n°70 - Prog`Sud
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n°70 - Prog`Sud
Un compte-rendu de Bruno Cassan Photos de Claude Wacker C'est la dixième édition du Prog'Sud cette année et peu de festivals peuvent se targuer d'avoir atteint ce cap et d'avoir réussi chaque fois, sans coupure, à mobiliser autant d'aficionados. Pourtant cette année n'était pas évidente sur le papier avec 5 noms sur 12 quasiment inconnus, Hélène Brunet, Saw, Sylbàt, Requins Marteaux et Psicotropia et 5 sur 12 qui étaient des revenants, Eclat, Sylvan, Odessa, Rough & Ready et Lazuli. Mercredi 20 mai... A Hélène Brunet d'essuyer les plâtres. Echappée du groupe Sylbàt (voir plus loin), elle va avec son laud (luth espagnol à 12 cordes) dégourdir nos oreilles pour un set acoustique revisitant avec bonheur des folklores aussi variés que suédois, cajun, celte, turc, etc., et ce avec suffisamment de distance et de "retramage" pour en sortir la substantifique moelle, acoquinée de son propre univers ; ça donne par exemple "Jacques la vie", gigue mêlant sensibilités irlandaises et maliennes. Une heure de douceur et de voyage qui est passée bien vite, cette fille assure grave et fut plus que bien accueillie. Saw n'a rien à voir avec le film d'horreur mais est le patronyme rassemblant les lettres des trois prénoms de ceux qui composent ce groupe à savoir Sam de Agostini à la batterie (Leda Atomica, SOS…), d'Alain Chiarozzo (Eclat, etc.) à la guitare et de William Kopecky à la basse. Ce dernier, auteur du très bon album "Blood" sous le nom de son groupe Kopecky, a suivi sa femme française dont le travail la ramenait à Marseille. Entré en contact avec Alain et quelques petits mois de répétition plus tard, le trio va nous faire explorer quelques univers assez différents. Au début, on retrouve le propos de Kopecky mais en plus mélodique et virtuose. Beaucoup de structures intéressantes vont nous être délivrées en 6 morceaux, certains plus complexes, mais aucun instrument n'est lésé dans la bataille et ça copule plutôt bien. La première moitié du set est plus "hard" par des côtés Rush ou Liquid Tension Experiment. Parfois, on ressent le processus créatif, voire même encore le métronome, mais il m'est d'avis que le CD qui devrait naître de cette rencontre va être un brûlot. Ce n'est pas du copinage mais je trouve ça assez fin, quand le talent s'allie au talent cela ne peut accoucher d'un mort-né. La fin du set est plus éthérée, exemple avec "bedroom ninja" dont l'intro a quelque chose façon "elephant talk", et en fait cela semble être une variation inspirée autour de ce morceau de King Crimson (hommage à qui vient après ?). Le dernier "invisible ocean" est le plus énergique avec le premier morceau (et les deux sont les plus aboutis selon moi), plus personnel et plus ressenti ; il a néanmoins un côté Steve Hillage dans sa meilleure période qui non seulement intériorise plus la force mais stimule aussi l'intellect ; mon préféré, j'ai adoré comment nous sommes passé d'un univers à la Popol Vuh à un vieux Gong orgasmique à souhait, bien vitaminé. Près de 300 personnes sont dans la salle pour recevoir celui qui passe pour être le meilleur bassiste du monde, Tony Levin et son "Stick Men", formé de Michael Bernier (stick) et de Pat Mastelotto (batterie et effets). Le bassiste de Peter Gabriel, King Crimson, Bowie, etc., (la liste est longue comme un jour sans fin) est une telle figure que sa tournée française est même annoncée sur le télétexte de France 2, c'est vous dire l'évènement ! Sa présence dans le JasRod aussi ! Le premier morceau "welcome" va vite donner le ton de ce que vont être ces deux heures. Tony Levin hurle, scande plus qu'il ne chante et même si c'est assez enlevé ce n'est pas très mélodique. Le reste est à l'avenant, technique mais pas magique. C'est au top bien sûr, mais il manque cruellement un côté humain, émotionnel. On ne peut pas évidemment occulter la