Rentrée étudiante, La Voix du Nord 11/10/16

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Rentrée étudiante, La Voix du Nord 11/10/16
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On vous en dit plus
ÉPILOGUE UNE ANNÉE EN TERMINALE
1
LA VOIX DU NORD MARDI 11 OCTOBRE 2016
Nos sept terminales
du lycée Kastler de
Denain1 fraîchement
diplômés1 ont quitté le
cocon du secondaire
pour la vie étudiante à
Valenciennes1 Lille ou
Paris. Responsabilités1
surprises1 attentes
et désillusions1 les
jeunes adultes se
confient sur leur
nouveau départ.
PAR SOPHIE FILIPPl·PAOLI ET PIERRE ROUANET
PHOTOS THOMAS LO PRESTI,
~DOUARD BRIDE ET BAZIZ CHIBANE
[email protected]
« Tout va bien. » Calme, souriant, c'est bien François qui nous
fait face.« L'euphorie du bac vite retombée», le jeune homme a
passé l'été chez lui, à Escaudain. Entre son jardin- «pas mal de
plantes ont brûlé» - et ses «cures de sommeil». La rentrée? «Pas
de grosse rupture » dans ce DUT GEA. Il s'y rend tous les matins,
en train, depuis chez ses parents. Sinon, papi et mamie offrent
le gîte et le couvert, à Valenciennes. «Autant mettre l'argent dans
des vacances plutôt que dans un appart qui ne servirait à rien ... »
La format!on lui «plaît beaucoup » : « C'en est fini de la physiquechimie 1»Etablissement« à taille humaine» et« bonne ambianêe »,
ville qu'il connaît - «Je pensais que Denain allait me manquer, mais
non» - et amplitude horaire identique ... «C'est comrrze si c'était
toujours la terminale, sauf que j'ai beaucoup moins de èheveux. » S'il
a coupé le cordon, c'est avec ses camarades : «Je ne revois absolument personne. » Quelques contacts, quand même, avec son pote
Julien. Mais rupture, aussi, avec le François qu'on a connu si
indécis. Le jeune majeur parle compta, banque, gestion ... Il est
même déjà sûr de pousser jusqu'au master. «On nous dit
C'est une discrète maison, au bout d'une courée de Loos : deux
étages remis en état, en août. Au second, Minnie, jeune (mais
bruyant) cochon d'Inde, est le seul qui se la coule douce. Emeline
rouffle: «Huit heures d'amphi, j'ai le dos en vrac 1»La voilà enfin
cette première année commune aux études de santé (PAGES). «La
médecine, on ne pense plus qu'à ça», disait-elle dès avril 2015, moins
à !'aise avec la perspective de !'autonomie. Depuis le 2 septembre,
c'est pourtant la vie à deux qu'elle expérimente, dans une capitale
régionale à une heure de ses proches, noyé_e dans des amphi de
600 élèves ... Avec énormément de bûche. A peine plus d'un mois
après la rentrée, « on a déjà fait deux fois le programme de terminale ».
Le duo paraît pourtant plus détendu. Surprenant, alors que les
inséparables ont été contraints à la scission quotidienne : elle a
cours le matin, lui l'après-midi. Ils ne se retrouvent que le soir, sur
- des bureaux ordonnés à l'identique. Et puis, tous les matins, Kevin
joue les chauffeurs: réveil forcé à 6 h 50. Un coup de fouet pour les
révisions. La médecine l'exige:« On pensait qu'on bûcherait tous les
jours jusqu'à 22 h. Finalement, il arrive que l'on pousse jusqu'à
23 h 30. »Le week-end? Emeline a rendez-vous à 8 h 30, le samedi, avec son piano denaisien. «Moi, je dors, souffle Kevin. C'est mon
seul moment. » Court répit: ils passeront deux jours sur leurs cahiers. Même programme jusqu'aux premiers exams, mi-décembre.
