La crise du subprime

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La crise du subprime
La crise du subprime
Inform – informations générales pour les
investisseurs institutionnels
4e trimestre 2007
Swisscanto – le centre de compétence
des Banques Cantonales
En tant que prestataire de services spécialisé des Banques
Cantonales, Swisscanto se concentre sur le développement et la distribution de produits de placement et de prévoyance de haute qualité destinés aux clients privés,
aux entreprises et aux institutionnels :
•fonds de placement pour les investisseurs privés et
­institutionnels
•produits de la prévoyance liée et de la prévoyance ­
libre du 3e pilier
•solutions de prévoyance du 2e pilier des Fondations
­collectives et de libre passage
•conseil et gestion de caisses de pension
•fortunes collectives des Fondations de placement
•mandats de gestion de fortune pour les investisseurs
­institutionnels
En Suisse, Swisscanto est un des principaux distributeurs
de fonds et gérants de fortune. Swisscanto se positionne
au deuxième rang des fondations de placement suisses.
La Fondation collective Swisscanto est l’un des premiers
fournisseurs de services de prévoyance pour le personnel
et, à ce titre, la plus importante fondation collective de
banques en Suisse.
www.swisscanto.ch
La crise du subprime
L’année dernière, des nouvelles incroyables du marché américain des hypothèques de l’immobilier d’habitation nous
sont parvenues :
• dans un district californien proche de Santa Barbara, il y
avait plus d‘agences immobilières de prêts hypothécaires
que de maisons à vendre.
• Les prêteurs hypothécaires accordaient des financements
intégraux pour des clients NINJA (No Income, No Job
nor Asset) qui n’avaient ni revenu, ni travail, ni moyens
financiers. En d’autres termes, aucune vérification de solvabilité n’était effectuée.
• Le site Internet www.verifyemployment.net propose (toujours encore) des crédits : « L’entreprise vous présente
comme un fournisseur indépendant travaillant pour notre
entreprise qui semble digne de crédit sur la base du
contrôle des revenus. » Concrètement, cela signifie que
de faux bulletins de salaire sont fournis, bulletins qui
peuvent être présentés à une banque pour obtenir un
crédit.
Mais prenons premièrement un peu de distance : le
marché immobilier américain a des dimensions gigantesques. Il comprend des crédits hypothécaires pour une
valeur minimale de USD 10 billions dont pas moins de
USD 1,3 billion ou 15% du marché global appartiennent
à l’univers subprime. Pour un montant de crédit moyen
de USD 250 000 se trouvent actuellement aux Etats-Unis
quelque 7 millions de crédits subprime ouverts.
Qu’est-ce qu’un crédit subprime ?
Les crédits subprime sont des prêts hypothécaires
octroyés à des emprunteurs avec un mauvais historique
de solvabilité ou à des particuliers possédant un revenu
ou une fortune peu importants (jadis, les rembour­
sements ne débutaient par exemple qu’après 60 jours,
une hypothèque était résiliée ou l’insolvabilité était
déclarée). De tels risques sont évalués sur la base d’un
score de risque FICO devant obtenir un résultat de
moins de 620 points sur une échelle de 300 à 850
points.
Ce nombre est toutefois trompeur quant au volume des
affaires dans le segment du subprime. Au cours des cinq
dernières années, le nombre des crédits hypothécaires
subprime est passé de 7 à 24% (2006) des crédits hypothécaires nouvellement octroyés. Les courtiers hypothé-
Graphique 1 : augmentation du nombre d’hypothèques
subprime aux Etats-Unis
30%
700
25%
600
500
20%
400
15%
300
10%
200
5%
100
0%
0
2002
2003
2004
2005
2006
Crédits subprime en cours en % des crédits à recouvrer
Nouveaux crédits subprime octroyés en % des crédits nouvellement octroyés
Crédits subprime octroyés (en mia $, échelle de droite)
caires et les banques se sont efforcés (ou ont été forcés ?)
d’octroyer des prêts à des emprunteurs même s’ils présentaient une faible solvabilité afin de maintenir la croissance
des bénéfices.
