaître le
nom de cette personne : Jacques Mugnier fit
aussitôt déclaration de command au profit
de Madeleine Sophie Arnould (Goncourt).
1. commandant, e [kɔmɑ̃dɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(part. prés. de commander ; 1670, Molière).
Qui exprime le commandement (rare) :
Socrate ne dicte rien en maître, d’une voix
commandante (Taine).
2. commandant [kɔmɑ̃dɑ̃] n. m.
(part. prés. substantivé de commander ;
1671, Pomey, au sens 1 ; sens 2-3, 1845,
Bescherelle). 1. Celui qui exerce un commandement, chef : Thémistocle [...] parlait aux commandants de la flotte, rêveurs
(Hugo). Le commandant de la place, le
commandant du poste. ∥ 2. Officier supérieur des armées de terre et de l’air et de la
gendarmerie, dont le grade est situé entre
celui de capitaine et celui de lieutenantcolonel. ∥ 3. Officier qui, quel que soit son
grade, commande une force navale, une
escadrille d’aviation, un navire de guerre :
Commandant d’escadre. Commandant
d’un torpilleur.
commandante [kɔmɑ̃dɑ̃t] n. f. (fém.
de commandant ; 1787, Féraud). Fam.
Femme d’un commandant : Donc, un soir,
la commandante pria Frédéric de chanter
(Courteline).
commandature [kɔmɑ̃datyr] n. f.
(allem. Kommandantur, lui-même dér.
du franç. commandant ; 1878, Larousse).
Endroit, local où le commandant allemand installait ses services dans une ville
occupée : Et maintenant, le voilà qui était
revenu, occupant à la commandature de
Sedan une situation indéterminée (Zola).
Prenez garde, monsieur Helmont ; ne vous
montrez pas.Il y a, à la commandature,
un état dressé des quelques habitants restés dans le pays, et on nous surveille tous
(Daudet).
•REM. La forme usuelle, au cours
de l’Occupation (1940-1944), était
KOMMANDANTUR.
commande [kɔmɑ̃d] n. f. (déverbal de
commander ; 1213, Fet des Romains, aux
sens de « protection, dépôt, garde » ; sens
I, 1-2, 1625, Stoer ; sens II, fin du XVe s.
[d’abord dans la langue maritime]).
I. 1. Action de demander à un commerçant ou à un fabricant la fourniture d’une
marchandise dans un certain délai : Ils
réjouissent les armateurs, constructeurs,
fournisseurs militaires, qu’ils comblent de
commandes (France). Un carnet de commandes bien rempli. ∥ Sur commande,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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sur demande de l’acheteur : Meuble exécuté sur commande seulement. ∥ 2. La
marchandise commandée : Livrer une
commande.
II. 1. En mécanique, action d’agir sur un
organe ou un ensemble d’organes : L’air
comprimé sert à la commande des freins.
Les leviers de commande d’une grue.
∥ Fig. Tenir les leviers de commande,
être à la tête du gouvernement, ou avoir
la direction d’une importante affaire.
∥ 2. Manière de transmettre le mouvement à un ensemble mécanique : Commande directe. Commande électrique,
hydraulique. ∥ Commande à distance,
commande d’un appareil à partir d’un
poste plus ou moins éloigné, au moyen
de courants électriques ou d’ondes électromagnétiques. (On dit aussi TÉLÉCOMMANDE.) ∥ 3. L’organe précis au moyen
duquel on agit sur un autre organe ou
déclenche un mouvement (dans une
machine, une voiture, un avion) : La
commande des essuie-glaces, du starter.
Les diverses commandes de la planche
de bord. ∥ Avion à doubles commandes,
appareil d’école dont tous les organes de
conduite sont doubles, pour permettre le
pilotage simultané par le moniteur et par
l’élève. ∥ Fig. Prendre les commandes,
passer les commandes à quelqu’un, assumer la direction d’une affaire, d’une entreprise, ou la confier à un autre.
% De commande loc. adj. (sens 1, 1690,
Furetière ; sens 2, 1658, La Fontaine). 1. Vx.
Obligatoire, prescrit : Jeûne de commande.
∥ 2. Fig. Qui est fait par calcul ; qui n’est
pas sincère et laisse voir la contrainte :
Non, Jésus ne veut pas de cette dévotion
de commande, de ce christianisme officiel
(Daudet). Oubliant son chagrin de commande, elle se précipita sur eux, la main
levée (Maupassant). Son chagrin l’avait
beaucoup vieilli ; il ne parlait guère aux
repas, ou parfois montrait brusquement
une sorte de joie de commande, plus pénible
que son silence (Gide).
commandement [kɔmɑ̃dmɑ̃] n. m. (de
commander ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
aux sens 1, 3 et 4 ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 5, XXe s. ; sens 6, v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence ; sens 7, 1549, R.
Estienne). 1. Action de commander, de
donner un ordre : Que le commandement
du supérieur soit juste (Pascal). Emma,
rentrée chez elle, se plut d’abord au commandement des domestiques (Flaubert). Le
commandement d’une manoeuvre. ∥ Class.
et littér. Avoir à commandement ou à son
commandement, avoir à sa disposition :
Les plaisirs [...] que nous avons le plus à
commandement (La Fontaine). Sa figure
se voila sous cette réserve impénétrable que
toutes les femmes, même les plus franches,
semblent avoir à commandement (Balzac).
∥ 2. Manière d’exercer l’autorité (vieilli) :
Il a le commandement ferme. ∥ 3. Ordre
donné pour commander, et, spécialem.,
ordre bref qui, dans l’armée, annonce et
déclenche l’exécution d’un mouvement : À
mon commandement, partez ! ∥ 4. Pouvoir,
droit de commander ; situation de fait de
celui qui commande : Le principe d’autorité, d’où sortent les deux forces sociales :
le commandement et l’obéissance (France).
∥ Spécialem. Dans l’armée, responsabilité
qui permet au chef d’exiger de ses inférieurs une stricte obéissance : On verrait
Caton voulant céder à Cicéron le commandement des dernières légions républicaines (Chateaubriand). ∥ Bâton de
commandement, bâton qui sert de signe
de commandement à certains officiers.
∥ 5. L’ensemble des autorités militaires
supérieures. ∥ 6. Règle fondamentale de
conduite que Dieu ou l’Église enjoint à ses
fidèles de suivre : Nous gardons les commandements de Dieu bien mieux depuis
qu’on nous prêche moins (Courier). Pour
les chrétiens de stricte obédience, ces règles
[de la morale] s’expriment sous forme de
commandements (Duhamel). ∥ Précepte,
loi édictés par une autorité : Les commandements de la morale. ∥ 7. En termes de
droit, acte établi par un huissier et en vertu
duquel une personne peut mettre une autre
personne en demeure de remplir ses obligations : Son ménage était sans argent en
présence de deux termes de loyer, à la veille,
enfin, d’un commandement (Balzac).
• SYN. : 1 direction ; 3 injonction ; 4 autorité,
omnipotence, toute-puissance ; 6 impératif,
précepte, prescription.
commander [kɔmɑ̃de] v. tr. (lat. pop.
*commandare, réfection, d’après mandare,
du lat. class. commendare, confier, donner
un ordre ; v. 1050, Vie de saint Alexis, au
sens de « donner en dépôt » ; sens I, 1-2,
1080, Chanson de Roland ; sens I, 3-4, 1573,
Du Puys ; sens I, 5, 1671, Pomey ; sens I, 6,
1564, J. Thierry ; sens I, 7-8, av. 1613, M.
Régnier ; sens I, 9, 1675, Widerhold ; sens
II, 1690, Furetière ; sens III, 1929, Larousse).
I. 1. (avec un sujet désignant une personne)Commander quelque chose à
quelqu’un, commander à quelqu’un de
(et l’infinitif), lui donner tel ou tel ordre,
lui prescrire de faire quelque chose : Le
roi Commius promet [...] de faire ce que
tu lui commanderas et de donner des
otages (France) ; et littér. : Il [le soleil]
commande aux moissons de croître et
de mûrir (Baudelaire). ∥ 2. Commander quelqu’un,l’avoir sous ses ordres, lui
imposer son autorité : Est-il plus malaisé
de gouverner et de commander les Allemands que les Français ? (Bainville).
∥ Spécialem. Imposer sa suprématie à :
Nation qui veut commander tout l’Univers. ∥ 3. Commander une unité, un
bâtiment, etc.,en être le chef, en détenir
le commandement : Les détachements
étaient commandés par la Canne-deJonc (Vigny). Votre grand-oncle ne commandait-il pas le « Vengeur » ? (Balzac).
L’ancien capitaine au long cours qui commande les « Trois Soeurs » ou les « Deux
Amis » (Maupassant). ∥ Par extens.
Avoir la direction, la responsabilité de :
Commander une expédition. ∥ 4. Absol.
Détenir et exercer l’autorité : C’était elle
maintenant qui commandait et menaçait (Sand). ∥ 5. Commander une opération, une action, etc.,en régler la marche,
l’exécution : Un gros capitaine en redingote et chapeau de soie, commandant la
manoeuvre en provençal (Daudet). ∥ Spécialem. Donner un ordre déclenchant
un mouvement, une action militaire :
Commander le feu, l’assaut. « Plus fort ! »
commanda la voix de tout à l’heure (Daudet). ∥ 6. Fig. Commander ses réactions,
ses sentiments, etc., les contrôler, les
maintenir sous la stricte dépendance de
sa propre volonté : Ce maintien calme et
superbe que les personnes vertueuses ne
perdent que rarement, et qu’elles commandent au besoin (Mérimée). ∥ 7. (avec
un sujet désignant une chose)Commander quelqu’un, lui imposer sa loi : Car
l’heure nous commande et ne veut nul
répit (Leconte de Lisle). ∥ 8. Commander un comportement, un acte, commander que (et le subjonctif), l’entraîner
obligatoirement, le rendre nécessaire,
inévitable : Ainsi certains tableaux de
Raphaël [...] ne commanderont pas soudain l’admiration (Balzac). La situation
commande la plus grande fermeté. Les
circonstances commandent que l’on soit
très ferme. ∥ 9. Commander un lieu,le
dominer par sa position : Forteresse qui
commande la vallée. Lieu qui commande
une vue immense (Chateaubriand). ∥ Par
extens. Interdire ou permettre l’accès de
(vieilli) : Pour avoir le droit de descendre
dans ce ravin, il faut au préalable faire
quelque emplette dans un bazar qui en
commande l’accès (Bourget).
II.Commander une marchandise, un
objet, etc., en faire la commande : Comme
le petit tailleur-concierge n’avait pas
d’argent pour acheter des médicaments,
ma mère imagina de lui commander une
tunique à mon usage (France).
III. Commander un mécanisme, en provoquer le mouvement, le fonctionnement : Manette qui commande la mise
en route. Ayant oublié, au retour d’un
vol, de commander son train d’atterrissage, il avait posé l’avion sur le ventre
(Saint-Exupéry).
• SYN. : I, 1 enjoindre, exiger, imposer,
ordonner, sommer ; 2 gouverner, mener,
régir ; 5 conduire, diriger, guider, régler ;
6 dominer, dompter, maîtriser, mater ;
8 appeler, demander, imposer, nécessiter,
réclamer, requérir. — CONTR. : I, 1 défendre,
empêcher, interdire ; 2 obéir, obtempérer, servir, se soumettre ; 6 subir, suivre.
∥ II décommander.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
791
% v. tr. ind. [à, sur] (sens 1 et 3, 1080,
Chanson de Roland ; sens 2, 1564,
J. Thierry). 1. Commander à quelqu’un,
lui imposer son autorité, sa direction :
Commander à tout un peuple au fig., imposer sa loi : Mais Amour qui commande au
coeur le plus rebelle (Heredia). ∥ 2. Fig.
Commander à ses passions, à ses sentiments, etc., les dominer, exercer sur eux
le strict contrôle de sa volonté. ∥ 3. Class.
Commander sur, étendre son autorité sur :
Sur cent peuples nouveaux Bérénice commande (Racine).
% se commander v. pr. (1866, Larousse,
au sens 1 ; sens 2, XVIIIe s., Voltaire). 1. En
parlant de pièces d’un appartement, d’une
maison, être disposées de telle sorte que,
pour aller dans l’une, il faut obligatoirement passer par l’autre : Dans l’appartement de ma grand-mère, toutes les pièces se
commandaient ; de sorte que, pour gagner
leur chambre, mes parents devaient traverser la salle à manger (Gide). ∥ 2. Dépendre
de la volonté : La pitié, la compassion ne se
commande pas.
commanderie [kɔmɑ̃dri] n. f. (de commander ; 1387, Godefroy). 1. Dignité et
bénéfice conférés dans certains ordres
militaires : De Mayence l’ordre Teutonique
se ramifie jusqu’à Coblentz, où une de
ses commanderies prend pied (Hugo).
L’institution des commanderies dura de
la seconde moitié du XIIIe s. jusqu’à la
Révolution. ∥ 2. Résidence de celui qui
était pourvu de cette dignité, de ce bénéfice : Ce lieu [...] était, à ce que l’on suppose,
une commanderie de templiers (Flaubert).
commandeur [kɔmɑ̃doer] n. m. (de
commander ; v. 1167, Gautier d’Arras,
au sens de « chef » ; sens 1, fin du XIIIe s.,
Joinville ; sens 2, Ordonnance royale du
26 mars 1816 ; sens 3, 1741, Savary des
Bruslons ; sens 4, 1835, Acad.). 1. Dans les
ordres militaires, chevalier pourvu d’une
commanderie : Commandeur de l’ordre
de Calatrava. La statue du Commandeur,
dans « Don Juan ». ∥ 2. Dans les ordres
de chevalerie, personne qui a reçu le
grade supérieur à celui d’officier : On lui
a donné la cravate de commandeur de la
Légion d’honneur. ∥ 3. Commandeur d’une
plantation, celui qui y avait la haute main
sur tous les travailleurs : Le commandeur
est ici une manière de contremaître chargé
de la surveillance des travailleurs (Benoit).
∥ 4. Commandeur des croyants, ancien
titre donné aux califes. (On dit auj. ÉMIR
DES CROYANTS.)
commanditaire [kɔmɑ̃ditɛr] n. m. et
adj. (de commandite ; 1727, Furetière, au
sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Associé
d’une société en commandite, qui n’est
tenu des dettes de celle-ci qu’à concurrence
de ses apports. ∥ 2. Celui qui fournit des
capitaux à un commerce, à une industrie,
à une entreprise quelconque.
commandite [kɔmɑ̃dit] n. f. (ital.
accomándita, dépôt, garde, du bas lat. *commandare [v. COMMANDER] ; 1673, Isambert,
au sens 1 ; sens 2-3, 1866, Larousse).
1. Société en commandite, ou, absol., commandite, société commerciale dans laquelle
une partie des associés (commanditaires)
ne sont tenus des dettes de la société qu’à
concurrence de leurs apports. ∥ 2. Fraction
du capital d’une société apportée par les
commanditaires : À combien se montera
votre commandite ? ∥ 3. Association coopérative d’ouvriers typographes, qui vendent
à leur employeur les travaux qu’ils exécutent en commun.
commandité, e [kɔmɑ̃dite] n. (part.
passé substantivé de commanditer).
Personne commanditée.
commanditer [kɔmɑ̃dite] v. tr. (de commandite ; 1807, Code de commerce). Fournir
des fonds à une entreprise, sans intervenir soi-même dans sa direction : [Jérôme]
jouait à la Bourse, spéculait, commanditait
des inventions nouvelles (Martin du Gard).
• SYN. : financer.
commando [kɔmɑ̃do] n. m. (mot portug. désignant un corps de troupes chez les
Boers, de commandar, commander [passé
également en angl. et, par l’ital., en allem.] ;
1907, Larousse, au sens I ; sens II [repris de
l’allem.], v. 1941).
I.Corps franc commandé par un seul
chef et spécialisé dans les coups de main
à objectif limité : Dingley accompagne
les hussards de Garland lancés à travers
le Veld à la chasse des commandos boers
(Tharaud).
II. Pendant la Seconde Guerre mondiale,
détachement de prisonniers dépendant
d’un camp, ou subdivision d’un camp de
prisonniers placée sous un commandement spécial. (En ce sens, on écrit aussi
KOMMANDO.)
comme [kɔm] conj. (var. allongée de
l’anc. franç. com [encore au XVIe s.], lat.
pop. quomo [Ve s.], lat. class. quomodo,
comment ; v. 1050, Vie de saint Alexis, aux
sens I-II ; sens III, v. 1283, Beaumanoir ;
sens IV, XIIe s.).
I.EXPRIME LA COMPARAISON. 1.De la
même façon que : Plus ardente, comme
sont les femmes quand la passion les tient,
soeur Octavie [...] lui faisait honte de sa faiblesse (Daudet). ∥ Avec ellipse fréquente
du verbe de la subordonnée : Jeunes
comme les primevères, tristes comme la
feuille séchée, purs comme la neige nouvelle, il y avait harmonie entre nos récréations et nous [= comme sont, etc.] (Chateaubriand). Je me laissais bercer, comme
les anciens Païens [se laissent bercer]
(Sainte-Beuve). ∥ En un mot comme en
cent, s’emploie en manière de conclusion,
pour marquer qu’on maintient intégralement son opinion. ∥ Comme... ainsi, de
même que ... de même. ∥ Comme si, de
façon analogue à une situation supposée :
L’homme doit agir comme s’il pouvait
tout, et se résigner comme s’il ne pouvait
rien (Maistre). Ainsi ai-je vécu pendant
des années comme si les années ne passassent point, m’éloignant de plus en plus
de l’état d’esprit dans lequel peut végéter
l’idée d’avoir affaire au public (Valéry).
∥ Comme si de rien n’était, comme si la
chose n’existait pas, sans paraître y attacher d’importance. ∥ Fam. Comme qui
dirait, marque une ressemblance limitée à l’apparence : C’est une fine poudre
blanche, comme qui dirait de la farine.
∥ Tout comme, tout à fait comme, renforcement de comme : Il sera un bon mathématicien, tout comme son père. ∥ C’est
tout comme, c’est exactement la même
chose : Il n’a pas encore signé le contrat,
mais c’est tout comme. ∥ 2. Class. S’employait, là où nous employons que, pour
introduire le deuxième membre d’une
comparaison d’égalité (après si, aussi,
tant, autant) : Qu’il fasse autant pour
soi comme je fais pour lui (Corneille).
Qu’il voie aussi bien ce qui se passe dans
le parti des ennemis comme dans l’autre
parti (Racine). [Cette tournure est auj.
considérée comme pop. et incorrecte.]
∥ 3. Par affaiblissement de sens, comme
peut prendre une simple valeur copulative : Elle sentait le peu de fond de cette
nature, hésitante dans ses convictions
comme dans ses haines (Daudet). L’une
comme l’autre gardent peu de loisir disponible pour l’aventure (M. Prévost).
II. EXPRIME LA MANIÈRE. 1. De la façon que : Agissez comme vous voudrez,
comme il vous plaira. ∥ Spécialem. Sert
à introduire une opinion, une citation :
Comme le pense Platon. S’il est reçu à son
examen, comme il le croit... ∥ Comme de
raison, comme il est juste. ∥ Comme il
faut, comme il convient, et, par extens.,
bien : Ma foi, mon grand Monsieur, je le
prends comme il faut (Molière). Faites
votre travail comme il faut ; adjectiv.,
de la bonne société, distingué : Il n’y a
que la femme comme il faut pour être à
l’aise dans sa voilette (Balzac). ∥ Ellipt.
Quelque chose comme, ou simplem.
comme, sert à atténuer une affirmation,
à marquer une approximation (« pour
ainsi dire ») : Le ciel en sa faveur produit
comme un miracle (Molière). Les maisons
étaient éteintes, closes et comme mortes
(Vigny). Ça coûte quelque chose comme
deux cents francs. ∥ Comme cela, et, fam.,
comme ça, de cette façon-là, ainsi : Elle est
comme ça, nous n’y pouvons rien ; ni bien
ni mal, pas trop bien : « Comment allezvous ?—Comme ça. » ∥ Fam. Comme ci,
comme ça (var. pop. couci-couça), ni bien
ni mal, entre les deux : Il se porte comme
ci, comme ça. « Est-il décidé ?—Comme
ci, comme ça. » ∥ Pop. Comme ça, sans
valeur particulière, souligne parfois
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
792
une action ou un état : Faut comme ça,
de temps en temps, que je boive un verre
(France). ∥ 2. Devant un nom ou un pronom, signifie « du même genre que, tel
que » : Un homme comme lui est incapable
d’une mauvaise action. ∥ Spécialem. Sert
à introduire un exemple : Les arbustes
comme le buis et le houx ont des feuilles
persistantes. ∥ 3. Class. Comme quoi, en
vertu de quoi : Obtenez un arrêt comme
il faut que je dorme (Racine). ∥ 4. Class.
et littér. Comme quoi,de quelle manière,
comment : Vous savez comme quoi je
vous suis tout acquise (Corneille). Dieu
voulut qu’elle y vît comme quoi le sultan
| Envoyait tous les jours une sultane en
terre (Musset). ∥ Auj. et fam. Sert à introduire une conclusion et signifie « d’où il
suit que » : Il a fait très beau aujourd’hui,
comme quoi tu n’avais pas besoin de t’encombrer d’un parapluie ; sert aussi à expliquer un mot par le développement qui
suit : Demande une attestation comme
quoi tu es affecté à ce service.
III. EXPRIME LA CAUSE. Introduit une subordonnée causale, placée généralement
en tête de la phrase et justifiée par l’énonciation qui suit : Comme nous sommes
grands amis, il me fit aussitôt confidence
de son amour (Molière). ∥ Fam. Avec ellipse du verbe : Il l’a congédié comme trop
paresseux.
IV. EXPRIME LE TEMPS. 1. Introduit une
subordonnée temporelle à l’imparfait,
qui marque une action en train de s’accomplir au moment où une autre action
se produit (le verbe de la principale étant
au passé simple, au passé composé ou
au présent historique) : Comme le soir
tombait, l’homme sombre arriva (Hugo).
∥ 2. Class. Lorsque (avec le passé simple
ou le passé antérieur) : Comme il fut sorti
de Delphes [...] les Delphiens accoururent
(La Fontaine).
% adv. (sens I-II, XIIe s. ; sens III, v. 980,
Passion du Christ).
I. EN EMPLOI INTERROGATIF, EXPRIME
LA MANIÈRE. 1. Class. S’employait au
sens de comment, dans l’interrogation
directe ou indirecte : Comme est-ce que
chez moi s’est introduit cet homme ? (Molière). Je sais comme traiter les gens de
votre sorte (Corneille). ∥ 2. Auj. L’emploi
de comme dans l’interrogation indirecte,
encore possible, est cependant vieilli :
[L’homme] ne sait ni comme il se meut, ni
comme il se souvient (Valéry).
II. EN EMPLOI EXCLAMATIF, EXPRIME
LA MANIÈRE OU L’INTENSITÉ. De quelle
façon ; à quel point : Comme il vous a
traité ! Je le hais ! Si vous saviez comme !
(Bataille). J’attendais la catastrophe.
Elle vint et l’on sait comme (Duhamel).
∥ Dieu sait comme !, Dieu seul sait comment, on ne sait comment (avec souvent
une valeur péjor.) : Ce travail a été fait
Dieu sait comme !
III. DEVANT UN NOM OU UN ADJECTIF,
MARQUE LA QUALITÉ, LA QUALIFICATION,
L’ATTRIBUTION. En tant que ; en qualité
de : La place que j’avais occupée comme
ministre des Affaires étrangères donnait quelque importance à mon opinion
(Chateaubriand). M. Fromentin a réussi
comme écrivain et comme artiste (Baudelaire). C’est on ne peut plus agréable
comme travail (Duhamel). Je considère
cette promesse comme sacrée (Maurois).
% Comme tout loc. adv. (1668, M. Buffet).
Fam. Donne une valeur de superlatif à
l’adjectif qu’il suit : Il est gentil comme tout.
commémorable [kɔmemɔrabl] adj. (de
commémorer ; 1564, J. Thierry). Qui doit
être ou qui mérite d’être commémoré : Un
événement commémorable.
commémoraison [kɔmemɔrɛzɔ̃] n. f.
(adaptation du lat. commemoratio [v. COMMÉMORATION] ; 1386, Godefroy). Mention
que l’Église fait d’un saint le jour où l’on
célèbre une autre fête plus solennelle : La
commémoraison se fait à laudes, à la messe,
à vêpres.
commémoratif, ive [kɔmemɔratif, -iv]
adj. (de commémoration ; fin du XVIe s.,
Mornay). Qui rappelle le souvenir d’un
personnage ou d’un événement : Cette
Tellsplatte est une chapelle commémorative
en l’honneur de Guillaume Tell (Daudet).
• SYN. : votif.
commémoration [kɔmemɔrasjɔ̃] n.
f. (lat. commemoratio, action de mentionner, de rappeler, de commemoratum,
supin de commemorare [v. COMMÉMORER] ;
v. 1200, Règle de saint Benoît, au sens 1 ;
sens 2, 1581, Godefroy). 1. Cérémonie
destinée à rappeler le souvenir d’un événement important : Cette année-là, la
commémoration de l’armistice de 1918 fut
particulièrement brillante. ∥ Spécialem.
Commémoration des morts, fête célébrée
par l’Église catholique en l’honneur des
morts, le 2 novembre. ∥ 2. Rappel, souvenir
d’une personne ou d’un événement : SaintSylvain se rappelait la médaille frappée en
commémoration de la bataille d’Elbrüz
(France).
• SYN. : 1 célébration, fête ; 2 mémoire.
commémorer [kɔmemɔre] v. tr. (lat.
commemorare, évoquer, mentionner, de
cum- intensif et memorare, rappeler ; v.
1355, Bersuire). Célébrer par une cérémonie le souvenir d’un événement important.
• SYN. : fêter.
commençant, e [kɔmɑ̃sɑ̃, -ɑ̃t] adj. et
n. (part. prés. de commencer ; 1470, Livre
de la discipline d’amour divine). Qui est
en train de commencer : Ma jambe allongée, je ne souffrais pas trop, déjà dans la
vague agitation d’une fièvre commençante
(Daudet). ∥ Spécialem. Qui en est encore
aux rudiments d’un art, d’une science,
d’une étude : Un cours de commençants.
• SYN. : apprenti, bleu (pop.), débutant, néophyte, novice. — CONTR. : ancien, expérimenté, expert, qualifié, vétéran.
commencement [kɔmɑ̃smɑ̃] n. m.
(de commencer ; v. 1119, Ph. de Thaon).
1. La première partie d’une chose qui a ou
pourrait avoir un développement dans le
temps : La façade de San Pablo est couverte
du haut en bas de sculptures merveilleuses
du commencement de la Renaissance
(Gautier). Quand même tu serais une
embûche dressée | Et le commencement de
ma perdition (Baudelaire). La mélancolie
et la tristesse sont déjà le commencement
du doute ; le doute est le commencement
du désespoir (Lautréamont). Un commencement d’incendie. ∥ Au commencement,
au début, ou à l’origine, dans les temps les
plus anciens : Au commencement, il y avait
autant de dialectes que de familles (Renan).
∥ Vx. Prendre commencement, prendre son
commencement, commencer : La guerre
prit commencement, ou prit son commencement au printemps (Littré). ∥ 2. La première partie d’une chose qui a une étendue
dans l’espace : Le commencement d’une
rue, d’un volume. ∥ 3. Cause première,
principe : Dieu est le commencement et la
fin de toutes choses. ∥ 4. Commencement
de preuve par écrit, en droit, acte écrit par
la personne contre laquelle est intentée une
action en justice et qui rend vraisemblable
le fait allégué.
• SYN. : 1 aube, aurore, avènement, début,
ébauche, naissance, origine, ouverture, prélude, prémices, seuil ; 2 bord, entrée, lisière,
orée, tête ; 3 fondement, source. — CONTR. :
1 aboutissement, achèvement, conclusion,
fin, péroraison, terme, terminaison ; 2 bout,
issue, sortie ; 3 fin.
% commencements n. m. pl. (1538,
R. Estienne). Les débuts d’un État ; les premiers pas d’une personne dans une carrière, un art, une science, etc. : Le baron
eut des commencements difficiles (Bourget).
commencer [kɔmɑ̃se] v. tr. (lat. pop.
*cominitiare, de cum- intensif et initiare,
initier, puis [au IVe s.] « commencer »,
de initium, début ; v. 980, Fragment de
Valenciennes). [Conj. 1 a ; v. aussi Rem. 1.]
1. (avec un sujet désignant une personne)
Faire la première partie d’une action :
Il n’est pas rare de bien commencer le
jour (Sainte-Beuve). Elle n’entendit pas
et continua la conversation commencée
(Daudet). ∥ Commencer un livre, commencer à l’écrire ou à le lire. ∥ Commencer
une maladie, en ressentir les premières
atteintes ; et littér. : Le journal des légitimistes a commencé la maladie dont il
lm’eenutratm (eBra.l∥za 2c)..P∥a rC eoxmtemnesn. cCeor mumn epnacienr,
un élève, lui donner les premières notions
d’une connaissance (vieilli). ∥ 3. Être le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
793
premier à faire une chose, en prendre
l’initiative : Elle prit à tâche de commencer la guerre (Stendhal). ∥ Class. Créer,
fonder : Du temps de Cyrus et de Cambyse,
Pythagore commença la secte Italique dans
la Grande-Grèce (Bossuet). ∥ 4. (avec un
sujet désignant une chose) Constituer la
première partie d’une chose qui a une certaine étendue ou une certaine durée : Ce
mot commence la phrase. L’allocution du
président commence la séance.
• SYN. : 1 amorcer, attaquer (fam.), entamer,
entreprendre ; 3 déclencher, engager, ouvrir ;
4 inaugurer, ouvrir. — CONTR. : 1 accomplir,
achever, conclure, couronner, parachever,
parfaire ; 3 continuer, poursuivre ; 4 clore,
clôturer, terminer.
% v. tr. ind. (avec un sujet désignant une
personne ou une chose). Commencer à, ou,
plus rarem., commencer de (et l’infinitif),
marque le début d’une action ou d’un état :
La bonne compagnie de l’endroit commençait à me trouver jacobin (Stendhal). La
chose la plus difficile, quand on a commencé
d’écrire, c’est d’être sincère (Gide). Cécile
fait un signe du doigt, et la jeune fille commence à jouer (Duhamel). Les deux grands
commencèrent de se disputer à qui aurait
le plus gros morceau (Duhamel). La nuit
commençait à tomber ; et impers. : Il commence à faire chaud. (V. Rem. 2.)
% v. intr. 1. (avec un sujet désignant une
chose) Prendre commencement, son commencement dans le temps ou dans l’espace :
L’agonie de la barricade allait commencer
(Hugo). À partir de cette seconde enceinte
commencent les gradins destinés aux spectateurs (Gautier). ∥ 2. Avoir son point de
départ : Elle ne voulut jamais me donner
que le dessus et jamais la paume, limite
où, pour elle, commençaient peut-être les
voluptés sensuelles (Balzac). ∥ 3. (avec un
sujet désignant une personne) Faire ses
débuts dans une carrière, dans l’existence : L’important, c’est de bien commencer (Mérimée). ∥ 4. Commencer par, en
parlant des personnes, faire en premier
lieu : Les hommes commencent par l’amour
et finissent par l’ambition (La Bruyère). Il
commença par s’emporter (Daudet) ; en
parlant des choses, avoir pour commencement, pour début : Spectacle qui commence
par un ballet.
• REM. 1. Commencer se conjugue avec
l’auxiliaire avoir quand on veut exprimer
l’action, et avec l’auxiliaire être quand on
veut exprimer l’état : Les fêtes ont commencé (Acad.). L’année est commencée.
2. Selon l’Académie, la distinction entre
commencer à et commencer de serait
la suivante : commencer à se dirait de
quelque chose qui doit s’accroître (Cet
enfant commence à lire) ; commencer de
se dirait d’une action qui doit durer peu
de temps (Commencer de dîner). En réalité, la distinction se fait seulement selon
l’euphonie.
commendataire [kɔmɑ̃datɛr] adj.
et n. (lat. médiév. commendatarius, de
commendare, confier [v. COMMANDER] ;
XVe s., Godefroy). Qui est pourvu d’une
commende : Un abbé commendataire.
% adj. Tenu en commende : Une abbaye
commendataire.
•REM. On trouve aussi l’orthogr. COMMANDATAIRE : On prétendait garder des
abbés commandataires, et l’on ne voulait
point de religion ; nul ne pouvait être officier s’il n’était gentilhomme, et l’on déblatérait contre la noblesse ; on introduisait
l’égalité dans les salons et les coups de
bâton dans les camps (Chateaubriand).
commende [kɔmɑ̃d] n. f. (lat. médiév.
commenda, déverbal de commendare,
confier [v. COMMANDER] ; 1213, Fet des
Romains, au sens de « dépôt, garde » ;
sens actuels, XVe s.). 1. Administration
d’un bénéfice ecclésiastique confiée à un
séculier tant que le titulaire n’avait pas été
nommé. ∥ 2. Collation d’un bénéfice ecclésiastique soit à un séculier, soit à un laïque :
Ce cloître, qui fut florissant au XIe siècle [...],
dégénéra de nouveau lorsqu’il fut soumis au
régime de la commende (Huysmans). ∥ Ce
bénéfice lui-même.
commensal, e, aux [kɔmɑ̃sal, -o] n.
(lat. médiév. commensalis, de cum, avec,
et mensa, table ; 1420, Juvénal des Ursins,
au sens 1 ; sens 2, 1668, La Fontaine ;
sens 3, 1929, Larousse). 1. Personne qui
mange habituellement à la même table
qu’une ou plusieurs autres personnes.
∥ Commensal de la maison du roi, sous
l’Ancien Régime, officier de service qui
mangeait à la Cour. ∥ Par extens. Hôte en
général : Un artiste qui devait être son commensal pendant quelques semaines exigeait
des frais (Balzac). Cet illustre savant, dont
les finances, à en juger par son aspect, se
trouvaient dans un état déplorable, était le
commensal habituel de la pension Moronval
(Daudet) ; et littér. : Deviens, de bonne
grâce, l’ami et le commensal des grands
hommes (Duhamel). ∥ 2. Se dit d’animaux domestiques : Le chat n’est pas un
commensal aussi ancien que le chien, et
c’est pourquoi, sans doute, il nous est moins
attaché (Duhamel). ∥ 3. En biologie, espèce
animale qui vit associée à une autre, surtout en profitant de sa nourriture, sans lui
porter préjudice : Le poisson pilote est le
commensal du requin.
• SYN. : 1 convive ; 2 familier ; 3 parasite.
commensalisme [kɔmɑ̃salism] n. m.
(de commensal ; 15 juill. 1874, Revue des
Deux Mondes). Genre de vie caractéristique
des animaux qui vivent à côté d’autres en
profitant de leurs aliments, de leur chasse
ou de leur pêche, mais sans se nourrir,
comme les parasites, de leur matière organique, de leurs sécrétions, etc.
commensalité [kɔmɑ̃salite] n. f. (de
commensal ; 1549, R. Estienne). Vx. Qualité
de commensal.
commensurabilité [kɔmɑ̃syrabilite]
n. f. (de commensurable ; v. 1361, Oresme,
écrit commensurableté ; commensurabilité, 1740, Acad.). Qualité de ce qui est
commensurable.
• CONTR. : incommensurabilité.
commensurable [kɔmɑ̃syrabl] adj. (bas
lat. commensurabilis, de cum, avec, et mensura, mesure ; v. 1361, Oresme). 1. Se dit de
deux ou de plusieurs grandeurs qui sont
chacune des multiples entiers d’une autre
grandeur : Le cercle et son diamètre ne sont
pas commensurables. ∥ 2. Par extens. Se dit
de choses que l’on peut évaluer, comparer
à l’aide d’une unité commune : C’est par
la monnaie que les biens d’espèces diverses
deviennent commensurables et peuvent se
comparer (Rousseau).
comment [kɔmɑ̃] adv. (de l’anc. franç.
com [v. COMME] et du suff. -ment ; 1080,
Chanson de Roland). 1. Sert à interroger
sur la manière et le moyen : Comment se
sont-ils vus ? depuis quand ? dans quels
lieux ? (Racine). Dites-moi franchement
comment vous voulez que je vous aime
(Balzac). Comment allez-vous ? Comment
peut-il vivre ? ∥ Fam. et ellipt. Comment ?
(sous-entendu dites-vous), s’emploie pour
demander à quelqu’un de répéter ce qu’il
vient de dire. ∥ 2. Employé interrogativement ou exclamativement, il peut s’accompagner d’une nuance affective et marquer
la surprise, l’étonnement, l’indignation
(en ce sens, il est souvent employé seul) :
Comment ! vous avez déjà terminé votre
travail ? Comment ! je vous comble de gentillesses et vous me remerciez par des injures !
Comment, si j’ai connu le maréchal ? me dit
la duchesse. Mais j’ai connu des gens bien
plus représentatifs, la duchesse de Galliera,
Pauline de Périgord, Mgr Dupanloup
(Proust). ∥ 3. Sert à appuyer, à enchérir sur une affirmation : Mais comment
donc ! ∥ Pop. Et comment !, assurément,
fameusement : « Tu parles bien le français.
— Et comment ! » (Dorgelès)). ∥ 4. Pop.
Comment que, sert à exprimer une interrogation ou une exclamation : Comment
qu’il a fait ? Comment qu’on l’a possédé !
% Comment que loc. conj. Class. De
quelque façon que : Toutes ces gardes, comment qu’elles soient établies, ne sont pas
difficiles à passer (Courier). ∥ Comment...
que, de quelle autre façon... que : Comment
réparerez-vous vos plaisirs illicites qu’en
vous abstenant ? (Massillon).
% n. m. invar. (fin du XVIIe s., Saint-Simon).
La façon dont une chose se fait ou s’est
faite : Emmelina ne cherchait en aucune
façon à se rendre compte du comment et
du pourquoi de ce qui se passait en elle
(Gobineau). Les comment m’intéressent
assez pour que je renonce sans regret à la
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
794
vaine recherche des pourquoi (Martin du
Gard).
commentaire [kɔmɑ̃tɛr] n. m. (lat.
commentarius, aide-mémoire, commentaire, et, au plur., « recueil de notes,
journal », de commentari [v. COMMENTER] ; 1495, J. de Vignay, aux sens 1-2 ;
sens 3, 1675, Widerhold ; sens 4, 1690,
Furetière). 1. Exposé oral ou écrit par
lequel on explique, interprète ou juge un
écrit : Commentaire de la Bible. Faire le
commentaire historique, philosophique,
littéraire d’un poème de Vigny. Ce que
j’ai publié n’a jamais manqué de commentaires, et je ne puis me plaindre du
moindre silence sur mes quelques écrits
(Valéry). ∥ Commentaire critique, commentaire destiné à établir le meilleur texte
d’un auteur. ∥ Fam. Cela se passe de commentaire, cela ne nécessite aucune explication, c’est suffisamment clair, évident.
∥ 2. Par extens. Ce qui apporte une explication, un éclaircissement à autre chose ;
ce qui permet de mieux comprendre ou
apprécier une oeuvre : La biographie est
un utile commentaire de l’histoire. De tels
tableaux [vivants] sur le théâtre seraient
un excellent commentaire aux symphonies
de Haydn (Stendhal). Un commentaire par
gestes expressifs. ∥ 3. Spécialem. Exposé et
interprétation des nouvelles, des informations : Commentaire de presse. ∥ 4. Péjor.
Interprétation, généralement malveillante,
des paroles, des actes d’autrui : Ce pavillon
isolé au milieu du parc, qui donne lieu à
tant de mystérieux commentaires (Daudet).
Naturellement, sachant les commentaires
que ne manquerait pas de provoquer l’une
ou l’autre attitude, Mme de Guermantes
avait autant de plaisir à entrer dans une
fête où on n’osait pas compter sur elle,
qu’à rester chez soi (Proust). ∥ Fam. Pas
de commentaire !, se dit pour imposer
silence à quelqu’un qui essaie de formuler
des critiques.
• SYN. : 1 annotation, exégèse, explication,
glose, paraphrase, scolie ; 2 interprétation ;
4 cancan (fam.), commérage, potin (fam.),
racontar (fam.).
% Sans commentaire ! interj. Je n’ajouterai
rien ; jugez vous-même, vous devez avoir
compris.
% commentaires n. m. pl. (1523, Lefèvre
d’Étaples). Mémoires historiques (emploi
limité à la désignation de quelques
oeuvres) : Les « Commentaires » de Monluc.
Les « Commentaires » de César.
commentateur, trice [kɔmɑ̃tatoer,
-tris] n. (bas lat. commentator, inventeur,
interprète, de commentatum, supin de commentari [v. COMMENTER] ; v. 1361, Oresme,
au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Personne qui
commente les textes, les oeuvres : M. de
Lerne, qui était instruit et lettré, était pour
elle un guide et un commentateur plein
de goût (Feuillet). ∥ 2. Personne qui est
chargée du commentaire des nouvelles, des
informations, à la radio ou à la télévision.
commenter [kɔmɑ̃te] v. tr. (lat. commentari [de cum- intensif et de la racine de
mens, mentis, esprit], proprem. « réfléchir »,
d’où « étudier », « imaginer » et « commenter » ; 1314, Monde-ville, aux sens 1-2 ; sens
3, 1675, Widerhold). 1. Expliquer, juger,
faire apprécier un texte par un commentaire : Commenter le Code. Le vicaire lui
commenta ce beau passage : « Ne soyez pas
comme les païens qui n’ont pas d’espérance »
(Renan). ∥ Commenter un auteur, faire le
commentaire de ses oeuvres : Commenter
Homère, Shakespeare. ∥ 2. Interpréter en
développant, en portant des jugements :
Chacun ici commente à sa manière le discours royal (Courier). Commenter les nouvelles. ∥ 3. Péjor. Interpréter, juger de façon
sévère ou malveillante : Cette camaraderie
inattendue sera observée, commentée [...]. Je
jurerais qu’elle l’est déjà (Mauriac).
• SYN. : 1 expliquer, gloser, paraphraser ;
2 exposer, présenter ; 3 blâmer, critiquer.
commérage [kɔmeraʒ] n. m. (de commère ; 1546, Rabelais, au sens de « baptême » ; sens actuel, 1776, Beaumarchais).
Fam. et péjor. Bavardage de commère,
propos futile ou malveillant : Ce nouvel
établissement avait coûté deux cent mille
francs, que les commérages doublaient à
trente lieues à la ronde (Balzac). Les petits
faits et gestes quotidiens d’une personne
avaient toujours paru sans valeur à Swann ;
si on lui en faisait le commérage, il le trouvait insignifiant (Proust).
• SYN. : cancan (fam.), médisance, potin
(fam.), racontar (fam.), ragot (fam.).
commerçable [kɔmɛrsabl] adj. (de commercer ; v. 1715, P. Adam). Vx. Qui peut
être négocié : Importateur de toutes denrées
commerçables (V. Margueritte).
commerçant, e [kɔmɛrsɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n.
(part. prés. de commercer ; 1695, Kuhn). Qui
se consacre au commerce : Je m’initiai moimême à des plaisirs inconnus [...] au commerçant attaché à son comptoir (Balzac).
Nous verrons peut-être le petit cultivateur
disparaître de la campagne, comme déjà
le petit commerçant tend à disparaître des
grandes villes (France). Les Anglais sont un
peuple commerçant.
• SYN. : boutiquier, débitant, fournisseur,
grossiste, marchand, négociant.
% adj. (XXe s.). 1. Qui s’y prend intelligemment dans son métier de commerçant : Il
sait attirer et retenir le client : il est très commerçant. ∥ 2. Se dit d’une manière d’agir
qui convient particulièrement à un commerçant : Il a une amabilité commerçante.
Cette ristourne est un procédé commerçant.
∥ 3. Où se trouvent les commerçants : Les
quartiers commerçants. Le Paris ouvrier et
commerçant (Daudet).
• SYN. : 2 commercial.
commerce [kɔmɛrs] n. m. (lat. commercium, de cum, avec, et merx, mercis, mar-
chandise ; 1370, Machaut, écrit commerque
[commerce, 1468, Bartzsch], au sens I, 1 ;
sens I, 2 et 5, 1798, Acad. [jeu du commerce,
1675, Widerhold] ; sens I, 3, et II, 6, 1866,
Larousse ; sens I, 4, XXe s. ; sens I, 6, 1669,
Racine ; sens II, 1-2, milieu du XVIe s. ; sens
II, 3, 1680, Richelet ; sens II, 4, av. 1648,
Voiture ; sens II, 5, 1673, Bouhours).
I. 1. Activité qui consiste en l’échange,
la vente et l’achat de marchandises, de
denrées ou de valeurs : Le commerce intérieur, extérieur d’un pays. Le commerce de
gros, de demi-gros, de détail. Une maison
de commerce. L’ « Espérance » qui, d’après
ses papiers, n’allait qu’au Sénégal pour y
faire le commerce de bois et d’ivoire (Mérimée). La maison est à moitié remplie
par des paquets de ces baguettes d’encens
dont il [le bonze] fait aussi commerce
avec les pèlerins (Loti). ∥ Livres de commerce, registres comptables sur lesquels
un commerçant est tenu d’inscrire toutes
ses opérations. ∥ Code de commerce, ensemble des lois qui régissent le commerce.
∥ Tribunal de commerce, tribunal composé de commerçants élus pour deux ans,
et destiné à juger les contestations commerciales. ∥ Chambre de commerce et
d’industrie, organisme représentatif des
professions commerciales et industrielles
auprès des pouvoirs publics. ∥ 2. Spécialem. Dans la langue courante, activité,
métier de celui qui achète des objets fabriqués ou des denrées pour les revendre
(s’oppose à agriculture ou à industrie) : Il
a du goût pour le commerce. ∥ Être dans
le commerce, en parlant d’une personne,
exercer la profession de commerçant ;
en parlant d’une chose, être en vente.
∥ Fam. Avoir la bosse du commerce, être
très habile en affaires. ∥ Fam. Faire commerce de son corps, de sa beauté, de ses
charmes, pour une femme, se prostituer.
∥ Class. Jeu de commerce, jeu de cartes
où celui qui donne se nomme « banquier » et les joueurs « commerçants » :
Elle aimait fort le jeu, mais le jeu de commerce et point trop gros (Saint-Simon).
∥ 3. La science, les connaissances nécessaires pour exercer l’activité commerciale : L’étude du commerce. ∥ 4. Établissement commercial, fonds de commerce :
Je pourrais monter un commerce (Hermant). ∥ 5. Ensemble des commerçants,
des professions commerciales, ou des
commerçants d’un secteur déterminé :
Le marié distribue des poignées de mains
à tout le haut commerce parisien, venu là
pour lui faire honneur (Daudet). ∥ 6. Fig.
Trafic louche : Il n’aime pas qu’on se mêle
de son petit commerce.
II.1.Class. Moyen de communiquer,
d’entrer en rapport : Les sacrifices sont un
commerce entre Dieu et les hommes (Racine). ∥ 2. Class. et littér. Rapports de sodownloadModeText.vue.download 81 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
795
ciété, fréquentation : Nous avons si peu de
commerce avec les princes qui vivent dans
le sérail (Racine). Hors Chactas, son père
adoptif, et le P. Souël, missionnaire au fort
Rosalie, il avait renoncé au commerce des
hommes (Chateaubriand). ∥ Spécialem.
(au plur.). Relations mondaines : Voilà
tous mes commerces dérangés (Sévigné).
Outre son ami d’enfance R. Le Bret, il
avait de charmants commerces avec
beaucoup d’autres (Gautier). ∥ 3. Class.
et littér. Rapports intimes entre homme
et femme ; relations charnelles : [Le]
Minotaure, le monstrueux enfant que
Pasiphaé, l’épouse de Minos, avait eu de
son commerce avec un taureau (Gide).
Un commerce incestueux. ∥ 4. Class. et
littér. Échange suivi d’idées, de sentiments, etc., entre personnes, notamment
par lettres : Lire vos lettres et vous écrire
font la première affaire de ma vie ; tout fait
place à ce commerce (Sévigné). Le professeur lui proposa un commerce épistolaire
(Flaubert). ∥ Littér. Courant d’échanges
qui s’établit entre les choses : Il y aurait
à rechercher le profit d’un commerce réciproque entre des activités qui sont loin
de s’exclure (Valéry). ∥ 5. Littér. Comportement, qualités ou défauts, dont fait
preuve une personne dans ses relations
avec les autres : Mme de Chateaubriand
est meilleure que moi, bien que d’un commerce moins facile. Ai-je été irréprochable
envers elle ? (Chateaubriand). C’était un
homme de commerce aimable (Maupassant). ∥ 6. Littér. Le commerce des lettres,
des Muses, occupations littéraires, travaux poétiques.
• SYN. : I, 1 négoce, trafic ; 4 affaire, boutique, débit, magasin, maison ; 5 négoce.
commercer [kɔmɛrse] v. intr. (de commerce ; 1405, Runkewitz, au sens 1 ; sens 2,
1769, Tissot). 1. Se livrer au commerce : Les
Portugais, ayant doublé le cap de Bonne-
Espérance, allèrent commercer à Macao
(France). ∥ 2. Vx. Être en relations de
société avec les autres hommes.
commercial, e, aux [kɔmɛrsjal, -o]
adj. (de commerce ; 1749, Brunot). Qui a
rapport au commerce : La fortune de ma
famille, toute considérable qu’elle est, fut
puisée à une source commerciale (Dumas).
La compagnie des paquebots était mise en
faillite et le directeur poursuivi pour irrégularités dans les écritures commerciales
(Maupassant). L’enseignement commercial.
∥ Attaché commercial, conseiller commercial, agents de l’expansion économique
française à l’étranger.
% commerciale n. f. (milieu du XXe s.).
Voiture automobile pouvant se transformer en camionnette légère.
commercialement [kɔmɛrsjalmɑ̃]
adv. (de commercial ; 1829, Boiste). Au
point de vue du commerce : Plus une
marchandise abonde, plus elle se déprécie
commercialement.
commercialisation [kɔmɛrsjalizasjɔ̃]
n. f. (de commercialiser ; 1845, J.-B. Richard
de Radonvilliers). Action de commercialiser ; résultat de cette action : Dans les
années qui ont immédiatement suivi la
guerre, nous avons assisté à ce que les gens
d’affaires appelleraient, dans leur jargon, la
« commercialisation » de toutes les valeurs
(Duhamel).
commercialiser [kɔmɛrsjalize] v. tr.
(de commercial ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). 1. Mettre en vente ; répandre
dans le commerce : Commercialiser un
produit. ∥ Par extens. Donner à quelque
chose un caractère commercial : Les choses
aujourd’hui industrialisées et commercialisées changent plus vite que le coeur
des femmes (Bordeaux). ∥ 2. Soumettre
aux stipulations du droit commercial :
Commercialiser une dette.
commercialité [kɔmɛrsjalite] n. f. (de
commercial ; 1866, Larousse). Qualité de
ce qui est régi par le droit commercial : La
commercialité d’une dette.
commère [kɔmɛr] n. f. (lat. ecclés.
commater, marraine, de cum, avec, et
mater, mère [la marraine partageant avec
la mère la responsabilité de l’enfant] ;
1283, Beaumanoir, au sens 1 ; sens 2, fin
du XIIIe s. ; sens 3, 1907, Larousse ; sens 4,
1656, Oudin ; sens 5, fin du XIVe s., Chr. de
Pisan). 1. Vx et dialect. La marraine d’un
enfant, par rapport au parrain, dit compère, ou aux parents : J’ai eu le bonheur
d’être parrain et d’avoir pour commère
Mlle Clorinde des Espazettes, bien un peu
grande pour moi, mais si jolie (Daudet).
∥ 2. Class. Appellation familière que l’on
donnait à une voisine, à une compagne,
à une personne que l’on connaissait
bien : Ma commère, il vous faut purger
(La Fontaine). ∥ 3. Comparse, celle qui
donne la réplique au personnage principal, dans une comédie : Il [le pitre] pérore
et se tait tout soudain, | Reçoit des coups de
pied au derrière, badin, | Baise au cou sa
commère énorme, et fait la roue (Verlaine).
∥ 4. Femme du peuple qui en impose par
sa stature et son allant, maîtresse femme :
Voyez nos femmes, comparez-les aux fortes
commères d’autrefois (Zola). ∥ Femme hardie et rusée : Il avait à vaincre une espèce
de froideur, de laquelle la fine commère
lui faisait croire qu’il triomphait (Balzac).
∥ 5. Péjor. Femme curieuse et bavarde, qui
veut tout connaître et colporte les nouvelles
partout : Luc traversait la chaussée, lorsqu’il
aperçut [...] un groupe de commères, en
grande conversation (Zola). ∥ Se dit aussi
en parlant d’un homme : Qu’est-ce que cette
commère de vicomte est venu te conter ?
(Barbey d’Aurevilly).
• SYN. : 4 maritorne, matrone, virago ; 5
concierge (fam.), pipelette (pop.).
commérer [kɔmere] v. intr. (de commère ; 1836, Mme de Girardin). [Conj. 5 b.]
Fam. Faire des commérages ; bavarder de
façon indiscrète : Le besoin de commérer,
ancré au coeur de toutes les femmes (Barbey
d’Aurevilly). Plus tard, j’ai eu Chauvin pour
camarade dans une administration... Que
d’heures passées à commérer ! (Zola).
• SYN. : cancaner (fam.), caqueter, jaser,
potiner (fam.).
commettant [kɔmɛtɑ̃] n. m. (part.
prés. substantivé de commettre, au sens
de « charger de » ; 1563, Kuhn). 1. Celui
qui charge une autre personne d’exécuter certains actes à sa place : Les députés
ministériels et leurs commettants (Balzac).
∥ 2. Dans la langue commerciale, client du
commissionnaire, qu’il charge d’acheter
ou de vendre des marchandises pour son
compte, à titre onéreux.
• SYN. : mandant. — CONTR. : mandataire.
commettre [kɔmɛtr] v. tr. (lat. committere, mettre ensemble, joindre, commettre,
confier, de cum, avec, et mittere, envoyer ;
v. 1265, Livre de jostice, au sens I, 1 ; sens I,
2, 1389, Runkewitz ; sens I, 3, 1694, Acad. ;
sens I, 4, milieu du XVIe s., Amyot ; sens II,
v. 1361, Oresme). [Conj. 49.]
I. 1. Class. et littér. Mettre aux mains
de ; confier à : Reprenez le pouvoir que
vous m’avez commis (Corneille). La protection du troupeau commis à leurs soins
les montre sous un point de vue digne
de leurs fonctions (Chateaubriand). Les
Cieux commettent à la France la garde
de la royauté (Hugo). ∥ 2. Class. et littér.
Préposer à ; charger de : Les souverains
qu’il a commis pour régir ses peuples (Bossuet). La nouvelle mère qui est commise
au gouvernement du monastère (Montherlant). ∥ 3. Spécialem. En termes de
droit, désigner, nommer à une fonction
déterminée : Commettre un rapporteur.
∥ Avocat commis ou commis d’office, avocat désigné par le bâtonnier pour assister
une personne qui bénéficie de l’assistance
judiciaire. ∥ 4. Class. Exposer une personne ou une chose à un danger : Mais
à d’autres périls je crains de le commettre
(Racine).
II. 1. Faire une action blâmable ou malencontreuse : Nous causions du passé
et de l’avenir, des fautes que l’on avait
commises, de celles que l’on commettrait
(Chateaubriand). Le vin m’avait monté
à la tête quand j’ai commis cette imprudence (Musset). Léopold avait commis la
faute de permettre que Frédéric devînt
roi (Bainville). Commettre un crime.
∥ 2. Fam. Se rendre responsable de : Un
article irrespectueux que j’avais commis
à l’endroit de cet enfant gâté du chauvinisme (Baudelaire).
• SYN. : II, 1 consommer, perpétrer.
% se commettre v. pr. (av. 1654, Guez de
Balzac). Péjor. et littér. Accepter d’entretedownloadModeText.vue.download 82 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
796
nir des relations avec des gens méprisables,
ou des rapports avec des choses compro-
mettantes, déshonorantes : Se commettre
avec des personnes peu recommandables.
Votre jeune neveu s’était déjà commis précédemment dans une aventure (Gide).
• SYN. : se compromettre.
commination [kɔminasjɔ̃] n. f. (lat. comminatio, menace, de comminari, menacer ;
1150, Barbier, au sens de « menace » ; sens 1,
1802, Chateaubriand ; sens 2, 1803, Boiste).
1. Dénonciation de la colère de Dieu.
∥ 2. Figure de rhétorique qui consiste à
intimider son auditoire par la menace de
malheurs à venir.
comminatoire [kɔminatwar] adj. (lat.
jurid. médiév. comminatorius, de comminatum, supin de comminari, menacer ; 1517,
J. Bouchet, au sens 1 ; sens 2, 1521, P. Fabri ;
sens 3, 1680, Richelet). 1. Qui renferme une
ou des menaces, ou qui a le caractère d’une
menace : Tout cela était dit assez gravement, mais sur un ton qui n’avait rien de
comminatoire (Gide). Combien de libelles
il avait reçus ! Menaces. Défis. Mille missives comminatoires (Céline). Je répugne au
style comminatoire, parce qu’il engage. Je
préfère le style doucereux (Montherlant).
∥ 2. Destiné seulement à intimider : Tout
ce qu’on y lit des tourments éternels lui
paraissait comminatoire (Rousseau). La
justice du Tout-Puissant, par rapport à
l’homme, n’est souvent que comminatoire
(Chateaubriand). ∥ 3. En droit, se dit d’une
sentence qui ne renferme que la menace
d’une condamnation : Arrêt comminatoire.
• SYN. : 1 fulminant, menaçant.
comminutif, ive [kɔminytif, -iv] adj.
(dér. savant du lat. comminuere, mettre en
pièces, de cum- intensif et minuere, rendre
plus petit ; 1839, Boiste). En chirurgie, se
dit d’une fracture multiple, présentant de
nombreux fragments : Une fracture comminutive de la base du tibia (Goncourt).
commis [kɔmi] n. m. (part. passé substantivé de commettre, au sens de « charger
de » ; début du XIVe s., au sens 1 ; sens 2,
1675, J. Savary ; sens 3, 1866, Larousse ;
sens 4, 1792, Brunot). 1. Class. Homme
chargé d’une fonction, d’une mission
par un commettant, auquel il doit rendre
compte. ∥ Spécialem. Employé des fermiers généraux chargé de la collecte des
impôts : Un commis engraissé des malheurs
de la France (Boileau). ∥ Premier commis,
dans l’ancienne monarchie, haut fonctionnaire qui venait aussitôt après le secrétaire
d’État : Il vous quitte brusquement pour
joindre un seigneur ou un premier commis
(La Bruyère). [On dit encore auj. les grands
commis de l’État, les hauts fonctionnaires.]
∥ 2. Employé subalterne chargé des écritures, dans une administration, une grande
maison de commerce, une banque, etc. :
Des affaires considérables, tout un monde
de commis (Daudet). Un commis d’agent
de change. ∥ 3. Employé chargé de la vente
dans un magasin : Des commis de la maison Autheman, des curieux, des flâneurs
du quartier, trouvant plus économique
de somnoler au bout du banc qu’au café
(Daudet). ∥ 4. Commis voyageur, voyageur
de commerce, représentant : Il avait l’aspect
d’un brave, avec l’entrain facile d’un commis voyageur (Flaubert). ∥ Plaisanteries
de commis voyageur, plaisanteries qui
manquent d’originalité et de finesse.
• REM. Le fém. COMMISE s’est employé
dans les administrations et surtout dans
le petit commerce.
commise [kɔmiz] n. f. (part. passé fém.
substantivé de commettre, au sens de
« exposer à un danger » ; 1315, Godefroy, au
sens 1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Confiscation
d’un fief par le suzerain, quand le vassal
n’avait pas rempli les charges auxquelles il
était tenu. ∥ 2. Confiscation de marchandises prohibées ou introduites en fraude :
[Dans l’archipel de la Manche] le droit de
commise existe (Hugo).
commisération [kɔmizerasjɔ̃] n. f. (lat.
commiseratio, action d’exciter la pitié, de
commiseratum, supin de commiserari,
exciter la compassion ; v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure). Sentiment où se mêlent de
la pitié et de la compassion en présence des
malheurs d’autrui : Elle se ressaisit de son
regard et le laissa tomber sur le visiteur, non
pas même avec rancune, non pas avec haine
ou colère, mais avec une sorte de commisération hautaine (Duhamel).
• SYN. : apitoiement, miséricorde. —
CONTR. : dureté, froideur, indifférence,
inhumanité, insensibilité, sécheresse.
commissaire [kɔmisɛr] n. m. (lat.
médiév. commissarius, de commissus,
part. passé de committere, confier ; 1314,
Ordonnance royale, au sens I, 1 ; sens I,
2, 1845, Bescherelle ; sens I, 3 et 4, 1866,
Larousse ; sens II, 1538, Jal).
I. 1. Personne à qui l’on confie, dans
certaines circonstances, une fonction
déterminée et temporaire : Les députés
du peuple ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires
(Rousseau). ∥ Commissaire régional de
la République, haut fonctionnaire chargé,
après la Libération (1944-1946), de l’administration de l’ensemble d’une région,
et plus particulièrement du rétablissement de la légalité républicaine. ∥ Commissaire du gouvernement, technicien
nommé par décret, et chargé d’assister
un ministre lors de la discussion, devant
les assemblées législatives, d’un projet de
loi spécial. (V. aussi § II.) ∥ Haut-commissaire, v. à son ordre alphab. ∥ 2. Celui qui règle, organise une réunion, une
manifestation : Commissaire d’un bal,
d’une fête. ∥ Spécialem. Officiel chargé
de faire respecter les règlements dans
une épreuve sportive. ∥ 3. Membre d’une
commission, dans une assemblée parlementaire, dans une administration, etc. :
Plusieurs commissaires se sont montrés
hostiles à ce projet de loi. ∥ 4. Commissaire aux comptes, personne nommée par
les actionnaires d’une société anonyme
pour contrôler la gestion et les comptes
des administrateurs. (Syn. CENSEUR.)
II. Titre de divers fonctionnaires ou de
personnes titulaires de charges permanentes. ∥ Commissaire de la marine,
officier de l’intendance, sur un navire de
guerre ou dans un port. ∥ Commissaire
de l’air, officier chargé de l’administration et de la comptabilité dans l’armée
de l’air. ∥ Commissaire de bord, administrateur des services des passagers et du
ravitaillement sur un paquebot. ∥ Commissaire du gouvernement, magistrat
militaire qui remplit les fonctions du
ministère public près les tribunaux des
forces armées. ∥ Commissaire de police,
ou simplem. commissaire, magistrat de
l’ordre judiciaire et administratif, chargé,
dans les villes, de faire observer les règlements de police et de veiller au maintien
de l’ordre et de la sécurité publique : Un
commissaire demandait paternellement
à l’un d’eux depuis combien de temps il
habitait ce gîte (Nerval).
commissaire-priseur [kɔmisɛrprizoer]
n. m. (de commissaire et de priseur, dér. de
priser [v. ce mot] ; début du XIXe s.). Officier
public chargé d’estimer les objets mobiliers et de les vendre aux enchères dans
les ventes publiques : « Et d’où venez-vous
comme cela ? — Des commissaires-priseurs.
M. Barousse nous a entraînés à une exposition de tableaux » (Goncourt).
• Pl. des COMMISSAIRES-PRISEURS.
commissariat [kɔmisarja] n. m. (de
commissaire ; 1752, Trévoux, au sens 2 ; sens
1, fin du XVIIIe s., Brunot ; sens 3, 1848, Jal).
1. Fonction de commissaire : Être chargé du
commissariat du bord. On a songé à lui pour
le commissariat aux comptes. ∥ 2. Endroit
où un commissaire, particulièrement un
commissaire de police, a ses services : Ils
allèrent d’abord au commissariat chercher
trois agents en bourgeois qui attendaient
(Maupassant). ∥ 3. Corps administratif
de commissaires : Le commissariat de l’air,
de la marine.
commission [kɔmisjɔ̃] n. f. (lat. commissio, concours, de commissum, supin de
committere, confier ; v. 1300, Coutumes
d’Artois, aux sens I, 1 et 2 ; sens I, 3, 1599,
E.-J. Tardif ; sens I, 4-5, 1606, Kuhn ;
sens I, 6-7, 1675, J. Savary ; sens I, 8, 1611,
Cotgrave ; sens I, 9, 1690, Furetière ; sens
II, 1, fin du XVIIe s., Fénelon ; sens II, 2, av.
1755, Montesquieu ; sens III, fin du XVIe s.).
I. 1. Class. Action de commettre
quelqu’un, de lui confier une charge temporaire ; mission ainsi confiée : C’est un
homme né pour les allées et venues [...],
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
797
pour aller plus loin que sa commission et
être désavoué (La Bruyère). ∥ 2. Attribution d’une fonction, d’une charge, par
l’autorité ou par une administration.
∥ Délégation de pouvoir et charge ainsi
conférées par l’autorité ou l’administration à son agent. ∥ 3. Spécialem. Commission rogatoire, mandat donné par un
juge à un autre juge, à un tribunal ou à un
officier de police judiciaire de procéder
en son lieu et place à un acte d’instruction spécifié. ∥ 4. En droit commercial,
pouvoir conféré à quelqu’un d’agir au
nom de celui qui le délègue. ∥ Spécialem. Ordre que donne un négociant à une
autre personne de faire des achats ou des
transactions pour son compte. ∥ 5. Profession de celui qui se charge, moyennant
une remise, de l’achat ou du placement de
marchandises pour le compte d’une autre
personne : Faire la commission. Être dans
la commission. Il est riche ; il gagne ce qu’il
veut dans la commission (Zola). ∥ 6. Ce
qu’achète ou vend le commissionnaire :
Expédier des commissions. ∥ 7. Rétribution que touche le commissionnaire,
et, d’une manière générale, tout intermédiaire : « Quinze cents francs ? — Le
marchand ne doit pas donner le bronze
à moins, car il lui faut une commission »
(Balzac). ∥ Par extens. Gratification
donnée à une personne qui conclut une
affaire plus ou moins régulière, en usant
de son influence : Il se fait fort d’arranger
les choses moyennant une petite commission. ∥ 8. Charge qu’une personne donne
à une autre de faire quelque chose à sa
place : L’enfant [...] reçut un sou et la commission de courir chez l’épicier (Tharaud).
∥ 9. L’action même que l’on est chargé de
faire pour quelqu’un d’autre (message,
service, achat, etc.) : « Où vas-tu ? dit Mme
Vauquer à son domestique. — Faire une
commission pour M. Goriot » (Balzac).
Son métier est de courir les environs pour
aller porter les lettres ou faire des commissions (Flaubert). [V. aussi COMMISSIONS
n. f. pl., ci-après.] ∥ Fam. Faire la petite,
la grosse commission, en parlant des enfants, uriner, aller à la selle.
II. 1. Groupe de personnes désignées par
une autorité, ou choisies en son sein par
une assemblée, pour étudier une question ou un projet, donner des avis, mener
une enquête, surveiller divers actes, etc. :
La commission d’enquête a déposé son
rapport. Encore aujourd’hui, il n’y a pas
à la Chambre une commission artistique
[...] où le nom de Roumestan ne figure en
première ligne (Daudet). ∥ Commission
administrative, commission chargée de
l’administration d’un établissement ou
de la direction d’une organisation syndicale. ∥ Commission d’examen, réunion
d’examinateurs chargés de faire passer un examen. (L’expression s’emploie
surtout dans l’enseignement primaire ;
pour l’enseignement secondaire et supérieur, on dit plutôt JURY.) ∥ Commission
départementale, commission chargée
de contrôler l’action préfectorale dans
l’intervalle des sessions du conseil général. ∥ Commission parlementaire, groupe
de parlementaires chargés, dans chacun
des domaines importants de l’activité
des assemblées, d’étudier les projets et
propositions de lois avant leur discussion
en séance. ∥ 2. Tribunal d’exception :
Commission militaire. Une des choses
qui portent le plus atteinte à la liberté du
citoyen est de le faire juger non par ses
juges naturels, mais par une commission
(Montesquieu).
III. Vx. Dans la langue religieuse, action
de commettre effectivement et volontairement une faute : On peut dire la même
chose d’une coupable commission (Pascal). Mes péchés sont d’omission, rarement de commission (J.-J. Rousseau).
• SYN. : I, 2 délégation, mandat, mission ;
7 agio, courtage, guelte, pot-de-vin (fam.),
pourboire, prime. ∥ II, 1 comité.
% commissions n. f. pl. (XXe s.). Fam.
Denrées, provisions que l’on vient d’acheter : Rapporter chez soi les commissions.
∥ Fam. Faire les commissions, faire les
courses d’approvisionnement quotidien :
Il est sorti un peu avant huit heures pour
faire ses quelques commissions habituelles
(Romains).
• SYN. : courses, emplettes.
commissionnaire [kɔmisjɔnɛr] n.
(de commission ; 1506, Saige, au sens 1 ;
sens 2, XXe s. ; sens 3, 1708, Furetière).
1. Intermédiaire commercial qui fait des
opérations pour le compte d’un commerçant, moyennant une remise : Ma fortune
est à moi, bien à moi [...], je l’ai gagnée dans
mes trafics de commissionnaire (Daudet).
∥ Commissionnaire en douane, personne
ou société accomplissant pour autrui les
formalités de douane. ∥ 2. Spécialem.
Commerçant grossiste ayant boutique
dans le périmètre des Halles de Paris. (Il
se distingue du mandataire, installé sous
les pavillons.) ∥ 3. Personne dont la profession est de faire les commissions d’autrui :
Un commissionnaire prit la malle de Jeanne
(Maupassant). Puis ils s’entretinrent [...]
d’une lettre qu’ils venaient d’envoyer par un
commissionnaire (France). On paie très bien
un pourboire parce qu’on voit la joie du garçon de café, du commissionnaire, du cocher
(Alain). ∥ Par extens. Personne qui s’est
chargée bénévolement d’une commission.
• SYN. : 3 chasseur, coursier, groom, porteur.
commissionnement [kɔmisjɔnmɑ̃] n.
m. (de commissionner ; 1928, Larousse).
Action de commissionner.
commissionner [kɔmisjɔne] v. tr.
(de commission ; XVe s., Dict. général,
au sens 1 ; sens 2, 1792, Brunot ; sens 3,
1929, Larousse). 1. Déléguer un pouvoir
à quelqu’un : Son opinion de connaisseur
commissionné par l’État ayant une valeur
d’expertise légale, il se faisait un devoir
d’affirmer souvent, avec conviction, la
supériorité de cette peinture (Maupassant).
∥ 2. Donner à quelqu’un commission de
vendre ou d’acheter. ∥ 3. Dans l’armée,
maintenir un militaire dans les cadres en
vertu d’une commission. ∥ Dans les chemins de fer, notifier à un agent ou à un
employé sa nomination dans les cadres du
personnel. (Syn. TITULARISER.)