Deux petites semaines de trêve - « On regardera quand même les cours
suivants» - et rebelote. Parce qu'il
faudra se battre pour se faire une
j bonne) place parmi les 5 % qui
~pourront prétendre à cette fac de
' ' On pensait qu'on
pharma qu'ils visent encore à deux.
bûcherait tous les jours
Une seule PAGES, c'est !'objectif:
jusqu'à
22 h. Finalement,
« On fait le maximum pour passer
directement. On veut vite faire ce qu'on il arrive que l'on pousse
aime. » On leur fait confiance. •
jusqu'à 23 h 30. "
constamment qu'on va coûter cher à la société. Comme il n'y a plus
de travail, j'essaie d'aller au plus haut: un max de diplômes pour
assurer la suite.» Mais où est passé le rêveur de février 2015,
celui qui se voyait bien « en année sabbatique en Espagne » ou
« épouser une baronne» ? «Je ferais bien une licence en tourisme à
,
• , • • Majorque ou une année à l'étranger, dans un pays hispanophone.
C e~t comme SJ c. etait Ah / Et puis, on part en février au Mexique, avec ma mère, voir les
tpu1ours la terminale, temples mayas. » Nous voilà rassurés. •
'
'
sauf que j'ai beaucou~
moins de cheveux.
.IA VOIX DU NORD MARDI 11 OCTOBRE 2016
On vous en dit plus
Lits superposés, salle de travail : tout dans les locaux de la prépa
MPSI du lycée Wallon sent le neuf et Charles y a l'air tout à fait à
son aise : «Faire plein d'heures de maths et de physique, ça m'éclate 1
À la rentrée, j'étais pas trop dedans mais là je m'y suis mis. » Avec
travail à la maison dès 7 h jusqu'à 23 h 30 en comptant, entre
deux, les cours ~t les trajets en voiture. Un rythme très soutenu
qui l'a amené à opter pour l'internat il y a quelques jours:« L'essence ça coûte cher. J'ai une bourse mais bon... » Passée la rentrée où
. «tout le monde se juge du regard», il trouve que l'ambiance est
bonne : « En plus, je connaissais déjà Geoffrey ... J'ai senti quand
même que certains avaient des préjugés contre Denain et notre lycée.
Il y a plus de gens d'un niveau social élevé que là où j'étais mais il y
a de l'entraide et on commence à bi~n rigoler 1»Côté cours, il s'en
sort bien avec un 19, 8 sur 2 0 le matin même en maths : « Je
me sens à fond dedans!» Oui, il· voit toujours sa copine, Camille,
qui a laissé tomber médecine pour une prépa au concours
d'infirmiers et il retrouve sa famille le week-end: «Le réfectoire
matin midi et soir Ça a été dur mais je me suis habitué. » Il sourit,
radieux comme tous ceux qui ont trouvé leur 11oie. •
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' ' Faire plein
d'heures de maths
et de physique,
,d_
ça m'éclate !