Généralement, de tels prêts ont un taux de prêt (Loan to
Value, LTV : rapport entre le montant du crédit bancaire
et la valeur de l’immeuble) de 90 à 100%. Certains de
ces prêts, appelés crédits piggyback (voir explication cidessous), ont été octroyés à des personnes qui amortissent
leurs dettes avec 40 à 45% de leur revenu en moyenne.
En d’autres termes, ces crédits ont été octroyés à des personnes qui n’ont pu apporter de capital propre pour leur
bien immobilier et qui doivent consacrer presque la moitié
de leur revenu net pour rembourser le crédit.
Qu’est-ce qu‘un crédit piggyback ?
Les crédits piggyback se composent d’un crédit hypothécaire de premier rang (jusqu’à 80% de la valeur de
l’immeuble) et d’un prêt hypothécaire de deuxième
rang pour les 20% restants.
Dans plus de 80% des cas, les banques ont proposé des
hypothèques à taux variable, généralement des « crédits
2/28 » dans le marché hypothécaire du subprime. Il s’agit
de prêts avec des taux d’intérêts attractifs (Libor +1%) qui
s’adaptent aux taux actuels du marché après 18 mois et tout
au long des 28 années qui suivent (Libor +6%).
Que sont des hypothèques à taux variable ?
Les prêts hypothécaires à taux variable sont des crédits
hypothécaires dont le taux est adapté à un indice
(Libor, bons du trésor américain) à intervalles réguliers.
Certaines variantes de ces crédits sont très appréciées,
par exemple le hybrid ARM dont le taux est fixe sur une
certaine durée puis devient variable ou le option ARM
dont le taux initial est très faible (taux attractif), donc
avec des remboursements extrêmement bas. Il permet
aux emprunteurs peu solvables de souscrire des crédits
beaucoup plus importants qu‘en cas normal.
Graphique 2 : évolution en % des prix du marché
immobilier américain en comparaison annuelle
20%
20%
15%
15%
10%
10%
5%
5%
0%
0%
–5%
–5%
–10%
–10%
2000
Les taux d’intérêt de la plupart des crédits 2/28 grimpent
rapidement une fois les deux premières années écoulées,
même si les taux du marché monétaire restent inchangés
durant cette période. Le crédit à taux attractif que l’emprunteur peut obtenir en début de période ne pourra plus,
dans certaines circonstances, être honoré après l’adaptation du taux. Si entre-temps l’immeuble a pris de la valeur,
il n’y a pas de problème car l’emprunteur peut, au besoin,
convertir son emprunt en un nouveau crédit 2/28. Les emprunteurs qui ne disposent pas d’assez de capitaux propres pour un refinancement doivent immédiatement verser
des remboursements plus élevés pour le crédit en cours
et parfois, ils n’y arrivent plus. Le problème est que de nombreuses personnes ont pris leur décision d’achat ou de
refinancement en se basant sur l’hypothèse que la valeur
de leur immeuble allait augmenter comme ce fut le cas
pendant de nombreuses années. Depuis fin 2005, les modifications moyennes des prix immobiliers régressent. Les
prix de l’immobilier d’habitation stagnent et ne peuvent plus
aider les emprunteurs subprime.
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Lorsque l’augmentation de valeur a commencé à stagner,
la capacité des emprunteurs à honorer leur prêt s’est
nettement réduite. La situation a encore empiré dans la
mesure où le remboursement correspondait déjà à 40
ou 50% de leur revenu net. Pour corser le tout, le nombre
de crédits pas ou peu vérifiés est passé de 18% en 2001
à 49% en 2006 selon des données relatives à l’évolution
des crédits. Environ un crédit subprime sur deux octroyé
en 2006 (montant total de USD 640 milliards) a été
accordé aveuglément.
Tous ces éléments se sont fortement répercutés sur les liquidités des ménages, d’autant plus que les consommateurs
américains ont misé plus que jamais sur les crédits. Entretemps, le rapport de l’endettement global des ménages
par rapport au revenu disponible a atteint la proportion
vertigineuse de 136%. Encore plus inquiétant : la forte
hausse de 36% enregistrée depuis 2001, autant que pour
les 30 années précédentes.