% v. intr. (début du XXe s.). Fam. Servir de
commissionnaire : Enfin, j’appris, par Bute
encore, que Heurtevent était un maître receleur, et qu’entre Alcide et lui le plus jeune
des fils commissionnait (Gide).
commissoire [kɔmiswar] adj. (bas lat.
jurid. commissorius, de commissum, supin
de committere [v. COMMETTRE] ; XIIIe s.,
Godefroy). Clause commissoire, en droit,
clause dont l’inexécution entraîne l’annulation de l’acte qui la contient. ∥ Pacte commissoire, contrat de gage en vertu duquel
le créancier devient propriétaire du bien
engagé si le débiteur ne peut payer au jour
fixé.
commissural, e, aux [kɔmisyral, -o]
adj. (de commissure ; 1845, Bescherelle).
Relatif à une commissure : Soudure
commissurale.
commissure [kɔmisyr] n. f. (lat. commissura, jointure, de commissus, part. passé
de committere, joindre ; 1314, Mondeville,
au sens de « suture des os du crâne » ; sens
1, 1736 [d’après Trévoux, 1743] ; sens 2,
1866, Larousse). 1. En anatomie, point de
jonction des bords de certaines ouvertures
en forme de fentes : Un pli trop accusé à
la commissure des lèvres (Bertrand).
Deux rides profondes se creusent de part
et d’autre de sa bouche, dont les commissures s’abaissent et se tordent (Duhamel).
La commissure des paupières. ∥ 2. Région
réunissant deux parties symétriques des
centres nerveux encéphaliques.
• SYN. : 1 coin.
commodant [kɔmɔdɑ̃] n. m. (lat. commodans, -antis, part. prés. de commo-
dare, prêter, de commodus [v. COMMODE
1] ; 1863, Littré). En droit romain, prêteur
par commodat.
commodat [kɔmɔda] n. m. (bas lat. jurid.
commodatum, contrat de commodat, de
commodare, prêter ; 1585, J. des Caurres).
En droit romain, contrat par lequel une
personne livrait une chose à une autre
pour qu’elle s’en serve, à charge pour le
preneur de la rendre ensuite. (On dit auj.
PRÊT À USAGE.)
1. commode [kɔmɔd] adj. (lat. commodus, convenable, approprié, bienveillant ; 1475, Dict. général, au sens 1 ;
sens 2-3, 1580, Montaigne ; sens 4, 1654,
La Fontaine ; sens 5, 1656, Pascal ; sens 6,
1661, Molière). 1. Se dit d’un objet qui est
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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particulièrement approprié à sa destination, qui convient bien à l’usage qu’on en
fait : Un outil, un vêtement commode. Un
système d’ouverture, de fermeture commode. ∥ 2. Se dit de ce qui n’offre pas
d’obstacle, de difficulté, de ce qui s’adapte
bien à la situation : L’ultramontanisme
parut d’abord à ces maîtres austères une
façon commode d’en appeler à une autorité lointaine (Renan). Une manière commode d’éluder une question indiscrète
(Tharaud). ∥ 3. Class. et littér. Qui offre
des agréments : L’Égypte était [...] le plus
beau pays de l’Univers [...], le plus riche, le
plus commode (Bossuet). Les petites villes
[...] paraissent d’abord plus chaudes et plus
commodes à vivre (Flaubert). ∥ 4. Class.
De caractère facile, doux, aimable : Jamais
peuple n’a été [...] plus commode à tous les
étrangers (Fénelon). Son aimable moitié,
sa compagne fidèle, avait l’esprit si commode et si doux (Perrault). ∥ Auj., ce sens
n’apparaît plus que dans des tournures
négatives ou restrictives : Je parle surtout
de son frère Joseph, qui se manifeste comme
un gaillard assez redoutable, assez vorace et
peu commode (Duhamel). ∥ 5. Péjor. Dans
le domaine moral, relâché, qui manque de
rigueur, d’exigence : Une dévotion, une doctrine, une morale commode. ∥ Fam. C’est
trop commode, ce serait trop commode,
reproche adressé à quelqu’un qui cherche
à se soustraire à ses devoirs, à ses obligations. ∥ 6. Péjor. Se dit d’une personne trop
indulgente, qui ferme les yeux sur les fautes
des autres : Un directeur de conscience, un
mari commode.
• SYN. : 1 convenable, pratique ; 2 adéquat,
aisé, facile ; 5 élastique ; 6 complaisant.
— CONTR. : 1 impropre, incommode, mal
commode ; 2 difficile, inadéquat, incongru,
malaisé ; 5 austère, rigoureux ; 6 jaloux,
sévère.
2. commode [kɔmɔd] n. f. (de commode
1, par ellipse de armoire ; 1708, Brunot).
Meuble à hauteur d’appui, à plateau de bois
ou de marbre, et muni de tiroirs servant à
ranger du linge, des vêtements : Je découvris
dans un tiroir de la commode une chemise
de dentelle et des bas blancs (France).
commodément [kɔmɔdemɑ̃] adv. (de
commode 1 ; 1549, R. Estienne). D’une
manière commode : Ces deux dames [...]
se postèrent commodément pour apercevoir
tout l’intérieur de Binet (Flaubert).
• SYN. : confortablement.
commodité [kɔmɔdite] n. f. (lat. commoditas, convenance, avantage, indulgence, de commodus [v. COMMODE 1] ; v.
1400, Chronique de Boucicaut, aux sens
1-2 ; sens 3 et 5, XVIe s. ; sens 4, 1663, La
Fontaine). 1. Qualité d’une chose qui se
prête bien à l’usage pour lequel elle a été
conçue : Instruments qui se prennent, qui
se laissent, qui ne valent que par la commodité (Valéry). ∥ 2. Facilité à user de
quelque chose ; avantage qu’on en retire :
Je trouve beaucoup de commodité dans
l’horaire de travail qui m’a été assigné.
∥ Class. et littér. À ou selon sa commodité, à sa disposition, à sa convenance :
Il les mangeait [les souris] à sa commodité, | Aujourd’hui l’une et demain l’autre
(La Fontaine). Pour ne pas rogner la journée
[...], il tintait l’angélus selon sa commodité
(Flaubert). ∥ 3. Class. Occasion favorable,
moment opportun : Tout ce jour se passa
[...] sans que le jeune berger perdît une
seule commodité de me faire paraître son
affection (d’Urfé). ∥ 4. Class. Moyen de
transport, carrosse, coche, bateau, etc. :
Vous faites bien, Madame, de prendre la
commodité de la duchesse de Chaulnes
pour aller en Bretagne (Bussy-Rabutin).
∥ 5. Class. Facilité de caractère, aménité,
tolérance : Je suis d’une grande commodité
pour la liberté publique (Sévigné).
% commodités n. f. pl. (sens 1, av. 1596,
Du Vair ; sens 2, v. 1534, Bonaventure des
Périers ; sens 3, 1677, Miege). 1. Class. Biens,
richesses : Je suis un mortel qui ne possède
que ces filets et quelques petites commodités
dont j’ai meublé deux ou trois rochers (La
Fontaine). ∥ 2. Toutes les choses propres
à rendre la vie plus facile, plus agréable ;
éléments de confort : Ma grotte est assez
près d’ici dans la montagne ; venez vous
réchauffer chez moi ; vous n’y trouverez pas
les commodités de la vie, mais vous y aurez
un abri ; et il faut encore en remercier la
Bonté divine, car il y a bien des hommes qui
en manquent (Chateaubriand). Les damas
vénitiens, les velours génois, les armes allemandes, les bijoux et orfèvreries français,
toutes les commodités que les Orientaux
achetaient à prix d’or à l’Occident ont disparu (Morand). ∥ Class. Les commodités de
la conversation, dans le langage précieux,
un fauteuil. ∥ 3. Vx. Lieux d’aisances : Au
bout de l’appartement, la cuisine voisinait
[...] avec les commodités (Camus).
• SYN. : 2 agréments, aises.
Commodo [komodo] n. m. (nom déposé ;
milieu du XXe s.). Commutateur permettant
d’actionner, suivant les besoins, les principaux appareils d’éclairage et d’avertissement dans une voiture automobile.
commodore [kɔmɔdɔr] n. m. (mot angl.,
probablem. altér. du néerl. kommandeur,
de même sens, lui-même d’origine franç. ;
1763, Voltaire). Officier des marines britannique, américaine et néerlandaise,
d’un rang supérieur à celui de capitaine
de vaisseau en France.
commotion [kɔmɔsjɔ̃] n. f. (lat. commotio, mouvement, émotion, de commotum,
supin de commovere, mouvoir, émouvoir ; v.
1155, Wace, au sens 1 ; sens 2, v. 1560, Paré
[commotion électrique, 1759, Richelet] ; sens
3, 1611, Cotgrave ; sens 4, 1346, Chartes
de Liège). 1. Vx. Secousse très violente,
ébranlement soudain, provoqués par un
tremblement de terre, une explosion : Je
commençais à croire qu’un essai d’armes fait
dans les fossés avait été cause de cette commotion, lorsqu’une explosion plus violente
se fit entendre (Vigny). ∥ 2. Violent ébranlement physique : Frappé à la tête d’une
rude commotion, il tombait [...], privé de
tout sentiment (Feuillet). Eustache ressentit
dans tout le bras une sorte de commotion
électrique (Nerval). ∥ Spécialem. En pathologie, ébranlement d’un organe consécutif
à un choc. ∥ 3. Fig. Trouble violent, dû à
une vive émotion ; ébranlement psychique :
Quand elle marchait à travers ma chambre,
le bruit de chacun de ses pas faisait une
commotion dans mon coeur (Maupassant).
∥ 4. Vx. Perturbation sociale violente,
ébranlement occasionnés par les guerres,
les mouvements populaires, etc. : Mirabeau
fait un grand bruit pour préparer les esprits
aux grandes commotions (Lamartine). Les
dernières commotions politiques ou sociales
de ce siècle (Verne).
• SYN. : 2 choc, secousse, traumatisme ;
3 bouleversement, coup, saisissement ;
4 convulsion, désordre, orage, tempête,
tourmente.
commotionner [kɔmɔsjɔne] v. tr. (de
commotion ; 1929, Larousse). Frapper d’une
commotion (au pr. et au fig.) : Un sergent
qui s’ tassait dans un trou et qui n’osait pas
en sortir, vu qu’il avait été commotionné
(Barbusse). Cette nouvelle l’a commotionné.
• SYN. : choquer, ébranler, retourner (fam.),
secouer (fam.), traumatiser.
commuabilité [kɔmɥabilite] n. f. (de
commuable ; 1845, Bescherelle). Caractère
de ce qui peut être commué : La commuabilité d’une peine.
commuable [kɔmɥabl] adj. (de commuer ; 1486, Godefroy, au sens général de
« qui peut être modifié » ; sens actuel, 1771,
Trévoux). Qui peut être commué : Peine
commuable.
commuer [kɔmɥe] v. tr. (lat. commutare, changer, échanger [de cum- intensif et
mutare, déplacer, modifier], francisé d’après
muer ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2,
1680, Richelet). 1. Transformer : De légers
indices qui se sont commués en preuves
formelles. ∥ 2. Spécialem. Convertir une
peine en une peine moindre : Enfin, le
premier président proposa de commuer la
peine de mort en celle de prison perpétuelle
(Maupassant).
commun, e [kɔmoẽ, -yn] adj. (lat. communis ; 842, Serments de Strasbourg, aux
sens 2 et 4 ; sens 1 et 3, XIIe s. ; sens 5, 1668,
La Fontaine ; sens 6 et 7, 1388, Runkewitz).
1. Qui appartient à la fois à deux ou à plusieurs ; à quoi participent deux ou plusieurs : Des biens communs entre époux. Un
puits commun à trois propriétaires. Point
commun à deux droites. ∥ Dénominateur
commun, en mathématiques, dénominadownloadModeText.vue.download 85 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
799
teur qui est le même pour deux ou plusieurs
fractions. ∥ Diviseur commun, nombre
qui divise exactement plusieurs autres
nombres. ∥ N’avoir rien de commun, être
totalement différent : [Raphaël] la place
[la Vierge] dans des paysages ornés de
villes et de fabriques qui n’ont rien de commun avec la Judée (Gautier). ∥ N’avoir de
commun que, se ressembler sur un seul
point, ou avoir peu d’analogie : Ces gouvernements n’ont de commun que le nom
(France). ∥ Il n’y a pas de commune mesure
entre, sans commune mesure, se dit de
choses disproportionnées, entre lesquelles
il n’y a aucun terme de comparaison : Il
n’y a pas de commune mesure entre les raisons pour lesquelles deux esprits goûtent ou
repoussent un même écrivain (Bourget).
∥ 2. Qui appartient ou s’applique à la
fois à tous les êtres, à toutes les choses
d’un groupe, d’un ensemble : Les parties
communes, les charges communes d’un
immeuble en copropriété. La propriété commune ferait ressembler la société à un de ces
monastères à la porte duquel des économes
distribuaient du pain (Chateaubriand).
L’opération consiste à découvrir [...] les traits
communs qui appartiennent à toutes les
oeuvres d’art, en même temps que les traits
distinctifs (Taine). Il me semble que ce que
vous cherchez dans une femme est commun
à toutes (France). ∥ La maison commune,
l’hôtel de ville, qui appartient à tous les
habitants de la localité. ∥ La salle commune, pièce où se réunissent tous les occupants d’une maison, d’un appartement : Je
me trouvai donc tout naturellement seul
avec Amélie, à l’heure du thé, que nous
prenons toujours dans la salle commune
(Gide). ∥ Lieu commun, sujet, idée, formule
générale, applicable à tout ; source générale
d’où l’on tire souvent des arguments : Les
orateurs anciens usaient beaucoup des lieux
communs ; par extens., banalité, idée rebattue : Cette spirituelle personne prit plaisir à
jeter le rude Montriveau dans une conversation pleine de bêtises, de lieux communs
et de non-sens (Balzac). ∥ Nom commun,
en grammaire, nom qui s’applique à plusieurs êtres ou choses formant un genre,
une espèce, par opposition au nom propre,
qui n’appartient qu’à un individu. ∥ 3. Que
l’on fait conjointement, à plusieurs : Travail
commun. OEuvre commune. ∥ Faire cause
commune, agir ensemble, s’unir pour servir
la même cause. ∥ Faire bourse commune,
réunir ses ressources et les gérer ensemble.
∥ D’un commun accord, à l’unanimité,
après s’être tous entendus. ∥ 4. Qui appartient, s’applique à la généralité, au plus
grand nombre : Intérêt commun. Commun
usage. Sans doute le langage commun servira-t-il toujours d’instrument initial et
général de la vie de relation extérieure et
intérieure (Valéry). ∥ Sens commun, bon
sens. ∥ Langue commune, celle que chacun
parle habituellement, par opposition aux
langages techniques, spécialisés. ∥ Droit
commun, celui qui s’applique à tout le
monde et qui n’est pas l’objet de lois spéciales. ∥ 5. Par extens. Qui se rencontre fréquemment, n’est pas rare : Elles excellaient
à rétablir les membres brisés par des chutes
ou des accidents, si communs chez les paysans (Chateaubriand). Lorsqu’un fief tombe
en roture, malheur si commun de nos jours...
(Courier). Il était en réalité d’une force peu
commune. Il ployait facilement une pièce de
cent sous entre l’index et le pouce (France).
∥ 6. Qui est répandu partout, ordinaire et
de qualité médiocre : Si, comme les âmes
communes, je croyais en Dieu, je le prierais de me laisser après ma mort, ici tout
entier (France). Carola Venitequa était une
jeune femme assez forte ou mieux : un peu
grasse, mais bien faite et saine d’aspect,
de traits communs, mais non vulgaires et
passablement engageants (Gide). Je respire
autour d’elle ce parfum commun qu’on
achète ici chez Maumond, le coupeur de
cheveux (Colette). ∥ 7. Péjor. Qui manque
de distinction, vulgaire : C’était une fille
[...] brune, de taille moyenne, assez forte,
la figure épaisse et commune (Zola). Écrire
sur les murs, c’est excessivement commun
(Labiche).
• SYN. : 3 collectif ; 4 général, universel ;
5 accoutumé, courant, habituel, ordinaire,
répandu, usuel ; 6 banal, quelconque ; 7 bas,
grossier. — CONTR. : 3 personnel ; 4 particulier ; 5 extraordinaire, inhabituel, inusité, rare ; 6 délicat, exceptionnel, original,
remarquable ; 7 bien, chic (fam.), distingué,
élégant, précieux.
% commun n. m. (sens 1, 1694, Acad. ; sens
2-3, v. 1210, Villehardouin ; sens 4, 1866,
Larousse). 1. Class. Le bien commun : Que
ne vis-tu sur le commun ? (La Fontaine).
∥ 2. Le commun, le plus grand nombre,
la généralité (souvent avec un complément introduit par de) : Je n’ai que faire
des privilèges et ne prétends me distinguer
du commun que par ma valeur (Gide). Si
tu sais lire l’histoire militaire, ce qui est
récit confus pour le commun des lecteurs
est pour toi un enchaînement aussi rationnel qu’un tableau pour l’amateur qui sait
regarder ce que le personnage porte sur lui,
tient dans les mains (Proust). ∥ Le commun
des martyrs, des docteurs, des vierges, etc.,
office commun à tous les martyrs, à tous
les docteurs, à toutes les vierges, etc., qui
n’ont pas d’office propre. ∥ Fam. Le commun des mortels, tout homme, n’importe
qui. ∥ 3. Class. et littér. Le bas peuple (avec
dédain) : Ces hommes du commun tiennent
mal leurs promesses (Corneille). La noble
société s’étonne qu’il y ait tant de braves
gens dans le commun (Daudet). ∥ Class.
Dans le langage des grands, les bas-officiers : Il est couché sur l’état en qualité de
chirurgien du commun (Furetière). ∥ 4. Vx
et littér. Caractère de ce qui est ordinaire,
banal : Le commun est le défaut des poètes
à courte vue et à courte haleine (Hugo).
% En commun loc. adv. (XIe s.). Ensemble,
indistinctement ; sans exception personnelle : Qu’il nous fasse un seul sort ! qu’il
nous cueille en commun (Lamartine).
Mettre ses biens en commun.
% Du commun loc. adj. Class. Vulgaire :
Cet ouvrage n’est pas du commun (Acad.,
1694).
% communs n. m. pl. (sens 1, 1704,
Trévoux ; sens 2, 1821, Desgranges). 1. Dans
une grande propriété, un château, les
bâtiments consacrés au service (cuisine,
écuries, logement des domestiques, etc.) :
Des massifs d’arbres exotiques cachaient la
vue des communs (Balzac). Il sortit de nouveau, alla vers les communs où Dus-sol, le
mètre à la main, accroupi, mesurait l’écartement des roues d’un tilbury (Mauriac).
∥ 2. Dialect. Lieux d’aisances.
communal, e, aux [kɔmynal, -o] adj.
(de commun et de commune ; 1160, Benoît
de Sainte-Maure). 1. Qui appartient à la
commune, à tous ses habitants : Pré, chemin communal. Les fruits de ces terres
communales étaient destinés à suppléer
aux mauvaises récoltes (Chateaubriand).
∥ 2. Qui concerne la commune : Les libertés communales. Le budget communal.
• SYN. : 1 et 2 municipal.
% communal n. m. (sens 1, 1611, Cotgrave ;
sens 2, 1884, Daudet) ou communaux n. m.
pl. (sens 1, 1690, Furetière). 1. Biens de la
commune (prés, bois, etc.) : Ce communal,
autrefois, n’était qu’une côte nue couverte de
broussailles (Maupassant). ∥ 2. Troupeaux
qui paissent sur le communal : Le pli de
dégoût affaissant la lèvre inférieure, usée,
fatiguée comme une margelle où tout le
communal est venu boire (Daudet).
% communale n. f. (fin du XIXe s.). Pop.
La communale, l’école communale.
communalement [kɔmynalmɑ̃] adv.
(de communal ; 1866, Larousse). Au point
de vue communal.
communalisation [kɔmynalizasjɔ̃] n.
f. (de communaliser ; 1842, J.-B. Richard
de Radonvilliers). Exploitation de certains
droits par une commune : La communalisation du droit de chasse.
communaliser [kɔmynalize] v. tr.
(de communal ; 1842, J.-B. Richard de
Radonvilliers). Mettre sous la dépendance
de la commune : Communaliser un terrain.
• REM. Auj., on dit plutôt MUNICIPALISER.
communaliste [kɔmynalist] adj. (de
communal ; 1907, Larousse). Relatif aux
communes : Mouvement communaliste.
communard, e [kɔmynar, -ard] n. et
adj. (de Commune, nom du mouvement
révolutionnaire de 1871 ; 1871, Fonvielle, au
sens 1 ; sens 2, av. 1930). 1. Celui, celle qui
participa à l’insurrection de la Commune
de Paris, en 1871 : J’étais choqué de voir
des gens de ma famille accorder toute leur
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
800
estime à des anticléricaux anciens communards, que leur journal leur avait présentés
comme antidreyfusards, et honnir un général bien né et catholique, mais non révisionniste (Proust). Les vingt mille communards
abattus par les soldats du général Gallifet
(Bernanos). ∥ 2. Pop. et péjor. Nom donné
parfois aux communistes.
• REM. Au sens 1, on trouve parfois la
forme COMMUNEUX (1871, Molinari) :
Serrés autour du drapeau rouge, la musette de toile en sautoir, les communeux
marchaient d’un pas résolu dans toute la
largeur de la chaussée (Daudet).
communautaire [kɔmynotɛr] adj. (de
communauté ; 1842, Proudhon, au sens
1 ; sens 2, v. 1958). 1. Qui a adopté, qui a
la forme de la communauté : La vie communautaire. L’imagination humaine peut
concevoir, sans trop de peine, des républiques ou autres États communautaires,
dignes de quelque gloire, s’ils sont dirigés
par des hommes sacrés, par de certains
aristocrates (Baudelaire). Les Bretons en
sont restés pour l’organisation communautaire à la cellule primitive (Le Goffic).
∥ 2. Spécialem. Qui appartient, qui a trait
au Marché commun : Esprit communautaire. Décision contraire aux dispositions
communautaires.
communauté [kɔmynote] n. f. (probablem. réfection de l’anc. franç. communité
[lat. communitas, communauté], d’après
l’adj. communal ; 1283, Beaumanoir, au sens
II, 1 ; sens I, 1, 1580, Montaigne ; sens I, 2,
milieu du XIVe s. ; sens II, 2, v. 1950 ; sens
II, 3, 1538, R. Estienne).
I. 1. État, caractère de ce qui est commun
à plusieurs personnes : De plus, il est difficile de créer une patrie parmi des États
qui n’ont aucune communauté de religion et d’intérêts, qui, sortis de diverses
sources en des temps divers, vivent sur
un sol différent et sous un différent soleil
(Chateaubriand). ∥ Par extens. Similitude, identité : Ils avaient établi entre
eux une familiarité, une communauté
de pensée et de vie qui, tout à coup, gêna
Frédérique (Daudet). Communauté de
sentiments. ∥ Communauté de vues,
manière identique d’envisager un problème, ou les choses en général : Ainsi
naissait une communauté de vues destinée à durer à travers le siècle (Bainville).
∥ 2. Régime d’association conjugale dans
lequel certains biens sont communs aux
deux époux : Se marier sous le régime de
la communauté. ∥ Par extens. L’ensemble
des biens ainsi mis en commun.
II.1.Ensemble de personnes unies par
des caractères communs, par des liens
d’intérêt, par des habitudes communes,
etc. : Les diverses communautés ethniques,
religieuses d’une région. ∥ Spécialem.
Ensemble des habitants d’un même lieu,
d’un même État : La communauté nationale. ∥ 2. Ensemble de pays unis par des
liens économiques, politiques, culturels :
La Communauté européenne du charbon
et de l’acier. ∥ 3. Réunion de personnes
vivant ensemble et poursuivant des buts
communs. ∥ Spécialem. Société de religieux soumis à une règle commune : La
petite communauté, composée d’une centaine de moines, s’accrut en peu d’années
d’une façon prodigieuse (France).
• SYN. : I, 1 affinité, analogie, conformité,
ressemblance, unité. ∥ II, 1 collectivité,
groupe, société ; 2 pool ; 3 confrérie, phalanstère ; compagnie, congrégation, ordre.
commune [kɔmyn] n. f. (lat. pop. communia, plur. neutre de communis, pris
comme subst. fém. au sens de « réunion
de gens ayant une vie commune »; v. 1138,
Gaimar, au sens 1 [var. comugne, du XIIe au
XIVe s.] ; sens 2, 1793, Frey ; sens 4 [empr.
de l’angl. Commons], 1690, Furetière).
1. Autref. Ville affranchie du joug féodal
et dont les bourgeois jouissaient du droit
de s’administrer eux-mêmes : La commune
de Toulouse avait des vassaux, possédait
sa milice, sa bannière, ses armoiries, son
château. Il me semblait voir un enfant de
ces communes du temps de Charles VII
(Chateaubriand). ∥ 2. Auj. En France,
circonscription administrative de base,
dirigée par un maire assisté d’un conseil
municipal : Les communes des Hauts-deSeine. Je croyais connaître admirablement
tous les entours de la commune (Gide).
∥ Par extens. Ensemble des citoyens qui y
vivent, représentés par la municipalité en
tant que personne morale : Les biens de
la commune. ∥ 3. Spécialem. Commune
de Paris, nom donné à la municipalité de
Paris de 1789 à 1795, qui s’était constituée
en gouvernement révolutionnaire : Le procédé consistait toujours à tenir les autorités municipales de Paris, la Commune, et
par elle [...] à entretenir [...] une agitation
continuelle (Gaxotte) ; gouvernement révolutionnaire installé à Paris après l’insurrection du 18 mars 1871, et, par extens., cette
insurrection elle-même. ∥ 4. Chambre des
Communes, ou, ellipt., les Communes, en
Grande-Bretagne, Chambre des représentants élus du peuple.
communément [kɔmynemɑ̃] adv. (de
commun ; 1080, Chanson de Roland, au
sens de « ensemble » ; sens actuel, v. 1360,
Froissart). Ordinairement, habituellement :
Il n’arrive pas communément qu’un haut
baron financier amène à Paris une esclave
arménienne dont il a fait sa légitime épouse
(Daudet).
• SYN. : couramment, fréquemment, généralement, souvent, usuellement. — CONTR. :
exceptionnellement, rarement.
communeux, euse adj. V. COMMUNARD.
communiant, e [kɔmynjɑ̃, -ɑ̃t] n.
(part. prés. substantivé de communier ;
1531, Delboulle). Personne qui communie. ∥ Premier communiant, première
communiante, ou simplem. communiant,
communiante, celui, celle qui fait sa première communion.
communicable [kɔmynikabl] adj. (de
communiquer ; v. 1380, Conty, au sens de
« affable » ; sens actuel, XVIe s.). Qui peut
être communiqué : Un droit communicable.
Une ardeur communicable. ∥ Spécialem.
Dont les pièces doivent être communiquées
au ministère public.
communicant, e [kɔmynikɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(part. prés. de communiquer ; 1761, Gohin
[communicants, n. m. pl., « anabaptistes du
XVIe s. prônant la communauté des femmes
et des enfants », 1694, Th. Corneille]). Qui
communique : Deux petites pièces communicantes sous le toit (Colette). L’expérience
des vases communicants.
communicateur, trice [kɔmynikatoer,
-tris] adj. (de communiquer ; 1866, Larousse
[« qui communique, au sens religieux »,
1375, R. de Presles]). Qui sert à mettre en
communication : Fil communicateur.
% communicateur n. m. Appareil transmettant le mouvement : L’étude des communicateurs constitue l’essentiel de la
cinématique.
communicatif, ive [kɔmynikatif, -iv]
adj. (bas lat. communicativus, propre à
communiquer, de communicatum, supin
de communicare [v. COMMUNIQUER] ;
v. 1361, Oresme, au sens de « libéral » ; sens
actuels, 1564, J. Thierry). 1. Qui se communique facilement à d’autres : Les émotions véritables sont si communicatives que,
pendant un moment, ces trois personnes se
regardèrent en silence (Balzac). ∥ 2. Qui
communique, exprime spontanément
ses pensées, ses sentiments : Les Yankees
n’étaient pas communicatifs et ne répondaient que par « yes » et« no » à toutes ses
avances (Daudet).
• SYN. : 1 contagieux ; 2 causant (fam.),
confiant, démonstratif, expansif, exubérant,
ouvert. — CONTR. : 2 défiant, dissimulé,
fermé, impénétrable, méfiant, renfermé,
secret, taciturne.
communication [kɔmynikasjɔ̃] n. f. (lat.
communicatio, action de communiquer,
de faire part, de communicatum, supin de
communicare [v. COMMUNIQUER] ; v. 1361,
Oresme, aux sens 1 et 4 ; sens 2-3, 1530,
Palsgrave ; sens 5, 1677, Miege). 1. Action
de communiquer, de transmettre quelque
chose à quelqu’un, ou de le mettre à sa disposition ; résultat de cette action : Je pensais
que le nouvel acquéreur de la « Légende
dorée » [...] me donnerait communication du
manuscrit (France). La communication de
documents secrets. ∥ 2. Action de donner
une information, un renseignement, un
avis : [Bézuquet] demanda la parole pour
une communication pressante (Daudet).
∥ Spécialem. Exposé oral ou écrit, fait
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
801
devant les membres d’une société savante
sur un sujet déterminé : Le professeur X...
a fait une communication à l’Académie de
médecine. ∥ 3. Par extens. La chose que
l’on communique : Votre communication
m’est bien parvenue. ∥ 4. Action de communiquer avec une autre personne par un
moyen quelconque : La communication
n’était même pas tout à fait interdite entre
ces prisonniers si divers (Nerval). Par là, il
y eut entre nous une véritable étincelle de
communication (Renan). Se mettre en communication avec quelqu’un. ∥ Spécialem.
Communication téléphonique, ou simplem.
communication, liaison et conversation par
téléphone : Pendu au téléphone pendant une
heure [...], Joseph Pasquier fit des tentatives
désespérées pour obtenir une communication directe (Duhamel). ∥ 5. Ce qui permet
de joindre deux lieux, de les faire communiquer : Voies, moyens de communication.
Ce mouvement interceptait les communications du roi avec l’Andalousie (Mérimée).
∥ Moyen qui permet le passage d’un lieu à
un autre : Porte de communication.
• SYN. : 2 adresse, annonce, communiqué,
déclaration ; 3 message ; 4 commerce (littér.), correspondance, échange, liaison,
rapport, relation.
communier [kɔmynje] v. intr. (lat.
ecclés. [altari] communicare, approcher
de l’autel [pour recevoir la sainte hostie] ;
fin du Xe s., Vie de saint Léger ; sens fig., dès
la fin du XIIe s.). 1. Recevoir le sacrement
de l’eucharistie : Elle me tue à petit feu et
se croit une sainte. Ça communie tous les
mois ! (Balzac). [Ils] communiaient avec des
ferveurs de novice (Verlaine). ∥ Communier
sous les deux espèces, celle du pain et celle
du vin. ∥ 2. Spécialem. Faire sa première
communion : Gertrude est trop jeune : songe
qu’elle n’a pas encore communié (Gide).
Mon père a fait baptiser ses enfants et les
a laissés communier (Duhamel). ∥ 3. Fig.
Se trouver en accord parfait d’idées ou de
sentiments : Désiré venait me rejoindre.
Nous passions là des heures à communier
dans la tristesse (Duhamel).
% v. tr. Administrer à quelqu’un le sacrement de l’eucharistie : Communier les
fidèles (Jammes). Elles défilèrent devant le
velum où les communiait le prêtre (Benoit).
communion [kɔmynjɔ̃] n. f. (lat. ecclés.
communio, communion [en lat. class.,
« communauté, caractère commun »] ;
v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens I, 1 ; sens
I, 2, 1863, Littré ; sens II, 1-3, XIIIe s.).
I.1.Union des personnes dans une
même foi : La communion de l’Église
romaine. Les chrétiens orthodoxes, c’est
ainsi que les Russes désignent leur communion (Mérimée). ∥ Communion des
saints, dogme chrétien selon lequel tous
les biens spirituels de l’Église sont communs à tous ses membres. ∥ 2. Accord
entre personnes qui partagent les mêmes
idées, les mêmes sentiments : Il peut y
avoir une immense joie à se sentir en communion parfaite avec les autres, communion de pensée, d’émotion, de sensation,
d’action (Gide). Mais il était vrai, également, qu’il éprouvait, à prendre la parole,
une ivresse capiteuse ; et qu’il réussissait
presque toujours à créer, entre ses auditeurs et lui, un échange, une communion
(Martin du Gard).
II. 1. Acte par lequel les chrétiens
reçoivent le corps et le sang de JésusChrist : Je ne lui parlais plus qu’en pas-
teur, la préparant à la communion qu’elle
vient de faire à Pâques (Gide). ∥ Première communion, chez les catholiques,
cérémonie solennelle qui accompagne le
premier acte de communion : Elle s’occupait de Ferdinand, qui s’allait préparer
pour la première communion (Duhamel).
∥ 2. Partie de la messe où le prêtre communie : Sortir de l’église avant la communion. ∥ 3. Par extens. Antienne chantée
au moment de la communion du prêtre.
• SYN. : I, 2 affinité, correspondance,
entente, harmonie, union.
communiqué [kɔmynike] n. m. (part.
passé substantivé de communiquer ; 1856,
Lachâtre). Avis ou information de caractère officiel : Un communiqué du ministère de l’Information, de la Préfecture de
police. ∥ Spécialem. En temps de guerre,
résumé officiel des opérations militaires :
Les communiqués officiels sont, de part et
d’autre, des plus contradictoires, chacun
n’annonçant que des victoires, que retraites
de l’adversaire, encerclement de l’ennemi
(Gide).
• SYN. : bulletin, communication, note.
communiquer [kɔmynike] v. intr. (lat.
communicare, mettre en commun, et aussi,
à basse époque, « être en relation avec » ;
v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2, 1681,
Bossuet). 1. En parlant de personnes, être
en rapports mutuels, par un moyen quelconque ; être en relation avec quelqu’un
d’autre : Les autres députés communiquaient entre eux, riaient, se faisaient des
signes (Daudet). Laisser un détenu communiquer avec son avocat. ∥ Être en correspondance : Communiquer par téléphone,
par lettres. ∥ 2. En parlant d’un local, être
attenant à, ou être en communication avec,
par un passage : Cette salle, assez éloignée
du café auquel elle communiquait par
un très long couloir (Hugo). Pièces qui
communiquent.
% v. tr. (sens 1, 1704, Trévoux ; sens 2,
1530, Palsgrave ; sens 3-4, 1557, Journal
du sire de Gouberville). 1. Transmettre,
faire passer à ou dans : Le piston communique son mouvement à la bielle. Le
Soleil communique sa chaleur à la Terre.
Cette religieuse atmosphère que nous communiquaient en sons adoucis les cris des
deux enfants (Balzac). ∥ Communiquer à
quelqu’un une maladie, lui en transmettre
le germe infectieux. ∥ 2. Fig. Faire parta-
ger à quelqu’un : Il [l’abbé Coignard] se
félicitait d’avoir tenu un langage propre à
communiquer à une âme souffrante le repos
et la paix (France). J’avais toujours le vague
sentiment que je communiquais ma ferveur
aux autres, mais qu’en eux n’était pas le feu
sacré (Gide). ∥ 3. Mettre quelque chose à
la disposition de quelqu’un pour qu’il en
prenne connaissance : Communiquer les
pièces d’un dossier. Un bibliophile sérieux
ne communique pas ses livres, lui-même ne
les lit pas, de crainte de les fatiguer (Nerval).
∥ 4. Donner connaissance à quelqu’un de
quelque chose qu’il ignore : Ce que j’ai à
vous communiquer est d’une extrême conséquence (France).
• SYN. : 1 donner, envoyer, imprimer ;
3 prêter ; 4 confier, dire, révéler.
% se communiquer v. pr. (sens 1-2, 1671,
Pomey ; sens 3, début du XVIIe s., Guez
de Balzac). 1. En parlant d’une chose, se
répandre, se propager : Le feu se communique de proche en proche. On se demande
comment il se fait que bâiller se communique comme une maladie (Alain). ∥ 2. En
parlant de personnes, se transmettre
quelque chose les unes aux autres (au pr. et
au fig.) : Nous nous communiquons nos tristesses (Renan). ∥ 3. Class. et littér. Dévoiler
ses pensées ; faire des confidences : Je ferai
vos reproches à la Mousse : il est chez lui, il
ne se communique guère ; il est difficile à
trouver (Sévigné).
communisant, e [kɔmynizɑ̃, -ɑ̃t] adj.
et n. (de communiste ; XXe s.). Qui sympathise avec les théories communistes : Largo
Caballero est remplacé [en Espagne] par un
communisant, M. Negrin (Suarez).
communisation [kɔmynizasjɔ̃] n. f. (de
communiste ; milieu du XXe s.). Action de
gagner au communisme.
communiser [kɔmynize] v. tr. (de communiste ; milieu du XXe s.). Soumettre à
l’influence communiste : Communiser un
pays, des populations.
communisme [kɔmynism] n. m. (de
commun ; 1840, Sainte-Beuve, au sens 1 ;
sens 2-4, XXe s.). 1. Tout socialisme qui tend
à la suppression de la propriété privée et à la
répartition des biens entre tous les hommes
suivant leurs besoins : Mme Sand passe au
communisme, à la prédication des ouvriers
(Sainte-Beuve). Le communisme, cette
logique vivante et agissante de la démo-
cratie (Balzac). Accoutumé à son aimable
communisme galiléen, il lui échappait sans
cesse des naïvetés (Renan). ∥ 2. Doctrine
tendant à la collectivisation des moyens de
production, à la répartition des biens de
consommation suivant les besoins de chacun, et à la suppression des classes sociales :
La doctrine du communisme a été créée par
Marx et Engels. Tous les arguments de ma
raison ne me retiendront pas sur cette pente
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
802
du communisme (Gide). Le communisme
russe, par sa critique violente de toute
vertu formelle, achève l’oeuvre révoltée du
XIXe siècle en niant tout principe supérieur
(Camus). Et il découvre (c’est bien tard...)
que le communisme, comme toutes les doctrines puissantes, est une franc-maçonnerie
(Malraux). ∥ 3. Par extens. L’ensemble des
forces communistes agissant au nom de
cette doctrine : Le communisme mondial.
∥ 4. Politique du parti communiste.
communiste [kɔmynist] adj. (de commun ; 1834, Lamennais, au sens 1 ; sens 2,
1922 [v. ci-dessous, n. et adj.]). 1. Qui a rapport à l’idéal communiste : Cela vient non
seulement, je crois, de ce que la France a été
providentiellement créée pour la recherche
du vrai, préférablement à celle du beau,
mais aussi de ce que le caractère utopique,
communiste, alchimique de tous ses cerveaux ne lui permet qu’une passion exclusive, celle des formules sociales (Baudelaire).
L’esprit communiste, qui fut de l’essence du
christianisme naissant (Renan). ∥ 2. Parti
communiste, parti prolétarien dont la doctrine est le marxisme-léninisme.
% n. et adj. (1769, Brunot, au sens de
« copropriétaire » ; sens 1, 1840, Balzac ;
sens 2, 1922, date du congrès de Tours, où
s’est constitué un parti communiste distinct
du parti socialiste). 1. Partisan du communisme : Vous serez reçu comme un roi
dans une section de communistes (Balzac).
Il est communiste et assure qu’on n’arrivera
à rien en fait d’assistance sans une révolution sociale (France). ∥ 2. Membre du
parti communiste.
commutable [kɔmytabl] adj. (doublet
de commuable ; milieu du XVIe s.). 1. Qui
peut être commué. ∥ 2. En linguistique,
se dit d’un élément qui peut être commuté
avec un autre.
commutateur [kɔmytatoer] n. m. (dér.
savant du lat. commutare, [é]changer ; 1858,
Année scientif. et industr.). Dispositif servant soit à inverser le sens de circulation
d’un courant électrique, soit à le faire passer à volonté et séparément dans différents
appareils : Fleurissoire tourna le commutateur, ce qui n’amena point l’obscurité
complète, mais dériva le courant du lustre
central au profit d’une lampe de veilleuse
azurée (Gide).
commutatif, ive [kɔmytatif, -iv] adj.
(dér. savant du lat. commutare, [é]changer ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2,
XXe s.). 1. Qui a trait à un échange fondé sur
l’égalité. ∥ Contrat commutatif, convention par laquelle chacun des contractants
reçoit l’équivalent de ce qu’il donne.
∥ Justice commutative, échange de droits
et de devoirs fondé sur l’égalité entre les
uns et les autres. ∥ 2. En mathématiques
et en logique, se dit d’une opération dont
le résultat ne varie pas si l’on intervertit
l’ordre de ses facteurs ou de ses termes :
L’addition est commutative : 5 plus 6 = 6
plus 5.
commutation [kɔmytasjɔ̃] n. f. (lat.
commutatio, changement, de commutatum,
supin de commutare ; v. 1120, Psautier de
Cambridge, au sens de « changement » ;
sens 1, 1680, Richelet ; sens 2, début du
XXe s.). 1. Commutation de peine, en droit,
substitution d’une peine moins forte à la
peine prononcée en justice : La duchesse
reçut une lettre de commutation de peine
(Stendhal). ∥ 2. En linguistique, substitution d’un terme à un autre. (V. art. spécial.) ∥ Principe de commutation, principe
selon lequel une distinction phonétique
n’est reconnue pertinente linguistiquement que si elle est susceptible d’entraîner
une distinction sémantique et vice versa.
∥ Épreuve de commutation, épreuve qui,
par la substitution les uns aux autres de
certains éléments (phoniques ou sémantiques) et par l’application du principe de
commutation, permet de dégager les distinctions linguistiques pertinentes.
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
LA COMMUTATION
La commutation est souvent considérée
comme le procédé essentiel d’identification des unités linguistiques, la pierre de
touche de la description structurale des
langues.
Dès 1904 (Phonetische Grundfragen),
Otto Jespersen en énonçait le principe
quand il fondait la pertinence linguistique d’une distinction de sons sur la
capacité de différencier des significations.
Il existe en grec ancien deux dentales
sourdes, qui apparaissent, par exemple,
dans θἰς, « tas de sable » (écrit avec thêta),
et τἰς, « qui ? » (écrit avec tau) ; elles ne
diffèrent que par le caractère « aspiré »
que présente la première et non la seconde. Ces deux variantes se retrouvent
en suédois, où l’on entend la première
dans tog, « prit », et la seconde dans stol,
« chaise ». En grec, la substitution de
l’une à l’autre, dans un même entourage
phonétique, est possible, et s’accompagne
d’une modification de sens : θἰς/τἰς ; on
a affaire à deux phonèmes, c’est-à-dire à
deux unités distinctives. En suédois, la
substitution n’est jamais possible : tog,
sans aspiration initiale, n’existe pas, et
après l’s, comme dans stol, l’aspiration
n’est pas admise ; on doit considérer que
les deux sons, dans cette langue, sont des
variantes non distinctives d’un seul et
même phonème, la dentale sourde.
Ce principe fut à la base des recherches
de l’école « phonologique » de Prague, et
reçut son nom actuel — « commutation »
— de Louis Hjelmslev et Hans J. Uldall,
au Ve Congrès de phonétique en 1936.
L’inventaire des phonèmes d’une langue,
que les phonéticiens distinguaient
d’après leurs différences articulatoires et
acoustiques, souvent peu « discrètes », fut
fondé par les phonologues sur la fonction
distinctive, bien plus décisive. Les sons
que nous écrivons l et r seront tenus pour
deux phonèmes distincts, non pas parce
qu’ils sont articulés différemment (certaines personnes les confondent presque
dans la prononciation), mais parce que
leur commutation réciproque suffit pour
distinguer deux mots de sens différent
comme lampe et rampe ; à ce titre, ils sont
aussi distinctifs que peuvent l’être deux
sons très différents comme d et p dans
dont et pont. Les différences distinctives
révélées par la commutation sont « pertinentes » en linguistique ; on les appelle
oppositions (v. ce mot). La commutation peut être pratiquée entre un son et
l’absence de son : lampe / hampe (opposition privative). La commutation de
crampe avec rampe est un cas voisin : le
son [kr] est senti complexe par rapport à
[r] ; le premier élément s’en retrouve, seul,
dans campe. Si les deux éléments écrits cr
apparaissaient toujours ensemble, ils ne
feraient qu’un phonème.
La commutation est distinctive par définition, faute de quoi elle n’est que « substitution » ; ainsi, le remplacement d’un [r]
dorsal (articulé sur le dos de la langue)
par un [r] apical (articulé sur la pointe)
n’est pas une « commutation » en français, car n’importe quel mot comportant
[r], par exemple roi, est prononcé avec [r]
dorsal par un Parisien et avec [r] apical
par un Bourguignon, sans distinction de
sens. Au contraire, il y a commutation de
ces deux [r] en arabe, où s’opposent ainsi
des mots comme maghata, « il a tiré », et
marata, « il a épilé ».
Une règle fondamentale de la commutation est qu’elle doit porter sur un seul
élément à la fois dans une chaîne significative. Ainsi, le rapprochement de lampe
et rente prouverait seulement que l’une
au moins des deux oppositions, l/r et p/t,
est distinctive, à moins que ce ne soit la
combinaison des deux.
Par cette règle, la méthode donne prise à
la critique. Il semble toujours fortuit qu’il
existe des paires de mots comme lampe/
rampe, ou poisson/poison, se prêtant à la
comparaison. Il n’est pas exclu a priori
qu’il existe des phonèmes différents ne se
trouvant jamais en position semblable :
c’est, par exemple, le cas, en anglais, de
l’aspirée initiale de mot (hill, hand, etc.)
et de la nasale vélaire, toujours finale
(king, living). Doit-on, sous prétexte que
ces deux sons ne « commutent » jamais,
les tenir pour deux variantes d’un seul et
même phonème ?
La plupart des linguistes ne vont pas
jusque-là, et admettent que, dans ce cas,
le témoignage intuitif de notre oreille
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
803
supplée le critère fonctionnel défaillant :
elle perçoit ici deux sons suffisamment
différents pour qu’on parle de deux phonèmes distincts. Dans le cas des mots
suédois tog et stol, l’oreille témoigne dans
le sens contraire : elle perçoit une ressemblance suffisante pour qu’on parle d’un
seul et même phonème.
On voit que la méthode fonctionnaliste
de la commutation ne réussit pas à éliminer le recours à l’intuition, que les partisans d’une linguistique « immanente »
voulaient proscrire. Ce recours n’est pas
exceptionnel, comme ces deux exemples
pourraient le faire croire : l’oreille seule
nous garantit l’identité du phonème [r]
dans rat, raie, roux, riz, du phonème
[p] dans pas, pot, pain, pie. Même dans
les cas où l’on peut pratiquer la commutation, par exemple si l’on oppose les
phrases :
Il avait les cheveux ras,
Il avait les cheveux roux,
le seul témoignage de l’oreille nous garantit la non-identité des phonèmes terminaux [a] et [u] et l’identité de tous ceux
qui précèdent.
Le même recours à l’intuition est impliqué dans le domaine du signifié : l’identité (ou la non-identité) du sens ne se
démontre pas, elle s’impose d’elle-même
à la conscience. Les linguistes « béhavioristes » voient une preuve positive dans
l’identité de comportement du destinataire du message, mais cette identité ellemême suppose une intuition identique
du sens.
Les limites de la commutation, en tant
que procédure heuristique, ont été justement tracées par des linguistes comme
Noam Chomsky : on ne peut nier qu’elle
s’appuie à tout moment sur la connaissance intuitive des sons et des sens. Mais
il n’en est pas moins vrai qu’elle dirige
et discipline l’intuition, en organise les
données et les arbitrages. Elle a fait progresser la théorie des phonèmes, permis
un classement fonctionnel des variantes,
assis la notion féconde de variantes combinatoires. (V. COMPLÉMENTARITÉ.)
Sa valeur s’est confirmée par l’application
qu’on en a faite à l’étude des unités significatives, grammaticales (morphèmes) et
lexicales (lexèmes). Troubetzkoy écrivait,
dans ses Principes de phonologie (1939,
traduit en 1949) : « Tous ces principes de
classement ne valent pas seulement pour
les oppositions phonologiques, mais
aussi pour n’importe quel autre système
d’oppositions. » Dès 1933, L. Bloomfield
(Language, chap. X) avait fondé l’identification des formes grammaticales
sur la comparaison de phrases où notre
connaissance pratique (practical knowledge) nous fait appréhender des segments
phonétiquement et sémantiquement
identiques : John ran, John fell, Bill ran,
etc. Cette méthode postulait l’identité
fonctionnelle des termes différents pouvant alterner ; c’était faire de la commutation (avant la lettre) le principe essentiel de la délimitation des morphèmes.
Bloomfield y trouvait en même temps le
critère pour un classement fonctionnel.
La réduction, variété de la commutation,
révèle le caractère dépendant ou indépendant d’un terme. Dans le groupe (ou
syntagme) poor John, « le pauvre John »,
poor peut être supprimé sans que change
la fonction de John, mais l’inverse est
impossible : poor dépend de John, et
non l’inverse. Ainsi distingue-t-on des
syntagmes à dépendance unilatérale
(comme poor John), à dépendance réciproque (John ran), et à indépendance
réciproque (John and Bill) ; les classes de
mots peuvent être caractérisées par leur
aptitude à jouer tel ou tel rôle dans l’agencement de la phrase. La commutation
devint, après cette date, le critère favori
des structuralistes des deux continents,
aussi bien des mécanistes les plus hostiles
à la prise en compte des éléments de sens
(distributionnalisme de Harris, glossématique de Hjelmslev) que des analystes
gardant pour objectif la définition des
signifiés (tel G. Gougenheim, dans son
Système grammatical de la langue française, 1938). A ceux-ci elle offre, par la
réduction au minimum de l’élément formel variant, une technique solide d’abstraction et de localisation des différences
sémantiques intuitivement senties entre
deux phrases voisines. Pourtant, un des
théoriciens français les plus avertis en la
matière, J. Cantineau, le traducteur des
Principes de Troubetzkoy, n’a pas manqué de formuler, dans ses préliminaires
à une étude des « oppositions significatives » (Cahiers Ferdinand de Saussure,
n° 10, 1952), une réserve analogue à celle
dont ont fait l’objet les phonèmes non
commutables, écrits h dans hill et ng dans
king (v. plus haut). On y lit cette défini-
tion prudente :
« Deux éléments formels minima (c’està-dire non susceptibles d’être divisés en
éléments plus petits doués de signification) phoniquement et sémantiquement
différents seront considérés comme deux
morphèmes ou deux lexèmes différents
(suivant le cas), surtout s’ils peuvent être
employés dans le même contexte avec
une signification différente. »
Cette dernière condition est réalisée dans
les exemples qu’il donne d’une opposition de lexèmes :
Il a une grande verrue,
Il a une grande vertu,
et d’une opposition de morphèmes :
Je mangeais du foie de veau,
Je mangerai du foie de veau,
mais elle ne peut l’être si l’on veut mettre
en évidence, par exemple, la différence —
incontestable par ailleurs — qui sépare
quand et dans. La commutation n’est
donc donnée que comme une condition
optimale d’analyse des oppositions.
La commutation des éléments significatifs présente un non moindre intérêt
par l’étude qu’elle facilite des variations
contextuelles : règles d’accord, faits
de « concordance des temps », variations de mode régies par la conjonction
ou par le sens du verbe principal, etc.
Elle est ainsi le détecteur de toutes les
contraintes qui font la « syntaxe » et dont
la violation produit un effet de cacologie.
(V. COMPLÉMENTARITÉ.)
Il ne faut pas confondre avec la commutation la transposition (ou « translation »),
qui est dans une certaine mesure l’opération inverse ; la première fait varier le
sens en conservant la forme grammaticale, la seconde change la forme sans toucher au sens :
J’ai appris que Kessel était élu,
J’ai appris l’élection de Kessel.
(La proposition conjonctive de la première phrase est transposée en groupe
nominal dans la seconde.)
Pratiquée de tout temps pour les besoins de la traduction, recommandée
par les méthodes de style (par exemple
E. Legrand, Stylistique française, 1924),
intégrée à la théorie linguistique par les
élèves de Saussure, Ch. Bally (Bulletin de
la Société de linguistique de Paris [1922],
puis Linguistique générale et linguistique
française [1932]), Albert Séchehaye (Essai sur la structure logique de la phrase,
1926), Henri Frei (Grammaire des fautes,
1929, pp. 175-232), la transposition, sous
le nom de « transformation », est devenue
pour les linguistes, vers 1957 (Chomsky),
un phénomène de première importance,
dont toute description de langue s’applique à dégager les modalités et les possibilités infinies (grammaire générative).
commutativité [kɔmytativite] n. f. (de
commutatif ; XXe s.). Caractère de ce qui
est commutatif ; : La commutativité de la
multiplication des nombres naturels (Boll).
commutatrice [kɔmytatris] n. f. (fém.
de commutateur ; 1922, Larousse). Machine
destinée à transformer du courant alternatif en courant continu et inversement.
commuter [kɔmyte] v. tr. (doublet de
commuer ; 1614, Stoer). 1. Syn. de COMMUER. ∥ 2. En linguistique, substituer un
terme à un autre terme de même classe
grammaticale ou lexicale.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
804
comourants [kɔmurɑ̃] n. m. pl. (de coet de mourant ; XXe s.). En termes de droit,
personnes qui, susceptibles de se succéder
réciproquement, meurent dans un même
accident.
compacité [kɔ̃pasite] n. f. (de compact ;
1762, Acad.). État, qualité de ce qui est compact : La compacité du béton.
compact, e [kɔ̃pakt] adj. (lat. compactus, resserré, part. passé de compingere,
assembler ; v. 1377, Oresme, écrit compac
[compacte, m. et f., XVIe s., et encore au
XIXe s. ; compact, e, début du XVIIIe s.], au
sens 1 ; sens 2, 1824, Ségur ; sens 3, fin du
XVIIIe s., Buffon ; sens 4, 1810, Mme de Staël).
1. Se dit d’un corps, d’une substance dont
les molécules, les parties sont très serrées
et ne se séparent que difficilement : Un
bois compact. Une chair, une terre com-
pacte. ∥ 2. Par anal. Se dit d’un ensemble
dont les éléments sont très serrés, très
rapprochés les uns des autres : De grands
lustres [...] éclairaient la foule sombre et
compacte (Tharaud). ∥ Une édition compacte, dont les caractères sont serrés,
qui renferme beaucoup de texte sous un
volume réduit : Une bible compacte en un
volume (Flaubert). ∥ 3. Par extens. et littér.
D’aspect ramassé, trapu : [Claudel] était de
taille médiocre, massif et même compact
(Duhamel). ∥ 4. Fig. Qui forme bloc ; qui
ne se laisse pas diviser ou entamer : Une
majorité compacte.
• SYN. : 1 dense, tassé ; 2 épais, pressé. —
CONTR. : 1 clair, lâche ; 2 clairsemé, dispersé,
éparpillé, épars.
compactage [kɔ̃paktaʒ] n. m. (de compact ; 1953, Larousse). Pilonnage du sol destiné à le tasser et à en accroître la densité.
compagne [kɔ̃paɲ] n. f. (fém. de
l’anc. franç. compain [v. COPAIN] ; XIIe s.,
Dialogues de saint Grégoire, aux sens 1-2 ;
sens 3, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 4,
1580, Montaigne ; sens 5, 1690 [d’après
Trévoux, 1704]). 1. Celle qui accompagne
quelqu’un. ∥ 2. Fille ou femme qui vit habituellement auprès d’une autre personne ou
qui partage ses occupations, ses jeux : Et
trois vierges, de grâce et de pudeur parées, |
De leurs compagnes entourées, | Paraissent
parmi les soldats (Hugo). Compagne de
classe, de jeux. ∥ Spécialem. Dans le style
relevé, épouse attachée à son époux et
qui passe sa vie auprès de lui : Je n’ai souhaité, moi, ni la douce compagne | Dont
les regards nous font un ciel dans la maison... (Banville). ∥ 3. Par extens. Celle qui
partage le même idéal, qui participe aux
joies, aux peines de quelqu’un : Compagne
d’infortune. ∥ 4. Fig. Se dit d’une chose
qui va de pair avec une autre et dont le
nom est féminin : La famine et la peste, sa
compagne ordinaire, firent d’effroyables
ravages (Mérimée). ∥ 5. Se dit aussi de la
femelle d’un animal.
• SYN. : 2 amie, camarade, copine (pop.).
compagnie [kɔ̃paɲi] n. f. (lat. pop.
*compania, compagnie, de cum, avec, et
panis, pain [v. COMPAGNON] ; v. 1050, Vie
de saint Alexis, au sens I, 1 ; sens I, 2-3,
1080, Chanson de Roland ; sens I, 4, fin du
XIIe s., Gace Brulé [de bonne compagnie] ;
sens II, 1-2, 1636, Monet ; sens III, 1, v. 1360,
Froissart ; sens III, 2, 1680, Richelet ; sens
IV, milieu du XVIe s., Amyot).
I. 1. Action de séjourner auprès de
quelqu’un ; présence auprès de lui : Rechercher la compagnie des honnêtes gens.
Votre compagnie m’est particulièrement
agréable. ∥ Tenir compagnie à quelqu’un,
rester auprès de lui : Je vais fumer sous ces
marronniers, avec ce brave Spark qui me
tiendra compagnie (Musset). ∥ Fausser
compagnie à quelqu’un, le quitter subrepticement : Il [...] faussa compagnie aux
hôtes du château [...] et se rendit lui-même
à la gare (Feuillet). ∥ Dame, demoiselle
de compagnie, personne dont la fonction
consiste spécialement à tenir compagnie
à une autre. ∥ En compagnie de, en même
temps que, avec : Nous nous empilâmes
dans la barque en compagnie d’un cheval blanc (Flaubert). ∥ De compagnie,
ensemble : À cinq lieues de Paris, il fut accosté par un vieillard [...]. Ils marchèrent
quelque temps de compagnie (Restif de La
Bretonne). On les voyait traverser de compagnie, le valet suivant le maître (Hugo).
∥ 2. Société constituée par la présence
d’une ou de plusieurs personnes autour
de soi : Le brave Risler, lui non plus,
n’était pas une compagnie bien égayante
(Daudet). ∥ Par anal. Animal qui accompagne quelqu’un ou vit habituellement
près de lui : Ce chat est sa seule compagnie. ∥ Fig. Se dit d’un objet qui distrait,
intéresse, occupe quelqu’un : Un livre est
une bonne compagnie. ∥ 3. Réunion de
personnes : C’était la première fois qu’elle
se voyait au milieu d’une compagnie
si nombreuse (Flaubert). Sous l’auvent
d’une cheminée gigantesque où la lampe
de cuivre pendait accrochée, une nombreuse compagnie se serrait devant un feu
clair de pieds d’oliviers, dont la flamme
irrégulière éclairait bizarrement les coiffes
pointues et les vestes de cadis jaune (Daudet). ∥ Class. Ensemble de compagnons :
[Telemachus] n’ose pas faire attendre sa
compagnie qui l’attend à Pylos (Racine).
∥ Bonsoir la compagnie, interpellation
familière. ∥ 4. Class. et littér. Assemblée
mondaine de gens se réunissant pour leur
plaisir : J’ai souffert qu’elle ait vu les belles
compagnies (Molière). Laurent, l’ayant
rencontrée par les champs, l’avait amenée
pour divertir la compagnie (Sand). ∥ La
bonne ou (vx) la haute compagnie, les
gens bien élevés et, généralement, d’un
niveau social élevé : La bonne compagnie
de l’endroit commençait à me trouver
jacobin (Stendhal). ∥ Être de bonne, de
mauvaise compagnie, témoigner d’une
bonne ou d’une mauvaise éducation.
II.1.Corps constitué, association de
personnes réunies pour une oeuvre commune, ou sous des statuts communs : Savez-vous que vous aviez bien grande mine,
le jour de Noël, à la tête de votre compagnie de la Chambre des comptes ? (Hugo).
La Compagnie des agents de change.
∥ Absol. La Compagnie, la Compagnie de
Jésus. ∥ L’illustre Compagnie, l’Académie
française. ∥ 2. Nom donné à certaines
sociétés commerciales, particulièrement
à celles qui exploitent un service public :
Compagnie d’assurances. Compagnie de
navigation. ∥ Et compagnie (abrégé en
et Cie), s’ajoute à une raison sociale pour
indiquer qu’il existe d’autres associés
qui ne sont pas nommés ; fam. et péjor.,
se dit pour insister sur une qualification,
en laissant sous-entendre tous les synonymes possibles : C’est jalousie et compagnie, débinage et prétention (Salacrou).
III. 1. Réunion, troupe de gens armés.
∥ Les Grandes Compagnies, troupes
d’aventuriers qui s’étaient formées pendant la guerre de Cent Ans. ∥ 2. Spécialem. Unité administrative et de combat
de l’infanterie et des armes anciennement à pied, commandée en principe par
un capitaine. ∥ Compagnies de discipline,
unités où, jusqu’en 1910, on incorporait
ceux qui, dans leur vie militaire avaient
encouru une condamnation. ∥ Compagnies républicaines de sécurité (C. R. S.),
unités de police créées en 1948 et chargées du maintien de l’ordre.
IV. Bande d’animaux, à poil ou à plume,
de même espèce, qui vivent en groupe :
Compagnie de sangliers, de perdreaux.
• SYN. : I, 1 fréquentation, société ; 2 compagne, compagnon, entourage, milieu ;
3 assemblée, assistance, cercle, réunion ;
4 société. ∥ II, 1 communauté. ∥ IV colonie, harde.
compagnon [kɔ̃paɲɔ̃] n. m. (lat. pop.
companionem, accus. de companio, de
cum, avec, et panis, pain, proprem. « qui
mange son pain avec » ; 1080, Chanson de
Roland, au sens 2 ; sens 1, 1549, R. Estienne ;
sens 3, fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens
4, 1690, Furetière ; sens 5, 1460, Lettres de
Louis XI ; sens 6, XVIIIe s., Brunot ; sens 7,
1866, Larousse). 1. Celui qui accompagne
quelqu’un : Compagnon de voyage.. Son
ami T..., qu’il choisissait pour compagnon
de route, l’attendait (Gide). ∥ 2. Celui qui
se trouve auprès d’une autre personne, qui
partage sa vie, ses occupations : Aucun des
compagnons de ma première enfance [...]
| N’avait ces traits si purs, ce front, cette
langueur (Lamartine). Un compagnon
d’armes, de captivité. Compagnon d’infortune, de misère. ∥ Un bon ou un franc
compagnon, un homme gaillard et plein
d’entrain, de gaieté : La gaieté du franc
compagnon y tempérait à propos la fierté
du noble (Gautier). Le chevalier, qui était
connu dans le pays pour un bon compagnon,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
805
ne pouvait paraître dans aucun lieu sans
éveiller des idées joviales (Feuillet). ∥ Un
hardi compagnon, un homme énergique et
cuonu hroagmemuxe. d∥onUtn i ld faanutg esree muxé fcioerm. p∥a3g.nPoanr,
extens. Animal qui vit avec quelqu’un et
lui tient compagnie : Elle a pour seul compagnon un chien fidèle. ∥ 4. Fig. Chose qui
va de pair avec une autre (et dont le nom
est masculin) : Je vis en société avec un
corps, compagnon muet, exigeant et éternel
(Delacroix). Le crime a pour compagnon
le remords. ∥ 5. Autref. Ouvrier qui avait
terminé son apprentissage, mais n’était
pas encore maître : Il était de règle que les
compagnons fissent leur tour de France.
∥ Auj. Ouvrier spécialisé, dans certaines
professions artisanales : De hardis compagnons sifflaient sur leur échelle (Sully
Prudhomme). Compagnon charpentier [...],
il était resté pendant deux mois à la charge
de sa famille (Maupassant). ∥ 6. Membre
d’une association de compagnonnage : Il
est compagnon du Devoir. Il a une grande
canne, avec de longs rubans (Vallès).
∥ 7. Grade dans la franc-maçonnerie.
• REM. C’est COMPAGNE qui sert de féminin à compagnon. Toutefois, COMPAGNONNE (fin du XVIe s., G. Bouchet) est
employé quelquefois dans une intention
plaisante : Une duègne, affreuse compagnonne, | Dont la barbe fleurit et dont le
nez trognonne (Hugo).
• SYN. : 2 ami, camarade, collègue, condisciple, copain (pop.), familier.
compagnonnage [kɔ̃paɲɔnaʒ] n. m. (de
compagnon ; 1719, Dict. général, au sens
2 ; sens 1, 1833, Michelet ; sens 3, 1752,
Trévoux). 1. Qualité de compagnon : Ce
compagnonnage de deux artistes qui
aiment profondément leur art (Bourget).
∥ 2. Autref. Temps pendant lequel un
ouvrier sorti d’apprentissage devait
travailler comme compagnon chez un
maître, avant de devenir maître lui-même.
∥ 3. Association d’ouvriers compagnons
d’un même corps de métier, à des fins
d’instruction professionnelle et d’assistance mutuelle : Il ne lui adressa plus la
parole que sur un ton familier et brutal,
que les ouvriers ont entre eux comme un
lien de compagnonnage (Daudet).
• SYN. : 1 amitié, camaraderie, familiarité,
intimité.
compagnonne n. f. V. COMPAGNON.
compagnonner [kɔ̃paɲɔne] v. intr.
(de compagnon ; 1611, Cotgrave). Vx. Être
compagnon de quelqu’un : Un camarade
de l’atelier avec lequel il compagnonnait
(Goncourt). Au temps où il compagnonnait
avec les hobereaux, il avait participé à ces
spacieux soupers (Huysmans).
compagnonnique [kɔ̃paɲɔnik] adj.
(de compagnon ; début du XXe s.). Relatif
au compagnonnage, aux associations de
compagnons : La confusion provient peutêtre du fait que G. s’est intéressé aux sociétés
compagnonniques, qui fleurissent encore
dans la région de Tours (Romains).
comparabilité [kɔ̃parabilite] n. f. (de
comparable ; 1863, Littré). Caractère de
choses comparables entre elles.
comparable [kɔ̃parabl] adj. (lat. comparabilis, de comparare [v. COMPARER] ;
v. 1200, Reclus de Moiliens). 1. Qui peut
être comparé avec : Quand tes grands yeux
[...] | Abaissent jusqu’à nous leurs aimables
rayons, | Comparable à ces fleurs d’été que
nous voyons | Tourner vers le soleil leur
fidèle corolle (Verlaine). Cette profession
des lettres, elle n’est en vérité comparable
à nulle autre (Duhamel). ∥ 2. Qui est égal,
semblable : On ne trouve rien de comparable
dans ce livre.
• SYN. : 1 analogue, approchant, assimilable, ressemblant, semblable ; 2 équivalent, identique, pareil, similaire, voisin.
— CONTR. : 1 inassimilable ; 2 contraire,
différent, dissemblable, opposé.
comparaison [kɔ̃parɛzɔ̃] n. f. (lat. comparatio, de comparatum, supin de comparare [v. COMPARER] ; v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence). 1. Action de rapprocher deux ou plusieurs êtres ou choses,
afin de noter leurs ressemblances ou leurs
dissemblances : La comparaison de deux
manuscrits d’une même oeuvre. Cette rapide
comparaison entre sa situation présente
et le but auquel il fallait parvenir contribua à le stupéfier (Balzac). ∥ Adverbes
de comparaison, ceux qui marquent un
rapport d’infériorité, d’égalité ou de
supériorité. ∥ Degrés de comparaison ou
de signification, v. DEGRÉ. ∥ Point, terme
de comparaison, chose qui a été choisie
pour être comparée à une ou plusieurs
autres, dont on veut établir la valeur par
rapport à elle. ∥ Sans comparaison (suivi
d’un superlatif), de beaucoup, infiniment :
Sa maison fut, sans comparaison, la plus
agréable de la ville (Stendhal) ; s’emploie
aussi comme formule de politesse, pour
atténuer une affirmation, avec la valeur
de « sans vouloir faire de rapprochement
désobligeant ». ∥ En comparaison de, en
comparaison, relativement à, par rapport
à : Qu’est-ce que la durée de la vie humaine
en comparaison de l’éternité ? Cet homme
très simple qu’au moins sa candeur décore
| En comparaison d’un monde autour que
Dieu déteste (Verlaine). ∥ Class. À comparaison de, par comparaison avec : L’empire
des Césars n’était-il pas une vraie pompe à
comparaison de celui-ci ? (Bossuet). ∥ Par
comparaison, si l’on compare à autre chose,
d’une manière relative : La plupart des
choses ne sont bonnes ou mauvaises que
par comparaison. ∥ Hors de comparaison,
au-dessus de tout. ∥ Entrer en comparaison
avec, être comparable à. ∥ 2. Procédé de
style qui consiste à établir un rapport entre
ce dont on parle et un terme analogique
auquel on le compare, dans une intention
de clarté ou de poésie, les deux termes étant
joints par un lien grammatical (comme,
ainsi que, tel, etc.) : La métaphore ou la
comparaison emprunte d’une chose étrangère une image sensible et naturelle d’une
vérité (La Bruyère). Cherchant à quelle comparaison je pourrais faire appel... (Gide).
(V. art. spécial.)
• SYN. : 1 collationnement, confrontation,
rapprochement ; 2 image, métaphore,
parabole.
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
LA COMPARAISON
On fait une comparaison dès que l’on
classe deux éléments dans le même ensemble, ou dans des sous-ensembles disjoints, c’est-à-dire dès qu’on établit entre
eux un point commun ou une différence
(laquelle suppose un point commun) :
Votre parapluie est semblable au
mien.
(Dans l’ensemble des parapluies, le vôtre
et le mien ont des caractères identiques.)
Allez donc plus loin.
(Dans l’ensemble des lieux, celui où je
veux vous voir est plus éloigné de moi que
celui où vous êtes.)
On compare des identités (Nous avons le
même député), des qualités (Nous avons
des parapluies très différents), des quantités (Il a moins d’enfants que moi). La
comparaison peut se superposer à toute
autre catégorie, par exemple :
— au temps :
Je l’inviterai avant les fêtes, avant
qu’il fasse froid.
Il n’est plus comme quand je l’ai
connu ;
— à la condition :
Faites comme si vous étiez chez vous ;
— à la conséquence :
Il parle trop vite pour qu’on suive son
idée.
La comparaison a beaucoup d’expressions sémantiques : elle est contenue dans
des mots de toutes classes, comme rivalité, abus, imitation, égal, différent, même,
autre, inférieur, ainsi, plus, autant, ressembler, valoir, dépasser. Aussi n’a-t-elle
souvent pas d’expression grammaticale
propre. Dans une phrase comme :
Mon parapluie ressemble au tien,
une comparaison est exprimée, mais le
pronom au tien, désignant le second élément du rapport, n’est pas appelé « complément de comparaison » : c’est simplement le complément d’objet du verbe
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
806
ressembler, lequel exprime lexicalement
toute la comparaison ; dans les groupes :
le rival de Paul,
une note inférieure à dix,
les noms Paul et dix ne sont pas appelés
« compléments de comparaison » : ce sont
respectivement les compléments du nom
rival et de l’adjectif inférieure.
