21/04/2011 Cour de cassation chambre sociale Audience publique

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21/04/2011 Cour de cassation chambre sociale Audience publique
Le : 21/04/2011
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du 9 mars 2011
N° de pourvoi: 09-42150
Publié au bulletin
Rejet
Mme Collomp (président), président
SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 6 mars 2009), que M. X... engagé le 16 juin 2004 en
qualité de directeur général adjoint par la société Radio France internationale (RFI) puis
nommé vice-président du conseil d’administration de RMC-Moyen-Orient a publié un livre
intitulé “ Le mur de Sharon “ ; qu’en raison de la polémique née des propos que l’intéressé
aurait tenus en octobre 2004 lors de la promotion de cet ouvrage, M. X... a démissionné
de ses fonctions mais a demandé à exercer une autre activité au sein de RFI ; qu’il a été
licencié pour faute grave le 9 décembre 2004 motifs pris, d’une part, de troubles
engendrés par des messages personnels transférés par courrier électronique et par un
article publié dans le journal Libération ayant suscité l’adoption d’une motion par une
assemblée générale appelée par toutes les formations syndicales et, d’autre part, pour
faute grave au regard des réunions et propos tenus les 18, 20 et 21 octobre 2004, l’envoi
d’un courriel le 21 octobre 2004 et la présence du salarié dans les locaux de la radio le 2
novembre 2004 ;
Sur le second moyen :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n’est pas de nature à permettre
l’admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que RFI fait grief à l’arrêt de la condamner au paiement de diverses sommes pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que le transfert par un salarié à d’autres membres de l’entreprise de messages
personnels de soutien qu’il a reçus à la suite de l’expression d’opinions exprimées en
dehors de l’entreprise relève de sa vie personnelle, même s’il est effectué au temps et au
lieu de son travail et par le biais du réseau électronique interne de l’entreprise ; qu’il en
résulte que lorsque cet envoi, compte tenu de la nature des fonctions du salarié et de la
finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière, le
salarié peut être licencié ; qu’en jugeant que la notion de trouble objectif n’avait pas lieu de
s’appliquer en l’espèce au prétexte que les messages de soutien reçus par M. X... suite
aux propos polémiques qu’il avait tenus hors de l’entreprise avaient été transmis à ses
confrères et aux syndicats de la société RFI au temps et lieu de son travail sur le réseau
électronique de l’entreprise, la cour d’appel a violé l’article 9 du code civil, l’article 8 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, et l’article L. 1232-1 du code du travail ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, la lettre de
licenciement indiquait que le licenciement était prononcé en raison notamment « des
troubles profonds engendrés par les messages personnels que vous avez jugé utiles de
transférer par courrier électronique le 18 octobre et par l’article paru dans Libération du 19
octobre, troubles concrétisés par la motion adoptée à la quasi unanimité par une
Assemblée Générale appelée par toutes les formations syndicales » ; qu’en retenant à
l’appui de sa décision que le prétendu trouble consécutif à la transmission par M. X... à
ses confrères et aux syndicats de la société RFI de messages de soutien n’était nullement
caractérisé par la société RFI dans la lettre de licenciement, la cour d’appel a dénaturé
cette lettre et méconnu le principe susvisé, ensemble l’article L. 1232-6 du code du travail
;
3°/ que le juge ne peut dénaturer les conclusions d’une partie ; qu’en l’espèce, dans ses
conclusions d’appel (p. 12-13), la société RFI faisait valoir qu’en transmettant à ses
confrères et aux syndicats de la société RFI les messages de soutien qu’il avait reçus
suite aux propos controversés qu’il avait tenus, M. X... avait, en dépit de son engagement
contraire, relancé la polémique à l’intérieur de l’entreprise en prenant à partie, pour
montrer qu’il avait raison, des personnes et notamment des organisations syndicales
ayant clairement manifesté leur désaccord sur ces propos et surtout sur l’association de
RFI à ces propos, que l’impact de ces courriels ne pouvait être dissocié de celui de ses
déclarations intempestives à Libération, et que ces deux événements avaient ainsi
provoqué la réunion d’une nouvelle assemblée générale le 19 octobre 2004 ; qu’en
retenant à l’appui de sa décision que le prétendu trouble consécutif à la transmission par
M. X... à ses confrères et aux syndicats de la société RFI de messages de soutien n’était
pas identifié par la société RFI dans le cadre de la procédure, la cour d’appel a dénaturé
les conclusions de l’exposante et violé l’article 4 du code de procédure civile ;
4°/ qu’en se bornant à affirmer que le prétendu trouble consécutif à la transmission par M.