Graphique 3 : rapport entre les engagements financiers des
ménages et leurs revenus mensuels
140%
140%
130%
130%
120%
120%
110%
110%
100%
90%
80%
80%
70%
70%
60%
Graphique 5 : mises en chantier de maisons individuelles
par rapport au nombre mensuel de maisons individuelles
invendues
en mio d’unités
10
en mio d’unités
2,4
2,2
9
2,0
8
100%
1,8
7
90%
1,6
6
1,4
5
60%
1,2
4
50%
1,0
50%
71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05
3
1999
2001
2002
2003
2004
Mises en chantier (échelle de gauche)
La catastrophe était inévitable : prix immobiliers trop élevés, dépendance accrue des fournisseurs de crédit envers
les produits à marge élevée comme ceux vendus aux
emprunteurs subprime, taux d’endettement élevés, faibles
vérifications et ajustement de crédits à taux d’intérêts
variable à des taux plus élevés.
Conséquence ?
Une augmentation rapide des créances en souffrance.
Suite aux très faibles examens du risque entrepris en
2006, les crédits concernés ont évolué deux fois moins
bien qu’en 2005. En conséquence, un retard de paiement
a déjà été constaté pour 7% des actifs versés à l’origine.
Il s’agit d’environ 500 000 emprunts sur les 7 millions
conclus en 2006.
Graphique 4 : évolution des retards de paiement
12%
12%
10%
10%
8%
8%
6%
6%
4%
4%
2%
2%
0%
0%
0
3
6
9
12
15
18
Mois
Année de lancement 2007
Année de lancement 2006
21
24
27
30
33
36
Année de lancement 2005
2005
2006
2007
Nombre mensuel
(échelle de droite)
Certains de ces retards de paiements entraîneront des exécutions forcées, ce qui renforcera encore la pression sur
le marché immobilier. Au cours des deux dernières années,
le boom des crédits subprime a incité les développeurs
immobiliers à augmenter leur offre d’au moins 150 000
constructions. Depuis début 2006, les nouvelles constructions immobilières mensuelles (nombre total des mises en
chantier d’habitations privées) ont fortement diminué de
2,3 millions à 1,4 million en août 2007. Le nombre de maisons individuelles invendues a augmenté de 3 millions à
4,5 millions au cours de l’année 2005. En d’autres termes : alors que dans la période de 2000 à 2005, il fallait
environ 4 à 5 mois pour vendre un logement, ce délai est
passé actuellement à 9,5 mois.
En prenant en compte le risque que 1 million d’unités
immobilières (au moins) seront à nouveau proposées à la
vente, les perspectives ne pourraient être plus sombres
pour le marché immobilier.
Selon les estimations de Merrill Lynch, le volume des
pertes de crédit subprime pour 2006 s’élèvera à USD
120–170 milliards. Le gouverneur de la Réserve fédérale
des Etats-Unis (Fed), Ben Bernanke, vient de pronostiquer
une valeur de plus de 100 milliards.
S’agit-il d’un problème qui touche uniquement les Etats-Unis ?
Nullement. Les banques américaines ne souhaitent pas
inscrire de tels risques dans leurs comptes. Pour protéger
leurs bilans, elles les rassemblent donc en ABS (assetbacked security : créances titrisées) qui sont vendues à des
Graphique 6 : structure de base des ABS
Graphique 7 : structure de base des CDO
Répartition des
cash-flows
Répartition des
cash-flows
Tranche senior
(AAA)
Portefeuille
(hypothèques, crédits,
emprunts, etc.)
Tranche senior
(AAA)
Portefeuille
(hypothèques, crédits,
emprunts, ABS, CDO)
Tranche mezzanine
(AA, A, BBB, BB)
Fonds propres
Fonds propres
Répartition des
pertes
investisseurs du monde entier. Les hypothèques ont été
cédées contre une taxe, vendues contre une taxe à des
banques d’investissement, groupées et émises moyennant
une taxe. A chacun des maillons de la chaîne, seules ces
taxes ont été prises en considération. La qualité des crédits n’a jamais été mise en question.
En tous les cas, la trop grande confiance accordée aux
modèles de risques censés reproduire le comportement
des emprunteurs subprime a nettement contribué à déclencher la catastrophe. Nous aimerions ici souligner ce qui
suit : comment reproduire précisément des risques de crédit
lorsque 50% des emprunteurs subprime n’ont fait aucune
ou presque aucune indication sur leur capacité de crédit ?
Que sont des ABS ?
