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NOTRE TÉMOIGNAGE DE TRAVAIL ET
DE FÊTE DANS LE MILIEU MUSULMAN
p. José Vega
I-L’ÉGLISE AU MAROC :
1. Aperçu historique :
Pour présenter mon témoignage de l’École Catholique au Maroc il est nécessaire de
donner quelques données de la situation :
Le Maroc compte 32 millions d'habitants ; la religion est la norme de l'État et le Roi
est le "Commandeur des croyants". On peut dire que chaque marocain est musulman.
Les chrétiens de différentes confessions sont tous étrangers.
Les Communautés chrétiennes au Maroc se sont formées à partir de 1912, dans la
période du protectorat espagnol ou français. Au moment de l'indépendance en 1956, le
Maroc disposait de 500.000 catholiques, surtout des Européens. La nationalisation des
terres, des commerces et des entreprises, et quelques attentats provoquent un retour
massif en Europe. Seulement quelques familles de cette époque sont restées, nées au
Maroc, et citoyenneté européenne.
2.-La situation de l'Église aujourd'hui :
Le Maroc a été un lieu de passage d'émigrants vers l'Europe, ou un lieu pour des
études universitaires surtout sub-sahariens.
Aujourd'hui environ 30.000 personnes forment nos Communautés catholiques,
venant de 90 pays. Nos réunions dominicales sont constituées de chrétiens sub-sahariens
et de quelques Européens. Ce sont des communautés vivantes : relations fraternelles
chaudes, découverte de la foi et témoignage dans un climat musulman. C'est un
témoignage, parfois héroïque, puisque certains subissent des pressions, ou vivent une
discrimination dans les salles d’universités à cause de leur condition de chrétiens.
Il y a des nombreux cadres chrétiens dans les multinationales, mais ils ne cherchent
peu la Communauté chrétienne. Les femmes ou les hommes qui se sont mariés avec une
personne d’origine Marocaine, sont « pratiquement » obligés de se rallier à la foi
musulmane.
Le témoignage et le dialogue de l'Église au Maroc est silencieux, humble et sans
prosélytisme. Nous sommes présents simplement. Ils savent qui nous sommes et ce que
nous leur apportons. Ils sont fiers de leur religion musulmane qu'ils défendent avec la
protection de l'État et avec des lois coercitives. Nous venons avec un témoignage simple,
mais cohérent. Il est important que les volontaires qui viennent travailler dans nos écoles
soient croyants et pratiquants. Pour un musulman c'est un contresens qu'un chrétien
manque à la prière, ou que son comportement ne soit pas correct et cohérent.
De leur part :
●Ils estiment des chrétiens l’honnêteté, l’impartialité et la qualité d'éducation.
●Ils admirent de l'Église l’éducation de leurs enfants, les "œuvres de charité" et la
promotion de la solidarité envers tous.
●Ils voient en nous des personnes qui "croient" et aussi qui prient, et qui ont un bon
comportement, n'étant pas eux-mêmes musulmans. C’est un éloge lorsqu'une personne te
dit "Tu pourrais être un bon musulman". Les plus proches savent l'horaire de la Messe, et
ils nous invitent à les quitter : "Mon père, vous devez aller à la prière". Ils ne nous
critiqueront jamais si nous nous absentons pour cette cause.
3.-Les Salésiens au Maroc :
Les salésiens sont arrivés à Kénitra il y a 74 ans.
A l’époque de l'indépendance (1956) Port Lyautey (Kénitra) avait 30.000 habitants
dont environ 5.000 catholiques européens.
Aujourd'hui, avec 700.000 habitants, la Communauté catholique de Kénitra se
compose d’environ 20 Européens et de130 sub-sahariens. Chaque dimanche nous nous
retrouvons environ une centaine dans une petite chapelle. Une communauté multicolore de
22 pays, où il y a plus de jeunes que d’anciens, plus d'hommes que des femmes et plus de
noirs que des blancs. Une église d'étrangers qui essaie de donner un témoignage de sa foi
au peuple qui l'accueille; une communauté de priants dans un peuple de priants, de
croyants au milieu d’autres croyants.
II. - l'ÉCOLE CATHOLIQUE, UNE SITUATION ORIGINALE :
1. Sous l’égide de l'ECAM :
Dans l'époque du protectorat l'Église avait créé de nombreuses écoles pour les
enfants des Européens. Beaucoup de Congrégations sont parties du Maroc, mais l'Église
n'a pas fermé les écoles. Le diocèse de Rabat, sous la tutelle d'ECAM (Enseignement
Catholique au Maroc) éduque 12.000 élèves dans 15 centres. Pratiquement tous les élèves
et les maitres sont musulmans. Nos Ecoles gardent le nom de “Don Bosco”, Notre Dame
de Meknes, Notre Dame de la Paix, St Joseph, Jeanne d’Arc ou Charles de Foucauld…
Ces Écoles ont un Projet éducatif commun, élaboré par les Directeurs musulmans et
chrétiens, en français et arabe. Après l’avoir lu on perçoit les valeurs évangéliques sans les
citer; et en même temps les musulmans disent que "cela correspond à notre religion".
Chaque année des objectifs communs sont programmés.
2.-L’Œuvre Don Bosco à Kénitra :
Elle a commencé en 1937, comme école paroissiale. Après l’Indépendance
augmentèrent les élèves marocains. Vers la fin des années 60, l'École comptait autour de
400 élèves, dont 90 % marocains, et un internat.
Actuellement entre l'école élémentaire, la professionnelle, et le Collège nos
disposons de 1.000 enfants. Dès 2009 le groupe « Passerelle » accueille un groupe de
jeunes -actuellement 40 - qui ont abandonné l'école.