X... à ses confrères et aux syndicats de la société RFI de messages de soutien n’était pas
démontré par la société RFI, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si par cette
transmission, M. X... n’avait pas, en dépit de son engagement contraire, relancé la
polémique à l’intérieur de l’entreprise en prenant à partie, pour montrer qu’il avait raison,
des personnes et notamment des organisations syndicales ayant clairement manifesté
leur désaccord sur ces propos et surtout sur l’association de RFI à ces propos, si l’impact
de cette transmission n’était pas indissociable de celui des déclarations intempestives à
Libération effectuées par M. X..., et si la réunion d’une nouvelle assemblée générale le 19
octobre 2004 n’avait pas été provoquée par ces deux événements, la cour d’appel a privé
sa décision de base légale au regard de l’article L. 1232-1 du code du travail ;
5°/ qu’un fait tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement dès lors que
le comportement du salarié, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de
l’entreprise, a causé un trouble objectif caractérisé au sein de celle-ci ; qu’en l’espèce, la
cour d’appel a constaté que les propos de M. X... parus dans le journal Libération avaient
été à l’origine de la réunion d’une assemblée générale des journalistes de RFI le 19
octobre, puis d’un communiqué de presse de l’intersyndicale, exprimant l’indignation des
journalistes suscitée par les déclarations de M. X... à Libération et réclamant le départ de
RFI de celui-ci (p. 8, § 7) à la suite de quoi le président-directeur général de RFI avait
immédiatement décidé de se séparer de M. X... (p. 9, § 1) ; qu’il en résulte que ces propos
avaient causé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise, auquel seule la décision du
président-directeur général de RFI de se séparer de M. X... avait mis fin ; qu’en exigeant la
preuve d’une perturbation postérieure à cette assemblée générale, quand celle constatée
par l’arrêt suffisait à justifier le licenciement, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-1 du
code du travail ;
6°/ qu’un fait tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement dès lors que
le comportement du salarié, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de
l’entreprise, a causé un trouble objectif caractérisé au sein de celle-ci ; qu’en l’espèce, la
cour d’appel a constaté que les propos de M. X... parus dans le journal Libération avaient
été à l’origine de la réunion d’une assemblée générale des journalistes de RFI le 19
octobre, puis d’un communiqué de presse de l’intersyndicale, exprimant l’indignation des
journalistes suscitée par les déclarations de M X... à Libération et réclamant le départ de
RFI de celui-ci (p. 8, § 7) ce dont il résulte que ces propos avaient causé un trouble
caractérisé au sein de l’entreprise ; qu’en jugeant cependant que ce grief ne pouvait
constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement au prétexte inopérant que la
paternité et la portée des propos effectivement tenus par M. X... étaient demeurées
indéfinies, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-1 du code du travail ;
7°/ qu’en tout état de cause, à supposer que les propos parus dans Libération n’aient pas
été exactement ceux tenus par M. X..., ce dernier reconnaissait avoir déclaré au
journaliste de Libération qu’il avait été « la cible d’une manip’sur un fond de
mécontentement menée par les syndicats et notamment le SNJ » et que ses paroles sur
l’Etat d’Israël avaient « choqués et été interprétées par des juifs communautaires qui
n’aiment pas que l’on critique Israël » (cf. conclusions d’appel du salarié, p. 9 et les
attestations de Mme Y... et de M. Z... produites par le salarié) ; qu’en s’abstenant de
rechercher si ces propos tels que reconnus par le salarié, imputant aux syndicats de
l’entreprise une manipulation des salariés de RFI et se plaignant de l’interprétation de ses
précédentes déclarations faite par des « juifs communautaires », n’étaient pas de nature à
relancer la polémique que M. X... s’était pourtant engagé à ne pas entretenir lorsqu’il avait
démissionné de ses fonctions de directeur général adjoint chargé des antennes et de
l’information de RFI, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de
l’article L. 1232-1 du code du travail ;
8°/ que l’existence du trouble objectif causé dans l’entreprise par un fait tiré de la vie
personnelle du salarié s’apprécie au regard des fonctions de ce dernier et de la finalité
propre de l’entreprise ; qu’en l’espèce, l’exposante soulignait que de par ses fonctions de
directeur de l’information et des antennes de RFI, M. X..., n° 2 de l’entreprise, représentait
la ligne éditoriale de RFI et occupait l’un des postes les plus élevés de la société, et que
celle-ci, en sa qualité d’entreprise de l’audiovisuel public, était tenue par le principe de
neutralité du service public (conclusions d’appel, p. 19) ; que la cour d’appel, qui s’est
abstenue de prendre en compte les fonctions du salarié et la finalité propre de l’entreprise
pour apprécier l’existence du trouble causé dans l’entreprise par les actes reprochés à M.
X..., a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1232-1 du code du travail
;
9°/ que le salarié ne peut utiliser la messagerie interne de l’entreprise pour adresser à la
quasi-totalité du personnel de l’entreprise le droit de réponse qu’il a cru devoir adresser à
un journal ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-1 du code du
travail, ensemble l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
10°/ qu’en outre, le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce,
dans son droit de réponse à Libération adressé à la quasi-totalité du personnel de RFI, M.
X... indiquait : « Au cours de la conversation téléphonique que j’ai eue (…) le 18 octobre
avec votre collaborateur (…) j’ai effectivement affirmé mon sentiment « d’avoir été victime
d’une manip’» dans les événements me concernant. Point. Puis ensuite, répondant à
d’autres questions portant sur les détails de ces événements, j’ai affirmé avoir tenu des
propos qui ont pu choquer et faire réagir « un noyau de juifs communautaires » qui ne
supportaient pas qu’Israël soit critiqué. En évoquant ce « noyau de juifs communautaires
», je faisais allusion aux déclarations publiques me concernant en tant qu’auteur de
l’ouvrage « le mur de Sharon (…) faites à l’AFP le 15 octobre 2004 et reprises dans la
presse et les sites internet les 15, 16 et 17 octobre par l’avocat Gilles William A..., qui se
définit lui-même comme « juif de combat » dont la spécialisation est d’engager des
poursuites judiciaires et de mener des actions d’intimidation auprès des personnes ne
partageant pas sa vision de l’Etat hébreu. En effet G. W. A... a l’habitude de faire
directement pression sur les personnalités médiatiques et les journalistes qu’il accuse de
nuire à Israël … » ; qu’il ne se contentait donc pas de tenter de dissiper l’amalgame,
opéré, selon celui-ci, par le journaliste, et de préciser que “ les juifs communautaires “
désignés par ses propos ne visaient pas les journalistes de RFI, mais reprenait les thèmes
de la manipulation et du lobby juif et relançait inutilement la polémique concernant les
critiques dont il avait fait l’objet ; qu’en affirmant que ce texte ne comportait en lui-même
aucun élément destiné à “ alimenter la polémique “ et avait au contraire pour but de
dissiper le mécontentement qui s’était emparé de ses confrères de RFI, la cour d’appel a
dénaturé ce document et violé le principe susvisé ;
11°/ que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, Mme B...
attestait que « le mercredi 20 octobre 2004, M. Alain X... a dit que tant que M. Béchara
C... directeur des programmes de RMC-MO serait en place, cette radio ne marchera pas »
et Mme E... indiquait : « le mercredi 20 octobre 2004 au matin M. X... a dit : “ tant que M.