Les ABS (asset-backed securities ou créances titrisées)
sont des titres adossés à un portefeuille composé de
créances. Ces titres sont émis par des sociétés à but
unique (special purpose vehicles ou SPV) créées dans
le but exclusif d’émettre des ABS. La SPV est investie
dans un portefeuille de créances (par exemples d’hypothèques) financées par plusieurs tranches d’ABS et
vendues à des investisseurs en capital en fonction de
leur goût du risque. En cas de défauts dans le portefeuille de créances, ceux-ci sont d’abord à charge de
la tranche Equity puis à celle des tranches ABS.
En revanche, les RMBS (residential mortgage-backed
securities) sont des titres assurés par des créances et couverts par un portefeuille composé de prêts pour constructions d’appartements. Les RMBS peuvent être acquis par
des investisseurs qui les détiennent comme des placements
Tranche mezzanine
(AA, A, BBB, BB)
Répartition des
pertes
directs ou (plus souvent) être achetés dans le cadre
d’autres véhicules de placement, des CDO (collateralised
debt obligations) structurés par exemple sous forme de
hedge funds.
Qu’est-ce qu’un CDO ?
Les CDO (collateralised debt obligations) sont de type
similaire aux créances titrisées (ABS) mais sont couverts
par divers titres (crédits, emprunts d’entreprises, ABS et
autres CDO). Les sociétés à but unique (SPV) émettent
également des CDO investis en valeurs patrimoniales et
financés ensuite sur plusieurs tranches qui sont vendues
aux investisseurs en fonction de leur goût du risque.
Le concept est simple : premièrement, une structure SPV
similaire à celle d’une banque et disposant d’un capital
propre d’environ 5 à 6% est établie. Ensuite, différentes
tranches (obligations) correspondant à différents profils
de risque (rangs) sont créées et vendues aux investisseurs
(classes de rating : AAA, AA, A, BBB). Les produits de
ces ventes sont alors investis dans des RMBS de classe de
rating AAA (qui ont une probabilité d’insolvabilité très
faible dans la mesure où ils sont garantis par des hypothèques) de telle sorte que les tranches AAA-CDO peuvent
être vendues à des prix très intéressants aux investisseurs
(Libor +80 pb).
Graphique 8a: évolution de l’indice ABX pour la tranche AAA
500
8200
450
8000
97
400
7800
96
350
7600
300
7400
250
7200
200
7000
150
6800
100
99
98
Prix
Graphique 9: iTraxx versus DAX
95
94
93
92
91
90
27.02.07
10.04.07
22.05.07
03.07.07
14.08.07
25.09.07
01.06.07
15.06.07
29.06.07
13.07.07
27.07.07
10.08.07
24.08.07
ABX-HE-AAA 06–2
Graphique 8b: évolution de l’indice ABX pour la tranche BBB
80
75
70
Prix
65
60
55
50
45
40
35
27.02.07
10.04.07
22.05.07
03.07.07
14.08.07
25.09.07
ABX-HE-BBB 06–2
Les inquiétudes au sujet du subprime se sont d’abord exprimées sur le marché high yield qui a procédé de facto
à une nouvelle évaluation même s’il n’était pas directement
lié aux octrois de crédits subprime. Le iTraxx Crossover (un
indice de référence credit default swap européen qui
contient principalement des entreprises à risque avec des
classes de rating BBB – et inférieures) est passé de son
plancher de 187 points de base (pb) en mai à 500 pb fin
juillet. Autrement dit, en juillet, il était deux fois et demie
plus cher de s’assurer contre les pertes de crédit des entreprises de la corbeille. Les investisseurs refusent de financer
les leveraged buyout (prise de contrôle) sur les crédits proposés. Pour finir, les turbulences ont gagné les marchés
des actions et des changes qui ont perdu entre 10 et 15%
en juillet et août.
Le problème est qu’il ne s’agit pas de véritables RMBS AAA
car ils sont basés sur les crédits subprime octroyés en
2006 présentant tous les défauts mentionnés plus haut. Si
un CDO a été investi dans les RMBS en question, le risque
est encore plus important en raison de l’effet de levier produit par la structure de tranche.
