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Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 Créé par : BM-LE-CHESNAY QUINO, franc-tireur de la BD et de la politique Le Monde - 22 décembre 2004............................................................................................................................. 2 Quino : « Mafalda, c'est moi ! » Le Figaro - 2 novembre 2004............................................................................................................................... 5 Mieux qu'un long discours Le Figaro - 21 avril 2000...................................................................................................................................... 7 Quino, la vérité en fax. Depuis qu'il a abandonné Mafalda, l'Argentin est revenu au dessin d'humour. Entretien. ; Quino. A votre bon coeur! Glénat, 124pp., 59F. Libération - 6 avril 2000....................................................................................................................................... 9 1 Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 Le Monde Culture, mercredi, 22 décembre 2004, p. 24 PORTRAIT QUINO, franc-tireur de la BD et de la politique Il a créé Mafalda il y a quarante ans en Argentine. La fillette, devenue l'emblème de la résistance à la dictature, a fait le tour du monde. Elle continue à se battre, comme son « père », contre l'injustice et les inégalités Yves-Marie Labé TOUTES DEUX vouent un culte à Mafalda, comme la plupart des Argentins, même si elles appartiennent à des générations différentes. Haydée Alba, l'une des plus grandes chanteuses de tango, arrivée à Paris dans les années 1980, n'a pas oublié qu'aux heures sombres de la dictature qui a sévi à Buenos Aires jusqu'en 1984, la jeune héroïne dessinée par Quino « exprimait ce que pensait la rue ». « On ne pouvait pas dire clairement les choses. Mafalda les exprimait et on savait, en parlant d'elle, qu'on était complices. Elle était dans tous les esprits; elle nous habite encore », se souvient la chanteuse. Du haut de ses 26 ans, Ornella Pizzamiglio, éduquée, elle, en Europe, renchérit : « On a tous grandi avec Mafalda; les enfants achètent ses albums dans les «kiosquitos», avec les bonbons... En Argentine, chaque famille possède au moins l'un de ses livres. On peut relire ses sketches à l'infini. » De tels témoignages continuent à ravir Joaquin Salvador Lavado, dit Quino, 72 ans. « Mon grand plaisir, c'est de savoir qu'à l'époque de la dictature, Mafalda faisait beaucoup parler, dans les cafés comme dans les réunions de famille. Ou lorsque des parents me disent que leur enfant ne lisait pas, mais qu'il s'y est mis en se plongeant dans Mafalda... » Mais Quino s'agace un peu de l'ombre que la série fait à ses recueils de dessins d'actualité dont la dernière livraison, Un présent imprésentable, vient de paraître aux éditions Glénat,en même temps qu'une réédition de l'intégrale de Mafalda célébrant les quarante ans du personnage. S'il assure ne « pas faire de différence entre ses dessins », il sait la part de renommée et de notoriété qu'il doit à la gamine délurée et à sa bande de copains, conçus au fur et à mesure de sa courte vie de papier - Manolito, Felipe, Susanita ou Liberté, dernièrenée en 1970. Le succès de Mafalda est d'abord dû aux sujets évoqués : disparités entre riches et pauvres, fracture Nord-Sud, injustice sociale, abus du pouvoir et de autoritarisme, bêtise en uniforme, sexisme ou pollution de la planète... Bref, le refus du monde tel qu'il est et l'incompréhension face aux décisions et aux choix des adultes. Mais la popularité de Mafalda tient aussi au dessin simple et efficace, en noir et blanc, de Quino - choix dicté par « ses difficultés avec la couleur » -, à la facilité de lecture des strips (gags en quelques cases) racontant les aventures philosophico-politiques de la fillette, et à leur mode de diffusion : la presse. 