Béchara C... sera en place, cette radio ne marchera jamais “ » ; qu’en affirmant que ces
attestations retenues par les premiers juges quant au dénigrement du directeur des
programmes le 20 octobre étaient dépourvue de toutes précisions et ne permettent
nullement de déterminer quelles ont été les circonstances et la portée des déclarations de
M. X... intéressant le directeur des programmes, la cour d’appel a dénaturé ces
attestations et violé le principe susvisé ;
12°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans
examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au
soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, l’exposante produisait, en plus des notes
d’informations rédigées par M. F..., une attestation émanant de celui-ci relatant les propos
tenus par M. X... lors de ses différents passages dans les locaux de RMC-MO et précisant
dans quelles conditions il les avait entendu, ainsi qu’une attestation de M. C... relatant les
propos tenus par M. X... le 18 octobre 2004 et à diverses autres occasions ; qu’en
s’abstenant d’examiner ces pièces, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article
455 du code de procédure civile ;
13°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans
examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au
soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, il résulte des communiqués syndicaux des
30 novembre et 3 décembre 2004 ainsi que des dépêches AFP des mêmes dates que la
principale revendication de la grève survenue début décembre 2004 au sein de RMC-MO
était le départ du directeur de l’antenne M. C..., qu’avait précisément dénigré M. X... ;
qu’en affirmant que cette grève était directement consécutive au remplacement décidé par
ses soins huit jours avant, du rédacteur en chef en conflit avec le directeur de RMC-MO,
sans examiner ces documents, la cour d’appel a derechef violé l’article 455 du code de
procédure civile ;
Mais attendu, d’abord, qu’un fait de la vie personnelle occasionnant un trouble dans
l’entreprise ne peut justifier un licenciement disciplinaire ;
Attendu, ensuite, qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui
était soumis et qu’elle n’a pas dénaturés, la cour d’appel a retenu que le reproche fait au
salarié, comme constitutif d’une faute grave, d’avoir entrepris de relancer la polémique
consécutive à la parution d’un article de presse rapportant des propos dont il contestait la
teneur, n’était pas établi ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Radio France internationale aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Radio France
internationale à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président
en son audience publique du neuf mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société
Radio France internationale
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société RFI à payer à
Monsieur X... les sommes de 7. 692, 31 € à titre de salaire, outre les congés payés
afférents, 17. 920 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés
afférents, 58. 333, 33 € d’indemnité conventionnelle de licenciement, 200. 000 € à titre de
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2. 500 € au titre
de l’article 700 du Code de procédure civile,
AUX MOTIFS d’abord QU’il résulte de la lettre de licenciement précitée que les griefs
imputés à M. X... sont de deux sortes ; qu’une première série de faits,- qui à eux seuls ne
sauraient justifier qu’un licenciement pour cause réelle et sérieuse, s’agissant de motifs de
licenciement personnels, non fautifs ou disciplinaires-ont trait au trouble prétendument
occasionné par l’attitude de M. X..., qui, le 18 octobre 2004 a, d’après la société RFI, d’une
part, tenu au journaliste de LIBERATION des propos, publiés le lendemain, relançant au
sein de l’entreprise la polémique que son ouvrage avait récemment fait naître hors de
celle-ci, d’autre part, communiqué à ses confrères, adressé à ses collègues de RFI, via le
réseau de messageries électroniques de l’entreprise, les témoignages dé soutien qu’il
avait reçus ; que la seconde série de faits invoqués par la société RFI procède du
comportement de M. X...- cette fois-ci qualifié de fautif et même de faute grave par la
société RFI-d’une part, à travers ses relations avec le personnel de RMC-MO, et d’autre
part, à l’occasion de la diffusion de son droit de réponse, à ses confrères et aux
organisations syndicales de la société RFI, par le moyen de la messagerie électronique
interne de la société RFI ; que sur les griefs fondés sur le trouble occasionné, le transfert,
le 18 octobre 2004, à ses confrères et aux syndicats de la société RFI, des courriels de
soutien reçus le même jour par M. X..., est intervenu à la suite de la démission de ce
dernier, de ses fonctions salariées de directeur, ce même 18 octobre ; que la Cour
observe que ces messages ont été transmis par M. X..., au temps et lieu de son travail,
sur le réseau électronique interne de l’entreprise ; que la notion juridique de trouble
objectif imputé à l’appelant,- réservée aux faits commis par un salarié dans sa vie
personnelle, en dehors de sa sphère professionnelle-n’a donc pas lieu de s’appliquer en
l’espèce, de sorte que ce grief ne saurait, à ce titre, être utilement reproché à M. X... ;
qu’au demeurant, le prétendu trouble consécutif à cette transmission n’est nullement
caractérisé par la société RFI dans la lettre de licenciement et n’est pas davantage
identifié ni démontré par l’intimée dans le cadre de la présente procédure ; qu’en définitive,
ce premier grief s’avère dépourvu de pertinence et doit donc être écarté ; que les propos
de M. X... parus dans le journal LIBERATION, à la suite de l’entretien accordé par celui-ci
au journaliste de ce quotidien le 18 octobre 2004, ont, certes, été à l’origine de la réunion
d’une assemblée générale des journalistes de RFI le 19 octobre, puis d’un communiqué
de presse de l’intersyndicale, exprimant l’indignation des journalistes suscitée par les
déclarations de M. X... à LIBERATION et réclamant le départ de RFI, de celui-ci ; qu’en
outre, M. X... a confié ces propos au journaliste, en sa qualité d’auteur du livre “ le mur de
Sharon “, pour expliquer ceux qu’il avait tenus, en cette même qualité, lors de
présentations de son ouvrage (sur la chaîne LCI et Radio Courtoisie, notamment) et qui
venaient de justifier, la veille, la démission de ses fonctions directoriales au sein de RFI ;