A la rentrée, j'étais pas·
trop dedans mais là je
m'y suis mis. "
Grand sourire, l'air détendu, Alexandre a l'air mille fois phis dans son
élément sur le banc de la fac des métiers du sport de Valenciennes que
dans la cour du lycée Kastler : «Je fais ce que j'aime ! » Après un été passé, entre autres, à travailler chez Decathlon, Alexandre a découvert les ,
cours en amphi: «En STAPS, il y a vraiment une super ambiance, c'est
très familial. On a, notamment, fait une grosse fête pour la journée d'intégration avec les parrains qui sont arrivés en chantant, on s'est tous lâchés ce
jour-là ! La fonction de parrain a vraiment un sens ici. Ce sont de vrais référents. ]'avais aussi déjà pas mal d'amis à moi qui étaient dans cette fac. »
Côté cours, Alexandre apprécie vraiment la psychologie, beaucoup
moins la physiologie: «Du coup, j'y vais pas trop... » Ça le fait rire avec,
comme toujours, une joie de vivre totalement désarmante. D'autres
changements ? Il a une copine depuis quatre mois - « Ça se pàsse bien
mais je préfère ne pas en parler pour le moment » -, continue le judo à
Abscons et dans les clubs où sa coach intervient : « Cela fait quatre
entraînements par semaine. » Sans compter la boxe anglaise dans le
cadre de ses cours : «Pour le sport, on fait autant de pratique que de
théorique, ça peut être déstabilisant pour ceux qui pensaient faire surtout
des entraînements. D'ailleurs, le niveau global en sport est excellent. » Il
veut toujours être prof et reprendre la compétition : «Je ne vais pa'sforcém ent briller! » Sa modestie aussi est désarmante. •
Petite voix calme et joli rire, on la sent heureuse d'entendre, au téléphone, une
voix familière: «Oui, ça va même si c'est vraiment un autre monde! Tous les autres
sont.fils d'avocats, de médecins ou d'ingénieurs et viennent surtout de Louis-Legrand
ou Henri Hl. Moi, je viens de nulle part et je suis la seule boursière 1» Oui, Jade est à
Paris, en prépa littéraire à HenriIV 1 Nous l'avions pourtant laissée en route
vers une hypokhâgne douaisienne suite au refus du lycée parisien de l'intégrer
à l'internat : «C'est mon prof de philo qui a appelé la préfecture qui m'a reçue pour
·la médaille du mérite en juillèt. Je crois que les articles ont peut-être aussi joué...
Quand ils ont su pour l'internat, ils ont contacté le rectorat de Paris qui a appelé
Henri rv. .. et ils m'ont prise!» Hormis sa fenêtre qui laisse passer du bruit et la
différence avec les autres élèves - «Pour eux, c'est dans l'ordre des choses d'être
là; mai c'est plutôt la surprise!»-, Jade a. l'air heureuse: «Les cours sont passionnants et les discussions dans la classe sont hyper intéressantes 1Certains ont une
rhétorique incroyable... Je ne me donne pas encore à fond parce qu'il faut
tenir un an et j'essaie d'en profiter le plus
possible. Je me dis que j'ai
vraiment de la chance d'être
là. En plus, il y a des cours de
danse dans le lycée/ Et puis, le
fait que 1'on soit différents
avec les autres, cèla peut aussi
nous rapprocher. ~> •
' ' C'est vraiment
un autre monde !
Tous les autres.
sont fils d'avocat,
de médecin
et d'ingénieur. "
Assis devant sa fac, Enzo a l'air d'être sous pression. D'ailleurs, a t-il prévenu, on
ne pqurra pas le voir longtemps : « Tout est minuté maintenant. » Depuis, en fait,·
cette première année de médecine à Lille qui semble écrasante : «J'arrive à avoir
des moments pour moi mais je bosse matin, midi et soir. Pour une heure de cours, t'as
derrière trois heures de boulot. » Rien à voir avec le lycée donc: « C'est évident 1À la
rentrée, c'est direct assez brutal. Et puis l'ambiance est plutôt froide. Cela dit, on
m'avait raconté les pires trucs genre "on te donne de faux cours" etc. etlà c'est pas du
tout ça. » Malgré une capacité de travail qui a fait ses preuves, Enzo lâche qu'il
n'est pas au.point : «Je pense à autre chose toutes les 5 minutes, c'est pas bon signe 1
Et dans six semaines, c'est les partiels, il y a un tiers qui va être réorienté.. .» Pour le
reste, sa vie se partage entre des trajets quotidiens en train jusqu'à la fac - « Un
· appart à Lille c'était trop
cher ; cela dit, je vais bientôt avoir une bourse» , ses
amis, sa famille ... « Même
si, clairement, ·cette année ·
n'est pas celle où je vais le
plus m'amuser et ce n'est
pas.fini 1» •
' ' Clairement,
cette année
n'est pas celle
où je vais
le plus m'amuser
et ce n'est pas fini ! "