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Créé par : BM-LE-CHESNAY
QUINO, franc-tireur de la BD et de la politique
Le Monde - 22 décembre 2004............................................................................................................................. 2
Quino : « Mafalda, c'est moi ! »
Le Figaro - 2 novembre 2004............................................................................................................................... 5
Mieux qu'un long discours
Le Figaro - 21 avril 2000...................................................................................................................................... 7
Quino, la vérité en fax. Depuis qu'il a abandonné Mafalda, l'Argentin est revenu au dessin
d'humour. Entretien. ; Quino. A votre bon coeur! Glénat, 124pp., 59F.
Libération - 6 avril 2000....................................................................................................................................... 9
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Le Monde
Culture, mercredi, 22 décembre 2004, p. 24
PORTRAIT
QUINO, franc-tireur de la BD et de la politique
Il a créé Mafalda il y a quarante ans en Argentine. La fillette, devenue l'emblème de la résistance à la
dictature, a fait le tour du monde. Elle continue à se battre, comme son « père », contre l'injustice et les
inégalités
Yves-Marie Labé
TOUTES DEUX vouent un culte à
Mafalda, comme la plupart des
Argentins,
même
si
elles
appartiennent à des générations
différentes. Haydée Alba, l'une des
plus grandes chanteuses de tango,
arrivée à Paris dans les années 1980,
n'a pas oublié qu'aux heures sombres
de la dictature qui a sévi à Buenos
Aires jusqu'en 1984, la jeune héroïne
dessinée par Quino « exprimait ce que
pensait la rue ». « On ne pouvait pas
dire clairement les choses. Mafalda
les exprimait et on savait, en parlant
d'elle, qu'on était complices. Elle
était dans tous les esprits; elle nous
habite encore », se souvient la
chanteuse. Du haut de ses 26 ans,
Ornella Pizzamiglio, éduquée, elle, en
Europe, renchérit : « On a tous
grandi avec Mafalda; les enfants
achètent ses albums dans les
«kiosquitos», avec les bonbons... En
Argentine, chaque famille possède au
moins l'un de ses livres. On peut
relire ses sketches à l'infini. »
De tels témoignages continuent à
ravir Joaquin Salvador Lavado, dit
Quino, 72 ans. « Mon grand plaisir,
c'est de savoir qu'à l'époque de la
dictature, Mafalda faisait beaucoup
parler, dans les cafés comme dans les
réunions de famille. Ou lorsque des
parents me disent que leur enfant ne
lisait pas, mais qu'il s'y est mis en se
plongeant dans Mafalda... » Mais
Quino s'agace un peu de l'ombre que
la série fait à ses recueils de dessins
d'actualité dont la dernière livraison,
Un présent imprésentable, vient de
paraître aux éditions Glénat,en même
temps qu'une réédition de l'intégrale
de Mafalda célébrant les quarante
ans du personnage. S'il assure ne «
pas faire de différence entre ses
dessins », il sait la part de renommée
et de notoriété qu'il doit à la gamine
délurée et à sa bande de copains,
conçus au fur et à mesure de sa
courte vie de papier - Manolito,
Felipe, Susanita ou Liberté, dernièrenée en 1970.
Le succès de Mafalda est d'abord dû
aux sujets évoqués : disparités entre
riches et pauvres, fracture Nord-Sud,
injustice sociale, abus du pouvoir et
de autoritarisme, bêtise en uniforme,
sexisme ou pollution de la planète...
Bref, le refus du monde tel qu'il est et
l'incompréhension face aux décisions
et aux choix des adultes. Mais la
popularité de Mafalda tient aussi au
dessin simple et efficace, en noir et
blanc, de Quino - choix dicté par « ses
difficultés avec la couleur » -, à la
facilité de lecture des strips (gags en
quelques
cases)
racontant
les
aventures philosophico-politiques de
la fillette, et à leur mode de
diffusion : la presse.
