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synthèse Œsophagite à éosinophiles : mise à jour 2011 L’œsophagite à éosinophiles (EoE) montre une incidence et une prévalence croissantes dans les pays occidentaux. Elle re présente actuellement la principale cause de dysphagie chez les patients adultes. C’est une pathologie fréquemment asso ciée à des allergies et qui se retrouve préférentiellement chez les patients de sexe masculin. Le diagnostic est établi en cas de dysfonction œsophagienne associée à une infiltration d’éosi nophiles au niveau de la muqueuse œsophagienne, après ex clusion d’autres pathologies potentiellement incriminables. Concernant les différents traitements, les corticostéroïdes topi ques induisent une amélioration clinique et histologique rapide lors d’EoE active. Dans la population pédiatrique, les régimes excluant les aliments allergènes montrent une efficacité simi laire à celle des corticoïdes topiques. Les dilatations œsopha giennes se révèlent également efficaces en cas de dysphagie mais sans effet sur l’inflammation sousjacente. Les stratégies thérapeutiques à long terme sont à l’heure actuelle encore mal définies et nécessitent des investigations supplémentaires. Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 1678-82 S. Godat D. Moradpour A. Schoepfer Drs Sébastien Godat et Alain Schoepfer Pr Darius Moradpour Service de gastroentérologie et d’hépatologie CHUV, 1011 Lausanne [email protected] [email protected] [email protected] Eosinophilic esophagitis : update 2011 Eosinophilic esophagitis (EoE) shows an increasing incidence and prevalence in western countries and is currently the main cause of dysphagia in adults. This disease is more prevalent in males and is frequently associated with allergies. Diagnosis is based on the presence of esophageal symptoms, dense eosinophilic esophageal infiltration, and the exclusion of other conditions associated with esophageal eosinophilia. Topical corticosteroids lead to a rapid clinical and histological improvement of active EoE. Especially in children, elimination diets can have similar efficacy as topical corticosteroids. Esophageal dilation of EoE-induced strictures can also be effective in improving symptoms, but this therapy has no effect on the underlying inflammation. Long-term therapeutic strategies have yet to be defined. 1678 introduction L’œsophagite à éosinophiles (EoE) est une pathologie reconnue depuis 1993.1 Initialement présumée comme étant une maladie rare, elle présente une incidence et une prévalence en progression constante dans les pays occidentaux. La compréhension de la maladie et de sa pathogenèse a rapidement évolué depuis une décennie, avec mise en évidence d’une relation étroite avec des manifestations immuno-allergiques. Les thérapies actuelles se basent principalement sur différentes formes de diètes avec éviction d’aliments allergènes, sur les corticostéroïdes et sur la dilatation endoscopique d’éventuelles sténoses œsophagiennes. définition et épidémiologie L’EoE est une maladie inflammatoire chronique de l’œsophage, immuno-médiée, définie par la présence de symptômes d’une dysfonction œsophagienne associés à une infiltration d’éosinophiles au niveau de la muqueuse œsophagienne.2 Par souci d’homogénéisation, des critères diagnostiques ont été établis (tableau 1). D’autres pathologies (reflux gastro-œsophagien (RGO), maladie cœliaque, maladie de Crohn, achalasie, vasculites, connectivites, syndrome hyperéosinophilique, gastroentérite à éosinophiles, etc.) peuvent être associées à un infiltrat éosinophile de l’œsophage.3 Il est primordial de les exclure avant de pouvoir poser le diagnostic d’une EoE. Le barème histologique de M 15 éosinophiles à fort grossissement (400 x) est arbitraire au vu d’un manque de consensus international sur la méthode de mesure.4 Le RGO peut être une conséquence ou coexister avec une EoE. Il sera recherché par pH-métrie de 24 heures ou par un traitement d’épreuve