Il n’est donc pas étonnant que le marché du crédit ait commencé au plus vite à pratiquer des remises de prix pour
les pertes prévues sur les structures ABS. La tranche BBB de
l’indice ABX (indice de référence américain credit default
swap pour asset-backed securities qui se concentre surtout
sur l’univers des subprime) est passée de 97 fin janvier
à 32 fin août, alors que la tranche AAA qui aurait dû être
négociée à 100 s’établissait à seulement 94. En d’autres
termes, le marché prévoit pour les tranches BBB d’un
RMBS une perte d’environ 70% et une perte vertigineuse
de 6% pour les titres AAA.
Il ne servait à rien de détenir dans un fonds la tranche
AAA dont on attend qu’elle se négocie toujours à 100. La
débâcle s’est installée sur le marché du crédit lorsque
deux fonds de Bear Stearns, portant la malheureuse désignation de High Grade Structured Credit Strategies Enhanced Leveraged Fund et High Grade Structured Credit
Strategies Fund, se sont effondrés. Ils étaient investis à hauteur de USD 10 milliards et avaient inscrit des crédits d’un
montant équivalent à dix fois le capital des investisseurs.
Le premier fonds a été depuis ramené à zéro alors que le
deuxième est coté à 10% de sa valeur initiale.
Chaque investisseur doit donc s’interroger : comment
est-il possible que des emprunts AAA aient été régulièrement négociés au (meilleur) spread du marché et dans le
domaine du Libor alors que les meilleurs montages financiers structurés se négociaient au taux du Libor +80 pb ?
La réponse est simple : intégration de capital étranger
et qualité des valeurs patrimoniales.
Une autre question se pose : comment a-t-il été possible de
transformer un important risque de crédit en une ABS
de rating AAA ? Seule l’insouciance des agences de notation – qui n’étaient pas en situation de prévoir qu’un pool
diversifié d’hypothèques américaines (investi cependant en
moyenne avec au moins 20% sur le marché californien)
évoluerait de façon similaire et non contraire – a permis
cette situation.
Moody’s a ainsi déclassé 181 ABS dont les crédits subprime datent de 2006 en raison de leur risque de perte
plus important que prévu. La conséquence de cette démarche a été que les agences de notation ont également
commencé à réduire les notations des structures CDO.
Compte tenu de l’urgence, les hedge funds qui voulaient
se débarrasser de leurs positions CDO ont été contraints
de le faire à des prix très défavorables. Leur action a déclenché un nouveau cycle de peur qui a encore fait
baisser les prix.
Nous savons désormais que la crise du subprime devrait
avoir provoqué des pertes d’un montant de USD 120 à
170 milliards. Et que sont devenus tous ces « déchets toxiques » ?
1.Fournisseurs américains de crédits subprime : les instituts
de crédit spéciaux américains ont déjà eu à souffrir
d’un premier vent contraire. Les 10 premiers financiers
subprime américains ont tous annoncé des pertes,
certains ont fait faillite (New Century, Fremont) ou
se sont retirés (CIT, HSBC). Selon les estimations,
20 à 25% des pertes touchent ce secteur.
2.Les banques d’investissement qui détenaient généralement les fonds propres et les tranches de RMBS à faible
évaluation (Citigroup, Bear Stearns) : selon les estimations, 15 à 25% des pertes touchent ce secteur.
3. Les détenteurs de CDO à faible évaluation (mezzanine
de CDO) : la plupart ont terminé en véhicules d’investissement hors bilan (appelés également conduits) financés par
des banques européennes et asiatiques. Selon les estimations, ce secteur a enregistré les pertes les plus importantes (au moins 50%, voire 60 à 85 milliards de dollars).
Qu’est-ce qu’un véhicule d’investissement
hors bilan ou conduit ?
Généralement, les véhicules d’investissement hors bilan
sont créés par les banques pour exploiter les arbitrages
de crédit entre les coûts moins élevés de leur financement
à court terme (généralement des papiers commerciaux
ou PC). Ces derniers ont une échéance de moins de
90 jours et servent à acheter des valeurs offrant un rendement plus élevé, des CDO par exemple. Simultanément, ils font augmenter le capital des banques (sans
influencer le bilan) et leur rapportent des revenus (dans
la mesure où leurs rendements sont plus importants que
ceux des emprunts d’Etat). En conséquence, un levier très
important (généralement financé avec une faible part
de capital des banques) influence positivement le spread.