La comparaison est souvent exprimée
dans un attribut (v. ce mot) :
Cet homme est un lion,
ou dans une apposition (v. ce mot), directe ou indirecte :
Les brebis s’en vont dans la neige
Flocons de laine...
(Apollinaire).
... sous l’auvent de sa coiffe blanche
(Courteline).
Dans tous ces cas, en effet, plusieurs éléments sont intégrés à un même ensemble,
en vertu d’un point commun qu’on laisse
à deviner.
Quelques adverbes
comparaison, mais
« circonstances »
desquelles on les
expriment aussi une
associée à d’autres
ou relations, sous le chef
range :
Vous arrivez tard : complément de
temps ;
Il écrit mieux : complément de
manière ;
Ils travaillent tous autant : complément de quantité ;
Un enfant très joueur : complément
de quantité.
Un usage invétéré, hérité de la grammaire
latine, veut que les groupes composés
de plus, moins, aussi, ou très suivi d’un
adjectif ou d’un adverbe, soient donnés
dans l’analyse grammaticale comme des
unités morphologiques appelées « comparatifs » (plus grand, lat. major) et « superlatifs » (très grand, lat. maximus). [V.
DEGRÉ.]
Toutes ces raisons font que l’emploi de
l’expression « complément de comparaison » est réduit à peu de chose dans
les manuels de grammaire. Ne l’appliquant pas aux compléments comme tard,
mieux, plus, qui indiquent le point de vue
de la comparaison, on la réserve à ceux
dont la fonction est de déterminer le « second élément » comparé :
Mon salaire est maigre à côté (ou
auprès, en comparaison, en regard)
du sien.
Le bénéfice est maigre comparativement aux dépenses engagées.
La langue classique employait près de, au
prix de :
Pour vous régler sur eux que sont-ils
près de vous ? (Racine).
Virgile, au prix de lui, n’a point
d’invention (Boileau).
Ces locutions prépositives sont construites
sur un mot exprimant le lieu ou le prix ; elles
peuvent l’être sur une idée de manière :
Elle écrit à la manière (façon, mode)
de George Sand,
d’où l’expression familière elliptique à
la :
Elle écrit à la George Sand.
Une barbe à la Dumolard.
L’ancien français usait, pour introduire le
second élément d’une comparaison après
les formes simples ou périphrastiques
dites « de comparatif », ainsi qu’après le
pronom-adjectif même, de la préposition
de :
Meillor vassal n’out en la curt de lui
[Il n’y avait pas à la cour meilleur vassal
que lui] (La Chanson de Roland).
La construction se rencontre encore au
XVIe s. :
Il l’avoit veu faire aux autres plus
aagez de lui (Lemaire de Belges).
Exceptionnelle au XVIIe s. :
Je ne suis plus le même d’hier
(Molière),
elle peut être à l’origine des tours comme :
plus de dix hommes, moins de vingt minutes, et de la locution à moins de.
En fait, ce tour a subi dès l’ancien français
la concurrence, finalement victorieuse,
d’une construction toute différente, et
propre à la comparaison, où le second
élément est un mot simple introduit par
une conjonction : meilleur que lui, plus
âgés que moi, le même qu’hier. Ce type
de complément conjonctionnel remonte
théoriquement à une proposition, allégée
par économie :
Je ne suis plus le même que (j’étais)
hier.
L’avantage de la conjonction est de pouvoir se superposer à la préposition, ce qui
permet de présenter le second élément
dans une fonction non ambiguë :
Je lui ai donné un livre moins beau
qu’à toi
(*moins beau de toi serait équivoque).
La conjonction permet aussi d’exprimer
un second élément constitué de plusieurs
membres :
Cette robe lui va aussi bien qu’un
tablier à une vache.
La dénomination de tels compléments a
souvent embarrassé les grammairiens.
Dans le dernier cas, on ne peut parler
que d’une « proposition elliptique », où
tablier est sujet et vache complément d’attribution. Dans l’avant-dernier exemple,
le pronom toi, précédé de à, est encore assez clairement complément d’attribution
d’un verbe donner sous-entendu. Mais
on répugne à appeler « proposition elliptique » un mot seul comme le pronom lui
et l’adverbe hier dans meilleur que lui, le
même qu’hier. Si, d’autre part, on veut en
faire un simple « complément » — plusieurs disent « étalon » — du comparatif meilleur ou du pronom le même, on
se heurte vite à des problèmes de « support » ; il est évident que le support dudit
complément n’est pas le même dans deux
phrases comme :
1. Je n’ai pas de vassal meilleur que
lui.
2. J’ai obtenu un résultat meilleur
que lui.
Le minimum d’analyse, consciente ou
non, nécessaire pour comprendre ces
deux phrases oblige à voir dans le pronom
lui un sujet (par ellipse), ou du moins un
« étalon », opposé au premier terme je,
alors qu’il s’oppose dans la phrase 1 au
complément d’objet vassal. Se contenter
de dire « complément de comparaison »
ou « étalon », sans plus, n’est qu’éluder la
difficulté, qui est liée à la nature même
de la comparaison : celle-ci implique un
parallélisme susceptible de mettre en jeu
tous les termes de la proposition ; l’étalon
est elliptique par une économie verbale
semblable à celle qui permet la coordination de deux sujets, de deux compléments
d’objet, etc. :
J’ai reçu une lettre et (j’ai reçu) un
paquet.
LES PROPOSITIONS COMPARATIVES
I. SYSTÈMES PARALLÈLES
L’essence particulière de la comparaison fait que les phrases comparatives
se présentent souvent en « systèmes »
de propositions, liées entre elles par un
rapport bien difficile à classer soit dans
la coordination (on met quelq uefois et
devant le second membre), soit dans la
subordination :
Plus le fer est chaud, (et) plus il est
malléable.
L’égalité formelle des deux propositions
a incité nombre de grammairiens à voir
là soit deux indépendantes coordonnées,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
807
soit deux propositions solidaires dont
chacune présuppose l’autre. Qu’il existe
une hiérarchie fonctionnelle, cela n’est
pourtant pas douteux, car l’ordre ne peut
être inversé ; dire : Plus le fer est malléable,
plus il est chaud n’aurait guère de sens, ou
n’aurait pas le même sens. Dans tous ces
systèmes, la première proposition joue
le rôle d’étalon, et par là peut être tenue
pour subordonnée ; la seconde apporte
l’information qui motive la phrase, et
par là peut être donnée pour principale.
Ces systèmes sont caractérisés par
l’emploi de mots « corrélatifs », comme
plus (moins)... plus (moins), autant (aussi)... autant (aussi), meilleur... meilleur,
mieux... mieux, tel... tel :
Plus vous serez attentifs, mieux vous
comprendrez.
Tels ils étaient alors, tels je les vois
aujourd’hui (Duhamel).
Ces tours fleurissent dans les proverbes et
formules, souvent avec ellipse : Tel père,
tel fils. Ainsi dit, ainsi fait.
II. PROPOSITIONS CONJONCTIVES
1° Annoncées par un corrélatif.
Vous comprendrez d’autant mieux que
vous serez plus attentifs.
Je les vois aujourd’hui tels qu’ils
étaient alors.
Ces deux phrases rappellent les exemples,
donnés plus haut, de « systèmes parallèles », mais la proposition étalon y est
placée la seconde, introduite par que et
annoncée dans la principale par le corrélatif. Le mode est l’indicatif (ou le conditionnel, si l’action est soumise à une
condition donnée comme irréelle). Le
corrélatif est choisi selon le rapport qu’on
veut exprimer.
• RAPPORT D’ÉGALITÉ.
— En degré ou en quantité : aussi (devant un adjectif ou un adverbe), autant
(auprès d’un verbe), autant de (devant un
nom) :
Le prince fut aussi vite calmé qu’il
avait été irrésistiblement enivré
(G. Ohnet).
Le mot complémenté par le corrélatif est
souvent représenté par le pronom neutre
le :
C’est une aventure aussi triste pour
moi que celle des moulins à vent le fut
pour Don Quichotte (Mérimée).
Après une négation, aussi, autant peuvent
être remplacés par si, tant :
On n’est jamais si heureux ni
si malheureux qu’on pense (La
Rochefoucauld).
— En identité ou en qualité : même (pronom ou adjectif), tel (attribut du sujet ou
de l’objet, ou épithète) :
Il peint avec la même sécheresse qu’il
parle.
Il est resté tel que nous l’avons connu.
Je suis souvent consulté par le ministère du Commerce, tel que vous me
voyez (Steve Passeur).
• RAPPORT D’INÉGALITÉ.
— En degré ou en quantité : plus, moins,
mieux, pis, meilleur, moindre, plutôt.
L’inégalité est ordinairement soulignée
devant le verbe subordonné par le mot ne,
qui, dans cette fonction, n’est pas négatif
(on peut l’appeler « ne expressif » en référant à son origine) :
Paris était alors plus aimable qu’il
n’est aujourd’hui (A. France).
Le pronom neutre le est employé comme
dans l’égalité :
Elle est moins riche que je ne (le)
croyais.
Il travaille moins qu’il ne veut (le)
faire croire.
Après une principale négative ou interrogative, ne est facultatif, mais plus rare :
Paris n’était pas plus aimable qu’il
l’est aujourd’hui.
— En identité ou en qualité : autre,
autrement. Le ne expressif et le pronom
neutre le sont usuels :
Il m’a donné autre chose que je
n’aurais voulu.
Il a répondu autrement que je ne
l’aurais fait.
Ces propositions, quand leur contenu s’y
prête, sont réduites par ellipse, donnant
naissance aux compléments « étalons »
dont nous avons parlé plus haut : autant
qu’hier, meilleur que toi, etc. Le terme
auquel elles sont réduites peut être une
proposition subordonnée commençant
par si, quand, lorsque :
Je suis sûr que le chat ne pense pas ;
pourtant il a l’air aussi profond que
s’il pensait (J. Renard).
2° Sans corrélatif.
Des subordonnées comparatives sans
corrélatif peuvent être introduites par
comme, ainsi que (littér.), de même que
(littér.) ; elles précèdent ou suivent la
principale, et leur mode est l’indicatif
(éventuellement le conditionnel) :
Comme il sonna la charge, il sonne la
victoire (La Fontaine).
Il vous traite comme il traiterait son
propre fils.
Les corrélatifs ainsi ou de même peuvent
apparaître dans la principale, si elle suit
la subordonnée (emploi littéraire) :
De même qu’il y a en Balzac autre
chose qu’un réaliste, ainsi George
Sand ne s’est pas confinée dans le pur
idéalisme (Lanson).
Ces propositions peuvent exprimer une
conformité aperçue entre deux actions
(comme dans l’exemple de La Fontaine),
ou une manière :
Elle redescendit l’escalier comme on
fuit un incendie (R. Martin du Gard).
Il n’est pas rare qu’elles se rapportent à un
substantif, qu’elles qualifient :
C’est plein de livres comme tu les
aimes (t’Serstevens).
Le nom qualifié peut être représenté par
en dans la subordonnée :
De solides études comme on n’ en fait
plus maintenant (Daudet).
Ces propositions subissent les mêmes réductions que les propositions introduites
par que, et donnent des compléments de
manière ou de qualité : Il courait comme
un fou ; jolie comme tu (l’)es, comme toi ;
un homme comme lui ; l’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours. On
tombe dans la simple coordination avec
des phrases du type :
Paul, ainsi que Gérard, a (ont) donné
sa (leur) démission.
Comme que, ces conjonctions peuvent
être suivies de si, quand, lorsque :
Elle vécut jusqu’au soir comme si
elle était grise, sans savoir ce qu’elle
faisait (Maupassant).
La réduction des subordonnées comparatives avec ou sans corrélatif ne vise pas
seulement une économie de mots, elle
évite une répétition désagréable :
Il courait comme (court) un fou.
Il vous regarde comme une vieille fille
(regarde) son confesseur (P. Mille).
Le même effet est obtenu, avec plus de
clarté, par l’emploi des représentants
comme le et en (v. plus haut) et comme le
verbe substitut faire :
Il courait comme fait un fou.
L’oncle regarda son neveu avec un
certain plaisir, comme il eût fait un
beau cheval (Aragon).
Il me secoua comme on fait d’un
prunier (Vercors).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
808
Comme, ainsi que et de même que
peuvent être remplacés dans beaucoup de leurs emplois par tel que
(littér.) :
Tels que la haute mer contre les durs
rivages,
À la grande tuerie ils se sont tous rués
(Leconte de Lisle).
Tel sans que peut jouer le même rôle,
accordé avec l’un ou l’autre des noms
mis en comparaison :
Sa voix claque, telle (ou tel) un fouet.
3° Progression proportionnelle.
Une idée de comparaison s’ajoute à celle
d’une progression d’intensité dans un
type de phrase contenant la conjonction
que annoncée par d’autant plus (moins) et
suivie de plus (moins) :
La déception fut d’autant plus rapide
que l’espoir avait été plus grand
(Troyat).
A ces deux idées s’ajoute une idée temporelle avec à mesure que :
A mesure qu’on approchait de l’eau,
le sable devenait plus dur (Troyat).
HISTORIQUE
Sans revenir sur la construction ancienne
de l’ « étalon » avec de (meillor de lui), on
étudiera ici les formes propositionnelles
de la comparaison.
I. SYSTÈMES PARALLÈLES
Le latin connaissait un grand nombre
de systèmes corrélatifs adverbiaux (ut...
ita ; quemadmodum... sic ; quam... tam ;
quo ... eo) et adjectivaux (qualis... talis ;
quantus... tantus). Dans tous ces couples,
un des deux termes était marqué comme
subordonné, et, par suite, l’ordre était
susceptible d’inversion (talis... qualis).
L’ancien français a gardé de ces couples
les corrélatifs quant... tant :
Quant plus lou chastie et reprent,
Tant plus embrase et plus esprent
(Fabliaux, recueil de Méon).
Le couple corrélatif quo... eo, de rigueur
en latin devant les comparatifs, n’est
conservé qu’à moitié dans des phrases
comme :
Que plus vesqui la lasse fame,
Et plus ses maus li empira
(Gautier de Coincy).
Au lieu d’un adverbe continuant eo, c’est
la conjonction et qui marque ici la successivité logique de la principale. Cette
conjonction se rencontre aussi bien après
com, quant. etc. :
Comme il plus demanderent, et
moins en apristrent
(la Mort le roi Artu).
Quant je plus vous acoint, et je plus
vous truis faus
[Plus je vous fréquente, plus je vous
trouve fou] (Merlin).
L’indice initial de subordination se fait
moins fréquent si l’on passe de Joinville
à Froissart, et de Froissart à Commynes,
lequel écrit :
Plus il estoit embrouillé, et plus il
s’embrouilloit.
Cette possibilité s’est conservée jusqu’à
nos jours, malgré l’opposition des grammairiens. Racine, qui en usait dans les
Plaideurs :
Plus je vous envisage,
Et moins je reconnais, Monsieur,
votre visage,
fut l’objet d’une remarque de l’Académie,
plus tard d’une dissertation de l’abbé
d’Olivet. Le défaut de ce tour, obscurément senti et expliqué, était la confusion
entre la coordination, que et marque ordinairement, et la subordination, dont le
sentiment survit à la marque latine.
Le tour moderne purement paratactique
se rencontre quelquefois dans l’ancienne
langue :
Plus vont avant, plus sont chargié
(Fabliaux, recueil de Barbazan).
Mais il n’a connu de véritable développement qu’en moyen français. Sa régularité toute latine plut au XVIe et au XVIIe s.,
jusque dans ses formes les plus lourdes :
Tant plus y estudions, tant moins y
entendons (Rabelais).
Malherbe exigea un équilibre parfait,
barrant chez Desportes :
... qu’il croisse en rigueur, plus je luy
suis fidelle,
et aussi :
Ains s’affermit plus fort, plus il est
combatu,
parce que plus doit être répété, et placé
au début de chaque proposition. Ces
règles de symétrie seront généralement
observées, n’excluant pas l’emploi d’une
conjonction au premier terme, très goûté d’une société nourrie de rhétorique
latine :
D’autant plus que les choses sont de
conséquence,
d’autant plus nous avons besoin, etc.
(Bossuet).
Le de même que... de même des versions
latines (quemadmodum... ita) régnera
dans tous les ouvrages d’éloquence
jusqu’au XIXe s.
II. PROPOSITIONS CONJONCTIVES
Dans les systèmes inversés, tels que tam...
quam, tantus... quantus, talis... qualis, eo
modo... quo, le second élément a pour rôle
essentiel de marquer la subordination : la
réduction de quam, quantus, qualis, quo
à un subordonnant abstrait comme que
ne priverait la phrase d’aucune indication
utile. Cette réduction se fit entre le latin
et le français classique : elle était encore
incomplète en ancien français.
• Comme font aujourd’hui l’allemand
(wie/als) et l’anglais (as/than), l’ancien
français opposait, par l’emploi de com(e)
et que, les comparaisons d’égalité et
d’inégalité.
Com(e) était usité :
1° Dans les locutions soudées si com (=
comme), tant com (= autant que, aussi
longtemps que) :
Asne est fols par nature
Si cum dit escripture
(Ph. de Thaon, Bestiaire).
Tant com il furent là, on les fist
honorer
(Berte au grand pied) ;
2° Après les corrélatifs d’égalité si, autresi, aussi, einsi (ainsi), issi, ensement (ainsiment), autant, tant, itant, tel :
Si l’encaeinent altresi cum un urs
[Ils l’enchaînent comme un ours]
(La Chanson de Roland).
Einsi se vest con cele seut
[Elle s’habille comme celle-là en a
l’habitude] (Tristan de Béroul).
L’opposition de come et que se maintint
longtemps, malgré les empiétements fréquents de que dès l’ancienne langue :
La bouce avoit fresce et novele
Autresi que une pucelle
(Blancandrin).
et quelques emplois de comme après plus,
au XVIe s. :
Est-il antéchrist
Plus malin comme ces badins ?
(Marot).
Pourtant que tendait à se généraliser en
tête de la proposition étalon, ce qui simplifiait la construction dans des phrases
comme celle-ci :
Jamais ne feurent veuz chevaliers
tant preux, tant gualans, tant
dextres à pied et à cheval, plus vers,
mieulx remuans, mieulx manians
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
809
tous bastons, que là estoient (Rabelais, Gargantua).
On relève encore au XVIIe s. d’assez nombreux emplois du type ancien :
Il ne paroît pas que la paix soit si
proche comme je vous l’avois mandé
(Sévigné).
Autant l’hiver comme l’été (Racine,
lettre).
Mais ces constructions furent condamnées comme pléonastiques par Malherbe,
Vaugelas, Ménage, Th. Corneille, l’Académie. P. Corneille, rééditant ses oeuvres
en 1660, remplaça les comme incorrects
par que.
• Le milieu du XVIIe s. vit aussi répartir
les emplois de si, aussi, tant et autant.
Si conservait le sens originel du latin sic,
« ainsi », dans quelques formules affirmatives (si ai, si ferai), qui, détrônées par
le simple si (= « oui », répondant à une
question négative), furent condamnées
en 1693 par De Callières.
En corrélation avec que (comme), il exprimait, concurremment avec aussi, l’égalité en degré dans des phrases positives ou
interrogatives, aussi bien que négatives :
Il faut que le monde possède une vie
si utile et si belle que la vôtre (Guez
de Balzac).
Mais Rodrigue ira-t-il si loin que
vous allez ? (Corneille).
Cet emploi, fréquent chez Vaugelas, ne fut
critiqué que vers la fin du XVIIe siècle. Th.
Corneille et l’Académie imposèrent aussi
dans les phrases affirmatives. Si était jugé
d’un meilleur effet après la négation —
comme de nos jours — et dans l’interrogation — usage vieilli maintenant.
Tant en phrase positive se rencontrait encore au XVIe s. :
De tant loing que le vit Pantagruel, il
dit es assistans (Rabelais).
En 1607, Maupas admettait encore que
l’on dît : J’ay reçu du Roy tant (ou autant)
de faveurs que j’ay voulu ; mais, dans cet
exemple, tant portait sur une idée de
nombre, comme dans l’expression tous
tant que nous sommes ; c’est un cas où
nous l’employons encore, ainsi que devant le verbe pouvoir : Il travaille tant
qu’il peut. En dehors de ces deux cas,
l’usage était déjà de dire :
Ce diamant vaut autant que ce rubis.
Tant n’était admis, en concurrence avec autant, qu’après la
négation (comme aujourd’hui) ou
l’interrogation.
Les grammairiens se sont beaucoup plus
occupés de la distinction entre (aus)si et
(au)tant. Pour Maupas, si ne se construisait qu’avec les noms, les adjectifs et les
adverbes (si poète, si bon, si prudemment), y compris les participes à valeur
d’adjectif ; on ne devait pas dire : Un tel a
si beu qu’il en est yvre ; tant était permis
dans tous les cas. Oudin (1632) confirmait cette limitation de si, mais limitait
à son tour tant, interdisant : Il est tant
bon. L’usage moderne était défini, mais il
devait être enfreint assez souvent par les
plus grands écrivains du XVIIe s. :
Un jour autant heureux que je l’ai
cru funeste (Racine),
et jusqu’à Jean-Jacques Rousseau.
Encore est-il de règle d’employer autant
pour aussi quand il est séparé de l’adjectif, ou lui est postposé :
Je suis autant que vous curieux de le
savoir.
Je suis certain qu’elle est bonne
autant que belle.
• Le jeu des modes, jusqu’au XVIIe s.,
était moins étroitement grammaticalisé que de nos jours. On rencontre en
ancien français des subjonctifs dans les
comparatives :
— Soit que l’action soit donnée comme
irréelle, sens qu’exprimait l’imparfait du
subjonctif avant l’apparition du conditionnel (v. ce mot) :
Veient en mer une boche [une bosse],
Si cum ço fust une roche
(le Pèlerinage de saint Brendan).
Cet emploi, courant après come se
(= comme si), n’est que l’équivalent du
conditionnel moderne ;
— Soit qu’une indétermination plane sur
l’action :
Vus estes Deu. Jugiez vos plaiz si cum
vus place
[Jugez comme il peut vous plaire]
(la Vie de saint Thomas Becket).
On est sur la voie de la concession (v. ce
mot) ;
— Soit que l’auteur veuille restreindre
la réalité de l’action dans sa portée sur le
second terme (effet appuyant l’emploi du
ne « expressif ») :
Mais je vos aim plus que vos ne faciés
mi
(Aucassin et Nicolette).
Nicolette jette un doute sur l’amour
que lui porte Aucassin.
Les subjonctifs que l’on rencontre encore
assez abondamment au XVIIe s., quand ils
ne relèvent pas de l’irréel (usage conservé
de nos jours dans la langue littéraire),
marquent l’indétermination :
C’est un homme aussi vertueux que
j’en connaisse (Guez de Balzac).
ou une restriction :
Clarice est belle et sage
Autant que dans Paris il en soit de
son âge (Corneille, le Menteur).
Le personnage suggère qu’il n’en est pas
de telle. La nuance est la même dans la
formule conservée autant que je sache.
• Il est des cas où la conjonction que est
réclamée deux fois : par la comparaison
et par l’introduction d’une subordonnée
complément d’objet ; là où l’allemand
dispose de als dass, l’anglais de than that,
le français devrait dire que que, emploi
dont on n’a que peu d’exemples en ce
sens, et tous d’ancien français.
Une autre solution a été longtemps préférée, la suppression d’un des deux que :
Mielz voeill murir qu’entre paienz
remaigne
[J’aime mieux mourir que rester
parmi les païens] (la Chanson de
Roland).
La langue classique connaît encore cette
haplologie :
Est-il rien de plus évident que nous
sommes toujours hors de nous ?
(Bossuet).
En moyen français apparut une solution
plus analytique :
Il n’estoit rien au monde dont le
roy ait plus grand paour que ce
qu’il lui eschappast quelque mot
(Commynes).
Cette locution, au dire de Vaugelas,
vieillissait à l’époque classique, où elle
fut concurrencée par que de ce que, que
non pas que :
Ce n’est pas tant la mort qui me fait
fuir que de ce qu’il est fâcheux à un
gentilhomme d’être pendu (Molière).
Ils jugent plus sûr que Dieu approuve
ceux qu’il remplit de son esprit que
non pas qu’il faille observer la loi
(Pascal).
De tout temps, on a su tourner moins
lourdement la difficulté en transformant
la proposition complétive en conditionnelle ou en infinitive :
J’aime mieux qu’il nous accompagne
que s’il restait seul.
J’aime mieux qu’il nous accompagne
que (de) le laisser seul.
L’histoire des marques de la comparaison
laisse l’impression d’une évolution cohé-
rente : pas de refonte fondamentale, mais,
au niveau du XVIIe s., la recherche d’une
abstraction plus parfaite du côté de la
conjonction (emploi généralisé de que) et
un partage plus rigoureux des rôles entre
les adverbes concurrents.
La nature très particulière de la relation
en cause entraîne une forme de complédownloadModeText.vue.download 96 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
810
mentation déroutant l’analyste qui voudrait retrouver les structures habituelles.
Auxiliaire indispensable du mathématicien, qui ne manipule les nombres et les
ensembles que pour formuler des identités, des différences et des proportions,
la comparaison offre, à l’opposé, au poète
et au romancier le moyen d’exprimer les
mille intuitions de leur vue personnelle
du monde, en même temps qu’à l’homme
de la rue un stock souvent renouvelé de
formules vigoureuses et humoristiques,
pour suggérer manières et qualités.
comparaître [kɔ̃parɛtr] v. intr. (réfection, d’après paraître, de l’anc. franç.
comparoir [v. ce mot] ; début du XVe s.).
[Conj. 58.] Se présenter par ordre devant
un magistrat, un officier ministériel, un
tribunal : Trois heures après, nous comparûmes devant un juge d’instruction
(Nerval). ∥ Par extens. Comparaître devant
Dieu, après la mort, comparaître devant le
tribunal de la justice divine, pour répondre
de ses actes : Il va répondre et comparaître |
Devant Dieu qui le fit naître (Hugo).
comparant, e [kɔ̃parɑ̃, -ɑ̃t] adj. et
n. (part. prés. de comparoir ; XIVe s.,
Godefroy). Qui comparaît en justice ou
devant un officier ministériel : La partie
comparante. Les comparants.
comparateur [kɔ̃paratoer] n. m. (de
comparer ; 1845, Bescherelle). Instrument
de précision permettant d’effectuer, par
comparaison après étalonnage, la mesure
d’une longueur en l’amplifiant beaucoup.
comparatif, ive [kɔ̃paratif, -iv] adj. (lat.
comparativus, de comparatum, supin de
comparare [v. COMPARER] ; 1290, Drouart
la Vache, au sens 1 ; sens 2, 1495, J. de
Vignay ; sens 3, 1680, Richelet). 1. Qui
établit une comparaison entre deux ou
plusieurs choses : Le tableau comparatif
des résultats obtenus par une société durant
les dix dernières années. La méthode comparative. ∥ 2. Relatif, proportionnel :
Les forces comparatives des deux armées.
∥ 3. En grammaire, qui marque, exprime
une comparaison : « Moins » est un adverbe
comparatif ∥ Subordonnée comparative,
proposition subordonnée de comparaison.
% comparatif n. m. (1680, Richelet). Degré
de signification de l’adjectif ou de l’adverbe
exprimant la supériorité, l’infériorité ou
l’égalité d’une qualité par rapport à une
autre qualité ou à la même considérée chez
un autre : « Plus grand », « moins grand »,
« aussi grand » sont les divers comparatifs de l’adjectif « grand ». (V. art. spécial
DEGRÉ.) ∥ Complément du comparatif, deuxième terme de la comparaison, introduit
en français par la conjonction que. (Ex. :Il
est plus jeune QUE SON FRÈRE.)
comparatiste [kɔ̃paratist] n. (dér. savant
de comparer ; fin du XIXe s.). Spécialiste de
la méthode comparative en grammaire ou
en littérature.
comparativement [kɔ̃parativmɑ̃] adv.
(de comparatif ; 1556, Godefroy). Par comparaison : Une espèce de matelas comparativement moelleux (Gautier). Il faut donc
bien observer comparativement ce que nous
faisons de nos enfants, et ce qu’en font les
autres nations, et songer aux conséquences
possibles de ces éducations dissemblables
(Valéry). ∥ Comparativement à, en comparaison de : Cet enfant, débarbouillé, devint
charmant, et la vie qu’il menait chez moi
lui semblait un paradis, comparativement
à celle qu’il aurait subie dans le taudis
paternel (Baudelaire). Qu’est-ce que cela
comparativement au reste ? (Flaubert).
comparé, e [kɔ̃pare] adj. (part. passé de
comparer). Anatomie comparée, étude fondée sur la comparaison des organes des différentes espèces d’animaux. ∥ Grammaire
comparée, branche de la grammaire qui
étudie les rapports des langues entre
elles. ∥ Littérature comparée, branche de
l’histoire littéraire qui étudie les rapports
existant entre les littératures des différents
pays.
comparer [kɔ̃pare] v. tr. (lat. comparare,
apparier, comparer, de compar, égal, pareil ;
v. 1200, Reclus de Moiliens). 1. Rapprocher
deux ou plusieurs êtres ou choses afin
d’établir ce qu’ils ont de semblable ou
de différent : Et si je compare ma vie à la
tienne, je ne saurais dire laquelle est préférable en soi (France). Je vous l’ai déjà dit,
le nombre et l’importance des nouveautés
introduites en si peu d’années dans l’univers
humain a presque aboli toute possibilité de
comparer ce qui se passait il y a cinquante
ou cent ans avec ce qui se passe aujourd’hui
(Valéry). ∥ 2. Rapprocher dans l’intention
de découvrir un rapport d’égalité ou de
faire ressortir les mérites respectifs : Il compara cette voiture à l’un des plus élégants
coupés de Paris (Balzac). Ces études leur
paraissaient quelque chose de tout à fait bas,
comparées aux exercices littéraires qu’on
leur présentait comme le but suprême de
l’esprit humain (Renan). ∥ 3. Établir un
rapprochement entre deux êtres ou deux
choses par souci de clarté, de pittoresque
ou de poésie : Il faudrait vous figurer le
lys auquel mon coeur l’a sans cesse comparée, broyé dans les rouages d’une machine
(Balzac).
• REM. Comparer avec indique un examen plus détaillé que comparer à.
comparoir [kɔ̃parwar] v. intr. (lat. jurid.
médiév. comparere, comparaître [en lat.
class., « apparaître »] ; v. 1300, Coutumes
d’Artois). Vx. Comparaître en justice :
Être sommé de comparoir. Que le sieur
de Navailles fût ajourné à comparoir en
personne à ladite cour (Retz). Cité à comparoir : Tartarin de Tarascon, le duc de
Mons — mais ça m’étonnerait bien qu’il
comparoisse ! (Daudet).
• REM. Ce verbe est usité seulement dans
la langue juridique, à l’infinitif et au participe présent : comparant. On le remplace de plus en plus par comparaître.
comparse [kɔ̃pars] n. f. (ital. comparsa,
apparition, personnage muet dans une pièce
de théâtre, part. passé fém. de comparire,
apparaître, se faire voir, lat. comparere,
apparaître ; 1669, Ménestrier, au sens 1 ;
sens 2, début du XVIIIe s., Saint-Simon).
1. Class. Entrée des quadrilles dans un
carrousel : Les trois quadrilles et toutes
leurs comparses (Saint-Simon). ∥ 2. Class.
Action de figurer dans une cérémonie :
On laisse à penser quel effet opéra une telle
comparse (Saint-Simon).
% n. (sens 1, début du XVIIIe s., Saint-Simon ;
sens 2, 1798, Acad. ; sens 3, 1866, Larousse).
1. Class. Personne qui figure dans un carrousel. ∥ 2. Personnage entièrement muet
ou qui joue un rôle infime dans une pièce
de théâtre : Cette pièce [...] avait été composée pour le début de Florine, jusqu’alors
comparse à la Gaîté (Balzac). La Pérouse
eut un sursaut d’impatience, comme un
acteur à qui quelque comparse maladroit
couperait un effet (Gide). ∥ 3. Personne qui
joue un rôle insignifiant dans une affaire,
qui assiste à quelque chose plutôt qu’elle
n’y participe : Mais Rosalie ne pouvait souffrir ce comparse de son bonheur (Daudet).
C’était un de ces êtres de second plan qui
semblent ne figurer dans la vie qu’en comparse et pour grossir un nombre (Gide).
• SYN. : 2 figurant.
compartiment [kɔ̃partimɑ̃] n. m.
(ital. compartimento, de compartire, partager, du lat. cum, avec, et partire, partager ; 1546, Rabelais, aux sens 1-2 ; sens 3,
1749, Havard ; sens 4-5, 1866, Larousse).
1. Division d’une surface par la disposition régulière et symétrique de lignes : Les
compartiments d’un damier, d’un parterre.
∥ 2. Ensemble de lignes formant un motif
décoratif répété ou alterné : Plafond, dallage à compartiments. ∥ Spécialem. Dorure
à compartiment, dorure présentant un
décor de petits fers groupés dans des compartiments formés par des jeux de filets.
∥ 3. Chacune des divisions d’un objet,
surtout d’un meuble, obtenues au moyen
de cloisons : À l’un des murs [de la salle]
est appliqué un casier à compartiments où
se placent, roulées dans leurs ronds numérotés, les serviettes des habitués (Bourget).
∥ 4. Spécialem. Partie d’une voiture de
chemin de fer limitée par des cloisons,
et comportant banquettes, filets, etc. : À
la station de Reims, deux jeunes gens [...]
entrèrent dans son compartiment (France).
∥ 5. Fig. Division, partie, catégorie : Il ne
s’agit pas de diviser sa vie en deux parts,
en compartiments tantôt politique, tantôt
littéraire (Barrès). La vie passe et repasse
de la molécule à la micelle, et de celle-ci
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
811
aux masses sensibles sans avoir égard aux
compartiments de nos sciences (Valéry).
• SYN. : 1 case ; 2 caisson ; 3 alvéole, case,
casier, cellule ; 5 section, subdivision.
compartimentage [kɔ̃partimɑ̃taʒ] n.
m. (de compartimenter ; 1898, Larousse).
Action de compartimenter ; résultat de
cette action (au pr. et au fig.) : Au compartimentage européen qui caractérise la
deuxième partie du XIXe siècle va succéder
une ère de vastes et tendres curiosités, de
haines attentives (Morand).
• SYN. : cloisonnement.
compartimenter [kɔ̃partimɑ̃te] v.
tr. (de compartiment ; fin du XIXe s.).
1. Diviser en compartiments (surtout au
participe passé) : Un meuble de bureau
compartimenté. ∥ 2. Fig. Séparer, diviser
comme par des cloisons : L’enseignement
secondaire, aujourd’hui compartimenté de
manière si complexe, n’admettait alors que
deux branches, la classique et la moderne
(Duhamel). Alexandre le Grand avait fait
sauter toutes les cloisons qui compartimentaient l’Orient (Morand).
• SYN. : 2 cloisonner.
comparution [kɔ̃parysjɔ̃] n. f. (de comparaître, d’après le part. passé comparu ;
1453, Bartzsch). Action de comparaître en
justice ou devant un officier ministériel :
Faire acte de comparution.
compas [kɔ̃pɑ] n. m. (déverbal de
compasser [v. ce mot] ; début du XIIe s.,
Pèlerinage de Charlemagne, au sens I, 3 ;
sens I, 1, XIIe s. ; sens I, 2, 1680, Richelet ;
sens I, 4-5, début du XIXe s. ; sens II, fin
du XVIe s.).
I. 1. Instrument de tracé ou de mesure,
composé de deux branches articulées
à une de leurs extrémités : Une boîte de
compas. Le compas du géomètre. Mesurer au compas. ∥ Compas d’épaisseur,
compas dont les branches sont recourbées de manière à pouvoir mesurer des
épaisseurs, des calibres. ∥ Compas de
réduction, compas qui sert à reporter
directement les dimensions à une échelle
donnée. ∥ Compas à verge, compas dont
la pointe et le traceur glissent sur une
barre horizontale. ∥ Fig. Au compas,
avec une grande exactitude et un soin
méticuleux. ∥ Fam. Avoir le compas
dans l’oeil, évaluer correctement à l’oeil
les dimensions, les distances, les proportions. ∥ 2. Par anal. Nom de divers instruments servant à prendre des mesures :
Compas de cordonnier, de chapelier.
∥ 3. Système de mesure ; mesure : Une
géométrie trop vaste et trop compliquée
pour le compas humain (Baudelaire).
∥ 4. Pop. Paire de jambes ; ouverture des
jambes dans la marche. ∥ Ouvrir le compas, marcher : Pendant que chaque soldat
ouvrait le compas, pour employer l’expression du commandant (Balzac). ∥ Allonger
le compas, hâter le pas : L’Anglais avait
devancé la compagnie, en allongeant le
compas de ses maigres jambes de grand
échassier (Bourget). ∥ 5. Fig. Ouverture
de l’esprit, intelligence : Regnard était un
des hommes d’alors qui, dans sa vue du
monde, avait le plus ouvert son compas
(Sainte-Beuve).
II. Boussole marine : L’aiguille du compas
demeure assez constante, tandis que la
route varie (Valéry).
compassage [kɔ̃pasaʒ] n. m. (de compasser ; 1863, Littré). Action de compasser ;
division ou mesurage au compas. (On dit
aussi COMPASSEMENT.)
compassé, e [kɔ̃pase] adj. (part. passé
de compasser ; 1690, Furetière). Qui présente une raideur exagérée ; qui manque
de spontanéité, qui est affecté : [Restif] le
socialiste, dont la hardiesse étonnait l’esprit
compassé de Sieyès (Nerval). Un tout petit
monsieur en redingote noisette, vieux, sec,
ridé, compassé (Daudet). Autant l’accueil
du duc de Guermantes était, quand il le
voulait, aimable, empreint de camaraderie, cordial et familier, autant je trouvai
celui du prince compassé, solennel, hautain
(Proust). Des manières compassées. Un style
compassé.
• SYN. : apprêté, contraint, gourmé, guindé,
raide. — CONTR. : familier, franc, libre, naturel, rond (fam.), simple, spontané.
compassement [kɔ̃pasmɑ̃] n. m.
(de compasser ; fin du XIIe s., Roman
d’Alexandre, au sens 1 ; sens 2, 1863, Littré).
1. Action de compasser, de mesurer au
compas : Le compassement d’une carte. (On
dit aussi COMPASSAGE.) ∥ 2. Fig. Caractère
de ce qui est compassé, trop étudié et froid :
Le compassement d’un discours.
• SYN. : 2 affectation, apprêt, contrainte, raideur. — CONTR. : 2 aisance, naturel, rondeur
(fam.), simplicité, spontanéité.
compasser [kɔ̃pase] v. tr. (lat. pop.
compasser [kɔ̃pase] v. tr. (lat. pop.
*compassare [de cum, avec, et passus, pas],
proprem. « mesurer avec le pas » ; v. 1155,
Wace, au sens 1 ; sens 2, 1630, Corneille
[devient péjor. au XVIIIe s.] ; sens 3, 1660,
Molière ; sens 4, 1680, Richelet). 1. Class.
et littér. Mesurer au compas, et, par
extens., mesurer, établir avec exactitude,
minutie : Il a exactement compassé les
distances dans cette carte (Acad., 1694).
Les jardins monarchiques et compassés
de Le Nôtre (Taine). ∥ 2. Class. Disposer,
régler minutieusement, sans rien laisser
à la spontanéité : Tous les arrangements
ont été justes et si bien compassés, qu’il n’y
a pas eu de moment de perdu (Sévigné).
∥ 3. Class. Considérer, peser : Quant à
moi, je trouve, ayant tout compassé, | Qu’il
vaut mieux être encor cocu que trépassé
(Molière). ∥ 4. En reliure, marquer au dos
d’un volume assemblé l’emplacement des
nerfs ou des grecques.
compassier [kɔ̃pasje] n. m. (de compas ;
1866, Larousse). Mécanicien en instruments de précision, chargé de la réalisation
ou de la réparation des compas.
compassion [kɔ̃pasjɔ̃] n. f. (lat. impér.
compassio, de compassum, supin de compati, souffrir avec ; v. 1190, Sermons de
saint Bernard, au sens 1 ; sens 2, 1771,
Trévoux). 1. Sentiment douloureux que
provoque en nous la vue des souffrances
d’autrui, et qui nous porte à les partager : Sa famille n’eut, pour subsister, que
la compassion des bonnes gens (Courier).
∥ 2. Spécialem. Compassion de la Sainte
Vierge, fête célébrée par l’Église le vendredi
de la Passion, en mémoire des douleurs de
la Sainte Vierge.
• SYN. : 1 apitoiement, commisération,
miséricorde, pitié. — CONTR. : 1 cruauté,
dureté, froideur, indifférence, inhumanité,
insensibilité, sécheresse.
compaternité [kɔ̃patɛrnite] n. f. (de
co[m]- et de paternité ; 1495, J. de Vignay).
En termes de droit canonique, parenté
spirituelle que le parrain et la marraine
contractent avec leur filleul.
• REM. On dit aussi COPATERNITÉ.
compatibilité [kɔ̃patibilite] n. f. (de
compatible ; v. 1570, Pasquier). Caractère,
état d’une chose compatible avec une autre :
Compatibilité d’humeur. Compatibilité de
deux fonctions.
• SYN. : accord, concordance, convenance, harmonie. — CONTR. : désaccord,
incompatibilité.
compatible [kɔ̃patibl] adj. (dér. savant
du lat. compati, souffrir avec ; 1447,
Ordonnance royale). Se dit d’une chose qui
peut exister en même temps qu’une autre,
s’accorder avec une autre : Paul Visire fit
une déclaration rassurante, promit de maintenir une paix compatible avec la dignité
d’une grande nation (France).
• SYN. : conciliable. — CONTR. : incompatible, inconciliable.
compatir [kɔ̃patir] v. tr. ind [à, avec]
(lat. impér. compati, souffrir avec ; 1549,
R. Estienne, aux sens 1-2 ; sens 3, 1635,
Monet). 1. Class. Exister en même temps,
se concilier, en parlant de choses : Des
plaisirs si chastes peuvent compatir avec
le carême (Guez de Balzac). ∥ 2. Class.
Vivre en bonne intelligence, s’accorder,
en parlant de personnes : [Nemours et
Beau-fort] ne pouvaient compatir ensemble
(La Rochefoucauld). ∥ 3. Participer,
prendre part à la souffrance d’autrui : Il
n’avait pas souffert et ne savait point compatir aux souffrances (France). Mais moi
qui le connais un peu, je souffre avec lui. Je
compatis (Duhamel).
• SYN. : 3 s’apitoyer, s’attendrir.
compatissance [kɔ̃patisɑ̃s] n. f. (de
compatissant ; 1833, Balzac). Sentiment
d’une personne qui compatit (peu usité) :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Ma traversée de Namur fut pénible : j’allais, m’appuyant contre les maisons. La
première femme qui m’aperçut sortit de
sa boutique, me donna le bras avec un air
de compatissance, et m’aida à me traîner
(Chateaubriand). La compatissance et la
tendresse d’une jeune fille possèdent une
influence vraiment magnétique (Balzac).
compatissant, e [kɔ̃patisɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(part. prés. de compatir ; 1699, Fénelon, au
sens 1 ; sens 2, 1740, Acad.). 1. Se dit d’une
personne qui est portée à compatir aux
souffrances d’autrui : Elle était compatis-
sante et [...] elle plaignait ceux qui avaient
le malheur d’être mauvais (France). ∥ 2. Se
dit de ce qui est inspiré par la compassion :
Et bientôt je me sentis entourée d’une
sympathie compatissante qui me semblait
plus pénible que tout (Daudet). Des soins
compatissants.
• SYN. : 1 charitable, humain, miséricordieux, sensible, tendre. — CONTR. : 1 cruel,
dur, froid, indifférent, inhumain, insensible, sec.
compatriote [kɔ̃patrijɔt] n. (bas lat.
compatriota, de cum, avec, et patriota, qui
est du pays [v. PATRIOTE] ; 1396, Fagniez
[1465, Bartzsch, comme adj.]). 1. Personne
qui, par rapport à une autre, a la même
nationalité : Beaucoup d’écrivains [...]
ont accusé les ecclésiastiques espagnols
d’avoir excité leurs compatriotes à massacrer ces peuples innocents (Chateaubriand).
∥ 2. Personne qui est de la même région,
de la même cité, du même village : Ah ! le
proverbe qui dit : « Nul n’est prophète... » est
certainement vrai des artistes, des poètes,
dont les compatriotes sont toujours les derniers à reconnaître la supériorité (Daudet).
• SYN. : 2 concitoyen, pays (fam.).
compa t riotis me [kɔ̃patrijɔtism]
n. m. (de compatriote ; v. 1840, d’après
Bescherelle, 1845). État de ceux qui sont
originaires du même pays, de la même
région (rare) : En voyant Lucien courtisé
par la marquise d’Espard, Rastignac vint
se recommander de leur compatriotisme
(Balzac).
compendieusement [kɔ̃pɑ̃djøzmɑ̃]
adv. (de compendieux ; v. 1282, Gauchi).
Brièvement, succinctement : « Vous vous
serez trompée, ma fille », répondit Barbe,
compendieusement et les yeux baissés avec
discrétion (Barbey d’Aurevilly).
• REM. Cet adverbe est souvent pris dans
le sens de « longuement, abondamment »
(depuis 1862, Goncourt). Cette interprétation est sans doute imputable à la longueur et à la lourdeur du mot lui-même :
Il se livra longuement et compendieusement à la confection d’un de ces lavements
(Goncourt).
compendieux, euse [kɔ̃pɑ̃djø, -øz] adj.
(lat. compendiosus, abrégé, de compendium
[v. ce mot] ; v. 1395, Chr. de Pisan). 1. Qui
s’exprime en peu de mots ; qui est bref : Peu
parleur et compendieux quand il se mettait
à parler (Barbey d’Aurevilly). ∥ 2. Qui est
dit en peu de mots, résumé : Les formules
algébriques ne sont pas la vérité, mais
une expression compendieuse de la vérité
(Bossuet).
• SYN. : 1 concis, laconique ; 2 bref, condensé,
lapidaire, ramassé, succinct. — CONTR. : 1
prolixe, verbeux ; 2 délayé (fam.), détaillé,
diffus.
compendium [kɔ̃pɛ̃djɔm] n. m. (mot lat.
signif. « économie, abréviation », de compendere, de cum, avec, et pendere, peser ;
1584, Benedicti). 1. Résumé de l’ensemble
d’une science, d’une doctrine : Un compendium de médecine, de philosophie.
∥ 2. Résumé en général : L’essai offre le
compendium de mon existence, comme
poète, moraliste, publiciste et politique
(Chateaubriand). La médecine étant un
compendium des erreurs successives et
contradictoires des médecins, en appelant
à soi les meilleurs d’entre eux, on s’aperçoit
qu’on a grande chance d’implorer une vérité
qui sera reconnue fausse quelques années
plus tard (Proust).
• SYN. : 1 abrégé, condensé, épitomé, précis ;
2 digest, mémento, sommaire.
compénétration [kɔ̃penetrasjɔ̃] n. f.
(de compénétrer ; 1836, Acad.). Action de se
pénétrer mutuellement : La compénétration
de l’âme et du corps (Littré).
compénétrer (se) [səkɔ̃penetre] v.
pr. (de com- et de pénétrer ; 1836, Acad.,
comme v. tr. ; 1922, Larousse, comme v.
pr.). 1. Se pénétrer mutuellement : Deux
mondes qui se compénétrèrent (Valéry).
∥ 2. Sortir de son propre domaine pour
empiéter sur un autre et y exercer une
influence : L’astronomie, la mathématique
et la physique s’assistent en se compénétrant
(Duhamel).
compensable [kɔ̃pɑ̃sabl] adj.
compenser ; 1829, Boiste [«
penser », fin du XVIe s.]).
pensé : Une perte qui n’est
(de
qui peut comQui peut être compas compensable.
compensateur, trice [kɔ̃pɑ̃satoer,
-tris] adj. (de compenser ; 1829, Boiste). Qui
fournit une compensation : Une indemnité
compensatrice d’un dommage. ∥ Spécialem.
Pendule compensateur, pendule corrigeant
les effets des variations de température sur
la marche des horloges.
% compensateur n. m. (sens 1, av. 1791,
G. de Mirabeau ; sens 2, 1832, Raymond).
1. Ce qui procure une compensation : Le
contrôle universel est le seul et puissant compensateur de toute Constitution vicieuse
(Mirabeau). ∥ 2. Appareil destiné à compenser une différence ou une variation :
Compensateur de dilatation. ∥ Spécialem.
Pendule compensateur.
compensatif, ive adj. V. COMPENSATOIRE.
compensation [kɔ̃pɑ̃sasjɔ̃] n. f. (lat.
compensatio, compensation, équilibre,
de compensatum, supin de compensare
[v. COMPENSER] ; 1290, Drouart la Vache,
aux sens 1 et 3 ; sens 2, XVIe s., Loisel ; sens
4, 1336, Godefroy). 1. Action de compenser, de contrebalancer : Compensation
entre les gains et les pertes. Quelque différence qui paraisse entre les fortunes, il y
a néanmoins une certaine compensation
de biens et de maux qui les rend égales
(La Rochefoucauld). ∥ Principe de compensation, loi selon laquelle le hasard
équilibrerait fatalement certaines erreurs
et certains écarts par d’autres de sens
contraire. ∥ 2. Spécialem. En droit, mode
d’extinction de deux obligations réciproques. ∥ En termes de banque et de
Bourse, opération qui consiste à régler les
achats et les ventes au moyen de virements
réciproques, sans déplacement de titres
ni d’argent. ∥ Caisse de compensation,
système de répartition suivant lequel les
employeurs versent à une caisse de l’argent
qui est redistribué aux employés de façon
à supprimer l’inégalité due aux charges
familiales. ∥ 3. Avantage matériel qui compense un préjudice subi, une servitude.
∥ Spécialem. Dédommagement que reçoit
le créancier d’une obligation non exécutée.
∥ 4. Dédommagement moral qui vise à
rétablir un équilibre rompu : Décidément,
la vie réservait des haltes, des reposoirs,
des compensations, des dédommagements
(Duhamel). ∥ En compensation, en contrepartie, en échange : Des espoirs immenses
[à la loterie] et, en compensation, la seule
crainte de ne rien gagner, qui n’est rien
(Alain).
• SYN. : 1 égalisation, pondération ; 3 dommages-intérêts, indemnité, réparation ;
4 consolation, récompense, revanche.
compensatoire [kɔ̃pɑ̃satwar] adj. (de
compenser ; 1829, Boiste). Qui constitue
une compensation : À tous les déshérités, les
courbés sous un joug et chargés, les assoiffés
et meurtris, les dolents, l’assurance d’une
survie compensatoire (Gide).
• REM. On dit aussi, mais plus rarement,
COMPENSATIF, IVE : Toute place qui ne
serait qu’un simple préceptorat élémentaire ne me semble guère pouvoir être acceptée, à moins d’avantages compensatifs
(Renan).
compensé, e [kɔ̃pɑ̃se] adj. (part. passé
de compenser ; milieu du XXe s.). 1. Semelles
compensées, semelles de liège ou de bois
formant un seul bloc avec le talon : Des sandales à semelles compensées. ∥ 2. En médecine, se dit de maladies ou de troubles bien
supportés par l’organisme : Cardiopathie
compensée. Diabète compensé.
compenser [kɔ̃pɑ̃se] v. tr. (lat. compensare, contrebalancer, de cum, avec,
ensemble, et de pensare, peser ; fin du
XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, début du XVIe s.,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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C. Marot). 1. Rétablir entre deux choses un
équilibre compromis ou rompu, en contrebalançant un effet par un autre contraire :
Compenser les nouvelles dépenses prévues
par des impôts correspondants. Un grand
mérite compense tant de défauts : le Pérugin
et ses contemporains imitaient la nature
avec respect (Stendhal). Dieu sait ce que
nous subissons, ce que notre malheureuse
sensibilité doit compenser comme elle peut !
(Valéry). ∥ Compenser les dépens, en
droit, mettre à la charge de chaque partie
les frais de procédure qui lui incombent.
∥ Compenser un compas, en termes de
marine, réduire sa déviation aux différents
caps. ∥ 2. Fig. Dédommager : Cet automne,
du moins, compensera ces mécomptes et
consolera mes ennuis (Gide).
• SYN. : 1 balancer, corriger, équilibrer, neutraliser, pondérer ; 2 indemniser, racheter,
réparer.
compérage [kɔ̃peraʒ] n. m. (de compère ; XIIIe s., Roman de Renart, au sens 1 ;
sens 2-3, v. 1534, Bonaventure des Périers).
1. Vx. Lien qui unit, d’une part, le parrain
et la marraine avec le père et la mère de
l’enfant qu’on baptise, d’autre part, le par-
rain et la marraine entre eux. ∥ 2. Entente
secrète entre un spectateur et un faiseur de
tours ou un camelot, destinée à tromper
le public. ∥ 3. Par extens. Entente secrète
entre deux ou plusieurs personnes, visant
à en tromper d’autres : Et le héros, bon
enfant comme toujours, prêtant la main à
cet innocent compérage, se livrait tout entier
(Daudet). Il y avait entre les gouvernements,
donc entre les états-majors des deux côtés,
non seulement entente tacite, mais compérage discret (Romains).
• SYN. : 3 collusion, complicité, connivence.
compère [kɔ̃pɛr] n. m. (lat. ecclés. compater, parrain, de cum, avec, et pater, père
[v. COMMÈRE] ; v. 1175, Chr. de Troyes, au
sens 1 ; sens 2, fin du XIIe s., Aiol ; sens
3-4, 1594, Satire Ménippée ; sens 5, 1907,
Larousse). 1. Vx ou dialect. Le parrain, par
rapport soit à la marraine, soit au père et à
la mère de l’enfant qu’on baptise. ∥ 2. Fam.
et vx. Nom d’amitié donné à un homme que
l’on connaît bien : Savetier, mon compère
(Béranger). ∥ Un joyeux compère, un bon
vivant, gai et plein d’allant. ∥ 3. Partenaire
et complice d’un acteur comique, d’un
clown. ∥ Spécialem. Spectateur qui est
d’intelligence avec un charlatan, un
escamoteur : Je suis un vieux polichinelle
qui a besoin d’un compère (Voltaire).
∥ 4. Complice en astuces, en supercheries :
Les deux compères s’étaient réfugiés dans
la vaste remise aux murs blancs (Daudet).
∥ 5. Dans certaines revues de music-hall,
meneur de jeu qui fait les enchaînements
de scènes, présente les personnages, etc. :
Avec une exagération comique de compère
de revue, qui faisait manoeuvrer en règle
son bataillon de travestis (Proust).
• SYN. : 2 ami, camarade, copain (fam.) ;
4 acolyte.
compère-loriot [kɔ̃pɛrlɔrjo] n. m. (du
lyonnais perloryo, loriot, du gr. de Marseille
purros, couleur de feu, et de khlôrion, loriot
[de khlôros, d’un vert jaunâtre] ; per- ayant
été confondu avec père, le mot, en pénétrant
dans les parlers du nord de la France, s’est
allongé en compère-loriot, loriot, et s’est
ensuite substitué à leurieul [XVe s.], loriot,
orgelet, le second sens étant dû à une confusion de [l]orieul [v. LORIOT] et de [l]orjeul,
lat. hordeolus, orgelet ; 1606, Nicot, puis
début du XIXe s.). 1. Dialect. Syn. de LORIOT.
∥ 2. Nom usuel de l’orgelet, petit furoncle
des paupières : Les cils tombés, l’autre hiver,
à cause d’un compère-loriot, ils sont partis
pour toujours (Duhamel).
• Pl. des COMPÈRES-LORIOTS.
compérendination [kɔ̃perɛ̃dinasjɔ̃] n.
f. (lat. comperendinatio, de comperendinatum, supin de comperendinare, renvoyer
au lendemain ; 1866, Larousse). En droit
romain, promesse réciproque des parties de
se retrouver le surlendemain devant le juge.
1. compétence [kɔ̃petɑ̃s] n. f. (lat. jurid.
competentia, juste rapport, de competens,
-entis, part. prés. de competere, convenir
à ; v. 1468, Chastellain [en compétence
de, par rapport à] ; sens 1, 1596, Hulsius ;
sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, v. 1960).
1. Aptitude d’une autorité publique à effectuer certains actes : La compétence du préfet. ∥ Spécialem. Aptitude d’un tribunal
à connaître d’une affaire : Reconnaître,
décliner la compétence d’un tribunal.
∥ 2. Capacité d’une personne de juger
en une certaine matière, parce qu’elle en
a une connaissance approfondie : Ceci
ne relève pas, n’est pas de sa compétence.
M. Ossian Colot avait traité avec compétence diverses questions pénitentiaires
(France). Mon frère Raymond a trouvé
en vous un second, que dis-je ? un associé, d’une qualité rare, d’une compétence,
d’un dévouement... (Arnoux). ∥ Fam. La
personne compétente elle-même : Le monsieur se renversa en arrière et regarda le
tableau avec une sévérité navrée. C’était
une compétence : il avait la rosette (Sartre).
∥ 3. En grammaire générative, ensemble
des aptitudes, ou savoir linguistique implicite, intériorisé par les sujets parlant une
langue, et qui leur permet de la maîtriser
(par opposition à performance, usage que
font les sujets de ce savoir).
• SYN. : 1 autorité, pouvoir, qualité, ressort ;
2 aptitude, qualification, savoir, science. —
CONTR. : 2 inaptitude, incompétence.
2. compétence [kɔ̃petɑ̃s] n. f. (du lat.
competere, rechercher concurremment ;
milieu du XVIe s.). Vx. Action de lutter avec
quelqu’un pour essayer de l’égaler ou de
le surpasser : Philippe II avait osé entrer
en compétence si boiteusement fondée
sur la préséance de l’empereur Charles V
(Saint-Simon).
compétent, e [kɔ̃petɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.
jurid. competens, -entis, part. prés. de
competere, convenir à ; v. 1240, Delboulle,
au sens de « convenable, approprié » ; sens
1, 1690, Furetière ; sens 2, 1480, Bartzsch ;
sens 3, 1680, Richelet). 1. Qui revient à
quelqu’un en vertu d’un droit : Affaire
compétente à un tribunal. Part compétente
à des héritiers. ∥ 2. Qui a la compétence
voulue pour connaître d’une cause, d’une
affaire : Le tribunal est compétent. En référer à l’autorité compétente. ∥ 3. Se dit d’une
personne qui connaît bien une matière, une
question, qui est capable d’en bien juger :
Ils [les académiciens] commencèrent par
se déclarer compétents à l’unanimité pour
juger les romantiques (Stendhal).
• SYN. : 3 apte, connaisseur, expérimenté,
expert, maître, qualifié. — CONTR. : 3 ignorant, inapte, incapable, incompétent.
compéter [kɔ̃pete] v. tr. ind. [à] (lat. competere, convenir à, spécialisé dans la langue
jurid. ; v. 1371, Oresme). [Conj. 5 b.] 1. En
termes de droit, être de la compétence de :
Cette affaire ne compète pas à ce tribunal.
∥ 2. Revenir à quelqu’un en vertu d’un
droit : La part qui compète aux héritiers.
compétiteur, trice [kɔ̃petitoer, -tris]
n. (lat. competitor, concurrent ; 1402,
N. de Baye). 1. Personne qui, en même temps
que d’autres, brigue une dignité, un titre,
une charge, un emploi : Mais les compétiteurs étaient nombreux à la succession de
Mgr Duclou (France). ∥ 2. Personne qui dispute un prix, un rang ; concurrent dans une
épreuve, sportive notamment.
• SYN. : 1 concurrent, rival ; 2 adversaire,
challenger.
compétitif, ive [kɔ̃petitif, -iv] adj. (de
compétition ; 1907, Larousse, au sens de
« relatif à une compétition » ; sens actuels,
milieu du XXe s.). 1. Susceptible de supporter la concurrence avec d’autres : Réduire
les frais pour rendre les prix compétitifs.
∥ 2. Où la concurrence est possible : Un
marché compétitif.
compétition [kɔ̃petisjɔ̃] n. f. (angl.
competition [début du XVIIe s.], du bas lat.
competitio, compétition en justice, candidature rivale, de competitum, supin de
competere, briguer, rechercher concurremment ; 1759, d’après Féraud, 1787, au
sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Action
de chercher à obtenir en même temps que
d’autres une dignité, une charge, un titre,
etc. : La maison d’Autriche exposée à perdre
l’Empire par la compétition de la maison
de Brandebourg (Bainville). ∥ 2. Spécialem.
Épreuve sportive où s’affrontent deux ou
plusieurs concurrents : Il s’agissait d’une
compétition, mais sportive, à laquelle se
préparaient les deux équipes de rameurs
(Aymé).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
814
• SYN. : 1 concurrence, rivalité ; 2 challenge,
championnat, combat, concours, critérium,
lutte, match, partie, poule, rencontre.
compilateur, trice [kɔ̃pilatoer, -tris]
n. (bas lat. compilator, pillard, de compilatum, supin de compilare, piller ; 1425,
O. de La Haye, au sens 1 ; sens 2, 1688,
La Bruyère). 1. Class. et littér. Personne
qui réunit des documents, des extraits
tirés de divers ouvrages pour les fondre
en un tout : Tous les théologiens, tous les
humanistes, tous les compilateurs assemblés
du haut en bas des murs furent témoins
de nos baisers (France). ∥ 2. Péjor. Auteur
qui ne fait qu’emprunter aux autres, qui
n’a rien d’original : Cette variété matérielle
qui réduit la tâche de l’écrivain à celle de
compilateur (Baudelaire).
• SYN. : 2 imitateur, plagiaire.
compilation [kɔ̃pilasjɔ̃] n. f. (lat. compilatio, pillage, de compilatum, supin de
compilare, piller ; milieu du XIIIe s., Image
du monde, aux sens 1-2 ; sens 3, début du
XVIIIe s., Saint-Simon). 1. Vx. Action de
compiler : Se consacrer à la compilation
érudite de documents. ∥ 2. Class. et littér.
Recueil de documents, de textes tirés de
diverses sources et que l’on a fondus en
un ouvrage unique : Il serait du caractère
de cette compilation [ce dictionnaire] de
s’arrêter aux faussetés et aux traditions
incertaines qui regardent Abraham (Bayle).
Il aimait singulièrement [...] Scipion l’Africain, auquel, à l’âge de onze ans, il avait
consacré une petite compilation historique (Montherlant). ∥ 3. Péjor. Livre qui
emprunte tout aux autres et n’a aucune
originalité propre : Ce code n’est qu’une
compilation des ordonnances concernant
les armées de Louis XIV et de Louis XV
(France).
• SYN. : 3 copie, démarquage, imitation,
plagiat.
compiler [kɔ̃pile] v. tr. (lat. compilare,
piller, de cum- intensif et pilare, dépouiller ; XIIIe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2,
1758, Voltaire). 1. Class. et littér. Tirer des
extraits d’ouvrages différents pour les réunir en un seul recueil : Quoi ! vous ne savez
pas qui est Escobar de notre Société, qui a
compilé cette Théologie morale de vingtquatre de nos pères ? (Pascal). [Il] vivait
modestement dans sa petite ville, compilant
de vieux ouvrages sur l’histoire du Maroc
(Tharaud). ∥ 2. Péjor. Emprunter à diverses
sources, à divers auteurs, la matière, les
idées d’un ouvrage : C’est déjà une assez
grande honte pour la nation française que la
manière dont nous compilons les plus belles
productions des arts (Goncourt). ∥ Absol.
Écrire des ouvrages faits d’un assemblage
de morceaux ou d’idées empruntés à
d’autres : Cet Africain, contemporain des
Antonins [...], n’était pas au fond très original ; il improvisait et compilait (France).
• SYN. : 2 copier, démarquer, piller, plagier.
compisser [kɔ̃pise] v. intr. et tr. (de comet de pisser ; v. 1230, Godefroy). Arroser de
son urine (en style burlesque) : Panurge,
rebuté, fait compisser par les chiens la
femme qui n’a pas voulu de lui (Gautier).
Ou bien peut-être il compissait certain arbre
(Montherlant).
complaignant, e [kɔ̃plɛɲɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n.
(part. prés. de complaindre ; 1374, Godefroy,
comme n. ; comme adj., XVIe s.). Qui porte
plainte en justice : La partie complaignante.
La requête du complaignant.
complainte [kɔ̃plɛ̃t] n. f. (de l’anc. franç.
se complaindre, se plaindre, lat. pop. *complangere, de cum- intensif et plangere, se
lamenter ; v. 1175, Chr. de Troyes, aux sens
1-2 ; sens 3, 1590, L’Estoile). 1. Class. (déjà
vx au XVIIe s.). Action de se plaindre, de se
lamenter : Gardez, s’il vous plaît, vos complaintes et vos regrets pour des accidents
plus fâcheux (Pierre Costar). ∥ 2. Plainte
en justice : Ici [...] des déclinatoires toute
la gamme des actions possessoires, complainte, réintégrande, dénonciation du nouvel oeuvre (Benoit). ∥ 3. Chanson populaire
ayant pour origine ou pour sujet un événement triste ou tragique, ou racontant la
vie et les malheurs d’un personnage légendaire : Blachevelle entonna sur un air de
complainte une de ces chansons d’atelier
(Hugo). ∥ Chant plaintif : Moi qui sais des
lais pour les reines | Les complaintes de mes
années [...] | Et des chansons pour les sirènes
(Apollinaire).
complaire [kɔ̃plɛr] v. tr. ind. [à] (adaptation, d’après plaire, du lat. complacere,
plaire beaucoup ; début du XIIe s., puis 1373,
Ordonnance sur l’Amirauté). [Conj. 71.]
Littér. Complaire à quelqu’un, se rendre
agréable à quelqu’un en flattant ses
caprices, ses goûts, ses désirs : Plutôt que
de complaire à mon tyran, j’aurais souffert mille morts (Sand). C’était moins pour
complaire à son mari que pour son propre
agrément qu’elle recherchait maintenant
l’amitié des deux fillettes (Maupassant).
% se complaire v. pr. (1580, Montaigne).
Littér. Se complaire à ou dans quelque
chose, trouver un plaisir évident et durable
à ou dans cette chose : Je me suis complu
dans le spectacle des grandes choses (Sand).
C’étaient d’étranges et invraisemblables
aventures, où se complaisait l’humeur
hâbleuse des chasseurs (Maupassant). ∥ Vx.
Se complaire en ou dans quelqu’un, trouver
en lui une complète satisfaction : Par quels
degrés suis-je venue à me complaire en cet
homme ? (M. Prévost).
• SYN. : adorer, aimer, chérir, se délecter
à, goûter, se plaire à, raffoler de (fam.).
— CONTR. : abhorrer, abominer, détester,
exécrer.
• REM. L’usage le plus général est de
faire invariable le participe passé aux
temps composés, comme pour plaire et
déplaire : Elle s’est toujours complu dans
l’affection qu’elle porte à son mari.
complaisamment [kɔ̃plɛzamɑ̃] adv. (de
complaisant ; 1680, Richelet). 1. Avec bonté,
gentillesse : Il m’écouta complaisamment.
∥ 2. En s’attardant avec satisfaction : Bien
plus, le baron détaille complaisamment les
deux contraventions dont Fabrice est accusé
(Stendhal).
• SYN. : 1 aimablement, gentiment,
obligeamment.
complaisance [kɔ̃plɛzɑ̃s] n. f. (de complaisant, part. prés. de complaire v. 1361,
Oresme, au sens 3 [puis 1668, Molière] ;
sens 1 et 5, 1635, Monet ; sens 2, 1845,
Bescherelle ; sens 4, 1929, Larousse).
1. Disposition d’esprit qui pousse à s’accommoder aux goûts, aux sentiments,
aux désirs d’autrui, pour lui faire plaisir : La complaisance est nécessaire dans
la société, mais elle doit avoir des bornes
(La Rochefoucauld). D’une complaisance
infatigable, cet aimable seigneur remplissait
dans la maison les fonctions d’interprète
(Daudet). ∥ Par complaisance, pour être
agréable à quelqu’un. ∥ De complaisance,
fait pour être agréable ou simplement
par politesse : Sourire de complaisance.
∥ Certificat de complaisance, certificat
délivré illégalement et sans motif valable.
∥ Billets, effets de complaisance, effets
souscrits par lesquels on se déclare fictivement débiteur de quelqu’un. ∥ 2. Avec
un sens affaibli, entre dans des formules
de politesse : Elle dit à l’usurier : « Voulezvous avoir la complaisance de sonner ? »
(Maupassant). ∥ 3. Acte accompli pour
plaire à quelqu’un : De telles complaisances favorisaient le désordre (Flaubert).
∥ Spécialem. Avoir des complaisances pour
quelqu’un, en parlant d’une femme, accorder ses faveurs à un homme. ∥ 4. Péjor.
Acte témoignant d’une indulgence ou
d’une soumission excessive et moralement blâmable : « Sait-il que sa femme
couche avec le patron ?... — Moi, qui suis
malveillante, je crois à la complaisance
consciente et organisée du sieur Verrier »
(Maurois). ∥ 5. Plaisir que l’on prend à faire
quelque chose ou à considérer quelqu’un,
en s’y attardant, volontairement ou non :
Et pourtant je n’aimais guère, il y a quinze
ans, qu’il détaillât avec tant de complaisance la petite Gadin (Colette). Je n’étais
pas inquiet et ne fis rien pour provoquer
tes aveux. Mais tu me les prodiguas avec
une complaisance dont je fus d’abord gêné
(Mauriac). ∥ Spécialem. Amour-propre,
satisfaction de soi : Par grande crainte de
complaisance envers moi-même, j’accueille
très volontiers les critiques (Gide).
• SYN. : 1 bonté, empressement, gentillesse, obligeance, prévenance, serviabilité ;
2 amabilité ; 3 faveur, privilège ; 5 contentement, délectation, satisfaction. — CONTR. :
1 cruauté, dureté, froideur, rudesse, sécheresse ; 5 animosité, hostilité, malveillance.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
815
% complaisances n. f. pl. (1681, Bossuet).
Dans le style biblique, affection, amour de
Dieu : L’homme est toujours l’objet des complaisances de l’Éternel (Chateaubriand).
complaisant, e [kɔ̃plɛzɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
complaisant, e [kɔ̃plɛzɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de complaire ; 1555, Pasquier, au sens
1 ; sens 2, 1666, Molière [dans le domaine
de la galanterie, 1787, Féraud] ; sens 3, v.
1657, Pascal). 1. Qui cherche, avant tout,
à faire plaisir, à être agréable : Elle [...]
répondait aimablement, plus gracieuse
même que de coutume, plus complaisante
pour ces banalités (Maupassant). ∥ 2. Péjor.
Qui fait preuve d’une indulgence excessive
et coupable : Cet homme à la conscience
mobile et complaisante s’était déjà pardonné (Bourget). ∥ Spécialem. Qui tolère
et même favorise les intrigués galantes
de quelqu’un : Un mari complaisant.