capacité de cet homme à la création, toutefois est-ce dû à la fréquentation du Dr Fripp mais il y a une absence d'un côté clair et enjoué… Le talent est indéniablement là, mais je ne ressens rien de cette musique que je ne perçois pas comme "vivante". Pas décevant, juste bizarre. Au bout d'une ½ heure de ce traitement quelques-uns d'entre nous ont besoin de prendre l'air. Quand je reviens un peu plus tard, je me rends compte que la salle est toujours blindée de monde et je perçois l'impact sonique de l'exécution des compos et de la puissance et de la qualité des sons. Tout comme face à l'assaut de la musique d'Ozric Tentacles en live je fis le choix d'apprendre, de comprendre. Par chance, je repris le contact par un solo de l'excellent Michael Bernier qui avait finalement le lourd rôle d'apporter la grande majorité des lignes mélodiques. Se servant souvent d'un archet, tel sur "amab.1a", lui parvient à procurer de l'émotion pour un superbe morceau, sorte de mix entre Apocalyptica et Ritchie Blackmore, les deux jouissant "kashmir". En fait c'est avec "sleep is wrong", l'antépénultième morceau, que se fait clairement comprendre l'univers, la direction vers laquelle tend Tony Levin. Car c'est une reprise de son groupe préféré, Sleepy Time Gorilla Muséum et à côté de ce groupe, System Of A Dawn c'est Pink Floyd ! C'est dérangeant, violent, ça met mal à l'aise par ce penchant déshumanisé, sans âme. Sorte "d'antépostprépunktechno", c'est "urbain" et froid. Cela fait aussi écho à une ligne de basse, récurrente, persistante presque tout au long du concert, genre "dom-dom" de grosse-caisse qui parvient à vous faire forcément décrocher à un moment donné tant c'est empoisonnant. S'en suit "relatless", technoïde, heavy, loud, orgasmique à l'image d'un King Crimson en forme et moderne dont son batteur Pat Masteletto aura été énormissime ce soir malgré quelques sonorités dérangeantes. Pour en avoir longuement discuté, beaucoup de personnes ont vécu les mêmes sensations que moi lors de ce set et sont également tombées d'accord pour dire que le final, l'incontournable et si souvent joué ici, l'illustre "elephant talk" fut la meilleure version entendue (et Dieu sait qu'il y en a eu d'excellentes…) et que ce qu'en proposa Tony Levin réconcilia tout le monde avec le maître moustachu. Toutefois on sort de ce concert plutôt circonspect. Un peu comme si cette musique avait chamboulé l'ordre de nos molécules, comme une téléportation qui ne se serait pas si bien passée... Jeudi 21 mai... Et voilà Sylbàt ! Ce quatuor breton a déjà fait le bonheur du Festival interceltique de Lorient et de celui des Vieilles Charrues pour ne citer que les plus connus. Malgré ce parcours et un album "Mana" fraîchement sorti, le public du Prog'Sud n'avait aucune idée de la sauce à laquelle il allait être mangé. En effet, la révélation du festival ce fut Sylbàt. Avec "la valse des loups" en entame le groupe va mettre immédiatement le public dans sa poche par un propos qui me fait penser à Mahavisnu KOID'9 n°71 – Octobre 2009 - P/31 Orchestra voire à Steve Hillage. La guitare d'Hélène Brunet est psyché barrée ce qu'il faut et il y a un quelque chose de "mare nostrum" d'Eclat. La part "bretonnante" de sa musique, Sylbàt la doit à Clothilde Trouillard et à sa harpe électrique qui ramène forcément à l'univers d'Alan Stivell et de l'album "Ys" en particulier. C'est toujours très mélodique mais avec des structures rythmiques complexes dues au bassiste Hilaire Rama (qui a accompagné beaucoup de grands noms de la variété) et au batteur Patrick Boileau, fan de Christian Vander et impressionnant de justesse et de sobriété. Des côtés Minimum Vital parfois, d'autres plus Mike Oldfield dans les sonorités et toujours ces parties rythmiques élaborées et surtout efficaces conciliant un côté festif à une musique réfléchie et intelligente. Ne résumons surtout pas ce groupe à un truc breton même si