Dynamique des paysages périurbains en basse
Transcription
Dynamique des paysages périurbains en basse
Dynamique des paysages périurbains en basseProvence calcaire : Démarche méthodologique d’une approche combinée écologie économie A combined ecological and economical methodological approach to the dynamics of exurban landscapes in calcareous Provence Estelle DUMAS1, Claude NAPOLÉONE2, Marielle JAPPIOT2, Philip ROCHE1, Thierry DUTOIT1, Thierry TATONI1 1 IMEP Université de Droit, d’Economie et des Sciences Avenue Escadrille Normandie Niemen, 13397 Marseille Cedex 13 Tél : 04 91 28 89 76 - Fax : 04 92 88051 - [email protected], [email protected], [email protected], [email protected], 2 Cemagref, Le Tholonet BP 31, 13612 Aix-en-Provence Cedex 1 Tél : 04 42 66 99 10 - Fax : 04 42 66 99 71 - [email protected], [email protected] Résumé L'accélération de l’étalement spatial des villes, observé au cours des 20 dernières années, impose la rencontre entre la dynamique anthropique et la dynamique de la végétation. L'agglomération marseillaise en est un exemple : en 20 ans, l'urbanisation s’est étendue sur les terres agricoles (pour beaucoup abandonnées) des communes avoisinantes. L’organisation de l’urbanisation sous forme linéaire aux abords des espaces "naturels" ou sous forme surfacique à l'intérieur des îlots forestiers structure nouvellement le paysage et tend à le fragmenter. Les conséquences de la fragmentation d'un milieu sont multiples. Elle réduit les flux d'espèces et de nutriments, favorise le développement des espèces de lisière et des espèces multi habitat et semble altérer la capacité de résilience des systèmes. Ces paysages sont donc le résultat d’une pression anthropique passée (évolution de friches agricoles par exemple) et actuelle qui façonnent ces milieux et dictent l’évolution des patrons paysagers. Dans ce cas, l’étude de la dynamique du paysage peut être appréhendée par la réciprocité relative entre dynamique urbaine et « naturelle ». S'il existe une relation entre la structure spatiale et l’organisation de la diversité, il est alors possible d’en déduire des lois d'organisation générales qui peuvent être formalisées par un modèle intégré de la dynamique urbaine et « naturelle ». Ceci est l’objectif d’un travail interdisciplinaire économie spatiale/écologie du paysage qui implique la mise en oeuvre une démarche méthodologique en fonction des approches économique et écologique par le biais de l’analyse conjointe de la structure spatiale. 211 Pour cela, nous avons dans un premier temps, créé une typologie des interfaces urbanisation/espaces "naturels". Dans un second temps, l’analyse de l’influence réciproque des deux systèmes établis au préalable, doit nous permettre d’établir des scénarios d’évolution des interfaces urbanisation/espaces «naturels» et plus généralement une modélisation de la dynamique des paysages périurbains. Abstract Urban sprawl provides a model of competitive land use where anthropogenic and wildland dynamics enter into conflict, creating a disturbance at the urban/wildland interface and thereby affecting the biodiversity. For example, in the Bouches-du-Rhône department in southern France, natural lands have gradually been abandoned since the early 1900s, to be colonized by easily combustible forest species such as Aleppo pine (Pinus halepensis). Urban sprawl has been reducing the wildland around Marseille since 1960. The development of two sets of dynamics, urban and wildland, has created a new wildland/urban interface, which is the subject of our study. One consideration is how to manage the ecological consequences of urban areas. Urban patterns depend in part on how and where people choose their housing locations. Choices usually involve both practical criteria (transportation costs, job opportunities to be found in Marseille or Aix-en-Provence, etc.) and aesthetic criteria (attractive landscapes, open green spaces, etc.). An analysis of urban dynamics must characterize the forest amenities along the interfaces. The urban pattern is linear or mosaic-like along the interfaces, creating an increasing fragmentation of the area. Our purpose is to determine the linkages between the urban pattern and the wildland communities at different scales. Our preliminary results revealed disturbances along the urban/wildland interfaces. Through spatial analysis, we were able to describe the structure of the exurban