d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Du point de vue épidémiologique, l’EoE est une maladie des pays industrialisés et se retrouve préférentiellement chez les patients de sexe masculin, pour Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 7 septembre 2011 14_18_35867.indd 1 01.09.11 09:26 Tableau 1. Critères diagnostiques de l’œsophagite à éosinophiles2 Manifestations cliniques Symptômes liés à une dysfonction œsophagienne Critères histologiques M 15 éosinophiles à fort grossissement (400 x) Critères d’exclusion Exclusion d’une autre cause provoquant un infiltrat d’éosinophiles de l’œsophage un sexe-ratio de 4:1. Elle apparaît typiquement dans l’enfance ou chez les jeunes adultes durant la troisième décennie.5 Son incidence est estimée entre 6 et 10 pour 100 000 personnes, avec une prévalence ayant décuplé en quinze ans.6 physiopathologie Dans des conditions physiologiques, la muqueuse œsophagienne est exempte de polynucléaires à éosinophiles. Une association entre l’EoE et des allergènes environnementaux alimentaires ou volatiles est bien documentée, avec constatation d’un infiltrat d’éosinophiles aux niveaux œsophagien et bronchique après exposition volontaire chez des modèles murins.7 Les maladies atopiques (asthme, rhinite allergique, eczéma) sont observées chez 70% des patients adultes et dans plus de 80% de la population pédiatrique atteints d’une EoE.8 L’hypothèse actuelle de la physiopathogenèse de l’EoE parle donc en faveur d’une réaction inflammatoire locale exagérée faisant suite à un contact avec des allergènes alimentaires. Ces allergènes favorisent l’accumulation d’éosinophiles au niveau de la muqueuse œsophagienne par le biais de mastocytes et de lymphocytes auxiliaires Th2. Ces derniers ayant la particularité d’être des présentateurs d’antigènes et des producteurs de protéines ou cytokines pro-inflammatoires. L’interleukine 5 (IL-5) semble jouer un rôle-clé dans la différenciation hématopoïétique et le contrôle du taux périphérique des éosinophiles tandis qu’une autre molécule faisant partie des chimokines, l’éotaxine, semble jouer un rôle dans le recrutement et l’accumulation des éosinophiles au niveau du tractus intestinal.9 Les éosinophiles ainsi activés ont dès lors un pouvoir cytotoxique après dégranulation. portée sur la présence concomitante d’atopies et d’aliments potentiellement incriminables. diagnostic L’endoscopie haute est un examen indispensable pour le diagnostic de l’EoE. Elle devrait être réalisée chez tout patient avec suspicion d’une EoE. Les signes typiques retrouvés sont des anneaux transitoires ou fixes donnant un aspect d’un œsophage ondulé, des tâches ou exsudations blanchâtres, des sillons longitudinaux, des lignes verticales, une muqueuse friable, œdématiée, un aspect type papier de crêpe et des sténoses (figure 1). Toutefois aucun signe ne se révèle pathognomonique de l’EoE et l’endoscopie haute peut également se révéler vierge dans environ 30% des cas malgré une maladie sous-jacente.2 Il est donc essentiel de coupler à l’endoscopie de multiples biopsies du bas et du haut œsophage (au nombre de quatre par localisation). La réalisation concomitante de biopsies gastriques et duodénales est recommandée afin d’exclure d’autres pathologies pouvant occasionner un infiltrat à éosinophiles. La mesure du pH, l’impédance pH-métrie ont un rôle afin de confirmer un éventuel RGO concomitant.11 Les examens radiologiques comme le transit baryté peuvent être utiles afin de préciser l’anatomie et d’évaluer la longueur d’éventuelles sténoses lorsqu’un examen endoscopique n’est pas réalisable. manifestations cliniques Aucun signe clinique n’est à proprement parlé pathognomonique. Certains symptômes sont typiques et doivent faire suspecter une EoE. Leur présentation est relative à l’âge. Ainsi, les difficultés d’alimentation et retard de croissance seront prédominants chez les enfants en bas âge. Les adolescents se présenteront eux préférentiellement avec des nausées, des vomissements, des dysphagies et les adultes avec des douleurs rétrosternales atypiques, des épigastralgies, des odynodysphagies ou des impactions alimentaires.2,10 Les symptômes de reflux ne répondant pas à de hautes doses d’IPP doivent également faire évoquer une EoE. Une attention particulière doit être Figure 1. Images endoscopiques de patients souffrant d’œsophagite à éosinophiles (Avec l’amabilité du Pr Alex Straumann, Olten). A. Exsudations blanchâtres. B. Sténose de l’œsophage. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 7 septembre 2011 14_18_35867.indd 2 1679 01.09.11 09:26 L’examen histologique ne peut à lui seul confirmer le diagnostic d’EoE. Pour cette raison, il est nécessaire de coupler cet examen à un ensemble de signes cliniques, endoscopiques et d’exclure d’autre cause potentielle d’éosinophilie œsophagienne. Un nombre d’éosinophiles M 15 à fort grossissement sur au moins une biopsie est toutefois nécessaire afin de poser le diagnostic d’EoE2 (figure 2). Le taux maximum d’éosinophiles, la présence de micro-abcès, d’une couche de surface d’éosinophiles, d’une hyperplasie de la couche basale, d’un œdème intercellulaire, d’une fibrose de la lamina propria et une déposition extracellulaire de granulations d’éosinophiles sont également des paramètres histologiques importants à prendre en compte en faveur d’une EoE.12 Figure 2. Epithélium pavimenteux œsophagien avec infiltration éosinophile traitement Les anti-acides comme les IPP se révèlent utiles en cas d’un reflux secondaire à une EoE ou d’un RGO concomitant.2 Les corticoïdes sont la pierre angulaire du traitement actuel de l’EoE par le biais d’un contrôle du processus inflammatoire. Les deux formes, systémiques et topiques sont efficaces afin d’obtenir une rémission clinique et endoscopique.13 Les corticoïdes systémiques ont le désavantage d’avoir de multiples effets secondaires par rapport aux préparations topiques qui bénéficient d’une action directe sur la muqueuse et d’une métabolisation hépatique précoce.14 Les corticoïdes systémiques sont donc gardés en cas d’échec des corticoïdes topiques.2 Concernant les corticoïdes topiques, un traitement par budésonide 2 x 1 mg par jour a montré son efficacité, avec une rémission clinique et histologique complète après quinze jours chez 72% des patients.13 Une faible dose de budésonide (2 x 250 mg par jour) a montré une efficacité supérieure au placebo afin de maintenir une rémission clinique à long terme, sans effets secondaires notables.15 Les principaux effets indésirables sont la candidose oropharyngo-œsophagienne et la sécheresse buccale. Les posologies recommandées de budésonide ou de fluticasone sont entre 176 et 880 mg/jour pour les enfants et 880-2000 mg/jour pour les adolescents et les adultes. La méthode d’administration est importante, avec recommandation d’avaler le produit pur, sans autres li- 1680 quides et de respecter un jeûne complet dans les 30 minutes suivant l’ingestion du médicament.2 Il est également conseillé d’effectuer un rinçage de bouche avec de l’eau après l’ingestion du produit, afin de réduire le risque d’une candidose orale. Les régimes alimentaires ont principalement démontré leurs efficacités dans la population pédiatrique. Trois types de régime ont été étudiés. Le premier, basé sur l’élimination spécifique des aliments incriminés, après réalisation de Patch et Prick tests, montre une résolution clinico-histologique de 77% après six semaines dans une population pédiatrique.16 Le deuxième, basé sur l’élimination des six aliments allergènes les plus communs (lait, œuf, soja, blé, maïs et viande bovine) a montré une amélioration dans 74% des cas.17 Le dernier régime, basé sur un mélange d’acides aminés et de peptides, est le plus efficace, avec une résolution clinico-histologique chez L 90% des cas après sept à dix jours.18 Ces différents régimes sont toutefois difficiles à réaliser au vu d’obstacles tels que la compliance, la