que dans la mesure où ils se rattachaient à la défense par M. X... de l’opinion qu’il avait
ainsi précédemment émise dans le cadre de sa liberté d’expression d’auteur, ces propos,
insusceptibles de tomber sous le coup du pouvoir disciplinaire de l’employeur ne peuvent
fonder le licenciement de l’appelant qu’à charge pour la société RFI de prouver le trouble
objectif qui s’en est suivi au sein ou au préjudice de l’entreprise ; que la Cour relève tout
d’abord que la société RFI ne démontre pas ni n’allègue quel autre trouble-en relation
avec les propos publiés dans LIBERATION-est survenu postérieurement à l’assemblée
générale du 19 octobre qui a été immédiatement suivie de la décision du PDG de RFI de
se séparer de M. X... ; qu’ainsi, n’est nullement invoquée l’existence d’une quelconque
perturbation affectant le fonctionnement et l’activité de RFI ; qu’ensuite, pour qu’une
situation de trouble puisse être valablement imputée à un salarié, comme cause de son
licenciement, encore fautil que soit apportée la preuve que le fait à l’origine du trouble est
sans contestation possible le fait personnel du salarié ; qu’en l’espèce force est de
constater que dès la publication de l’article de LIBERATION, M. X... n’a cessé de soutenir
tant auprès de ce journal que de son employeur et que de ses confrères de RFI, que ses
propos avaient été dénaturés par le journaliste qui les avait recueillis-ainsi qu’en attestent
d’ailleurs aujourd’hui deux personnes présentes lors de l’entretien téléphonique litigieux
avec le journaliste de LIBERATION ; que si M. X... n’a, il est vrai, intenté aucune action en
insertion forcée de son droit de réponse-qui aurait pu dissiper la méprise créée, selon lui,
dans les esprits des journalistes de RFI, s’étant crus à tort visés par l’expression “ noyau
de juifs communautaires “- ses propos, tels qu’ils ont été publiés dans LIBERATION, n’ont
pas davantage été poursuivis par ceux qui s’estimaient visés dans l’article de
LIBERATION ; qu’en conséquence, la paternité comme la portée des propos effectivement
tenus par M. X... sont demeurées totalement indéfinies, au stade d’un débat polémique
stérile et incertaine, quant à la teneur des propos en discussion ; qu’ainsi, le trouble
allégué par la société RFI ne peut, en tout état de cause, être imputé à M. X... ; qu’il
s’ensuit qu’aucun des faits invoqués par la société RFI, au titre de cette première série de
griefs reprochés à M, X..., ne saurait constituer une cause réelle et sérieuse de
licenciement ;
1. ALORS QUE le transfert par un salarié à d’autres membres de l’entreprise de
messages personnels de soutien qu’il a reçus à la suite de l’expression d’opinions
exprimées en dehors de l’entreprise relève de sa vie personnelle, même s’il est effectué
au temps et au lieu de son travail et par le biais du réseau électronique interne de
l’entreprise ; qu’il en résulte que lorsque cet envoi, compte tenu de la nature des fonctions
du salarié et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de
cette dernière, le salarié peut être licencié ; qu’en jugeant que la notion de trouble objectif
n’avait pas lieu de s’appliquer en l’espèce au prétexte que les messages de soutien reçus
par Monsieur X... suite aux propos polémiques qu’il avait tenus hors de l’entreprise avaient
été transmis à ses confrères et aux syndicats de la société RFI au temps et lieu de son
travail sur le réseau électronique de l’entreprise, la cour d’appel a violé l’article 9 du Code
civil, l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, et l’article L. 1232-1 du Code du travail ;
2. ALORS en outre QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu’en
l’espèce, la lettre de licenciement indiquait que le licenciement était prononcé en raison
notamment « des troubles profonds engendrés par les messages personnels que vous
avez jugé utiles de transférer par courrier électronique le 18 octobre et par l’article paru
dans Libération du 19 octobre, troubles concrétisés par la motion adoptée à la quasi
unanimité par une Assemblée Générale appelée par toutes les formations syndicales » ;
qu’en retenant à l’appui de sa décision que le prétendu trouble consécutif à la
transmission par Monsieur X... à ses confrères et aux syndicats de la société RFI de
messages de soutien n’était nullement caractérisé par la société RFI dans la lettre de
licenciement, la cour d’appel a dénaturé cette lettre et méconnu le principe susvisé,
ensemble l’article L. 1232-6 du Code du travail ;
3. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions d’une partie ; qu’en l’espèce,
dans ses conclusions d’appel (p. 12-13), la société RFI faisait valoir qu’en transmettant à
ses confrères et aux syndicats de la société RFI les messages de soutien qu’il avait reçus
suite aux propos controversés qu’il avait tenus, Monsieur X... avait, en dépit de son
engagement contraire, relancé la polémique à l’intérieur de l’entreprise en prenant à
partie, pour montrer qu’il avait raison, des personnes et notamment des organisations
syndicales ayant clairement manifesté leur désaccord sur ces propos et surtout sur
l’association de RFI à ces propos, que l’impact de ces courriels ne pouvait être dissocié de
celui de ses déclarations intempestives à Libération, et que ces deux événements avaient
ainsi provoqué la réunion d’une nouvelle assemblée générale le octobre 2004 ; qu’en
retenant à l’appui de sa décision que le prétendu trouble consécutif à la transmission par
Monsieur X... à ses confrères et aux syndicats de la société RFI de messages de soutien
n’était pas identifié par la société RFI dans le cadre de la procédure, la cour d’appel a
dénaturé les conclusions de l’exposante et violé l’article 4 du Code de procédure civile ;
4. ALORS QU’en se bornant à affirmer que le prétendu trouble consécutif à la
transmission par Monsieur X... à ses confrères et aux syndicats de la société RFI de
messages de soutien n’était pas démontré par la société RFI, sans rechercher, ainsi
qu’elle y était invitée, si par cette transmission, Monsieur X... n’avait pas, en dépit de son
engagement contraire, relancé la polémique à l’intérieur de l’entreprise en prenant à
partie, pour montrer qu’il avait raison, des personnes et notamment des organisations
syndicales ayant clairement manifesté leur désaccord sur ces propos et surtout sur
l’association de RFI à ces propos, si l’impact de cette transmission n’était pas
indissociable de celui des déclarations intempestives à Libération effectuées par Monsieur