c'est un vrai bonheur que de sentir resurgir ou s'inventer des racines celtes. Pour preuve les deux derniers morceaux, "men" d'abord avec son entrée pêchue à la Riverside, de gros riffs de guitare (saignante tout au long du concert, respect !) et une emphase à la Toto à son meilleur, et pour finir et "magmafrica" avec sa basse énorme en avant, Steve Vai à la gratte et cette harpe magique (qui fait office de clavier) qui enrobe charnellement le tout en lançant des sortilèges d'amour. Moi je vous le dis, Sylbàt c'est vraiment "prog" dans tous les sens du terme ! Grand adoubement pour Sylbàt ce soir, mesdames, messieurs, bienvenue chez nous, bienvenue chez vous ! A D. Project de passer derrière… Ces québécois dont c'est la première scène en Europe vont faire reposer leur set sur leur nouvel album "Sagarmatha dilemna" inspiré d'expériences vécues sur l'Everest. 5 morceaux sur 7 vont en être joués même s'ils débutent par le morceau éponyme du premier album "shimmering lights" et terminent par "hide from the sun" du même album avant de proposer une très belle reprise de "sorrow" de Pink Floyd. Ce groupe classé "prog-métal" mérite son étiquette et aura présenté plus d'un visage ce soir. Tour à tour néo, floydien ou nettement plus lourd, D. Project est riche d'une section rythmique carrée formée par les frères Mathieu et Jean Gosselin agrémentée d'un violon tenu par Sandra Poulin, nettement sous exploité selon moi, mais qui peut participer à ces climats mélodiques tout comme amener le propos dans des sphères plus sombres et métal façon Apocalyptica. Plus ou moins fidèle à son rendu studio les fans vont s'y retrouver et le plaisir est là. Leur leader, le guitariste, claviériste, chanteur (c'est aussi lui qui conduit le camion ?) Stephane Desbiens est très impliqué et appliqué sur scène, volontaire et enthousiaste, il communique sa passion. Une particularité à noter, sa nouvelle guitare, la ASL304 qui pour les puristes est dotée d'un châssis monocoque et d'un manche en acier inoxydable assurant une précision inégalée dans la position des éléments de la tablature, le tout avec un superbe design pour un magnifique instrument. Finalement leur créneau musical est probablement le plus représenté dans l'industrie progressive et pourtant souvent le moins à l'honneur dans les festivals. Justice rendue et contrat réussi ! Eclat : Jusqu'où s'arrêteront ils ? (lol) L'air de rien Eclat fêtera ses 20 ans cette année et d'album en album et de concert en concert se sera hissé sans conteste au rang de meilleur groupe français. Il n'y a qu'à se rendre à une prestation live du groupe pour en être convaincu. Ce soir n'échappera pas à la règle et c'est bien là le problème pour le plumitif que je suis, car à force, je ne sais plus quoi dire des concerts d'Eclat, ceux-ci étant à chaque fois meilleurs les uns après les autres, et faire appel aux superlatifs est devenu une habitude. C'est avec "intro peplum" et fumigènes que le groupe avance en maître des lieux. Cette pièce est celle qui fut jouée par l'Orchestre Philarmonique du Caire lors du concert des marseillais d'IAM au pied des pyramides. Alain arbore un T-shirt d'Eclat, floqué en japonais, attention collector ! Thierry Massé a changé la sonorité des claviers sur "la machine", sur "energies" et d'une manière générale tous les morceaux vont être proposés (comme à chaque fois) différemment. C'est ainsi que je n'avais pas encore pris la mesure du côté genesien (guitare surtout) de "medication". Une nouveauté avec "sawaka song", ce n'est qu'une longue intro pour le moment, c'est très coquin, suave, charmeur, sadique, maso, est-ce l'effet Tokyo ? (le groupe y était il y a quelques mois). C'est la fête ce soir, alors on rejoue "circus" avec Jean-Marc Nègre au chant qui nous ramène un peu à Mona Lisa ou Ange. Flash-back réussi et vive aussi la version instrumentale ! Si ce groupe a tant cette faculté à émouvoir c'est