∥ 3. Qui dénote la satisfaction personnelle :
Regarder quelqu’un ou quelque chose d’un
oeil complaisant. Prêter une oreille complaisante à certains propos.
• SYN. : 1 aimable, attentif, attentionné,
empressé, gentil, obligeant, prévenant, serviable ; 2 accommodant, arrangeant, commode, coulant (fam.) ; 3 content, satisfait.
— CONTR. : 1 bourru, brusque, désagréable,
désobligeant, revêche ; 2 rigoureux, sévère.
% adj. et n. Class. Coquet : Telle lui souriait,
faisait la complaisante (La Fontaine).
complant [kɔ̃plɑ̃] n. m. (lat. médiév. complantum, du lat. impér. complantare, planter ensemble ; 1231, Godefroy, comme n. m.,
au sens de « rente en nature due au propriétaire » ; à complant, « à charge de planter
arbres ou vigne moyennant une part des
fruits », 1690, Furetière). 1. Bail à complant,
contrat par lequel le propriétaire de champs
les loue à une personne qui s’engage à les
complanter ou à les cultiver moyennant
une part des fruits. ∥ 2. Redevance versée
par le bénéficiaire d’un bail à complant.
complanter [kɔ̃plɑ̃te] v. tr. (lat. complantare [v. COMPLANT] ; milieu du XVIe s.).
Planter d’arbres ; couvrir de plantations :
Complanter un terrain d’arbres fruitiers.
complément [kɔ̃plemɑ̃] n. m. (lat. complementum, ce qui complète, de complere,
remplir, combler ; fin du XIIIe s., A. du
Mont-Cassin, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1690,
Furetière ; sens I, 3, 1753, Encyclopédie ; sens
I, 4, début du XXe s. ; sens II, 1798, Acad.).
I. 1. Ce qu’il faut ajouter à une chose
pour la rendre complète : Irais-je chercher à Athènes un complément de ma
culture ? (Barrès). Demander un complément d’information. ∥ Officier de
complément, nom donné aux officiers de
réserve jusqu’à la Première Guerre mondiale. ∥ 2. Spécialem. Complément d’un
angle, angle qu’il faut lui ajouter pour
obtenir un angle droit. ∥ 3. Complément
arithmétique, ce qu’il faut ajouter à un
nombre pour obtenir le nombre dix ou
la puissance de dix qui lui est immédiatement supérieure. ∥ 4. En biologie, syn.
de ALEXINE.
II.En grammaire, mot ou proposition
qui complètent le sens d’un autre mot
ou d’une autre proposition, dont ils dépendent : Complément de l’adjectif, du
nom, du verbe. ∥ Complément direct,
complément qui est relié directement
au terme complété, sans l’intermédiaire
d’une préposition. ∥ Complément indirect, complément qui est relié à un terme
par l’intermédiaire d’une préposition.
∥ Complément d’objet, complément qui
indique sur quel objet s’exerce l’action
exprimée par le verbe. (Il est dit complément d’objet direct ou complément
d’objet indirect selon qu’il se rattache
directement au verbe ou par l’intermédiaire d’une préposition.) ∥ Complément
d’agent, d’attribution, circonstanciel de
temps, de lieu, etc., v. AGENT, ATTRIBUTION, CIRCONSTANCIEL, etc. ∥ Complément déterminatif, v. DÉTERMINATIF.
(V. art. spécial.)
• SYN. : I, 1 appoint, solde, supplément,
surcroît, surplus.
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
LE COMPLÉMENT
La notion de complément est une des plus
banales, en même temps que des plus flottantes, de la terminologie grammaticale.
DÉFINITION
La conception la mieux motivée est sans
doute celle qui plonge ses racines dans
les phénomènes mentaux sans lesquels
le langage n’existerait pas. Albert Séchehaye, dans l’Essai sur la structure logique
de la phrase (1926), distingue trois sortes
de rapports entre les termes des premières phrases dirèmes (= à deux mots)
que prononcent les enfants (ordinairement au cours de la deuxième année) :
1. La prédication : Minet coucou (= Le
chat s’est caché) ;
2. La subordination : Canne Jean (= C’est
la canne de Jean) ;
3. La coordination : Pain, cola (= Du pain
et du chocolat).
Il y a rapport de « sujet » à « prédicat »
dans le premier cas, de « principal » à
« complément » dans le second. La langue
normale distingue grammaticalement
ces rapports. Le prédicat, apportant un
élément d’information nouveau, y est
exprimé par le verbe ou par un mot s’appuyant sur le verbe :
Le chat s’est caché.
Ma table est haute.
Cette canne est à Jean.
Le complément apporte une caractérisation accessoire, qui pourrait faire l’objet
d’une prédication, mais ne le fait pas en
l’occurrence :
Le chat caché guette la souris.
Pose le vase sur la table haute.
Prends la canne de Jean.
Fonctionnellement, le complément est
vis-à-vis de son principal dans un rapport de dépendance unilatérale : il en
reçoit sa fonction, alors que le principal
ne la reçoit pas de lui ; en effet, dans le
groupe sur la table haute, on peut supprimer haute sans toucher à la fonction
du nom table, mais on ne peut supprimer
table sans supprimer (ou modifier) la
fonction de haute. Il n’en est pas de même
dans : Ma table est haute, où la suppression de l’adjectif causerait un vide.
HISTOIRE
Fondées sur le sens ou sur la fonction, ces
définitions ne font aucun état de la nature
grammaticale des termes. C’est aussi le
cas de la première définition qui fut donnée du terme de complément en matière
grammaticale, par Nicolas Beauzée.
Celui-ci, comme l’a montré J.-Cl. Chevalier dans son étude sur la Notion de complément chez les grammairiens (1968),
a dénommé ainsi, pour la distinguer du
régime, une fonction que son prédéces-
seur Du Marsais avait omis de traiter
à son ordre alphabétique, quoiqu’il fît
fréquemment usage du terme et en eût
« insinué » l’emploi à l’article gouverner.
Beauzée définissait le complément : « ce
qu’on ajoute à un mot pour en déterminer
la signification, de quelque manière que
ce puisse être ». Deux sortes de mots pouvaient avoir leur signification déterminée
par des compléments :
• « Tous ceux qui ont une signification
générale susceptible de différents degrés » ; tels sont les noms dont la signification générale peut être restreinte, et
un grand nombre d’adjectifs, d’adverbes
et de verbes.
EXEMPLES : un livre nouveau, le livre de
Pierre, un livre qui peut être utile ; fort savant, plus savant que sage ; peu sagement ;
aimer beaucoup, sincèrement ;
• « Ceux qui ont une signification relative à un terme quelconque » ; tels sont
certains noms appellatifs, plusieurs adjectifs, quelques adverbes, tous les verbes
actifs relatifs (= transitifs) et toutes les
prépositions.
EXEMPLES : le fondateur de Rome, le mari
de Lucrèce ; nécessaire à la vie, digne d’estime ; conformément à la nature ; aimer
Dieu, craindre la justice ; aller à la ville,
passer par le jardin, commencer à boire.
Tous les exemples donnés par Beauzée
seraient jugés pertinents de nos jours, à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
816
l’exception de ceux qui illustrent, ensuite,
le rôle des prépositions : des hommes semblables à nous (« nous est le complément
de la préposition à »), les circonstances
de cette nature (« nature : complément
grammatical de de »). C’est par une
confusion du « complément » (notion
naissante) avec le « régime » (notion
traditionnelle, héritage des grammaires
latines où chaque préposition « gouvernait », « régissait » un cas) que Beauzée,
avec ses contemporains, assimilait la préposition, comme terme recteur, au verbe
transitif. En fait, ce mot grammatical, qui
tend vers le morphème pur, est le signe
d’une relation, et n’en marque qu’excep-
tionnellement le terme, rôle que le verbe,
de par son contenu notionnel aussi riche
que varié, remplit plus facilement. La préposition ne joue normalement ni le rôle
de principal ni celui de complément.
LIMITATIONS MORPHOPSYCHOLOGIQUES
Outre les prépositions, d’autres mots sont
exclus, par leur qualité de morphèmes, de
la fonction « complément » : ce sont les
mots accessoires du nom, articles et adjectifs pronominaux ou numéraux, dont
la fonction est d’actualiser, de quantifier,
non d’enrichir le contenu lexical. Beauzée
n’en faisait pas mention ; aujourd’hui
encore, les formules d’analyse disent que
ces mots « déterminent le nom », qu’ils
« s’y rapportent », et non qu’ils le « complètent ». Ils sont, dans une certaine
mesure — et justement —, assimilés aux
désinences de genre, de nombre, de personne, de temps. La complémentation
n’est le fait que de mots dotés par nature
d’un contenu notionnel, « mots pleins »
que sont le nom, le verbe, l’adjectif, l’adverbe, auxquels on ajoutera les pronoms,
aptes à représenter ces espèces de mots.
La bizarre distinction que fait Beauzée de
« deux sortes de mots » pouvant être complétés procède peut-être encore, quoique
imparfaitement, d’une tradition grammaticale. La différence formelle des mots
qui s’accordent avec leur principal (par
exemple, l’adjectif en genre et en nombre,
le verbe en personne et en nombre avec
le nom) et des mots qui reçoivent une
marque propre de fonction (désinences
casuelles en latin, place postverbale de
l’objet ou marques prépositionnelles en
français) avait été légitimée par Du Marsais, conformément à la philosophie de
Locke, à partir de la notion d’identité.
L’association d’un adjectif ou d’un verbe
à un nom ne fait qu’énoncer une propriété consubstantielle à ce nom, en rapport d’identité avec lui ; au contraire, le
rapport de détermination met en jeu des
notions substantiellement étrangères au
nom complété. La même distinction sera
faite, au XXe s., par Damourette et Pichon,
opposant, dans les modes de « complémentation », la syndèse, liage d’identité
marqué par l’accord grammatical, et la
dichodèse, liage entre substances, dont
les marques diverses excluent l’accord
(Des mots à la pensée, § 104). Mais une
pareille différence s’efface dans les cas où
le terme principal de la complémentation
est un adjectif, un adverbe ou un verbe,
qui n’évoquent nul objet, nulle identité.
Cette vieille opposition est peut-être à
l’origine d’un usage qu’on observe dans
la pratique scolaire du XIXe et du XXe s.,
consistant à exclure du nombre des compléments les épithètes, les appositions
et les propositions relatives (de valeur
adjective) ; l’adverbe même serait « épithète du verbe », et l’on n’admet comme
compléments que les noms, les pronoms
et les propositions « de valeur substantive ». La rédaction du code officiel de la
nomenclature grammaticale autorise en
France, par son ambiguïté, cette limitation ; elle l’impose en Belgique. C’est
faire subir au terme de complément une
altération de sens à la fois indue — car la
définition et les exemples de l’Encyclopédie s’y opposent catégoriquement — et
maladroite — car on se prive d’un terme
général de première utilité pour une multiplicité de termes intégrant confusément
la forme à la fonction. Opposer l’épithète
et l’apposition aux compléments est aussi
néfaste pour la formation des esprits que
si l’on opposait le cheval et l’homme aux
mammifères. Il importe que les maîtres,
en France, ne craignent pas d’user des
latitudes du texte officiel pour présenter
l’épithète et l’apposition comme des sousensembles de la fonction « complément ».
IMPROPRIÉTÉ DU TERME
Le terme de complément évoque l’idée
naïve que les signifiés peuvent être
« complets » ou non, les idées « totales »
ou « partielles ». Beauzée attribue la
paternité du mot à Du Marsais, qui
concevait la phrase comme un tout,
dont les morceaux eux-mêmes, comme
on dit, sont entiers, un emboîtement
de membres structuralement parfaits.
Cette vue idéale est réalisée par le complément d’objet, que le verbe réclame,
et par les compléments indirects, si l’on
pose, comme Beauzée et Du Marsais,
qu’ils complètent la préposition ; elle
est réalisée sur le plan logique par tous
les compléments appelés aujourd’hui
« déterminatifs », ceux qui délimitent
l’extension d’un nom à propos duquel la
phrase énonce un jugement (exemple :
Tout triangle rectangle a un angle droit).
Mais on sait bien qu’il est aussi beaucoup
de compléments facultatifs, détachés ou
non, descriptifs ou explicatifs, apportant
une caractérisation dont la phrase se
passerait sans dommage grammatical ni
logique : Un chien briard haut sur pattes,
aux longs poils floconneux tout emmêlés
d’herbes crochues, accompagnait le berger ; il s’agit là de « suppléments » plutôt
que de « compléments ».
Le terme d’expansion, dont usent certains linguistes modernes (A. Martinet,
Éléments de linguistique générale, 1960),
serait préférable s’il n’était donné par
eux dans un sens beaucoup plus large,
couvrant subordination et coordination,
« tout ce qui n’est pas indispensable ».
Une autre faiblesse du terme de complément est qu’il n’emporte étymologiquement aucune idée de subordination.
Ainsi était-il loisible à Damourette et
Pichon (Des mots à la pensée, t. I, chap.
VI, « les Compléments ») de l’élargir
jusqu’à désigner toute association syntagmatique d’un contenu lexical à un
autre, même prédicative ; l’attribut est
pour eux un complément du sujet ou de
l’objet : gris est « épithète » de mur dans
le mur gris (« épiplérose ») et « diathète »
dans Le mur est gris (« diaplérose »). Cette
altération — évidemment délibérée — de
l’acception originelle du mot aurait dû
les conduire à inclure dans les « compléments » du nom, aussi bien que l’attribut,
le verbe à un mode personnel (Le mur se
lézarde. Un peuplier se dresse), ce qu’ils
n’ont pas explicitement fait. L’eussent-ils
fait, cet élargissement aurait le défaut
principal de rompre les attaches du mot
complément avec la grammaire, d’en faire
le signifiant inutile d’une fonction d’association de « sèmes » (unités sémantiques),
fonction si vague que, dans la pratique,
on n’a guère à la désigner ; aussi le mot de
complément est-il étouffé, chez Damourette et Pichon, par un foisonnement de
termes particuliers (diathète, épischète,
greffon, etc.), dont les ramifications retrouvent les structures compliquées de la
syntaxe.
complémentaire [kɔ̃plemɑ̃tɛr] adj. (de
complément ; 1791, Frey, au sens 1 ; sens 2,
1795, Behrens). 1. Qui sert à compléter :
Une somme complémentaire. Un renseignement complémentaire. ∥ Couleur complémentaire, couleur qui, combinée avec une
autre, reconstitue le blanc : Le rouge est la
couleur complémentaire du vert. ∥ Angles
complémentaires, angles dont la somme
vaut un angle droit. ∥ 2. Jours complémentaires, dans le calendrier républicain, jours,
au nombre de cinq (ou six tous les quatre
ans), qui complétaient l’année, composée
de douze mois de trente jours.
• SYN. : 1 additionnel, supplémentaire.
complémentarité [kɔ̃plemɑ̃tarite] n.
f. (de complémentaire ; 1907, Larousse, au
sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Caractère
de ce qui est complémentaire : Leibniz définit Dieu « l’harmonie universelle », c’està-dire la complémentarité réciproque des
monades (Bergson). ∥ 2. Caractère de deux
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817
ou plusieurs éléments linguistiques en distribution complémentaire. (V. art. spécial.)
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
LA COMPLÉMENTARITÉ
Il arrive qu’un signifié unique ait un
signifiant à plusieurs formes, apparaissant en « distribution complémentaire ».
Ainsi, le verbe aller offre à l’indicatif présent deux radicaux phonétiquement et
étymologiquement différents :
Aucune commutation (v. ce mot) n’est
possible entre le radical à v- initial et le
radical all-. Le premier est associé, dans
ce temps, aux trois premières personnes
du singulier et à la 3e personne du pluriel,
le second aux deux premières personnes
du pluriel ; nulle part le choix n’est donné
entre deux formes, par exemple ils vont
et *ils allent. La « distribution » du radical en all- est complémentaire de celle du
radical en v-. Leur alternance ne paraît
apporter aucun signifié propre.
Les éléments en distribution complémentaire peuvent être non pas des lexèmes,
comme dans l’exemple précédent, mais
des morphèmes. Comparer les formes
suivantes :
La terminaison du passé simple est
-ai pour les verbes du premier groupe,
comme aimer et chanter, -is pour les
verbes du troisième groupe du type de
cueillir, ouvrir ; ces deux terminaisons
ne sont pas commutables : on n’écrit ni
*j’aimis, ni *j’ouvrai. Leur signifié paraît
identique : « passé simple, 1re personne du
singulier ».
Deux formes différentes sont dites en
« complémentarité partielle » quand leur
alternance, significative dans certaines
conditions, cesse de l’être dans d’autres :
on dit que leur opposition s’y neutralise.
Ainsi, l’opposition « indicatif/subjonctif » est significative dans un couple de
phrases comme :
1. Je cherche un chemin qui conduit
à la ville.
2. Je cherche un chemin qui conduise
à la ville.
L’indicatif fait comprendre que l’on sait
l’existence d’un tel chemin ; le subjonctif
marque qu’on n’en est pas sûr. La commutation est possible. Mais, dans les
deux phrases suivantes :
1. Elle l’aime parce qu’il est brutal,
2. Elle l’aime bien qu’il soit brutal,
les deux modes ne sont plus commutables ; leur choix est imposé par la
conjonction employée : parce que n’admet pas le subjonctif, ni bien que l’indicatif ; ici, l’opposition morphologique est
dite « neutralisée ».
Un autre cas mérite d’être mentionné :
celui où la complémentarité consiste dans
l’alternance d’une marque non plus avec
une autre marque, mais avec l’absence de
marque. C’est le cas dans l’expression, en
français, de la « fonction apposition ». Le
signifié en est différent selon le contenu
notionnel du terme complété. Dans les
cas suivants, c’est la construction en « apposition directe » :
le poète Hugo,
le mont Olympe,
le gaz hydrogène,
la note « do ».
Dans d’autres cas, le signifiant est celui
de la plupart des compléments du nom, la
préposition de :
la ville de Paris,
le fleuve du Rhône,
le mois de mai.
La relation sous-jacente est alors confondue avec l’ensemble des relations de nom
à nom (cf. les ponts de Paris, la crue du
Rhône, les examens de mai). La commutation est impossible, au moins dans un
sens : on ne peut dire *le poète d’Hugo, *le
mont d’Olympe, etc. On ne dit pas normalement la ville Paris, le fleuve Rhône,
le mois mai, encore que l’on puisse être
amené à le dire, et que l’on fût compris,
s’il fallait souligner la relation d’identité sous-jacente (v. APPOSITION). Avec
les mots de la première série, la relation
d’identité est toujours marquée ; avec
les autres, elle ne l’est pas normalement.
De tels cas de marque défective peuvent
être intégrés dans le cadre des variations
complémentaires.
VARIANTES COMBINATOIRES
Souvent, les linguistes étendent à ces
variantes complémentaires lexicales ou
grammaticales l’appellation de « variantes combinatoires », empruntée à la
phonologie, où elle désigne un fait à première vue parallèle.
Le phonème [l] est sonore dans ongle
et sourd dans oncle, différence qui n’est
jamais consciente pour celui qui parle, et
dont on dit qu’elle n’est pas distinctive,
parce qu’elle n’est pas libre (elle résulte de
l’assimilation partielle progressive du [l],
normalement sonore en français, par la
sourde [k], dans le second mot).
Le phonème [k] est dorso-palatal dans
qui et vélaire dans cou, différence non
perçue, dont la cause est l’anticipation
du mouvement articulatoire de la voyelle
suivante, antérieure [i] ou postérieure
[u] (assimilation partielle régressive) ;
la commutation étant impossible entre
ces deux variantes de [k], on les tient
pour non distinctives, « variantes combinatoires » d’un seul et même phonème
(alors qu’en esquimau, où elles sont
commutables, elles représentent deux
phonèmes).
Il faut, pour déceler la différence entre les
variantes combinatoires du [l] ou du [k],
le secours des appareils de la phonétique
expérimentale. Il est pourtant des cas où
l’oreille humaine suffit : ce sont surtout
les cas de « complémentarité partielle ».
Ainsi, tout le monde est sensible, avec
un peu d’attention, à la différence qui
sépare le son [ø] de feu et celui de fleur
[oe] : tout son écrit eu en finale absolue
(feu) est « fermé » [ø] ; tout eu devant
une consonne finale (fleur) est « ouvert »
[oe] (depuis le XVIIe s.) ; la différence est
immédiatement remarquée s’il arrive
que quelqu’un, soit par l’effet d’un accent
régional, soit par un lapsus de prononciation, fasse entendre un eu fermé [ø] dans
fleur. Les oreilles françaises sont sensibilisées à cette différence par les cas où elle
prend une valeur distinctive, comme devant une syllabe muette dans les couples
jeûne/jeune, ou veule/veulent.
VALEUR DES VARIANTES
COMPLÉMENTAIRES
Longtemps, les linguistes ont posé en
théorème que les variantes combinatoires
étaient non distinctives, et les variantes
complémentaires non significatives.
Cela semble évident pour les variantes
combinatoires du [l] dans ongle/oncle et
du [k] dans qui/cou : quelle valeur distinctive accorderait-on à une différence
que l’oreille ne perçoit pas ? Pourtant,
le doute peut naître à propos des cas de
complémentarité partielle. Soit le couple
Agde/acte : l’opposition apparente [d]/[t]
résulte d’une sonorisation ancienne de
la dentale par [g] dans le premier mot
(du grec Agathê Tuchê) ; le cas est donc
semblable à celui du groupe ongle/oncle, à
cela près que la sonorité du [l] n’est jamais
distinctive, alors que celle du [d] l’est nordownloadModeText.vue.download 104 sur 978
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818
malement (comparer dé/thé, rade/rate).
Comme la seule différence entre [g] et [k]
est aussi la sonorité, et que le [k] remonte
ici à un [g] (racine indo-européenne ag-)
assourdi par le [t] suffixal, on ne voit pas
pourquoi l’une des oppositions [g]/[k] et
[d]/[t], dans ces mots, serait tenue pour
distinctive et l’autre non (la phonologie ne faisant pas état de l’histoire). On
est obligé de penser que les mots Agde et
acte sont distingués par un trait « sonorité » qui s’étend sur l’ensemble des deux
consonnes. Rien n’interdit d’appliquer
le même raisonnement au couple ongle/
oncle : la sonorité du [l] dans ongle renforcerait, doublerait la sonorité du [g], et
serait par là distinctive. Si l’on répugne à
tenir pour telle une caractéristique dont
personne n’a conscience, on devra reconnaître cette qualité aux sons de l’allemand appelés ich-Laut et ach-Laut, qui
apparaissent à la finale de mots comme
dich, « te », et doch, « cependant » ; nulle
part ces variantes ne sont commutables ;
la première apparaît obligatoirement
après [i] (voyelle antérieure), et la seconde
après [o] (voyelle postérieure) ; l’écriture
les confond, mais la prononciation les
distingue très nettement, si nettement
que l’allemand familier peut se contenter,
sans risque de confusion, de prononcer,
dans dich et doch, les consonnes : d’ch.
Cet exemple et ces considérations
(empruntés à une étude d’Henri Frei,
Langue, parole et différenciation, dans le
Journal de psychologie, avril-juin 1952)
démontrent que des variantes non commutables, du type appelé « combinatoires », peuvent renforcer l’opposition
des phonèmes voisins, et éventuellement
la suppléer.
Le problème est plus important, et recevra des solutions plus diverses, dans le
domaine des unités significatives.
Imaginera-t-on que la variation de radical v-/all-, à l’indicatif présent, du verbe
aller renforce la distinction des personnes ? Plusieurs raisons s’y opposent.
Presque tous les verbes (ex. : chanter,
partir) se passent de cette redondance, et
beaucoup, qui la présentaient en ancien
français (je desjune/nous disnons ; je
trueve/nous trouvons), l’ont abandonnée
au cours des siècles, éliminant les conséquences d’un accident phonétique qui
avait troublé l’unité du paradigme latin,
et réuni dans un vain schisme deux personnes du pluriel dont la désinence se
trouve être aujourd’hui la mieux marquée (-ons/-ez, en face de -e, -es, -e, -ent).
On écartera aussi catégoriquement l’idée
d’une motivation sémantique dans le cas
des passés en -ai et en -is, qui créent des
classes formelles sans signifié sous-jacent.
Tout autre est le cas des morphèmes dont
le choix est commandé par des règles
d’ « accord » ou de « concordance ».
La phrase suivante en donne plusieurs
exemples :
Des pins couronnent les hauteurs,
verticaux.
Le nom pins désigne ici un ensemble de
plusieurs éléments : aussi est-il au pluriel. Ce pluriel commande celui des mots
des, couronnent et verticaux ; le nombre
de ces trois mots, le genre du troisième,
ne sont pas libres : ils sont imposés par le
nombre et le genre de pins, en vertu d’une
règle d’accord que l’on a parfois appelée
une « servitude grammaticale ». Il n’est
pas interdit de voir dans les formes de
l’article un/une/des des variantes combinatoires, non commutables (on n’écrit
pas *un pins, ni *une pin) ; de même pour
couronne/couronnent et pour vertical/
verticale/verticaux/verticales. Il y a redondance de marques du nombre et du
genre de pins. Mais, pour qui considère
seulement l’aspect oral de ces phrases, la
redondance disparaît. Jusqu’à la virgule,
la seule marque du nombre de pins est
des, qu’on doit donc tenir pour éminemment significatif.
Le genre masculin et le nombre pluriel de
l’adjectif verticaux marquent-ils le genre
et le nombre du nom pins ? Il faudrait,
pour l’affirmer, être sûr par ailleurs que
l’adjectif se rapporte à ce nom ; or, la seule
raison qu’on ait de l’affirmer est précisément l’accord de verticaux avec pins (et
non avec hauteurs) : ici, la variation combinatoire est encore significative, mais
elle marque la fonction de l’adjectif, et
non plus les caractères morphologiques
du nom. En somme, les marques redondantes de genre et de nombre ont deux
fonctions significatives, dont l’une exclut
l’autre :
— ou bien elles renforcent ou suppléent
les marques du terme recteur (fonction
morphologique)
— ou bien elles indiquent la fonction du
terme régi en permettant le repérage du
terme recteur (fonction syntaxique).
Qu’en est-il du verbe couronnent, où la
langue écrite maintient la marque du
pluriel ? Normalement, cette marque est
superflue ; elle assume pourtant la fonction syntaxique quand le verbe se trouve
coupé du sujet par plusieurs termes
incidents.
On interprétera de la même façon les faits
de « concordance des temps » à l’indicatif ou au subjonctif. Dans deux phrases
comme :
Il promet qu’il viendra,
Il promit qu’il viendrait,
le futur et le conditionnel sont deux variantes en distribution complémentaire,
dont le signifié unique est « postériorité ».
La différence qui les sépare n’est qu’une
redondance de l’opposition (significative)
promet/promit. Mais il est des cas où elle
en devient la marque essentielle, soit que
la forme du verbe principal soit temporellement ambiguë :
Il me dit,
soit que ce verbe manque, comme il arrive dans le « style indirect libre » :
Jeanne mit la lettre sur le bureau ; son
mari la trouverait en rentrant.
On voit que les variantes complémentaires prennent souvent une fonction
significative, renforçant ou suppléant
l’opposition qui les détermine. C’est ce
qu’il ne faut pas oublier quand on étudie — entre autres faits — les valeurs si
complexes du mode subjonctif. Si l’on
compare :
Il dit que tu viens,
Il dit que tu viennes,
on doit reconnaître une valeur significative à l’opposition viens/ viennes, mais on
n’en a une vue juste que si l’on remarque
qu’elle implique une différence sémantique entre les deux emplois du verbe
recteur (dit = affirme ; dit = commande).
Il n’est peut-être pas, alors, exagéré de
dire que le subjonctif est une « variante
combinatoire » de l’indicatif, mais à
condition d’admettre que les « variantes
combinatoires », sans s’opposer directement entre elles, partagent souvent la
fonction significative des oppositions
— éventuellement inexprimées — qui les
commandent.
1. complet, ète [kɔ̃plɛ, -ɛt] adj. (lat.
1. complet, ète [kɔ̃plɛ, -ɛt] adj. (lat.
completus, part. passé de complere, emplir,
achever ; 1300, Cantimpré, aux sens 1 et 5 ;
sens 2, 1866, Larousse ; sens 3-4, XVIe s.).
1. Se dit d’un ensemble possédant sans
exception tous les éléments qui doivent
le constituer : Le lendemain, l’équipage
complet du chalutier suivit l’enterrement
(Maupassant). Un jeu complet de cinquante-deux cartes. Équipement complet
de plongeur sous-marin. ∥ Aliment complet, celui qui contient tous les principes
nécessaires au développement de l’être
vivant. ∥ Pain complet, pain fait avec de
la farine dans laquelle on a laissé le son.
∥ 2. Se dit d’un local, d’un véhicule dont
toutes les places sont occupées : Le théâtre
affiche « Complet ». Tartarin étant monté,
l’omnibus fut complet (Daudet). ∥ 3. Se dit
d’une personne ou d’une chose qui possède absolument toutes les caractéristiques
du genre considéré : Cédant peut-être à
l’influence de son éducation, de son milieu,
du souci de paraître un philosophe aussi
complet qu’il sied de l’être et qui se doit de
donner réponse à tout (Valéry). C’est un
complet crétin. ∥ Un homme complet, un
homme qui a toutes les qualités désirables :
Ce peuple [parisien] a ses phénomènes
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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de vertu, ses hommes complets (Balzac).
∥ 4. Se dit de ce qui ne contient aucun
élément qui puisse l’altérer, le modifier :
Une joie complète. J’aimerai donc sans
espérance avec un dévouement complet
(Balzac). ∥ C’est complet !, se dit lorsqu’un
ennui supplémentaire vient s’ajouter à une
série de désagréments. ∥ 5. Qui est entièrement réalisé : La nuit était complète.
Cette influence amena dans mon être une
complète transformation (Renan).
• SYN. : 1 entier, intégral, total ; 2 bondé,
bourré, comble, plein, rempli ; 3 accompli,
achevé, consommé, fieffé, idéal, parfait ;
4 pur, total ; 5 absolu, entier. — CONTR. :
1 incomplet ; 3 élémentaire, rudimentaire,
superficiel ; 4 composite, mélangé, mêlé ;
5 ébauché, esquissé, fragmentaire, inachevé.
% Au complet, au grand complet loc.
adv. (1829, Boiste). Avec tous les éléments
constituants : Les tables des petits cafés où
des familles au grand complet, père, mère,
enfants, s’asseyaient devant des bocks
(Daudet).
2. complet [kɔ̃plɛ] n. m. (même étym.
qu’à l’art. précéd. ; milieu du XVIIe s., au sens
de « habit auquel il ne manque aucune des
pièces nécessaires » ; sens actuel, milieu du
XIXe s.). Vêtement d’homme dont le veston,
le gilet et le pantalon sont faits du même
tissu : En complet de nuance grise, le veston
ouvert et moulant les reins, le col droit [...],
ils [les étudiants d’Oxford] marchent par
grandes enjambées (Bourget). À travers la
souple et floconneuse étoffe de son complet,
il respirait le bien-être par tous ses pores
(Gide).
1. complètement [kɔ̃plɛtmɑ̃] adv. (de
complet 1 ; XIIIe s.). De façon complète :
Incapable d’écrire seul une phrase, M. de
Talleyrand faisait travailler complètement
sous lui : quand, à force de raturer et de
changer, son secrétaire parvenait à rédiger
les dépêches de sa convenance, il les copiait
de sa main (Chateaubriand). Tout le passé
du monde complètement absorbé dans le
moment présent (Gide).
• SYN. : entièrement, intégralement, pleinement, totalement.
2. complètement [kɔ̃plɛtmɑ̃] n. m. (de
compléter ; 1750, d’après Féraud, 1787 [aussi
dans Trévoux, 1752]). Action de compléter,
de rendre complet : Le complètement des
effectifs d’un bataillon.
compléter [kɔ̃plete] v. tr. (de complet ;
janv. 1733, Mémoires de Trévoux). [Conj.
5 b.] Ajouter ce qui manque pour rendre
complet (au pr. et au fig.) : Compléter une
somme insuffisante, un ouvrage dépareillé. L’éclair qui révèle à chacun | L’être
qui le complète et de deux ne fait qu’un
(Lamartine). C’était une superbe pipe en
écume [...] familière à sa main, et complétant sa physionomie (Maupassant).
• SYN. : achever, consommer, couronner,
parachever, parfaire.
% se compléter v. pr. (1866, Larousse).
1. Former un tout, un ensemble cohérent,
en s’associant : Les deux fonctions se complètent. ∥ 2. Devenir complet peu à peu :
Sa documentation se complète.
complétif, ive [kɔ̃pletif, -iv] adj. (lat.
des grammairiens completivus, qui complète [Ve s.], de complere, achever ; 1503,
G. de Chauliac). Proposition complétive, ou
complétive n. f., en grammaire, proposition
subordonnée qui joue le rôle de complément d’objet ou de sujet de la principale.
(Ex. : Je crois QU’IL A RAISON. QUI NE DIT
MOT consent.)
complétion [kɔ̃plesjɔ̃] n. f. (de complet ;
milieu du XXe s.). En termes de pétrochimie, ensemble des opérations d’achèvement qui précèdent la mise en exploitation
d’un puits.
1. complexe [kɔ̃plɛks] adj. (lat. complexus, part. passé de complecti, embrasser,
saisir, contenir ; v. 1378, J. Le Fèvre). 1. Qui
se compose d’éléments différents, intimement mêlés : OEuvre colossale, tout ensemble
une et complexe (Hugo). Nous sommes mentalement une succession de transformations
dont les unes, les conscientes, sont plus
complexes que les autres, les inconscientes
(Valéry). ∥ 2. Par extens. Se dit d’une chose
que l’esprit ne peut pas saisir immédiatement à cause de la multiplicité et de la
diversité de ses éléments : Celui-là donc
qui ne repoussait pas les textes complexes
de Mallarmé se trouvait insensiblement
engagé à réapprendre à lire (Valéry). Les
actes les plus simples lui paraissent complexes et hasardeux (Duhamel). ∥ Situation
complexe, situation créée par l’imbrication
d’éléments différents, et dont il est malaisé
de sortir. ∥ 3. Homme, personnage complexe, homme, personnage dont le caractère présente des aspects très différents.
∥ 4. Spécialem. Nombre complexe, nombre
composé d’unités de différentes espèces, et
qui n’obéit pas à la numération décimale :
Six heures vingt minutes douze secondes
forment un nombre complexe.
• SYN. : 1 composé ; 2 compliqué, embrouillé,
emmêlé ; 3 composite. — CONTR. : 1 simple ;
2 clair, distinct, net.
% n. m. 1. Le complexe, ce qui est complexe,
composé d’éléments différents : L’homme
procède toujours du simple au complexe
(E. Pelletan). ∥ 2. Ensemble d’industries
concourant à une production particulière :
Un complexe sidérurgique.
2. complexe [kɔ̃plɛks] n. m. (allem.
Komplex [de même étym. que COMPLEXE
1], utilisé par Freud comme terme de psychanalyse ; début du XXe s.). Association
d’éléments et de représentations doués
d’une forte charge affective, qui se développe en marge de la conscience, et à
laquelle les psychanalystes attribuent
divers troubles psychiques : Vous avez
jusqu’ici souffert d’un complexe d’infériorité (Duhamel). Oui, je sais bien, il y a
Freud et cette école de Vienne, et les complexes, et les répressions, et les fixations
infantiles ! (Maurois). Le Roumain n’a
ni complexe d’infériorité ni chauvinisme
agressif (Morand). ∥ Fam. Sans complexes,
se dit d’une personne qui agit tout naturellement, sans hésitation.
complexé, e [kɔ̃plɛkse] adj. (de complexe
2 ; milieu du XXe s.). Fam. Se dit d’une personne qui est dominée par un ou plusieurs
complexes, qui souffre d’inhibition : Se
sentir complexé.
complexion [kɔ̃plɛksjɔ̃] n. f. (lat. complexio, assemblage, d’où, à basse époque,
« tempérament », de complexum, supin de
complecti [v. COMPLEXE 1] ; 1256, Ald. de
Sienne, au sens 1 ; sens 2, 1538, R. Estienne ;
sens 3, 1688, La Bruyère ; sens 4, v. 1265,
J. de Meung ; sens 5, 1863, Littré). 1. Littér.
Ensemble des différents éléments qui
concourent à assurer au corps humain une
certaine constitution physique : La timidité
de son caractère et la faiblesse de sa complexion semblaient assurer la pureté de ses
moeurs (France). Blafaphas était endurant,
mais Fleurissoire de complexion délicate
(Gide). L’homme a beau faire : il est d’un
climat. Il a son tempérament d’origine. Il a
sa complexion ethnique (Martin du Gard).
∥ 2. Class. et littér. Tempérament, humeur,
inclination dépendant de la constitution
physique : Vous êtes donc de complexion
amoureuse (Molière). Charles n’était
point de complexion facétieuse (Flaubert).
∥ 3. Class. Fantaisie, caprice : Cette femme
s’était faite à toutes les complexions de son
mari (Acad., 1694). ∥ 4. Vx. Agencement
des diverses parties concourant à former
un tout : Ce qui convient à la complexion
d’une société libre, c’est un état de paix
modéré par la guerre, et un état de guerre
attrempé de paix (Chateaubriand). La véritable complexion de ce monde (Baudelaire).
Ce diable de fusil était de complexion singulière (Daudet). ∥ 5. En logique, syn. anc.
de EXTENSION.
complexité [kɔ̃plɛksite] n. f. (de complexe ; 1755, Morelly). 1. Caractère de ce
qui comporte des éléments très divers,
intimement mêlés : Je ferai voir ce groupe
dans la complexité de ses efforts (Zola). La
complexité de mon amour, de ma personne,
multipliait, diversifiait mes souffrances
(Proust). Tant il semblait que cette torpeur
vînt de la complexité même de mes pensées
(Gide). ∥ 2. Caractère de ce qui n’est pas
immédiatement perceptible à l’esprit, en
raison de la multiplicité de ses éléments :
La complexité des questions que pose le
Marché commun.
• SYN. : 1 complication ; 2 enchevêtrement,
imbroglio. — CONTR. : 1 simplicité ; 2 clarté,
netteté.
complexus [kɔ̃plɛksys] n. m. (mot lat.
signif. « étreinte, enchaînement », de comdownloadModeText.vue.download 106 sur 978
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plecti [v. COMPLEXE 1] ; 1704, Trévoux).
Nom de deux muscles pairs de la nuque,
extenseurs de la tête, le grand complexus
et le petit complexus.
complication [kɔ̃plikasjɔ̃] n. f. (bas lat.
complicatio, action de plier, multiplication,
de complicatum, supin de complicare [v.
COMPLIQUER] ; 1377, Oresme). 1. État,
caractère de ce qui est compliqué : La complication d’un mécanisme, d’une machine.
∥ 2. Ensemble compliqué : On y arrivait
[à l’atelier] par une complication d’escaliers et de couloirs (Zola). ∥ 3. Difficulté,
embarras créés par un concours de circonstances, d’incidents de caractère
varié et confus : Les complications de la
politique. Complications diplomatiques.
Complications sentimentales, chichis, coupage de cheveux en quatre, soliloques psychologiques [...], Dieu que je suis ridicule !
(Colette). Je n’irai pas chez le juge : je te dis
que j’ai horreur des complications (Sartre).
% complications n. f. pl. Phénomènes
morbides qui apparaissent au cours d’une
maladie, dus à la même cause ou à des
causes différentes : La maladie n’aura pas
de complications.
complice [kɔ̃plis] adj. et n. (bas lat.
complex, -icis, uni étroitement, d’où
« complice », de cum, avec, et plicare,
plier, enrouler ; début du XIVe s., Girart de
Roussillon, aux sens 1-2 ; sens 3, v. 1465,
Chastellain). 1. Qui participe au même
crime ou délit qu’un autre : Le père et les
enfants ont été complices de ce petit crime
(Balzac). ∥ 2. Par extens. Qui participe à
une action répréhensible ou accomplie
secrètement : Se faire le complice d’une
mystification. Schwartz demeurait à l’écart
avec Nippert ; ils se parlaient en alsacien,
ils avaient déjà l’air de deux complices
(Sartre). ∥ 3. Fig. Se dit de ce qui aide,
favorise l’accomplissement de quelque
chose : Vil bâtiment, des temps fatals fatal
complice ! | Il est la colonnade immonde
du supplice (Hugo). Le lent éveil de leurs
tendresses au milieu de la nature complice
(Zola). Viens ! que je reconnaisse et que je
les haïsse, | Cette ombrageuse enfant, ce
silence complice (Valéry).
• SYN. : 2 acolyte, comparse, compère ;
3 aide, auxiliaire, compagnon, coopérateur.
complicité [kɔ̃plisite] n. f. (de complice ; 1420, Dict. général). 1. Action de
participer à un crime ou à un délit ; qualité de complice : Le cas de sorciers ou
de sorcières, condamnés au feu ou à la
corde pour complicité de maléfices avec
des boucs (Hugo). Être de complicité avec
quelqu’un. ∥ 2. Entente secrète, tacite,
entre personnes ; connivence : Le passage
était sombre, presque obscur ; il en émanait une espèce d’attirance, d’équivoque
complicité (Carco). ∥ 3. Fig. Ensemble de
circonstances favorables : Pour bien réussir
une convalescence, il y faut la complicité du
printemps (Gide).
• SYN. : 2 collusion, intelligence.
complies [kɔ̃pli] n. f. pl. (adaptation,
sous l’influence de l’anc. franç. complir,
accomplir, achever [lat. pop. *complire, lat.
class. complere, achever], du lat. ecclés. completa [hora], completae [horae], heure[s]
accomplie[s] ; v. 1120, Voyage de saint
Brendan, au sing. ; au plur., v. 1175, Chr.
de Troyes). Dernière partie de l’office canonial, qui se dit ou se chante après vêpres.
compliment [kɔ̃plimɑ̃] n. m. (esp. cumplimiento, de cumplir, accomplir [bas lat.
*complire, v. COMPLIES], dans la loc. cumplir con alguien, accomplir [ses politesses]
envers quelqu’un ; 1608, Régnier, aux sens
1-2 ; sens 3, 1650, La Rochefoucauld ; sens
4, 1680, Richelet [« discours solennel à
un grand personnage » ; nuance actuelle,
XVIIIe s., Voltaire, d’après Larousse, 1866]).
1. Paroles élogieuses adressées à quelqu’un
pour le féliciter d’un mérite quelconque :
Elle le berça d’admiration et l’enveloppa de
compliments (Maupassant). M. Bergeret
se promettait de vivre agréablement avec
sa fille [...] qui flattait son amour-propre,
parce qu’on lui en faisait des compliments
(France). Elle était comme presque toutes
les femmes, lesquelles s’imaginent qu’un
compliment qu’on leur fait est la stricte
expression de la vérité, et que c’est un
jugement qu’on porte impartialement,
irrésistiblement (Proust). ∥ Sans compliment, sans intention préalable de complimenter, de flatter ; en toute franchise,
sincérité. ∥ Ironiq. Je vous fais mes compliments !, et, ellipt., Mes compliments !,
se dit pour reprocher à quelqu’un son
insigne maladresse. ∥ 2. Class. et littér.
Formule de politesse ; paroles de civilité,
condoléances adressées à quelqu’un : M. de
Nemours [...] lui fit des compliments sur son
affliction (La Fayette). Après les premiers
compliments de bienvenue et les politesses
de voisinage, personne ne trouva plus rien à
dire (Maupassant). ∥ Auj. et absol. Formule
de politesse employée pour se rappeler au
bon souvenir de personnes absentes : Mes
compliments chez vous. ∥ 3. Class. Façons,
manières, cérémonies : J’en use librement,
| Songez que l’amitié défend le compliment
(Th. Corneille). ∥ Sans compliment, sans
façon. ∥ 4. Petit discours élogieux ou affectueux, que l’on adresse à quelqu’un dans
une circonstance solennelle ou heureuse
de sa vie : La fête de l’abbesse était la fête
principale de la communauté ; la plus belle
des pensionnaires faisait le compliment
d’usage : sa parure était ajustée, sa chevelure nattée, sa tête voilée et couronnée des
mains de ses compagnes (Chateaubriand).
∥ Fig. et fam. Rengainer son compliment,
s’abstenir à temps de dire quelque chose
qui serait inopportun, ou s’interrompre
pour la même raison.
• SYN. : 1 congratulation, éloge, félicitation.
complimenter [kɔ̃plimɑ̃te] v. tr.
(de compliment ; 1634, Brunot, au sens
de « adresser un discours solennel à
quelqu’un » ; sens 1, 1863, Littré ; sens
2, 1694, Acad.). 1. Adresser des éloges,
des félicitations à quelqu’un : M. Joseph
Gamelin [...] n’avait pas cessé de la complimenter sur son teint, sa coiffure et sa taille
(France). ∥ 2. Absol. Faire des civilités, des
politesses flatteuses : Perdre son temps à
complimenter.
• SYN. : 1 congratuler, féliciter, louer ;
2 aduler, flagorner, flatter. — CONTR. :
1 admonester, blâmer, injurier, invectiver,
réprimander.
complimenteur, euse [kɔ̃plimɑ̃toer,
complimenteur, euse [kɔ̃plimɑ̃toer,
-øz] adj. et n. (de compliment ; 1622, Sorel,
comme n. ; comme adj., 1762, Acad.). Qui
adresse trop d’éloges : Cet homme d’une
éloquence si violente et si âpre était, dans
un salon, obséquieux, complimenteur,
modeste jusqu’à être humble (Hugo). Oui,
je suis belle, je le sais. Les complimenteurs
ne m’apprendront rien (Musset).
• SYN. : adulateur, caudataire, flagorneur,
flatteur. — CONTR. : censeur, critique,
détracteur.
% adj. Qui contient, exprime des compliments : J’avais trop de sens pour m’arrêter
longtemps dans le genre complimenteur
(Stendhal). Un rappel à l’ordre sous une
forme complimenteuse (Baudelaire). Cette
bienveillance loquace et complimenteuse
qui fait des Irlandais un peu les Gascons
de l’Angleterre (Daudet). Il reçut une lettre
fort complimenteuse (Theuriet). Celle à qui
il pouvait tenir indéfiniment les propos les
plus complimenteurs (Proust).
compliqué, e [kɔ̃plike] adj. (part. passé
de compliquer). 1. Composé d’un grand
nombre de pièces, d’éléments : Une
machine compliquée. ∥ 2. Difficile à saisir
par l’esprit, à cause du nombre des parties
composantes et de la multiplicité de leurs
rapports : C’est une science compliquée
(Stendhal). Chez les marchands d’oiseaux,
les perroquets parlent des langues compliquées, apprises autrefois chez des savants
à bonnets de mage (Malraux). ∥ 3. Qui
est rendu plus difficile, plus grave par des
circonstances diverses : La vive répulsion
morale que j’éprouvais, compliquée d’un
changement total dans le régime et les habitudes (Renan). Une coqueluche compliquée
de broncho-pneumonie.
• SYN. : 1 complexe, composé ; 2 confus,
embrouillé, emmêlé, touffu ; 3 aggravé,
renforcé. — CONTR. : 1 simple, sobre ; 2 clair,
distinct, élémentaire, enfantin, facile, net.
% adj. et n. Fig. Un esprit compliqué, un
homme compliqué, et, absol., un compliqué,
une compliquée, une personne qui n’aime
pas la simplicité et se plaît à rechercher la
difficulté.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
821
% compliqué n. m. Ce qui est compliqué :
Plus l’homme est barbare, plus le compliqué
lui plaît (Hugo).
compliquer [kɔ̃plike] v. tr. (lat. complicare, lier ensemble, d’où « embarrasser »,
de cum, avec, et plicare, enrouler ; fin du
XIVe s., G. de Chauliac, au part. passé, aux
sens de « [maladie] qui touche à la fois plusieurs parties du corps » et « composé d’éléments multiples » ; 1823, Boiste, à l’infin.,
aux sens 1-2). 1. Rendre une chose moins
simple qu’elle n’était : Et qu’est-ce que le
langage humain, sinon le cri de la bête
des forêts et des montagnes, compliqué et
corrompu par des primates orgueilleux ?
(France). La composition de cette Chambre
[la Diète] fut savamment compliquée
(Bainville). ∥ 2. Rendre confus, difficile
à comprendre : C’est notre ignorance qui
complique toutes choses (Lamennais). Les
lectures techniques que je fis à cette époque
ajoutaient encore à mon embarras et le compliquaient (Sainte-Beuve).
• SYN. : 2 brouiller, embrouiller, emmêler.
% se compliquer v. pr. (sens 1, 1829, Boiste ;
sens 2, 1835, Acad.). 1. Devenir compliqué,
confus, embrouillé : L’affaire se complique.
∥ 2. Fam. Se compliquer de, s’accompagner
d’un caractère accessoire aggravant : La
sobriété est une vertu méridionale qui se
complique aisément de paresse (Gautier).
complot [kɔ̃plo] n. m. (origine incertaine ; v. 1150, Roman de Thèbes [aussi sens
de « foule serrée » ; fin du XIIe s., Aliscans]).
1. Dessein concerté secrètement entre
quelques personnes, et dirigé contre un
individu, une institution, surtout contre
un gouvernement, un régime : Un foyer de
révoltes, de complots contre l’État (Courier).
Il sentit qu’on le trompait, qu’il y avait
déjà quelque complot organisé contre lui
(Daudet). ∥ 2. Projet quelconque concerté
secrètement entre quelques personnes.
∥ Mettre quelqu’un dans le complot, le
mettre au courant de ce qui se prépare en
secret.
• SYN. : 1 conjuration, conspiration ;
2 cabale, machination.
comploter [kɔ̃plɔte] v. tr. (de complot ;
v. 1450, J. Chartier). 1. Tramer secrètement le complot de : Comploter la mort
du tyran. ∥ 2. Former et poursuivre une
entreprise secrète : L’appartement de la
rue du Doyenné déplaisait, le comte complota d’en meubler un magnifiquement,
rue Vaneau (Balzac). ∥ 3. Absol. Faire des
complots ; élaborer des projets mystérieux,
secrets, agir dans l’ombre : Ils ne cessent de
comploter tous les deux.
• SYN. : 1 conspirer ; 2 combiner (fam.),
machiner, manigancer (fam.), ourdir, tramer ; 3 cabaler, intriguer.
comploteur, euse [kɔ̃plɔtoer, -øz] n. (de
comploter ; 1580, Th. de Bèze). Personne
qui complote : Déjouer les menées des
comploteurs.
• REM. On a dit aussi COMPLOTIER, au
masculin, mais rarement : Le dortoir,
où je piochais à la chandelle, est devenu
le terrain d’embuscade des complotiers
(Vallès).
compon [kɔ̃pɔ̃] n. m. (de componé ; 1690,
Furetière). En termes d’héraldique, division
de forme carrée, partie du componé.
componction [kɔ̃pɔ̃ksjɔ̃] n. f. (lat. ecclés.
compunctio, proprem. « piqûre », de compunctum, supin de compungere, piquer,
d’où « affecter », et, au passif, « être repentant » ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens
1 ; sens 2, 1863, Littré). 1. Class. et littér.
Tristesse profonde, apparente, que cause
le sentiment d’avoir offensé Dieu : On vit
ce grand roi porter au pied des autels la
componction et l’humilité d’un pénitent
(Massillon). La vue de ces grottes [...] inspire de la componction, de l’amour, de la
pénitence (Chateaubriand). ∥ 2. : Air de
gravité humble, de recueillement, souvent
affecté (s’emploie souvent par ironie) :
« Cette vieille demoiselle paraît tout à fait
pleine d’onction. — Pleine d’onction et de
componction » (Musset).
componé, e ou componné, e
[kɔ̃pɔne] adj. et n. m. (altér., sous l’influence
de l’anc. franç. compondre, composer [lat.
componere, réunir], de couponé, divisé
en coupons [XIVe s. ; v. COUPON] ; 1302, J.
Richard, Comtesse Mahaut). En héraldique,
se dit de la bordure et des autres pièces
honorables divisées en compartiments
carrés de couleurs alternées : Pal componé.
componende [kɔ̃pɔnɑ̃d] n. f. (lat. ecclés.
componendum [est], il faut composer [en
payant], de componere, composer ; 1690,
Furetière). Offrande à remettre au pape ou
à l’évêque en retour de certaines grâces.
comporte [kɔ̃pɔrt] n. f. (anc. provenç.
comporta, baquet, de comportar, lat. com-
portare, transporter ; 1765, Encyclopédie).
Sorte de baquet ou de cuvier en bois,
pourvu de deux anses, et servant au transport de l’eau, de la vendange, etc. : Ramoun
jette dans la comporte les épis dépouillés
(Escholier).
comportement [kɔ̃pɔrtəmɑ̃] n. m.
(de se comporter ; 1475, Dict. général, au
sens 1 ; spécialisé au début du XXe s. dans
le langage des psychologues pour traduire
l’anglo-amér. behavior [v. BÉHAVIORISME]).
1. Manière d’être et d’agir d’une personne :
Elle gardait la bouche ouverte à demi, ce qui
n’était pas de son comportement ordinaire
(Duhamel). ∥ Spécialem. Manière dont une
personne se comporte dans un cas particulier ; conduite : Ayez honte de votre vilain
comportement et laissez-moi continuer mon
chemin (Sand). ∥ 2. Psychologie du comportement, étude systématique des réactions
observables de l’homme et des animaux,
placés dans un milieu et des circonstances
donnés. (V. BÉHAVIORISME.)
• SYN. : 1 allure, attitude, maintien,
manière, procédé, tenue.
comporter [kɔ̃pɔrte] v. tr. (lat. comportare, transporter, amasser, réunir ; XIIe s., au
sens de « porter » et au sens 1 ; sens 2, XVe s.).
1. Vx. Laisser accès à ; souffrir, permettre :
Aucune situation ne comporte l’orgueil ni
l’insolence (Napoléon Ier). Permettez que
je me préserve de l’amour tel que le monde
actuel l’entend et le comporte (Sand).
∥ 2. Comprendre, renfermer quelque chose
par nature ; entraîner naturellement telle
conséquence : J’avais autant de bonheur
qu’en comportaient ma nature et ma destinée (France). Une même expression, de
figure comme de langage, pouvant comporter diverses acceptions, j’étais hésitant
comme un élève devant les difficultés d’une
version grecque (Proust). Le logement, qui
est au rez-de-chaussée, comporte trois pièces
et une cuisine (Romains).
• SYN. : 2 admettre, se composer de, comprendre, impliquer.
% se comporter v. pr. (sens 1, XIIIe s. ; sens
2, 1783, Encycl. méthodique). 1. En parlant
d’une personne, prendre une certaine
attitude, dans des circonstances déterminées : Il faut que notre marquis se confesse
d’avoir été au siège de Sancerre et de s’y
être vaillamment comporté (Sand). Un
jeune Français [...] peut, s’il sait observer,
voir vivre et considérer dans leur mélange
les types très divers de la nation, regarder comme se comportent, dans l’égalité
momentanée de la condition militaire, les
individus de complexion, de culture, de fortune, de profession les plus variées (Valéry).
Se comporter en honnête homme. ∥ 2. En
parlant des choses, fonctionner, marcher
d’une certaine façon, dans des conditions
données : Voiture qui se comporte bien dans
les courbes ; et impers. : Tout se comportet-il là-bas comme il te plaît ? (Verlaine).
• SYN. : 1 se conduire, se tenir.
composant, e [kɔ̃pozɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de composer ; v. 1340, J. Le Fèvre). Qui
entre comme élément dans la composition
d’un tout : Les corps composants d’un sel.
Forces composantes.
% composant n. m. (sens 1, 1839, Acad. ;
sens 2, XXe s.). 1. En chimie, élément qui,
combiné avec un autre ou plusieurs autres,
forme un composé : Les composants de l’air,
de l’eau. ∥ 2. En linguistique, terme qui
entre dans la formation d’un composé.
% composante n. f. (sens 1, XXe s. ; sens 2,
1863, Littré ; sens 3, 15 août 1872, Journ.
officiel). 1. En mathématiques, projection
d’un vecteur sur l’un des axes ou l’un
des plans d’un système de coordonnées.
∥ 2. En mécanique, chacune des forces
qui concourent à former une résultante.
∥ 3. Fig. Élément constituant : La tentation
de considérer l’être et le non-être comme des
composantes complémentaires du réel, à la
façon de l’ombre et de la lumière (Sartre).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
822
composé, e [kɔ̃poze] adj. (part. passé
de composer ; fin du XVIe s., aux sens 1-2 ;
sens 3, 1538, R. Estienne ; sens 4, 1612, M.
Régnier). 1. Se dit d’une chose qui n’est
pas simple, qui est formée d’éléments
divers, juxtaposés ou mêlés en un tout :
C’est pourquoi je réserve une partie de mon
temps pour la surveillance de cette machine
composée que j’appelle mon corps (Alain).
∥ Mot composé, mot formé de plusieurs
autres mots : PINCE-SANS-RIRE est un mot
composé. ∥ Temps composé, temps d’un
verbe formé du participe passé joint à un
verbe auxiliaire : Le passé antérieur est un
temps composé. ∥ Intérêts composés, inté-
rêts qu’on ne touche pas et qui, s’ajoutant au
capital, produisent à leur tour un intérêt :
Scrupuleusement, il tenait à jour un compte
de cette dette, dont il remettait, de temps à
autre, à Thérèse et à Daniel, un relevé en
deux exemplaires, tapé à la machine, où les
intérêts composés étaient calculés à un taux
généreux (Martin du Gard). ∥ Chapiteau
composé, chapiteau dont les parties sont
empruntées à divers ordres d’architecture.
∥ Corps composé, corps chimique formé
par la combinaison d’un corps simple avec
un ou plusieurs autres corps : L’acide sulfurique est un corps composé. ∥ Pas composé, pas de danse formé de plusieurs pas
simples combinés. ∥ 2. Class. Constitué du
point de vue physiologique : Vous avez un
corps parfaitement bien composé (Molière).
∥ 3. Dont les éléments sont bien choisis
et dosés ; qui obéit à un plan : La claque
à l’Opéra est très bien composée (Hugo).
Tes jardins composés où Louis ne vient plus
(Samain). Un menu composé selon les règles
de la diététique. Une dissertation qui n’est
pas composée. ∥ 4. Qui affecte la gravité,
la retenue : Miguel Ladron l’accueillit avec
le maintien composé et le visage grave des
porteurs de mauvaises nouvelles (Morand).
• SYN. : 1 complexe, composite ; 4 affecté,
apprêté, compassé, étudié. — CONTR. :
1 élémentaire, simple ; 4 désinvolte, franc,
libre, spontané.
% composé n. m. (1668, La Fontaine [en
chimie, 1721, Trévoux ; « mot composé »,
1596, Hulsius]). 1. Ensemble constitué
par divers éléments unis pour former un
tout : Mes souvenirs de divers âges, ceux
de mes songes comme ceux de mes réalités, se sont pétris, mêlés, confondus, pour
faire un composé de charmes et de douces
souffrances dont elle est devenue la forme
visible (Chateaubriand). Ce je ne sais quoi
des étés bretons qui est mélancolique [...],
c’est un composé où entrent mille choses
(Loti). ∥ Spécialem. Espèce chimique
formée par la combinaison de plusieurs
éléments. ∥ En linguistique, terme formé
par composition. ∥ 2. Class. Constitution,
nature d’un être vivant : Si dans son composé quelqu’un trouve à redire, | Il peut le
déclarer sans peur (La Fontaine).
• SYN. : 1 alliage, alliance, amalgame, combinaison, mélange.
composées [kɔ̃poze] n. f. pl. (part. passé
fém. substantivé de composer ; 1829, Boiste).
La plus importante des familles de plantes
dicotylédones gamopétales, caractérisée
par des fleurs groupées en capitules : Les
chardons, les pissenlits sont des composées.
• REM. On dit aussi parfois COMPOSACÉES.
composer [kɔ̃poze] v. tr. (adaptation,
d’après poser, du lat. componere, mettre
ensemble, de cum, avec, et ponere, poser ;
v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens de « susciter [des tracasseries, des exactions à une
ville] » ; sens 1 et 5, 1559, Amyot ; sens 2,
1621, Oudin ; sens 3, 1508, Coutumier général ; sens 4, 1530, Palsgrave ; sens 6, 1538,
R. Estienne). 1. Former un tout, en partant
de plusieurs éléments que l’on combine ou
assemble : Je me composai donc une femme
de toutes les femmes que j’avais vues : elle
avait la taille, les cheveux et le sourire de
l’étrangère qui m’avait pressé contre son
sein ; je lui donnai les yeux de telle jeune
fille du village, la fraîcheur de telle autre
(Chateaubriand). J’y cherchai des fleurs
pour lui composer deux bouquets (Balzac).
∥ 2. Spécialem. Assembler les caractères
typographiques qui serviront à l’impression d’un texte : On a déjà composé les deux
tiers de l’ouvrage. ∥ 3. Donner une ordonnance, un plan à un ensemble ; choisir et
grouper de façon harmonieuse des éléments épars : Discours toujours admirablement composé comme une oeuvre classique
(Péguy). ∥ 4. Produire, créer une oeuvre
de l’esprit : Il a composé lui-même et fait
imprimer une prière spéciale pour sa Bonne
Vierge (Maupassant). Elle chante, elle joue
du clavecin, elle a même composé six valses
(France). ∥ Absol. Créer une oeuvre musicale. ∥ 5. Fig. Étudier ses attitudes, ses
expressions, pour faire illusion, donner le
change sur ses sentiments : Il ne songeait
point à s’idéaliser et ne composait point son
personnage [...]. Il était lui, lui-même mis
au-dehors (Vigny). Il toussa [...], composa
laborieusement son sourire le plus onctueux
(Duhamel). ∥ 6. En parlant des éléments
assemblés, entrer dans la composition de,
former : Les moules, la friture et les volailles
[...] composent le souper ordinaire des habitués (Nerval).
• SYN. : 1 confectionner, constituer, faire ;
3 agencer, ordonner, organiser ; 4 concevoir, écrire ; 5 apprêter, arranger, déguiser ;
6 constituer, former. — CONTR. : 1 analyser,
décomposer, défaire, dissocier.
% v. intr. (sens I, 1690, Furetière ; sens II, 1,
milieu du XIVe s., Modus ; sens II, 2, 1789,
G. Mirabeau).
I. Faire, en classe, un exercice scolaire en
vue d’un classement : Nous composons
demain en version latine. On va composer
bientôt pour les prix ; laissez mes enfants
venir au lycée les jours de composition
(Daudet).
II.1.Composer avec quelqu’un ou avec
quelque chose, faire effort pour arriver
à un accommodement, en acceptant des
concessions : Lui, toujours grave, toujours
absolu, ne voulait composer avec aucune
dialectique (Sand). Il faut composer avec
les sots, comme avec un ennemi supérieur
en nombre (Karr). La police coffre les
insoumis ; mais, en Italie, volontiers elle
compose avec les subtils (Gide). ∥ 2. Fig.
Se donner de mauvaises raisons pour
échapper à un devoir, transiger : Composer avec l’honneur, avec sa conscience.
Ces gens que rien ne peut gagner, qui ne
composent point (Courier).
• SYN. : II, 1 s’accommoder, s’entendre, négocier, traiter, transiger ; 2 biaiser.
% se composer v. pr. (fin du XVIe s.). 1. Se
composer de, être constitué par : Il pensa
tout à coup à lui constituer un majorat qui
se composerait de la fortune territoriale des
deux familles (Balzac). ∥ 2. S’ordonner
d’une certaine façon : Voilà un groupe qui
se compose assez bien (Gautier).
composeuse [kɔ̃pozøz] n. f. (de composer ; 1866, Larousse). Machine à composer,
en imprimerie.
composite [kɔ̃pozit] adj. (lat. compositus, part. passé de componere, arranger,
mettre ensemble ; v. 1361, Oresme, au
sens de « convenable » ; sens 1, 1545, Dict.
général ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Se dit
d’un ordre d’architecture qui réunit des
éléments de l’ionique et du corinthien : Les
vastes bâtiments de style composite se profilaient dans l’air bleu (Bourget). ∥ 2. Par
extens. Qui est composé d’éléments très
divers : Une odeur composite de poudre de
riz, de truffes, de fleurs de serre (Daudet).
La société qui se rencontrait là, au concert,
tous les dimanches, était assez composite
(Duhamel).
• SYN. : 2 disparate, hétéroclite, hétérogène,
mélangé, mêlé.
% n. m. Ordre, style composite.
compositeur, trice [kɔ̃pozitoer, -tris]
n. (lat. compositor, celui qui compose, qui
arrange ; 1274, Godefroy, au sens 3 ; sens
1, 1549, R. Estienne [« auteur d’oeuvres littéraires », 1406, N. de Baye] ; sens 2, 1550,
J. Peletier). 1. Personne qui compose des
oeuvres musicales : Un compositeur de
musique atonale, d’opérettes, de chansons.
∥ 2. Typographe qui assemble à la main
les caractères d’imprimerie. ∥ 3. Amiable
compositeur, celui qui est chargé de régler
à l’amiable un différend entre deux
personnes.
composition [kɔ̃pozisjɔ̃] n. f. (lat. compositio, accommodement, arrangement,
composition, de compositum, supin de
componere [v. COMPOSER] ; v. 1155, Wace,
au sens I [venir à composition, 1538, R.
Estienne ; de bonne composition, 1694,
Acad.] ; sens II, 1, 1538, R. Estienne [« chose
composée », v. 1560, Paré] ; sens II, 2, milieu
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
823
du XIVe s. ; sens II, 3, 1636, Monet ; sens
II, 4, 1690, Furetière ; sens II, 5, 1580,
Montaigne ; sens II, 6, 1651, Brunot ; sens
II, 7-8, 1694, Acad.).
I. Accommodement entre deux ou plusieurs personnes qui acceptent de faire
des concessions pour arriver à un compromis : Josèphe ne doute pas que, s’il eût
vécu, il n’eût réussi à amener entre les Romains et les Juifs une composition honorable (Renan). ∥ Amener à composition,
venir à composition ou entrer en composition, amener quelqu’un à transiger, ou
accepter soi-même un compromis, un
accord : Il y a des blessés allemands que
les bons traitements, la souffrance ou
d’autres mobiles amènent à composition
(Duhamel). ∥ Personne de bonne composition, personne conciliante, avec laquelle
on s’entend facilement.
II. 1. Action de former un tout en assemblant des parties : Procéder à la composition du bureau d’une assemblée. ∥ Par
extens. La chose composée : Une composition pharmaceutique. ∥ 2. Manière dont
les éléments d’un ensemble sont choisis,
juxtaposés, mêlés, dosés : Vers le milieu du
XVIIe siècle, les orchestres prirent la composition que nous leur voyons aujourd’hui
(Stendhal). Il entre dans la composition
d’un « puchero » confortable un quartier
de vache, un morceau de mouton, un poulet (Gautier). Il voulut en savoir la composition et la blâma en termes énergiques
(Flaubert). ∥ Spécialem. Proportion des
éléments qui entrent dans un corps composé : Étudier la composition chimique
d’un minéral. ∥ 3. Action d’assembler, de
disposer des caractères typographiques
pour former les mots, les lignes d’un
texte, en vue de son impression : Composition manuelle. Composition mécanique. ∥ Par extens. Le texte composé
lui-même : Déposer la composition sur
le marbre. ∥ 4. Formation de mots par
combinaison de mots simples ou par
addition de préfixes. (V. Introduction.)
∥ 5. Action de composer un ouvrage de
l’esprit : C’était une sorte de pièce de leur
composition (Nerval). Elle le surprit très
absorbé dans la composition d’une lettre
(Daudet). ∥ Par extens. L’oeuvre réalisée :
La tragédie fut d’abord une composition
religieuse (Constant). Tout, dans cette
remarquable composition [« les Sabines »,
de David], est pensé, étudié [...], poussé
à la haute perfection dont l’artiste était
capable (Gautier). ∥ 6. Construction,
ordonnance, équilibre et enchaînement
des parties d’une oeuvre littéraire ou
artistique : La structure et l’harmonie
de la composition (Balzac). Ce tableau
dénotait une science réelle de la composition, et une connaissance approfondie
de tous les maîtres italiens (Baudelaire).
Sans composition, l’oeuvre d’art ne saurait présenter qu’une beauté superficielle
(Gide). ∥ Spécialem. Ensemble des règles
auxquelles obéit le musicien qui crée un
ouvrage musical : La classe de composition, au Conservatoire. ∥ 7. Exercice littéraire destiné à apprendre aux élèves à
ordonner et à exprimer leurs idées : Une
composition française. ∥ 8. Exercice scolaire fait en classe et en vue d’un classement : Les compositions trimestrielles. J’ai
eu le diplôme d’honneur pour une composition d’histoire. Mme de Saint-Joseph dit
que j’étais la seule qui avait traité le sujet
à fond (France).
• SYN. : I accord, arrangement, conciliation,
transaction. ∥ II, 1 constitution, formation, organisation ; amalgame, combiné,
composé, mixture ; 5 élaboration, rédaction ; 7 dissertation, rédaction. — CONTR. :
I désaccord, discorde, dissension, division,
opposition, rupture.
compossible [kɔ̃pɔsibl] adj. (de com-
compossible [kɔ̃pɔsibl] adj. (de comet de possible ; 1907, Larousse). Dans la
philosophie de Leibniz, qui est possible et
compatible avec l’existence d’autre chose.
compost [kɔ̃pɔst] n. m. (mot angl. tiré
de l’anc. franç. compost, composé [XIIIe s.],
du lat. compositus, part. passé de componere, mettre ensemble ; 1732, Trévoux).
Mélange de bonne terre, de débris organiques, de matières calcaires, fermenté et
utilisé comme engrais : Dans la fosse aux
composts furent entassés des branchages,
du sang (Flaubert).
1. compostage [kɔ̃pɔstaʒ] n. m. (de
composter 1 ; milieu du XXe s.). Action
d’amender les terres à l’aide de compost.
2. compostage [kɔ̃pɔstaʒ] n. m. (de
composter 2 ; 1922, Larousse). Action de
marquer, de numéroter à l’aide d’un composteur : Le compostage des billets, des feuillets d’un manuscrit.
1. composter [kɔ̃pɔste] v. tr. (de compost ; XIVe s., Godefroy, puis 1732, Trévoux).
Amender les terres à l’aide de compost.
2. composter [kɔ̃pɔste] v. tr. (de composteur ; 1922, Larousse). Marquer, numéroter
avec un composteur : Composter un billet
de chemin de fer.
composteur [kɔ̃pɔstoer] n. m. (ital.
compostore, de composto, part. passé de
comporre, composer, lat. componere, mettre
ensemble ; 1673, au sens 1 [d’après Richelet,
1759] ; sens 2, 1890, Dict. général). 1. Règle
à coulisse sur laquelle le typographe dispose les caractères d’imprimerie, au fur et
à mesure de la composition : Les caractères
qui ne sont pas de bonne composition sortent
de leur composteur (Fargue). À chaque
instant, et sans rien dire, il posait le composteur sur la casse et sortait (Duhamel).