X..., et si la réunion d’une nouvelle assemblée générale le 19 octobre 2004 n’avait pas été
provoquée par ces deux événements, la cour d’appel a privé sa décision de base légale
au regard de l’article L. 1232-1 du Code du travail ;
5. ALORS QU’un fait tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement dès
lors que le comportement du salarié, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre
de l’entreprise, a causé un trouble objectif caractérisé au sein de celle-ci ; qu’en l’espèce,
la cour d’appel a constaté que les propos de Monsieur X... parus dans le journal Libération
avaient été à l’origine de la réunion d’une assemblée générale des journalistes de RFI le
19 octobre, puis d’un communiqué de presse de l’intersyndicale, exprimant l’indignation
des journalistes suscitée par les déclarations de M X... à LIBERATION et réclamant le
départ de RFI de celui-ci (p. 8, § 7) à la suite de quoi le PDG de RFI avait immédiatement
décidé de se séparer de Monsieur X... (p. 9, § 1) ; qu’il en résulte que ces propos avaient
causé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise, auquel seule la décision du PDG de
RFI de se séparer de Monsieur X... avait mis fin ; qu’en exigeant la preuve d’une
perturbation postérieure à cette assemblée générale, quand celle constatée par l’arrêt
suffisait à justifier le licenciement, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-1 du Code du
travail ;
6. ALORS QU’un fait tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement dès
lors que le comportement du salarié, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre
de l’entreprise, a causé un trouble objectif caractérisé au sein de celle-ci ; qu’en l’espèce,
la cour d’appel a constaté que les propos de Monsieur X... parus dans le journal Libération
avaient été à l’origine de la réunion d’une assemblée générale des journalistes de RFI le
19 octobre, puis d’un communiqué de presse de l’intersyndicale, exprimant l’indignation
des journalistes suscitée par les déclarations de M X... à LIBERATION et réclamant le
départ de RFI de celui-ci (p. 8, § 7) ce dont il résulte que ces propos avaient causé un
trouble caractérisé au sein de l’entreprise ; qu’en jugeant cependant que ce grief ne
pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement au prétexte inopérant que
la paternité et la portée des propos effectivement tenus par Monsieur X... étaient
demeurées indéfinies, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-1 du Code du travail ;
7. ALORS en tout état de cause QU’à supposer que les propos parus dans Libération
n’aient pas été exactement ceux tenus par Monsieur X..., ce dernier reconnaissait avoir
déclaré au journaliste de Libération qu’il avait été « la cible d’une manip’sur un fond de
mécontentement menée par les syndicats et notamment le SNJ » et que ses paroles sur
l’Etat d’Israël avaient « choqués et été interprétées par des juifs communautaires qui
n’aiment pas que l’on critique Israël » (cf. conclusions d’appel du salarié, p. 9 et les
attestations de Madame Y... et de Monsieur Z... produites par le salarié) ; qu’en
s’abstenant de rechercher si ces propos tels que reconnus par le salarié, imputant aux
syndicats de l’entreprise une manipulation des salariés de RFI et se plaignant de
l’interprétation de ses précédentes déclarations faite par des « juifs communautaires »,
n’étaient pas de nature à relancer la polémique que Monsieur X... s’était pourtant engagé
à ne pas entretenir lorsqu’il avait démissionné de ses fonctions de directeur général
adjoint chargé des antennes et de l’information de RFI, la cour d’appel a privé sa décision
de base légale au regard de l’article L. 1232-1 du Code du travail ;
8. ALORS QUE l’existence du trouble objectif causé dans l’entreprise par un fait tiré de la
vie personnelle du salarié s’apprécie au regard des fonctions de ce dernier et de la finalité
propre de l’entreprise ; qu’en l’espèce, l’exposante soulignait que de par ses fonctions de
directeur de l’information et des antennes de RFI, Monsieur X..., n° 2 de l’entreprise,
représentait la ligne éditoriale de RFI et occupait l’un des postes les plus élevés de la
société, et que celle-ci, en sa qualité d’entreprise de l’audiovisuel public, était tenue par le
principe de neutralité du service public (conclusions d’appel, p. 19) ; que la cour d’appel,
qui s’est abstenue de prendre en compte les fonctions du salarié et la finalité propre de
l’entreprise pour apprécier l’existence du trouble causé dans l’entreprise par les actes
reprochés à Monsieur X..., a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.
1232-1 du Code du travail ;
AUX MOTIFS ensuite QUE sur les griefs justifiant la faute grave, en premier lieu, la
société RFI soutient en vain que la diffusion par M. X... le 21 octobre 2004, à l’intérieur de
l’entreprise, du texte de sa réponse adressée à LIBERATION, en vertu de son droit de
réponse, constituerait une faute grave ; que selon l’intimée, cette transmission aurait eu
pour effet d’alimenter sciemment la polémique au sein de RFI ; que cependant-alors que
la preuve lui incombe d’établir que ce comportement de M. X... rendait impossible le
maintien du contrat de travail-la société RFI ne produit aucun élément et ne caractérise
nullement l’impossibilité de maintien ; que de plus, la nature fautive du comportement ainsi
reproché à l’appelant, n’est, elle non plus, pas démontrée ; qu’il convient, en effet, de
rappeler que le texte du “ droit de réponse “ adressé à LIBERATION par M. X... tendait à
dissiper l’amalgame, opéré, selon celui-ci, par le journaliste de LIBERATION, et de faire
préciser que “ les juifs communautaires “ désignés par ses propos ne visaient pas les
journalistes de RFI mais les individus qui lors de la parution et de la présentation de son
ouvrage s’en étaient pris aux propos et thèses défendus dans ce texte, notamment sur la
politique de l’état d’Israël ; qu’ainsi, ce texte ne comportait en lui-même aucun élément
destiné à “ alimenter la polémique “ et avait au contraire pour but de dissiper le
mécontentement qui s’était emparé de ses confrères de RFI.- lesquels s’étaient sentis
désignés par les propos litigieux, alors qu’aucun terme ne permettait, au demeurant, leur
franche identification ; que l’envoi de cette réponse apparaît dès lors comme une réaction,
juste et proportionnée de M. X.... aux messages internes que la société RFI et M. G...