qu'il est lui-même friand d'émotions ; que dire encore de cette magnifique et ozricale version de "mare nostrum" encore chamboulée et encore plus extatique ! Que peut-on écrire face à la "sublimitude" de ce qui se (re)créé là face à nous ? Ces gars sont meilleurs à chaque fois, ça semble si facile ! (pourtant ils n'ont pas eu le temps de répéter beaucoup cette fois). Ont-ils conscience de ce qu'ils procurent au public ? Se rendent-ils compte de l'impact qu'ils assènent à nos neurones ? La veille je disais à Alain que : "La perfection n'est pas de ce monde", ce soir les siens et lui m'ont prouvé le contraire. Il n'y a plus rien à dire sur Eclat, juste s'offrir et écouter. Messieurs, prosternation. Pour ceux qui voudraient un aperçu de cette "perfectitude", ruez-vous sur le superbe "Live au Roucas" tout fraîchement sorti. Vendredi 22 mai... Requins Marteaux est un quintet toulonnais formé en 2006. C'est en venant en spectateurs au Prog'Sud depuis quelques années qu'ils se sont donné pour but d'y jouer un jour à leur tour. Et il n'est donc pas curieux à entendre leur premier morceau que ces messieurs ont bien écouté Eclat. La première et la dernière pièce seront les plus réussies, les plus abouties et les plus justes. Quant au reste du set, même s'ils citent (en aparté) Genesis et Gentle Giant comme influence, ça ne s'entend pas du tout, au mieux accordonsleur un lointain cousinage avec King Crimson. Il y a un problème avec leur marque de fabrique, à savoir les vocaux. En effet, ça éructe plus que ça chante des textes volontairement absurdes ou abscons et ce phénomène use vite. Musicalement le côté déjanté métal ou indus ne le fait pas et sans les intéressantes parties de claviers de Michael Colin aux sonorités seventies, le groupe descendrait de niveau. Manque d'humilité et/ou de personnalité efficace, les Requins Marteaux possèdent néanmoins indéniablement en eux un très bon terreau qu'il faudra fertiliser car quelques parties valent vraiment la peine. A suivre… Sylvan : ? A Sylvan d'entrer en piste et ce n'est pas avec les lignes qui suivent que je vais me faire des amis. Et pourtant ce set aura été fort acclamé par le public qui scandera haut et fort leur nom pour les faire revenir pour le rappel "heal". Le public sera ravi de cette prestation, moi beaucoup moins. Tout d'abord le sound-check va se faire à la Yes, à savoir au fur et à mesure du concert et pourtant comme tout le monde ils auront fait leur balance l'après-midi. Du coup pendant une bonne partie j'aurais l'impression d'entendre une bouillie sonore où on "entend" surtout la batterie, un peu la voix, un peu les claviers. Signalons que Sylvan fut le seul groupe à avoir confié le son à leur propre ingénieur, ceci explique sans doute le résultat. Néanmoins on m'a rapporté que selon les endroits, le son était meilleur qu'à d'autres… Ceci étant dit, ce qui me gêna le plus fût l'attitude de Marco Gluhman, maniérée au possible, jouant avec ses comparses dans des poses sans naturel aucun, et pire j'eus l'impression qu'il avait perdu son inimitable charisme et la foi qui l'habitait encore il y a quelques années, et qui le rendaient si convaincant. Oh bien sûr, les compositions ne sont pas à remettre en cause, bien au contraire, je suis un des premiers fans du groupe (d'où ma petite déception) mais celles-ci furent jouées copie-carbone des albums (5 de "Posthumus silence", 3 de "Presets", 1 de "X-Rayed", 1 de "Artificial"). J'ai vu Sylvan faire le boulot, le faire bien certes, mais sans enthousiasme. Loin la magie de 2001 même si le public a lui accroché grave, avec des applaudissements nourris à chaque fin de morceau, le sourire aux lèvres et la satisfaction d'avoir vu une valeur sûre de notre genre musical préféré. Odessa ou l'outrecuidante cuisine italienne… ème fois que ces transalpins viennent mettre le feu au Jas'Rod et C'est la 4 le public est converti à l'avance à l'exubérance