2 Mafalda est née en 1964 dans les pages de deux hebdomadaires argentins avant de migrer vers le quotidien de Buenos Aires El Mundo, puis de s'installer dans le magazine Siete Dias. La petite star argentine vivra une brève existence, puisqu'elle disparaît en 1973. « J'étais fatigué d'elle, j'avais l'impression de me répéter. Quand j'ai arrêté, on m'a traité d'assassin ! », se remémore Quino. Ce « meurtre » ne l'empêche pas de poursuivre son oeuvre de dessinateur et d'humoriste, commencée avant la naissance de Mafalda. Depuis vingt-quatre ans, il envoie des dessins d'actualité imperturbablement et toujours par la poste - au quotidien argentin Clarin et à des journaux régionaux. Paradoxalement, la petite fille aux cheveux noirs et à la robe à pois est inspirée de héros de comics américains : les Peanuts, de Charles M. Schulz, et Blondie, jeune femme moderne conçue dans les années 1930 par Chic Young. Quino admire le premier tout en portant au pinacle les dessinateurs français Bosc, Chaval et surtout Sempé, qu'il met sur un piédestal. Mafalda était promise à faire la réclame d'une marque de réfrigérateur, ce qui ne se fera pas. Vite devenue la coqueluche des lecteurs de la presse argentine, Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 l'héroïne échappe à la censure de la junte militaire argentine. En revanche, les autres dessins de presse de Quino, à qui on avait demandé d'éviter « la religion, les militaires et le sexe » quand il débarqua à Buenos Aires, carton à dessin sous le bras, le contraignent à s'exiler à Milan, en 1976, avec son épouse Alicia. PARTOUT SAUF AUX ÉTATS-UNIS Entre-temps, sa fillette à la langue bien pendue conquiert le monde : l'Italie et l'Espagne, la plupart des pays d'Amérique latine, la Grèce et Israël, la France - où ses albums paraissent aux éditions Glénat dès 1980 - et même la Chine, Mafalda ayant été la cible d'éditions pirates à Taïwan. Mafalda échoue toutefois à se faire une place au soleil des EtatsUnis, le premier (et dernier) album de ses tribulations ne s'y étant vendu qu'à 7 000 exemplaires. « Je suis trop compliqué pour eux : les Américains sont habitués à un dessin plus simple, plus rapide », concède Quino avec philosophie. La fillette rapporte fortune et gloire à son « père » et lui permet de s'essayer à d'autres médias que la presse, le livre ou les manuels scolaires. A La Havane, où il se rend en 1984 pour un festival, Quino se lie d'amitié avec le réalisateur Juan Padron et signe avec l'Institut officiel du cinéma cubain une série de dessins animés, les Quinoscopios, dont Mafalda est l'héroïne. Grâce aux télévisions espagnole et catalane, les épisodes de ces dessins animés sont produits et diffusés la même année en Argentine, à Buenos Aires et à Mendoza (ville natale de Quino), pour célébrer le retour de la démocratie. Les téléspectateurs français peuvent en découvrir les 104 épisodes sur la chaîne TPS Cinefamily, qui en diffuse cinq séquences, chaque dimanche à 7 heures, depuis le 19 décembre. Le retour de la démocratie en Argentine fait de Quino un auteur adulé et un héros des médias, susceptible de donner un avis sur n'importe quel événement politique. En Argentine, mais aussi en Uruguay ou au Chili. « Dans le cône Sud, je suis une sorte de phénomène; j'appartiens un peu à tout le monde, donc je réponds. Si je ne parle pas à la radio, on m'en veut. Mais si je parle trop, on me reproche de faire de l'humour en abordant des sujets tragiques. Il faut toujours savoir être en équilibre », s'amuse celui qui a signé vingt-cinq albums de dessins, dont une douzaine consacrés à la seule Mafalda, et que l'on invite rituellement dans les festivals de BD et de dessin du monde entier. Mais la notoriété n'a pas émoussé l'engagement de Quino, né dans une famille de républicains espagnols émigrés en Argentine, et dont la grand-mère fut l'une des figures du Parti communiste espagnol (PCE). Il a d'ailleurs gardé la double nationalité espagnole et argentine. La guerre, la dictature, la corruption, l'abus du pouvoir et des pouvoirs restent ses ennemis intimes. Pourtant, si son humour reste intact, ses convictions ont un peu perdu de leur force. « Il est difficile de penser que les choses vont s'améliorer, mais il faut y croire quand même. J'ai cru à Kennedy, j'ai cru en Jean XXIII même si je ne suis pas croyant. Je n'appartiens pas à un parti mais je pense toujours qu'en dépit des erreurs, le socialisme reste un système à réessayer, confie-t-il. J'avais 30 ans quand je faisais Mafalda. C'était l'époque de Che Guevara et des Beatles, on croyait 3 encore qu'on pouvait changer : je ne peux plus avoir