landscape and of the urban/wildland interfaces. The economic results indicate that residential location factors can be included in an economic model as landscape variables. Further goals in our study are to explore the functional role of landscape pattern on phytodiversity organisation and to determine the type of landscape that influences urban dynamics. Our hope is to model urban and wildland dynamics. We were able to analyse the factors influencing landscape dynamics using two different approaches (spatial economy and landscape ecology). The first stage required creating a typology of urban/wildland interfaces. In the second stage, analysing the reciprocal impact of the urban and wildland systems should allow us to come up with a development scenario for urban and wildland dynamics. Mots-clés : périurbanisation, interfaces urbanisation/Forêt, diversité, économie spatiale, aménités forestières. Keywords: exurban area, urban/wildland interfaces, diversity, spatial economy, forest amenities. Problématique Depuis le début du XXème siècle, les paysages de basse-Provence calcaire sont soumis à de nombreux changements, du fait de l’exercice d’une forte pression anthropique. Deux phénomènes majeurs semblent avoir marqué celle-ci. 212 D’une part, au début du XXème siècle, les terres agricoles abandonnées ont été colonisées progressivement par des espèces expansionnistes telles que le pin d’Alep qui a favorisé la fermeture du milieu (Barbero, 1997) et l’accroissement de la biomasse combustible. D’autre part, depuis une vingtaine d’années, ces espaces sont contraints par l’étalement des territoires urbanisés organisés sous forme linéaire aux abords des espaces forestiers ou sous forme surfaciques qui constituent des îlots et structurent ces paysages qualifiés de territoires périurbains (Geoghegan et al., 1997 ; Cappozza et Hesley, 1987) puisque sans réelle fonction agricole ni réels critères d’urbanité. L’avancée de l’urbanisation sur les espaces forestiers structure nouvellement le paysage et tend à le fragmenter. Les conséquences de la fragmentation d'un milieu sont multiples. Notamment, elle réduit les flux d'espèces et de nutriments, favorise le développement des espèces de lisière et des espèces multi habitat et semble altérer la capacité de résilience des systèmes (Forman, 1995). Ces paysages sont donc le résultat d’une pression anthropique passée (évolution de friches agricoles par exemple) et actuelle qui façonnent ces milieux et dictent l’évolution des patrons paysagers (Barbero, 1997). Dans ce cas, l’étude de la dynamique du paysage peut être appréhendée par la réciprocité relative entre dynamique urbaine et « naturelle ». S'il existe une relation entre la structure spatiale et l’organisation de la diversité, il est alors possible d’en déduire des lois d'organisation générales qui peuvent être formalisées par un modèle intégré de la dynamique urbaine et « naturelle ». Ceci est l’objectif d’un travail interdisciplinaire économie spatiale/écologie du paysage qui implique la mise en oeuvre une démarche méthodologique en fonction des approches économique et écologique par le biais de l’analyse conjointe de la structure spatiale. 1. Démarche méthodologique La relation entre dynamique anthropique et organisation de la diversité nécessite de caractériser les contacts urbanisation/espaces pré forestiers ou interfaces urbanisation/espaces pré forestiers. 213 La démarche méthodologique mise en œuvre dans la création d’une typologie des interfaces urbanisation/espaces naturels présente cinq étapes principales (figure 1) : Figure 1 : Synthèse de la démarche de la typologie des interfaces urbanisation/espaces pré forestiers MODELISATION 1 Cartographie de la dynamique économique urbaine Cartographie des petites régions naturelles 2 Cartographie de la typologie des facteurs socio -économiques Modélisation Extrapolation 5 Niveau du paysage Cartographie des potentialités forestières Cartographie de la dynamique d’urbanisation (sites d’étude) 2 Site n Site 1 Site … 3 Niveau Sub-régional Zone d’étude Recherche de correspondances x placettes de 400 m2 4 Niveau des écosystèmes Approche phytoécologique : - Inventaires floristiques - Variables mésologiques (placettes d’étude) 2. Définition de l’aire d’étude Dans un premier temps, l’aire d’étude a été définie au niveau sub-régional en fonction des deux macro facteurs suivants : - Les facteurs socio-économiques : la zone d’étude doit être la plus homogène et la plus large possible. En l'occurrence dans le travail que nous avons réalisé, nous avons choisi une zone autour de Marseille qui présente une similitude de situations économiques de par l'influence des pôles d’emplois que représentent Marseille et Aix-en-Provence sur les communes avoisinantes. Cela correspond à la moitié est du département des Bouches-du-Rhône (Geniaux et Napoléone, 2002). - Les facteurs écologiques : nous avons choisi de nous placer dans une zone relativement homogène d’un point de vue bioclimatique et 214 géologique, de façon à éliminer les gradients de variation des facteurs du milieu naturel qui sont susceptibles d'influencer la composition et la structure de la végétation. Il s’agit d’un groupe de petites régions naturelles qui correspondent à la Basse-Provence calcaire (Boisseau et al., 1992). 3. Mise en place de l’échantillonnage stratifié A partir de ce premier zonage, des facteurs socio-économiques et écologiques susceptibles de définir différents types d’interfaces ont été spatialisés à partir d’un SIG. Il s’agit : - D’une typologie économique à l’échelle de la section cadastrale qui prend en compte des facteurs socio-économiques comme les catégories socioprofessionnelles et l’accessibilité aux lieux de résidence. Il s’agit de la distance maximum pour laquelle les pôles d’emplois (Aix-en-Provence et Marseille) n’ont plus d’influence sur les activités économiques alentours (Geniaux et Napoléone, 2002). Celle-ci correspond à l’ensemble des communes situées à une demi heure de Marseille et d’Aix-en-Provence. Lorsque l'on effectue une régression des prix immobiliers par certaines variables spatiales, la valeur du coefficient qui rend compte de la distance de trajet au pôle d'emploi le plus proche, tend à décroître avec la distance au centre jusqu'à s'annuler à trente minutes (Geniaux et Napoléone, 2002). Cette distance-temps a été calculée en fonction du type de réseaux routiers (autoroutes, routes nationales, routes départementales) indexé de la vitesse moyenne du trafic à huit heures du matin. - D’une typologie des potentialités forestières (Vennetier et al., 2001) élaborée à partir des variables géographiques (altitude, distance minimale à la mer, altitude du masque, c’est-à-dire l’altitude du relief le plus élevé séparant un point de la mer dans une direction donnée...), climatiques (pluie moyenne annuelle, pluie d’été, température moyenne annuelle…), d’exposition (Ikr, Indice de climat lumineux de Becker). Le modèle sur lequel se base cette typologie est le suivant : IDglob = 0.00037972alti + 0.80977log(pmoy) + 0.45386log(pete) – 0.07377tmoy – 0.32988Ikr + 0.239 (dist min à la mer (157°)) + 01213 (alti du masque (157°)) + 0.0038 (dist à la mer (157°)) + 0.1457 (alti du masque (247°)) + 0.0153 (dist à la mer (247°)) La cartographie des potentialités forestières développée à partir du modèle est le support de l’échantillonnage. Elle comprend 8 classes d’indices. Le croisement de la carte des communes situées à une demi-heure des pôles Aix et Marseille avec la cartographie des potentialités forestières réduit la plage des classes à 6. L’ensemble des classes se situe au niveau de l’étage bioclimatique méso-méditerranéen. 215 Ainsi, les relevés floristiques effectués au sein d’une classe d’indices sont considérés comme soumis aux mêmes exigences du milieu et nécessairement similaires. Les variabilités inhérentes à chaque groupe de relevés peuvent être attribuées dès lors à d’autres variables explicatives. - D’une cartographie de la dynamique d’urbanisation. Deux époques d’urbanisation ont été retenues : 1970-1980 et 1981-1991. Définies comme variables explicatives, les époques permettent de tenir compte de l’influence des pratiques couramment observées au contact des espaces urbanisés telles que le débroussaillement ou les aménagements effectués aux interfaces urbanisation/espaces pré forestiers. Elles permettent de tenir compte dans la durée de l’influence de ces pratiques sur la composition et la structure des formations rencontrées aux interfaces urbanisation/forêt. Le croisement de ces données constitue le support cartographique de notre échantillonnage stratifié. 