Mais ce n’est pas non plus un nouveau concept : tout comme
une banque (disposant d’un capital propre réduit), la société
à but unique (conduit) s’efforce de profiter de l’écart entre
son financement (Libor de +2–3 pb) et du spread plus élevé
des valeurs bien notées à plus long terme, généralement sous
forme d’ABS (Libor +25 pb) ou de CDO (Libor +70–80 pb).
Afin de maintenir au minimum les pertes à prévoir, le conduit
investit surtout dans des valeurs bien notées. En mai 2007,
les CDO comptaient pour 40% dans la fortune globale des
conduits européens. Le capital propre détenu est minimal
(dans certains cas, comme pour Grampian, il est pratiquement inexistant), ce qui résulte notamment du fait qu’un
programme PC doit être couvert intégralement par le financement d’urgence des sponsors (les banques). Les banques
perçoivent une taxe de mise à disposition (commitment fee)
et n’affichent son produit que sur leur compte de résultats.
Rien n’est en revanche consolidé dans le bilan.
La solution parfaite, alors ?
Aucun risque (prévu) du côté des actifs ou des passifs
(dans la mesure où la notation est au moins équivalente
à celui du sponsor).
Le problème : des valeurs mal classées et mal évaluées ont
été achetées.
De plus, les investisseurs ne savent absolument pas ce qui
est inscrit dans les livres de comptes dans la mesure où les
comptes des banques ne sont pas publiés (puisque non
consolidés). Bref, les conduits sont des structures manquant
fortement de transparence et investies dans des valeurs
illiquides, difficiles à évaluer.
En conséquence, la IKB Deutsche Industriebank, une petite
banque allemande, spécialisée dans les crédits à la classe
moyenne et supportée par l’Etat par le biais d’une partici­
pation de 38% de la KfW, s’est trouvée proche de la ban-
queroute dans la mesure où elle a investi massivement
dans deux conduits avec des RMBS et des CDO assurés
par des crédits subprime. L’IKB était-elle un cas isolé ?
Non. Comme le montre le tableau ci-dessous, de nombreuses banques se sont engagées dans ce jeu dangereux
pour tenter d’accroître leurs bénéfices dans un marché toujours plus compétitif.
Ce qui est le plus effrayant, c’est la manière dont les
conduits ont été utilisés intentionnellement (surtout par IKB
et LB Sachsen) pour gonfler des valeurs par le biais d’un
véhicule sans influencer le bilan. A fin mars 2007, les deux
conduits de IKB avaient une valeur d’environ 13,7 milliards
d’euros, c‘est-à-dire 26% (!) des valeurs totales et presque
dix fois autant que le capital propre en termes de risque. La
Landesbank Sachsen a suivi de très près. Le volume du
conduit s’élevait à 20% de la fortune globale. Tout comme
pour l’IKB, la valeur des véhicules non consolidés correspondait à neuf fois les fonds propres.
Tableau 1 : volume des conduits par rapport aux fonds propres et à la fortune globale
Volume des conduits
(mrd. d'€)
Valeurs
patrimoniales
(mrd. d'€)
Fonds propres
(mrd. d'€)
Volume des conduits
par rapport aux
val. patrimoniales
Volume des conduits
par rapport aux
fonds propres
13,71
13,51
29,77
17,04
31,16
6,31
19,76
5,13
6,72
15,52
23,63
5,50
7,05
11,53
10,34
52,05
67,80
987,06
509,81
876,93
295,30
775,23
205,17
458,09
591,67
1 226,31
383,42
608,34
1 126,23
1 292,98
1,40
1,52
25,90
16,92
31,12
6,36
20,64
7,28
12,36
29,70
41,22
10,84
15,31
32,81
67,50
26%
20%
3%
3%
4%
2%
3%
2%
1%
3%
2%
1%
1%
1%
1%
981%
889%
115%
101%
100%
99%
96%
70%
54%
52%
57%
51%
46%
35%
15%
IKB
LB Sachsen
ABN
Lloyds
HBOS
WestLB
Fortis
HSH Nordbank
LBBW
Rabobank
ING
Baylaba
Commerzbank
DB
RBS
Moody’s mars 2007, Bloomberg, Swisscanto.