2
Mafalda est née en 1964 dans les
pages
de
deux
hebdomadaires
argentins avant de migrer vers le
quotidien de Buenos Aires El Mundo,
puis de s'installer dans le magazine
Siete Dias. La petite star argentine
vivra une brève existence, puisqu'elle
disparaît en 1973. « J'étais fatigué
d'elle, j'avais l'impression de me
répéter. Quand j'ai arrêté, on m'a
traité d'assassin ! », se remémore
Quino. Ce « meurtre » ne l'empêche
pas de poursuivre son oeuvre de
dessinateur
et
d'humoriste,
commencée avant la naissance de
Mafalda. Depuis vingt-quatre ans, il
envoie des dessins d'actualité imperturbablement et toujours par la
poste - au quotidien argentin Clarin et
à des journaux régionaux.
Paradoxalement, la petite fille aux
cheveux noirs et à la robe à pois est
inspirée
de
héros
de
comics
américains : les Peanuts, de Charles
M. Schulz, et Blondie, jeune femme
moderne conçue dans les années 1930
par Chic Young. Quino admire le
premier tout en portant au pinacle les
dessinateurs français Bosc, Chaval et
surtout Sempé, qu'il met sur un
piédestal. Mafalda était promise à
faire la réclame d'une marque de
réfrigérateur, ce qui ne se fera pas.
Vite devenue la coqueluche des
lecteurs de la presse argentine,
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l'héroïne échappe à la censure de la
junte militaire argentine. En revanche,
les autres dessins de presse de Quino,
à qui on avait demandé d'éviter « la
religion, les militaires et le sexe »
quand il débarqua à Buenos Aires,
carton à dessin sous le bras, le
contraignent à s'exiler à Milan, en
1976, avec son épouse Alicia.
PARTOUT SAUF AUX ÉTATS-UNIS
Entre-temps, sa fillette à la langue
bien pendue conquiert le monde :
l'Italie et l'Espagne, la plupart des
pays d'Amérique latine, la Grèce et
Israël, la France - où ses albums
paraissent aux éditions Glénat dès
1980 - et même la Chine, Mafalda
ayant été la cible d'éditions pirates à
Taïwan. Mafalda échoue toutefois à se
faire une place au soleil des EtatsUnis, le premier (et dernier) album de
ses tribulations ne s'y étant vendu qu'à
7 000 exemplaires. « Je suis trop
compliqué pour eux : les Américains
sont habitués à un dessin plus simple,
plus rapide », concède Quino avec
philosophie.
La fillette rapporte fortune et gloire à
son « père » et lui permet de s'essayer
à d'autres médias que la presse, le
livre ou les manuels scolaires. A La
Havane, où il se rend en 1984 pour un
festival, Quino se lie d'amitié avec le
réalisateur Juan Padron et signe avec
l'Institut officiel du cinéma cubain
une série de dessins animés, les
Quinoscopios, dont Mafalda est
l'héroïne. Grâce aux télévisions
espagnole et catalane, les épisodes de
ces dessins animés sont produits et
diffusés la même année en Argentine,
à Buenos Aires et à Mendoza (ville
natale de Quino), pour célébrer le
retour
de
la
démocratie.
Les
téléspectateurs français peuvent en
découvrir les 104 épisodes sur la
chaîne TPS Cinefamily, qui en diffuse
cinq séquences, chaque dimanche à 7
heures, depuis le 19 décembre.
Le retour de la démocratie en
Argentine fait de Quino un auteur
adulé et un héros des médias,
susceptible de donner un avis sur
n'importe quel événement politique.
En Argentine, mais aussi en Uruguay
ou au Chili. « Dans le cône Sud, je
suis une sorte de phénomène;
j'appartiens un peu à tout le monde,
donc je réponds. Si je ne parle pas à
la radio, on m'en veut. Mais si je parle
trop, on me reproche de faire de
l'humour en abordant des sujets
tragiques. Il faut toujours savoir être
en équilibre », s'amuse celui qui a
signé vingt-cinq albums de dessins,
dont une douzaine consacrés à la
seule Mafalda, et que l'on invite
rituellement dans les festivals de BD
et de dessin du monde entier.