la même vision. J'ai l'impression que l'humanité fait deux pas en avant et deux pas en arrière. Ce qui ne m'empêche pas de rester un franc-tireur. Je me rapproche de Woody Allen dont les premiers films étaient plus amusants; mes premiers dessins étaient aussi plus spontanés. Aujourd'hui, ce qui peut amuser le lecteur a pour moi des accents tragiques. » Note(s) : Un présent imprésentable, de Quino (éd. Glénat, novembre, 20 €). Rééditions de Ça va les affaires ? (éd. Glénat, octobre, 12 €) et de l'intégrale de Mafalda sous une jaquette or, « Les quarante ans de Mafalda » (éd. Glénat, 30 €). Note(s) : BIOGRAPHIE Note(s) : 1932 Note(s) : Naissance à Mendoza (Argentine). Note(s) : 1954 Note(s) : Première BD publiée l'hebdomadaire « Esto Es ». dans Note(s) : 1964 Note(s) : Premiers dessins Note(s) : de Mafalda dans « Primera Plana ». Note(s) : Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 1965 Note(s) : Exposition « Quino, 50 ans » Note(s) : en quelques jours. Note(s) : Les 5 000 exemplaires Note(s) : à Buenos-Aires. Note(s) : 2004 du premier album se vendent Note(s) : Illustration(s) : Quino © 2004 SA Le Monde ; CEDROM-SNi inc. news·20041222·LM·0Q2212_980578 - Date d'émission : 2012-09-15 Ce certificat est émis à BM-LE-CHESNAY à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 4 Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 Le Figaro, no. 18737 Le Figaro, mardi, 2 novembre 2004, p. 27 CULTURE, LETTRES BD Le père de Mafalda souffle les 40 bougies de sa petite héroïne Quino : « Mafalda, c'est moi ! » Olivier DELCROIX Cela fait 40 ans que Mafalda ausculte le monde. Avec le sérieux des enfants idéalistes, cette gamine argentine connue dans le monde entier, de la Chine au Pérou en passant par la Corée, l'Espagne et, bien entendu la France, n'a jamais baissé les bras. Son créateur, le dessinateur Quino, n'a pas non plus cessé de se battre contre l'arbitraire et les abus d'un monde en pleine globalisation. En cinquante ans de dessins de presse, cet humoriste à la douce poésie graphique, porte toujours avec lucidité, sa plume dans les plaies du globe (1). Né le 17 juillet 1932, à Mendoza en Argentine, Joaquim Salvador Lavado Tejon, surnommé Quino, apparaît tel qu'en lui-même, la BD l'a changé. De passage à Paris, où il possède avec son épouse un appartement, on le découvre discret jusqu'à la timidité. Un sourire fragile illumine son visage, mais ce sont surtout ses grands yeux, derrière ses lunettes, qui font toute la différence. Ses pupilles noires, mobiles, vous observent, avec autant de curiosité qu'il est possible d'en avoir. Ce regard, aussi bienveillant qu'attentif, voilé toutefois d'un nuage d'inquiétude, Quino continue de le promener sur notre monde tel qu'il va ou ne va pas. Possède-t-il un secret pour extraire un trait d'humour des situations les plus sombres ? « A 72 ans, je ne sais toujours pas donner une définition de l'humour, explique-t-il, non sans malice. Des gens beaucoup plus sérieux que moi, tels Bergson et Freud, l'ont déjà fait à ma place. Je considère l'humour comme un océan dont je serais le marin. Tous les matins, je me lève et scrute l'horizon, je sens le vent et me demande si la pêche va être bonne. » A lire ses albums, on se dit que Quino, n'a aucun souci à se faire. Depuis cinquante ans, sa pêche satirique est plutôt miraculeuse. A tel point que d'aucuns ont cru bon de le surnommer le « Sempé argentin ». Finalement, cela ne le gêne-t-il pas ? « Pas du tout, confie-t-il. Je me souviens même avoir rencontré Sempé en 1968. A l'époque, c'était déjà un dieu pour moi. Nous adorions Bosc, Chaval et Ronald Searle, et nous nous voulions des résistants de l'humour absurde. Je crois que nous partageons la même vision du monde. Nous sommes nés le même jour de la même année et nous avons publié notre premier ouvrage en même temps. En fait, je le considère un peu comme un « frère d'encre ». » Et qu'en est-il de Mafalda ? Se souvient-il du jour où il a créé cette si attachante gamine sud-américaine ? « 5 Mafalda est un peu la petite soeur argentine du petit Nicolas... en plus politisé, toutefois, résume-t-il. Mafalda est née d'une bien curieuse manière. C'était en 1962. Une marque d'électroménager m'avait commandé une campagne de publicité où je devais combiner « Peanuts » et la série « Blondie ». Il s'agissait des aspirateurs Manfield, marque argentine équivalente à Philips. J'avais créé une douzaine de « strips » où Mafalda évoluait, au quotidien, au sein d'une famille modèle. Finalement, la campagne n'eut jamais lieu. C'est mon ami Julian Delgado, rédacteur en chef de la revue hebdomadaire Primera plana, qui me demanda, en 1964 : « Tu aurais quelque chose pour nous ? » C'est ainsi que Mafalda, dont j'avais trouvé le nom dans le roman de David Vinas, Dar la cara, vit le jour... » Mafalda, aujourd'hui, a été adaptée deux fois en dessin animé et les douze volumes de ses aventures ont été réunis en une intégrale (2) qui arrive, à point nommé, pour fêter son quarantième anniversaire. Vivra-t-elle d'autres aventures ? Quino se montre catégorique : « Non ! Je l'aime toujours autant, mais je ne lui ferai pas vivre d'autres aventures. Je pense qu'elle a déjà dit ce qu'elle avait à dire. » Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 Pourtant, a-t-il pensé, comme pour Blake et Mortimer, Spirou, Lucky Luke, le Marsupilami, Achille Talon et bien d'autres héros de papier, qu'elle pourrait être dessinée par quelqu'un d'autre que lui, après sa mort ? Soudain, Quino se trouble. « Ma foi, je n'y avais absolument pas pensé, répond-il, avec le plus grand sérieux. Mais pour moi, tout cela a toujours été très clair. Mafalda, c'est moi. Et je ne veux pas qu'elle vive de nouvelles aventures après ma mort. » Voilà qui est dit. Mafalda devrait être fière de son père. L'aventure continue. Illustration(s) : A 72 ans, le dessinateur argentin continue d'ausculter le monde chaque matin avec humour et lucidité. (Photos Juan Barreto/AFP et DR.) (Photos Juan Barreto/AFP et DR.) © 2004 Le Figaro ; CEDROM-SNi inc. news·20041102·LF·20041102×2FIG0185 - Date d'émission : 2012-09-15 Ce certificat est émis à BM-LE-CHESNAY à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 6 Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 Le Figaro, no. 17323 Vendredi, 21 avril 2000, p. 33 CULTURE DESSIN. Ces humoristes qui croquent l'absurdité du monde Mieux qu'un long discours Olivier DELCROIX « A 68 ans, je ne sais toujours pas donner une définition à l'humour, explique malicieusement le dessinateur argentin Quino, dont on dit qu'il est le « Sempé argentin ». Des gens beaucoup plus sérieux que moi, tels Bergson et Freud, l'ont déjà fait à ma place. Je considère l'humour comme un océan dont je serais le marin. Tous les matins, je me lève et scrute l'horizon, je sens le vent et me demande si la pêche va être bonne. » A lire le recueil de dessins d'humours parus récemment sous le titre A votre bon coeur (1), on se dit que Joaquim Salvador Lavado Tejon, dit Quino, n'a aucun souci à se faire. Depuis près de quarante ans, sa pêche au gag est plutôt miraculeuse, de la création de son personnage emblématique de gamine argentine Mafalda, à ce nouvel album qui fustige dicrètement les pires travers de notre société mondialisée, à commencer par l'infernal tic du téléphone portable. Il semble d'ailleurs que les humoristes possédant un bon coup de crayon, se soient passé le mot... ou le trait. Avec l'arrivée du printemps, éclosent un nombre impressionnant d'albums mélant textes, dessins et absurde. Ne s'agirait-il pas d'une contre-attaque de la discrète confrérie des dessinateurs humoristes, au vu de la quantité croissante de publicités aux motifs de plus en plus gras ? Face à cette invasion d'affiches aux images et messages épais à force d'être soulignés, la seule arme de ce courant de graphistes, reste la fragilité touchante et pertinente de leurs exquises esquisses. Tant il est vrai que l'on ne doit jamais faire mentir l'adage « un bon dessin vaut mieux qu'un long discours », les éditions Dargaud viennent de lancer une nouvelle collection d'albums de bande dessinée nageant dans les eaux claires de l'humour absurde baptisé « Poisson-Pilote ». Lewis Trondheim et Manu Larcenet (les deux fers de lance de la génération montante) se sont associés pour raconter l'histoire de deux enfants un brin paranoïaques, Gildas et Martina, qui s'apercoivent au fil de leur aventure, que la ville et l'univers dans lesquels ils évoluent, sont totalement piégés (2). Par ailleurs, les frères Le Gall, Pierre et