avaient eux-mêmes diffusés les 19 et 20 octobre dans l’entreprise, pour annoncer et
justifier son licenciement, à la suite de la publication de ses propos dans l’article et
LIBERATION ; que, plus précisément, ces messages qui aux yeux de tous les
collaborateurs de la société RFI, accusaient l’appelant, d’avoir gravement offensé ses
confrères et porté atteinte à l’image et la sérénité de l’entreprise, rendaient nécessaire que
le débat ainsi rendu “ public “ soit, aussi, nourri par l’argumentation de M. X..., lui-même,d’autant que ce débat se tenait en un monde professionnel où le respect du contradictoire
et le sérieux de l’information sont de mise ; qu’en second lieu, les griefs tirés de la
prétendue déstabilisation de la société RMC-MO par M. X... à l’occasion de ses
prétendues réunions et relations avec le personnel de RMC-MO ne sont pas davantage
fondés que les précédents ; que s’agissant, tout d’abord, de sa présence matérielle auprès
du personnel de RMC-MO, les pièces versées aux débats permettent de retenir que
l’appelant n’a été en contact avec ce personnel que le 18 octobre 2004, jour de sa
démission de ses fonctions de directeur adjoint ; qu’en effet, pour les autres dates, au titre
desquelles il est reproché à M. X... de s’être trouvé dans les locaux de RMC-MO en
réunion avec les salariés de celle-ci, et d’y avoir dénigré le directeur des programmes, (le
20 octobre “ tant qu’il sera en place, cette radio ne marchera jamais “), ou d’avoir interrogé
les salariés sur les relations entre le rédacteur en chef et la direction (21 octobre) ou
encore, simplement, de s’être trouvé à la cafétéria où il cherchait à entrer en relation avec
un collègue de RMC-MO, la Cour observe que la présence de M. X... dans les locaux de
RMC-MO n’était nullement fautive en soi,- à tout le moins jusqu’au 28 octobre-puisque
jusqu’à cette date, notification de sa mise à pied conservatoire prononcée du chef de son
contrat de travail avec RFI, les liens existant entre les deux sociétés ainsi que les
anciennes fonctions de vice-président que l’appelant avait exercées au sein de RMC-MO
légitimaient cette présence ; que les attestations (émanant de C. E... et M. B...) retenues
par les premiers juges quant au dénigrement du directeur des programmes, le 20 octobre,
sont dépourvue de toutes précisions et ne permettent nullement de déterminer quelles ont
été les circonstances et la portée des déclarations de M. X... intéressant le directeur des
programmes, et partant, le caractère fautif des propos prêtés à l’appelant ; que les “ notes
d’information “ datées du 22 octobre et 2 novembre, adressées à M. G... par M. F...,
directeur général de RMC-MO, sont également dépourvues de valeur probante, dès lors
qu’elle ne font état que de constatations sans rapporter dans quelles conditions celles-ci
ont été faites ; que si un témoin, M. H... affirme avoir vu M. X... le 2 novembre 2004 “ dans
le hall du 7ème étage, porte F “, ce témoignage n’induit nullement que la présence de M.
X... était constitutive d’une faute quelconque-l’appelant affirmant avoir disposé à proximité
des locaux de RMC-MO, d’un bureau mis à sa disposition par l’une de ses connaissances,
travaillant pour une société tierce ; que cette déclaration du témoin est en outre compatible
avec l’explication, également fournie par M. X..., selon laquelle, il fréquentait, aussi, les
bureaux de son syndicat, avec lequel il préparait sa défense dans le cadre de la procédure
de licenciement engagée contre lui ; qu’en définitive, la matérialité de tous les faits
imputés à M. X... aux dates qui précèdent n’étant pas établie, ces faits ne sauraient “ a
fortiori “ être reprochés à l’appelant ; que si la présence de M. X... parmi le personnel de
RMC-MO, le 18 octobre, n’est pas discutée, les deux attestations précitées de C. E... et M.
B..., même complétées par la note d’information de M. F... relative à ce 18 octobre, mais
combinées avec celles produites par M. X..., démontrent, que ce jour là,- jour de sa
démission de ses fonctions au sein de RMCMO comme de ses fonctions directoriales au
sein de la société RFI-M. X... a surtout entendu inciter ses confrères de RMC-MO à ne pas
se démobiliser, en dépit de son départ de la société RFI et à conserver un esprit
optimisme créatif et libre, ainsi que le confirment les attestations fournies, cette fois, par
l’appelant ; qu’en conséquence l’allusion critique ponctuelle faite au directeur de RMC-MO,
par M. X... dans ce contexte, le 18 octobre 2004. ne peut être caractérisée de volonté
déstabilisatrice de M. X... à l’égard de RMC-MO ; que, par ailleurs, si des troubles, avec
une grève sont intervenus début décembre 2004 au sein de cette dernière société, les
déclarations faites par M. G... lors de la réunion exceptionnelle du personnel de cette
société le 30 novembre 2004 démontrent que ces événements sont directement
consécutifs au remplacement décidé par ses soins huit jours avant, du rédacteur en chef
en conflit avec le directeur de RMC-MO ; qu’aucune des fautes, invoquées par la société
RFI n’étant établie à l’encontre de M. X... pour justifier son licenciement, ce licenciement
doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement rendu par le
conseil de prud’hommes ayant estimé le contraire, sera, lui, infirmé de ce chef ;
9. ALORS QUE le salarié ne peut utiliser la messagerie interne de l’entreprise pour
adresser à la quasi-totalité du personnel de l’entreprise le droit de réponse qu’il a cru
devoir adresser à un journal ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’article L.