Mais la notoriété n'a pas émoussé
l'engagement de Quino, né dans une
famille de républicains espagnols
émigrés en Argentine, et dont la
grand-mère fut l'une des figures du
Parti communiste espagnol (PCE). Il a
d'ailleurs gardé la double nationalité
espagnole et argentine. La guerre, la
dictature, la corruption, l'abus du
pouvoir et des pouvoirs restent ses
ennemis intimes. Pourtant, si son
humour reste intact, ses convictions
ont un peu perdu de leur force. « Il est
difficile de penser que les choses vont
s'améliorer, mais il faut y croire
quand même. J'ai cru à Kennedy, j'ai
cru en Jean XXIII même si je ne suis
pas croyant. Je n'appartiens pas à un
parti mais je pense toujours qu'en
dépit des erreurs, le socialisme reste
un système à réessayer, confie-t-il.
J'avais 30 ans quand je faisais
Mafalda. C'était l'époque de Che
Guevara et des Beatles, on croyait
3
encore qu'on pouvait changer : je ne
peux plus avoir la même vision. J'ai
l'impression que l'humanité fait deux
pas en avant et deux pas en arrière. Ce
qui ne m'empêche pas de rester un
franc-tireur. Je me rapproche de
Woody Allen dont les premiers films
étaient plus amusants; mes premiers
dessins étaient aussi plus spontanés.
Aujourd'hui, ce qui peut amuser le
lecteur a pour moi des accents
tragiques. »
Note(s) :
Un présent imprésentable, de Quino
(éd. Glénat, novembre, 20 €).
Rééditions de Ça va les affaires ? (éd.
Glénat, octobre, 12 €) et de l'intégrale
de Mafalda sous une jaquette or, «
Les quarante ans de Mafalda » (éd.
Glénat, 30 €).
Note(s) :
BIOGRAPHIE
Note(s) :
1932
Note(s) :
Naissance à Mendoza (Argentine).
Note(s) :
1954
Note(s) :
Première
BD
publiée
l'hebdomadaire « Esto Es ».
dans
Note(s) :
1964
Note(s) :
Premiers dessins
Note(s) :
de Mafalda dans « Primera Plana ».
Note(s) :
Nombre de document(s) : 4
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1965
Note(s) :
Exposition « Quino, 50 ans »
Note(s) :
en quelques jours.
Note(s) :
Les 5 000 exemplaires
Note(s) :
à Buenos-Aires.
Note(s) :
2004
du premier album se vendent
Note(s) :
Illustration(s) :
Quino
© 2004 SA Le Monde ; CEDROM-SNi inc.
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Le Figaro, no. 18737
Le Figaro, mardi, 2 novembre 2004, p. 27
CULTURE, LETTRES
BD Le père de Mafalda souffle les 40 bougies de sa petite héroïne
Quino : « Mafalda, c'est moi ! »
Olivier DELCROIX
Cela fait 40 ans que Mafalda ausculte
le monde. Avec le sérieux des enfants
idéalistes, cette gamine argentine
connue dans le monde entier, de la
Chine au Pérou en passant par la
Corée, l'Espagne et, bien entendu la
France, n'a jamais baissé les bras.
Son créateur, le dessinateur Quino,
n'a pas non plus cessé de se battre
contre l'arbitraire et les abus d'un
monde en pleine globalisation. En
cinquante ans de dessins de presse,
cet humoriste à la douce poésie
graphique, porte toujours avec
lucidité, sa plume dans les plaies du
globe (1).
Né le 17 juillet 1932, à Mendoza en
Argentine, Joaquim Salvador Lavado
Tejon, surnommé Quino, apparaît tel
qu'en lui-même, la BD l'a changé. De
passage à Paris, où il possède avec
son épouse un appartement, on le
découvre discret jusqu'à la timidité.