4. Récolte des données écologiques Les relevés floristiques sont effectués aux interfaces urbanisation/espaces seminaturels afin de déterminer la composition et la structure de la végétation. Il s’agit de placettes de 400 m² au niveau desquelles un inventaire d'abondance/dominance des espèces floristiques est effectué et où sont relevées des variables mésologiques. D’autres renseignements sont pris en compte tels que la fréquence du débroussaillement et la topologie stationnelle. 5. Dynamique correspondances paysagère : recherche des L'analyse de la dynamique paysagère nécessite de relier d'une part la typologie des interfaces aux données écologiques et d'autre part de ramener cette information à une échelle administrative, l’échelle des sections cadastrales, unité fonctionnelle de la base de données économiques. Il s’agit donc de remonter la démarche précédente, à savoir créer des liens entre les données écologiques (niveau d'observation de la placette) et les données administratives (niveau d'observation de la section cadastrale) puis de ramener l'ensemble de ces données au niveau sub-régional. Pour cela, il était nécessaire d'inclure une approche spatiale. Les images satellitaires à haute résolution représentent une base de données descriptive précise dans l'analyse d'un territoire. Elles permettent, grâce à leur résolution (utilisables à une échelle du 1/10000 et du 1/25000 dans le cas des images Spot5), de visualiser les différents contacts urbanisation/espaces pré forestiers, présents en zone péri marseillaise et représentent donc un support précieux dans la création d'une typologie urbanisation/espaces pré forestiers ou garrigue. 216 Les résultats de cette analyse sont issus de l'utilisation des indices paysagers. Il s'agit de descripteurs morphologiques du paysage qui apportent une information sur l'organisation de celui-ci et qui s'intègrent donc parfaitement dans une démarche d'analyse conjointe de l'organisation de l'urbanisation et d'évolution des milieux naturels. L'analyse du paysage à différentes échelles (fenêtres glissantes) est comparée aux données écologiques dans le but de comprendre la relation entre structure du paysage et structure de la végétation. 6. Perspectives : confrontations des données socioéconomiques et écologiques : modélisation Les scénarios d'évolution des paysages périurbains se basent sur le travail effectué lors la création de la typologie. Il s'agit de croiser d'une part une base de données économiques susceptible d'établir un ordre de préférence dans le choix de localisation résidentielle et d'autre part les données établies sur la relation entre la structure spatiale de l'urbanisation et les types de formations végétales. L'analyse spatiale de la répartition des ménages permet de décrire les facteurs qui influencent la répartition de l’urbanisation sur le territoire et de définir ainsi les espaces plus ou moins convoités ou soumis à une plus ou moins forte pression urbaine. Les espaces qui présentent une forte probabilité de transformation indiquent donc la dynamique urbaine à venir. La relation aux interfaces entre la structure spatiale de l'urbanisation et la diversité végétale permet de caractériser différents types de lisière et donc d'évolution des milieux "naturels". Il s'agit de créer à terme, un outil d'aide à la décision, un modèle intégré de la dynamique urbaine et de la dynamique "naturelle". Bibliographie Barbero M., 1997. Ecologie du paysage : expression synthétique des hétérogénéités spatio-temporelles et fonctionnelles. Ecologia mediterranea, 23 : 3-6. Baudry J.,1997. Quelle place pour les activités humaines dans la recherche en écologie du paysage?. Ecologia mediterranea, 23 : 69-70. Boisseau B., Nouals D., Ripert C.,1992. Stations forestières – Guide technique du forestier méditerranéen français. Cemagref Aix-en-Provence. Cappozza D., Hesley R.,1989. The fundamentals of land prices and urban growth. Journal of Urban Economics, 26 : 295-306. Forman R., 1995. Land mosaics - the ecology of landscapes and regions. Cambridge University Press, Cambridge, 632 p. Geniaux, G., Napoléone, C., 2002. Rente foncière et anticipation dans le périurbain. (sous presse). Geoghegan J., Wainger L., Bockstael N., 1997. Spatial landscape indices in a hedonic framework: An ecological economics analysis using GIS. Ecological Economics 22 : 251-264. 217 Vennetier M., Rippert C., Maille E., Blanc L., Brochiero F., Chandioux O., Esteve R., Gadiri N., Nassif Y., Rathgeber C., 2001. Etude des potentialités forestières de la Provence calcaire - Evaluation à petite échelle sur de grandes surfaces. Cemagref. 218