∥ 2. Appareil à lettres ou à chiffres interchangeables, servant à marquer, à numéroter ou à dater des documents.
composto [kɔ̃pɔsto] n. m. (mot ital.
[v. COMPOSTEUR] ; 1866, Larousse).
Enduit composé de fragments de marbre
ou d’autres pierres, amalgamés avec un
mortier.
compote [kɔ̃pɔt] n. f. (lat. pop. *composita, part. passé fém. substantivé de componere, mettre ensemble ; fin du XIIe s.,
Aiol, écrit composte, au sens 1 ; sens 2,
1611, Cotgrave). 1. Fruits cuits avec du
sucre : De la compote de pêches. ∥ Fig. et
fam. En compote, en piteux état, tuméfié,
meurtri par les coups : Je lui ai mis le nez
en compote. ∥ 2. Vx. Sorte de ragoût : Le
premier service, composé d’une barbue entre
un vol-au-vent et des pigeons en compote
(Flaubert).
• SYN. : 1 marmelade.
compotier [kɔ̃pɔtje] n. m. (de compote ;
1746, Havard). Coupe à pied ou plat creux
pour servir la compote, des crèmes, des
fruits.
compound [kɔ̃pund] adj. invar. (mot
angl. signif. « composé », tiré de l’anc.
franç. compondre [v. COMPONÉ] ; 1874,
Mackenzie). Se dit d’appareils ou d’organes,
mécaniques ou autres, associés. ∥ Machine
compound, machine où la vapeur agit successivement dans plusieurs cylindres de
diamètres inégaux. ∥ Moteur compound,
moteur à pistons où l’énergie des gaz
d’échappement est en partie récupérée sur
les aubes d’une turbine. ∥ Enroulement
compound, dans une machine électrique,
combinaison d’un enroulement en série et
d’un enroulement shunt.
compréhensibilité [kɔ̃preɑ̃sibilite] n. f.
(de compréhensible ; 1839, Boiste). Qualité
de ce qui est compréhensible.
compréhensible [kɔ̃preɑ̃sibl] adj. (lat.
comprehensibilis, de comprehensum, supin
de comprehendere, comprendre ; 1375, R. de
Presles). 1. Qui peut être compris aisément :
S’exprimer d’une manière compréhensible.
∥ 2. Dont on peut comprendre les causes,
les motifs ; excusable : Ce peintre [Francia]
était orfèvre et signait ses pièces d’orfèvrerie
« Francia pictor » par une bien compréhensible coquetterie d’artiste (Gautier).
• SYN. : 1 accessible, clair, intelligible, limpide, simple ; 2 concevable, normal, naturel.
— CONTR. : 1 confus, fumeux, hermétique,
incompréhensible, inintelligible, obscur,
ténébreux ; 2 inconcevable, inexcusable.
compréhensif, ive [kɔ̃preɑ̃sif, -iv] adj.
(bas lat. comprehensivus, qui contient, de
comprehensum, supin de comprehendere
[v. COMPRENDRE] ; 1053, G. de Chauliac,
au sens I [rare jusqu’au XIXe s.] ; sens II, 1,
début du XVIe s. ; sens II, 2, XXe s.).
I. Qui embrasse dans sa signification un
nombre plus ou moins grand de caractères, de qualités, etc. : Le mot « tiers
état » est évidemment plus étendu, plus
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
824
compréhensif que celui de « commune »
(Guizot). Les éléments (ou les aliments) de
l’état d’âme au sein duquel va germer la
pensée la plus générale, la question la plus
compréhensive, sont réunis : de la lumière
et de l’étendue, du loisir et du rythme,
des transparences et de la profondeur
(Valéry).
II. 1. Vx. Capable de comprendre : L’esprit
critique est, de sa nature, facile, insinuant,
mobile et compréhensif (Sainte-Beuve). Il
avait fallu bien des traditions acquises et
dissipées, bien des révolutions politiques
ou morales, une acquisition accumulée
d’expériences contradictoires pour former
une tête si compréhensive et si incertaine
(Valéry). ∥ 2. Capable de comprendre
les autres et de se montrer, à l’occasion,
indulgent : Quel homme charmant, compréhensif (Croisset). Il se plut même, un
instant, à imaginer un père tendre, généreux, compréhensif, pour pouvoir regretter de n’avoir pas été le fils irréprochable
de ce père affectueux (Martin du Gard).
• SYN. : II, 2 bienveillant, compatissant,
large, libéral. — CONTR. : II, 2 dur, fermé,
incompréhensif, intransigeant, sévère.
compréhension [kɔ̃preɑ̃sjɔ̃] n. f. (lat.
comprehensio, action de saisir ensemble,
compréhension, de comprehensum, supin
de comprehendere [v. COMPRENDRE] ; 1372,
J. Corbichon, aux sens I, 1 et II, 1-2 ; sens I, 2,
1798, Acad. ; sens II, 3, XXe s.).
I. 1. Vx ou littér. Faculté d’embrasser, de
saisir par la pensée, en une vue globale,
tout un ensemble de choses : Avec cette
prodigieuse compréhension de tout le détail et du plan universel de la guerre, on
le voit toujours attentif à ce qui survient
(Bossuet). ∥ 2. En logique, ensemble des
caractères, des propriétés, des qualités
qu’un terme ou un concept embrasse
dans sa signification : Quand un terme
est contenu en extension dans un autre,
le second est contenu en compréhension
dans le premier. L’extension et la compréhension des concepts sont donc en raison
inverse l’une de l’autre (Goblot).
II. 1. Faculté de saisir par l’intelligence :
Tout d’abord, je pus espérer trouver une
compréhension un peu plus directe de
la vie chez quelques romanciers et chez
quelques poètes (Gide). Point d’esprit,
une certaine rapidité de compréhension
[...], voilà mon amoureux (Colette). Sa
connaissance [d’Aubigny] et sa compréhension du monde, dans ce qu’il est réellement, étaient nulles (Montherlant). Avoir
la compréhension lente. ∥ 2. Possibilité
d’être compris (en parlant d’une chose) :
Ces notes aident à la compréhension du
texte. ∥ 3. Sympathie, indulgence, largeur d’esprit, venant de la connaissance
des difficultés et des problèmes que rencontre autrui : Faire preuve de compréhension. Une atmosphère de compréhension mutuelle.
• SYN. : II, 1 clairvoyance, lucidité, pénétration, sagacité ; 2 clarté, compréhensibilité,
intelligence ; 3 bienveillance, bonté, mansuétude, tolérance. — CONTR. : II, 1 inintelligence ; 2 confusion, obscurité ; 3 dureté,
incompréhension, intolérance, sévérité.
comprendre [kɔ̃prɑ̃dr] v. tr. (lat. pop.
comprendere, lat. class. comprehendere,
saisir, embrasser, comprendre ; v. 1120,
Psautier d’Oxford, au sens de « s’emparer
de » ; sens I, 1-2, XIIe s. ; sens II, 1-6, début
du XIIIe s. [rare avant le XVe s.]). [Conj. 50.]
I. 1. Contenir en soi comme parties intégrantes, renfermer : Les traités de Westphalie comprenaient quatre éléments
essentiels harmonieusement combinés
(Bainville). La France métropolitaine
comprend 95 départements. ∥ 2. Par
extens. Faire entrer quelque chose dans
un ensemble : Vous persistez toujours à
ne pas comprendre vos honoraires dans
vos totaux (Mérimée). ∥ Y compris, non
compris, en y comprenant, sans y comprendre : Toute la population, y compris
les enfants. (V. Rem. ci-après.)
II. 1. Saisir par l’esprit, par la pensée les
principes, la raison des choses ; s’en faire
une idée nette : Je comprends mieux ce
qu’est l’homme (Sainte-Beuve). Tâchant
de comprendre et de juger, j’ouvris les
yeux sur la nature et sur l’art (Hugo).
∥ Faire comprendre, mettre quelqu’un
à même de comprendre, lui faire saisir clairement : Elle [...] lui ferait com-
prendre aussitôt ce qu’elle voulait (Maupassant). ∥ Fam. Je comprends, marque
l’acquiescement dans un dialogue : « oui,
certes ». ∥ Fam. et ellipt. Compris !, c’est
bien compris, bien entendu. (S’emploie
souvent pour souligner un ordre, une
défense : Que je ne vous revoie plus ici,
compris ?). ∥ 2. Saisir la signification de
quelque chose : Un homme qui tâche de
comprendre une langue étrangère (Balzac). Ce langage était trop étrange aux
oreilles de Mme de Pirennes pour qu’elle le
comprît d’abord (Mérimée). ∥ 3. Se faire
une idée exacte, claire de la nature, de la
raison de quelque chose ou des mobiles
de quelqu’un : Le guet comprenait assez
mal la couleur d’une époque illustre
pour mettre parfois les soupeurs au violon (Nerval). Il faut comprendre. Nous
sommes une douzaine à El-Ameur pour
patrouiller dans le territoire d’un petit
département, et je dois rentrer (Camus).
∥ 4. Spécialem. Admettre avec plus
ou moins d’indulgence les mobiles de
quelqu’un, les raisons de quelque chose :
Comme je comprends votre abstention en
cette affaire ! Je vous comprends et vous
excuse. ∥ Comprendre les choses, avoir
l’esprit large ; montrer en toute occasion
de la tolérance, de l’indulgence. ∥ Comprendre la plaisanterie, l’accepter avec
bonne humeur, savoir plaisanter. ∥ 5. En
termes d’art, concevoir un sujet sous
telle ou telle forme et l’interpréter ainsi :
Nous parlons ici de la Madone telle que le
peintre d’Urbin la comprenait (Gautier).
La façon dont les peintres comprennent le
nu en plein air me stupéfie (Huysmans).
∥ Par extens. Bien compris, judicieusement, habilement conçu : La prison de
notre ville est quelque chose d’admirable,
avec ses cellules blanches [...] rayonnant
toutes d’un observatoire central [...]. C’est
bien compris, c’est moderne (France).
∥ 6. S’apercevoir, se rendre compte de
quelque chose : Elle comprit aussitôt les
avantages que ce mariage lui apporterait
(Maupassant).
• SYN. : I, 1 comporter, embrasser, englober ; 2 compter, inclure, incorporer, intégrer.
∥ II, 1 concevoir, entendre ; 3 pénétrer,
saisir ; 5 imaginer, se représenter, voir ;
6 remarquer.
• REM. Les deux loc. y compris et non
compris restent invariables quand elles
sont placées devant le nom ou le pronom ;
elles s’accordent dans les autres cas : Tous
frais compris, y compris la taxe de luxe. Il
dispose de dix mille francs de revenus, sa
pension d’invalide non comprise.
comprenette [kɔ̃prənɛt] n. f. (de comprendre ; 1807, J.-F. Michel). Fam. Faculté
de comprendre : Raoul Brénugat n’avait pas
la comprenette fort prompte ; il demandait
des explications en plissant son front, qui
était bas et volontaire (Duhamel).
• SYN. : compréhension, intelligence.
• REM. On dit aussi COMPRENOIR, n. m.
(XXe s.) : J’ai le comprenoir mal affûté ce
matin (Fabre).
compresse [kɔ̃prɛs] n. f. (déverbal de
compresser ; v. 1265, J. de Meung, au sens de
« action de comprimer » ; sens actuel, 1539,
Anciennes poésies françaises, IV). Linge plié
en plusieurs épaisseurs, qu’on utilise pour
le pansement des plaies ou au cours des
opérations chirurgicales : Qu’est-ce qu’une
partie de ballon, sinon des bousculades et
enfin des marques noires et des compresses ?
(Alain).
compresser [kɔ̃prɛse] v. tr. (lat. compressare, comprimer ; XIIIe s. [disparu au
XVIIe s., repris au XIXe]). Serrer, presser :
Des voyageurs compressés dans un compartiment de métro.
• SYN. : comprimer, écraser, tasser.
compresseur [kɔ̃prɛsoer] adj. m. (dér.
savant du lat. compressus, part. passé de
comprimere, comprimer ; 1808, Boiste,
comme n. d’un muscle ; sens actuels, 1845,
Bescherelle). Se dit de tout appareil servant
à comprimer. ∥ Rouleau compresseur, rouleau de pierre ou de fonte servant à aplanir
le sol d’une route.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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% n. m. Appareil servant à comprimer un
fluide, l’air notamment, à une pression
voulue : Compresseur frigorifique.
compressibilité [kɔ̃prɛsibilite] n. f. (de
compressible ; 1690, Furetière). 1. Propriété
que possède un corps de céder à la pression
en diminuant de volume : La compressibilité des liquides est à peu près nulle. ∥ 2. Fig.
Possibilité d’être diminué, réduit : La compressibilité des effectifs.
compressible [kɔ̃prɛsibl] adj. (dér.
savant du lat. compressus, part. passé de
comprimere, comprimer ; 1648, Pascal,
au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse). 1. Qui
peut être comprimé : L’air est compressible.
∥ 2. Fig. Susceptible d’être diminué : Des
dépenses qui ne sont pas compressibles.
• SYN. : 1 comprimable ; 2 réductible. —
CONTR. : 1 dilatable ; 2 irréductible.
compressif, ive [kɔ̃prɛsif, -iv] adj. (lat.
médiév. compressivus, de compressus,
part. passé de comprimere, comprimer ;
fin du XIVe s., G. de Chauliac, au sens 1 ;
sens 2, 1863, Littré). 1. En chirurgie, qui
sert à comprimer : Un bandage compressif.
∥ 2. Fig. et littér. Qui vise à contraindre, à
limiter la liberté d’action : Une éducation
compressive avait pesé sur moi sans me
briser (Barbey d’Aurevilly). Des mesures
compressives.
compression [kɔ̃prɛsjɔ̃] n. f. (lat. compressio, de compressum, supin de comprimere, comprimer [v. COMPRIMER] ;
v. 1361, Oresme, aux sens 1-2 ; sens 3,
v. 1450, Chastellain ; sens 4, 1935, Acad.).
1. Action de comprimer ; résultat de cette
action : La compression d’une artère.
∥ 2. Action mécanique qui réduit un
corps à un volume moindre, en rapprochant les unes des autres les molécules qui
le composent : La compression d’un gaz.
∥ Spécialem. Dans un moteur à explosion,
pression atteinte par le mélange détonant,
dans le cylindre, avant son allumage : Ce
moteur manque de compression. ∥ 3. Vx
et littér. Contrainte, oppression exercée
par un pouvoir autoritaire : Dans les villes,
la classe des travailleurs, façonnée au joug
par de longues années de compression et de
misère, ne prendrait aucune part au scrutin
(Blanqui). ∥ 4. Fig. Réduction de personnel
ou de dépenses : Le gouvernement a l’intention de procéder à de fortes compressions
dans les différents budgets.
• SYN. : 1 constriction, contraction ; 4 économie, restriction. — CONTR. : 1 dilatation ;
4 accroissement, augmentation, gonflement.
comprimable [kɔ̃primabl] adj. (de comprimer ; 1845, Bescherelle). Qui peut être
comprimé. (On dit plutôt COMPRESSIBLE.)
comprimé, e [kɔ̃prime] adj. (part.
comprimé, e [kɔ̃prime] adj. (part.
passé de comprimer). 1. Se dit de ce qui,
ayant subi une forte pression, a diminué de volume : Les pieds comprimés des
Chinoises. Une machine-outil fonctionnant
à l’air comprimé. ∥ 2. Qui est aplati sur les
côtés : Front comprimé. ∥ 3. Fig. Contenu :
Des impatiences comprimées.
% comprimé n. m. (1922, Larousse).
Pastille pharmaceutique contenant une
certaine dose de médicament sous un petit
volume : Un tube d’aspirine contenant aussi
des comprimés d’opium (Barbusse).
comprimer [kɔ̃prime] v. tr. (lat. comprimere, serrer, presser, de cum- intensif
et premere, presser ; 1314, Mondeville, au
sens 1 ; sens 2, v. 1355, Bersuire ; sens 3,
1834, Landais ; sens 4, XXe s.). 1. Presser de
tous côtés un corps, un objet, un organe,
etc., de manière à en réduire le volume :
Un mouchoir [...] comprimant les touffes
d’une chevelure drue (Gautier). Comprimer
une artère pour arrêter une hémorragie.
∥ 2. Fig. et vx. Soumettre à la contrainte ;
empêcher la manifestation de sentiments
hostiles (en parlant du pouvoir politique) :
La Restauration donna un mouvement aux
intelligences ; elle délivra la pensée comprimée par Bonaparte : l’esprit, comme
une cariatide déchargée de l’architecture
qui lui courbait le front, releva la tête
(Chateaubriand). Ils [les Romains] étaient
parvenus à [...] comprimer les mouvements
isolés qui s’étaient manifestés dans d’autres
provinces (Mérimée). ∥ 3. Fig. Contenir les
manifestations de ses propres sentiments,
et, par extens., contenir ces sentiments euxmêmes : Un désir conçu depuis sa jeunesse
et comprimé dans son coeur (Balzac). Les
hommes mêmes semblaient comprimer avec
peine un sourire moqueur (Mérimée). Un
de ces rires solitaires qui sont si durs à comprimer (Maupassant). ∥ 4. Fig. Diminuer
des dépenses qu’on trouve excessives :
Comprimer les frais généraux d’une affaire.
• SYN. : 1 compresser, resserrer, serrer,
tasser ; 2 réduire ; 3 retenir. — CONTR. :
1 décomprimer, dilater, écarter ; 3 afficher,
étaler, exprimer, extérioriser, manifester.
compris, e adj. V. COMPRENDRE.
compromettant, e [kɔ̃prɔmɛtɑ̃, -ɑ̃t]
adj. (part. prés. de compromettre ; 1842,
J.-B. Richard de Radonvilliers). 1. Qui peut
causer un préjudice à quelqu’un, le mettre
dans une situation délicate : Après m’être
assuré qu’il n’y avait dans ces Mémoires
rien de compromettant pour moi [...], je
me suis décidé à les continuer (Daudet).
∥ 2. Spécialem. Qui est de nature à porter atteinte à la bonne réputation de
quelqu’un : Le secret inviolable qu’ils se
gardent dans les affaires compromettantes
(Mérimée). Ce qui me piquait surtout, c’est
qu’elle avait l’air de me regarder comme
un enfant peu compromettant sans doute
(Nerval). Il brûla des lettres compromettantes (Maupassant).
• SYN. : 1 dangereux, dommageable, périlleux, préjudiciable ; 2 équivoque, louche,
osé, risqué, suspect.
compromettre [kɔ̃prɔmɛtr] v. intr.
(adaptation, d’après promettre, du lat. compromittere, s’engager mutuellement à s’en
remettre à l’arbitrage d’un tiers en déposant une caution entre ses mains, passer
un compromis ; 1283, Godefroy, au sens du
lat.). [Conj. 49.] Faire un compromis, s’en
remettre à un arbitrage : Les mineurs n’ont
pas capacité pour compromettre.
% v. tr. (sens 1, 1690, Furetière ; sens 2-3,
1694, Acad.). 1. Compromettre quelque
chose, l’exposer à quelque atteinte : Il peut
tout au plus troubler ou compromettre le
fonctionnement correct de l’organisme
(Valéry). Compromettre sa santé, son
bonheur, sa fortune. ∥ 2. Compromettre
quelqu’un,l’exposer à un préjudice moral :
Le vieux Marestang [...], gravement compromis dans l’affaire des tourteaux de Malte
(Daudet). [Karoly] apparaissait à Berlin
comme un dangereux personnage, qu’il
était temps de compromettre (Tharaud).
∥ Spécialem. Nuire à la réputation d’une
femme par ses actes, ses paroles : Tu fais
une chose très imprudente et très dangereuse, sans y penser. Tu compromets cette
petite (Maupassant). ∥ 3. Mêler étroitement
à ; impliquer, engager dans : Je veux que le
monde soit compromis dans mon aventure :
je le veux inséparable de mes souvenirs, de
mes deuils, de mes amours (Mauriac).
• SYN. : 1 aventurer, hasarder, jouer, risquer.
% se compromettre v. pr. (1690, Furetière).
Engager sa réputation dans une action risquée : Les autorités ne doivent pas se compromettre (Balzac). ∥ Se compromettre
avec quelqu’un, avoir, avec une personne,
des relations dont il peut résulter des
désagréments.
• SYN. : se commettre (littér.).
compromis [kɔ̃prɔmi] n. m. (lat. compro-
compromis [kɔ̃prɔmi] n. m. (lat. compromissum, compromis, de compromittere [v.
COMPROMETTRE] ; 1243, Prarond, au sens
1 ; sens 2, 1863, Littré ; sens 3, fin du XIXe s.,
Goncourt). 1. Action de s’en remettre à
la décision d’un arbitre pour régler un
différend : Se résigner à un compromis.
∥ 2. Accord qui suppose des concessions
réciproques : Le saint [...] pensa à passer
un compromis avec le diable (Maupassant).
∥ 3. Fig. et littér. Moyen terme, état intermédiaire : Cet archange, dont le costume
est un compromis entre le costume moyenâgeux et le costume romain (Goncourt).
Il y régnait [sur les Boulevards] un compromis, encore discret, mais dont l’odeur
montait à la tête, de dimanche d’été et
d’émeute patriotique (Romains).
• SYN. : 1 arbitrage ; 2 accommodement,
arrangement, composition, conciliation,
transaction.
compromission [kɔ̃prɔmisjɔ̃] n. f. (de
compromettre, d’après la forme compromis ;
1262, Godefroy, au sens 1 de compromis ;
sens 1, 1787, Féraud ; sens 2, 1842, J.-B.
Richard de Radonvilliers). 1. Action de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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compromettre quelqu’un ou de se compromettre soi-même : La politique offrait,
à mon avis, trop d’aléa. Elle m’eût obligé à
des compromissions qui eussent incliné ma
ligne de conduite (Gide). ∥ 2. Péjor. Action
d’accepter, par intérêt ou par ambition,
de transiger avec d’autres personnes, en
renonçant à une partie de ses principes :
Les puissants veulent continuer d’exister,
et au prix de n’importe quelles compromissions ; périssent les principes plutôt que leur
puissance (Montherlant).
compromissoire [kɔ̃prɔmiswar] adj. (de
compromis, au sens 1 ; 1863, Littré). Clause
compromissoire, clause insérée dans un
contrat pour prévoir un arbitrage.
comptabiliser [kɔ̃tabilize] v. tr.
(de comptable ; 1922, Larousse). Faire
figurer une opération commerciale en
comptabilité.
comptabilité [kɔ̃tabilite] n. f. (de
comptable, au sens ancien de « qui peut,
qui doit être compté » ; 1579, F. de Foix,
puis 1753, Encyclopédie). 1. Science des
comptes : Suivre des cours de comptabilité.
∥ Comptabilité industrielle, procédé qui
permet à une entreprise industrielle d’évaluer à tout moment ses prix de revient, sans
intervention de la comptabilité ordinaire,
dite financière. ∥ Comptabilité matières,
comptabilité portant sur les matières
premières, les produits semifinis et les
produits fabriqués. ∥ Comptabilité économique ou nationale, adaptation des
méthodes comptables à l’étude des phénomènes économiques d’ensemble, aux
fins d’évaluation du revenu national.
∥ 2. Ensemble des comptes d’une entreprise commerciale, d’une collectivité,
d’un particulier, etc. : La comptabilité
d’une banque, d’une affaire commerciale.
Tenir la comptabilité de ses recettes et de
ses dépenses. Une comptabilité toujours en
règle. ∥ 3. Service qui, dans un établissement, s’occupe des comptes ; l’ensemble des
comptables : Pour avoir le renseignement,
adressez-vous à la comptabilité.
comptable [kɔ̃tabl] adj. (de compter ; XIIIe s., Godefroy, au sens de « qui
peut, qui doit être compté » ; sens 1 et 4,
1469, Bartzsch ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, XXe s.). 1. Qui est chargé de tenir
des comptes : Agent, officier comptable.
∥ 2. Qui a la forme exigée pour être porté
en compte ; qui a rapport à la comptabilité :
Pièce, quittance comptable. Les bénéfices
réalisés sont difficiles à estimer, car ils
ne laissent que peu de traces comptables
(Aymé). ∥ 3. Qui sert à établir la comptabilité : Machine comptable. ∥ Spécialem. Plan
comptable, ensemble de règles imposées
par un organisme public ou professionnel
en vue de fixer, pour toutes les entreprises
d’une même branche, des principes généraux identiques de comptabilité. ∥ 4. Fig.
Qui est moralement responsable : Il préférait que ces pages demeurassent inédites ;
mais il sentait qu’il était comptable de ce
dépôt à son pays (France). J’éprouvais, dès
cette saison, le sentiment qu’elle n’avait pas
la jouissance de son talent, mais bien plutôt
la garde, et qu’elle en était comptable, pour
parler comme Corneille (Duhamel).
% n. (1461, Bartzsch). Personne qui tient
les comptes dans un établissement commercial ou autre : Elle prit la plume, fit
l’opération très vite sur un coin du buvard,
aussi sûrement qu’un comptable (Daudet).
∥ Expert-comptable, v. à son ordre alphab.
comptage [kɔ̃taʒ] n. m. (de compter ;
1416, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Action de compter : Le comptage des voitures sur une route. ∥ Spécialem. En sylviculture, action de compter et d’estimer les
arbres. ∥ 2. Exercice scolaire consistant à
donner la suite des nombres, de deux en
deux, de trois en trois, etc.
comptant [kɔ̃tɑ̃] adj. m. (part. prés. de
compter ; 1265, Runkewitz). Se dit de ce
qui est payé sur l’heure et en espèces : De
l’argent comptant. Quatre-vingt mille francs
comptant, et vous me laisserez les diamants,
ajouta-t-il (Balzac). Il fallait d’abord l’acheter [une terre] à beaux deniers comptants
(Tharaud). ∥ Fig. Prendre pour de l’argent
fceormmpetmanetnot ucep qouuri easrtg denitt ocuo mprpotmanits,. c∥roVirxe.
Avoir de l’esprit argent comptant, à volonté.
% adv. (1538, R. Estienne, aux sens 1-2).
1. En payant immédiatement, en espèces
ou par chèque : Ma tante disait que le
meilleur moyen pour n’avoir pas de dettes,
c’est de payer toujours comptant (Mérimée).
∥ 2. Fig. Sur-le-champ, immédiatement : Le
plaisir de faire du bien nous paie comptant
de notre bienfait (Massillon).
% n. m. (sens 1, 1668, La Fontaine ; sens
2, 1866, Larousse). 1. Argent comptant,
disponible (vieilli) : La voilà seule, avec
un comptant des plus minces (SainteBeuve). Combien je suis chagriné d’avoir
plus de dettes que de comptant ! (Sand).
∥ 2. Spécialem. Le comptant, le terme, à la
Bourse, le marché au comptant, le marché
à terme.
% Au comptant loc. adv. et adj. Avec paiement immédiat : Acheter, vendre au comptant. Vente au comptant.
compte [kɔ̃t] n. m. (bas lat. computus,
calcul, de computare, compter ; 1080,
Chanson de Roland, écrit cunte [compte,
v. 1283, Beaumanoir ; mais la graphie conte
subsiste jusqu’au XVIIe s.], au sens I, 1 ; sens
I, 2, début du XIIIe s., Yder ; sens II, XIIe s. ;
sens III, v. 1175, Chr. de Troyes).
I.1.Calcul d’un nombre, d’une quantité ; la somme trouvée en comptant : Se
tromper dans ses comptes. Faire le compte
de ses dépenses. Le compte n’y est pas.
∥ Compte d’apothicaire, v. APOTHICAIRE.
∥ Compte rond, compte exprimé sans
fractions. ∥ Être loin de compte, être fort
éloigné du calcul qu’on avait fait, et, au
fig., de ce qu’on espérait : J’étais loin de
compte lorsqu’en sortant des journées de
Juillet, je croyais entrer dans une région
de paix (Chateaubriand). ∥ Être loin du
compte, être en désaccord de beaucoup
sur un compte ; au fig., être éloigné de
la vérité. ∥ Faire bon compte, donner
largement la quantité de marchandise
vendue. ∥ Class. À bon compte, pour
tout de bon : Notre sang coulait à bon
compte et nous nous affaiblissions à vue
d’oeil (Lesage). ∥ Class. De bon compte,
pour le moins : [Il] en peut donner au
roi quatre cents [millions] de bon compte
(Molière). ∥ À ce compte, à ce compte-là,
s’il en est ainsi, d’après ce raisonnement.
∥ Class. Au compte de, suivant l’opinion,
les dires de : Je suis donc bien coupable,
Alceste, à votre compte (Molière). ∥ Fig.
Au bout du compte, tout compte fait,
tout bien considéré. ∥ En fin de compte,
à la fin, pour terminer, en définitive : En
fin de compte, une excellente personne
(Daudet). ∥ Class. Par compte, successivement, à mesure qu’on en a besoin : Présentement, il l’envoyait à Chantilly pour
distribuer tout le linge par compte pendant que le roi y sera (Sévigné). ∥ Pour le
compte, dans un match de boxe, pour la
durée des dix secondes comptées par l’arbitre à partir du moment où un boxeur
tombe à terre : Vous avez été à terre pour
le compte, n’en parlons plus (Bernanos).
∥ 2. Par extens. Somme que l’on doit,
ou qui est due, qui revient à quelqu’un :
Préparez-moi mon compte. Vous ajouterez cela à mon compte. Elle envoyait aux
malades le compte des visites (Flaubert).
Mon ami, je te lègue mes dettes : trois cent
vingt livres dont tu trouveras le compte
[...] dans le cahier rouge (France). ∥ À bon
compte, à un prix relativement bas, avantageux : La vie ordinaire est en Allemagne
à très bon compte (Nerval) ; au fig., sans
grand dommage : S’en tirer à bon compte.
∥ Trouver son compte à, trouver avantage à : [La réaction] trouve son compte à
pousser à l’extrême l’instinct belliqueux
des races (Jaurès). ∥ Être de bon compte,
payer régulièrement ce que l’on doit ;
au fig., être franc, sincère. ∥ Demander
son compte, se faire régler son salaire.
∥ Recevoir son compte, être congédié.
∥ Donner, régler son compte à quelqu’un,
lui payer le salaire qui lui est dû, et, par
extens., le congédier ; au fig., lui infliger
la punition qu’il mérite. ∥ Fig. Avoir son
compte, en avoir pour son compte, être
épuisé, ou avoir été fort maltraité : Elle
en avait son compte et elle se sentait à
bout (Gide) ; fam., être ivre. ∥ Son compte
est bon, son compte sera bientôt réglé, il
peut s’attendre au châtiment qu’il mérite
ou à une sévère correction. ∥ Régler un
compte, s’acquitter de ce que l’on doit ;
au fig., mettre au net une situation ; fam.,
se venger : J’ai un compte à régler avec
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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lui et avec ses maîtres, avec mes maîtres
qui m’ont trompé (Camus). ∥ Régler ses
comptes, mettre en ordre ses affaires ; au
fig., rendre raison de ses actes.
II. État détaillé des dépenses et des recettes : Un livre de comptes. ∥ Ouvrir un
compte à quelqu’un, lui faire une place
dans le livre de comptes. ∥ Arrêter un
compte, le solder complètement. ∥ Être
en compte avec quelqu’un, être son créancier ou son débiteur. ∥ Vx. À compte,
sur un compte qui est ouvert, et, par
extens., à crédit : Prendre des marchandises à compte. ∥ Laisser une marchandise pour compte, la refuser et la laisser
au vendeur sans lui verser d’indemnité.
∥ Porter, passer en compte, inscrire une
dépense ou une recette en comptabilité.
p∥reFnigd.reF eanir ec oennstirdeérr aetnio nli.g ∥neT ednei rc
coommppttee,
de, prendre en considération, savoir gré.
∥ Ne pas tenir compte de, faire peu de cas
de : Le proviseur lui demanda de venir
moins souvent. Elle ne tint pas compte
de cette recommandation (Maupassant).
∥ Compte courant, état, par doit et avoir,
des opérations entre deux personnes.
∥ Compte de dépôt, compte ouvert par
une banque à un client et alimenté par
les seuls versements de ce dernier, qui
produisent un léger intérêt. ∥ Compte
de profits et pertes, complément du bilan,
faisant ressortir les résultats d’un exercice. ∥ La Cour des comptes, tribunal administratif établi pour juger et apurer les
comptes de l’État. ∥ Rendre ses comptes,
présenter ses comptes à la vérification
de qui de droit. ∥ De compte à demi, à
compte à demi, en partageant les bénéfices. ∥ Pour le compte de, aux profits et
dépens de : Faire la représentation pour
le compte d’une maison d’exportation.
∥ Être, se mettre à son compte, travailler à son compte, travailler pour soi, être
autonome. ∥ Prendre une chose à son
compte, en assumer la charge, et, au fig.,
responsabilité : Je prends l’appartement
à mon compte et je vais l’habiter tout à
fait (Maupassant). ∥ Pour mon, ton, etc.,
compte, en ce qui me, te concerne : Pour
mon compte, je ne le trouve pas sympathique. ∥ Fig. Mettre sur le compte de
quelqu’un ou de quelque chose, attribuer
à : L’incendie doit être mis sur le compte
de la négligence. ∥ Fig. Sur le compte de
quelqu’un, à son sujet : Cela ne m’en a
guère appris sur votre compte (Mérimée).
Il sait sur son compte une foule d’histoires
amusantes (Maupassant). Je suis accoutumé à être élucidé, disséqué, appauvri,
enrichi, exalté et abîmé — jusqu’à ne
plus savoir moi-même quel je suis, ou de
qui l’on parle ; mais ce n’est rien de lire
ce qui s’imprime sur votre compte auprès
de cette sensation singulière de s’entendre
commenter à l’Université, devant le tableau noir, tout comme un auteur mort
(Valéry). ∥ Class. et littér. Faire compte
de quelqu’un ou de quelque chose, en
faire cas, l’estimer : Que Votre Majesté,
Sire, épargne ma honte, | D’un si faible
service elle fait trop de conte [= compte]
(Corneille). Quel compte donc fais-tu des
femmes ? tout serait trop facile sans elles
(Claudel). ∥ Class. Faire son compte de
(suivi de l’infinitif), avoir le ferme propos de : Elle fait son compte d’aller faire
un tour à la foire (Molière). ∥ Class. Faire
son compte que, tenir pour certain que :
Ils font leur compte qu’ils seront lundi à
dîner à Rouvroy (Sévigné).
III. Relation, état, rapport détaillé
d’actes, d’événements que l’on veut faire
connaître (en général dans des expressions) : Je me propose d’écrire dans ce carnet le compte de mes journées ; c’est mon
livre de bord (Gide). ∥ Rendre compte
de quelque chose, l’exposer, l’analyser :
Rendre compte d’une oeuvre littéraire,
artistique ; en faire un récit détaillé : Le
témoin a pu rendre compte de l’accident ;
rapporter ce qu’on a fait pour s’expliquer,
se justifier : Rendre compte de ses actes.
∥ Absol. Rendre compte à quelqu’un, lui
faire un compte-rendu, le tenir au courant : En cas d’impossibilité de communiquer, rendez-moi compte (Romains).
∥ Compte rendu, v. COMPTE-RENDU.
∥ Se rendre compte de quelque chose,
le remarquer de soi-même et porter un
jugement, comprendre : Je ne me rendis
pas un compte exact de ce qui se passait
(France). Le monde réel me demeure tou-
jours un peu fantastique. J’ai commencé
à me rendre compte de cela il y a très
longtemps (Gide) ; absol. être conscient :
Elle se plaignait, se rendait peu compte
(Sainte-Beuve) ; fam. s’emploie pour souligner l’étonnement, la surprise, devant
un fait inattendu : Elle est la marraine des
pénitents noirs et elle brode des nappes
d’autel : tu te rends compte ! (Pagnol).
∥ Devoir des comptes à quelqu’un, devoir
se justifier aux yeux de quelqu’un. ∥ Ne
devoir de compte à personne, jouir d’une
totale indépendance : Je ne dois compte
de mes affaires à personne (Balzac). ∥ Demander compte à quelqu’un de quelque
chose, exiger de lui des explications :
L’homme se demande compte à lui-même
de ce mouvement de coeur (Alain).
• SYN. : I, 1 dénombrement, opération,
total ; 2 addition (fam.), décompte, dû,
facture, mémoire, montant, note, relevé.
∥ III exposé, historique, narration, récit.
• REM. 1. La loc. se rendre compte que est
employée par de bons auteurs, malgré
les réserves de certains grammairiens :
Il se rendait compte que celui-là était le
plus complet (Daudet). Selon eux, il vaut
mieux dire : Se rendre compte du fait que,
ou, mieux encore, employer un synonyme comme voir, remarquer, constater,
etc.
2. Le participe passé de se rendre compte
que est toujours invariable : Elles se sont
rendu compte que...
compte-fils [kɔ̃tfil] n. m. invar. (de
compte, forme du v. compter, et de fil ;
1836, Landais). Petite loupe de fort grossissement, montée sur un support à charnière, qui sert à compter les fils d’un tissu,
à examiner un dessin, etc.
compte-gouttes [kɔ̃tgut] n. m. invar.
(de compte, forme du v. compter, et de
goutte ; 1866, Larousse). Petite pipette en
verre, qui permet de doser goutte à goutte
une quantité déterminée d’un liquide,
notamment d’une solution médicamenteuse. ∥ Fam. Au compte-gouttes, avec
parcimonie : Or, ce n’était jamais qu’au
compte-gouttes que je pouvais obtenir de
Mme de Guermantes les renseignements sur
ses toilettes (Proust).
compter [kɔ̃te] v. tr. (lat. computare,
compter, de cum, avec, et putare, supputer, évaluer ; 1080, Chanson de Roland,
écrit cunter, conter [la graphie plus savante
compter, apparue au XIIIe s., devient usuelle
au XVe, pour empêcher la confusion avec
conter, raconter], aux sens 1-2, 4 et 6 ; sens
3, 7, 10, XIIe s. ; sens 5, 1690, Furetière ; sens
8, 1641, Corneille ; sens 9, 1674, Corneille).
1. Faire le compte de ; déterminer par le
calcul le nombre exact d’unités contenues
dans un ensemble : D’un oeil morne comptant leurs compagnons défunts (Heredia).
C’est en vain que maintenant, reposé, je
tâche de compter ma fortune. Je n’en ai
point (Gide). ∥ Fig. Compter tous les pas de
quelqu’un, exercer sur lui une surveillance
excessive. ∥ 2. Avec un terme désignant
une durée, dénombrer : Il compte les
jours qui le séparent de son départ. ∥ Fig.
Compter les jours, les heures, les instants,
etc., trouver le temps long : Tu comptes les
moments que tu passes avec moi (Racine).
∥ 3. Avec un sens très général, avoir, comporter, pouvoir justifier de : J’étais heureux alors et comptais de nombreux amis
(France). M. Thibault comptait encore
à Rouen plusieurs parents assez proches
(Martin du Gard). La muraille était parfaitement verticale, mais elle comptait, à
distances régulières, des encoches pour le
pied (Audiberti). ∥ Compter dix, vingt
années de service, d’exercice, etc., avoir à
son actif, dans une fonction, un emploi,
dix, vingt ans de service. ∥ Compté, tout
juste, ou accompli ; ∥ bien compté, largement accompli, au moins : Mon fils a eu
hier matin, à midi huit minutes, vingt et
un ans comptés (Musset). ∥ 4. Dispenser
selon un compte rigoureux : Songe que
nous n’avons pas une minute à perdre ;
mes instants sont comptés (Dumas père).
∥ Ses jours sont comptés, il lui reste peu
de temps à vivre. ∥ Spécialem. S’emploie
pour marquer l’abondance ou la pénurie
de quelque chose : On ne compte plus ses
maladresses. On peut les compter sur les dix
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doigts. ∥ 5. Par extens. Mesurer avec parcimonie : Compter l’argent de ses dépenses.
∥ Fig. Compter les morceaux à quelqu’un,
faire un compte rigoureux de ce qu’on lui
donne ; ne lui donner que le strict nécessaire. ∥ À pas comptés, avec lenteur et
gravité ; fig., d’un pas lent et circonspect,
mais sûr ; avec une lente régularité : La
vertu ne marche qu’à pas comptés (Bossuet).
∥ 6. Estimer, évaluer à un certain prix :
[Il] demanda tout de suite ce qu’elle [la
bouteille] valait... On la lui compta trois
francs (Maupassant). ∥ 7. Faire entrer
dans un compte, dans un total, dans un
ensemble : L’Égypte nourrissait autrefois
vingt millions d’habitants, sans compter
les Romains (Thiers). ∥ Spécialem. Ranger,
faire entrer au nombre de : Compter
quelqu’un au nombre de ses amis. ∥ Fig.
Porter au compte, au crédit de quelqu’un :
Vous n’oubliez pas le pauvre monde. Ça
vous sera compté (Zola). ∥ 8. Fig. Compter
pour, attribuer telle valeur, telle importance
à, considérer comme : C’est moi qui fais
semblant de vous compter pour quelque
chose (Vigny). ∥ Compter quelqu’un,
quelque chose pour rien, n’en faire aucun
cas : Mes deux frères [...], habitués à ne la
voir compter pour rien dans la maison,
la traitaient un peu comme une bonne
(Maupassant). ∥ Tout bien compté, ou
(vieilli) à tout compter, si l’on tient compte
de tout, tout bien pesé, finalement : À tout
compter, les difficultés ont été les mêmes
(Bainville). ∥ 9. Class. et littér. Faire cas
de, estimer : Castel Rodrigo fut toujours
compté et considéré (Saint-Simon). En quoi
il calculait bien, car Mme de Villeparisis, qui
comptait fort son neveu et savait combien
il était difficile de lui plaire, parut soudain
avoir trouvé à ma grand-mère de nouvelles
qualités et ne cessa de lui faire fête (Proust).
∥ Ne compter rien, ne faire aucun cas de :
Ne comptez-vous rien, mon gendre, l’avantage d’être allié à la maison de Sotenville
(Molière). ∥ 10. Avoir l’intention de ; se
proposer de (avec l’infinitif) : Je comptais te
laisser mon cabinet, ma clientèle (Daudet).
Je suis seulement venue vous demander ce
que vous comptez faire (Martin du Gard).
∥ 11. Être plus ou moins assuré de ; s’attendre à (avec l’infinitif) : Elle n’y trouvera
pas ce qu’elle compte y trouver (Musset).
Il comptait atteindre assez tôt les navires
(France). ∥ Class. et littér. Compter de (et
l’infinitif), espérer : Je compte d’être cet
hiver à Paris (Sévigné). La note qu’il comptait d’insérer (Hermant).
• SYN. : 1 calculer, chiffrer, dénombrer,
évaluer, recenser ; 3 posséder, présenter ;
4 mesurer ; 6 facturer ; 7 comprendre,
englober, inclure ; 8 prendre pour, regarder comme, tenir pour ; 10 envisager de,
penser, projeter de, songer à ; 11 escompter,
présumer, supposer.
% Sans compter que loc. conj. Sans oublier
de prendre en considération que ; outre
que, d’autant plus que : Vous avez sage-
ment agi, sans compter que vous lui avez
fait réellement plaisir.
% v. tr. ind. (sens 1, début du XVIIIe s.,
Fontenelle ; sens 2, 1830, Lamartine ; sens
3, 1680, Richelet). 1. Fig. Compter avec
une chose, tenir compte de cette chose,
des difficultés, des obstacles qu’elle peut
présenter : En envoyant son Armada contre
les Anglais, Philippe II n’avait pas compté
avec la tempête. ∥ Compter avec quelqu’un,
estimer à sa juste valeur la force qu’il représente : C’est un concurrent avec qui il faut
compter. ∥ 2. Fig. Compter pour, avoir
telle importance, telle valeur : À table, il
compte pour deux. Quand ces Mémoires
posthumes paraîtront, la polémique quotidienne, les événements pour lesquels
on se passionne à l’heure actuelle de ma
vie, les adversaires que je combats, même
l’acte du bannissement de Charles X et de
sa famille, compteront-ils pour quelque
chose ? (Chateaubriand). ∥ 3. Compter sur
quelqu’un, se fier à lui : D’honnêtes gens,
fidèles, sur lesquels vous pouvez compter
(Courier). ∥ Compter sur une chose, faire
fond sur cette chose, la tenir pour certaine : Trop compter sur son habileté, sur
sa mémoire.
% v. intr. (sens 1, 1080, Chanson de Roland ;
sens 2 et 5, XVIIe s. ; sens 3-4, 1835, Acad. ;
sens 6, 1863, Littré). 1. Faire un calcul, et,
spécialem., énoncer la suite des nombres :
Le chapelet est une invention admirable,
qui occupe la pensée et les doigts à compter
(Alain). Enfant qui sait compter jusqu’à
dix. ∥ 2. Spécialem. Calculer et limiter ses
dépenses au plus juste : Vous serez obligé
de compter pour mener une vie décemment
bourgeoise (Romains). ∥ Sans compter, sans
se limiter, largement : Dépenser sans compter. ∥ Fig. Savoir compter, savoir veiller à
ses intérêts. ∥ 3. Faire partie d’un compte ;
faire nombre : Cette syllabe ne compte pas
dans le vers. ∥ Compter à l’ordinaire, être
inscrit sur la liste des soldats qui mangent
à l’ordinaire : Une pension qui assurerait leur existence, après qu’ils auraient
cessé de compter à l’ordinaire (Romains).
∥ 4. Figurer parmi : La maison Portal [...]
compte parmi les curiosités de l’endroit
(Daudet). ∥ 5. Fig. Entrer en ligne de
compte : Les événements ne comptent que
pour ceux qui en pâtissent ou qui en profitent (Chateaubriand). ∥ 6. Fig. Avoir de
l’importance ; être estimé, considéré : Je
compte dans le pays, on me salue très bas
quand je passe (Becque).
• SYN. : 1 calculer ; 4 se ranger ; 5 importer.
% À compter de loc. prép. À dater de, à
partir de : À compter de cette nuit, Fra Mino
ne trouva plus de repos (France).
compte-rendu ou compte rendu
[kɔ̃trɑ̃dy] n. m. (de compte et de rendu, part.
passé de rendre ; 1483, Bartzsch). Rapport
détaillé, critique ou non, touchant une
question, un ouvrage, un événement : Le
compte-rendu d’une séance de l’Assemblée,
d’un livre, d’un film. Il se lança dans un
brillant compte rendu des diverses phases
de la guerre depuis l’invasion de la Belgique
(Martin du Gard).
• Pl. des COMPTES-RENDUS ou des
COMPTES RENDUS.
• SYN. : analyse, exposé, historique, récit,
relation.
• REM. On a employé autrefois la forme
RENDU COMPTE : Mon arrivée avait jeté
l’alarme ; on craignait le rendu compte de
mon voyage à Paris (Chateaubriand).
compte-secondes [kɔ̃tsəgɔ̃d] n. m.
invar. (de compte, forme du v. compter, et
de seconde ; XXe s.). Sorte de chronographe.
compte-tours [kɔ̃ttur] n. m. invar. (de
compte, forme du v. compter, et de tour ;
XXe s.). Appareil servant à compter le
nombre de tours effectués par un arbre
mobile dans un temps donné.
• REM. On dit aussi COMPTEUR DE TOURS.
compteur, euse [kɔ̃toer, -øz] n. (de
compter ; 1268, É. Boileau). Personne qui
compte : Ce sont les compteurs d’argent,
les scribes, les maîtres d’école (Fromentin).
% compteur n. m. (sens 1 et 3, 1834,
Landais [au XVIIIe s., comme terme d’horlogerie] ; sens 2, début du XXe s.). 1. Appareil
servant à mesurer, à compter et à enregistrer certaines grandeurs ou certains
effets mécaniques : Compteur de vitesse.
∥ Spécialem. Appareil qui enregistre des
consommations domestiques : Compteur
d’eau, de gaz, d’électricité. ∥ 2. Compteur
de Geiger, compteur à scintillations, instrument qui sert à déceler et à compter les
particules émises par un corps radio-actif.
∥ 3. Montre ayant en général un balancier
dont la fréquence est élevée, ce qui permet
de mesurer des durées très courtes.
comptine [kɔ̃tin] n. f. (de compter ;
1922, Larousse). Chanson que chantent ou
récitent les enfants pour déterminer, par le
compte des syllabes, à qui sera dévolu un
certain rôle dans certains jeux.
comptoir [kɔ̃twar] n. m. (de compter ;
1345, Gay, au sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse ;
sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, début du
XVIIe s. ; sens 5, XXe s.). 1. Table longue,
massive, sur laquelle un commerçant étale
sa marchandise : Je m’initiai moi-même à
des plaisirs inconnus [...] au commerçant
attaché à son comptoir (Balzac). C’était
le comptoir, toujours pareil, d’une maison
de banque, avec ses guichets, ses grillages,
du monde qui attend et circule, les piles
d’écus remuées (Daudet). ∥ Demoiselle ou
dame de comptoir, femme chargée de la
caisse ou de la vente, dans certaines maisons de commerce : Imaginez les grâces
d’une dame de comptoir, des traits indécis, des yeux froids toujours souriants,
une physionomie complaisante et placide,
pas de vraie élégance, mais un certain
amour du luisant, du clinquant, qu’elle
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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avait pris sans doute à la devanture de
son père, et qui lui faisait rechercher les
noeuds de satin assorti, les ceintures, les
boucles (Daudet). ∥ 2. Spécialem. Table
haute, longue et étroite, généralement en
zinc ou en étain, sur laquelle les débitants
de boisson servent les consommations :
Les deux bols nous furent servis sur le
comptoir (Nerval). ∥ 3. Établissement de
commerce installé dans les pays d’outremer : Les comptoirs fondés aux Indes par
les compagnies de commerce anglaise et
française au XVIIIe siècle. ∥ 4. Nom donné
à certains établissements financiers : Le
Comptoir national d’escompte de Paris.
∥ Spécialem. Succursale de la Banque de
France. ∥ 5. Cartel de vente qui se substitue à ses adhérents dans les rapports avec
la clientèle.
compulsation [kɔ̃pylsasjɔ̃] n. f. (de compulser ; 1787, Féraud). Action de compulser : La compulsation des dossiers.
compulser [kɔ̃pylse] v. tr. (lat. compulsare, contraindre, puis, dans la langue
jurid. du Moyen Âge, « exiger, en vertu d’un
acte officiel, communication d’une pièce » ;
XVe s., Godefroy, au sens de « contraindre » ;
sens 1, XVIe s., Littré ; sens 2, 1803, Boiste).
1. En droit, obtenir communication
et prendre connaissance d’un acte, de
pièces officielles, chez un officier public.
∥ 2. Examiner, consulter, feuilleter des
écrits, pour en tirer des renseignements :
Je quittai Rome, et je n’eus pas le temps de
compulser les documents (Chateaubriand).
Il compulsait depuis le même temps les
archives moisies de l’ « Officiel » (Hugo).
Il compulsait à tout instant un petit
« Manuel » d’Épictète, qu’il avait couvert
de notes manuscrites (Duhamel).
compulseur, euse [kɔ̃pylsoer, -øz] adj.
et n. (de compulser ; 1803, Boiste). Qui
compulse (rare) : Ses yeux compulseurs de
dossiers (Bourget).
compulsion [kɔ̃pylsjɔ̃] n. f. (bas lat.
compulsio, contrainte, sommation ; 1298,
Godefroy, au sens 1 ; sens 2 [de compulser], 1760, Ritter, les Quatre Dictionnaires).
1. Contrainte exercée sur quelqu’un.
∥ 2. Vx. Action de compulser : La compulsion d’un dossier. (En ce sens, on dit
auj. COMPULSATION.)
compulsoire [kɔ̃pylswar] n. m. (de
compulser ; 1446, d’après l’Encyclopédie,
1753). Décision judiciaire autorisant à
prendre communication d’un acte, d’une
pièce officielle, chez un officier public :
Transports, compulsoires, interlocutoires,
rien n’y manqua (France).
comput [kɔ̃pyt] n. m. (bas lat. computus,
calcul [v. COMPTE] ; 1119, Ph. de Thaon,
écrit compot [compost au XIVe s., par
confusion avec compost, composé, v. COMPOST] ; comput, 1584, Thevet). Ensemble
des calculs qui permettent de déterminer
chaque année les dates des fêtes mobiles
de l’Église : Le nombre d’or fait partie du
comput.
computation [kɔ̃pytasjɔ̃] n. f. (lat. computatio, compte, supputation ; 1375, R. de
Presles). Manière de supputer le temps : La
computation d’un délai.
computer [kɔ̃pyte] v. tr. (lat. computare, compter [v. COMPTER] ; fin du
XVIe s., Brantôme). Supputer les temps
relatifs au calendrier (rare) : On compute
encore par les ères julienne, grégorienne
(Chateaubriand).
computiste [kɔ̃pytist] n. m. (de comput ; 1611, Cotgrave). 1. Personne qui
dresse le calendrier ecclésiastique. ∥ 2. À
Rome, officier qui perçoit les revenus de
la Chambre apostolique.
comtadin, e [kɔ̃tadɛ̃, -in] adj. et n. (de
comtat [Venaissin] ; 1877, Littré). Relatif au
comtat Venaissin ; habitant ou originaire
de cette région.
comtal, e, aux [kɔ̃tal, -o] adj. (de
comte ; XIIIe s.). Qui appartient au comte :
Couronne comtale.
comtat [kɔ̃ta] n. m. (mot de l’anc. provenç. [XIIe s.], doublet de comté 1 [v. ce mot] ;
XIVe s.). Comté, dans certaines expressions
géographiques : Le comtat d’Avignon.
comte [kɔ̃t] n. m. (lat. comitem, accus.
de comes, compagnon, puis « haut personnage faisant partie de la suite de l’empereur, délégué plénipotentiaire de l’empereur
dans les provinces », et, dans le haut Moyen
Âge, « noble de haut rang » ; v. 980, Vie
de saint Léger, écrit compte [cuens, forme
du cas sujet, issue de comes, a subsisté
jusqu’au XIVe s.]). 1. Haut personnage de
l’entourage de l’empereur romain, appelé
à le conseiller. ∥ 2. Dignitaire du BasEmpire. ∥ 3. Pendant le haut Moyen Âge,
nom donné aux membres immédiats de
l’entourage du roi, servant de conseillers ou
chargés de missions. ∥ 4. Seigneur féodal.
∥ 5. Titre de noblesse situé entre celui de
marquis et celui de vicomte : Emma fixait
ses regards éblouis sur le nom des auteurs
inconnus qui avaient signé, le plus souvent
comtes ou vicomtes (Flaubert).
1. comté [kɔ̃te] n. m. (lat. médiév. comitatus, de comes [v. COMTE] ; XIIe s., Lois de
Guillaume le Conquérant, au sens 1 ; sens
2, 1866, Larousse). 1. Domaine qui conférait le titre de comte : Le comté de Nice.
∥ 2. Dans les pays anglo-saxons, circonscription administrative.
• REM. Le mot a longtemps été féminin, d’après les mots abstraits en -té : La
plus belle comté est Flandre, la plus belle
duché, Milan (Hugo) ; il l’est resté dans
Franche-Comté.
2. comté [kɔ̃te] n. m. (ellipse de
fromage de Franche-Comté ; XXe s.).
Fromage analogue au gruyère, fabriqué
en Franche-Comté.
comtesse [kɔ̃tɛs] n. f. (de comte ; 1080,
Chanson de Roland). Femme qui possède
un comté, ou épouse d’un comte : La comtesse de Mortsauf devenait ainsi l’une des
plus riches héritières du Maine (Balzac).
comtisme [kɔ̃tism] n. m. (de [Auguste]
Comte, n. pr. ; XXe s.). Système philosophique d’A. Comte, plus couramment
désigné sous le nom de positivisme.
comtiste [kɔ̃tist] n. et adj. (de comtisme ;
XXe s.). Adepte du comtisme (rare).
comtois, e [kɔ̃twa, -az] adj. et n. (de
[Franche-] Comté ; 1866, Larousse). Qui
se rapporte à la Franche-Comté ; habitant
ou originaire de cette région. (On dit plutôt
FRANC-COMTOIS, E.)
% comtoise n. f. Horloge murale à socle.
1. con [kɔ̃] n. m. (lat. cunnus, parties
sexuelles de la femme ; XIIIe s., au sens 1 ;
sens 2, mars 1831, Mérimée). 1. Arg. Parties
sexuelles de la femme. ∥ 2. Triv. Personne
sotte, stupide : L’adjudant rengagé affecté
au magasin d’habillement, et qui les traite
de cons (Bernanos).
• REM. On entend parfois le fém. CONNE :
Quelle conne !
% adj. (invar. en genre). Très bête : Il, elle
est con comme la lune.
2. con [kɔn] (mot ital., du lat. cum, avec ;
1866, Larousse). Prép. italienne signif.
« avec », employée en combinaison avec
d’autres termes pour indiquer dans quel
esprit doit être exécuté un morceau de
musique : con anima, avec âme ; con brillo,
avec brio ; con fuoco, avec feu ; con grazia,
avec grâce ; con moto, avec mouvement ;
con spirito, avec esprit ; etc.
3. con- préf. V. CO-.
conard [kɔnar] n. m. (de con 1 ; XIIIe s.).
Triv. Imbécile fieffé : C’est un vrai conard.
conatif, ive [kɔnatif, -iv] adj. et n. m. (dér.
savant du lat. conatum, supin de conari,
s’efforcer ; XXe s.). En linguistique, se dit
d’une forme verbale propre à exprimer
l’idée d’effort.
conation [kɔnasjɔ̃] n. f. (lat. conatio,
conation [kɔnasjɔ̃] n. f. (lat. conatio,
effort, essai, de conatum, supin de conari,
s’efforcer ; XXe s.). En termes de philosophie, effort.
concassage [kɔ̃kɑsaʒ] n. m. (de concasser ; 1845, Bescherelle). Action de concasser.
concassement [kɔ̃kɑsmɑ̃] n. m. (de
concasser ; XVIe s., Amyot, au sens de « brisement » ; sens actuel, 1845, Bescherelle).
Concassage excessif, pulvérisation.
concasser [kɔ̃kɑse] v. tr. (lat. conquassare, secouer fortement, briser ; v. 1230,
Merlin, comme v. pr., au sens de « se briser » ; comme v. tr., au sens actuel, v. 1398,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
830
le Ménagier de Paris). Réduire en petits
fragments des matières dures et sèches :
Concasser un pain de sucre.
• SYN. : briser, broyer, écraser.
concasseur [kɔ̃kɑsoer] n. et adj. m.
(de concasser ; 1856, Lachâtre). Appareil
destiné à réduire en menus fragments
des matières diverses : Concasseur pour
minerais. Concasseur giratoire. Rouleau
concasseur.
concaténation [kɔ̃katenasjɔ̃] n. f.
(bas lat. concatenatio, enchaînement, de
catena, chaîne ; 1504, J. Lemaire de Belges).
1. En philosophie, suite d’idées, d’événements liés par un rapport de cause à effet ;
enchaînement ∥ 2. En rhétorique, suite de
phrases telle qu’un mot de la première se
répète dans la deuxième, un de la deuxième dans la troisième, etc., de manière
à donner l’impression d’un enchaînement
continu : « Tout renaissait pour s’embellir,
tout s’embellissait pour plaire, tout plaisait pour dominer, etc. », est un exemple
de concaténation.
concave [kɔ̃kav] adj. (lat. concavus, creux
et rond, de cum- intensif et cavus, creux ;
1314, Mondeville). 1. Se dit d’une surface,
d’un objet qui présente une courbure sphérique régulière, en creux : Miroir, lentille
concave. ∥ 2. Dont la surface présente un
renfoncement plus ou moins régulièrement
arrondi : Le roc concave et creux m’abritait
(Lamartine).
• SYN. : 2 creux, incurvé. — CONTR. :
1 convexe ; 2 bombé, renflé, ventru.
concavité [kɔ̃kavite] n. f. (bas lat.
concavitas, de concavus, concave ; 1314,
Mondeville). 1. État de ce qui est concave :
La concavité d’un miroir. ∥ 2. Surface
concave : Chacune des deux faces de
cette lentille présente une concavité : elle
est biconcave. ∥ 3. Creux, trou plus ou
moins arrondi : Je m’asseyais loin de la
foule, auprès de ces flaques d’eau que la
mer entretient et renouvelle dans les concavités des rochers (Chateaubriand).
• SYN. : 3 anfractuosité, cavité, dépression,
excavation. — CONTR. : 1 et 2 convexité ;
3 bombement, bosse, renflement, saillie.
concéder [kɔ̃sede] v. tr. (lat. concedere, se
retirer, céder, accorder, admettre, de cumintensif et cedere, s’en aller, céder ; fin du
XIIIe s., A. du Mont-Cassin, au sens de « faire
l’octroi d’un privilège, d’une grâce, etc. » ;
sens 1, milieu du XVe s., J. Joret ; sens 2, 1690,
Furetière). [Conj. 5 a.] 1. Consentir à donner, à céder ; accorder comme une faveur :
Les gardes forestiers [...], par compassion, lui
avaient enfin concédé la libre occupation de
la tour (Sand). ∥ 2. Fig. Concéder quelque
chose, concéder que, dans une discussion,
accorder un point à son adversaire : Je vous
accorde volontiers qu’il adore la paix, si
vous me concédez qu’il a toujours envie de
faire la guerre pour l’obtenir (Maupassant).
• SYN. : 1 allouer, céder, octroyer ;
2 admettre, convenir, reconnaître.
concentration [kɔ̃sɑ̃trasjɔ̃] n. f. (de
concentrer ; 1732, Trévoux, au sens 4 ; sens 1,
1750, Prévost ; sens 2, 1823, Brunot [en politique ; pour des troupes, 1863, Littré ; camp
de concentration, av. 1940] ; sens 3, XXe s. ;
sens 5, fin du XVIIIe s., Voltaire ; sens 6, av.
1848, Chateaubriand). 1. Action de faire
converger vers un même centre des choses
de même nature, de manière à produire un
certain effet ; état résultant de cette action :
La concentration des feux de l’artillerie sur
un seul objectif. La concentration des rayons
solaires au foyer d’une lentille. ∥ 2. Action
de rassembler en un même endroit des éléments de même nature ou exerçant une
même fonction, et qui étaient primitivement dispersés ; état de ce qui est ainsi
rassemblé (au pr. et au fig.) : On a observé,
dans la région, de fortes concentrations de
troupes. La concentration en quelqu’un de
toutes les qualités qui sont indispensables
à l’exercice de son art (Valéry). ∥ Camp
de concentration, camp dans lequel sont
rassemblés, sous la surveillance de l’armée
ou de la police, soit des populations civiles
de nationalité ennemie, soit des prisonniers
ou des détenus politiques : Les camps de
concentration nazis. ∥ 3. En économie politique, tendance à l’accroissement de la taille
moyenne et à la diminution du nombre
des entreprises. ∥ 4. Action d’augmenter
la richesse d’une solution par élimination
du solvant. ∥ Masse d’un corps dissoute
dans l’unité de volume de la solution :
La concentration d’un alcool. ∥ 5. Fig.
Réunion, accumulation sous une forme
condensée d’éléments importants, caractéristiques : La légende, le mythe, la fable
[...] sont comme des concentrations de vie
nationale, comme des réservoirs profonds
où dorment le sang et les larmes d’un peuple
(Baudelaire). ∥ 6. Fig. Action de mobiliser,
de faire porter sur un même objet toutes
les forces de son esprit : Ce qui marque le
plus visiblement le style de Delacroix, c’est
la concision et une espèce d’intensité sans
ostentation, résultat habituel de la concentration de toutes les forces spirituelles vers
un point donné (Baudelaire).
• SYN. : 1 convergence ; 2 accumulation,
centralisation, groupement, rassemblement, regroupement, réunion ; 5 condensé ;
6 application, attention ; contention,
tension.
concentrationnaire [kɔ̃sɑ̃trasjɔnɛr]
adj. (de [camp de] concentration ; 1946, D.
Rousset). Relatif aux camps de concentration : « L’Univers concentrationnaire »
(titre de l’ouvrage de D. Rousset). L’affreux
entassement des cadavres concentrationnaires (Camus).
% n. Détenu d’un camp de concentration.
concentré, e [kɔ̃sɑ̃tre] adj. (part. passé
de concentrer ; 1762, Acad., aux sens 1-2 ;
sens 3, 1833, Balzac ; sens 4, 1866, Larousse ;
sens 5, av. 1778, J.-J. Rousseau). 1. Se dit
d’un corps ou d’un mélange dont on a
éliminé ou fortement diminué la partie
aqueuse ou le solvant : Un sel, un acide,
un alcool très concentré. Du lait concentré.
Du bouillon concentré. ∥ 2. Fig. Dont on
a éliminé au maximum ce qui peut être
considéré comme accessoire ; concis :
La forme concentrée de l’odelette ne me
paraissait pas moins précieuse à conserver
que celle du sonnet (Nerval). ∥ 3. Dont
l’accumulation, la concentration renforce
la puissance ; intense : La physionomie
de cet inconnu [...] est celle du lion ; il y
éclate une énergie concentrée, irrésistible
(Balzac). L’odeur concentrée des fleurs et de
la verdure (Feuillet). À ces moments-là, sa
vitalité semblait vraiment toute concentrée
dans la flamme sombre du regard (Martin
du Gard). ∥ 4. Fig. Se dit d’une personne
dont l’esprit est entièrement accaparé par
un même objet : Plus près du piano, on
peut, plus attentif, plus concentré, écouter Reynaldo Hahn qui redit une mélodie
(Proust). ∥ Qui manifeste cette concentration d’esprit : Sa figure fine [...] garda
l’expression concentrée qui rapprochait ses
épais sourcils noirs (Daudet). ∥ 5. Fig. Se dit
d’une personne renfermée, qui ne se communique pas : Comme il parlait peu, elle [sa
mère] le donnait pour un génie concentré,
caché (Zola).
• SYN. : 1 condensé ; 2 précis, succinct ;
4 appliqué, attentif, réfléchi, tendu ;
5 fermé, impénétrable, secret, taciturne.
— CONTR. : 1 dilué, étendu ; 2 délayé (fam.),
diffus, lâche, vague ; 4 distrait ; 5 communicatif, démonstratif, expansif, exubérant.
% concentré n. m. (XXe s.). 1. Solution
dont la partie aqueuse a été fortement
réduite : Un concentré de bouillon. ∥ 2. Fig.
Accumulation sous une forme condensée :
Un concentré de péripéties vraiment dramatique (Romains).
• SYN. : 1 extrait, quintessence.
concentrer [kɔ̃sɑ̃tre] v. tr. (de con- et
de centre ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens
2, fin du XVIIe s., Bossuet ; sens 3, 1829,
Boiste ; sens 4, 1754, Sckommodau).
1. Faire converger vers un même centre :
Concentrer, à l’aide d’une loupe, les rayons
du soleil sur une feuille sèche afin de l’enflammer. ∥ 2. Rassembler en un lieu, en
un point, des éléments de même nature
primitivement dispersés (au pr. et au fig.) :
Par un travail de deux siècles, nos anciens
rois sont parvenus à concentrer tous ces
cours d’eau sur un plateau [...], où ils ont
creusé le bassin d’un lac (Nerval). Tous les
pouvoirs sont concentrés dans la même
main. ∥ 3. Enrichir la teneur d’une solution en corps dissous, en éliminant plus
ou moins la partie aqueuse ou le solvant :
Une longue cuisson a concentré ce bouillon.
∥ 4. Fig. Appliquer, attacher fortement
ses forces intellectuelles, affectives sur
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
831
un objet unique : Marie-Alice, dont la vie
était tout entière concentrée sur son enfant...
(Bourget). Les yeux fermés comme pour
concentrer sa pensée (Gide).
• SYN. : 2 centraliser, grouper, masser, rallier,
regrouper, réunir ; 4 canaliser, ramener, rapporter. — CONTR. : 2 disperser, disséminer,
éparpiller ; 3 diluer, étendre ; 4 détendre,
relâcher.
% se concentrer v. pr. (sens 1, 1834, Ségur ;
sens 2, 1866, Larousse). 1. Se rassembler,
s’accumuler dans un espace restreint ;
prendre plus de force, de concentration :
Forces armées qui se concentrent en un
point du territoire. Le vestibule [...] où se
concentrait une odeur de moisi (Daudet).
∥ Spécialem. En parlant des forces intellectuelles ou affectives, se fixer sur un seul
objet, être ou chose : Toutes les affections
de celle-ci s’étaient concentrées dans son
fils aîné ; non qu’elle ne chérît ses autres
enfants, mais elle témoignait une préférence aveugle au jeune comte de Combourg
(Chateaubriand). ∥ 2. En parlant d’une
personne, faire un grand effort d’attention,
de réflexion, ou concentrer son énergie sur
un objet, une tâche : Se concentrer sur un
problème difficile à résoudre. Je serrai les
dents, les poings, me concentrai tout entier,
éperdument, désolément, dans cet effort
vers l’existence (Gide).
concentrique [kɔ̃sɑ̃trik] adj. (de con- et
de centre ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens
2, 1890, Dict. général). 1. Se dit de circonférences ou de sphères qui ont un même
centre : Dès le XVe siècle, Paris avait déjà
usé trois cercles concentriques de murailles
(Hugo). ∥ 2. Qui tend à se rapprocher du
centre : L’ennemi opère un mouvement
concentrique.
concentriquement [kɔ̃sɑ̃trikmɑ̃] adv.
(de concentrique ; 1511, Dict. général). De
façon concentrique : L’assaut se développe
concentriquement.
concentrisme [kɔ̃sɑ̃trism] n. m. (de
concentrer ; milieu du XXe s.). Doctrine
économique favorable à la concentration
économique.
concept [kɔ̃sɛpt] n. m. (lat. ecclés.
conceptus, conception de l’esprit [en lat.
class., « fait de contenir, réunion, procréation »], de concipere, concevoir ; 1404, Chr.
de Pisan, au sens 1 ; sens 2, av. 1850, Balzac).
1. Idée générale et abstraite : Si l’on veut se
former une idée ou concept de la partie, il
faut la séparer de son tout (Boulainvilliers).
Qu’est-ce donc en définitive que le concept ?
C’est la chose même, la nature intelligible reçue des sens grâce à l’abstraction
et portée par l’esprit au-dedans de lui au
suprême degré d’immatérialité (Maritain).
Le concept de temps, d’espace, de nombre.
∥ 2. Faculté ou manière de concevoir par
l’intelligence, conception (rare) : George
Sand, en qui revivent la force, la puissance
et le concept du maréchal de Saxe, de qui
elle est petite-fille naturelle (Balzac).
conceptacle [kɔ̃sɛptakl] n. m. (lat.
conceptaculum, réceptacle, de concipere,
contenir [v. CONCEVOIR] ; 1547, Budé, au
sens de « matrice » ; sens actuel, 1832,
Raymond). Poche, cavité où se forment
les gamètes, chez certaines plantes
cryptogames.
concepteur [kɔ̃sɛptoer] n. m. (bas lat.
conceptor, celui qui conçoit, de conceptum, supin de concipere, concevoir ; 1866,
Larousse, au sens de « personne qui conçoit
[quelque chose] » ; sens actuel, milieu du
XXe s.). Celui qui propose des projets, des
idées aux firmes commerciales ou industrielles, aux agences de publicité, etc.
conceptif, ive [kɔ̃sɛptif, -iv] adj. (de
concept, sur le modèle du bas lat. conceptivus, qui est reçu, de conceptum, supin de
concipere, recevoir ; 1801, Mercier). Qui
peut concevoir.
conception [kɔ̃sɛpsjɔ̃] n. f. (lat. conceptio, conception, de conceptum, supin de
concipere, concevoir ; v. 1190, Sermons
de saint Bernard, au sens I [Immaculée
Conception, 8 déc. 1854, date de la proclamation du dogme par une bulle de Pie
IX] ; sens II, 1-2, début du XIVe s. ; sens
II, 3-4, 1549, R. Estienne ; sens II, 5, 1866,
Larousse).