Un sourire fragile illumine son
visage, mais ce sont surtout ses
grands yeux, derrière ses lunettes, qui
font toute la différence. Ses pupilles
noires, mobiles, vous observent, avec
autant de curiosité qu'il est possible
d'en
avoir.
Ce
regard,
aussi
bienveillant qu'attentif, voilé toutefois
d'un nuage d'inquiétude, Quino
continue de le promener sur notre
monde tel qu'il va ou ne va pas.
Possède-t-il un secret pour extraire un
trait d'humour des situations les plus
sombres ?
« A 72 ans, je ne sais toujours pas
donner une définition de l'humour,
explique-t-il, non sans malice. Des
gens beaucoup plus sérieux que moi,
tels Bergson et Freud, l'ont déjà fait à
ma place. Je considère l'humour
comme un océan dont je serais le
marin. Tous les matins, je me lève et
scrute l'horizon, je sens le vent et me
demande si la pêche va être bonne. »
A lire ses albums, on se dit que
Quino, n'a aucun souci à se faire.
Depuis cinquante ans, sa pêche
satirique est plutôt miraculeuse. A tel
point que d'aucuns ont cru bon de le
surnommer le « Sempé argentin ».
Finalement, cela ne le gêne-t-il pas ?
« Pas du tout, confie-t-il. Je me
souviens même avoir rencontré Sempé
en 1968. A l'époque, c'était déjà un
dieu pour moi. Nous adorions Bosc,
Chaval et Ronald Searle, et nous nous
voulions des résistants de l'humour
absurde. Je crois que nous partageons
la même vision du monde. Nous
sommes nés le même jour de la même
année et nous avons publié notre
premier ouvrage en même temps. En
fait, je le considère un peu comme un
« frère d'encre ». »
Et qu'en est-il de Mafalda ? Se
souvient-il du jour où il a créé cette si
attachante gamine sud-américaine ? «
5
Mafalda est un peu la petite soeur
argentine du petit Nicolas... en plus
politisé,
toutefois,
résume-t-il.
Mafalda est née d'une bien curieuse
manière. C'était en 1962. Une marque
d'électroménager m'avait commandé
une campagne de publicité où je
devais combiner « Peanuts » et la
série « Blondie ». Il s'agissait des
aspirateurs
Manfield,
marque
argentine équivalente à Philips.
J'avais créé une douzaine de « strips »
où Mafalda évoluait, au quotidien, au
sein
d'une
famille
modèle.
Finalement, la campagne n'eut jamais
lieu. C'est mon ami Julian Delgado,
rédacteur en chef de la revue
hebdomadaire Primera plana, qui me
demanda, en 1964 : « Tu aurais
quelque chose pour nous ? » C'est
ainsi que Mafalda, dont j'avais trouvé
le nom dans le roman de David Vinas,
Dar la cara, vit le jour... »
Mafalda, aujourd'hui, a été adaptée
deux fois en dessin animé et les douze
volumes de ses aventures ont été
réunis en une intégrale (2) qui arrive,
à point nommé, pour fêter son
quarantième anniversaire. Vivra-t-elle
d'autres aventures ? Quino se montre
catégorique : « Non ! Je l'aime
toujours autant, mais je ne lui ferai
pas vivre d'autres aventures. Je pense
qu'elle a déjà dit ce qu'elle avait à
dire. »
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Pourtant, a-t-il pensé, comme pour
Blake et Mortimer, Spirou, Lucky
Luke, le Marsupilami, Achille Talon
et bien d'autres héros de papier,
qu'elle pourrait être dessinée par
quelqu'un d'autre que lui, après sa
mort ? Soudain, Quino se trouble. «
Ma foi, je n'y avais absolument pas
pensé, répond-il, avec le plus grand
sérieux. Mais pour moi, tout cela a
toujours été très clair. Mafalda, c'est
moi. Et je ne veux pas qu'elle vive de
nouvelles aventures après ma mort. »
Voilà qui est dit. Mafalda devrait être
fière de son père. L'aventure continue.
Illustration(s) :
A 72 ans, le dessinateur argentin continue d'ausculter le monde chaque matin avec humour et lucidité.