de Lorenzo Giovagnoli et de sa bande. Odessa vient de sortir un nouvel album "The final day" dont ils vont jouer 7 morceaux. (voir chronique dans le numéro 71) Tous sont excellents, emprunts d'un héritage dont ces musiciens sont dépositaires et dont ils connaissent parfaitement les œuvres, Area et PFM en tête. Dans ces nouvelles pièces sont conjugués magnifiquement le passé et une personnalité plus moderne et le groupe est ravi de pouvoir enfin offrir un er nouveau répertoire même si trois morceaux du 1 album seront joués. Comme d'habitude, Odessa sait faire le show, Lorenzo est éblouissant de classe, autant dans ses parties vocales tant sa tessiture est étendue et sa grande puissance maîtrisée, que par sa virtuosité aux claviers (Roland VK7 et un Kurzweil). De l'humour aussi, puisque le groupe laisse à Valério de Angelis (basse) le soin de passer les plats avec ses trois mots de français, truculent ! Le même Valerio, qui s'est bodybuildé depuis, fait plusieurs fois le tour de la salle, mais sait surtout s'imposer sur scène pouvant être le phare de la musique. A la batterie Marco Fabbri solide, se démène comme Jean-Marie "Animal" du Muppet's Show sur "cometa rossa" la reprise d'Area. KOID'9 n°71 – Octobre 2009 - P/32 Encore une fois, Odessa ponctuera son concert de nombreuses reprises, citons "impressions d'automne" de PFM, "carry on the wayward son" de Kansas et les monumentales versions de "whole lotta love" de Led Zep et "child in time" de Deep Purple, les deux savamment entrelacées et offrant à Giulo Vampa le rôle principal quand Lorenzo invente une histoire dont la question est de savoir qui est le meilleur guitariste du monde. Giulo Vampa va alors plagier intelligemment tour à tour, Jimmy Page, Hendrix, Eddy Van Hallen, Y. Malmsteen, S.Vai et John Petrucci pour un final pyrotechnique et un Jas'Rod enthousiaste et encore baffé qui se précipitera tout comme vous amis lecteurs, j'espère, sur le nouvel et grandiose album de cette squadra. Samedi 23 mai... Rough&Ready nous revient 2 ans après son premier passage. Le line-up n'a pas changé et le groupe est toujours emmené par sa chanteuse Hidemi Miura qui s'exprime en français cette année et qui moins impressionnée cette fois va nous la faire vraiment très pro. Ma grande Pocahontas asiatique s'est muée en une longue sirène dans sa robe moulante lamée bleue et va charmer l'auditoire par sa voix douce et habitée, ou affirmée et vindicative et même celui qui n'y entend rien au japonais peut se faire ainsi draguer. Rough&Ready profite (comme beaucoup d'autres cette année) de son passage au Prog'Sud pour présenter son nouvel opus. De celui-ci, "Renouveau" c'est son nom, seront joués 4 morceaux, plus un ancien. En fait ça commence par le morceau éponyme puis les plages 4, 6 et 7 de l'album. Le propos est mélodieux certes mais même si ces nouvelles compos contiennent un peu plus de modernité cela reste trop en dedans, ça manque cruellement de développements, un seul morceau à la sauce Deep Purple est vraiment entraînant et je trouve dommage qu'à 5 musiciens ils ne puissent être plus ambitieux et percutants. C'est agréable, surtout en début de soirée mais mon amour du prog japonais n'aura été que trop peu comblé à cette occasion. Psicotropia : A coup de muletas… Quand j'avais vu Psicotropia à l'affiche, je m'étais dit que ça allait faire les affaires de la buvette… Leur punky rock violent avait sur le papier de quoi effrayer. Bien conseillés, ils vont suffisamment édulcorer leur propos pour asseoir au propre comme au figuré toute la salle qui va rester attentive le concert entier. Psicotropia est un power trio, et il n'y a pas de secret, un trio, si il est bon, il est bon ! Ce groupe a un univers qui lui est propre très "enragé" mais on peut au hasard des morceaux retrouver des touches de The Gathering, de Porcupine Tree, Ramstein, King Crimson, ou Runaway Totem. Le groupe va mélanger des