Frank invitent à découvrir par de petits contes noirs La fin du Monde. Leur graphisme subtil en ombre chinoise, rappelle parfois celui du grand Franquin, quand à la fin de sa vie il avait publié ses Idées Noires. Un autre dessinateur à toute britannique cette Baxter, effectue un remarqué sur la scène 7 la causticité fois, Glen retour très de l'édition d'humour. En publiant Meurtre à la table de billard (3), un hilarant roman illustré en forme de polar loufoque, il met en scène une jeune femme très bon chic bon genre qui tue à la moindre contrariété. De passage au festival de Bastia, Baxter a fait honneur à une exposition qui lui était consacrée, intitulée : « Un Anglais « en chute libre dans les abîmes du nonsense ». Tous ceux qui cultivent l'absurde ou qui savourent le goût de la dérision, savent que le très pincesans-rire Glen Baxter, maître du « flegme britannique », a su porter jusqu'à la perfection l'art de l'humour nonsensique. Au bas de ses dessins plutôt rétro, d'une grande précision, peuplés de personnages impassibles vivant des situations impossibles, Baxter inscrit en regard un commentaire sentencieux, marqué au coin de l'humour à froid. A 56 ans, il promène depuis trente ans son sens du nonsens. Mais comment cela lui est-il venu ? « Quand j'étais enfant, je bégayais affreusement et je me souviens qu'un jour, ma mère m'avait envoyé acheter des boutons. Tout le long du chemin, très nerveux, je me suis répété la phrase à prononcer et arrivé dans la boutique, je l'ai débitée d'une traite parfaitement mais... je m'étais trompé Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 de magasin, j'étais entré chez un marchand de meubles ». Tout l'univers de Glen Baxter tient dans cette anecdote décalée. Oeil pétillant et moustache en bataille, il se délecte bien évidemment de ce mot : « L'absurde donne un frisson délicieux. J'aime décrire des choses étranges et incroyables de la façon la plus prétendument logique et faire basculer la réalité ». Ce type d'humour serait-il l'arme ultime contre une société de plus en plus folle ? « C'est en tout cas celle qu'avaient choisie des gens tels Bosc ou Chaval, déclare encore Quino. Aujourd'hui, j'ai l'impression que nous restons très peu à faire ce genre de dessins. Je me souviens avoir rencontré Sempé en 1968. A l'époque, c'était déjà un dieu pour moi. Nous nous voulions des résistants de l'humour absurde. » Cependant, garder son indépendance et continuer à dessiner ce que l'on veut ne fut pas tout les jours pour Quino, une partie de plaisir. « Je me souviens d'une affiche représentant ma petite Mafalda en compagnie d'un policier, matraque au poing. La petite fille désignait l'objet en disant : « Voici la matraque qui écrase l'idéologie. » Sans m'en avertir, mon Illustration(s) : (Dessin Qino.) © 2000 Le Figaro ; CEDROM-SNi inc. news·20000421·LF·173233301 - Date d'émission : 2012-09-15 Ce certificat est émis à BM-LE-CHESNAY à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 8 dessin a été détourné par la censure politique et j'ai découvert un matin en sortant dans la rue, que mon affiche placardée dans tout Buenos Aires, portait dans la bulle l'inscription suivante : « Grâce à cette matraque, tu peux aller à l'école tranquille ». Ce fut un coup de poignard dans le ventre. » Visiblement, les dessinateurs humoristes ont encore un peu de temps devant eux, avant de voir leurs oeuvres envahir les panneaux publicitaires du monde entier ! Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 Libération, no. 5875 quotidien deuxième édition LIVRES, jeudi, 6 avril 2000, p. 12 Quino, la vérité en fax. Depuis qu'il a abandonné Mafalda, l'Argentin est revenu au dessin d'humour. Entretien. ; Quino. A votre bon coeur! Glénat, 124pp., 59F. LINDON Mathieu Né en 1932 à Mendoza, Argentine, Joaquin Salvador Lavado, dit Quino, a acquis une immense célébrité mondiale en dessinant de 1964 à 1973 Mafalda. Cette histoire d'une petite fille de la classe moyenne intéressée (et désespérée) par la politique internationale (et la guerre froide), ainsi que par ses relations avec ses parents et ses amis, est inspirée des Peanuts de Charles Schulze mais, chez Mafalda, on préfère les Beatles à Beethoven. Depuis qu'il a abandonné son héroïne, Quino est revenu au dessin