(Photos Juan Barreto/AFP et DR.)
(Photos Juan Barreto/AFP et DR.)
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Le Figaro, no. 17323
Vendredi, 21 avril 2000, p. 33
CULTURE
DESSIN. Ces humoristes qui croquent l'absurdité du monde
Mieux qu'un long discours
Olivier DELCROIX
« A 68 ans, je ne sais toujours pas
donner une définition à l'humour,
explique
malicieusement
le
dessinateur argentin Quino, dont on
dit qu'il est le « Sempé argentin ».
Des gens beaucoup plus sérieux que
moi, tels Bergson et Freud, l'ont déjà
fait à ma place. Je considère l'humour
comme un océan dont je serais le
marin. Tous les matins, je me lève et
scrute l'horizon, je sens le vent et me
demande si la pêche va être bonne. »
A lire le recueil de dessins d'humours
parus récemment sous le titre A votre
bon coeur (1), on se dit que Joaquim
Salvador Lavado Tejon, dit Quino, n'a
aucun souci à se faire.
Depuis près de quarante ans, sa pêche
au gag est plutôt miraculeuse, de la
création
de
son
personnage
emblématique de gamine argentine
Mafalda, à ce nouvel album qui
fustige dicrètement les pires travers
de notre société mondialisée, à
commencer par l'infernal tic du
téléphone portable.
Il semble d'ailleurs que les humoristes
possédant un bon coup de crayon, se
soient passé le mot... ou le trait. Avec
l'arrivée du printemps, éclosent un
nombre
impressionnant
d'albums
mélant textes, dessins et absurde. Ne
s'agirait-il pas d'une contre-attaque de
la discrète confrérie des dessinateurs
humoristes, au vu de la quantité
croissante de publicités aux motifs de
plus en plus gras ? Face à cette
invasion d'affiches aux images et
messages épais à force d'être
soulignés, la seule arme de ce courant
de graphistes, reste la fragilité
touchante et pertinente de leurs
exquises esquisses.
Tant il est vrai que l'on ne doit jamais
faire mentir l'adage « un bon dessin
vaut mieux qu'un long discours », les
éditions Dargaud viennent de lancer
une nouvelle collection d'albums de
bande dessinée nageant dans les eaux
claires de l'humour absurde baptisé «
Poisson-Pilote ». Lewis Trondheim et
Manu Larcenet (les deux fers de lance
de la génération montante) se sont
associés pour raconter l'histoire de
deux enfants un brin paranoïaques,
Gildas et Martina, qui s'apercoivent
au fil de leur aventure, que la ville et
l'univers dans lesquels ils évoluent,
sont totalement piégés (2).
Par ailleurs, les frères Le Gall, Pierre
et Frank invitent à découvrir par de
petits contes noirs La fin du Monde.
Leur graphisme subtil en ombre
chinoise, rappelle parfois celui du
grand Franquin, quand à la fin de sa
vie il avait publié ses Idées Noires.
Un autre dessinateur à
toute britannique cette
Baxter, effectue un
remarqué sur la scène
7
la causticité
fois, Glen
retour très
de l'édition
d'humour. En publiant Meurtre à la
table de billard (3), un hilarant roman
illustré en forme de polar loufoque, il
met en scène une jeune femme très
bon chic bon genre qui tue à la
moindre contrariété. De passage au
festival de Bastia, Baxter a fait
honneur à une exposition qui lui était
consacrée, intitulée : « Un Anglais «
en chute libre dans les abîmes du
nonsense ». Tous ceux qui cultivent
l'absurde ou qui savourent le goût de
la dérision, savent que le très pincesans-rire Glen Baxter, maître du «
flegme britannique », a su porter
jusqu'à la perfection l'art de l'humour
nonsensique.
Au bas de ses dessins plutôt rétro,
d'une grande précision, peuplés de
personnages impassibles vivant des
situations impossibles, Baxter inscrit
en
regard
un
commentaire
sentencieux, marqué au coin de
l'humour à froid. A 56 ans, il promène
depuis trente ans son sens du nonsens.