1232-1 du Code du travail, ensemble l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de
la presse ;
10. ALORS en outre QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu’en
l’espèce, dans son droit de réponse à Libération adressé à la quasi-totalité du personnel
de RFI, Monsieur X... indiquait : « Au cours de la conversation téléphonique que j’ai eue
(…) le 18 octobre avec votre collaborateur (…) j’ai effectivement affirmé mon sentiment «
d’avoir été victime d’une manip’» dans les événements me concernant. Point. Puis
ensuite, répondant à d’autres questions portant sur les détails de ces événements, j’ai
affirmé avoir tenu des propos qui ont pu choquer et faire réagir « un noyau de juifs
communautaires » qui ne supportaient pas qu’Israël soit critiqué. En évoquant ce « noyau
de juifs communautaires », je faisais allusion aux déclarations publiques me concernant
en tant qu’auteur de l’ouvrage « le mur de Sharon (…) faites à l’AFP le 15 octobre 2004 et
reprises dans la presse et les sites internet les 15, 16 et 17 octobre par l’avocat Gilles
William A..., qui se définit lui-même comme « juif de combat » dont la spécialisation est
d’engager des poursuites judiciaires et de mener des actions d’intimidation auprès des
personnes ne partageant pas sa vision de l’Etat hébreu. En effet G. W. A... a l’habitude de
faire directement pression sur les personnalités médiatiques et les journalistes qu’il accuse
de nuire à Israël … » ; qu’il ne se contentait donc pas de tenter de dissiper l’amalgame,
opéré, selon celui-ci, par le journaliste, et de préciser que “ les juifs communautaires “
désignés par ses propos ne visaient pas les journalistes de RFI, mais reprenait les thèmes
de la manipulation et du lobby juif et relançait inutilement la polémique concernant les
critiques dont il avait fait l’objet ; qu’en affirmant que ce texte ne comportait en lui-même
aucun élément destiné à “ alimenter la polémique “ et avait au contraire pour but de
dissiper le mécontentement qui s’était emparé de ses confrères de RFI, la cour d’appel a
dénaturé ce document et violé le principe susvisé ;
11. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce,
Mademoiselle B... attestait que « le mercredi 20 octobre 2004, Monsieur Alain X... a dit
que tant que Monsieur Béchara C... directeur des programmes de RMC-MO serait en
place, cette radio ne marchera pas » et Madame E... indiquait : « le mercredi 20 octobre
2004 au matin Monsieur X... a dit : “ tant que Monsieur Béchara C... sera en place, cette
radio ne marchera jamais “ » ; qu’en affirmant que ces attestations retenues par les
premiers juges quant au dénigrement du directeur des programmes le 20 octobre étaient
dépourvue de toutes précisions et ne permettent nullement de déterminer quelles ont été
les circonstances et la portée des déclarations de M. X... intéressant le directeur des
programmes, la cour d’appel a dénaturé ces attestations et violé le principe susvisé ;
12. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont
saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les
parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, l’exposante produisait, en plus des
notes d’informations rédigées par Monsieur F..., une attestation émanant de celui-ci
relatant les propos tenus par Monsieur X... lors de ses différents passages dans les locaux
de RMC-MO et précisant dans quelles conditions il les avait entendu, ainsi qu’une
attestation de Monsieur C... relatant les propos tenus par Monsieur X... le octobre 2004 et
à diverses autres occasions ; qu’en s’abstenant d’examiner ces pièces, la cour d’appel a
méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;
13. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont
saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les
parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, il résulte des communiqués
syndicaux des 30 novembre et 3 décembre 2004 ainsi que des dépêches AFP des mêmes
dates que la principale revendication de la grève survenue début décembre 2004 au sein
de RMC-MO était le départ du directeur de l’antenne Monsieur C..., qu’avait précisément
dénigré Monsieur X... ; qu’en affirmant que cette grève était directement consécutive au
remplacement décidé par ses soins huit jours avant, du rédacteur en chef en conflit avec
le directeur de RMC-MO, sans examiner ces documents, la cour d’appel a derechef violé
l’article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il avait fixé la
durée de l’ancienneté « entreprise » de Monsieur X... à 31 ans et 3 mois, pour le calcul de
l’indemnité légale de licenciement qui sera fixée par la commission arbitrale des
journalistes,
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X... soutient qu’il dispose d’une ancienneté de 31 ans et
3 mois au titre de son ancienneté dans l’entreprise, le temps de travail passé
antérieurement dans le cadre de ses contrats de travail conclus avec les sociétés du
groupe RADIO FRANCE, société nationale, faisant autrefois partie de l’ORTF, devant être
cumulé avec son ancienneté acquise au titre de son contrat le liant à la société RFÏ, et ce,
par application des dispositions de l’article 21 de la convention collective des journalistes
et de l’avenant audiovisuel à ce texte ; que, comme devant le conseil de prud’hommes, la
société RFI s’oppose à cette argumentation et fait valoir que l’ancienneté de M. X...
s’établit à 6 mois ; que contrairement à ce que prétend M. X... le contrat de ce dernier
avec RADIO FRANCE en vigueur jusqu’à ce qu’intervienne son engagement en son sein,
le 16 juin 2004, ne lui a pas été transféré, que les mentions portées sur le contrat établi
par elle à cette occasion, n’ont aucune nature contractuelle, aucune des parties n’ayant
signé la convention, et que ces mentions relatives à la durée de l’ancienneté du salarié
avaient pour seul effet de reconnaître à M. X... le bénéfice de cette ancienneté pour
certains droits conventionnels auxquels la convention renvoyait expressément (par la
formule : “ cf. art. 21 et 20 de l’avenant audiovisuel “), de sorte qu’à défaut de référence
expresse à l’indemnité de licenciement ne peut être calculée que pour la durée de
présence effective de M. X... dans ses effectifs, soit 6 mois ; que le contrat proposé par la
société RFI à M. X..., même s’il n’est signé d’aucune partie, indique clairement à l’article
IV. Intitulé “ ANCIENNETE :
” ancienneté dite “ entreprise “ en qualité de journaliste (cf article 700 du Code de
procédure civile (sic) 21 de l’avenant audiovisuel à la CCNJ) : 30 ans années 9 mois
ancienneté professionnelle (cf article 20 de l’avenant audiovisuel CCNTJ) : 31 ans 2 mois “
;
que, comme l’ont pertinemment estimé les premiers juges,- par une interprétation
combinée, que la Cour adopte, des dispositions contractuelles et de l’avenant audiovisuel
précitées que M. X..., alliée à l’existence d’un usage dans la professionl’ancienneté
acquise par M. X... au sein des sociétés du groupe de RADIO FRANCE doit être ajoutée à
celle acquise par lui au sein de la société RFI pour déterminer la durée de son ancienneté