réalisation (hospitalisation avec nutrition par sonde nasogastrique en cas de mélange d’acides aminés, peptides) et le coût. Dans ce contexte, une évaluation globale du patient et de son entourage ainsi qu’une consultation en immunoallergologie doivent être réalisées avant d’introduire un de ces traitements.2 En cas de sténoses de l’œsophage avec dysphagie symptomatique, la dilatation par voie endoscopique a fait ses preuves tant du point de vue efficacité que sécurité.19 La dilatation par bougie ou par ballonnet sont les deux techniques reconnues. Les complications résident principalement en des déchirures de la muqueuse et des douleurs pouvant nécessiter une hospitalisation. Les perforations sont rares, même après de multiples dilatations.20 Deux tiers des patients montrent une amélioration de leur dysphagie pour une période supérieure à douze mois après dilatation. Il n’a pas été prouvé si une thérapie médicale instaurée avant le geste endoscopique améliorait l’évolution clinique. Une dilatation précoce est recommandée en cas de sténose complexe avec impaction alimentaire1 (figure 3). D’autres traitements comme l’azathioprine et le 6-mercaptopurine sont en cours d’investigation et paraissent efficaces en cas de résistance aux corticoïdes.21 Le mépolizumab, un anticorps anti-IL-5, a également montré une réduction significative du taux d’éosinophiles intramuqueux, avec une amélioration notable du point de vue clinique.22 conclusions Comme discuté précédemment, des progrès significatifs ont été effectués dans la compréhension de la physiopathogenèse et des choix thérapeutiques de l’EoE. Toutefois, l’EoE reste à l’heure actuelle une maladie de découverte récente avec plusieurs points à éclaircir tels que l’élaboration de critères diagnostiques universels, l’efficacité à long terme des traitements, la guérison muqueuse ou la résolution clinique comme objectif thérapeutique final. Des études supplémentaires sont donc nécessaires afin d’élaborer un consensus sur les diverses stratégies thérapeutiques à long terme. Certaines perspectives sur des facteurs génétiques sont également en train d’émerger dans la littéra- Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 7 septembre 2011 14_18_35867.indd 3 01.09.11 09:26 Traitement d’induction : corticoïdes topiques Budésonide 1mg 2 x/j PO pour 2 semaines Répondeur Poursuite de la thérapie patient présentant une histoire clinique compatible. Afin d’optimiser la prise en charge, il est important de sensibiliser les différents intervenants médicaux, et d’effectuer une prise en charge multidisciplinaire et spécialisée conjointe. Non-répondeur Sans stricture Stricture Corticoïdes systémiques Dilatation Répondeur Non-répondeur Sevrage et suivi Traitement immunosuppresseur ou biologique Figure 3. Algorithme pour le traitement de l’œsophagite à éosinophiles ture actuelle, et devront être prises en considération dans le futur. En attente de ces réponses, la prévalence de l’EoE ne doit pas être négligée et il faut y penser devant chaque Implications pratiques > Une œsophagite à éosinophiles (EoE) doit être évoquée de- vant chaque patient présentant une dysphagie ou une suspicion de reflux gastro-œsophagien résistant aux traitements d’épreuve par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) > Devant un infiltrat à éosinophiles de l’œsophage, un diagnos- tic différentiel doit être réalisé avant de poser le diagnostic d’EoE. Les éléments cliniques, histologiques et endoscopiques doivent être pris en compte > L’EoE est une pathologie intimement liée à des phénomènes allergiques. Un bilan d’atopies doit donc être recherché et une consultation immuno-allergologique doit être envisagée > Le traitement d’une EoE doit être adapté en fonction de l’évolution, la gravité de la maladie et le style de vie. Il repose principalement sur les corticoïdes topiques Bibliographie 1 Attwood S, Smyrk T, Demeester T, et al. 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