Mais comment cela lui est-il venu ? «
Quand j'étais enfant, je bégayais
affreusement et je me souviens qu'un
jour, ma mère m'avait envoyé acheter
des boutons. Tout le long du chemin,
très nerveux, je me suis répété la
phrase à prononcer et arrivé dans la
boutique, je l'ai débitée d'une traite
parfaitement mais... je m'étais trompé
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de magasin, j'étais entré chez un
marchand de meubles ».
Tout l'univers de Glen Baxter tient
dans cette anecdote décalée. Oeil
pétillant et moustache en bataille, il
se délecte bien évidemment de ce
mot : « L'absurde donne un frisson
délicieux. J'aime décrire des choses
étranges et incroyables de la façon la
plus prétendument logique et faire
basculer la réalité ». Ce type
d'humour serait-il l'arme ultime contre
une société de plus en plus folle ? «
C'est en tout cas celle qu'avaient
choisie des gens tels Bosc ou Chaval,
déclare encore Quino. Aujourd'hui,
j'ai l'impression que nous restons très
peu à faire ce genre de dessins. Je me
souviens avoir rencontré Sempé en
1968. A l'époque, c'était déjà un dieu
pour moi. Nous nous voulions des
résistants de l'humour absurde. »
Cependant, garder son indépendance
et continuer à dessiner ce que l'on
veut ne fut pas tout les jours pour
Quino, une partie de plaisir. « Je me
souviens d'une affiche représentant
ma petite Mafalda en compagnie d'un
policier, matraque au poing. La petite
fille désignait l'objet en disant : «
Voici la matraque qui écrase
l'idéologie. » Sans m'en avertir, mon
Illustration(s) :
(Dessin Qino.)
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8
dessin a été détourné par la censure
politique et j'ai découvert un matin en
sortant dans la rue, que mon affiche
placardée dans tout Buenos Aires,
portait dans la bulle l'inscription
suivante : « Grâce à cette matraque, tu
peux aller à l'école tranquille ». Ce
fut un coup de poignard dans le
ventre. »
Visiblement,
les
dessinateurs
humoristes ont encore un peu de
temps devant eux, avant de voir leurs
oeuvres
envahir
les
panneaux
publicitaires du monde entier !
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Libération, no. 5875
quotidien deuxième édition
LIVRES, jeudi, 6 avril 2000, p. 12
Quino, la vérité en fax. Depuis qu'il a abandonné Mafalda, l'Argentin est revenu au dessin d'humour.
Entretien. ; Quino. A votre bon coeur! Glénat, 124pp., 59F.
LINDON Mathieu
Né en 1932 à Mendoza, Argentine,
Joaquin Salvador Lavado, dit Quino,
a acquis une immense célébrité
mondiale en dessinant de 1964 à 1973
Mafalda. Cette histoire d'une petite
fille de la classe moyenne intéressée
(et désespérée) par la politique
internationale (et la guerre froide),
ainsi que par ses relations avec ses
parents et ses amis, est inspirée des
Peanuts de Charles Schulze mais,
chez Mafalda, on préfère les Beatles à
Beethoven. Depuis qu'il a abandonné
son héroïne, Quino est revenu au
dessin d'humour qui fut sa première
activité. A votre bon coeur! évoque
drôlement le monde moderne, celui
des téléphones portables et de
l'exagération de la vitesse. Un
pianiste en concert a besoin d'un
assistant pour placer sur son
instrument les feuilles de la partition
qui sortent du fax installé sur scène
au fur et à mesure qu'il joue. «Qui
peut faire confiance à un corrompu
qui
apparaît
tout
d'un
coup
éclaboussé d'honnêteté?» est-il écrit
quand on voit un homme avec des
taches blanches sur son costume noir
tenu à l'écart par des hommes
semblables à lui si ce n'est que leurs
vêtements noirs sont immaculés.