dans l’entreprise – peu important, dès lors, que M. X... ne justifie pas de la rupture de son
dernier contrat conclu avec la société RADIO FRANCE ; qu’il s’ensuit que compte tenu
des 30 années et 9 mois d’ancienneté d’entreprise, acquises par M. X... au sein du
secteur public de l’information audiovisuel,- enregistrée en tant que telle dans le contrat du
16 juin 2004, que la société RFI est fondé à opposer à la société RFI (sic)- le conseil de
prud’hommes doit être approuvé d’avoir évalué l’ancienneté dans l’entreprise de M. X... à
31 années et 3 mois au jour de son licenciement ; que sur l’indemnité conventionnelle de
licenciement, M. X... réclame justement de ce chef, en application de l’article 40-3 de
l’avenant audiovisuel de la CCNTJ, une indemnité égale à 58. 333, 33 €, puisque aussi
bien, son ancienneté dans l’entreprise, telle définie cidessus, étant supérieure à 15 ans,
cette indemnité s’élève à 7/ 12 de sa rémunération annuelle, incontestée, de 100. 000 € ;
que le jugement entrepris sera aussi confirmé au titre de la condamnation au paiement de
cette somme, prononcée en première instance contre la société RFI ; que s’agissant de
l’indemnité légale de licenciement, prévue par le code du travail, son montant-en
application des dispositions dudit code, spécialement réservées aux journalistes-sera
déterminé sur la base de l’ancienneté dans l’entreprise, susmentionnée, par la
commission arbitrale des journalistes, déjà saisie d’ailleurs par M. X... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’il est demandé au Conseil de Prud’hommes de se
prononcer sur l’ancienneté de Monsieur X... en vue de l’attribution et de la fixation par la
commission arbitrale d’une indemnité de licenciement, conformément à l’article L761-5 du
code du travail ; que cette indemnité est due même en cas de faute grave ou fautes
répétées, sous réserve de l’appréciation de la commission ; que RFI prétend la limiter aux
6 mois de présence dans sa société ; que le contrat de travail proposé par RFI, non signé
par Monsieur X... mais ayant reçu exécution lui reconnaît une ancienneté dite “ entreprise
“ en qualité de journaliste selon article 21 de l’avenant audiovisuel CCNTJ de 30 ans et 9
mois et une ancienneté professionnelle de 31 ans et 2 mois (article 20 de l’avenant) ; que
la reprise d’ancienneté en cas de changement d’une société à l’autre du service public
audiovisuel est d’un usage constant et découle d’un droit à la mobilité instauré par une loi
du 29 juillet 1982 ; qu’en application de l’article 21 de l’avenant audiovisuel, l’ancienneté
de Monsieur X... sera retenue à hauteur de 31 ans et 9 mois dans la profession et 31 ans
et 3 mois dans l’entreprise, y compris l’ancienneté de 6 mois chez RFI ; que l’indemnité
légale de licenciement dépend de l’ancienneté dans l’entreprise au regard de l’article L
122-9 du code du travail ; que Monsieur X... entend choisir comme référence pour le calcul
de l’indemnité de licenciement la moyenne des 3 derniers mois soit 8960 € (article R122-2
du code du travail) ;
1. ALORS QUE le contrat de travail proposé par la société RFI à Monsieur X... indique à
l’article IV Ancienneté : « à la date d’effet de ce présent contrat, les anciennetés
reconnues sont les suivantes : ancienneté dite “ entreprise “ en qualité de journaliste (cf.
article 21 de l’avenant audiovisuel CCNTJ) : 30 années, 9 mois-ancienneté dite “
professionnelle “ (cf. article 20 de l’avenant audiovisuel CCNTJ) : 31 ans 2 mois » ; que
cette clause ne constitue pas un engagement général de reprise d’ancienneté mais
seulement la reconnaissance des anciennetés dites « entreprise » et « professionnelle »
pour les seuls besoins de l’application des articles 20 et 21 de l’avenant audiovisuel,
expressément visés ; que concernant l’ancienneté dite « entreprise », l’article 21 de
l’avenant audiovisuel à la convention collective des journalistes précise que c’est
seulement « pour l’application des articles 19, 32, 40 et 47 » relatifs respectivement aux
salaires, aux congés exceptionnels, au calcul de l’indemnité conventionnelle de
licenciement due en complément de l’indemnité légale de licenciement au journaliste
licencié pour un motif non disciplinaire et aux retraites que « sont considérés comme
temps de présence dans l’entreprise (…) le temps de présence effectif accompli en qualité
de journaliste au sein d’une entreprise ou d’une administration publique ayant assuré le
service public national de la radio et de la télévision et le temps passé par les bénéficiaires
de l’alinéa précédent en tant que journaliste permanent dans l’une des sociétés ou dans
l’un des établissements issus de l’ORTF et créés par les lois du 7 août 1974 et 29 juillet
1982 » ; qu’en jugeant qu’il résultait d’une interprétation combinée du contrat et de
l’avenant audiovisuel que l’ancienneté acquise par Monsieur X... au sein des sociétés du
groupe de RADIO FRANCE devait être ajoutée à celle acquise par lui au sein de la société
RFI pour déterminer la durée de son ancienneté dite « entreprise » pour le calcul de
l’indemnité légale de licenciement prévue par l’article L. 761-5 devenu L. 7112-3 et L.
7112-4 du Code du travail, la cour d’appel a dénaturé la clause susvisée et violé l’article
1134 du Code civil ;
2. ALORS QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et en particulier de
préciser l’origine des renseignements qui ont servi à motiver leur décision ; qu’en affirmant
péremptoirement que la reprise d’ancienneté en cas de changement d’une société à
l’autre du service public audiovisuel était d’un usage constant dans la profession, sans
préciser d’où elle tirait cette information, qui était expressément contestée par l’exposante,
la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
3. ALORS enfin QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des
parties ; qu’en l’espèce, la société RFI faisait valoir que l’embauche de Monsieur X... ne
s’inscrivait nullement dans le cadre des dispositions légales ou conventionnelles relatives
à la mobilité interentreprises dès lors notamment qu’il n’y avait pas eu de transfert du
salarié de RADIO FRANCE à RFI, que la loi du 29 juillet 1982 renvoyait au décret du 21
juin 1983 pour l’organisation des personnels à l’intérieur des sociétés nationales et que ce
décret n’organisait cette mobilité que dans le cadre de la saisine de la commission de
mobilité, laquelle n’avait jamais été saisie du cas de Monsieur X... et qu’au demeurant les
dispositions prévoyant une reprise d’ancienneté pour certains salariés avaient été abrogés
par la loi du 30 septembre 1986 (conclusions d’appel, p. 39) ; qu’en affirmant
péremptoirement, par motifs adoptés, que la reprise d’ancienneté en cas de changement
d’une société à l’autre du service public audiovisuel découlait d’un droit à la mobilité
instauré par une loi du 29 juillet 1982, sans répondre à ces conclusions, la cour d’appel a
derechef violé l’article 455 du Code de procédure civile.
Publication :
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 6 mars 2009

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