Les Sœurs de la Ste Famille, soignent l'École maternelle (220 enfants) et la
formation féminine (30 jeunes filles).
Au total plus de 1.200 élèves, avec environ 1.000 familles qui nous ont confié leurs
enfants. Il existe aussi une large gamme d'activités culturelles et sportives pour les enfants,
les jeunes et les adultes. Cela vient d'une longue tradition : l’Association JUK (Joyeuse
Union de Kénitra) fut créée en 1937 pour, "réunir la jeunesse à travers le sport, la
gymnastique et la musique".
En 2012-2013 nous voulons célébrer le 75ème anniversaire d'une présence
fructueuse d'une École qui porte le nom de « Don Bosco » dans une terre musulmane.
C'était un esprit particulier qui a pénétré en les Anciens et ils sentent la fierté d'avoir été
éduqués dans le système de Don Bosco.
3.-Ce que "Don Bosco" apporte dans le milieu musulman.
Il y a un travail sincère avec les familles et les garçons dans le domaine éducatif
malgré une culture très différente.
■Dans l'animation de l'École Don Bosco la communication nous semble fondamentales
pour créer une « syntonie » :
●Des réunions hebdomadaires des professeurs, soit générales, soit par
niveaux ou par matières.
●Les «mots du matin» au commencement de la journée, selon la meilleure
tradition salésienne (environ 3-5 minutes). C'est le moment d'intervention
du directeur, de professeurs, de parents, d'élèves … À travers des faits de
vie, des histoires, des chansons, des poésies, des paraboles … on insiste
sur l'objectif de l'année.
●L’"heure de la classe" : Chaque semaine le professeur -tuteur de la
classe possède une heure dans l'horaire avec ses élèves pour réviser, pour
transmettre des consignes communes, pour organiser la classe.
●Les communications fréquentes avec les parents : des circulaires, des
rencontres régulières avec le professeur responsable de la classe à la fin
de chaque évaluation, et des rencontres spontanées ou suscitées.
■Les valeurs les plus appréciées :
Il y a quelques jours, dans une enquête, les professeurs ont remarqué une grande
quantité de valeurs qu'ils estiment dans l'École - collège Don Bosco. "L'école s'efforce
d’éduquer l'enfant plus que d’obtenir des résultats académiques", soulignait l’un d’eux.
●Le style salésien (système préventif) qui se sent et se vit est apprécié. Don Bosco
est aimé. On le cite, il est honoré, on l'aime. Par cela, nous vivons la réalité de la joie, de la
collaboration, de l'affection mutuelle, du climat familial et de confiance, et l'esprit ouvert. Le
sport, les voyages culturels, le théâtre et la musique, les visites de solidarité aux lieux de
vie de démunis sont des réalités constantes, appréciées par les garçons et par les parents.
Un professeur s'exprimait ainsi : "Les enfants aiment l'École comme leur deuxième famille"
●L'éducation dans la vérité, la sincérité, la liberté d'expression, la confiance, le
respect de l'élève sont habituels.
4.-La relation avec les parents :
●Les divers secteurs, favorisent la relation avec les parents : "parents délégués",
conférences pour les parents, rencontres avec le professeur responsable de la classe,
présence dans le travail éducatif, participation aux fêtes familiales, (et les aspects déjà
indiqués) ; tout, pour que nous travaillions en « syntonie ».
●L'École essaie de présenter aux parents les objectifs et le programme annuel, la
pédagogie utilisée, les méthodes de correction, l'accompagnement de ceux qui ont des
difficultés. Tout ceci pour les aider à suivre les mêmes critères que ceux de l'École.
Les parents nous considèrent comme une École qui éduque à la responsabilité et au
travail, et qui donne le même traitement à tous. Ils viennent souvent rencontrer les
professeurs. Chaque jour aux "mots du matin" de l'École, pas moins de 80 parents restent
pour écouter, satisfaits de ce que l'on dit et de l'ambiance créée.
●L'Œuvre Don Bosco essaie de former des personnes solidaires, informées de leurs
droits et devoirs, ouvertes et joyeuses. Les droits de l'homme sont appris (la paix, la justice,
le respect de tous, la dignité de la femme, le respect pour la nature …).
●Les parents apprécient beaucoup le grand nombre d’activités culturelles et
sportives, que la cour reste ouverte après avoir terminé l'horaire scolaire et pendant les
périodes de vacances. La Salle couverte, les activités, la présence d'adultes dans celles-ci,
a créé une atmosphère très bruyante.
Les Chrétiens et les musulmans peuvent travailler ensemble dans tous ces grands
idéaux.
Cette présence discrète de l'Eglise permet à beaucoup de savoir qu’elle existe et de
l'apprécier. La liberté religieuse n'existe pas, et la liberté de culte des étrangers est exercée
avec discrétion et humilité. Nous présentons Don Bosco et Noel et d’autres valeurs. Bien
que la Constitution récente n'ait pas avancé sur le sujet de liberté de conscience, plusieurs
contestent cette absence dans la réalité marocaine.
5.-Un petit pont - une petite Kénitra :
Le mot "Kenitra" signifie en arabe un "petit pont" et me sert pour définir notre travail
d'Église. Nous sommes appelés à être un "petit pont" entre les chrétiens et les musulmans,
entre le monde occidental et le monde islamique. La présence de l'Église n'est pas facile,
mais elle est nécessaire. Elle est une petite graine, mais Dieu donnera la croissance. Nous
voulons être un exemple d'amitié, de travail commun, de témoignage, comme le demandait
le Concile, dans le document Ad Gentes (n º 11 et 12).
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Web "Don Bosco" de Kénitra : <donbosco-kenitra.org>