Dans quelles conditions avez-vous
quitté l'Argentine?
J'ai quitté l'Argentine de 1976 à 1980
parce que le climat était devenu très
étouffant. 70 journalistes avaient
disparu, dont plusieurs que je
connaissais. Quand je déposais mes
dessins au journal, souvent une
bombe y avait explosé pendant la nuit.
Il n'y avait de protection pour
personne. Le régime militaire ne m'a
jamais fait de problème avec Mafalda,
que je ne dessinais d'ailleurs plus à
l'époque, mais avec mes dessins
d'humour. Pinochet a en revanche
interdit Mafalda au Chili.
Quelle fut l'influence sur vous de
Schulze, le créateur des Peanuts, qui
vient de mourir?
Je regrette que Schulze n'ait fait que
les Peanuts. J'aimerais savoir ce qu'il
pensait politiquement. Sur la musique,
je sais ce qu'il pensait. J'ai commencé
Mafalda, il y avait déjà onze ans que
je publiais avec succès des dessins
d'humour, quand on m'a commandé
une bande dessinée pour vendre des
réfrigérateurs. Heureusement, cette
campagne n'a jamais vu le jour. On
m'avait demandé de faire une bande
dessinée pareille aux Peanuts. J'ai
acheté tous les albums que j'ai pu
trouver à Buenos Aires, j'ai étudié
comment Schulze faisait ses bandes
dessinées et j'ai tenté d'être pareil et
différent.
Depuis que vous avez fait disparaître
Mafalda et toute sa bande, certains
lecteurs vous accusent d'être un serial
9
killer. N'avez-vous
remords?
jamais
eu
de
Jamais. Pour moi, c'est une époque
disparue. J'avais mis tant d'espoirs
dans les Beatles. L'Angleterre va être
complètement bouleversée, me disaisje. Et rien n'a changé. Il y avait aussi
Kennedy, un président qui semblait un
peu différent. Et Jean XXIII. Et tous
les jeunes qui ont fait Mai 68. Puis le
système les a tous mangés. En 1973,
j'ai eu le sentiment que je commençais
à me répéter moi-même. Ce qui
m'étonne, c'est comme les gens
continuent à parler de Mafalda. En
1998, on a fêté les 30 ans de 1968. La
presse en a beaucoup parlé. Beaucoup
de jeunes ont écrit aux journaux pour
dire: quelle chance pour cette
génération d'avoir eu des idéaux,
nous, aujourd'hui, on n'en a pas. En
lisant Mafalda, les gens retrouvent
quelque chose de ces idéaux.
Mafalda a été piraté en Chine. J'ai été
en Chine et j'ai demandé comment ils
avaient fait avec les dessins autour de
la bombe atomique des Chinois. En
fait, eux n'ont pas été publiés. On m'a
dit: «On a considéré que quand vous
faisiez
ces
dessins,
vous
ne
connaissiez pas assez bien la Chine
pour en parler.» Ça me semble une
explication logique.
Où en êtes-vous avec la politique?
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Je crois que le socialisme est la
marche à suivre bien que la réalité
d'aujourd'hui dise tout le contraire. Je
compare la politique à l'aviation.
L'homme a toujours tenté de voler. Il
a d'abord dû inventer le moteur à
explosion qui est lourd pour voler 18
mètres. Ce qui ne voulait pas dire que
l'aviation ne marcherait jamais. Au
contraire, aujourd'hui, nous avons les
Jumbo. Le socialisme, on a essayé peu
de temps. Il n'y a pas eu assez
d'expériences pour être sûr que ça ne
marche pas. Mais je crois que le
capitalisme d'aujourd'hui n'a pas de
futur, ça va exploser. C'est toujours
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news·20000406·LI·177140 - Date d'émission : 2012-09-15
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comme l'aviation. En ce moment, les
riches sont en première classe et ils se
fichent qu'il y ait une bombe en classe
économique, ils continuent de boire
du champagne. Mais même si c'est en
classe économique que la bombe
explose, ça ne sauvera pas les
premières.