Une banque possédant des emprunts AAA – qui n’étaient
donc pas ce qu’ils prétendaient être – ainsi que des investissements dans des CDO et des RMBS basés sur des
crédits subprime et qui avait malheureusement encore renforcé ses conduits en 2006 obtenait une concentration
de produits très peu sûrs. Pour l’exprimer autrement, les
conduits n’auraient eu à subir qu’une perte de 5% (ce qui
s’est réellement produit) pour mener les banques à la
limite de la banqueroute.
D’autres questions se posent désormais :
1.Comment a-t-il été possible que ces banques aient été
autorisées par le contrôle financier puis par les agences
de notation à constituer des véhicules sans influence sur
le bilan aussi monstrueux sans que des avertissements
n’aient été émis.
2.Dans quelle mesure les efforts des banques d’investissement pour lancer ces véhicules et les doter de produits
très peu sûrs étaient-ils corrects ?
3.Comment en est-on arrivé à une structure de conduits aussi
peu scrupuleuse de la part des directions des banques ?
La réponse reste toujours la même : il s’agissait uniquement
de taxes. Personne ne s’interrogeait sur la solvabilité des
crédits et tous calculaient les pertes à prévoir sur la base
des mêmes modèles (erronés).
Dans la mesure où la plupart des conduits étaient financés
par les marchés PC, les investisseurs n’ont plus effectué de
nouveaux placements à l’échéance (actuellement plus de
USD 10 milliards par jour en Europe) en raison du manque
de transparence des véhicules. La débâcle de l’IKB (et
de la LB Sachsen), déclenchée par un problème spécifique
du marché PC canadien, a mené à une perte sensible
de liquidités sur le marché européen et le marché PC américain. Les spreads ont atteint pour les conduits des seuils
impossibles à payer (Libor +20 pb pour les conduits de
bonne qualité, Libor +60 pb pour tous les autres). Dans la
mesure où les valeurs détenues étaient investies en moyenne
au Libor +25 pb, les modèles commerciaux des conduits
ne sont plus en situation de supporter durablement de tels
frais de financement. Si la liquidité n’est pas rétablie, le
modèle commercial sera un échec.
En conséquence, la crise de liquidité s’est installée dans le
système financier et la BCE de même que la Réserve fédérale ont dû injecter plus de 300 milliards d’euros de liquidités supplémentaires sur le marché.
10
Existe-t-il une solution à cette situation ?
•Tout d’abord, les pertes de crédits subprime prévues
devraient pouvoir être maîtrisées par le système. Par rapport au volume économique américain de USD 13,6
billions, USD 120 à 170 milliards semblent une faible
somme. Même si les pertes ont été renforcées de 50%
au minimum par des structures CDO, elles semblent pouvoir être maîtrisées si l’on considère les bénéfices des
banques américaines et européennes, qui se sont élevés
à USD 290 milliards en 2006.
•Aux Etats-Unis, le problème du subprime pourrait être
désamorcé par une réduction massive des taux de la
Fed (1% au moins à notre avis). Ceci réduirait les effets
de l’ajustement des crédits à taux variable pour les familles
qui ont été séduites par des taux attractifs. Les pertes
de crédit à prévoir, de même que les exécutions forcées,
et donc les pertes, s’en trouveraient ainsi réduites.
•Les propositions de l’administration Bush n’auront probablement pas beaucoup d’effet sur le marché immobilier
du subprime mais pourraient contribuer marginalement à
la stabilisation. Une telle initiative pourrait aider les
propriétaires de logements à refinancer leurs hypothèques plutôt que de les exposer à un choc des taux.
Selon toutes probabilités, les loyers mensuels refinancés
seront encore nettement supérieurs à ceux qui étaient
initialement basés sur les taux attractifs (1–2%) proposés
aux propriétaires.
•Si les banques américaines adhèrent à l’initiative de
HSBC qui a contacté tous ses clients avant l’ajustement
de ses conditions de crédit hypothécaire (pour vérifier
l’apparition d’éventuels problèmes) afin d’examiner et
éventuellement de discuter si les propriétaires pourront
payer les traites futures.
•Une amélioration radicale des dispositions régissant le
marché des hypothèques, pour doter les structures de crédit d’une meilleure transparence et réduire l’importance
des courtiers (qui ne sont soumis à aucune surveillance).