faces lourdes et agressives à des bulles flamenco-rock charmeuses comme un serpent sucrant une fraise déjà empoisonnée, ou bien phagocyter l'univers country et s'attaquer même avec bonheur et de façon surprenante au jazz-rock. D'une manière générale le propos est néanmoins plutôt sombre et c'est auprès des anglais de Guapo qu'il faut chercher la parenté. En effet, les raids soniques se succèdent et cette formation solide, pointue, enivrante, au groove généreux, aura réussi une belle attaque sur le Prog'Sud, l'intensité n'aura jamais baissée du début à la fin. Le côté viscéral de leur musique aura conquis le public, ce public si ouvert et compétent qui suit à chaque fois qu'on lui propose quelque chose de "ardu". Bravo pour le casting des organisateurs ! Lazuli : ils défient le temps Le concert de Lazuli fut encore un grand moment de l'histoire du Prog'Sud. Pour preuve, quatre rappels il y aura ! 19 morceaux proposés dont 6 extraits du nouvel album "Réponse incongrue à l'inéluctable" (voir chronique dans le numéro 71). L'entame se fait par "laisse courir" et les sonorités me semblent plus rondes. La mise en place est irréprochable. Les vieux morceaux se sont bonifiés encore avec le temps. La maturité s'affiche ouvertement et la classe va suinter tout du long. Lazuli, est-ce la riche simplicité ou la complexité facile ? Rien n'est laissé au hasard, tel sur "l'impasse", morceau extrêmement difficile pour chacun car les phrases jouées ne s'accordent pas forcément entre elles et auraient même tendance à faire trébucher le voisin. De nombreux concerts ont cimenté le groupe, donné une confortable aisance "désinhibitrice", du coup l'"entartage" prévu dans ta tronche, oui tu le prends et t'es content en plus ! Le public sera chamboulé à chacun des morceaux, face à cette force d'impact, à cette homogénéité. Un aspect à ne surtout pas négliger, c'est la force de la voix de Domi. Toujours incroyablement juste, elle pénètre et imprègne l'espace de sa conviction et crédibilise davantage des textes savamment élaborés. Elle fait magnifiquement le liant d'une sauce si ragoûtante due aux ingrédients proposés par une brigade de chefs imposant moult saveurs. Ce soir on sent l'expérience de la route, et ça fleure la bonne bouteille mais à l'inverse d'un Sylvan, il n'y a aucune usure, l'envie est là, indemne, belle. L'univers lazulien est très personnel et cette richesse le groupe sait la communiquer et la partager avec le public. Quand le talent récompense l'écoute… Que l'on étiquette ça "progressif" ou "ethnoworld" n'a aucun intérêt, cette musique transpire d'émotions et seul ce qui sort des enceintes compte et s'absorbe. Je n'ai volontairement pas parlé ici des nouvelles compos (voir chronique) mais sachez qu'elles démontrent que les Lazuli sont rentrés plus profondément en eux, dans leurs délires, leurs envies et leurs essences et que tout naturellement le public y a accroché encore incroyablement. Avec ce nouveau répertoire, leur expérience et leur savoir-faire, Lazuli vient tout simplement d'entrer chez les très grands. Peu après la fin de ce concert je me suis surpris à dire que c'était là la meilleure prestation du groupe qu'il m'ait été permis d'entendre. Je me suis trompé, chacun a sa saveur et surtout le meilleur sera forcément le prochain… Un immense et humble merci, messieurs, puissiez-vous encore longtemps sillonner si brillamment nos routes. Le Jas'Rod a investi dans du nouveau matériel son et lumière améliorant encore les évènements qui y sont proposés, Prog'Sud compris pour cette dixième édition qui s'achève. Peut-on dire qu'une page de l'histoire se tourne ? Ce qui est sûr c'est qu'une nouvelle s'écrira les 12, 13, 14 et 15 mai 2010. De nouveaux groupes, de nouvelles émotions et toujours du plaisir à partager. Venez toujours plus nombreux, c'est à cette seule condition que la saga perdurera. Merci à tous ! KOID'9 n°71 – Octobre 2009 - P/33