I. Chez les êtres vivants sexués, fusion du
gamète mâle et du gamète femelle, donnant un oeuf fécondé ; le fait d’être conçu,
de recevoir l’existence : Si vous fixez sa
nativité [de Bonaparte] au 15 août 1769,
force est de reporter sa conception vers
le 15 novembre 1768 (Chateaubriand).
∥ Immaculée Conception, dogme de la
religion catholique selon lequel la Vierge
Marie a été conçue exempte du péché originel ; fête par laquelle l’Église célèbre ce
mystère : La fête de l’Immaculée Conception est célébrée le 8 décembre.
II. 1. Vx. Faculté de saisir par l’entendement, de former des idées générales : Je
remarque premièrement la différence qui
est entre l’imagination et la pure intellection ou conception (Descartes). Je fis
des progrès rapides en mathématiques,
où j’apportai une clarté de conception
qui étonnait l’abbé Leprince. Je montrai
en même temps un goût décidé pour les
langues. Le rudiment, supplice des écoliers, ne me coûta rien à apprendre (Chateaubriand). ∥ 2. Action de saisir ou de
former un concept par la pensée : Le vieil
Oriol s’arrêta [...], l’esprit frappé par une
idée encore confuse, car les conceptions
étaient lentes dans sa tête carrée d’Auvergnat (Maupassant). Notre conception
analytique [...] semble incapable de représenter exactement les phénomènes de cet
ordre (Valéry). ∥ 3. Acte, opération de
la pensée qui s’applique à un objet : La
conception d’une oeuvre d’art. ∥ 4. Résultat de cet effort, de l’activité de l’esprit
déployée pour arriver à la compréhension
ou à l’élaboration de quelque chose : Nous
descendions [...] une côte extrêmement
raide, conception d’un ingénieur véritablement trop ami de la ligne droite (Feuillet). ∥ 5. Manière particulière à chacun
de comprendre une question ; opinion,
idée que l’on a d’une chose : Conceptions
politiques. Il est, dans la nature, des effets
[...] qui s’élèvent à la hauteur des plus
grandes conceptions morales (Balzac).
De telles conceptions de l’ameublement
déroutaient les bonnes dames d’alentour,
qui possédaient en général des petits salons conventionnels (Loti).
• SYN. : II, 1 compréhension, intellect, intellection, intelligence ; 3 composition, création, élaboration ; 4 oeuvre, production ;
5 théorie, vue.
conceptisme [kɔ̃sɛptism] n. m. (de
conceptiste, n. donné aux poètes espagnols
qui n’admettaient que des figures inusitées [1845, Bescherelle], esp. conceptista,
de concepto, pensée, raffinement de pensée
[de même étym. que concept, v. ce mot] ;
XXe s.). Dans la littérature espagnole, style
caractérisé par l’abus de la finesse d’esprit.
conceptivité [kɔ̃sɛptivite] n. f. (dér.
savant du lat. conceptum, supin de concipere, concevoir ; 1866, Larousse). Fécondité
de la femelle.
conceptualisme [kɔ̃sɛptɥalism] n. m.
(du lat. scolast. conceptualis, conceptuel, de
conceptus [v. CONCEPT] ; 1832, Raymond).
Doctrine selon laquelle les concepts, ou
idées générales, ou universaux, sont des
réalités mentales qui expriment la nature
propre de la pensée, mais non des réalités
distinctes des objets particuliers (réalisme)
ou de simples mots s’appliquant à plusieurs
individus (nominalisme) : Abélard fonda
le conceptualisme.
conceptualiste [kɔ̃sɛptɥalist] adj. (de
conceptualisme ; 1832, Raymond). Qui a
rapport au conceptualisme : La doctrine
conceptualiste.
% n. Partisan du conceptualisme.
conceptuel, elle [kɔ̃sɛptɥɛl] adj. (lat.
scolast. conceptualis, conceptuel, de conceptus [v. CONCEPT] ; 1863, Littré). 1. Qui a
rapport au concept : Sur le plan conceptuel. ∥ 2. Qui a rapport à la conception :
L’intelligence conceptuelle.
concernant [kɔ̃sɛrnɑ̃] prép. (part. prés.
de concerner ; 1596, Hulsius). Au sujet de ;
pour ce qui touche à : Concernant cette
affaire, je n’ai reçu aucune information.
concerner [kɔ̃sɛrne] v. tr. (bas lat.
concernere, cribler, mêler ensemble, puis,
au Moyen Âge, « être relatif à » ; fin du
XIVe s.). Avoir rapport à ; toucher de près
ou de loin à : Madame [dit le notaire],
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
832
je vous ai appelée afin de vous donner
connaissance du testament du comte de
Vaudrec qui vous concerne (Maupassant).
J’ai projeté d’écrire ici tout ce qui concerne
la formation et le développement de cette
âme pieuse (Gide). Vous êtes concerné par
ces événements : vous ne pouvez pas rester
indifférent. ∥ En ou pour ce qui concerne
quelqu’un ou quelque chose, pour ce qui
est de, relativement à : En ce qui concerne
les frais, n’ayez aucun souci.
• SYN. : intéresser, se rapporter à, regarder,
viser.
concert [kɔ̃sɛr] n. m. (ital. concerto,
accord, déverbal de concertare, se concerter, lat. concertare, rivaliser, d’où « se mettre
d’accord » ; 1560, Pasquier, au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1671, Pomey » ; sens II, 1, 1644,
Corneille ; sens II, 2, 1611, Cotgrave ; sens
II, 3, 1680, Richelet ; sens II, 4, 1608, M.
Régnier ; sens II, 5, 1740, Acad.).
I. 1. Class. Action de se concerter ; étude
en commun, préparation collective d’un
projet, d’une entreprise : Elle fait avec le
duc de Lorraine une entreprise pour la
délivrance du roi [...] dont le succès paraît infaillible, tant le concert en est juste
(Bossuet). ∥2.Littér. Accord, bonne
entente entre personnes ou ensembles
de personnes : Ce parfait concert qui fait
agir les armées comme un seul corps (Bossuet). Le concert européen. Le concert des
grandes puissances.
II. 1. Class. et littér. Accord harmonieux
d’instruments de musique, de voix : Sans
doute leur concert va commencer la fête
(Racine). Ô ma lyre [...] | Que seraient tes
concerts près des chants d’allégresse | De
la France aux pieds de Henri ? (Hugo).
∥ 2. Séance publique ou privée où sont
exécutées un certain nombre d’oeuvres
musicales : Il me fut donné de l’emmener
à Neuchâtel, où je pus lui faire entendre
un concert (Gide). ∥ Concert spirituel,
séance où l’on n’interprète que de la musique religieuse. ∥ 3. Le lieu où est donnée cette séance : Ils font dix visites par
jour et vont du concert au théâtre (Alain).
∥ 4. Par anal. Ensemble de sons, de
bruits émis simultanément : Un concert
de sifflets. Puis un fourmillement convulsif, un concert | De cris rauques qui roule
aux sables du désert (Leconte de Lisle).
∥ 5. Fig. Ensemble de choses ayant le
même caractère : Un concert de bénédictions, d’imprécations. La République est
sauvée ; un concert de louanges monte de
tous les comités (France).
• SYN. : II, 4 cacophonie, charivari, sérénade, tintamarre ; 5 choeur.
% De concert (avec) loc. adv. et prép.
(1665, Molière). En accord parfait (avec) :
Ils agissent de concert. Mlle Legras qui, de
concert avec lui [saint Vincent de Paul], établit les Soeurs de la Charité (Chateaubriand).
concertant, e [kɔ̃sɛrtɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n.
(part. prés. de concerter ; 1690, Furetière, au
sens 1 ; sens 2, 1834, Landais). 1. Qui fait sa
partie dans un ensemble pour voix ou pour
instruments : Les instruments concertants.
∥ 2. Se dit d’une musique, d’un style dans
lesquels les différentes parties jouent et se
font valoir chacune à son tour : Les quatuors de Haydn sont concertants.
concertation [kɔ̃sɛrtasjɔ̃] n. f. (lat.
concertatio, lutte, discussion, débat, de
concertatum, supin de concertare ; milieu
du XVIe s., au sens de « lutte au stade » ;
repris, au sens actuel, au milieu du XXe s.).
Échange de vues entre chefs d’État, diplomates, responsables d’organisations, etc.,
en vue de s’accorder sur une politique
visant à régler des problèmes d’intérêt
commun.
concerté, e [kɔ̃sɛrte] adj. (part. passé
de concerter ; 1580, Montaigne, au sens 1 ;
sens 2, 1671, Pomey). 1. Qui résulte d’une
entente ou d’un calcul ; exempt de spontanéité : Rien ne m’irrite autant que ce genre
de négligence et d’imprécation qui, en cas
de guerre, risque de compromettre la victoire la mieux concertée (Gide). Nous ne
disions plus rien qui ne fût concerté. Chacun
de nous se tenait sur ses gardes (Mauriac).
∥ 2. Class. Prudent, avisé : Il était [...] d’un
esprit souple et adroit, fort concerté et qui
ne faisait presque jamais rien sans dessein
(Pellisson).
• SYN. : 1 arrangé, calculé, combiné, étudié,
organisé, prémédité, préparé. — CONTR. :
1 impromptu, irréfléchi, naturel, spontané.
concerter [kɔ̃sɛrte] v. intr. (ital. concertare [v. CONCERT] ; v. 1437, J. Chartier,
au sens I ; sens II, 1 [de concert], 1690,
Furetière ; sens II, 2, 1680, Richelet).
I. Class. Se mettre d’accord : On voudrait
bien avoir à concerter avec vous (Bossuet).
II. 1. Class. Étudier ensemble, répéter un morceau de musique : Jusqu’à ce
qu’un orchestre, le dirai-je ? et des voix
qui concertent depuis longtemps se fassent
entendre (La Bruyère). ∥ 2. Class. Jouer
le ou les morceaux ainsi préparés : On
concerte souvent chez lui (Acad., 1694).
% v. tr (1580, Montaigne). Étudier, préparer
à l’avance, seul ou avec une ou plusieurs
personnes : Le général Moreau vint à
Prague concerter avec l’empereur de Russie
une restauration que lui, Moreau, ne devait
pas voir (Chateaubriand). [Ils] se parlent à
voix basse comme pour concerter de mauvais coups (Daudet).
• SYN. : arranger (fam.), calculer, combiner,
organiser.
% se concerter v. pr. (1671, Pomey). En
parlant de plusieurs personnes, avoir des
échanges de vues qui permettent de préparer une action commune : Ils se concertaient contre moi. Elle lui apprenait à
mentir (Gide) ; et par extens. : Leurs yeux
se rencontraient, semblaient se concerter
(Maupassant).
concertina [kɔ̃sɛrtina] n. f. (mot ital., de
concerto [v. ce mot] ; 1866, Larousse). Sorte
d’accordéon de forme hexagonale, qui possède deux claviers identiques permettant
l’exécution d’oeuvres polyphoniques.
concertino [kɔ̃sɛrtino] n. m. (mot ital.,
de concerto [v. ce mot] ; 1866, Larousse).
1. Petit concerto. ∥ 2. Ensemble de solistes
s’opposant au tutti, dans le concerto grosso.
concertiste [kɔ̃sɛrtist] n. (de concert ;
1863, Littré). 1. Artiste qui se fait entendre
dans des concerts. ∥ 2. Soliste de concerto.
concerto [kɔ̃sɛrto] n. m. (mot ital.
[v. CONCERT] ; 1739, Ch. de Brosses).
Composition symphonique de forme
suite ou sonate, et qui a pour but de faire
valoir la virtuosité d’un ou de plusieurs
solistes : Concerto pour piano et orchestre.
∥ Concerto grosso, forme ancienne opposant le tutti de l’orchestre au concertino.
concesseur [kɔ̃sɛsoer] n. m. (bas
lat. concessor, de concessum, supin de
concedere, accorder ; 1555, Godefroy).
Personne qui concède.
concessible [kɔ̃sɛsibl] adj. (de concession ; 1866, Larousse). Qui peut être
concédé. ∥ Spécialem. Se dit des substances
minérales qui peuvent faire l’objet d’une
concession minière.
concessif, ive [kɔ̃sɛsif, -iv] adj. (bas
lat. concessivus, concessif [de concessio,
v. CONCESSION], ou dér. de concession ;
1842, J.-B. Richard de Radonvilliers). En
termes de grammaire, qui implique une
concession. ∥ Proposition concessive, ou
concessive n. f., proposition subordonnée
circonstancielle introduite par bien que,
quoique, encore que, même si, lors même
que, etc., et indiquant une opposition ou
une restriction à l’idée exprimée dans la
principale. (V. art. spécial à CONCESSION.)
% concessif n. m. Dans certaines langues,
mode du verbe dont la fonction est de marquer la concession.
concession [kɔ̃sɛsjɔ̃] n. f. (lat. concessio, concession, de concessum, supin de
concedere, accorder ; v. 1265, Br. Latini, aux
sens 4-6 ; sens 1, 1670, Patru ; sens 2-3, 1664,
Kuhn ; sens 7, fin du XIXe s.). 1. Contrat
par lequel l’Administration, le concédant,
charge un particulier, le concessionnaire,
d’exécuter un ouvrage ou d’assurer un
service, en se rémunérant au moyen de
redevances perçues sur les usagers : La
concession de la distribution d’eau dans une
ville. ∥ 2. Droit reconnu à un particulier
ou à une société d’exploiter les ressources
du sol ou du sous-sol d’un terrain : Il [...]
décida l’expédition de Nigritie [...], qui assurait des concessions de forêts immenses à
des sociétés de capitalistes (France). Une
concession minière. ∥ 3. Portion de terrain,
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terre qui fait l’objet d’une concession : Nous
traversions, Yves et moi, la concession européenne (Loti). ∥ Spécialem. Terrain vendu
ou loué pour servir de sépulture dans un
cimetière : Lorie avait vu la fin de son
argent, déjà fort entamé par [...] l’achat
d’une petite concession dans le cimetière
d’Amboise (Daudet). ∥ 4. Fig. Abandon que
l’on fait, plus ou moins volontairement,
d’un avantage, d’une prétention, d’un
droit : L’Église et l’État doivent se faire des
concessions réciproques (France). Si elle [la
maison d’Autriche] parvint à garder le titre
impérial [...], ce fut au prix de concessions et
d’abandons de pouvoir toujours plus graves
à chaque scrutin (Bainville). ∥ 5. Chose
concédée : Si la loi constitutionnelle est
une concession du souverain, la question
recommence (J. de Maistre). ∥ 6. Dans une
discussion, le fait d’abandonner un point
à l’adversaire ; avantage ainsi accordé :
Discussion âpre, sans aucune concession des
adversaires. ∥ 7. Relation logique exprimée
dans la phrase par les propositions concessives ou de concession (V. art. spécial et art.
CONCESSIF.)
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
L’EXPRESSION DE LA CONCESSION
Le terme de concession désigne traditionnellement la relation logique exprimée
dans des phrases comme :
Si juste que soit votre objection, il ne
fallait pas m’interrompre.
Bien que son père s’y opposât, il préparait le Conservatoire.
Reconnaître la justesse d’une objection
est effectivement faire à son auteur une
« concession », au sens ordinaire de ce
mot ; mais la seconde phrase n’exprime
aucune « concession », ni du côté du père
ni du côté du fils. C’est pourquoi des
grammairiens tels que F. Brunot (la Pensée et la langue) ont préféré le terme d’opposition pour dénommer cette nuance
logique : ces concessives expriment le
même rapport que des coordonnées
introduites par les conjonctions dites
« adversatives » :
Il ne fallait pas m’interrompre, mais
votre objection est juste.
Il préparait le Conservatoire, pourtant son père s’y opposait.
Or, si « concession » est souvent impropre, « opposition » peut être jugé trop
large, convenant à des systèmes comparatifs comme Plus il fait chaud, moins on
travaille, à des alternatives comme Il l’a
dit ou il le dira, à des oppositions morphologiques comme ici ou là, soit vous
soit moi, qui n’ont rien à voir avec la relation dont nous sommes partis.
On peut essayer de tracer plus nettement
la limite entre concession et opposition
(ou « adversation »).
La « concession » consiste à faire entendre qu’un phénomène, entraînant
normalement comme conséquence un
autre phénomène, se trouve, dans le cas
considéré, n’avoir pas eu d’effet. Dans
les exemples d’où nous sommes partis, la
proposition subordonnée exprime bien
un facteur qui pourrait jouer, et qui ne
joue pas : une objection juste pourrait
arrêter un exposé qu’elle met en cause ; le
veto d’un père pourrait empêcher un fils
d’embrasser certaines activités.
Mais une simple « opposition » apparaît
dans des phrases comme :
Si le bifteck manquait de tendreté, il
ne manquait pas de poivre.
Tandis que nous sommes à l’abri, les
coureurs essuient l’averse.
Aucune contradiction logique n’y est
exprimée entre le fait subordonné et le
fait principal. On a là des propositions
conditionnelle et temporelle à résultante
adversative.
L’effet de concession peut tenir, comme
celui d’opposition, au seul contenu sémantique des propositions en présence ;
c’est le cas si l’on fait suivre une proposition causale d’une principale niant toute
action de la cause énoncée :
Parce que je suis décoré, je ne me
prends pas pour un héros.
Malgré un résultat « concessif », cette
subordonnée est à verser au chapitre des
causales.
Une condition, aussi bien, peut être donnée comme ne jouant pas, ce que marque
l’adverbe même devant la conjonction si :
Même si tu ne comprends pas, tu dois
obéir.
Cette subordonnée est à verser, pour
l’étude de ses temps, au chapitre des
conditionnelles.
Une proposition relative peut énoncer
un fait « concédé » sans être tenue pour
grammaticalement concessive, non plus
qu’un simple adjectif épithète :
Ma tante, qui était sourde, lisait nos
paroles sur nos lèvres (comparer : Ma
tante, sourde, lisait,etc.).
Où classera-t-on les subordonnées introduites par sans que ? Elles conviennent
pour nier une cause :
Sans que son père y consentît, il
préparait le Conservatoire ;
ou une conséquence :
Il saute sans que le plateau se
renverse ;
ou une concomitance habituelle (impliquant cause, ou conséquence, ou condition commune) :
Il ne vient jamais sans que sa femme
l’accompagne.
S’il s’agit d’une cause niée, la dénotation
est concessive, et sans que signifie bien
que... ne... pas. Mais la négation est le seul
trait constant qui caractérise sans que, et
les conjonctives qu’introduit cette locution sont à ranger, selon les cas, sous le
chef de la cause, de la conséquence ou de
la condition.
COMPLÉMENTS DE CONCESSION
I. NOMS OU PRONOMS
Les prépositions malgré, sans, la locution
en dépit de introduisent des noms ou des
pronoms compléments circonstanciels de
concession :
Malgré (en dépit de) l’interdiction de son père, il préparait le
Conservatoire.
Il préparait ce concours sans l’autorisation de son père.
Contre a ce sens dans deux locutions
anciennes : envers et contre tous, contre
vents et marées.
L’ancien français employait nonobstant
(XIIIe s.), c’est-à-dire non suivi du participe obstant, emprunté du latin, comme
préposition concessive ; on le lit encore
chez Molière :
Il faut nonobstant tout avoir pitié de
vous.
Ce mot, dans le courant du XVIIe s., fut
abandonné à la langue du Palais, où il
était né.
II. VERBES
L’infinitif après sans peut être concessif :
Sans être artiste, elle goûte les belles
choses.
Pour, qui marque la cause, devient
concessif si la principale contient une
marque de négation (souvent : n’en... pas
moins) :
Pour ne pas reposer sur une sympathie de l’esprit, cet amour n’en était
pas moins vrai (R. Rolland).
L’adjectif quitte, introduisant un infinitif complément, a pris une valeur
de préposition concessive qui justifie
l’invariabilité :
Si, d’instinct, ils ne s’étaient jetés sur
la roche, quitte (= quoiqu’ils s’exposassent) à s’écorcher les genoux et les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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paumes, ils allaient à la mer
(H. Queffélec).
Enfin, le gérondif précédé de tout exprime spécifiquement la concession :
Tout en refusant, il tendait la main.
PROPOSITIONS CONCESSIVES
I. COORDINATION
Le français ne dispose pas d’une conjonction de coordination marquant spécifi-
quement la concession : mais, pourtant,
cependant, toutefois, etc., sont seulement
adversatifs.
Mais plusieurs procédés marginaux sont
usités pour marquer, dans une proposition, que le fait énoncé n’empêche pas la
réalisation du fait qu’énonce la proposition voisine.
• 1° Verbes ou locutions auxiliaires :
Tu peux lui défendre de chanter, il
continue de plus belle.
J’ai beau apprendre, j’oublie tout.
• 2° Modalité impérative exprimée par le
mode impératif ou par le subjonctif présent, éventuellement suivis d’un pronom
ou d’un adverbe indéfini :
Frappez (toujours), il n’ouvrira pas.
Cours tant que tu veux, tu ne me
rattraperas pas.
Qu’on lui demande n’importe
quoi, il se met en quatre pour vous
satisfaire.
• 3° Subjonctif imparfait ou plus-queparfait, ou conditionnel (de sens irréel),
avec inversion du sujet, pour quelques
verbes (surtout être et devoir) :
Une servante, en pareil cas, ne peut
manquer de faire l’éloge de sa maîtresse, fût-elle plus laide qu’un péché
mortel (Musset).
Le comte d’Orgel reconnaissait
chacun, ne l’ eût-il aperçu qu’une fois
(Radiguet).
Seriez-vous mon fils, je ne pourrais
pas vous dispenser de cet usage.
A ces types de phrases se rattachent les
phrases à « subordination inverse », où la
conjonction que figure non pas au début
de la proposition concessive, mais au
début de celle qui énonce le fait principal
(motivant le message) :
Seriez-vous mon fils, que je ne pourrais pas vous en dispenser.
Et je vous promettrais mille fois le
contraire,
Que je ne serais pas en pouvoir de le
faire (Molière).
II. SUBORDONNÉES CONJONCTIVES
Les conjonctions concessives font porter la concession sur la réalité du fait.
Après quoique, bien que (un peu littéraire), encore que (tout à fait littéraire, et
qui apporte souvent une simple réserve à
une appréciation), le mode est le subjonctif, marquant apparemment que, l’action
étant réelle, tout se passe comme si elle
ne l’était pas :
Bien que Toby soit méchant, nous
l’aimons.
Malgré que, locution de la langue familière, est depuis un siècle proscrit par
les puristes et employé par de bons
écrivains :
L’air brûlait malgré qu’on fût au
déclin de la saison (A. Daudet).
La conjonction latine quanquam, signifiant « quoique », était suivie de l’indicatif, et ce mode n’est pas illogique dans les
subordonnées concessives, quand il s’agit
d’une action connue pour réelle. En français, il apparaît souvent dans la langue familière ou journalistique, et même dans
la langue littéraire là où il permet de noter des nuances temporelles ou modales
(situation dans le futur ou dans l’irréel)
que le subjonctif laisserait dans l’indistinction ou ne pourrait exprimer que par
des formes archaïques :
Il faut d’abord que je me présente à
vous et que je vous présente mon ami,
quoique nous n’ éveillerons en vous
aucun souvenir (C. Mendès).
À l’heure actuelle, Mirabeau ne
remuerait personne, bien que sa
corruption ne lui nuirait point
(Chateaubriand).
Malgré qu’ils se ressemblaient toujours comme deux frères, on ne voyait
plus du même coup qu’ils étaient
bessons (G. Sand).
Dans la langue parlée courante, quoique,
suivi d’une pause, a pratiquement pris la
nature d’une conjonction de coordination, et ne peut « régir » un mode particulier ; le mode est choisi comme dans une
proposition indépendante :
Bien sûr, ma chérie... Quoique, pour
un musicien c’est merveilleux d’avoir
une femme capable de déchiffrer
(F. Mauriac).
On étudiera ailleurs qu’ici le mode des
propositions causales, temporelles ou
conditionnelles à effet adversatif ou
même concessif :
Un homme a pu écrire trois à quatre
cents pages, alors qu’il n’avait
absolument rien à nous révéler
(Huysmans).
Mais il faut faire un sort particulier à
celles qu’une marque expresse permet
d’imputer à la concession ; ce sont des
temporelles suivies du mode conditionnel ou de l’indicatif avec même :
Quand (même, bien même) vous
seriez mon fils, je ne pourrais vous
dispenser de cet usage.
Je veux bien croire que vous avez
deux enfants, quand même je ne les
ai pas vus.
Lors même que nous n’en aurions
pas l’idée distincte, nous sentirions
davantage que notre passé nous reste
présent (Bergson).
Le problème du mode se trouve éliminé
dans une construction elliptique très répandue dans la langue écrite, où le sujet
et le verbe sont économisés :
Il était, quoique riche, à la justice
enclin (Hugo).
Cela s’est vu, quoique rarement
(P. Margueritte).
Bien qu’encore jeune, il y avait des
mèches grises dans ses cheveux
(E. Jaloux).
L’adverbe même marque également la
nuance concessive devant un adjectif :
Mon fils, même très jeune, contestait
la société moderne.
La concession peut prendre l’aspect d’une
alternative, exprimée par soit que..., soit
que, ou soit que... ou que, ou que... ou que,
toujours suivis du subjonctif :
Soit qu’il gagnât, soit qu’il perdît des
sommes énormes, jamais un muscle
de sa face ne remuait
(P. Margueritte).
Si le sujet est le même, que... ou que est
simplifié en que... ou, éventuellement
que... ou non :
Que ce fût un apache ou un fou, le
danger avait été réel (H. de Régnier).
Qu’on le veuille ou non, tout est
combat (R. Rolland).
III. SUBORDONNÉES RELATIVES
INDÉFINIES
Certaines constructions expriment l’idée
que le fait principal est indépendant non
plus de la réalité du fait subordonné, mais
de certaines variables, comme l’identité,
la qualité, l’intensité d’un élément impliqué dans le phénomène :
Quel que soit le poids d’un corps, sa
vitesse en chute libre est la même.
Qui que tu sois, contemple (Hugo).
Si maître qu’il fût de lui-même,
Henri laissa échapper un mouvement
de joie (Dumas père).
Un portrait a toujours son prix,
pourvu qu’il ressemble, quelque
étrange que soit l’original.
Où que j’aille, c’est vous que je
retrouve (E. Jaloux).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Dans toutes ces phrases, que peut être
tenu pour un pronom relatif formant
avec les mots qui le précèdent (quel, qui,
si, quelque, où...) un système indéfini
à valeur concessive. Le mode subjonctif s’explique comme dans le cas des
conjonctives :
Si vieux que je sois, cette marche
ne m’effraie pas (c’est comme si je
n’étais pas vieux),
ou par la simple indétermination (où que
j’aille).
L’indicatif est pourtant employé (mais
concurrencé par le subjonctif) avec tout...
que, qui affirme la réalité d’un caractère
ou même d’une identité :
Tout vieux que je suis (ou sois)...
Tout Napoléon qu’il était (ou fût)...
Au XVIIe s., l’ellipse du sujet et du
verbe s’observait avec tout comme avec
quoique :
Le méchant goût du siècle en cela me
fait peur ;
Nos pères, tous grossiers, l’avaient
beaucoup meilleur (Molière).
En français littéraire, le système pour
+ ADJECTIF + que, qui affirme aussi la
réalité d’un caractère, admet également
l’indicatif, à côté du subjonctif :
Pour petite qu’elle est, elle est précieuse (A. France).
Au lieu de que + PRONOM SUJET + SUBJONCTIF, on rencontre le subjonctif seul
avec inversion du pronom sujet :
Si vieux soit-il, cette marche ne
l’effraie pas.
On reconnaît ici la construction mentionnée plus haut sous le chef de la coordination (I, 3°).
HISTORIQUE
On observe dès les premiers textes français les deux modes d’expression d’une
idée concessive : la coordination et la
subordination.
I. COORDINATION
L’ancien français associe couramment
l’emploi du subjonctif à l’inversion du
sujet pour marquer une supposition :
Fust i li reis, n’i oüssum damage
[Si le roi était là, nous ne serions pas
en péril] (la Chanson de Roland).
De là, on passe facilement à la nuance
concessive :
Deïst li reis ço que voldreit,
I feroit ço qu’a faire avreit
[Dût le roi en dire ce qu’il voudrait,
Il ferait ce qu’il aurait à faire]
(Roman de Rou).
Cette nuance peut être soulignée par des
adverbes de temps comme encor, ja, ou de
quantité comme bien, tant :
Encor ne soit ma parole françoise,
Si la puet ou bien entendre en françois (Conon de Béthune).
Bien vos poist, si i iroiz
[Cela a beau vous peiner beaucoup,
vous y irez] (Érec).
Mes il est de tel cruauté
Qu’il ne se daingne encor refraindre
(= réprimer)
Tant me voie plorer ne plaindre
(Roman de la Rose).
II. SUBORDINATION
La conjonction se exprimait en ancien
français — comme encore de nos jours —
l’opposition ou même la concession :
Se jo ai parenz, n’en i ad nul si proz
[J’ai des parents, mais pas un aussi
preux] (la Chanson de Roland).
Mes se li feux les a nercies,
pour ce ne sont pas empoiries
[Mais quoique le feu les ait noircies,
elles n’en sont pas pour cela moins
bonnes] (le Roman de Thèbes).
Un des types les plus anciens de subordonnée proprement concessive est celui
des « relatives indéfinies », généralement
au subjonctif :
Chi chi se doilet, a nostr’os est il goie
[Qui que ce soit qui se lamente, pour
nous il y a de la joie] (Vie de saint
Alexis).
Ou que tu ailles Jesus te puisse aidier
(le Couronnement de Louis).
Comment que li plais voist, de ci ne
vous mouvez
[De quelque façon que tourne
l’affaire, ne bougez pas d’ici]
(Fierabras).
Que que (= quoi que) il m’en doie
avenir
(Érec).
Dans ces constructions, le second élément
que, pronom relatif indifférencié, assume
la même fonction que nous lui voyons
remplir aujourd’hui dans les phrases
interrogatives du français populaire : Où
que t’habites ? Comment que tu fais ? Qui
que t’es ? Il assume toute la fonction syntaxique dont il décharge son antécédent
(où, comment, qui, etc.), lequel exprime
par là plus fortement l’indétermination ;
ce relais relatif atone supprime du même
coup l’inversion du sujet.
Certains de ces systèmes indéfinis ont
donné, par coalescence, des conjonctions
dès l’ancien français : com que, comment
que, combien que, quant que ; que que a
cédé la place à quoique :
Quoyque des autres ne le die,
De ceste le tesmoigneray
(Miracle de Notre-Dame).
D’autres conjonctions ont été composées
par analogie avec celles-ci à partir des
marques de concession paratactiques :
encore que, ja que. Bien que, né tardivement (en moyen français), semble plutôt
une réduction de combien que.
Un autre type de conjonction est articulé sur le pronom démonstratif neutre
ce : sans ce que, ja soit ce que, finalement
réduits à sans que, ja soit (ou jaçoit) que :
Joie por lor oste enorer
font sanz ce que talant n’en aient
[Ils manifestent de la joie pour honorer leur hôte bien qu’ils n’en aient
pas le désir] (Yvain).
Ja seit ço que mout s’en celot
[Quoiqu’il s’en cachât beaucoup]
(Roman de Troie).
Une conjonction de ce type fut formée en
ajoutant (ce) que à nonobstant (dont on a
vu plus haut l’origine).
Un autre type, plus particulier, est représenté par la locution mal gré que suivie du verbe avoir ; l’origine est dans la
coordination :
Mort le trebuche, malgré en aient il
[Il l’étend mort, dussent-ils en avoir
mauvais gré] (Garin le Loherain,
XIIe s.).
La reprise par que verse le tour dans la
subordination :
Maugré que il en ait, l’ont iluec
desarmé (Doon de Mayence, XIIIe s.).
Cette locution, où malgré que est complément d’objet du verbe avoir au subjonctif,
n’est pas à l’origine de la locution malgré
que, faite sur la préposition malgré (maugré, XIIe s.), comme sans que sur sans.
Au XVIe s. coexistaient presque toutes
les conjonctions mentionnées ci-dessus,
et quelques autres : ja nonobstant que,
néanmoins que, ore(s) que, toutes fois que,
comme ainsi soit que ; tel remplaçait quel
dans le système tel qu’il soit ; la locution
avoir beau était encore un syntagme vivant, signifiant « avoir une belle occasion
de », « pouvoir facilement », mais l’emploi
comme auxiliaire de concession (v. plus
haut) se dessinait :
Tu as beau faire, douleur ! si ne
diray je pas que tu sois un mal
(Montaigne).
Au XVIIe s., quelques-unes de ces locutions disparaissent de l’usage : jaçoit que,
dont le dernier exemple notoire est de
Bossuet ; nonobstant que, abandonné au
jargon du Palais ; combien que, épargné
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
836
par Vaugelas, mais corrigé par Corneille,
en 1660, dans tous les vers où il l’avait
employé.
Les grammairiens se sont moins souciés d’enregistrer ces décès que d’analyser la valeur des modes, car l’indicatif
concurrençait le subjonctif dans l’usage.
Pour Malherbe, « bien que vous fussiez
s’entend d’une chose douteuse, bien que
vous fûtes d’une chose certaine ». Vaugelas emploie très souvent l’indicatif après
quoique, bien que et encore que. Pourtant,
le subjonctif domine ; Pierre Corneille
ignore à peu près l’usage de l’indicatif, que Ménage donnera pour vieilli, et
Thomas Corneille pour incorrect, tolérant quelques exceptions que comportait l’usage — les mêmes qu’on observe
aujourd’hui. La prépondérance du subjonctif dans les propositions concessives,
au moins en français écrit, arrête peutêtre plus nettement l’unité d’une opération psychologique qui suppose une forte
pesée critique : la « concession » exprime
la rupture momentanée d’un des innombrables liens de cause à effet dont se tisse
notre vue logique du monde. Le subjonctif semble exprimer ici l’attitude d’un
esprit qui rejette (fictivement) du réel un
phénomène que l’effet dément. L’indicatif — largement usité en français populaire — exprime plutôt l’acceptation bien
obligée de ce même phénomène, dont il
« concède » seul, au sens exact du mot,
la réalité.
concessionnaire [kɔ̃sɛsjɔnɛr] adj. et n.
m. (de concession ; 1664, d’après Savary des
Bruslons, 1741). Qui a obtenu une concession : Société concessionnaire. ∥ Spécialem.
Intermédiaire commercial auquel un producteur a accordé un droit exclusif de vente
dans un district déterminé : Commander
une voiture neuve chez le concessionnaire
local de la marque.
concetti [kɔ̃sɛti ou kɔntʃɛtti] n. m. pl.
(mot ital., pl. de concetto, lat. conceptus [v.
CONCEPT] ; av. 1720, Huet [forme francisée
concet, 1578, H. Estienne]). 1. Expressions,
formules affectées et ingénieuses que la
poésie italienne antérieure au XVIIe s. mit
à la mode : Les concetti du Cavalier Marin.
∥ 2. Traits d’esprit trop recherchés, trop
ingénieux, consistant en particulier à jouer
sur un mot que l’on comprend simultanément dans son sens propre et au sens figuré
(comme dans les vers célèbres de Théophile
de Viau : Le voici ce poignard qui du sang
de son maître | S’est souillé lâchement : il
en rougit le traître), ou à rapprocher des
mots qui généralement s’excluent (par ex. :
La fidèle preuve à l’infidélité [Malherbe]) :
Ce furent bientôt des scintillements de
concetti (Villiers de L’Isle-Adam). [Mais
certains] oubliaient trop de sentir tout ce
qui se cachait de vérité, de sagesse, et plus
subtilement de confidence, sous son masque
de concetti (Gide).
concevable [kɔ̃svabl] adj. (de concevoir ;
1547, Budé, au sens de « perceptible » ; sens
actuel, 1647, Corneille). Qui peut être
conçu, compris : Il n’y a de concevable pour
nous que ce qui est explicable (Taine). Dieu
seul forme la suite logique des événements
humains, qui, sans lui, ne se succèdent plus
d’une manière intelligible et concevable
(France).
• SYN. : compréhensible, imaginable, intelligible. — CONTR. : inconcevable, incroyable,
inimaginable, inintelligible.
% n. m. Ce qui peut être conçu : La mort
est une surprise que fait l’inconcevable au
concevable (Valéry).
concevoir [kɔ̃səvwar] v. tr. (lat. concipere, concevoir [au pr. et au fig.], de cum,
avec, et capere, saisir ; début du XIIe s., aux
sens I et II, 3, 5 ; sens II, 1-2, XIVe s. ; sens
II, 4, 1866, Larousse ; sens II, 6, 1538, R.
Estienne). [Conj. 29.]
I. Former en soi, par la fécondation, le
gérme d’un être vivant, en parlant d’une
femelle : Conçu dans ces fêtes de la poésie
populaire, Charles Le Goffic naquit poète
(France).
II. 1. Absol. Former des concepts.
∥ 2. Saisir par l’esprit une idée ; se représenter par la pensée : On conçoit comment
l’architecture du Parthénon a des proportions si heureuses (Chateaubriand). Il n’y
a [...] que les heureux qui conçoivent le
poids de l’infortune (Alain). ∥ Concevoir
que, comprendre, trouver naturel que :
Je conçois, dit-il, que Commius soit un
peu dégoûté des entrevues avec nos généraux (France). ∥ 3. Former, élaborer une
oeuvre dans son esprit, son imagination :
Son père avait brusquement conçu un projet de mariage pour elle (Maupassant). Le
génie de l’homme a conçu et créé une tout
autre action (Valéry). Il avait conçu ce roman dès sa jeunesse. ∥ 4. Se faire une idée
particulière de quelqu’un, une conception personnelle de quelque chose : Olier
conçoit comme l’idéal de la vie du chrétien
ce qu’il appelle « l’état de mort » (Renan).
∥ 5. Sentir naître dans son coeur : Mme de
Piennes en conçut un peu de dépit (Mérimée). Il en conçut plus d’estime pour
l’auteur (Flaubert). ∥ 6. Spécialem. Rédiger, exprimer (au part. passé) : Une lettre
ainsi conçue.
• SYN. : II, 2 comprendre, embrasser,
entendre, voir ; admettre ; 3 combiner,
créer, échafauder, imaginer ; 4 comprendre,
entendre ; 5 éprouver, nourrir, ressentir ;
6 libeller.
conche [kɔ̃ʃ] n. f. (lat. concha, gr. konkhê, coquillage ; v. 1265, Br. Latini, au sens
1 ; sens 2, 1484, Garcie). 1. Vx. Conque,
coquillage. ∥ 2. Dialect. Baie, anse : La
conche de Pontaillac.
conchier [kɔ̃ʃje] v. tr. (lat. concacare,
embrenner, de cacare [v. CHIER] ; XIIe s.,
Godefroy). 1. Souiller avec des excréments :
Le Dictionnaire des communes de France, tel
qu’on le trouvait, naguère encore, crasseux
et conchié des mouches, dans le moindre
bureau de postes (Duhamel). ∥ 2. Fig.
Salir : Ils ne peuvent faire autre chose que
conchier et gâter ceux [les ouvrages] des
autres (Gautier).
conchoïdal, e, aux [kɔ̃kɔidal, -o] adj.
(de conchoïde ; 1752, Trévoux). Qui ressemble à une coquille.
conchoïde [kɔ̃kɔid] adj. (gr. konkhoeidês,
de konkhê, coquille, et eidos, aspect ; 1863,
Littré, comme adj.). Qui a la forme d’un
coquillage. ∥ Cassure conchoïde, cassure
de certains minéraux qui rappelle des cannelures de coquillages.
• REM. On dit aussi CONCHOÏDAL.
% n. f. (sens 1, 1637, Descartes ; sens 2, 1845,
Bescherelle). 1. Courbe qui rappelle celle
des coquillages. ∥ 2. Spécialem. Profil d’un
fût de colonne, en architecture.
conchylien, enne [kɔ̃kiljɛ̃, -ɛn] adj. (dér.
savant du lat. conchylium, gr. konkhulion,
coquille, coquillage ; 1834, Jourdan). Qui
contient des coquilles : Calcaire conchylien.
conchylifère [kɔ̃kilifɛr] adj. (du lat.
conchylium, coquille, et ferre, porter ; 1866,
Larousse). Qui porte des coquilles (rare) :
Un autre petit globe sphérique, monté sur
une rocaille conchylifère (Bloy).
conchyliologie [kɔ̃kiljɔlɔʒi] n. f. (du
gr. konkhulion, coquille, et logos, science ;
1742, Dezallier d’Argenville). Partie de
la zoologie qui traite des coquilles, des
coquillages : La conchyliologie les ennuya
(Flaubert).
conchyliologiste [kɔ̃kiljɔlɔʒist] n. (de
conchyliologie ; 1771, Trévoux). Personne
qui s’occupe de conchyliologie.
concierge [kɔ̃sjɛrʒ] n. (probablem. lat.
pop. *conservius, altér., sous l’influence
de serviens [part. prés. de servire, être
esclave], du lat. class. conservus, compagnon d’esclavage, de cum, avec, et de servus,
esclave ; 1195, Godefroy, écrit cumcerges,
au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3, début
du XVe s.). 1. Personne qui a la charge de
garder l’entrée d’un édifice public, d’un
hôtel particulier, d’un immeuble : La
concierge apparut, forte femme, et sans
ouvrir la grille, son balai à la main : « Vous
venez pour le relieur... nous n’avons plus
que ça chez nous » (Daudet). La loge de
votre concierge était vide (Maupassant).
L’implacable concierge, changé en une
bienveillante Euménide, prit l’habitude,
quand je lui demandais si je pouvais monter, de m’indiquer, en soulevant sa casquette
d’une main propice, qu’il exauçait ma prière
(Proust). ∥ 2. Péjor. Personne qui bavarde
beaucoup et manque de discrétion : C’est
un vrai concierge... Ne lui faites aucune
confidence. ∥ 3. Concierge du Palais, offidownloadModeText.vue.download 123 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
837
cier de la maison du roi, qui habitait le
palais de la Cité et avait juridiction dans
le quartier du Palais (de Hugues Capet à
Louis XI).
conciergerie [kɔ̃sjɛrʒəri] n. f. (de
concierge ; 1318, écrit consirgerie [conciergerie, 1328, Godefroy], au sens 1 ; sens 2,
1690, Furetière ; sens 3, XVe s.). 1. Demeure
du concierge d’un bâtiment administratif :
Adressez-vous à la conciergerie. Moreau,
de plus en plus inquiet, alla, malgré ses
bottes, au pas de course à la conciergerie
(Balzac). ∥ 2. Vx. Fonction de concierge :
Ambitionnant de prendre sa retraite et de
trouver un petit emploi civil, une conciergerie de tout repos (Chevallier). ∥ 3. Partie du
Palais de Justice, à Paris, où demeurait un
juge royal, dit concierge du Palais, et où se
trouvait une prison (avec une majuscule) :
Marie-Antoinette sortit de la Conciergerie
pour aller à l’échafaud.
concile [kɔ̃sil] n. m. (lat. concilium,
concile [kɔ̃sil] n. m. (lat. concilium,
assemblée ; v. 1138, Gaimar, au sens 3 [sans
ironie] ; sens 1, XIIIe s., Chronique de Rains ;
sens 2, 1690, Furetière). 1. Dans l’Église
catholique, assemblée d’évêques et de théologiens, réunie pour décider de certaines
questions intéressant la doctrine ou la discipline ecclésiastiques : Le pape Nicolas II,
dans un concile tenu à Rome en 1059, fit
décider que les cardinaux seuls éliraient
les papes et que le clergé et le peuple ratifieraient l’élection (Chateaubriand). Nous
aurions nos conciles, comme Constantin
et Charlemagne (Vigny). ∥ Concile oecuménique, celui qui réunit les évêques du
monde entier, sous la présidence du pape.
∥ Concile national, celui qui réunit les
évêques d’un État. ∥ Concile provincial,
celui qui réunit les évêques d’une province ecclésiastique. ∥ 2. Collection des
Actes d’un concile : Une nouvelle édition
des Conciles. ∥ 3. Fam. et ironiq. Réunion,
groupe de personnes : Un de mes amis,
né pauvre comme René Vinci, fut admis
pareillement, à son heure, dans le concile
des riches et des puissants (France).
conciliable [kɔ̃siljabl] adj. (de concilier ;
milieu du XVIe s., au sens de « passionné » ;
sens actuel, 1776, Raynal). Se dit d’une
chose qui peut se concilier avec une autre :
La force et la douceur sont parfaitement
conciliables.
conciliabule [kɔ̃siljabyl] n. m. (lat. conciliabulum, lieu de réunion, de conciliare [v.
CONCILIER] ; 1549, Calvin, au sens 1 ; sens 2,
1594, Satire Ménippée ; sens 3, XXe s.). 1. Vx.
Assemblée de prélats schismatiques ou
convoqués illégalement. ∥ 2. Conférence
secrète, entre personnes réunies dans
un dessein suspect : Je sais bien qu’on ne
m’épargne pas dans les conciliabules de la
place Saint-Exupère (France). ∥ 3. Suite
d’entretiens, de discussions plus ou moins
secrètes : Tout cela demandait toujours
beaucoup de temps, tout cela nécessitait
beaucoup de conciliabules (Duhamel).
• SYN. : 2 colloque ; 3 palabre.
conciliaire [kɔ̃siljɛr] adj. (de concile ; fin
du XVIe s., Pasquier). 1. Qui a rapport à un
concile : Délibérations, décrets conciliaires.
∥ 2. Qui participe à un concile : Un père
conciliaire.
conciliant, e [kɔ̃siljɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de concilier ; fin du XVIIe s., Mme de Sévigné).
1. Se dit d’une personne qui est prête, dis-
posée à la conciliation : Un homme conciliant. ∥ 2. Qui témoigne de dispositions à
la conciliation : Avoir l’humeur conciliante.
Antoine, interloqué, avait pris un air attentif et d’avance conciliant (Martin du Gard).
∥ 3. Propre à établir ou à ramener la paix,
le bon accord : « Vous êtes peut-être trop
radical, mon ami », interrompit l’abbé d’une
voix conciliante (Zola).
• SYN. : 1 et 2 accommodant, arrangeant,
bienveillant, commode. — CONTR. : 1 et 2
buté, dur, impitoyable, intraitable, revêche.
conciliateur, trice [kɔ̃siljatoer, -tris]
n. (de concilier ; v. 1380, E. de Conty).
Personne qui agit pour amener la conciliation : Le juge de paix, le notaire sont avant
tout des conciliateurs.
• SYN. : arbitre, médiateur.
% adj. (1580, Montaigne). Qui vise à concilier : Jouer un rôle conciliateur. Il peut
exister aussi chez les nations des embarras intérieurs qui les disposeraient à des
mesures conciliatrices (Chateaubriand).
• SYN. : apaisant, conciliant, conciliatoire.
conciliation [kɔ̃siljasjɔ̃] n. f. (lat. conciliatio, union, bienveillance, de conciliatum,
supin de conciliare, concilier ; milieu du
XIVe s., J. Le Fèvre, au sens 1 ; sens 2, 1829,
Boiste ; sens 3, 1680, Richelet). 1. Action
qui vise à rétablir la bonne entente entre
personnes dont les avis, les intérêts s’opposent ; résultat de cette action : On fait
toujours une sottise en rejetant les moyens
de conciliation (Rivarol). Par grand désir
de conciliation, je saisis au bond la phrase
(Gide). ∥ 2. En termes de droit, action d’un
juge pour tenter de mettre d’accord les parties en litige : Citer quelqu’un en conciliation. ∥ Spécialem. Procédé de règlement
amiable des conflits collectifs du travail.
∥ 3. Action de rendre des choses compatibles ; résultat de cette action : La conciliation d’intérêts opposés, de témoignages
qui paraissent contradictoires.
• SYN. : 1 accommodement, arrangement,
composition, compromis, médiation, transaction ; 2 arbitrage ; 3 harmonisation.
conciliatoire [kɔ̃siljatwar] adj. (de concilier ; 1777, Linguet [une première fois à la
fin du XVIe s.]). Propre à amener la conciliation : Il faut prendre les voies conciliatoires
et tâcher d’obtenir une situation supportable (J. de Maistre).
concilier [kɔ̃silje] v. tr. (lat. conciliare,
réunir, concilier ; v. 1190, Garnier de PontSainte-Maxence, au sens de « réconcilier » ;
sens 1, 1549, R. Estienne ; sens 2, 1646,
Rotrou ; sens 3, 1671, Pomey ; sens 4, v. 1590,
Du Vair). 1. Mettre d’accord des personnes
en litige ou simplement en désaccord : Le
juge n’a pas réussi à concilier les parties.
Concilier deux adversaires. ∥ Par extens.
Faire cesser un désaccord : Concilier un différend. ∥ 2. Rendre compatibles des choses
qui sont ou paraissent opposées : Un expédient se présenta à l’esprit du gouverneur
pour concilier ses propres sentiments avec
les exigences du peuple fanatique (Renan).
∥ 3. Vx et littér. Concilier quelqu’un à, le
disposer favorablement envers quelqu’un
ou quelque chose : Tels furent les peuples
que nos missionnaires entreprirent de nous
concilier par la religion (Chateaubriand).
∥ 4. Vx et littér. Concilier quelque chose à,
le gagner à : Une forme spirituelle et légère
propre à concilier à ces idées rajeunies la
faveur d’un public frivole (Nerval).
• SYN. : 1 raccommoder, réconcilier ; 2 ajuster, arranger, harmoniser.
% se concilier v. pr. (sens 1, 1690, Furetière ;
sens 2, 1798, Acad.). 1. (avec un sujet désignant une personne)Se concilier quelqu’un
ou quelque chose, se rendre cette personne
favorable, obtenir, conquérir cette chose :
J’ai concentré [...] toutes les facultés de mon
esprit à me concilier mon caporal et mon
sergent-major par des largesses mesurées
(France). Se concilier les bonnes grâces de
quelqu’un. ∥ 2. (avec un sujet désignant
une chose)Se concilier avec, être compatible avec autre chose : Votre inhumanité
intellectuelle et technique se concilie fort
aisément, et même fort heureusement, avec
votre humanité (Valéry).
concis, e [kɔ̃si, -iz] adj. (lat. concisus,
concis, part. passé de concidere, couper ;
1553, Heret). 1. Qui est dit en peu de mots :
Ceci est bref, concis, c’est le style impérial
(Courier). Ses paroles étaient à la fois
mesurées et concises (Stendhal). ∥ 2. Qui
exprime en peu de mots ce qu’il veut dire :
Il écrivit [...], donnant de ses nouvelles en
style concis (Maupassant). Un écrivain
concis.
• SYN. : 1 bref, condensé, court, succinct ;
2 dense, elliptique, laconique, lapidaire,
précis, ramassé, sobre. — CONTR. : 1 diffus,
long, touffu ; 2 prolixe, verbeux.
concision [kɔ̃sizjɔ̃] n. f. (lat. concisio,
action de couper, de concisum, supin de
concidere, couper ; 1488, Mer des histoires, au sens de « action de retrancher
[une voyelle, etc.] » ; sens actuel, 1709,
Grimarest). Qualité d’un style, d’un écrivain qui retranche tout ce qui est superflu
et recherche l’énergie dans la brièveté : Ces
mémoires [...] sont généralement écrits avec
cette concision qui caractérise presque toujours le style de ceux qui s’occupent avec
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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succès des sciences exactes (Choderlos de
Laclos).
• SYN. : brièveté, densité, laconisme,
sobriété. — CONTR. : longueur, prolixité,
verbiage, verbosité.
concitoyen, enne [kɔ̃sitwajɛ̃, -ɛn] n.
(de con- et de citoyen, d’après le bas lat.
concivis, de cum, avec, et civis, citoyen ;
1290, Godefroy, écrit concitien). Personne
qui est de la même ville, du même État
qu’une autre, ou qui appartient à la même
communauté politique : Désireux d’acheter par un grand service le pardon de mes
concitoyens, j’étais prêt à leur livrer contre
dix mille florins une des portes de Sienne
(France) ; et littér. : Je suis concitoyen de
tout homme qui pense (Lamartine).
• SYN. : compatriote.
concitoyenneté [kɔ̃sitwajɛnte] n. f. (de
concitoyen ; 1845, Bescherelle). Qualité de
ceux qui habitent la même ville, le même
pays.
conclave [kɔ̃klav] n. m. (lat. conclave,
chambre fermée à clé [de cum, avec, et clavis, clé], d’où, en lat. médiév., « assemblée
de hauts dignitaires » ; v. 1360, Froissart).
1. Lieu clos où les cardinaux s’assemblent
pour élire un pape. ∥ 2. L’assemblée des
cardinaux appelés à procéder à cette élection : Grégoire X sortit enfin du scrutin,
et, pour remédier à l’avenir à un tel abus,
établit alors le conclave, « cum clave », sous
clef, ou avec une clef ; il régla les dispositions intérieures de ce conclave à peu près
de la manière qu’elles existent aujourd’hui
(Chateaubriand). Le conclave de Venise qui
vous a élu pape m’a un peu l’air d’avoir été
inspiré par ma campagne d’Italie (Vigny).
conclaviste [kɔ̃klavist] n. m. (de
conclave ; 1546, Rabelais). Ecclésiastique
chargé de servir un cardinal pendant la
durée du conclave.
concluant, e [kɔ̃klyɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de conclure ; v. 1585, Cholières). Qui
établit de façon irréfutable la conclusion
à laquelle on veut arriver : À des raisonnements concluants il répondait par l’objection d’un enfant qui mettrait en question
l’influence du soleil en été (Balzac).
L’expérience n’ayant pas paru concluante,
ce fut ensuite le tour de M. Roux d’aller à
la porte et celui de Mme Bergeret de restituer
la scène d’amour (France).
• SYN. : convaincant, décisif, définitif,
démonstratif, indiscutable, irrésistible,
péremptoire, probant. — CONTR. : contestable, discutable.
conclure [kɔ̃klyr] v. tr. (lat. concludere,
enfermer, finir, conclure ; v. 1120, Psautiers
d’Oxford et de Cambridge, au sens de « ne
pas empêcher qu’on tombe dans les mains
de l’ennemi » ; sens 1-2, fin du XIVe-début
du XVe s. ; sens 3, 1640, Corneille ; sens 4,
v. 1360, Froissart). [Conj. 62.] 1. Amener à
son règlement définitif ; régler exactement
les clauses d’un accord, d’une convention :
Conclure un pacte, un armistice, un marché, une affaire. Songez à conclure avec la
reine un bon traité de commerce (France).
∥ 2. Class. Décider, arrêter, fixer : Vous qui
[...] | Avez conclu vous-même et hâté leur
voyage (Racine). ∥ 3. Class. Parachever ;
mettre le comble à : Voici le jour heureux |
Qui doit conclure enfin nos desseins généreux (Corneille). ∥ 4. Amener à sa fin, terminer ; en particulier, clore un discours, un
écrit par une phrase ou un développement
qui marque son caractère achevé : Car,
disait Antoine pour conclure son homélie,
nous étions des Mauprat l’année dernière
(Sand). ∥ Absol. Donner une conclusion :
Aucun génie n’a conclu et aucun grand livre
ne conclut, parce que l’humanité elle-même
ne conclut pas (Flaubert). Je conclus enfin :
« Puisque vous savez que cette maladie rend
triste, vous ne devez pas vous étonner d’être
triste ni en prendre de l’humeur » (Alain).
∥ 5. Tirer une conséquence de données qui
précèdent : Qu’ils en concluent ce qu’ils voudront contre le déisme, ils n’en concluront
rien contre la religion chrétienne (Pascal).
J’en conclus que...
• SYN. : 1 signer, traiter ; 4 achever.
% v. tr. ind. (XIIIe s.). Conclure à (et un
nom), aboutir à la conclusion de, à la suite
d’un examen, d’un raisonnement : Pour
admettre cet acte, il fallait conclure à la
folie (Maupassant) ; spécialem., en style
juridique, se prononcer pour, après examen, délibération : Les juges conclurent à la
mort. ∥ Class. Conclure à (et un infinitif),
décider de, après délibération : Je conclus à
lui donner de l’émétique (Molière).
% v. intr. (XVe s.). Conclure contre, ou en
faveur de, se prononcer contre, ou en faveur
de : L’homme du faubourg Saint-Germain a
toujours conclu de sa supériorité matérielle
en faveur de sa supériorité intellectuelle
(Balzac) ; être concluant : Aucun indice
ne conclut contre lui. Tous les témoignages
concluent en sa faveur.
conclusif, ive [kɔ̃klyzif, -iv] adj. (lat. scolast. conclusivus, de conclusum, supin de
concludere, conclure ; v. 1460, Chastellain).
Qui indique, qui exprime une conclusion :
Un paragraphe conclusif.
conclusion [kɔ̃klyzjɔ̃] n. f. (lat. conclusio, action de fermer, achèvement, conclusion, de conclusum, supin de concludere
[v. CONCLURE] ; milieu du XIVe s., Modus,
au sens 1 ; sens 2-4, v. 1265, J. de Meung).
1. Action de conclure quelque chose, de
le mener à son règlement définitif : La
conclusion d’un traité. Il pressait de toutes
ses forces la conclusion d’un mariage dont
il attendait le bonheur de sa fille (France).
∥ 2. Issue, dénouement d’une situation :
Le conflit approche de sa conclusion.
∥ 3. Spécialem. Partie qui termine un discours, un écrit, qui en résume l’idée générale, en dégage le sens : Avant d’en venir
à cette conclusion, le ministre protestant
fournit les preuves (Chateaubriand). La
conclusion d’un livre. ∥ 4. Conséquence
logique tirée de données antérieures :
Vous m’accuseriez peut-être de vouloir tirer
quelque méchante conclusion (Mérimée).
Craignant les conclusions qu’elle pouvait
tirer de mon oubli (Gide). ∥ Spécialem. En
logique, proposition qui clôt un raisonnement ; dans un syllogisme, proposition qui
se déduit des deux premières propositions,
appelées prémisses.
• SYN. : 1 réalisation ; 2 fin, terme ; 3 épi-
logue, péroraison ; 4 déduction. — CONTR. :
1 amorce, ouverture, préliminaires ; 2 commencement, début, naissance ; 3 avant-propos, avertissement, avis, exorde, exposition,
introduction, préambule, préface, présentation, prologue.
% En conclusion loc. adv. Pour finir, pour
conclure, ou en conséquence.
% conclusions n. f. pl. (av. 1453, Monstrelet).
1. Acte de procédure par lequel le représentant d’une des parties porte les prétentions
de celle-ci à la connaissance du tribunal et
de la partie adverse : L’avocat a déposé ses
conclusions. Les conclusions ont été jugées
irrecevables. On prend des conclusions, puis
on rend un arrêté conforme au bon plaisir
du maire (Courier). ∥ 2. Conclusions du
ministère public, avis qu’il exprime sur la
valeur des prétentions des parties.
concombre [kɔ̃kɔ̃br] n. m. (altér. de co[u]
combre, anc. provenç. cocombre, du bas lat.
cucumer, -eris [lat. class. cucumis] ; 1256,
Ald. de Sienne). 1. Plante potagère de la
famille des cucurbitacées. ∥ 2. Fruit de
cette plante, de forme allongée, que l’on
consomme comme légume ou en salade.
concomitamment [kɔ̃kɔmitamɑ̃] adv.
(de concomitant ; 7 mars 1874, Journ. officiel). De manière concomitante.
concomitance [kɔ̃kɔmitɑ̃s] n. f. (lat.
scolast. concomitantia, de concomitari,
accompagner ; XIVe s., B. de Gordon, au sens
1 ; sens 2, 1680, Richelet). 1. Coexistence
ou évolution simultanée de deux choses :
La concomitance de deux phénomènes.
∥ 2. Par concomitance, en termes de théologie, par la nature inséparable de deux
objets.
• SYN. : 1 coïncidence, simultanéité.
concomitant, e [kɔ̃kɔmitɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.
concomitans, part. prés. de concomitari,
accompagner ; 1503, G. de Chauliac, au sens
1 [sons concomitants, 1845, Bescherelle] ;
sens 2, 1690, Furetière). 1. Qui se produit
en même temps qu’un autre fait : La perte
des hommes [à Austerlitz] n’est rien ; ce sont
des circonstances concomitantes qui ont fait
tout le mal (J. de Maistre). ∥ Sons concomitants, sons harmoniques qui accompagnent le son fondamental. ∥ Variations
concomitantes, variations simultanées et
proportionnelles de certains phénomènes.
∥ 2. Grâce concomitante, en termes de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
839
théologie, grâce divine qui accompagne
la décision libre.
• SYN. : 1 coexistant, coïncidant, simultané.
• REM. Concomitant peut recevoir un
complément introduit par de : Une élévation du niveau de vie concomitante de
l’accroissement de la production.
concordance [kɔ̃kɔrdɑ̃s] n. f. (de concorder ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au
sens de « réconciliation » ; sens actuels,
XIIIe s.). 1. Rapport de conformité entre
deux ou plusieurs choses ou faits : La
concordance de leurs aspirations les rendit
tout de suite amis (Maupassant). La concordance des dates. ∥ Table de concordance,
en linguistique, index qui fait ressortir le
rapprochement entre tous les emplois d’un
même mot dans un texte ou une oeuvre.
∥ Concordance des temps, en grammaire,
règles suivant lesquelles le temps du verbe
d’une proposition subordonnée dépend
du temps de celui de la proposition principale. (V. art. spécial.) ∥ 2. Concordance
des Évangiles, ouvrage dans lequel sont
rapprochés les textes des quatre Évangiles,
de manière à en montrer la similitude.
∥ Concordance de la Bible, index alphabétique des mots employés dans la Bible,
avec l’indication, pour chaque mot, de la
référence des passages où il est cité.
• SYN. : 1 accord, affinité, coïncidence,
correspondance, harmonie, ressemblance,
synchronisme. — CONTR. : 1 antagonisme,
désaccord, divergence, opposition.
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
LA CONCORDANCE DES TEMPS
On réunit sous le chef de la concordance
des temps des faits qui ressortissent à l’
« accord » (v. ce mot) dans le domaine
temporel.
Soit une phrase unique à verbe unique,
telle que :
(1) Pierre est venu.
Le choix du temps de ce verbe est fait par
le locuteur — soit Jean — en fonction
seulement de l’époque qu’il veut désigner : le point de référence est l’instant
présent, le moment de la parole. Disons
que le repérage est « absolu ».
Soit une phrase complexe à deux verbes,
prononcée par le même locuteur :
(2) Pierre a dit qu’il était venu.
Le choix du temps du verbe a dit (V1) est
fait comme dans l’exemple 1 par repérage
absolu, mais le temps du verbe était venu
(V2) est choisi en référence au moment où
Pierre a parlé, moment passé, défini par a
dit. Le repérage est « relatif ». Le temps de
V2 est conditionné par le temps de V1, et
ce conditionnement est ce qu’on entend
par « concordance ».
Les grammairiens, depuis Oudin (1632)
jusqu’au XXe s., se sont appliqués à formuler de prétendues règles gouvernant
étroitement le choix des temps, que le
verbe V2 soit au subjonctif ou à l’indicatif. En réaction contre leur dirigisme
grammatical, F. Brunot écrivait en 1922,
dans la Pensée et la langue : « Ce n’est pas
le temps principal qui amène le temps de
la subordonnée, c’est le sens. Le chapitre
de la concordance des temps se résume
en une ligne : il n’y en a pas » (p. 782).
Cette déclaration — dont le caractère de
boutade s’accentue quand on l’isole du
contexte — doit se comprendre de deux
façons, non exclusives l’une de l’autre.
• 1° La « concordance » n’est autre chose
que l’application normale de la valeur des
temps.
Ainsi, le plus-que-parfait a pour fonction
propre d’exprimer l’aspect accompli ou
l’antériorité à un moment passé : il est à
sa place dans l’exemple 2. Que l’on passe
du point de vue de Jean à celui de Pierre
importe peu, et ce cas ne doit pas être
distingué du cas suivant, où des repères
différents sont adoptés par une seule et
même personne :
(3) J’ai cassé l’assiette que j’ avais peinte.
L’emploi pour V1 du passé composé (j’ai
cassé) n’impose l’emploi du plus-queparfait pour V2 que dans la mesure où le
sujet parlant veut marquer l’antériorité
de V2 par rapport à V1 ; l’imparfait serait
employé si l’action V2 était en cours d’accomplissement au moment de V1 :
(4) J’ai cassé l’assiette que je peignais.
Quant à savoir pourquoi l’imparfait
peignais est préféré dans cette dernière
phrase à un passé composé ou à un passé
simple, ce n’est plus seulement une question de « temps », c’est aussi une question
d’ « aspect » (v. ce mot). Les « règles de
concordance » devraient tenir compte
de l’aspect. Elles ne le pouvaient pas à
l’époque où Brunot écrivait la Pensée et
la langue, et c’est pourquoi le tableau en
huit pages qu’il substitue au tableau en
une page d’un de ses prédécesseurs n’apporte rien d’essentiellement nouveau.
En 1954, Knud Togeby dénonça cette
lacune et donna l’exemple d’une étude
de la « concordance des aspects » (Studia
neophilologica).
Les cas traditionnellement évoqués
de concordance entre deux verbes ne
doivent pas non plus être distingués des
cas où le repère temporel est donné par
un adverbe :
En 1604, Henri IV régnait sur la
France.
K. Togeby parle de « concordance complexe » quand le choix du « temps » est
conditionné à la fois par le temps du verbe
principal et par le sens de la conjonction
subordonnante ; comparer :
Je l’ai reconnu dès qu’il a chanté.
Je l’ai reconnu pendant qu’il
chantait.
Comme on le voit, l’étude de la « concordance des temps » ainsi comprise n’a pas
d’autre limite que l’étude de la valeur des
temps — disons plutôt des « tiroirs » de la
conjugaison, pour emprunter à Damourette et Pichon (Des mots à la pensée) un
terme moins ambigu. Il est des tiroirs
de repérage absolu (comme le présent,
le futur, le passé simple ou le passé composé) et des tiroirs de repérage relatif,
traditionnellement appelés « temps relatifs » (comme le plus-que-parfait, le futur
antérieur, le conditionnel). Ce sont ces
derniers dont l’emploi dans le discours
est ordinairement codifié par les « règles
de concordance ».
• 2° Les « règles de concordance » méconnaissent la liberté que conserve souvent l’auteur d’une phrase de choisir
entre deux repérages. Ainsi, les phrases
des exemples précédents numérotés 2 et
3 seront facilement remplacées, dans la
langue familière, par :
(4) Pierre a dit qu’il est venu.
(5) J’ai cassé l’assiette que j’ ai peinte.
Le temps du verbe V2 est choisi par repérage absolu, et non plus « relatif », et c’est
le contexte qui nous permet d’établir
éventuellement une relation d’antériorité de V2 à V1. Aucune loi n’interdit en
principe à celui qui parle ou qui écrit de
maintenir son propre présent pour point
de référence, ou d’y revenir quand il lui
plaît. Ce retour, on le verra, peut être
souhaitable. Négligence ou intention, il
explique beaucoup des infractions invoquées par les négateurs de la « règle ».
TIROIRS D’INDICATIF À REPÈRE FUTUR
Les faits de « concordance » n’ont intéressé les grammairiens que dans la mesure
où le repérage relatif entraîne un autre
tiroir que le repérage absolu. On ne prend
donc pas en considération les cas où les
deux repères coïncident (verbe principal
au présent : Pierre prétend qu’il est venu).
La concordance dans l’avenir n’a guère de
place dans les grammaires normatives.
C’est qu’on utilise souvent, adossés à un
repère futur, deux tiroirs qui s’adossent
organiquement au présent :
(6) Il se plaindra qu’il a faim.
(7) Il croira qu’il a perdu la clef.
Dans ces exemples, le tiroir « présent »
du verbe V2 indique une action simultanée à V1, le tiroir « passé composé » une
action antérieure. Les mêmes formes qui
servent au repérage absolu à partir de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
840
l’instant présent sont donc utilisées pour
un repérage relatif au futur ; la notion de
« concordance » n’a pas ici plus d’utilité
que n’en a la notion d’accord en genre
pour un adjectif comme jaune.
Le repérage relatif en V2 peut faire place
au repérage absolu :
(8) Il se plaindra qu’il aura faim.
(9) Il croira qu’il aura perdu la clef.
Dans la phrase 8, le futur aura ne marque
pas expressément la simultanéité de
l’action V2 avec V1 ; celle-ci ressort du
contexte.
Ailleurs, la forme de futur simple traduira une action à venir antérieure ou postérieure à l’action principale :
(10) Il revendra le livre que vous lui
donnerez.
(11) Vous lui donnerez un livre qu’il
revendra.
Dans les phrases 8, 10 et 11, le futur en V
2
est absolu, rapporté à l’instant de la parole, et la relation de V2 à V1 est impliquée
(différemment) par le sens de l’entourage.
Du futur antérieur de la phrase 9, on peut
seulement dire qu’il marque l’antériorité
relativement à un moment donné futur
par repérage absolu.
Aucune forme n’est propre à marquer une
action postérieure à un moment futur.
Le repérage relatif de V2 est normal dans
les propositions compléments d’un verbe
de déclaration ou de pensée (exemples 6
et 7).
Dans les propositions relatives, temporellement plus indépendantes de leur
principale, le repérage relatif est licite,
mais souvent fâcheux par les ambiguïtés
qu’il occasionne :
A ma mort, je vous laisserai tout ce
qui me reste.
S’agit-il de tout ce qui reste au moment de
la parole, ou de tout ce qui restera à une
date qu’on veut croire lointaine ? Le futur
(tout ce qui me restera) ne laisserait dans
ce cas aucun doute.
TIROIRS D’INDICATIF À REPÈRE PASSÉ
Le système verbal français comporte à
l’indicatif un certain nombre de tiroirs à
repérage spécifiquement passé ; les règles
de concordance en donnent ordinairement la liste suivante :
— l’imparfait, marquant une action
simultanée au repère passé :
Je m’aperçus qu’il dormait ;
— le plus-que-parfait, marquant une
action antérieure au repère passé :
Je m’aperçus qu’il s’était endormi ;
— le conditionnel présent, marquant
une action ultérieure au repère passé :
Il promit qu’il viendrait ;
— le conditionnel passé, marquant une
action antérieure à un moment ultérieur au repère passé :
Il promit qu’il viendrait dès qu’il
aurait reçu la lettre.