d'humour qui fut sa première activité. A votre bon coeur! évoque drôlement le monde moderne, celui des téléphones portables et de l'exagération de la vitesse. Un pianiste en concert a besoin d'un assistant pour placer sur son instrument les feuilles de la partition qui sortent du fax installé sur scène au fur et à mesure qu'il joue. «Qui peut faire confiance à un corrompu qui apparaît tout d'un coup éclaboussé d'honnêteté?» est-il écrit quand on voit un homme avec des taches blanches sur son costume noir tenu à l'écart par des hommes semblables à lui si ce n'est que leurs vêtements noirs sont immaculés. Dans quelles conditions avez-vous quitté l'Argentine? J'ai quitté l'Argentine de 1976 à 1980 parce que le climat était devenu très étouffant. 70 journalistes avaient disparu, dont plusieurs que je connaissais. Quand je déposais mes dessins au journal, souvent une bombe y avait explosé pendant la nuit. Il n'y avait de protection pour personne. Le régime militaire ne m'a jamais fait de problème avec Mafalda, que je ne dessinais d'ailleurs plus à l'époque, mais avec mes dessins d'humour. Pinochet a en revanche interdit Mafalda au Chili. Quelle fut l'influence sur vous de Schulze, le créateur des Peanuts, qui vient de mourir? Je regrette que Schulze n'ait fait que les Peanuts. J'aimerais savoir ce qu'il pensait politiquement. Sur la musique, je sais ce qu'il pensait. J'ai commencé Mafalda, il y avait déjà onze ans que je publiais avec succès des dessins d'humour, quand on m'a commandé une bande dessinée pour vendre des réfrigérateurs. Heureusement, cette campagne n'a jamais vu le jour. On m'avait demandé de faire une bande dessinée pareille aux Peanuts. J'ai acheté tous les albums que j'ai pu trouver à Buenos Aires, j'ai étudié comment Schulze faisait ses bandes dessinées et j'ai tenté d'être pareil et différent. Depuis que vous avez fait disparaître Mafalda et toute sa bande, certains lecteurs vous accusent d'être un serial 9 killer. N'avez-vous remords? jamais eu de Jamais. Pour moi, c'est une époque disparue. J'avais mis tant d'espoirs dans les Beatles. L'Angleterre va être complètement bouleversée, me disaisje. Et rien n'a changé. Il y avait aussi Kennedy, un président qui semblait un peu différent. Et Jean XXIII. Et tous les jeunes qui ont fait Mai 68. Puis le système les a tous mangés. En 1973, j'ai eu le sentiment que je commençais à me répéter moi-même. Ce qui m'étonne, c'est comme les gens continuent à parler de Mafalda. En 1998, on a fêté les 30 ans de 1968. La presse en a beaucoup parlé. Beaucoup de jeunes ont écrit aux journaux pour dire: quelle chance pour cette génération d'avoir eu des idéaux, nous, aujourd'hui, on n'en a pas. En lisant Mafalda, les gens retrouvent quelque chose de ces idéaux. Mafalda a été piraté en Chine. J'ai été en Chine et j'ai demandé comment ils avaient fait avec les dessins autour de la bombe atomique des Chinois. En fait, eux n'ont pas été publiés. On m'a dit: «On a considéré que quand vous faisiez ces dessins, vous ne connaissiez pas assez bien la Chine pour en parler.» Ça me semble une explication logique. Où en êtes-vous avec la politique? Nombre de document(s) : 4 Date de création : 15 septembre 2012 Je crois que le socialisme est la marche à suivre bien que la réalité d'aujourd'hui dise tout le contraire. Je compare la politique à l'aviation. L'homme a toujours tenté de voler. Il a d'abord dû inventer le moteur à explosion qui est lourd pour voler 18 mètres. Ce qui ne voulait pas dire que l'aviation ne marcherait jamais. Au contraire, aujourd'hui, nous avons les Jumbo. Le socialisme, on a essayé peu de temps. Il n'y a pas eu assez d'expériences pour être sûr que ça ne marche pas. Mais je crois que le capitalisme d'aujourd'hui n'a pas de futur, ça va exploser. C'est toujours © 2000 SA Libération ; CEDROM-SNi inc. news·20000406·LI·177140 - Date d'émission : 2012-09-15 Ce certificat est émis à BM-LE-CHESNAY à des fins de visualisation personnelle et temporaire. Retour à la table des matières 10 comme l'aviation. En ce moment, les riches sont en première classe et ils se fichent qu'il y ait une bombe en classe économique, ils continuent de boire du champagne. Mais même si c'est en classe économique que la bombe explose, ça ne sauvera pas les premières.