•De l’autre côté de l’Atlantique, la solution la plus simple
consisterait à inscrire les conduits aux bilans des banques, ce qui se répercuterait à peine, dans la plupart des
cas, sur la capitalisation (la part de HBOS du capital
fondamental Tier 1 passerait ainsi de 7,7 à 7,2%, ce qui
reste nettement supérieur aux 4% prescrits par les auto­
rités). Toutefois, il en résulterait un nouveau problème car
la rentabilité pourrait diminuer en raison des pertes
market to market dans la mesure où il faudrait doter les
conduits de moyens et selon la qualité des valeurs
patrimoniales.
Graphique 10 : CDS de la Commerzbank
80
80
70
70
60
60
50
50
40
40
30
30
20
20
10
10
0
0
Mar 30
Apr 30
May 31
Jun 29
Jul 31
Aug 31
Et maintenant ?
Il faut tout d’abord retenir qu’il ne s’agit pas ici d’un pur
problème des marchés du crédit. Il s’agit bien plus d’un
problème affectant le marché des capitaux et donc le
marché des actions. Les classes de placement qui ont souffert jusqu’à présent restent les mêmes : tout d’abord, le
marché des emprunts à fort taux d’intérêt, puis les hedge
funds de crédit et enfin certains domaines du marché
de l’investment grade, avec des effets de contamination
violents sur tout ce qui commence par un B comme banque. Le marché des actions s’est corrigé, mais un doublement des spreads de crédit crossover et une multiplication
par sept des CDS des banques (comme pour la Commerzbank, voir ci-dessus) sont annoncés alors qu’EURO STOXX
et le S & P (qui ont une pondération de 40% dans les ins­
tituts financiers) ont une tendance favorable et ont toujours
une cote de 3% de plus qu’en début d’année.
Nous nous attendons à une pression durable sur les
spreads de crédit jusqu’à mi-novembre au moins. En voici
les motifs :
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•Toutes les banques devront finalement publier leurs pertes
de conduits et de financements de prise de contrôle qui ne
peuvent plus être refinancées aux conditions actuelles sur
le marché des capitaux.
•Compte tenu de la pression sur les spreads de crédit des
valeurs financières, ceux des emprunts industriels se
creuseront également. On comprend difficilement qu’une
entreprise comme Bayer (avec une classe de rating A3/
BBB+) a un emprunt à cinq ans négocié au Libor +45 pb
alors que la Deutsche Bank (notation de solvabilité :
Aa1/11), si elle veut émettre un emprunt sur la même
durée, devra le faire au Libor +50–55 pb. Les banques
ne peuvent pas se couvrir à un coût plus élevé que
les titres industriels. Dans le cas contraire, le modèle de
financement des banques s’effondrerait.
•La bonne nouvelle est que, même si l’on se base sur une
hypothèse pessimiste de Merril Lynch prévoyant que le
ratio Tier 1 des banques européennes baissera de 0,5 à
0,7%, la situation reste tout à fait maîtrisable. Il existe
toutefois un risque de déclassement de notation (dans le
pire des cas de un à deux niveaux). Celui-ci a toutefois
déjà été plus qu’escompté dans les derniers creusements
de spread. Il serait donc temps de commencer à augmenter l’engagement dans les senior-bonds (titres de premier rang) diversifiées ou de détail des grandes banques.
•Le nombre actuel de transactions de prise de contrôle
qui doivent encore être financées en principe avant la fin
de l’année se situe à une valeur d’au moins 300 milliards
d’euros pour le monde entier. Cela renforcera encore
la pression sur le marché high yield. C’est pourquoi nous
recommandons de reporter encore les placements high
yield jusqu’à ce qu’une nouvelle évaluation ait eu
lieu dans ce segment (c’est-à-dire jusqu’à mi-novembre
au moins).
Swisscanto Asset Management SA, Waisenhausstrasse 2, 8021 Zurich
Ruedi Stutz
Mirko Santucci, gérant de portefeuille senior
Trimestrielle
Cette publication est disponible en format pdf sous www.swisscanto.ch/assetmanagement
Tél. 058 344 49 00 ou sur Internet : www.swisscanto.ch/assetmanagement
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