Cette liste suffit à qui limite l’étude aux
cas de « discours indirect », comme on le
fait, pour des raisons pratiques, dans les
classes, où il semble que l’on entende par
« règles de concordance » les règles de
transposition d’un texte du plan présent
au plan passé.
Dans les propos au « discours direct »,
celui qui parle énonce au présent des
actions ou des vérités générales dont la
réalisation s’étend, dans des mesures
variables, à la fois sur le passé et sur
l’avenir :
Il dort.
La Terre tourne.
Deux et deux font quatre.
C’est l’aspect sécant (v. ASPECT), qui, sans
être inhérent au tiroir présent, lui est
associé presque obligatoirement dans ces
conditions d’emploi. L’imparfait, étant
le seul tiroir passé qui exprime l’aspect
sécant, devient l’homologue du présent
dans le discours indirect adossé au passé.
De la même manière, le plus-que-parfait
(à auxiliaire imparfait) devient l’homologue du passé composé (à auxiliaire présent). Dormait montre un sommeil commencé depuis un temps indéfini ; s’était
endormi montre un état commencé depuis un temps indéfini.
Mais, en dehors du discours indirect,
d’autres aspects peuvent être à exprimer,
et l’on rencontre, par exemple, toujours le
passé simple après ce fut... qui :
Ce fut Tartarin qui paya la note
(A. Daudet).
La locution c’est... que n’a pour fonction,
dans de telles phrases, que de donner valeur prédicative au nom Tartarin, qui serait sujet dans la phrase simple : Tartarin
paya la note ; le passé simple, conformément à sa valeur aspectuelle organique,
montre l’action s’accomplissant depuis
son début.
Il en est de même après les verbes et locutions d’ « événement », comme ce fut alors
(ce jour-là, etc.) que, il arriva (advint)
que :
Ce fut à 20 heures que le spectacle
commença (I. Némirovsky).
Il advint qu’on vola trois melons à
Mme Cornouiller (A. France).
Certaines conjonctions impliquent ce
même aspect soit pour l’action subordonnée, soit pour l’état succédant à son
accomplissement (« concordance complexe » de K. Togeby) :
Le silence s’établit dès que le directeur
entra.
Le bavardage reprit aussitôt qu’il fut
sorti.
On peut collectionner quantité
d’exemples d’emploi du passé simple en
proposition subordonnée (comme l’a fait,
entre autres, Poul Høybye, dans Revue
romane, 1966). Il faudrait les examiner
dans le cadre d’une étude des propositions subordonnées conjonctives et
relatives. Ces exemples, comme on l’a
montré, n’infirment en rien la traditionnelle « règle de concordance », entendue
dans le champ restreint des propositions
du discours indirect : subordonnées
(conjonctives ou interrogatives) ou indépendantes (« style indirect libre »).
Le grammairien danois Holger Sten (les
Temps du verbe fini en français moderne,
1952), s’attaquant, après Brunot, à la règle
de concordance (entre-temps défendue
par Damourette et Pichon), réunit trois
exemples d’infractions du type suivant :
Mais il découvrait que la religion lui
fut surtout un refuge (F. Mauriac).
Il s’agit évidemment d’un de ces retours
au repérage absolu dont on a posé plus
haut la légitimité : Mauriac se substitue à
son personnage dans l’énonciation d’un
jugement qui constitue pour celui-ci la
découverte. Substitution licite, mais dont
on doit avouer qu’elle est très rare dans de
telles conditions.
Un cas beaucoup plus banal est celui des
vérités permanentes :
Il estoit expérimenté
Et sçavoit que la méfiance
Est mère de la seureté
(La Fontaine, Fables).
La Fontaine rappelle une maxime atemporelle, ordinairement énoncée au
présent.
Vous releviez un peu votre jupe pour
ne pas la mouiller, si bien que je pus
voir que vous avez des pieds charmants (A. Dumas fils).
Le galant homme qui parle n’a garde de
laisser croire, en employant l’imparfait,
que ces charmes furent passagers.
Une opposition peut être mise en évidence entre l’imparfait de concordance
exprimant une croyance mal fondée et le
présent qui soustrait le fait à la relativité
d’un jugement particulier :
Le Saturnien, convaincu que notre
monde est habité, s’imagina bien vite
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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qu’il ne l’était que par des baleines
(Voltaire).
Mais des raisons stylistiques subtiles
amènent parfois les écrivains à prendre le
contre-pied de cet usage ; voici un présent
de valeur ironique, selon Damourette et
Pichon (§ 1718) :
Chez nous, il était admis que tous les
sentiments conventionnels sont vrais
(A. Maurois).
Un autre cas d’infraction apparente aux
habitudes de concordance résulte de la
double valeur du passé composé. Fonctionnant comme un « passé tensif » (v.
ASPECT) dans tous les exemples donnés ci-dessus, ce tiroir n’a bien souvent,
dans ses emplois familiers ou non, que sa
valeur originelle de « présent extensif »,
exprimant l’état présent qui résulte d’une
action révolue. Cette valeur autorise ou
favorise — associée à d’autres facteurs
— le repérage d’un verbe subordonné à
partir du présent :
J’ai compris qu’elle se moque de moi.
(C’est maintenant une certitude, et le
fait reste présentement vrai.)
Il m’a promis qu’il sera des nôtres ce
soir. (Je me fonde présentement sur
cette promesse, dont l’échéance est
d’ailleurs à venir dans les deux sortes
de repérage.)
Une autre catégorie de perturbations est
liée à l’emploi du « présent de narration »,
qui peut fonctionner comme un repère
présent ou passé ; dans un récit, l’usage
flotte donc entre :
Il pousse (= poussa) la porte qui
donne sur le jardin
et :
Il pousse la porte qui donnait sur le
jardin.
La première solution — formellement
plus cohérente — est préférée dans les cas
de discours indirect :
On frappe ; il crie que la porte est (et
non était) ouverte.
Mentionnons enfin, pour mémoire, une
violation si peu justifiée que Brunot luimême (p. 789) en approuvait la condamnation ; elle s’observe en proposition relative chez les poètes romantiques, pour
qui elle n’a sans doute jamais été autre
chose qu’une licence commode :
Le soleil regardait le vieillard qui se
meurt (Hugo).
TIROIRS DE SUBJONCTIF
Au subjonctif (v. ce mot), aucune variation morphologique ne marque un repérage futur :
Nous regrettons / Nous regretterons
qu’il soit absent.
Nous regrettons / Nous regretterons
qu’il nous ait quittés.
On se trouve dans la même situation
qu’aux phrases 6 et 7 pour l’indicatif.
Mais, à la différence de l’indicatif, le
subjonctif ne donne pas la possibilité de
marquer le futur par repérage absolu : le
« présent » du subjonctif vaut pour l’avenir comme pour le présent :
Je doute qu’il soit chez lui maitenant
/ demain.
Le repérage passé n’est pas non plus marqué dans le français parlé :
Nous regrettions qu’il soit absent.
Nous regrettions qu’il nous ait
quittés.
Mais la langue littéraire conserve un
jeu de formes dont une des fonctions
spécifiques était de marquer le repérage passé ; ce sont l’imparfait et le
plus-que-parfait :
Nous regrettions qu’il fût absent.
Nous regrettions qu’il nous eût
quittés.
La « règle de concordance » au subjonctif, déjà formulée par les grammairiens
latins (consecutio temporum), pèse encore sur l’expression littéraire, alors que
les formes d’imparfait du subjonctif ont
disparu de l’usage parlé.
Cette règle, dans l’usage classique même,
souffre des exceptions analogues à celles
qu’on rencontre à l’indicatif.
Un verbe principal au passé composé favorise, dans sa valeur de présent extensif,
un repérage à partir du présent :
Dieu a entouré les yeux de tuniques
fort minces, transparentes au devant,
afin que l’on puisse voir au travers
(d’Olivet). [L’état créé par Dieu
est présent, et la possibilité qui en
résulte est permanente.]
Mon père a consenti que je suive
mon choix (Corneille).
[Fort du consentement acquis, je suis
présentement mon choix.]
Il a fallu, pour mes péchés, que
cette passion lui soit venue en tête
(Molière).
[Décision passée du destin, dont
résulte un état présent tenace.]
Le repérage relatif n’en gardait pas moins
ses droits :
J’ai voulu que des coeurs vous fussiez
l’interprète (Racine).
On rencontre, en revanche, des imparfaits du subjonctif après un verbe principal au présent :
Il y a plus de quarante ans que je dis
de la prose sans que j’en susse rien
(Molière).[La proposition principale
désigne, en fait, une période passée.]
Il faut qu’il fût riche alors, car il
acheta une superbe maison (Stendhal).[La déduction logique est présente, mais porte sur un fait passé.]
D’autres infractions sont propres au cas
du subjonctif.
L’imparfait de ce mode a présenté, dès le
Xe s., un emploi comme marque d’irréel,
où l’a secondé plus tard le plus-que-parfait (v. CONDITION). Disparu au XVIIe s.
dans les « systèmes hypothétiques », cet
imparfait irréel survivait dans certaines
propositions complétives où le subjonctif, obligatoire, excluait le conditionnel :
Je n’y veux point aller,
De peur qu’elle ne vînt encor me
quereller
(Molière, Tartuffe).
[« Si j’y allais, elle viendrait me
quereller ; voilà de quoi j’ai peur » ; le
subjonctif présent ne marquerait pas
cette nuance, l’imparfait fonctionne
ici comme un « conditionnel du
subjonctif ».]
Le conditionnel proprement dit (v. ce
mot) est originellement un temps du
passé ; il l’est encore dans une bonne partie de ses emplois et, de ce fait, entraîne
l’imparfait dans une complétive au
subjonctif :
Il espérait qu’elle voudrait bien qu’il
lui parlât.
En français classique, cette construction
s’étendait à tous les emplois du conditionnel, même s’il n’était qu’une marque
de doute ou de politesse affectant un
verbe dont l’action se situe au moment de
la parole :
Comment voudriez-vous qu’ils traînassent un carrosse ? (Molière).
Quelquefois, pourtant, le sens l’emportait
sur l’automatisme :
Et ne sauroit souffrir qu’une phrase
insipide
Vienne à la fin d’un vers remplir la
place vide (Boileau, Satires).
Dans l’usage moderne, les écrivains, soit
par inattention, soit de propos délibéré,
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observent de moins en moins la règle de
concordance au subjonctif :
Xavier, sans répondre, attendit que le
couple ait pénétré dans le bureau
(F. Mauriac).
Il eût aimé que j’en sois tourmentée
(F. Sagan).
Les formes insolites étant aujourd’hui
exclues du bon style, les écrivains scrupuleux, sans violer la règle, qui garde
un certain crédit, tournent le plus souvent la difficulté par la transformation
des subordonnées trop prétentieuses en
constructions infinitives. Des phrases
aussi ridicules que :
Rien ne s’opposait à ce que les voleurs
filassent dans la campagne.
Elle apporta de l’eau afin qu’ils se
lavassent
deviennent aisément :
Rien n’empêchait les voleurs de filer
dans la campagne.
Elle leur apporta de l’eau pour se
laver.
LA CONCORDANCE AU MODE NOMINAL
L’infinitif (v. ce mot) se caractérise par
une indépendance temporelle totale. Son
« présent » comme son « passé » (aspect
accompli ou temps antérieur) s’adossent
indifféremment aux repères présents,
passés et futurs :
Je l’empêche / Je l’ai empêché / Je
l’empêcherai de filer.
Le subjonctif a conquis en français parlé
la même indépendance.
Il en est de même pour l’indicatif dans
certaines langues, comme le polonais, où
le tiroir du verbe subordonné indique simultanéité, antériorité ou ultériorité par
rapport à l’action principale sans marquer si celle-ci est présente, passée ou future (Léon Zawadowsky, Kwartalnik Neofilologiczny, 1967). Une pareille tendance
à l’indistinction s’est manifestée en français, mais les tiroirs relatifs au présent
ne se sont étendus qu’au plan de l’avenir
(v. plus haut) : relativement au passé, il
est impossible de dissocier la marque de
relation chronologique de l’indication du
caractère passé du repère. Les temps passés de l’indicatif comportent de plus des
indications d’aspect dont le choix est lié
non seulement au repère temporel, mais
à la conjonction introductrice (comme il
approchait / dès qu’il approcha).
On peut penser que le mode nominal
connaît tout au moins une semblable
opposition d’aspect si l’on y inclut le gérondif (v. ce mot), qui s’oppose aux autres
formes par le même aspect sécant que
l’imparfait ; aussi s’est-il associé à la préposition en, signe d’intériorité (spatiale
ou temporelle) ; comparer :
avant d’entrer,
pour entrer,
sans entrer,
après être entré,
en entrant.
HISTORIQUE
Les « règles » modernes de la concordance des temps remontent au latin — à
part l’usage du conditionnel, dont le développement est roman. Il n’est donc pas
surprenant qu’on les trouve observées dès
les premiers textes du français.
I. INDICATIF
Carles se dort, li empereres riches :
Sunjat qu’il eret as greignurs porz
de Sizer
[Il rêva qu’il était aux plus grands
ports de Cize] (la Chanson de
Roland).
...jura come loiax chevaliers qu’il
ceste queste maintendroit un an et
un jor (la Queste del Saint-Graal).
Le plus-que-parfait, qui apparaît dès les
premiers textes, était cependant peu employé ; on lui préférait le passé antérieur :
Quant Renart vit qu’il ot falli,
Forment se tint a malbailli
(Roman de Renart),
ou le retour au repérage absolu :
Et si li ont dit et conté Comment il
trouverent pasmé
A l’uis de la cambre Amadas (Amadas et Ydoine).
Des flottements très nombreux s’observent dans l’application de la règle,
tenant surtout à l’alternance continuelle,
dans les propositions indépendantes ou
principales du récit, et particulièrement
de l’épopée, de trois temps à peu près
synonymes : le passé simple, le passé
composé, le présent narratif. Ce dernier
temps était indifféremment tenu pour un
repère présent ou passé :
Li auquant dient qu’ele en estoit fuie,
et li autre dient que li quens Garins
l’a faite mordrir [Les uns disent
qu’elle s’était enfuie, et les autres
disent que le comte Garin l’avait fait
assassiner] (Aucassin et Nicolette).
Mais, en contrepartie, un passé simple
pouvait fonctionner comme un repère
présent :
Et on li dist qu’ele est en l’ost et si i
avoit mené tox ciax du païs [On lui
dit (passé) qu’elle était à l’armée et y
avait mené tous ceux du pays] (ibid.).
Et Floovam jura, quant s’ est
agenoilliez...
[Et Floovant jura, quand il se fut
agenouillé...] (Floovant).
A plus forte raison, le passé composé,
comme il arrive souvent aujourd’hui,
pouvait être tenu pour un présent :
Venus la desse d’amor
Qui est sa mere, li a noncié
Que Troïen sont trebuchié
[... lui a annoncé que les Troyens
étaient abattus] (Énéas).
Après un repère futur, l’antériorité est
quelquefois exprimée au passé composé
dans des constructions qui ne l’admettraient plus aujourd’hui :
Jel vu dirrai quant tu me l’ as
demandé
[Je vous le dirai quand tu me
l’auras demandé] (la Chanson de
Guillaume).
II. SUBJONCTIF
Ne dites mie que je nul tort vos face
[Ne dites pas que je vous fasse aucun
tort] (le Couronnement de Louis).
En talent ot qu’il li colpast le chief
[Il eut envie de lui couper la tête]
(ibid.).
Les infractions dont l’inventaire a été fait
à propos de la langue classique se rencontrent au Moyen Âge, multipliées par
le flottement de la base temporelle qu’on
vient de signaler :
L’eglise guarde, qu’ele ne fust guastée
(ibid.).
Prist l’olifan, que reproce n’en ait
(la Chanson de Roland).
Proïe m’a que vienge a toi
[Il m’a priée que je vienne à toi] (Passion du Christ).
Dans le vers suivant, l’auteur exprime
au présent un jugement qu’il porte sur le
comportement passé d’un saint ermite :
Ne cuit qu’oncques alumast feu
[Je ne crois pas qu’il allumât jamais
du feu] (Contes de la vie des pères,
XIIIe s.).
Après un conditionnel s’observait le
même flottement que de nos jours,
avec une prédominance, toutefois, de
l’imparfait :
Ne voldreie por nule rien
Qu’ele eüst d’autre robe point (Érec).
Mes d’une chose vos vodroie proier,
Que ja gloton n’ aiez a conseillier
(le Charroi de Nîmes).
L’imparfait fonctionnait, bien entendu,
comme « conditionnel du subjonctif » :
Cuidiez vos ore qu’ alasse reculant ?
[Croyez-vous qu’alors je reculerais ?]
(le Couronnement de Louis).
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843
G. Moignet a montré (Essai sur le mode
subjonctif, 1959) comment ces infractions devinrent plus rares du XIIe au
XIIIe s., surtout dans la prose, à mesure
qu’une plus grande cohérence était exigée dans l’emploi des temps du récit. Dès
cette époque, le système avait à peu près
acquis le degré de pureté qu’il présente
dans la littérature moderne.
Dans le français parlé, un grand changement fut apporté par la disparition graduelle de l’imparfait du subjonctif, sensible dès le XVIIe s. et dont on lira ailleurs
les étapes (v. SUBJONCTIF).
concordant, e [kɔ̃kɔrdɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(part. prés. de concorder ; v. 1260, Adam
de la Halle). 1. Vx. Qui s’accorde bien avec
quelque chose : J’en avais trouvé les vers et
la mélodie, que j’ai été obligé de faire noter
et qui a été trouvée très concordante aux
paroles (Nerval). ∥ 2. Se dit de choses qui
s’accordent entre elles (surtout au plur.) :
Des témoignages concordants. ∥ 3. Class.
Où règne la concorde : Rose avait marié
sa petite-fille à Portail ; le mariage ne fut
point concordant (Saint-Simon).
concordat [kɔ̃kɔrda] n. m. (lat. médiév.
concordatum, de concordare [v. CONCORDER] ; 1482, Bartzsch, au sens 1 ; sens 2,
XVIe s. ; sens 3, 1787, Féraud). 1. Accord
entre le Saint-Siège et un État souverain
pour régler les rapports entre cet État et
l’Église. ∥ Absol. Le Concordat, celui de
1801, conclu entre Pie VII et Bonaparte
(prend une majuscule en ce cens) : Vous
consentez au sacre de la même manière que,
l’autre fois, au Concordat (Vigny). ∥ 2. Par
extens. et littér. Ce qui met fin aux discordes : Jusqu’au jour où le grand concordat humain sera conclu (Hugo). ∥ 3. Traité
signé entre un commerçant ayant déposé
son bilan et ses créanciers, et par lequel
ceux-ci lui accordent des délais de remboursement, et, souvent, une réduction
de sa dette.
concordataire [kɔ̃kɔrdatɛr] adj. (de
concordat ; 1842, Acad., au sens 1 ; sens
2, 1863, Littré). 1. Qui a rapport à un
concordat : Loi concordataire. ∥ Spécialem.
Évêques concordataires, ceux qui approuvèrent le Concordat de 1801. ∥ 2. Qui a
obtenu un concordat commercial : Failli
concordataire.
concorde [kɔ̃kɔrd] n. f. (lat. concordia ;
v. 1155, Wace). Union des coeurs et des
volontés entre individus, ou entre peuples,
qui entretient un état de tranquillité et de
paix : Tout respire ici la joie, la concorde et
la paix (France).
• SYN. : accord, entente, fraternité, harmonie, union. — CONTR. : antagonisme, discorde, dissension, dissentiment, division,
guerre, hostilité, mésintelligence.
concorder [kɔ̃kɔrde] v. intr. (lat. concordare, s’accorder ; v. 1130, Eneas, comme v.
tr. ind. [v. ci-dessous] ; ce verbe, devenu
rare à partir du XVIIe s., a été repris, en
1777, par Linguet). Présenter des rapports
de similitude, de conformité : On devrait,
au moins par prudence, ne jamais parler de
soi, parce que c’est un sujet où on peut être
sûr que la vue des autres et la nôtre propre
ne concordent jamais (Proust).
• SYN. : s’accorder, s’assortir, cadrer, s’harmoniser. — CONTR. : contraster, se contredire, différer, s’opposer.
% v. tr. ind. Concorder avec ou (vx) à, être
en accord avec : Pour mener un parti, ne
faut-il pas concorder à ses idées (Balzac).
Des jeux de physionomie ne concordant
pas aux paroles (Goncourt). La déposition
du témoin concordait parfaitement avec
les déclarations du prévenu ; en parlant
d’époques, de dates ou de faits dans leur
relation au temps, coïncider : Le bail fut
consenti pour dix-huit années, afin de le
faire concorder à celui de la rue des CinqDiamants (Balzac).
concourant, e [kɔ̃kurɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de concourir ; 1753, Encyclopédie).
Qui converge vers un même point, un
même but : Droites concourantes. Forces
concourantes.
• SYN. : convergent. — CONTR. : divergent.
concourir [kɔ̃kurir] v. tr. ind. [à] (altér.,
d’après courir, de concurre [XIVe s.] et
concurrer [fin du XVe s.], lat. concurrere,
se rencontrer, se joindre, de cum, avec, et
currere, courir ; milieu du XVIe s., au sens
de « se rencontrer en un même lieu » ; sens
1-2, 1636, Monet). [Conj. 21.] 1. Tendre à
un même effet, à un même résultat, en parlant de choses : L’air glacial, la profondeur
caverneuse du sol concourent à faire de ces
maisons des espèces de cryptes (Balzac).
Tout concourait à la majesté tragique de
cette minute suprême (Hugo). À la dignité
de l’attitude concourait, sans se laisser
voir, la souplesse d’une taille charmante
(Proust). ∥ 2. Coopérer, contribuer à un
résultat commun, en parlant de personnes :
Concourir au succès d’une entreprise.
% v. intr. (sens I, 1, 1681, Bossuet ; sens I, 2,
1636, Monet ; sens I, 3, 1753, Encyclopédie ;
sens II, 1, 1690, Furetière ; sens II, 2, 1751,
Voltaire).
I. 1. Class. Se produire au même moment,
coïncider dans le temps : [Cette époque]
a encore ceci de remarquable qu’elle
concourt à peu près avec le temps où Rome
retourne à l’état monarchique (Bossuet).
∥ 2. Class. Se prêter une assistance mutuelle : Ces puissances doivent concourir et
se prêter la main mutuellement, et non se
regarder avec jalousie (Bossuet). ∥ 3. En
mathématiques, converger vers un même
point de manière à s’y rencontrer : Dans
un triangle, les médianes concourent en
un même point.
II. 1. Être sur le même rang que d’autres
pour faire valoir une prétention : Tous les
créanciers concourent lorsqu’ils ont une
hypothèque de même date. ∥ 2. Entrer
en concurrence, en compétition avec
d’autres pour obtenir un prix, un emploi,
un titre, etc. ; participer à un concours :
Joseph Bertrand concourut à onze ans
avec les jeunes gens qui se présentaient à
l’École polytechnique et satisfit à toutes
les épreuves (France). ∥ Par extens. Se
dit des ouvrages envoyés à un concours :
Tableaux admis à concourir.
concours [kɔ̃kur] n. m. (lat. concursus,
course en masse, rencontre, concurrence
[avec influence phonétique de cours] ; début
du XIVe s., au sens de « recours » ; sens I,
1, 1574, Amyot ; sens I, 2, 1636, Monet ;
sens I, 3, 1834, Landais ; sens II, 1, 1644,
Descartes ; sens II, 2, 1690, Furetière ; sens
II, 3-4, 1660, Oudin).
I. 1. Class. et littér. Affluence, rassemblement de personnes en un même lieu : Il
fréquente les temples où se fait un grand
concours (La Bruyère). Pendant tout le
lundi, le concours fut immense audit
palais (Stendhal). Un grand concours
de foule, du monde à toutes les fenêtres ;
mais, malgré tout, la gaieté, l’entrain
n’étaient pas de la fête (Daudet). Il était
nuit close quand le cortège bruyant fit son
entrée dans Papeete, au milieu d’un grand
concours de peuple (Loti). ∥ 2. Class. et
littér. Rencontre, coïncidence de choses
tendant à un même but : Fuyez des mauvais sons le concours odieux (Boileau).
Je suis venu au monde par un concours
fortuit de causes (Restif de La Bretonne).
Quel concours d’harmonies préétablies !
(France). Un concours de circonstances.
∥ 3. Vx. En géométrie, rencontre, intersection dans l’espace : Point de concours
de deux droites.
II. 1. Action de contribuer à une action
commune ; coopération : Louis XIII ne
s’était pas résolu à prêter à l’Empereur le
concours de ses armées (Bainville). Demander le concours de quelqu’un. ∥ Spécialem. Participation d’une personne,
conjointement avec une autre, à un acte
juridique, ou de plusieurs personnes
à un même acte. ∥ 2. En termes juridiques, compétition de personnes ayant
les mêmes droits : Concours entre créanciers. ∥ 3. Examen, ensemble d’épreuves
qui met en compétition des candidats à
l’obtention d’un emploi, d’un prix, d’un
titre, attribué à un nombre limité d’entre
eux, en fonction de leur classement : Le
concours de l’agrégation. L’élève a un
droit obtenu au concours dont on ne peut
le priver (Renan). ∥ Concours général,
ensemble de compositions qui ont lieu
chaque année entre les meilleurs élèves
des classes supérieures de tous les lycées
et collèges de France. ∥ 4. Exposition
solennelle, et donnant lieu à l’octroi de
récompenses, de produits obtenus ou de
travaux accomplis par les concurrents :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
844
Concours agricole. ∥ Hors concours, dans
la situation d’un candidat qui a déjà obtenu la récompense décernée à un concours
et qui n’est plus admis à concourir : Une
première médaille le mit hors concours
(Maupassant) ; fam. et adjectiv., qui témoigne d’une supériorité éclatante sur
les autres, dans un domaine quelconque :
Un tireur hors concours.
concrescence [kɔ̃krɛsɑ̃s] n. f. (dér.
savant du lat. concrescere, croître ensemble,
de cum, avec, et crescere, croître ; 1888,
Larousse). En botanique, croissance en
commun de plusieurs organes.
concret, ète [kɔ̃krɛ, -ɛt] adj. (lat. concretus, épais, compact, part. passé de concrescere, croître ensemble, s’épaissir ; début du
XVIe s., au sens I ; sens II, 1, 1704, Trévoux ;
sens II, 2-3, fin du XIXe s.).
I. Vx. Se dit, par opposition à fluide,
d’une substance solide, épaisse : Le sol est
un sable blanc, solide et recouvert d’une
croûte concrète et saline (Lamartine).
II. 1. Se dit, par opposition à imaginaire,
de ce qui est réel, effectif, et, par opposition à abstrait, d’une représentation
qui reproduit l’objet tel qu’il est donné
dans l’expérience : Il ne se faisait pas de
la souffrance humaine une idée concrète et
physique, il s’en faisait une idée purement
morale et dogmatique (France). ∥ Noms
concrets, ceux qui désignent des êtres
ou des choses perceptibles à nos sens.
∥ Termes concrets, ceux qui désignent
des êtres ou des objets, non des qualités,
des manières d’être. ∥ 2. Qui se rapporte
à quelque chose de précis, de matériel,
de tangible : Des promesses concrètes.
Des avantages concrets. ∥ 3. Se dit d’une
personne qui a le sens des réalités, qui
s’intéresse surtout à ce qui tombe sous le
sens : Les orthodoxes sont trop concrets, ils
tiennent à des faits, à des riens, à des minuties (Renan). Il unissait l’esprit concret
des hommes de race anglaise à l’âme insatisfaite et passionnée par le rêve d’un Hindou (Tharaud).
• SYN. : II, 1 matériel, physique, tangible ;
2 palpable, réel ; 3 positif, pratique, réaliste. — CONTR. : II, 1 immatériel, irréel ;
2 illusoire, imaginaire, utopique ; 3 idéaliste, rêveur.
% concret n. m. (XIXe s.). Ce qui est
concret : On va du concret à l’abstrait par
cette opération bien connue qu’on nomme
l’abstraction (Cousin).
concrètement [kɔ̃krɛtmɑ̃] adv. (de
concret ; XXe s.). De façon concrète ; pratiquement : Concrètement, voici comment
se présente la situation...
concréter [kɔ̃krete] v. tr. (de concret ; fin
du XVIIIe s., au sens I ; sens II, 1872, d’après
Littré, 1877). [Conj. 5 b.]
I.Vx. Rendre concret, solide : Le froid
concrète la plupart des liquides.
II. Vx. Rendre concret ; donner une forme
réelle, individualisée : Ce qui fait l’art,
à savoir la pensée concrétée (Flaubert).
[C’est là] que resplendit le sujet général
du porche, celui qui concrète les Évangiles
(Huysmans).
% se concréter v. pr. (av. 1850, Balzac).
I. Vx. Se coaguler.
II. Vx. Prendre corps : Les pensées se
concrètent autour d’une figure qui leur est
jetée par hasard (Balzac).
concrétion [kɔ̃kresjɔ̃] n. f. (lat. concretio, agrégation, assemblage, de concretus
[v. CONCRET] ; 1537, J. Canappe, aux sens
1-2 ; sens 3, 1753, Encyclopédie). 1. Vx.
Action de s’épaissir : La concrétion du
sang. ∥ 2. Agrégation de particules arrivant
à former un corps solide ; le corps ainsi
formé : Concrétion calcaire. ∥ 3. Spécialem.
Production morbide de formations solides
dans l’épaisseur des tissus organiques, dans
les articulations, dans certains conduits,
etc. : Concrétion arthritique, biliaire.
• SYN. : 3 calcul, pierre.
concrétionné, e [kɔ̃kresjɔne] adj. (de
concrétion ; 1842, Acad.). 1. En termes de
géologie et de minéralogie, qui a été soumis au concrétionnement. ∥ Qui est fait de
concrétions ou présente des concrétions.
∥ 2. Par extens. et littér. Qui prend l’aspect
d’une concrétion : Des nuages aux rondeurs
solides et concrétionnées (Goncourt).
concrétionnement [kɔ̃kresjɔnmɑ̃]
n. m. (de concrétion ; XXe s.). En géologie, action qui donne naissance aux
concrétions.
concrétisation [kɔ̃kretizasjɔ̃] n. f.
(de concrétiser ; XXe s.). Action de rendre
concret ; forme concrète ainsi donnée : Il
me suffit que chaque trait de ce récit soit
d’une éloquence admirable, permette au
coeur d’intervenir et gonfle de vie cette
concrétisation de l’abstrait (Gide).
concrétiser [kɔ̃kretize] v. tr. (de concret ;
fin du XIXe s.). Donner une forme concrète,
perceptible aux sens, à ce qui est abstrait,
idéal, imaginaire : L’arrivée de son hôtesse
vint opportunément concrétiser ces rêveries
(Chevallier).
% se concrétiser v. pr. Se manifester sous
une forme concrète, sensible : Son impression se concrétisait dans cette phrase vague,
qu’elle se répétait avec accablement : « Rien
de bon ne peut sortir de là » (Martin du
Gard).
concubin n. m. V. CONCUBINE.
concubinage [kɔ̃kybinaʒ] n. m. (de
concubine ; 1407, Du Cange). État d’un
homme et d’une femme qui vivent maritalement sans être mariés : L’étal radieux
d’un concubinage autorisé (Goncourt).
• REM. On dit aussi, plus rarement,
CONCUBINAT.
concubinaire [kɔ̃kybinɛr] n. m. et adj.
(lat. médiév. concubinarius, de concubina,
concubine ; XIVe s., Godefroy). Vx. Celui qui
vit en concubinage : Deux ou trois prêtres
soi-disant mariés, mais en réalité concubinaires (Barbey d’Aurevilly).
concubinat [kɔ̃kybina] n. m. (lat. concubinatus, concubinage, de concubina, concubine ; v. 1590, Marnix de SainteAldegonde,
au sens 2 ; sens 1, 1845, Bescherelle). 1. Chez
les Romains, sorte de mariage morganatique entre des personnes de condition
inégale. ∥ 2. SYN. de CONCUBINAGE.
concubine [kɔ̃kybin] n. f. (lat. concubina, de concumbere, coucher avec ; 1213,
Fet des Romains). Femme qui vit maritalement avec un homme sans être mariée
avec lui : On les voit [les Égyptiens] assez
ordinairement n’avoir qu’une épouse ou une
concubine esclave (Nerval).
• REM. Le masc. CONCUBIN (XIVe s.) est
vieilli ; il se rencontre surtout pour désigner (au plur.) les gens vivant en concubinage : La plupart sont des concubins ou
des époux qui s’attardent dans les brasseries (Huysmans) ; ou, en droit romain,
pour désigner celui qui avait contracté la
forme d’union dite concubinat.
concubiner [kɔ̃kybine] v. intr. (de concubine ; 1658, Godefroy). Vx. Vivre en concubinage : La quinquagénaire faisandée qui
concubinait avec l’immonde Chapuis avait
été une femme assez aristocratiquement
belle (Bloy). Elle concubinait avec l’un des
amis de l’amant de Jeanne (Huysmans).
concupiscence [kɔ̃kypisɑ̃s] n. f. (lat.
ecclés. concupiscentia, de concupiscere,
désirer ardemment ; v. 1265, Br. Latini).
Dans la langue des théologiens, attirance
naturelle éprouvée par l’homme pour les
biens sensibles : Les trois concupiscences
des théologiens sont le désir de savoir, de
sentir, de dominer. ∥ Spécialem. Désir des
plaisirs sensuels : Et le vent furibond de
la concupiscence | Fait claquer votre chair
ainsi qu’un vieux drapeau (Baudelaire).
concupiscent, e [kɔ̃kypisɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(lat. concupiscens, -entis, part. prés. de
concupiscere, désirer ardemment ; « mot
créé par d’Alembert », au XVIIIe s., d’après
Acad., 1842 [aussi dans Landais, 1834]).
1. Qui éprouve de la concupiscence ; qui est
attaché aux plaisirs des sens : Le côté concupiscent de notre nature. ∥ 2. Qui exprime
la concupiscence, et, spécialem., le désir
sexuel : Paroles concupiscentes.
concurremment [kɔ̃kyramɑ̃] adv. (de
concurrent ; 1596, Guénoys, au sens 1 ; sens
2-3, 1690, Furetière). 1. Conjointement,
en conjuguant son action avec celle
d’un autre : Agir concurremment avec
quelqu’un. ∥ 2. En concurrence avec :
Il briguait ce poste concurremment avec
d’autres. ∥ 3. Simultanément, à la fois :
Je lis concurremment le « Dieu est-il frandownloadModeText.vue.download 131 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
845
çais ? » de Sieburg [...] et le « Frankreich »
de Curtius (Gide).
concurrence [kɔ̃kyrɑ̃s] n. f. (de concurrent ; 1392, E. Deschamps, au sens I, 1 ; sens
I, 2, 1690, Furetière [jusqu’à concurrence
de, 1740, Acad.] ; sens II, 1, 1559, Amyot ;
sens II, 2, 1748, Montesquieu ; sens II, 3,
av. 1850, Balzac).
I. 1. Vx. Le fait de se trouver ensemble
au même moment, dans le même lieu ;
rencontre : La peinture [...] demande la
concurrence immédiate d’une foule de
qualités (Baudelaire). ∥ Concurrence
d’offices, dans la liturgie catholique, coïncidence, aux secondes vêpres, des offices
de deux fêtes doubles consécutives.
∥ 2. Le fait de se trouver sur un pied
d’égalité pour exercer un droit : Deux
créanciers qui exercent en concurrence
une hypothèque de même date. ∥ Jusqu’à
concurrence de, jusqu’à ce que telle limite
soit atteinte.
II. 1. Rivalité entre personnes, activités,
forces qui tendent à un même but : Entrer
en concurrence avec un rival. La concurrence (qui est l’un des traits les plus frappants de l’ère moderne) a atteint de très
bonne heure, en Méditerranée, une intensité singulière : concurrence des négoces,
des influences, des religions (Valéry).
∥ Concurrence vitale, lutte pour la vie,
qui s’établit entre les espèces et aboutit à la sélection naturelle des sujets les
plus aptes. ∥ 2. Situation mutuelle des
commerçants d’un marché dont chacun
cherche à attirer la clientèle par des prix
plus avantageux, des conditions de vente
ou une qualité meilleures : Elles n’allaient
pas, les affaires. La concurrence était terrible (Maupassant). ∥ Régime de libre
concurrence, système économique qui ne
comporte aucune intervention de l’État
en vue de limiter la liberté de l’industrie
et du commerce, et qui considère les coalitions de producteurs comme des délits.
∥ 3. Vx et fam. Entreprise de transports
publics qui fait concurrence à une autre,
et, par extens., voiture de messageries :
Il allait s’établir une concurrence pour le
service de Tours à Chinon (Balzac).
• SYN. : II, 1 compétition, lutte. — CONTR. :
II, 1 alliance, entente, union.
concurrencer [kɔ̃kyrɑ̃se] v. tr. (de
concurrence ; 13 mai 1868, le Moniteur
universel). [Conj. 1 a.] Faire concurrence
à ; être en concurrence avec : Des matières
plastiques qui concurrencent le cuir.
concurrent, e [kɔ̃kyrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.
concurrens, -entis, part. prés. de concurrere
[v. CONCOURIR] ; 1119, Ph. de Thaon, au
sens I, 2 ; sens I, 1, 1546, Ch. Estienne ; sens
II, 1 [comme n. et adj.] 1552, R. Estienne ;
sens II, 2 [comme n. et adj.], 1692, Kuhn).
I. 1. Qui vient se rencontrer, s’unir avec ;
qui tend au même but : Forces concurrentes. Actions concurrentes. ∥ 2. Jours
concurrents, ou concurrents n. m. pl.,
jours que l’on ajoute à ceux des cinquante-deux semaines de l’année (un
pour les années ordinaires, deux pour les
bissextiles) pour faire concorder année
civile et année solaire.
II. 1. Qui entre en compétition avec :
Un vétérinaire et un avocat concurrents
au même siège dans une de nos circonscriptions rurales (Bainville). ∥ 2. Spécialem. Qui entre en concurrence dans
le domaine économique : Industries
concurrentes.
% n. 1. Personne qui entre en compétition
avec d’autres pour obtenir quelque chose :
Il reçut l’avis qu’il était nommé membre du
Conseil général de la Commune. Candidat
depuis quatre ans, il avait été élu sans
concurrent (France). ∥ 2. Rival dans le
domaine commercial, industriel : Cette
maison pratique des prix inférieurs à ceux
de ses concurrents.
concurrentiel, elle [kɔ̃kyrɑ̃sjɛl] adj. (de
concurrence ; 16 juin 1872, Journ. officiel).
1. Capable d’entrer en concurrence : Nos
prix doivent être concurrentiels. ∥ 2. Où
peut s’exercer la concurrence : Un marché
concurrentiel.
• SYN. : 1 compétitif.
concussion [kɔ̃kysjɔ̃] n. f. (lat. concussio,
secousse, concussion, de concussum, supin
de concutere, ébranler, extorquer de l’argent
à ; v. 1450, Échecs amoureux, au sens de
« ébranlement » ; sens actuel, 1559, Amyot).
Abus qu’un fonctionnaire fait de son autorité en percevant indûment et sciemment
de l’argent de ceux qui dépendent de lui :
Le crime de concussion (Code pénal). Sosie
[...], par les concussions [...], s’est enrichi sur
les ruines de plusieurs familles (La Bruyère).
• SYN. : exaction, extorsion, malversation,
prévarication.
concussionnaire [kɔ̃kysjɔnɛr] adj. et
n. (de concussion ; 1559, Amyot). Coupable
de concussion : Ces coquins l’avaient, par
leur dépense, poussé à la ruine et contraint
à des actes pour lesquels il était poursuivi
comme concussionnaire (France).
• SYN. : prévaricateur.
condamnable [kɔ̃danabl] adj. (de
condamner ; 1404, Ordonnance royale,
écrit condempnable, au sens de « [viande]
inutilisable » ; sens actuels, début du XVIe s.
[condemnable ; condamnable, 1587, F. de La
Noue]). 1. Qui tombe sous le coup de la loi :
Le vol est un acte condamnable. ∥ 2. Qui
encourt la réprobation générale : On le
disait de moeurs condamnables ; il était ce
soir-là en compagnie de deux jeunes gens
(Zola).
• SYN. : 1 coupable, délictueux, fautif, punissable ; 2 blâmable, critiquable, indigne,
répréhensible. — CONTR. : 1 innocent ;
2 irréprochable, louable, recommandable.
condamnateur, trice [kɔ̃danatoer,
-tris] n. et adj. (lat. condemnator, celui qui
fait condamner, de condemnatum, supin
de condemnare [v. CONDAMNER] ; début du
XVIe s., écrit condemnateur ; condamnateur,
1776, Voltaire). Celui, celle qui condamne.
(Peu usité.)
condamnation [kɔ̃danasjɔ̃] n. f. (lat.
condemnatio, condamnation, de condemnatum, supin de condemnare [v. CONDAMNER] ; XIIIe s., écrit condem[p]nation ou
condam[p]nassion, aux sens I, 1 et 3 ; sens
I, 2, 1413, Bartzsch ; sens I, 4, 1541, Calvin ;
sens I, 5, 1681, Bossuet ; sens II, XXe s.).
I. 1. Décision d’un tribunal qui oblige
l’un des plaideurs à satisfaire au moins
partiellement à la prétention de son
adversaire : Condamnation aux dépens.
∥ Décision d’une juridiction répressive
prononçant une peine contre l’auteur
d’un crime, d’un délit ou d’une infraction : Condamnation à une peine de prison. Condamnation à mort. ∥ Accepter,
subir condamnation, ne pas interjeter
appel de la sentence par laquelle on est
condamné. ∥ Passer condamnation, accepter d’avance un jugement en faveur
de la partie adverse ; au fig., reconnaître
qu’on a eu tort et cesser toute opposition,
toute discussion. ∥ 2. La peine même
qui est prononcée par le tribunal : Être
frappé d’une lourde condamnation. Subir
sa condamnation jusqu’au bout. ∥ 3. Action par laquelle les autorités religieuses
taxent d’erreur une doctrine, un livre :
La condamnation des cinq propositions
de Jansénius. ∥ 4. Fig. Action de blâmer
très sévèrement, de réprouver des moeurs
de son époque : Les « Satires » de Juvénal
sont une condamnation. L’amour-propre
souffre plus impatiemment la condamnation de nos goûts que de nos opinions (La
Rochefoucauld.) ∥ 5. Fig. Acte, fait, écrit
portant témoignage contre quelque chose
ou contre quelqu’un : Le marasme économique auquel elle a abouti est la condamnation de cette politique.
II. Action d’interdire ou de rendre inutilisable une ouverture, un passage : La
condamnation d’une porte, d’une fenêtre.
• SYN. : I, 2 punition, sanction ; 3 interdit ;
4 attaque, blâme, critique, désaveu, réprobation ; 5 négation, procès.
condamnatoire [kɔ̃danatwar] adj. (de
condamner ; XVe s., Bartzsch, écrit condemnatoire [v. CONDAMNER] ; condamnatoire,
1559, Amyot). Qui porte condamnation :
Sentence condamnatoire.
condamné, e [kɔ̃dane] n. (part.
passé substantivé de condamner ; 1580,
Montaigne). Personne frappée d’une
condamnation par un tribunal : Il est toujours plus facile de signer de loin un arrêt
de mort que de le prononcer en face du
condamné (Daudet). Comment passeriezvous votre dernière nuit de condamnée ?
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
846
(Bernanos). ∥ Vx. Travailler comme un
condamné, travailler péniblement et sans
relâche, à la manière d’un forçat.
condamner [kɔ̃dane] v. tr. (lat. condemnare, condamner, de cum- intensif et damnare, condamner, de damnum, dommage,
tort ; fin du Xe s., Vie de saint Léger, écrit
condemner, au sens de « blesser » [l’orthogr. condampner, XIIe s., Herman de
Valenciennes, puis condamner, v. 1360,
Froissart, est due à l’influence de damner ;
condemner a subsisté jusqu’au XVIIe s.] ;
sens I, 1, v. 1120, Psautier d’Oxford ; sens
I, 2, 1863, Littré ; sens I, 3, v. 1657, Pascal ;
sens I, 4, fin du XVIIe s., Bossuet ; sens I, 5,
milieu du XVIe s., Ronsard ; sens I, 6, 1348,
Godefroy ; sens I, 7, 1675, Widerhold ; sens I,
8, 1541, Calvin ; sens II, 1, v. 1360, Froissart ;
sens II, 2, 1678, Jal).
I.1.Condamner quelqu’un, prononcer
contre lui un jugement qui le reconnaît coupable et lui inflige une peine :
Condamner quelqu’un à verser des dommages-intérêts. Il vaut mieux hasarder de
sauver un coupable que de condamner un
innocent (Voltaire). Les cas de sorciers et
de sorcières condamnés au feu ou à la corde
(Hugo). ∥ Condamner un acte, un état,
etc., le déclarer passible d’une condamnation : La loi condamne la fraude, la
bigamie. ∥ 2. Déterminer, entraîner la
condamnation de quelqu’un, en parlant
d’un fait, d’une preuve, etc. : Ce témoignage a condamné l’accusé. ∥ 3. Condamner un livre, une doctrine, les déclarer erronés, non conformes à une orthodoxie :
Condamner le jansénisme, une hérésie.
∥ 4. Condamner un malade, le déclarer
perdu : Les médecins l’ont condamné.
∥ 5. Fig. Astreindre, contraindre à
quelque chose de pénible : Le despotisme
condamne les hommes à déguiser leurs
vertus (Constant). Condamné au repos,
il partageait son temps entre la lecture et
la promenade (Balzac). ∥ 6. Considérer
comme répréhensible, blâmer hautement, souvent pour des raisons morales :
Ce raisonnement déplut aux Nains, et
l’un d’eux [...] le condamna avec indignation (France). Qu’un autre, s’il lui plaît,
vous condamne, | Amères joies de la chair
et des sens (Gide). Condamner les abus.
∥ 7. Porter témoignage contre : Quant au
nombre, sa précision même le condamne
(Valéry). ∥ 8. Class. Condamner de, taxer
de : Faire condamner de calomnie et d’imposture (Saint-Simon).
II.1.Condamner une ouverture, une
porte, etc., en interdire l’accès, la rendre
inutilisable : Une simple porte condamnée séparait les deux chambres (Zola).
∥ Fig. Condamner sa porte, refuser de
recevoir qui que ce soit. ∥ 2. Déclarer
hors d’usage ou de service : La modicité
du loyer dans des maisons condamnées à
disparaître avait engagé la cousine Bette à
loger là (Balzac).
• SYN. : I, 2 accabler, charger, perdre ; 5
forcer, obliger, réduire ; 6 critiquer, désapprouver, désavouer, flétrir, réprouver, stigmatiser. ∥ II, 1 barrer, boucher, murer,
obstruer. — CONTR. : I, 1 acquitter, amnistier, gracier, réhabiliter, relaxer ; 2 disculper,
innocenter ; 6 accepter, applaudir, apprécier,
louer, priser.
• REM. 1. Dans la langue classique, l’infinitif complément de condamner était
introduit par de : Quelqu’un vient d’être
condamné en justice de payer pour un
autre (La Bruyère). Aujourd’hui, on dit
condamner quelqu’un à payer.
2. Le motif de la condamnation s’exprime
par le moyen de la prép. pour : Condamner quelqu’un pour vol. L’emploi de la
prép. sur est vieilli : On ne voulut pas les
condamner sur cela (Courier).
condensable [kɔ̃dɑ̃sabl] adj. (de condenser ; 1803, Boiste). Qui peut être condensé,
réduit à un moindre volume.
condensateur [kɔ̃dɑ̃satoer] n. m. (de
condenser ; 1753, Encyclopédie, au sens de
« appareil à condenser des gaz » ; sens 1,
1832, Raymond ; sens 2, 1929, Larousse).
1. Appareil servant à emmagasiner une
charge électrique : Un condensateur est un
système de deux conducteurs séparés par
un milieu isolant. ∥ 2. Lentille servant à
éclairer un objet dont on veut former une
image.
condensation [kɔ̃dɑ̃sasjɔ̃] n. f. (lat.
impér. condensatio, condensation, de
condensatum, supin de condensare [v.
CONDENSER] ; v. 1361, Oresme, au sens
1 ; sens 2-3, 1866, Larousse). 1. Passage
d’une vapeur à l’état liquide ou solide
par compression ou par refroidissement :
La condensation de la vapeur d’eau sur
la vitre gêne le conducteur de la voiture.
∥ 2. Accroissement de charge électrique.
∥ 3. Fig. Action de condenser, de ne garder
que l’essentiel : Je veux arriver à cet état
de condensation des sensations qui fait le
tableau (Matisse).
% condensations n. f. pl. Gouttes ou ruissellement d’eau provenant de la condensation de la vapeur d’eau sur des parois
froides.
condensé, e [kɔ̃dɑ̃se] adj. (part. passé
de condenser).) 1. Qui a repris la forme
liquide : De la vapeur d’eau condensée.
∥ 2. Lait condensé, lait qui a été rendu plus
dense par élimination d’eau : Vous viendrez un jour avec moi. Un jour que j’aurai
quelque chose de lourd à porter : un poêle
à pétrole ou des lainages, ou une caisse de
lait condensé (Duhamel). Le soir même,
M. de Coantré acheta du lait condensé,
des conserves (Montherlant). [On dit plus
souvent LAIT CONCENTRÉ.] ∥ 3. Fig. Qui ne
contient que l’essentiel pour l’expression de
la pensée ; concis : Style condensé.
% condensé n. m. (XXe s.). 1. Présentation
résumée d’un ensemble de faits, d’une
oeuvre littéraire : Le condensé d’un roman.
∥ 2. Recueil où sont réunis des résumés,
des extraits de plusieurs articles.
condenser [kɔ̃dɑ̃se] v. tr. (lat. condensare, rendre épais, de condensus, compact, de cum- intensif et densus, épais ;
1314, Mondeville, au sens 1 ; sens 2, 1863,
Renan ; sens 3, milieu du XIXe s., SainteBeuve). 1. Faire passer un corps de l’état
gazeux à l’état liquide, par refroidissement
ou par compression : Le froid condense la
vapeur d’eau. ∥ 2. Fig. Comprimer, accumuler, en parlant des sentiments, de l’affectivité : Tout cela fut refoulé, condensé,
pressé en son coeur, qui ne s’ouvrit jamais
(Maupassant). ∥ 3. Fig. Réduire l’expression de la pensée à ses éléments essentiels
et significatifs, en éliminant l’accessoire :
Condenser l’essentiel d’une longue réflexion
(Martin du Gard). Cette réponse est bien
longue : il faut la condenser.
• SYN. : 1 liquéfier ; 3 abréger, ramasser,
résumer.
condenseur [kɔ̃dɑ̃soer] n. m. (angl.
condenser, tiré du v. to condense, condenser
[empr. du franç.], par l’inventeur Watt, en
1769 ; 1796, Prony, au sens 1 ; sens 2, 1866,
Larousse ; sens 3-4, XXe s.). 1. Récipient dans
lequel on reçoit la vapeur d’échappement
de certaines machines thermiques et où elle
se liquéfie après son action. ∥ 2. Appareil
dans lequel le gaz de ville, après une première épuration, se condense et abandonne
les impuretés qu’il contient. ∥ 3. Dans une
installation frigorifique, appareil dans
lequel le fluide frigorigène, préalablement
comprimé, passe de l’état de vapeur à l’état
liquide sous l’action d’un agent extérieur.
∥ 4. Système optique servant à éclairer
l’objet examiné au microscope.
condescendance [kɔ̃dɛsɑ̃dɑ̃s] n.
f. (de condescendre ; 1609, François de
Sales, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.).
1. Complaisance qui amène quelqu’un à
se mettre au niveau d’autrui et à céder à
ses désirs (vieilli) : Devant le monde, elle
restait douce pour lui, gardait une condescendance de grande soeur (Zola). Avec cet
air de condescendance que l’on prend pour
parler à des enfants (Daudet). Julius sourit
avec une accommodante condescendance
et, pour changer de sujet, demande à son
beau-frère des nouvelles de sa sciatique,
qu’il appelle par erreur « son lumbago »
(Gide). ∥ 2. Péjor. Attitude plus ou moins
hautaine ou dédaigneuse d’une personne
qui accorde une faveur en montrant qu’elle
pourrait la refuser : Sa condescendance,
l’affectation de sa supériorité (Gide).
• SYN. : 1 amabilité, bienveillance, cordialité, gentillesse, prévenance ; 2 arrogance,
dédain, fierté, hauteur, morgue.
% condescendances n. f. pl. (fin du XVIIe s.,
Bourdaloue). Vx. Actes de condescendownloadModeText.vue.download 133 sur 978
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
847
dance : Ergoteur, roide et hirsute, l’ancien
député de la noblesse de Riom se permet
néanmoins des condescendances au pouvoir
(Chateaubriand).
condescendant, e [kɔ̃dɛsɑ̃dɑ̃, -ɑ̃t]
adj. (part. prés. de condescendre ; XIVe s.,
Godefroy). Qui marque de la condescendance : Il lui parle d’une voix dédaigneuse
et sèchement condescendante, comme on
parle aux faibles, aux enfants, aux fous,
aux malades ; n’est-ce pas un peu tout
cela ? (Daudet). Il pensa qu’elle [sa femme]
l’aimait encore et déposa sur son chignon
un baiser condescendant (Maupassant).
D’ailleurs, il a pour toutes les femmes ce
sentiment paternel, un peu condescendant,
qu’il a pour ses malades (Martin du Gard).
« Tiens, vous êtes là, mon petit », dit-il en
jetant sur Philippe un regard condescendant
(Duhamel).
• SYN. : arrogant, dédaigneux, hautain,
protecteur, supérieur.
condescendre [kɔ̃dɛsɑ̃dr] v. tr. ind.
[à] (bas lat. condescendere, se mettre au
niveau de, de cum, avec, et descendere,
descendre ; XIIIe s., Sept Sages de Rome,
au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.). [Conj.
46.] 1. Céder aux désirs, à la volonté de
quelqu’un, par complaisance ou par bonté
(vieilli) : Condescendre aux caprices d’un
enfant. ∥ 2. Péjor. Consentir de mauvais
gré à quelque chose et en faisant sentir
qu’on s’abaisse à agir ainsi : L’entretien
que j’ai condescendu à vous accorder, à la
prière d’une personne qui désire que je ne
la nomme pas, marquera pour nos relations
un point final (Proust). Il semblait ne pas
vouloir condescendre à discuter avec des
profanes de choses qui lui tenaient à coeur
(Martin du Gard).
• SYN. : 1 accéder, consentir, se plier à, se
prêter à ; 2 s’abaisser à, daigner.
condiment [kɔ̃dimɑ̃] n. m. (lat. condimentum, de condire, confire, assaisonner ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ; sens 2,
1580, Montaigne). 1. Assaisonnement à la
saveur ou à l’odeur marquée, qu’on ajoute
aux aliments en les préparant ou en les
consommant : La moutarde est un condiment. ∥ 2. Fig. et littér. Ce qui donne du
piquant, de l’accent, de l’intérêt à quelque
chose : Mettre dans une musique un peu
fade le condiment de quelques dissonances.
condimenter [kɔ̃dimɑ̃te] v. tr. (de condiment ; 1889, Huysmans). Relever à l’aide
de condiments : Une morue cuite avec des
pruneaux et condimentée d’affreuses épices
(Huysmans).
• SYN. : assaisonner.
condisciple [kɔ̃disipl] n. m. (lat. condiscipulus, de cum, avec, et discipulus, élève ;
1470, Livre de la discipline d’amour divine).
Compagnon d’études, dans un établissement d’enseignement : La première fois que
mes condisciples m’entendirent argumenter
en latin, ils furent surpris (Renan).
condit [kɔ̃di] n. m. (lat. conditum, vin aromatisé, de condire [v. CONDIMENT] ; 1458,
Mystère du Vieil Testament, au sens de
« condiment » ; sens 1, 1694, Th. Corneille ;
sens 2, 1866, Larousse). 1. Substance végétale (orange, cédrat, angélique, etc.) confite
dans du sucre cristallisé. ∥ 2. Composé
de vin, de miel, de poivre et de quelques
autres aromates.
condition [kɔ̃disjɔ̃] n. f. (bas lat. conditio, condition, lat. class. condicio, de
condicere, fixer par accord, de cum, avec,
et dicere, dire ; fin du XIIe s., Dialogues
de saint Grégoire, au sens II, 3 ; sens I, 1,
1538, R. Estienne ; sens I, 2, et II, 1, XIVe s. ;
sens I, 3-5, XIIIe s. ; sens I, 6, 1863, Littré
[pour un cheval ; pour un athlète, 1929,
Larousse] ; sens I, 7, 1832, Raymond ; sens
II, 2, 1863, Littré [condition sine qua non,
1798, Acad.]).
I. 1. Sort, situation que les lois mêmes de
sa nature imposent à un être : Si l’on tient
compte des difficultés sans nombre de la
condition humaine, la bienveillance générale est la vraie justice (Renan). L’homme
meurt de même que la bête ; leur condition est la même (France). ∥ 2. Situation
de l’homme telle qu’elle résulte des circonstances et qui, par conséquent, peut
varier : Nous avons de fortes raisons de
croire qu’au début de la guerre de Cent
Ans la condition des paysans était généralement bonne en France (France). Les
lois sociales visent à améliorer la condition de la classe ouvrière. ∥ 3. Class. et
littér. Place que donnent à l’homme,
dans la société, sa naissance, sa fortune,
sa profession : Avec ses défauts, quand
il [Ésope] n’aurait pas été de condition
à être esclave, il ne pouvait manquer de
le devenir (La Fontaine). Que chacun, à
mon exemple, agisse selon sa condition
(France). ∥ Class. Personne de condition,
personne appartenant à la noblesse : C’est
un extravagant qui s’est mis dans la tête de
vouloir faire l’homme de condition (Molière). Soyez de condition, n’en soyez pas :
une duchesse, une financière, c’est égal
(Sedaine). ∥ 4. Vx. Être en condition, être
domestique, servir comme domestique :
Cela ne lui faisait pas honneur de laisser
sa petite-fille ainsi traîner d’une ferme à
l’autre, exposée [...] à toutes les misères
des jeunesses en condition (Daudet).
∥ 5. Spécialem. et vx. État civil, juridique
de la personne : Une femme française qui
épousera un étranger suivra la condition
de son mari (Code civil). ∥ 6. État physique ou moral d’une personne, d’un
animal, qui doit leur permettre d’assurer
au mieux les services qu’on attend d’eux :
Un coureur qui n’est pas au mieux de sa
condition. ∥ Mettre en condition un cheval, un athlète, les entraîner jusqu’à ce
qu’ils aient acquis une forme physique
parfaite. ∥ Fig. Mettre en condition des
personnes, les préparer peu à peu à recevoir une nouvelle désagréable, à accepter
une situation nouvelle sans réagir : La
propagande met en condition l’opinion
publique. ∥ 7. Condition des textiles, v.
CONDITIONNEMENT.
II. 1. Circonstance extérieure qui accompagne un fait, un acte, et qui joue en sa
faveur ou contre lui (généralement au
pluriel) : Grâce à des conditions politiques
particulières, ce fut la France qui prit le
pas sur l’ennemi (Bainville). ∥ 2. Spécialem. Circonstance à laquelle est rigoureusement subordonné l’accomplissement d’une action, ou la production d’un
phénomène : Si vous oubliez une seule fois
cette condition de ma présence ici, vous ne
me reverrez plus (Maupassant). La transmission directe et par héritage de la couronne était apparue comme la condition
même de la puissance politique (Bainville). L’ébullition d’un liquide se produit
dans des conditions déterminées de température et de pression. ∥ Condition sine
qua non, condition qui, si elle n’est pas
observée, rend une chose absolument
impossible. ∥ 3. Clause, obligation dont
dépend la validité ou la réalisation d’une
convention, d’un contrat, d’un marché :
Pour les conditions, il n’y aura point de
difficultés (Gautier). Les conditions d’un
armistice, d’un accord commercial. Reddition sans condition. ∥ Spécialem. Modalité du prix d’un loyer, d’un séjour à
l’hôtel : Pendant que ma grand-mère [...]
discutait les conditions avec le directeur...
(Proust).
• SYN. : I, 1 destin, destinée ; 2 état ; 6 forme.
∥ II, 1 conjoncture ; 3 convention, stipulation ; prix, tarif.
% À condition loc. adv. Sous certaines
réserves : Vous me prenez à condition, voilà
tout (Porto-Riche). ∥ Acheter à condition,
acheter sous réserve de pouvoir rendre la
marchandise après un délai convenu.
% A (la) condition de loc. prép. (suivie de
l’infinitif). À charge de, sous réserve de.
% A (la) condition que loc. conj. (suivie
du subjonctif ou de l’indicatif futur). Étant
bien entendu que, étant convenu que.
% Sous condition loc. adv. 1. Affranchir
sous condition, autrefois, accorder la liberté
à un serf à condition qu’il remplît certains
services. ∥ 2. Administrer un sacrement
sous condition, l’administrer sous réserve
qu’une condition soit remplie : Baptiser un
enfant sous condition qu’il n’ait pas déjà été
baptisé ou soit encore vivant.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
848
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
L’EXPRESSION DE LA CONDITION
La condition paraît souvent se confondre
avec la cause :
Si vous agitez le mélange, il se
trouble.
Dans cette phrase, un phénomène A
semble donné comme une circonstance
suffisant à provoquer un phénomène B.
Dans d’autres cas, on voit une grande
différence entre les facteurs qui provoquent un phénomène et ceux qui le
« conditionnent » :
S’il fait beau, nous déjeunerons
dehors.
Le beau temps est une circonstance nécessaire, mais non suffisante, pour manger en plein air : il permet qu’on le fasse,
il n’y force personne.
Dans une autre catégorie de phrases, on
verra un phénomène A présenté comme
sans influence — causative ni permissive
— sur un phénomène B :
Si vous agitez le mélange, il ne se
trouble pas.
La première proposition équivaut ici
moins à une subordonnée causale qu’à
une concessive (Quoique vous agitiez le
mélange...).
Pour désigner le phénomène B, on ne
peut donc pas user proprement du terme
d’ « effet » ou de « conséquence ». Les
rhéteurs nous ont légué une terminologie
précise, mais qui s’applique aux propositions, non aux phénomènes : dans les
trois exemples ci-dessus, la première proposition est la protase, la seconde l’apodose. Quand nous devrons nous placer
dans le plan des phénomènes, nous pourrons distinguer, faute de termes offerts
par la tradition, le conditionnant (qui
est la « condition » elle-même, le phénomène A) et le conditionné (B). Ainsi, nous
dirons que le conditionnant et le conditionné s’expriment parfois en une seule
proposition :
En cas de pluie, nous déjeunerons
dedans.
On peut serrer de plus près l’unité du rapport de conditionnant à conditionné en
raisonnant sur les trois exemples donnés
plus haut. Les trois phrases énoncent le
rapport qu’on établit mentalement entre
la réalisation imaginée du conditionnant
et celle du conditionné. Dans le premier
cas, l’une entraîne l’autre ; dans le deuxième cas également, car la phrase implique que le déjeuner en plein air ne dépend plus que du temps qu’il fera. Dans le
troisième cas, la négation du conditionné
annule un effet attendu. Dans les trois
cas, un phénomène est énoncé en tant
qu’influant ou n’influant pas sur la réalisation d’un autre ; ce rapport est donné
comme un enchaînement virtuel, il n’est
aucunement affirmé que la condition se
trouve présentement, ou se soit trouvée,
ou doive se trouver réalisée : il n’est pas
dit si l’on agite ou non le mélange, ni si le
temps est au beau.
Deux autres termes, hypothèse et supposition, ont été employés par les grammairiens ; mais ces mots ont le défaut
d’emporter, dans l’usage courant, une
idée d’incertitude (La police n’a pu faire
que des hypothèses sur l’identité de la victime. On suppose qu’il s’agit d’un étranger). Ils sont chargés, à la différence du
mot condition, d’une nuance de doute,
impliquant une pesée des chances de réalisation du phénomène considéré.
Une telle pesée n’est d’ailleurs pas sans
recevoir une expression grammaticale,
qui se manifeste en français par l’emploi
de certains temps (imparfait, conditionnel), ainsi qu’on le verra plus loin. Mais il
s’agit là d’une indication indépendante de
la condition en soi, même si elle y trouve
son domaine d’expression privilégié.
Les compléments de condition sont rangés parmi les « circonstanciels » (v. ce
mot), c’est-à-dire dans une catégorie des
compléments du verbe. Mais il est clair
que chacun des termes liés au verbe peut
être intéressé au premier chef par la réalisation de la condition : S’il fait beau, nous
déjeunerons dehors (et non dedans) ; aussi
bien chacun des termes de la proposition
conditionnelle peut-il jouer le rôle essentiel dans la définition du conditionnant.
De sorte qu’il paraît arbitraire de donner
l’une des deux propositions pour subordonnée à un seul terme de l’autre ; il est
plus juste de voir dans l’ensemble SUBORDONNÉE + PRINCIPALE un « système »
logique à deux termes, dont aucun n’est
une partie de l’autre. Contrairement aux
autres subordonnées, les conditionnelles
précèdent normalement leur principale
(deux fois sur trois) : manifestation d’une
antériorité logique ou psychologique de
la condition sur le conditionné.
COMPLÉMENTS DE CONDITION
I. ADVERBES DE CONDITION
Des adverbes comme alors, ainsi peuvent
résumer une condition énoncée dans le
contexte.
L’adverbe éventuellement exprime l’idée
que la réalisation d’un phénomène
énoncé est soumise à une condition
incertaine :
J’achète du sérum pour soigner éventuellement une piqûre de vipère.
II. NOMS OU PRONOMS
La préposition sans et les locutions en cas
de, à moins de, à défaut de, faute de expriment diverses nuances de la condition :
Sans votre aide, je n’aurais pu finir.
A moins de mauvais temps, nous
déjeunerons dehors.
A défaut de piano, il s’accompagnerait à la guitare.
La locution n’était, dont on verra ciaprès l’origine syntagmatique, mais
dont l’invariabilité facultative atteste la
valeur globale prépositionnelle, exprime
dans la langue littéraire une restriction
hypothétique :
N’était ses mains, cette fille serait
jolie (A. de Châteaubriant).
Une proposition conditionnelle se réduit
souvent, par ellipse, à un simple nom
complément :
Sous cet arbre, nous serions mieux.
Avec un chapeau, tu aurais moins
chaud.
Ce n’est pas assez pour voir dans les prépositions sous ou avec des marques de
condition.
III. VERBES
Deux locutions prépositives introduisent
des verbes à l’infinitif équivalant à une
proposition subordonnée conditionnelle
dont le sujet serait le même que celui du
verbe principal ; ce sont à condition de et
à moins de (comparer à condition que, à
moins que) :
A condition d’avoir beau temps, / A
moins d’avoir la pluie, nous déjeunerons dehors.
La simple préposition à suivie de l’infinitif peut, dans certains contextes, franchir
le seuil du « moyen » pour exprimer la
condition :
A vaincre sans péril, on triomphe
sans gloire
(le Cid).
A plus forte raison si le verbe est de sens
hypothétique : d’où la locution conjonctive à supposer que (v. plus loin).
Le gérondif aussi peut, dans certains
contextes, exprimer la condition :
En venant dix minutes plus tard, vous
ne nous auriez pas trouvés.
D’où la locution conjonctive en admettant que.
PROPOSITIONS CONDITIONNELLES
I. COORDINATION
On est vraiment dans la « coordination »,
définie par l’absence de toute dépendance
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
849
grammaticale, avec des phrases comme
la suivante :
On lui parle, elle ne vous répond pas
(Zola).
Différentes marques peuvent cependant
exprimer — sans sortir de la juxtaposition — la dépendance d’une proposition
par rapport à l’autre :
• 1° La modalité interrogative de la
première :
Trouve-t-il ce chemin barré ? Il
accepte un détour (A. Maurois) ;
• 2° La modalité impérative de la première, se traduisant par le mode impératif ou par le mode subjonctif, selon les
personnes ; on trouve alors — facultativement — la conjonction et devant la
seconde :
Fais un pas, je t’assomme ! (Hugo).
Que je ferme les paupières, et je revois
l’hôpital (Duhamel).
Qu’une crise se déclarât, et c’était un
désastre (Zola).
Dans la langue littéraire, quelques verbes
(surtout venir) se rencontrent au subjonc-
tif sans que, avec inversion du sujet :
Vienne une invasion, le peuple est
écrasé (Balzac).
Ursule et Ida ne se comprenaient
plus ; survînt la moindre crise,
peut-être même deviendraient-elles
ennemies (Estaunié) ;
• 3° L’emploi du conditionnel simultanément dans les deux propositions,
construction usuelle en français parlé :
Vous seriez arrivée quelques heures
plus tôt, vous l’auriez trouvée au
chevet de son mari (H. Troyat).
La langue littéraire connaît un tour
semblable au subjonctif plus-que-parfait, éventuellement combiné avec
l’inversion :
Le corps eût-il été plus sec, l’accident
n’aurait pas eu lieu (Gide) ;
• 4° L’emploi, littéraire, de n’était ou
n’eût été, suivi d’un sujet avec lequel le
verbe s’accorde en principe :
N’étaient le bordj et la mosquée, on
chercherait en vain, de l’oeil, la cité
des Matmata (Duhamel).
N’eût été la fraîcheur de l’air, on se
serait cru encore au mois d’août
(M. Butor).
S’il commande l’accord de n’était, le nom
qui suit sera analysé comme « sujet » ; s’il
n’y a pas accord, on devra le tenir pour un
complément, et n’était pour une locution
prépositive (v. plus haut)
• 5° Dans plusieurs des types de phrase
énumérés ci-dessus, l’emploi de la
conjonction que marquant la solidarité
logique des deux propositions, mais placée en tête de celle qui a le sens principal ;
c’est un que de « subordination inverse » :
Il les eût eus [ces trois mille francs],
qu’il les aurait donnés (Flaubert).
N’eût été le lac, que, fort bien, on eût
pu se croire à Robinson (P. Frondaie).
II. SUBORDINATION
1° Conjonctives introduites par « si ».
Les différents systèmes qu’on rencontre
se laissent classer en deux groupes, selon
que le conditionnant est :
a) accepté dans l’ordre des faits réels :
Je le ferai encore, si j’ai à le faire ;
b) rejeté du réel :
Je le ferais encor, si j’avais à le faire
(Le Cid).
Dans le premier cas, la condition est donnée comme réalisable : rien n’empêche
que le locuteur se trouve un jour à même
de recommencer.
Dans le second cas, la condition est donnée comme irréalisable : Rodrigue ne se
cache pas d’avoir tué le comte, et ne peut
présenter comme réalisable l’éventualité
d’une nouvelle insulte — ce qu’impliquerait l’indicatif présent après si ; l’imparfait si j’avais rejette expressément la
condition de l’ordre des faits réels.
L’interprétation des phrases conditionnelles suppose la connaissance d’une
casuistique temporelle assez complexe.
• CONDITION POSÉE DANS LE RÉEL. C’est
presque toujours le cas quand les deux
verbes sont à l’indicatif :
Si un triangle a deux côtés égaux, il
est isocèle.
Le cas est posé en général, comme possible ; on ne met pas en cause son application à un triangle particulier observable
dans l’entourage.
Si tu as des tickets, prête-m’en un.
Il y a bien ici application à la situation présente : la possession de tickets est donnée
comme un fait présentement possible, et
l’action commandée est subordonnée à sa
réalité.
Si elle pensait à l’un, elle voyait
apparaître l’autre (Gyp).
Il s’agit d’une condition réalisée par intermittence dans le passé, et si pourrait
être remplacé par quand.
Si j’ ai des nouvelles, je te
téléphonerai.
Le fait est donné comme possible dans
l’avenir ; une improbabilité pourrait être
marquée par si jamais.
Dans tous ces exemples, les temps sont
employés avec leur valeur habituelle, sauf
dans le dernier, où le présent après si exprime une condition future, alors que le
futur reprend ses droits dans l’expression
du conditionné. Une règle interdit en
effet, en français parlé comme en français écrit, d’employer le futur après si ;
ce temps est remplacé par le présent, et
le futur antérieur par le passé composé :
Si demain la température n’a pas
baissé, vous me rappellerez.
Les infractions à cette règle sont ou bien
des incorrections de la langue populaire
(si tu voudras), ou bien des libertés que
prennent les écrivains, par exemple pour
marquer expressément le caractère futur
de la condition :
Fais ce que tu veux si tu pourras le
supporter indéfiniment (Valéry),
ou lorsque si exprime moins une supposition qu’une position (si = puisqu’il est
vrai que) :
Pardon [...] si je ne puis t’aimer, si je
ne t’ aimerai jamais ! (R. Rolland).
• CONDITION REJETÉE DU RÉEL. Le sens
irréel de la supposition ne fait pas difficulté quand l’action est située dans le
passé :
J’aurais joué du coeur, si j’en avais
eu.
Au plus-que-parfait de l’indicatif après
si répond le conditionnel passé dans la
principale.
La langue littéraire use quelquefois dans
les deux propositions, ou dans une seulement, du plus-que-parfait du subjonctif :
S’il eût osé, il eût prié son nouveau
patron de lui consentir une avance
(J. Romains).
Si François eût été vivant, elle l’aurait amené au cirque (A. Maurois).
Si Georgette s’était retournée à ce
moment, il fût mort de honte
(M. Tinayre).
Il y a, au contraire, ambiguïté quand les
verbes de la phrase hypothétique sont à
des temps simples ; comparer :
1. Si j’ étais un homme, je voudrais
être marin.
2. Si j’ épousais un marin, je voudrais le suivre en mer.
La première phrase est manifestement
prononcée par une femme, et personne
ne discutera le caractère irréel de la
supposition exprimée à l’imparfait. La
seconde phrase est prononcée par une
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
850
femme pour qui le mariage est une éventualité possible : aussi beaucoup de grammairiens y voient-ils l’expression d’un
« potentiel », et non plus d’un « irréel » ;
ils distinguent un potentiel, dont le domaine est l’avenir, d’un irréel, limité au
présent et au passé.
Une telle distinction n’est évidemment
pas pertinente en grammaire structurale, puisqu’elle n’est fondée que sur le
sens contextuel — le signifiant (si + IMPARFAIT) étant identique dans les deux
cas. Mais que vaut même ce fondement
sémantique ? La personne qui prononce
la phrase 2 pourrait tout aussi bien dire :
3. Si j’ épouse un marin, je voudrai le
suivre en mer.
L’emploi du présent (si j’épouse) au lieu de
l’imparfait (si j’épousais) doit être significatif ; ne marque-t-il pas, précisément,
le caractère « possible » de l’éventualité
énoncée ? C’est là le véritable « potentiel », le seul marqué, alors que la phrase
2, affectant de donner l’action pour
irréelle, coupe court à toute supputation, par l’interlocuteur, des chances de
réalisation.
Une forme unique de pensée doit être signifiée par la forme unique de l’imparfait
après si (dans un contexte non passé) : il
ne semble pas impropre de l’appeler « irréel », même si cet irréel couvre souvent,
par métaphore, un fait dont la réalisation
future est souhaitée (Si je gagnais le gros
lot... — Si le docteur me demandait en
mariage...) ; la locution dubitative si jamais convient particulièrement à ces cas.
A la différence du système latin, qui opposait par le temps du subjonctif un irréel
de l’avenir (si dives sim, « si j’étais riche
un jour ») à l’irréel du présent (si dives
essem, « si j’étais riche présentement »), le
français confond, dans l’irréel, ces deux
époques, et cela présente plus d’avantages
que d’inconvénients ; dans bien des cas,
la fiction s’applique indifféremment au
présent et à l’avenir : Rodrigue tuerait le
comte sur-le-champ comme il le ferait
plus tard, s’il ne l’avait déjà tué.
Comme le futur, le conditionnel est interdit après si hypothétique. Les infractions appartiennent encore à la langue
populaire :
Si tu voudrais, on travaillerait
ensemble (F. Carco),
ou s’expliquent par différentes valeurs de
si éloignées de la condition (si = s’il est
vrai que ; si en liaison avec c’est, etc.) :
Si vous auriez de la répugnance à me
voir votre belle-mère, je n’en aurais
pas moins sans doute à vous voir mon
beau-fils (Molière).
Si jamais batailles auraient dû être
gagnées, ce sont celles-là
(A. Maurois).
L’inventaire qu’on vient de lire des systèmes hypothétiques basés sur si ne
considère que les cas typiques ; d’autres
rapports temporels se rencontrent, dont
l’expression découle des règles ainsi
définies :
Si j’ avais choisi ce métier, je serais
riche (aujourd’hui).
Si j’ étais égoïste, je ne t’aurais pas
rendu ce service.
Le rapport temporel des deux verbes peut
être apparemment perturbé par des emplois métaphoriques dans la proposition
principale ; exemples :
Si tu pars pour l’Amérique, je te suis
(le présent de la principale remplace
un futur, avec la nuance d’une décision arrêtée dès à présent) ;
Si j’avais joué coeur, je gagnais
(l’imparfait remplace un conditionnel passé en apportant une nuance
de certitude propre à l’indicatif : le
locuteur se voit après coup gagner
infailliblement ; c’est l’emploi appelé
« imparfait d’imminence »).
Ne laissons pas cette importante classe de
subordonnées conditionnelles sans avoir
dit qu’en cas de coordination la conjonction si peut être reprise par que, suivi du
subjonctif :
Si vous venez et qu’il fasse beau, nous
déjeunerons dehors.
En principe, dans ce cas, la nuance d’irréel peut être marquée par l’imparfait
du subjonctif (Si vous veniez et qu’il fît
beau), mais l’usage de ce temps, inconnu
aujourd’hui de la langue parlée, est très
obscurci dans la langue littéraire.
La reprise par que n’est pas obligatoire :
Si j’invite un camarade à dîner et s’il
n’accepte pas tout de suite, je n’insiste
jamais (J. Romains).
Si entre dans les locutions excepté si, sauf
si, comme si, qui ont les mêmes constructions. Il prend en fonction du contexte de
nombreuses valeurs dérivées, telles que
l’ « opposition » (v. le mot CONCESSION) :
S’il était économe, sa femme dépensait bien pour deux.
La valeur interrogative (Écoute s’il pleut)
est encore plus éloignée de la valeur
conditionnelle, dont elle dérive.
2° Autres conjonctions de condition.
Quelques autres conjonctions, beaucoup
moins employées que si, expriment diverses nuances de la condition ; ce sont
principalement :
— à (la) condition que, suivi du subjonctif ou de l’indicatif :
C’est une tâche [...] sans inconvénient
pour celui qui l’entreprend, à condition qu’il y soit apte (A. France).
Maman m’a permis de revenir seule à
la condition que je rentrerais de très
bonne heure (P. Géraldy) ;
— pourvu que, pour peu que, suivis du
subjonctif :
Les garçons, tous les mêmes, pourvu
qu’ils voient tourner une machine, ils
sont contents (G. E. Clancier).
Pour peu que le gaspillage des cyclamens continue, nous verrons bientôt
cette jolie fleur disparaître de nos
forêts savoyardes (Theuriet) ;
— à moins que, généralement suivi
de ne « expressif », et avec le verbe au
subjonctif :
Il refusait impitoyablement de
renouveler les baux, à moins qu’on
ne consentît à des augmentations
formidables de loyer (Zola) ;
— supposé que, à supposer que, en admettant que, si tant est que, suivis du
subjonctif :
Nous déjeunerons dehors, si tant est
qu’il fasse beau ;
— dans le cas où, au cas où, généralement suivis du conditionnel :
Au cas où la fièvre persisterait,
rappelez-moi.
La langue populaire connaît des fois que,
quelquefois que, une supposition que,
gouvernant (de façon très libérale) le
conditionnel.
3° Relatives conditionnelles.
Les propositions relatives sans antécédent, en fonction de sujet, constituent
souvent avec leur principale de véritables
systèmes hypothétiques :
Qui veut la fin veut les moyens (= Si
l’on veut la fin, on veut les moyens).
Elles tiennent cette valeur du sens indéterminé de leur pronom. Une nuance
d’irréel peut être donnée par l’emploi du
conditionnel :
Qui voudrait entrer n’aurait qu’à
pousser la porte.
Le lien conditionnel a tendu à prévaloir sur le lien syntaxique unissant la
subordonnée à la principale : de là des
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851
constructions anciennes, se rencontrant
encore chez La Fontaine :
Bonne chasse, dit-il, qui l’aurait à son
croc !
dans tel proverbe méridional :
Qui perd une femme et quinze sous,
c’est grand dommage de l’argent
(Daudet),
et dans une formule de computation
transmise jusqu’au XXe s. :
Qui de dix ôte sept, reste trois.
HISTORIQUE
I. COORDINATION
L’ancien français, comme le français moderne, savait user de l’interrogation pour
exprimer la condition en proposition
indépendante ; souvent, la conjonction et
soulignait le lien logique en tête de l’indépendante conditionnée :
Biaus Sires, le volez vos
Savoir et je le vos dirai
(Fabliau du Povre Mercier).
Il usait également de la modalité
impérative :
Ma vie est tote ens en mon doi,
Quant cestui anelet i port :
Tolés le moi, si m’arés mort
[Enlevez-le-moi, vous m’aurez tué]
(Chrétien de Troyes).
Bien souvent, comme dans cet exemple,
la conditionnée commençait par si (adverbe, issu de sic). A la 3e personne, le
subjonctif exprimait la même modalité,
non encore précédé de la « béquille » que,
aujourd’hui indispensable :
Vienget li reis, si nus purrat vengier
[Vienne le roi, il pourra nous venger]
(la Chanson de Roland).
C’est un emploi bien connu en latin
classique :
Vendat aedes vir bonus...
[Qu’un honnête homme vienne
à mettre en vente une maison...]
(Cicéron).
Dans les mêmes conditions, en ancien
français comme en latin, l’imparfait du
subjonctif marquait l’irréel :
Fust i li reis, n’i oüssum damage
[Si le roi était là, nous n’aurions rien
à craindre] (la Chanson de Roland).
C’est l’équivalent exact du tour familier
moderne à double conditionnel, qui n’est
pas sans exemple en ancien français :
Bien set qu’il li aprismeroient,
Ne se porroit vers els deffendre
[Il sait bien que s’ils s’approchaient
de lui, Il ne pourrait se défendre
contre eux] (Énéas, XIIe s.).
La conjonction de coordination mais,
devant le subjonctif, prenait une valeur
voisine de pourvu que :
Ne li chaut puis à quoi qu’il tort,
Mais alosez soit en ta cort
[Peu lui importe ensuite comment
peut tourner la chose,
Pourvu qu’il soit vanté dans ta cour]
(Roman de Thèbés).
La béquille apparaît au XIIIe s. :
Que fust seur aux la force moie,
Mout volentiers m’en vengeroie !
[Si j’avais sur eux la domination,
Je m’en vengerais très volontiers]
(Roman de Thèbes).
Il n’est pas jusqu’au tour par n’était dont
on ne rencontre des exemples anciens :
N’iert por mon pere, qui lez lui est
assis,
Jel porfendisse
[N’était à cause de mon père, qui est
assis près de lui,
Je le pourfendrais] (Aliscans).
Mais il semble qu’il faille voir là un faux
cas de parataxe, remontant à des conjonctives qui commençaient par se n’es-toi(en)
t, se ne fust, etc.
II. SUBORDINATION
Le plus ancien texte français (842) présente deux conjonctions de condition :
in o quid, dans le Serment de Louis le
Germanique, et si, dans le Serment des
fidèles de Charles le Chauve. Ces graphies recouvrent vraisemblablement une
locution en o que, « à condition que », et
la conjonction issue du latin si, abrégé
en position atone, qui apparaît ensuite
en ancien français sous la forme se et
retourne à si en moyen français, probablement par une imitation du latin que
pouvaient favoriser la fausse coupe de
groupes où se s’élidait devant il (s’il veut,
s’il li plaist, prononcés si veut, si li plaît)
et la fermeture d’e en hiatus dans les
groupes comme se on, se elle.
La première n’a pas vécu ; la seconde a
montré au long des siècles, jusqu’à nous,
une exceptionnelle vitalité.
1° Subordination par « si ».
Dans les Serments de Strasbourg, le système temporel est
si + INDICATIF PRÉSENT — INDICATIF FUTUR.
C’est le type dont nous usons encore
normalement lorsque nous posons une
condition comme possible dans l’avenir.
Le latin classique avait, en pareil cas, l’indicatif futur dans la protase comme dans
l’apodose :
Si istud mihi dabis, hoc tibi dabo.
Pourtant, le futur antérieur pouvait y
spécifier dans la protase l’antériorité du
conditionnant :
Si istud mihi dederis, hoc tibi dabo.
On trouve chez Plaute, et jusque chez Cicéron, des exemples d’un présent dans la
protase lorsque le caractère immédiat du
conditionnant doit être souligné :
Si mihi dantur duo talenta [...], hanc
tibi noctem dabo
[Si l’on me donne deux talents, je
t’accorderai cette nuit-là] (Asinaire).
On peut penser que ces cas d’antériorité chronologique — particulièrement
fréquents — ont entraîné l’emploi du
présent, dominant en roman primitif,
puis obligatoire en français, pour marquer l’antériorité logique de toute protase, même postposée, d’une apodose au
futur.
Dans l’apodose, le présent de l’indicatif alterne avec le futur dès les plus
anciens textes ; il y marquait, comme
aujourd’hui, le conditionné présent ou
atemporel d’une condition posée réelle.
Ces deux systèmes n’ont jamais varié en
français : les seules modifications structurales observables du Xe s. à nos jours
concernent les conditions rejetées du
réel, dont l’histoire a été retracée par R.
L. Wagner dans son étude sur les Phrases
hypothétiques commençant par « si », des
origines à la fin du XVIe s. (Paris, 1939).
Le tour le plus anciennement attesté
(XIe s.) est
se + SUBJONCTIF IMPARFAIT — SUBJONCTIF IMPARFAIT :
Granz fut li colps, li dux en estonat :
Sempres caïst, se Deus ne li aidast
[Le coup fut rude, le duc en fut
étourdi.
Il serait tombé aussitôt, si Dieu ne
l’avait aidé] (la Chanson de Roland).
Ce temps convenait à l’expression des fictions passées, présentes ou à venir — bien
difficiles à distinguer à une époque où les
repères présent et passé alternent conti-
nuellement dans le récit.
Dès les textes où il apparaît avec assez de
fréquence pour qu’on puisse apprécier
sa vitalité, le double subjonctif imparfait semble « voué à l’échec », survivant
plutôt que vivant, propre à la poésie et à
quelques genres en prose, limité de plus
en plus à des verbes comme être, devoir,
vouloir, pouvoir, que leurs emplois dénoncent comme réfractaires à la flexion
du conditionnel. Forme rare, ce tour se
chargeait, en littérature, de nombreuses
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valeurs stylistiques : marque de poésie,
latinisme, point d’orgue sentimental :
Je volsisse miauz estre morte (Chrétien de Troyes),
ou atténuation discrète d’un désir
exprimé :
J’aimasse mieux de bouche le vous
dire (Charles d’Orléans).
A partir du XIVe s., le tour n’existe que pour
les verbes réfractaires, en prose comme
en poésie ; au XVIe s., c’est une fantaisie de
lettrés, à peu près limitée au verbe deust,
ou aux protases coordonnées :
Si j’estoye morte et j’ouysse un violon,
je me leveroys pour baller (Bonaventure Des Périers).
On relève chez Rabelais quelques phrases
de ce type :
Si je montasse aussi bien comme je
avalle, je feusse desja au dessus la
sphere de la lune (Pantagruel).
Ce sont, estime R. L. Wagner, « facéties
aristophanesques ».
Dans les textes du XIIe s. apparaissent les
premiers exemples sûrs du tour moderne
se + INDICATIF IMPARFAIT — CONDITIONNEL PRÉSENT :
Se tu voleies Mahomet aorer
Ge te donreie onor et richeté
[Si tu voulais adorer Mahomet,
Je te donnerais honneur et richesse]
(Le Couronnement de Louis).
Dès ce siècle, le tour moderne se rencontre trois ou quatre fois plus souvent
que l’ancien. La rareté des exemples
— c’est-à-dire des textes — antérieurs
à cette époque a permis de formuler les
hypothèses les plus opposées sur l’économie des états de langue prélittéraires
et l’origine même des tours concurrents.
Avant la thèse de R. L. Wagner, on estimait généralement (Brunot, Séchehaye,
Lerch) que le double imparfait du subjonctif est le système primitif, système
roman continuant le plus-que-parfait
latin. Ce dernier temps avait exprimé
en latin classique l’irréel du passé, puis,
indistinctivement, sous le règne d’Auguste (Vitruve), l’irréel du présent-futur :
c’est la valeur « atemporelle » de nos premiers textes. Le tour moderne serait une
création des XIe-XIIe s. : l’apparition du
conditionnel dans l’apodose aurait été la
première étape, entraînant le remplacement du subjonctif par l’indicatif dans la
protase, sur le modèle du tour si + INDICATIF PRÉSENT — INDICATIF FUTUR. On
sait, en effet, que le conditionnel (v. ce
mot) est, étymologiquement, à l’imparfait ce que le futur est au présent : futur et
conditionnel remontent à une périphrase
latine où l’infinitif était suivi du verbe
avoir, respectivement au présent (habeo >
-ai) et à l’imparfait (habebam > -eie, -oie,
-ois, -ais).
Pour R. L. Wagner, le silence des textes
archaïques ne prouve pas l’inexistence du
tour moderne, qui remonte certainement
à l’époque prélittéraire. On doit le voir
dans un passage d’une homélie sur Jonas
écrite vers l’an 1000, où la forme erent est
ambiguë (imparfait ou futur) :
E io ne dolreie de tanta milia hominum si perdut erent ?
[Et moi, je n’aurais pas de chagrin
pour tant de milliers d’hommes, s’ils
étaient damnés ?]
Quant au tour à double subjonctif, il ne
serait ancien que dans la valeur passée du
latin classique ; son emploi pour l’irréel
du présent-futur serait une création savante, d’un clerc du XIIe s., sur le modèle
de la phrase latine : Denarios si haberem,
eos tibi darem.
Les deux points de cette théorie — que
l’auteur présente comme une simple
hypothèse — ont été différemment accueillis. L’accord est mieux réalisé sur
le premier que sur le second. Ch. Camproux (dans le Français moderne, juill.
1946), observant que l’imparfait du subjonctif vit aujourd’hui en langue d’oc,
aussi bien que le passé simple, et y est
« mode de l’irréel », pense que cet emploi
continue un usage qui fut général et populaire au Moyen Age. Sa disparition en
français aurait été liée à la disparition du
passé simple. Ainsi, les emplois relevés
chez Rabelais seraient à mettre au compte
du goût qu’on lui connaît pour les popularismes. Un vestige s’en voit dans les
imparfaits à valeur de « conditionnel du
subjonctif » qu’on relève abondamment
au XVIIe s., dans des textes de langue tenue ou familière :
Pomenais est divin, il n’y a point
d’homme à qui je souhaitasse plus
volontiers deux têtes (Sévigné).
Il n’y a point de dépense que je ne
fisse, si par là je pouvois trouver le
chemin de son coeur (Molière).
Qu’on admette ou non l’ancienneté du
double subjonctif, la genèse du tour
moderne n’en reste pas moins un champ
ouvert à toutes les hypothèses.
Les historiens du roman invoquent des
antécédents latins. Le tour classique :
Si pecuniam habuissem, tibi dedissem,
dans la valeur atemporelle qu’il avait
prise en latin vulgaire (v. plus haut), s’y
doublait d’une construction : Si pecuniam habuissem, tibi daturus eram, où
la périphrase daturus eram fut remplacée
à la fin de la période impériale par dare
habebam :
Sanare te habebat Deus per indulgentiam, si fatereris
[Dieu te guérirait par indulgence, si
tu avouais] (Ve s.).
Ainsi serait né le conditionnel de l’apodose. Quant à l’indicatif imparfait de la
protase, il est connu en Gaule du Nord à
l’époque mérovingienne :
Si iubebas, accederemus ad prilium
[Si tu l’ordonnais, nous irions à la
bataille] (Frédégaire).
En fait, ces exemples latins, d’interprétation souvent ambiguë, nous apprennent
peu de chose. Lequel, de l’indicatif imparfait et du conditionnel, a pris le premier le sens « irréel » ? L’ont-ils pris ensemble ? Les exemples latins, les exemples
français des premiers textes n’offrent que
l’un ou l’autre ; mais il est peu vraisemblable que le modèle du système si + INDICATIF PRÉSENT — INDICATIF FUTUR n’ait
pas joué très anciennement un rôle régulateur, sinon génératif.
Il y a cependant une question qui nous
arrêtera plus, si nous remarquons qu’elle
se pose à propos de tous les systèmes
d’expression de l’irréel, français ou latin
(comme grec) : pourquoi a-t-on recouru,
pour exprimer un phénomène fictif situé
dans le présent ou dans l’avenir, à une
forme de passé (imparfait de l’indicatif,
du subjonctif) ou à une forme s’appuyant,
génétiquement et systématiquement, sur
le passé (conditionnel) ?
On a expliqué le fait, du moins en ce qui
concerne les temps de l’indicatif, par des
valeurs systématiques liées à toute une
conception structurale de la morphologie. Selon la « psychosystématique » de G.
Guillaume, l’imparfait exprimerait, dans
notre sens inconscient de la « structure de
la langue », une « décadence » dont la réalisation dans la parole peut être double :
sur la ligne du temps, valeur de passé ;
sur la ligne de la possibilité, valeur d’irréel (chances minimales de réalisation).
D’autres disent, d’une manière moins
abstraite, mais qui ressortit aux mêmes
méthodes, que l’imparfait français fut
choisi pour exprimer l’irréel du présent
et du futur précisément parce qu’il rejette
l’action dans le passé, qui n’est ni l’un
ni l’autre. Il aurait été préféré au passé
simple, dans cette fonction, parce qu’il
a l’aspect « sécant » du présent, que n’a
pas le passé simple (v. ASPECT). Toutes
ces explications justifient bien la fortune des tours considérés, mais très mal
leur naissance, car la langue ne connaît
pas de « mutations ». Un emploi « préludique » (L. Warnant) de l’imparfait ou du
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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conditionnel est souvent observé par les
éducateurs :
Moi, je faisais (ferais) la maman, et
toi, le bébé...,
ais il est à peu près cantonné dans la
langue enfantine, aux antipodes des
contextes où apparaissent les premiers
emplois de l’ « irréel ».
La genèse historique de ces valeurs devra
plutôt être cherchée dans un emploi du
style indirect, et particulièrement du
« style indirect libre » (tour spontané
connu du latin, de l’ancien français,
comme du français moderne), dans des
contextes à double repérage temporel.
Soit une phrase comme :
Les Anciens croyaient que le Soleil
tournait autour de la Terre.
L’imparfait tournait a, par rapport au moment de la pensée évoquée, la valeur d’un
présent affirmatif, « réel » ; pour nous qui
sommes détrompés, il n’exprime qu’un
fait irréel, et c’est la nuance que nous lui
faisons exprimer quand nous le préférons, en rédigeant cette phrase, à l’indicatif présent (nous dirions au contraire :
Galilée savait que la Terre tourne autour
du Soleil).
Dans la Cantilène de sainte Eulalie (IXe s.),
un conditionnel se relève, qui semble
bien la transposition dans le passé d’un
futur de certitude pensé par la sainte (v.
CONDITIONNEL) :
Melz sostendreiet les empedementz
Qu’elle perdesse sa virginitet
[Elle supporterait les tortures
Plutôt que de perdre sa virginité].
Ainsi, le premier repère étant le moment
où pensait un des personnages dont il
est question, le second peut être celui où
pense un autre personnage du récit, ou le
narrateur lui-même. Mais un fait particulier au récit épique vient y rendre cette
occurrence encore plus fréquente : l’alternance continuelle du « présent de narration » avec les temps passés :
il a houmes quel traïroient
moult volentiers, se il pooient
(Roman de Thèbes).
Le présent il a vaut un passé ; le roi Étéocle
avait des hommes dont il pensait : Ils me
trahiront bien volontiers, s’ils peuvent.
L’histoire des systèmes exprimant l’ « irréel du passé » est beaucoup plus facile
à faire, parce qu’elle s’inscrit entièrement dans l’époque littéraire. Ils étaient
contenus en puissance dans les deux
systèmes étudiés ci-dessus : il suffisait
d’y remplacer chaque temps simple par
le temps composé correspondant, ayant
valeur d’aspect accompli, puis de temps
antérieur.
Or, cette opération n’a réussi d’abord que
dans le système subjonctif : à partir de la
fin du XIe s., le plus-que-parfait peut y apparaître dans une des propositions, plus
tard dans les deux :
Sem creïsez, venuz i fust mi sires
[Si vous m’aviez cru, mon seigneur
serait revenu ici] (la Chanson de
Roland).
Se engenré l’aüst uns cuens
Ne fust plus biax
[Si un comte l’avait engendré,
Il ne serait pas plus beau]
(Richeut, fabliau du XIIe s.).
Mais les exemples sûrs de l’emploi de ce
temps composé avec une valeur d’antériorité proprement dite — et non d’aspect, comme dans les vers qu’on vient de
lire — ne se multiplient et ne gagnent la
prose, selon R. L. Wagner, qu’au XIIIe s. :
on y avait trouvé un moyen (le seul à
cette date) d’opposer utilement, dans
l’expression du fictif, l’époque passée au
présent-futur.
Le système concurrent
si + INDICATIF PLUS-QUE-PARFAIT —
CONDITIONNEL PASSÉ
demanda beaucoup plus de temps pour
s’achever.
Tandis que l’indicatif plus-que-parfait
pouvait marquer l’antériorité dans la protase dès le XIIe s. :
Mes bien sachiez certainement
Que, se vos m’ avïez ocis,
Tost vos en poroit estre pis
[...si vous m’aviez tué,
Cela pourrait bientôt tourner mal
pour vous]
(Chrétien de Troyes),
le conditionnel passé, qu’on relève au
XIIe s., gardera jusqu’au XIVe une valeur
purement aspectuelle, et la rencontre de
l’un et de l’autre dans la protase et l’apodose d’une phrase unique, exprimant
une fiction passée, sera un fait exceptionnel jusqu’à la fin du XVIe s. Deux raisons
principalement peuvent en être données :
— la solidité du système concurrent, le
double subjonctif plus-que-parfait, dont
la flexion ne fait intervenir que les auxiliaires être et avoir, verbes réfractaires à la
forme conditionnelle
— l’absence d’un homologue dans
les systèmes « réels », équivalent de ce
qu’avait été, pour le développement du
système :
Si tu voulais, tu viendrais, le modèle :
Si tu veux, tu viendras (on n’a jamais
dit : *Si tu as voulu, tu seras venu).
C’est au XVIIe s., probablement par les
lettres de style familier, que se répandit le
tour nouveau :
Si j’ avais tenu ce maraud-là, je lui
aurais rompu le bras et coupé les
oreilles (Sévigné).
La concurrence n’attirera l’attention des
grammairiens qu’au XVIIIe s. : Condillac,
Domergue chercheront à définir des
nuances — d’ailleurs illusoires — entre
le tour ancien et le tour moderne. C’est
pour l’euphonie, non par scrupule de correction, que l’abbé Prévost remplacera si
j’eusse su par si j’avais su, dans une réédition de Manon. Par la suite, et jusqu’à
nos jours, le subjonctif plus-que-parfait
survivra dans la langue littéraire à côté
du tour moderne.
2° Autres conjonctions.
Au Moyen Age comme en français moderne, la condition pouvait être exprimée par d’autres conjonctions que si.
Après l’unique in o quid des Serments,
les anciens textes présentent par si que,
varié en par un si que, por ainsi que, par
tel si que. Plus usité fut mais que, suivi du
subjonctif :
Mout en eüst bien sa consence,
Mes que ne fust en sa presence
[Il aurait très bien eu son accord
pour cela,
A condition que ce ne fût pas en sa
présence]
(Roman de Thèbes).
Conservée seulement dans les parlers
régionaux, cette locution traduisait le
mouvement de pensée bien naturel qui
fait dire à La Fontaine :
N’en ayons qu’un, mais qu’il soit bon.
A condition que se constitue au XIVe s.,
pourvu que au XVe, à moins que au XVIIe :
Car que faire en un gîte, à moins que
l’on ne songe ? (La Fontaine).
En cas que, au cas que, en cas où, au cas
où alternent à partir du XIVe s., suivis de
modes divers.
La reprise de si par que, en cas de coordination, est un fait tardif, peu développé
jusqu’au XVIe s.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Au XVIIe s., que vient habiller si d’une
toge cicéronienne :
Que si ce loup t’atteint, casse-lui la
mâchoire (La Fontaine).
3° Relatives conditionnelles.
Quant aux relatives conditionnelles, elles
abondent dès les premiers textes, suivies
du subjonctif ou du conditionnel :
Ki dunc oïst Munjoie demander
De vasselage li poüst remembrer
[Qui les eût entendu crier
« Montjoie ! »
Aurait le souvenir d’une belle
vaillance]
(la Chanson de Roland).
Ces constructions sont latines, ainsi que
l’équivalence qui = si l’on, dont la fortune
fut si grande en ancien et en moyen français, et qui ne mourra vraiment qu’au
milieu du XVIIe s.
La langue n’a écarté aucune des ressources
qui s’offraient pour exprimer la condition, notion logique dont la complexité
apparaît au premier examen ; et dont
les connexions sont déroutantes avec la
cause, le temps, la comparaison (comme
si), la concession (même si), l’opposition, l’exception (excepté si), l’alternative
(selon que... ou que). Le pôle semble être
représenté par la conjonction si, destinée
depuis des millénaires à formuler les lois
permanentes, éventuellement arbitraires,
des phénomènes physiques comme des
activités humaines. L’effort créateur du
français a tendu, au cours des siècles, à
organiser un système temporel et aspectuel efficace pour le monde parallèle des
phénomènes fictifs, auquel ne s’appliquait pas sans distorsions ou ambiguïtés
la partition ternaire imposée au réel.
conditionnant, e [kɔ̃disjɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(part. prés. de conditionner ; XXe s.). Qui
conditionne, détermine quelque chose :
Je ne puis guère, en effet, ne pas donner
l’oubli d’Albertine comme cause sinon
unique, sinon même principale, au moins
comme cause conditionnante et nécessaire,
d’une conversation qu’Andrée eut avec moi
(Proust).
conditionné, e [kɔ̃disjɔne] adj. (part.
passé de conditionner ; début du XIVe s., au
sens I, 1 ; sens I, 2, 1866, Larousse ; sens II,
1, v. 1360, Froissart ; sens II, 2, 1890, Dict.
général ; sens II, 3, milieu du XXe s. ; sens
II, 4, XXe s.).
I. 1. Class. Sujet à des réserves : Je vous
donnerai toujours mes conseils conditionnés, et en vous les donnant, j’entendrai
toujours que vous en serez le juge (Chapelain). ∥ 2. Qui est déterminé à agir
de telle ou telle manière par certaines
circonstances extérieures : Il se ressaisit
[...], il redevint un individu conditionné
par ses aïeux, par son milieu, par ses
intérêts (Barrès). ∥ Réflexe conditionné,
v. RÉFLEXE.
II. 1. Class. Pourvu des qualités requises :
Une amitié si bien conditionnée ne craint
point les injures du temps (Sévigné).
∥ 2. Se dit d’un objet, d’une construction dont la disposition, les divers éléments offrent les avantages qu’on peut
en attendre : Un placard mal conditionné. ∥ 3. Air conditionné, air d’un local
auquel on a donné artificiellement une
température, un degré hygrométrique,
éventuellement une pression déterminés.
∥ Poids conditionné, poids d’une matière
textile contenant son taux normal d’humidité. ∥ 4. Présenté dans un emballage :
Un produit pharmaceutique conditionné.
• SYN. : II, 2 agencé, aménagé, conçu,
disposé.
% conditionné n. m. (1866, Larousse). Fait
déterminé par les circonstances : La relation de la condition au conditionné.
conditionnel, elle [kɔ̃disjɔnɛl] adj.
(bas lat. condicionalis, soumis à certaines conditions, de condicio, condition ;
v. 1361, Oresme, aux sens 1-2). 1. Soumis
à certaines conditions : Je connais des fermiers qui aiment d’amour une terre dont
ils ne sont que les maîtres conditionnels et
surtout temporaires (Duhamel). ∥ 2. Se
dit d’une chose dont la réalisation ou la
validité dépend de certaines conditions :
Promesse conditionnelle. Legs conditionnel.
• SYN. : 2 casuel, contingent. — CONTR. :
2 catégorique, formel, inconditionnel.
% conditionnel adj. et n. m. (milieu du
XVIe s., comme adj., écrit conditional
[conditionnel, 1636, Monet] ; comme n.,
1771, Trévoux). Mode conditionnel, ou
conditionnel n. m., en grammaire, mode du
verbe qui sert à présenter l’action comme
une éventualité ou comme la conséquence
d’un fait supposé, d’une condition. (V. art.
spécial.)
% conditionnelle adj. et n. f. Proposition
conditionnelle, ou conditionnelle n. f., proposition subordonnée conjonctive introduite par si, pourvu que, à moins que, etc.,
et qui exprime une condition ; par extens.,
toute proposition renfermant une idée de
condition : Une relative conditionnelle.
(V. art. spécial à CONDITION.)
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
LE CONDITIONNEL
On appelle conditionnel un ensemble de
formes de la conjugaison française comprenant six formes personnelles simples
(conditionnel présent) et six formes personnelles composées (conditionnel passé) ; soit, pour le verbe aimer :
PRÉSENT
j’aimerais
tu aimerais
il aimerait
nous aimerions
vous aimeriez
ils aimeraient
PASSÉ
j’aurais aimé
tu aurais aimé
il aurait aimé
nous aurions aimé
vous auriez aimé
ils auraient aimé
IMPROPRIÉTÉ DU TERME
Dès 1530, Palsgrave employait le terme
de « conditionnel », mais pour l’appliquer au présent de l’indicatif précédé
de si : sy je parle ; l’ensemble exprimait
bien une condition. Le terme se retrouve
chez Ramus, associé cette fois au nom
« prétérit », et pour désigner les formes
j’aurois eu et j’eusse eu. C’est chez Restaut (Principes généraux et raisonnés de
la grammaire françoise, 1730) que, pour
la première fois, j’aurois et j’aurois eu
sont nettement désignés par les termes
modernes de « conditionnel présent » et
« passé », du reste donnés comme temps
de l’indicatif. Malgré l’opposition de Girard (1747) et de Beauzée (1767), le terme
de « conditionnel », repris par Condillac
(1780) et par Girault-Duvivier (Grammaire des grammaires, 1811), a régné
sans contestation dans l’usage scolaire du
XIXe s. et jusqu’à nos jours.
Comme l’a montré, entre autres, H. Yvon,
à qui sont empruntées ces précisions
historiques (Le français moderne, juill.
1958), on ne pouvait choisir plus mauvaise étiquette, puisque normalement,
en français — et cela depuis les premiers textes —, le conditionnel (comme
le futur) est exclu des propositions de
condition (v. ce mot) ; on ne dit pas : *Si
j’oserais, je le lui demanderais. Les grammairiens entendaient le terme à la façon
de Littré, qui définit le conditionnel :
« celui des modes qui indique que l’action
exprimée par le verbe est soumise à une
condition ». Mais cette conception n’est
pas pertinente, puisque la proposition
principale dont dépend une conditionnelle peut être à n’importe quel temps de
l’indicatif, au subjonctif ou à l’impératif.
Et c’est oublier les nombreux cas où le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
855
conditionnel figure en proposition indépendante, hors de toute condition :
Le couple royal serait attendu au
Bourget ce soir même.
C’est oublier, enfin, les cas où le conditionnel, en proposition subordonnée,
énonce, en référence au passé, un fait
donné comme à venir sans nulle idée de
condition :
Je savais que tu viendrais.
SUBJONCTIF OU CONDITIONNEL ?
Une autre inconséquence de la tradition, perpétuée par quelques manuels,
quoique la nomenclature d’État imposée
par arrêtés ministériels depuis 1910 l’ait
condamnée par le silence, est la dénomination de « conditionnel passé 2e forme »
donnée au plus-que-parfait du subjonctif. Cette assimilation remonte au XVIe s.,
époque où le conditionnel, comme on le
verra, s’appelait ordinairement « optatif » (ou « délibératif »). Ainsi, Meigret
distinguait :
un optatif présent premier : j’aymeroye ; /
un optatif présent second : j’aymasse ;
un optatif prétérit parfait premier : j’auroye aymé ; / un optatif prétérit parfait
second : j’eusse aymé.
On suivait alors l’enseignement des
grammairiens latins, qui définissaient les
modes verbaux par le sens et non par la
forme.
La disparition de l’imparfait du subjonctif irréel, au XVIIe s., fit limiter la notion
de double conditionnel aux formes composées. En 1706, Régnier-Desmarais
plaçait j’eusse eu à côté de j’aurois eu au
mode conditionnel, « sous lequel l’optatif
et le subjonctif sont compris ». En 1811,
Girault-Duvivier donnait comme paradigme de conjugaison du conditionnel
passé :
Si vous aviez voulu,
J’aurois ou j’eusse chanté,
Tu aurois ou tu eusses chanté, etc.
En 1874, la Grammaire de Larive et Fleury adoptait pour j’eusse fait la formule
« seconde forme du conditionnel passé »,
qui a été reproduite jusqu’à nos jours,
malgré l’abandon officiel en 1910.
Plusieurs raisons justifient amplement
cet abandon :
• Le subjonctif plus-que-parfait figure deux fois dans cette phrase de J.
Romains :
S’il eût osé, il eût prié son nouveau
patron de lui consentir une avance.
Dans le français parlé (au moins depuis deux siècles), cette phrase aurait la
forme :
S’il avait osé, il aurait prié, etc.
Le plus-que-parfait du subjonctif assume donc la fonction d’un plus-queparfait de l’indicatif après si, tout aussi
bien que d’un « conditionnel passé », et
la logique voudrait qu’on introduisît ce
temps du subjonctif également dans les
paradigmes de l’indicatif, sous le nom de
« seconde forme de l’indicatif plus-queparfait ». Or, cette complication semble
n’avoir jamais tenté personne : c’était déjà
trop que l’on dût faire figurer deux fois les
mêmes formes (j’eusse aimé, etc.) dans le
tableau de la conjugaison.
• Le conditionnel passé assume le plus
souvent une fonction où le subjonctif ne
peut lui être substitué, celle de « futur antérieur du passé », sur laquelle on reviendra bientôt ; exemple :
Il m’a promis de venir dès qu’il aurait
achevé son travail.
• Inversement, le subjonctif plus-queparfait assume le plus souvent des fonctions où le conditionnel ne peut prendre
sa place, par exemple dans la phrase
suivante :
Il s’étonnait que le docteur ne fût pas
venu.
En admettant — ce qui sera discuté ailleurs (v. SUBJONCTIF) — qu’il n’y ait rien
de commun entre ces fonctions normales
du subjonctif et sa fonction exceptionnelle d’expression de l’irréel, ce n’est
pas une raison pour donner à la forme
unique du type j’eusse aimé deux noms
différents, selon la valeur qu’accuse le
contexte. Il y a là une faute de méthode
que le structuralisme devait mettre en
évidence. Nous allons voir que le même
problème se pose à propos du conditionnel proprement dit.
LE CONDITIONNEL EST-IL UN MODE ?
De tout temps, le conditionnel a présenté
des emplois de deux types.
• Le premier type en fait un homologue
du futur ; soit une phrase comme :
Il sait que nous viendrons.
Si l’on remplace il sait par il savait, il faut
substituer viendrions à viendrons pour
conserver identique le rapport temporel
entre la principale et la subordonnée :
Il savait que nous viendrions.
Ce conditionnel exprime par rapport à
un repère passé ce que le futur exprimait
par rapport à l’instant présent ; il fonctionne là comme un futur du passé (on
dit aussi « imparfait du futur »).
• Le second type d’emplois prend au
contraire pour repère l’instant présent :
Je le ferais encor, si j’avais à le faire
(le Cid).
Rodrigue affirme qu’il tuerait encore le
comte si l’occasion s’en offrait présentement ou dans l’avenir. L’emploi du
conditionnel au lieu de l’indicatif futur
exprime le caractère imaginaire de l’action — et même impossible, irréel en l’occurrence, puisque le comte est déjà mort.
Si l’on admet que le futur appartient au
mode indicatif, comme le présent (ex. : il
sait), il faut nécessairement y classer aussi le conditionnel du premier type, son
homologue par rapport à l’imparfait (il
savait), qu’on classe dans l’indicatif.
Or, nos premiers grammairiens, initiés
par les grammaires latines de Priscien et
Donat, ne trouvèrent dans ces ouvrages
aucune mention d’un tel homologue du
futur, vu qu’il n’en existait pas en latin
classique. Les formes comme aymeroye
n’avaient en latin de précédent que dans
leur seconde valeur, la valeur imaginaire,
fictive, et ce précédent n’était autre que
le subjonctif, appelé en latin optativus,
subjonctivus ou conjonctivus. Le Donat
françois, rédigé par des clercs en 1409,
appelait donc je ferai « futur de l’indicatif », mais ne retenait de je feroye que la
valeur modale, pour en faire l’optativus
(mode de l’action « désirée »). Au XVIe s.,
Sylvius (Jacques Dubois), tout en remarquant la ressemblance formelle entre les
formes prononcées -rè et -roè, classait la
première dans l’indicatif et la seconde
dans l’ « optatif » (1532). Cette séparation
fut discutée au XVIIe et au XVIIIe s., où des
grammairiens comme Restaut (v. ci-dessus) et Buffier rangeaient ferais comme
ferai dans l’indicatif ; mais elle fut généralement admise au XIXe s.
Au XXe s., tout en donnant le conditionnel pour un « mode » autonome, conformément à la nomenclature imposée dans
les classes, la plupart des auteurs ont eu
soin de distinguer, sur le plan du sens, un
« conditionnel-temps » et un « conditionnelmode ». F. Brunot le fait nettement
dans la Pensée et la langue (1922) : « Les
formes leur sont communes, mais tandis
que le futur dans le passé a un sens strictement temporel, le conditionnel a un
sens modal » (p. 755). Malheureusement,
ces formulations, prises à la lettre, sont
encore inconséquentes, puisque opposer
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« temps » et « mode » est opposer deux
notions non comparables : tout temps appartient à un mode, tout mode comporte
un ou plusieurs temps. Il serait donc plus
juste de dire que le conditionnel peut
avoir deux valeurs, différant à la fois par
le mode et par le temps.
La logique oblige encore à rejeter le terme
de « conditionnel », qui ne convient qu’à
la valeur « imaginaire », ou à le doubler
d’un terme propre à la valeur « future ».
On a dit plus haut quel encombrement
risque d’entraîner le principe de semblables scissions dans les tableaux de
paradigmes ; il compliquerait également
l’énoncé des règles et les exercices d’analyse. Il vaut sans doute mieux désigner
cet ensemble polyvalent de formes par un
terme neutre : c’est ce qu’a fait R. L. Wagner en l’appelant « forme en -rais » dans
sa thèse sur les systèmes hypothétiques
(v. CONDITION). Il faut ensuite identifier
les signifiés de cet unique signifiant, et
se demander s’ils sont réductibles les uns
aux autres, ou s’ils sont les valeurs dérivées que prend un signifié fondamental
unique en fonction du contexte.
On lira plus loin un inventaire détaillé
des emplois. Certains s’expliquent par
d’autres : par exemple, la valeur d’atténuation d’un ordre découle de la valeur
« imaginaire ». On en arrive, de réduction
en réduction, aux deux types d’emplois irréductibles définis ci-dessus, c’est-à-dire
au dilemme : « futur du passé » ou « présent-futur imaginaire ». De l’un à l’autre,
il est possible de supposer une filiation
diachronique — on en discutera plus loin
—, mais de pareilles conjectures, qu’elles
soient bien ou mal fondées, ne sont pas à
considérer dans l’optique d’une description structurale de la langue moderne :
si le lien de sens n’est plus compris sans
recours à l’histoire, c’est qu’on est en présence de deux formes homonymes.
La forme en -rais a donné prétexte à d’infinies controverses touchant le problème
de l’ « homonymie » : celle-ci est-elle possible dans le domaine de la morphologie
comme dans celui du lexique ? Les linguistes qui en doutent, comme Gustave
Guillaume, ont supposé des éléments
sémantiques très abstraits, inaccessibles
à la conscience, communs aux ensembles
d’emplois apparemment disjoints. Ainsi
les deux valeurs de la forme en -rais se
rejoindraient — dans notre subconscient
— par un élément « décadence », réalisé,
selon le contexte, soit dans l’ordre de la
chronologie (futur du passé), soit dans
l’ordre de la probabilité (valeur « imaginaire »). En face du « futur catégorique »
(je ferai), la forme en -rais serait donc
le « futur hypothétique » (du grec hupo,
« au-dessous de »).
Qu’on accepte cette explication, ou qu’on
la suspecte comme indémontrable, il ne
reste pas moins à résoudre le problème
du « mode ». L’opposition ferai/ferais
paraît dans certains cas purement temporelle, dans d’autres purement modale.
Les tableaux de conjugaison devront-ils
présenter deux fois les formes simples
et composées en -rais, la première fois
comme un sous-ensemble temporel de
l’indicatif, la seconde comme un mode
intégral ? On rejoint le problème métho-
dologique posé plus haut à propos du
subjonctif plus-que-parfait, et que soulèvent aussi l’imparfait et le plus-queparfait de l’indicatif — lesquels, après si,
changent de valeur temporelle et modale
à la fois —, ainsi que le futur et le futur
antérieur — lesquels peuvent prendre,
avec une valeur de présent ou de passé,
une nuance de probabilité :
Je me serai trompé de manteau (=
Je me suis probablement trompé de
manteau).
Où s’arrêtera-t-on ? La voie n’est pas celle
de l’économie.
Pratiquement, les grammairiens ont toujours fait un choix dans cette alternative,
les uns optant pour le « mode conditionnel », les autres pour l’indicatif — les
moins nombreux. Cette dernière solution
paraît pourtant la meilleure, car le conditionnel, quel que soit son sens, apparaît
dans les mêmes contextes que l’indicatif,
avec lequel il peut entrer en opposition :
Je suis sûr qu’il refusera (je l’invite
cependant).
Je suis sûr qu’il refuserait (je ne
l’invite pas).
Si la même proposition complétive dépend d’un verbe régissant le subjonctif, la nuance d’irréel ne peut être rendue, parce que le conditionnel n’est pas
commutable avec le subjonctif ; on dit
obligatoirement :
Je crains qu’il ne refuse (et non
*refuserait).
Le français classique pouvait maintenir
l’opposition, mais il remplaçait alors le
conditionnel par l’imparfait du subjonctif, qu’on appelle en pareil cas le « conditionnel du subjonctif » :
Je crains qu’il ne refusât (si je
l’invitais).
Il faut comprendre ainsi ce subjonctif de
Phèdre :
Quoi qu’ils fissent pour moi, leur
funeste bonté
Ne me sauroit payer de ce qu’ils m’ont
ôté.
La langue moderne a perdu, avec l’imparfait du subjonctif, la possibilité d’exprimer de telles nuances. Si, par ailleurs,
le conditionnel y apparaît quelquefois
dans un contexte où le subjonctif serait
possible, il s’agit toujours de cas où l’indicatif peut aussi se présenter :
Rien ne prouve qu’un cessez-le-feu
pourrait être suivi intégralement par
les rebelles (Paris-Match, 1960).
En définitive, il y aurait tout avantage à
reclasser le conditionnel parmi les temps
de l’indicatif, dont il partage les conditions contextuelles d’emploi. L’expression
du caractère imaginaire d’un fait énoncé
pourrait faire l’objet d’un chapitre de
grammaire rapprochant l’étude de diverses formes empruntées aux modes
indicatif (je ferais ; si je faisais) et subjonctif (j’eusse fait). Le groupement de
certaines formes verbales en modes n’a
pas de meilleure justification qu’une plus
grande commodité offerte à l’exploration
et à la description des procédés d’expression morphologique.
Comment appeler le conditionnel ainsi
intégré à l’indicatif ? Damourette et Pichon, qui nomment l’imparfait de l’indicatif « toncal pur » (temps référant à un
moment passé, d’après l’adverbe latin
tunc, « alors »), appellent « toncal futur »
le conditionnel. Sans bouleverser à ce
point la terminologie, on pourrait dire
« futur second ». Ce terme a le défaut
de convenir à une partie seulement des
emplois de la forme en -rais, mais n’en
est-il pas de même pour plusieurs autres
temps aptes à prendre plusieurs valeurs
temporelles ? Le présent garde son nom
de « présent » quand il exprime un fait
passé (présent de narration).
INVENTAIRE DES EMPLOIS
I. FUTUR DU PASSÉ
La valeur de « futur du passé » a besoin,
sous peine d’ambiguïté, d’une référence
temporelle très claire, laquelle est donnée
le plus souvent dans les conditions d’un
« discours indirect » régi par un verbe
de déclaration ou de pensée à un temps
passé :
Il déclara qu’il ne se battrait pas
(Flaubert).
Dans cette phrase, le conditionnel transpose en référence à déclara ce qui serait
dit au futur dans le « discours direct » :
Il déclara : « Je ne me battrai pas ».
Le conditionnel passé exprime le plus
souvent l’aspect antérieur correspondant
(futur antérieur du passé) ; il transpose
un futur antérieur du discours direct :
Ils promirent de venir se chauffer les
pieds aussitôt qu’ils auraient changé
d’habits (M. Aymé).
Comme on le voit par ces deux exemples,
le futur ou le futur antérieur du passé
peut apparaître soit dans une proposition
« complétive », soit dans une proposition
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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circonstancielle dépendant d’une complétive. Rien n’interdit son emploi en
proposition relative :
Elle savait qu’Hélène et Françoise
appartenaient à un monde où ne
pénétrerait jamais cette petite Denise
Herpain (A. Maurois).
La même valeur peut apparaître en proposition indépendante lorsque l’ancrage
en un point du passé est évident, ce qui se
produit dans les conditions du discours
« indirect libre » :
Personne ne trouva plus rien à dire.
Alors on se félicita de part et d’autre
sans raisons. On continuerait, espérait-on des deux côtés, ces excellentes
relations (Maupassant).
Elle partirait d’Yonville. Rodolphe
aurait retenu les places (Flaubert).
Un linguiste suédois, H. Nilsson-Ehle
(Studia neophilologica, n° 16, 1943), a distingué de ces emplois du conditionnel,
qu’il appelle « subjectifs » parce qu’ils
épousent le point de vue du sujet du verbe
recteur exprimé ou sous-entendu, un emploi « objectif », dont la référence doit être
cherchée dans la pensée de l’écrivain :
Dans la boîte étroite où, vers minuit,
piétineraient les couples, ronflait,
comme une grosse mouche, un ventilateur (F. Mauriac).
Néel emportait ailleurs qu’à la tête
une blessure dont il ne guérirait pas
(Barbey d’Aurevilly).
On a beaucoup discuté sur la légitimité
de ces emplois. Dans de tels contextes, le
conditionnel est concurrencé par deux
tours :
— le passé simple, plus nettement « objectif » parce qu’il prend pour point de
référence le moment où écrit l’auteur :
Néel emportait une blessure dont il ne
guérit pas ;
— la périphrase devoir (à l’imparfait)
+ INFINITIF, qui nous ramène curieusement aux origines de la forme en -rais
(comme on le verra bientôt) :
C’était une nuit orageuse et sombre,
de gros nuages couraient au ciel, voilant la clarté des étoiles ; la lune
ne devait se lever qu’à minuit
(A. Dumas père).
Vraisemblablement, cette périphrase est
préférée à la forme en -rais parce qu’elle
exclut la valeur « imaginaire », que le
conditionnel présente le plus souvent
quand son point de référence est le moment présent. L’ambiguïté du conditionnel, en cas de double repérage possible,
est la raison la plus probable pour laquelle le français évite la valeur de « futur
du passé » en dehors des cas évidents de
discours indirect.
II. VALEUR " IRRÉELLE "
Appelons ainsi, pour user d’un terme
traditionnel, ce que l’on a désigné plus
haut par des épithètes comme « imaginaire », « fictive », « improbable » ;
en réalité, ces adjectifs expriment des
nuances qui ressortent uniquement du
contexte, et l’on peut dire que l’ensemble
des emplois groupés ci-après se caractérise par la nuance « irréelle » : l’action est
située dans un monde de rêve parallèle
au réel, mais qui n’est pas donné pour tel.
Des grammairiens ont souvent attaqué
cette conception en disant que l’action,
dans tel exemple, peut pratiquement se
produire :
Si je le rencontrais, je le lui
demanderais.
S’appuyer sur de tels cas pour nier la
nuance irréelle donnée à l’expression de
l’hypothèse, c’est n’en pas comprendre la
valeur « métaphorique » ; il serait aussi
faux de dire que cent n’est pas un nom de
nombre précis, sous prétexte qu’on l’emploie souvent pour évoquer un ensemble
d’éléments dont le nombre est plus ou
moins éloigné de 100 : Je te l’ai dit cent
fois !
Le conditionnel irréel apparaît, lié à une
condition, dans les propositions principales des « systèmes hypothétiques »
(v. au mot CONDITION) :
Mais s’il avait fait cela, que diriezvous ? (Balzac).
La condition peut être exprimée dans
une proposition relative, qui est alors au
conditionnel :
Celui qui verrait le lien caché de
toutes ces choses serait un peu plus
qu’un ange (L. Bloy).
Le conditionnel passé situe ordinairement le fait irréel dans le passé (il s’oppose alors à la forme simple par le temps
plutôt que par l’aspect) :
S’il avait fait cela, qu’ auriez-vous
dit ?
La condition peut n’être exprimée que
par un mot, ou un groupe de mots non
propositionnel :
Si possible, je voudrais une table
pour moi seule (Cl. Farrère).
Sans toi, j’aurais été écrasé.
Mais le conditionnel est usité au sens
irréel dans bien des cas où aucune condition n’est exprimée ni vraisemblablement
sous-entendue.
• Conditionnel du rêve :
Je rêve un soir de charme grave. Les
vallons
Seraient bleus sous le noir-violet des
collines ;
Des ramiers reviendraient vers les
sourdes glycines... (Émile Despax).
Ne séparons pas de cet emploi le conditionnel préludique :
Vois-tu, ma soeur, jouons avec [le
chat]. Ce serait ma petite fille. Je
serais une dame. Je viendrais te voir
et tu la regarderais... (V. Hugo).
• Conditionnel atténuant l’expression
d’une volonté, d’un conseil :
Voudriez-vous fermer la fenêtre ?
Vous devriez consulter un médecin.
• Conditionnel de l’exclamation
indignée :
Quoi ! je pourrais trahir le Dieu que
j’aime ! (Racine).
• Conditionnel nuançant de doute une
question :
Seriez-vous devenu psychologue,
lieutenant ? (E. Triolet).
•Conditionnel de l’affirmation sans
garantie :
L’armée d’Abdullah aurait occupé
Jéricho (journal du 27 avril 1948 ;
affirmation démentie le lendemain).
• Conditionnel des verbes dire et croire,
exprimant l’apparence :
Quelle mauvaise mine ! On dirait
qu’il n’a pas dormi.
On se serait cru en pleine mer
(Daudet).
III. EMPLOIS AMBIGUS
Certains linguistes convaincus de l’unité
sémantique des valeurs du conditionnel
pensent observer les deux valeurs à la fois
dans une quantité de phrases, qui constitueraient le trait d’union :
Elle fit le serment que, si jamais, elle
épousait Edmond Holmann, elle lui
serait fidèle jusqu’à la mort
(A. Maurois).
On peut en effet se demander si la réalité fut conforme à l’intention, et même
si le mariage eut lieu. Pourtant, rien ne
marque, ni ne peut marquer, dans un
tel contexte, une nuance d’irréalité. La
femme dont il est question a pu dire :
— soit : Si jamais je l’épouse, je lui serai
fidèle ;
— soit : Si jamais je l’épousais, je lui serais fidèle.
La différence modale que l’on sent entre
ces deux phrases (hypothèse acceptée,
hypothèse écartée) se neutralise quand le
propos est rapporté au passé.
HISTORIQUE
Il est admis que le conditionnel français
remonte à l’imparfait de la périphrase
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qui a donné le futur dans les langues
romanes, à l’exception du roumain (v.
FUTUR) ; l’infinitif y était donc suivi de
l’indicatif imparfait du verbe habere :
Le verbe habeo, devenu auxiliaire dans
cet emploi, a subi une évolution phonétique particulière. Le second b y a disparu
par dissimilation, le premier étant maintenu pour la conservation du radical.
Après quoi, la syllabe initiale inaccentuée
hab- s’est effacée par une haplologie semblable à celle qui l’a fait disparaître aux
1re et 2e personnes du futur : ainsi le verbe
devenait-il un pur morphème.
Les désinences ont évolué comme celles
de l’imparfait (v. ce mot).
La genèse des sens a été étudiée par Ph.
Thielmann, dans un article de 1885,
auquel les travaux ultérieurs ont ajouté
peu de chose. Les documents sont moins
nombreux pour le conditionnel que pour
le futur. Il semble qu’il faille partir d’une
valeur d’obligation que prit habere au
IIIe s. après J.-C.
On ne trouve pas dans l’étymologie
même une raison de penser que l’un des
deux sens du conditionnel distingués
plus haut ait été antérieur à l’autre. Rien
n’empêche, en principe, qu’habere, selon
qu’il exprimait une obligation morale
ou une nécessité logique, ait fonctionné
comme auxiliaire de temps ou comme
auxiliaire de mode, de la même manière
que le verbe devoir en français moderne ;
comparer :
Jean doit venir (= viendra) à 4 heures.
Il doit être (= il est probablement)
4 heures.
Les documents anciens ne sont pas décisifs : la périphrase y apparaît dans des
systèmes hypothétiques, dont on trouvera l’analyse à l’article CONDITION (§
Historique). Du commentaire qu’on lira
là, il ressort que les deux valeurs, futur du
passé et irréel, peuvent être reconnues,
selon le repère qu’on choisit, dans les plus
anciens exemples de la périphrase latine
comme dans le premier conditionnel
français, le sostendreiet de la Cantilène de
sainte Eulalie (IXe s.), figurant en proposition principale.
Pourtant, la parenté de chantereie avec
le futur chanterai interdit de penser que
la valeur « temporelle », du moins, ne
soit pas primitive, et l’ambiguïté même
observée dans ces phrases à double repérage possible fait imaginer une filiation
très vraisemblable de la valeur d’irréel à
partir de la valeur future.
A côté de tels cas, l’ancien français offre
maint exemple d’une pure valeur de futur
du passé, après un verbe de déclaration
ou de pensée :
Cil distrent ke il le tueroient
(Wace, Rou),
ou de volonté :
Puis comanda et establi que li mostier
refait seroient
(Brut).
Ailleurs, la nuance « imaginaire » d’une
action future est exprimée dans un
contexte excluant tout repère passé :
Chi purreit faire que Rollant i fust
mort,
Dunc perdreit Carles le destre braz
del cors
(la Chanson de Roland).
Dès la Chanson de Roland apparaissent
d’autres nuances modales, non liées à une
condition :
Si vunt ferir, que fereient il el ?
[Ils vont frapper ; que feraient-ils
d’autre ?]
Le conditionnel passé, apparu dès le
XIIe s., ne présenta longtemps qu’une valeur aspectuelle, à repère souvent futur :
Ha ! Qui or le porroit tenir
E bien batre a la retornée
Moult aroit fet bone jornée
(le Miracle de Théophile).
Une valeur nette d’irréel du passé n’apparaît qu’exceptionnellement avant le
milieu du XIVe s., et rarement jusqu’au
XVIIe. Les exemples qu’on relève figurent
dans des contextes généralement non
« conditionnels » :
Je ne sçai si l’on auroit point faict
oultrage à ses fouaciers
(Rabelais, Gargantua).
On a dit à l’article CONDITION comment
l’usage moderne acheva de s’établir au
XVIIe s.
A considérer l’ensemble de cette étude
théorique et historique, on ne peut manquer d’être frappé par le sort différent des
deux périphrases jumelles qui ont abouti
à chanterai et chanterais. La première
a occupé le lit d’un temps latin en voie
de tarissement, le futur, et n’en a jamais
débordé. La seconde a dû creuser son
propre lit parallèlement au futur, tout en
dérivant une partie de ses eaux dans un
bras du subjonctif, lequel en fut évincé en
plus de dix siècles. Par là était apportée
une modification capitale à l’équilibre du
système verbal roman.
conditionnellement [kɔ̃disjɔnɛlmɑ̃]
adv. (de conditionnel ; v. 1361, Oresme). Sous
condition : Accepter conditionnellement.
conditionnement [kɔ̃disjɔnmɑ̃] n. m.
(de conditionner ; 1845, Bescherelle, au sens
I ; sens II, XXe s.).
I. Action de conditionner, de préparer
selon certaines conditions, certaines
normes. ∥ Conditionnement des soies,
des laines, des cotons, etc., série d’opérations destinées à déterminer le degré
d’humidité de ces matières et à calculer leur poids conditionné ; par extens.,
établissement où l’on exécute ces opérations. ∥ Conditionnement des grains, des
fruits, des oeufs, etc., traitements divers
qu’on fait subir à ces produits en vue de
leur assurer les meilleures conditions
de conservation. ∥ Conditionnement de
l’air, procédé ayant pour objet de maintenir l’atmosphère d’un local dans des
conditions d’humidité, de température,
de pression indépendantes de l’extérieur.
∥ Conditionnement des marchandises,
emballage de certains produits en vue de
leur présentation et de leur conservation :
Le conditionnement des spécialités pharmaceutiques. Il regarda, par la fenêtre, le
trottoir sur lequel se hâtaient les derniers
ouvriers et les dernières dames du service
de conditionnement (Duhamel).
II. Établissement, chez l’homme ou chez
l’animal, d’un comportement nouveau au
moyen de réflexes conditionnés.
conditionner [kɔ̃disjɔne] v. tr. (de condition ; v. 1265, J. de Meung, au sens de « placer dans certaines conditions » ; sens I, 1,
début du XVIe s. ; sens I, 2, 1932, Acad. ;
sens II, 1, 1690, Furetière ; sens II, 2, 1845,
Bescherelle [pour la soie] ; sens II, 3, XXe s.).
I.1.Subordonner à une ou à plusieurs
conditions ; être la condition de : La décision que je dois prendre est conditionnée
par une foule de choses. ∥ 2. Déterminer la manière d’agir, le comportement
d’une personne, en parlant des circonstances, des événements : Que d’éléments
étrangers à l’amour conditionnèrent mes
amours ! (Vailland).
II. 1. Disposer, arranger les divers éléments d’un tout en vue de satisfaire à
un usage ou en fonction d’un certain
plan : Des maisons épouvantables [...],
conditionnées à l’art nouveau (France).
∥2.Spécialem. Conditionner les textiles, les soumettre aux opérations du
conditionnement. ∥ Conditionner l’air,
v. CONDITIONNÉ (air). ∥ 3. Emballer
une marchandise en vue de sa présentation commerciale : Conditionner de la
confiserie.
conditionneur, euse [kɔ̃disjɔnoer,
-øz] n. (de conditionner ; 1929, Larousse
[pour un appareil]). Personne employée
au conditionnement des marchandises :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Il s’immobilisait à la fenêtre, oubliant ses
fourneaux, pour contempler, au fond de la
cour, l’atelier où grouillaient les conditionneuses (Duhamel).
% conditionneur n. m. 1. Appareil au
moyen duquel on effectue le conditionnement des grains, des fruits, des oeufs.
∥ 2. Appareil de conditionnement climatique placé dans un local ou dans une de
ses parois.
condoléance [kɔ̃dɔleɑ̃s] n. f. (de l’anc.
v. condoloir, s’affliger avec [XIIIe s.], lat.
condolere [de cum, avec, et dolere, souffrir], avec influence de doléance ; v. 1460,
Chastellain). Expression de la part qu’on
prend à la douleur d’autrui : Après l’inhumation, M. Fellaire reçut les compliments de
condoléance des assistants (France). ∥ Auj.,
s’emploie surtout au pluriel : Présenter ses
condoléances.
condoléant, e [kɔ̃dɔleɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de
condoléance ; 1782, Gohin). 1. Qui s’afflige
avec autrui, lui présente des condoléances
(rare) : Je me retirai sans réclamer même
le traitement qui m’était dû, sans recevoir
ni une faveur ni une obole de la Cour ;
je fermai ma porte à quiconque m’avait
trahi ; je refusai la foule condoléante et je
pris les armes (Chateaubriand). ∥ 2. Qui
marque l’affliction (rare) : La mine sévère
et condoléante du monsieur qui découvre
une ignorance (Renard).
condominium [kɔ̃dɔminjɔm] n. m. (mot
angl., repris au lat. diplomatique, de cum,
avec, et dominium, droit de propriété ; 1866,
Larousse). Droit de souveraineté exercé en
commun par plusieurs puissances sur un
pays : Le condominium franco-britannique
des Nouvelles-Hébrides.
condor [kɔ̃dɔr] n. m. (mot esp., du quechua cuntur ; 1598, Acosta). Grand vautour
des Andes, au plumage noir et blanc, dont
la tête et le cou sont nus et rouge sombre :
Les condors dont le vol est comme un jet de
flamme (Banville).
condottiere [kɔ̃dɔtjɛr] n. m. (mot ital.,
de condotta, engagement, groupe de soldats loués, part. passé fém. substantivé
de condurre, lat. conducere, louer ; 1770,
Raynal, au sens 1 ; sens 2, 1842, Acad. ; sens
3, 1845, Balzac). 1. En Italie, au Moyen Âge
et à l’époque de la Renaissance, chef de
partisans ou de soldats mercenaires : Le
condottiere du Quattrocento (Rolland).
∥ 2. Par extens. Soldat de fortune, aventurier, brave et sans trop de scrupules :
Routiers, condottieri, vendus, prostitués
(Hugo). ∥ 3. Fig. et littér. Aventurier sans
scrupule : L’un de ces condottieri de la commandite (Balzac).
• Pl. des CONDOTTIERI.
conductance [kɔ̃dyktɑ̃s] n. f. (de
conduction, d’après résistance ; 1893,
d’après Robert, 1953). En électricité, inverse
de la résistance.
conducteur, trice [kɔ̃dyktoer, -tris] n.
(doublet de l’anc. franç. conduiteur, celui
qui conduit, lat. conductor, entrepreneur,
locataire, de conductum, supin de conducere, conduire, louer ; début du XIIIe s., Sept
Sages de Rome, au sens 3 [en politique, 1690,
Furetière] ; sens 1, milieu du XVIe s., Amyot ;
sens 2, av. 1453, Monstrelet). 1. Personne qui
conduit, dirige un véhicule, des animaux :
Je refuserai ma lumière aux conducteurs de
chariots qui portent des vivres aux Romains
(France). Conducteur d’une barque, d’une
voiture, d’une locomotive. Conducteur de
caravane, de troupeau. ∥ Spécialem. et vx.
Jadis, employé chargé des rapports avec
les voyageurs dans une voiture publique :
Un omnibus est une grosse voiture dans
laquelle peuvent tenir une trentaine de
personnes, y compris un postillon et un
conducteur (Daudet). ∥ 2. Personne qui
dirige la marche de quelque chose : Un
conducteur de machine. ∥ Conducteur de
presse, dans l’imprimerie et dans la fabrication du papier, ouvrier chargé de mettre
en train une presse mécanique et d’en surveiller le fonctionnement. ∥ Conducteur de
travaux, agent qui, sur un chantier, dirige
l’exécution des travaux et surveille le personnel. ∥ 3. Fig. Celui qui dirige, guide,
gouverne : Un conducteur de peuples. Si
nous en croyons ce paisible conducteur de
nos âmes, on ne peut échapper à la bonté
divine (France).
% adj. (1835, Acad.). 1. Qui conduit, dirige
le mouvement, la marche de quelqu’un ou
de quelque chose : Ces pas rythmés sous
la main conductrice du maître (Bourget).
Le fil conducteur donné par Ariane à
Thésée. ∥ 2. Fig. Sur quoi on se règle pour
se conduire : Principe conducteur. ∥ Fil
conducteur, hypothèse, principe qui guide
une recherche.
% adj. et n. m. (sens 1, 1771, Trévoux ; sens
2, 1835, Acad.). 1. Corps conducteur, ou
conducteur n. m., corps susceptible de
transmettre la chaleur ou l’électricité : Les
métaux sont bons conducteurs de la chaleur.
∥ Fil conducteur, ou conducteur n. m., câble
métallique entouré d’une gaine isolante,
qui sert à la transmission du courant électrique. ∥ 2. Par extens. Se dit d’un corps
ou d’un milieu servant à la transmission
d’un fluide ou d’une action : Le nerf est
conducteur, comme l’air qui transmet les
oscillations d’une corde vibrante, comme
le fil de fer qui transmet l’action électrique
(Taine).
conductibilité [kɔ̃dyktibilite] n. f. (dér.
savant du lat. conductus, part. passé de
conducere, conduire ; 1811, Mozin, au sens
1 ; sens 2, XXe s.). 1. Propriété que possèdent
les corps ou les milieux de transmettre la
chaleur, l’électricité ou certaines vibrations : L’air possédait une conductibilité particulière (Martin du Gard). ∥ 2. Propriété
qu’a le nerf de propager l’influx nerveux.
conductible [kɔ̃dyktibl] adj. (dér. savant
du lat. conductus, part. passé de conducere,
conduire ; 1832, Raymond). Qui possède
la propriété de transmettre la chaleur ou
l’électricité : Un corps conductible.
conductif, ive [kɔ̃dyktif, -iv] adj. (dér.
savant du lat. conductus [v. CONDUCTIBLE] ;
XXe s.). Se di