Discours d`ouverture de Jean-Pierre Couteron
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Discours d`ouverture de Jean-Pierre Couteron
Discours d’ouverture de Jean-Pierre Couteron – Journées Nationales de Lille Penser l’addiction « aux marges de nos mondes », un parcours entre 4 plans Dans ces temps complexes, penser l’addiction « aux marges de nos mondes » s’est imposé comme une question dont Alain Badiou, en ouverture, vous donnera sa lecture de philosophe1. Pour ma part, je vais emprunter la piste d’un petit livre2, « Eloge de l’esquive », que notre collègue JF Gicquel m’avait fait parvenir après le colloque de Nantes. Consacré à la vie de Garrincha, ce footballeur brésilien emporté par sa quête dionysiaque du plaisir, il y est fait un éloge du dribble, cette attitude singulière d’un corps qui, pour avancer, esquive, là ou d’autres seraient passés en force. Dans le sport, le dribble est un des plaisirs du « jeu », mais au Brésil, le dribble évoque l’histoire de l’esclavage et du racisme, il est inventé par l’homme noir pour survivre dans un jeu dont les règles sont faites par et pour les blancs, « le joueur noir qui ondule et chaloupe, dribble pour sauver sa peau » rejoignant toutes les autres ruses des cultures minoritaires, à l’exemple du malandro, ce dribbleur/bluffeur social qui trompe « l’adversaire pour passer d’une classe à l’autre… ». Pour le plaisir ou pour éviter ce qui enferme, il faut parfois aller dans la marge, se déséquilibrer, dans un dribble, un pas de coté, un cadrage-débordement. Ce jeu de la marge éclaire autrement nos pratiques, nos publics et nous. Cette piste s’est enrichie d’une discussion avec Michel Kokoreff 3 sur la diffusion des pratiques d’usage, en conclusion du colloque «Addiction et Sciences humaines» organisé par nos amis du Grea4. Dans un texte dont il parlera peut-être lors de sa conférence, il évoquait Deleuze et son projet de « Libérer le désir, l’énergie désirante », ces années 70 accusées d’avoir ouvert la boite de Pandore. Aujourd’hui, la diffusion est impactée par le marketing et la manière dont il asservit la pulsion. La captation du désir par la croissance exponentielle de l’économie de marché, décrite entre autre par Bauman5 ou Stiegler6 en fait une nouvelle norme économique et sociale. Alors, à l’invitation d’un livre emblématique de Deleuze et Guattari, Mille plateaux7, allons de plan à plan interroger ce jeu, dans l’addiction, entre marge et norme. D’entrée, deux plans se proposent, celui du marché et son autorégulation, celui des produits et leurs effets. Dans notre environnement d’hyper-offre, espérer contrôler l’usage sans réguler le marché8 a conduit aux échecs que nous connaissons. Laissons faire le marché, ça va marcher ! Vaste illusion. De récents débats l’ont montré, il est plus facile de pénaliser l’usager que de limiter le marché, et comme le soulignent un récent rapport de l’OCDE sur l’alcool9 ou une déclaration d’Addiction Suisse : « La grande accessibilité des biens et services, le fait que presque tout puisse être obtenu 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, n'est pas sans 1 conséquences sur l'usage de substances et les jeux d'argent…Le marché nous accompagne et nous occupe ainsi en permanence.10 On voit monter une prévention « environnementale», qui à coup de règlements, d’arrêtés municipaux et de stratégies alternatives, vient, aux marges du courant dominant, essayer d’en contenir l’intensité, posant des limites horaires, interdisant des lieux de ventes ou d’achat. Il s’agit, en tempérant l’accessibilité dans cette société du libre accès, de produire un environnement moins propice à l’usage, équilibrant appel à la modération et sollicitations pulsionnelles. Les drogues sont aussi des marchandises dont la circulation n’est pas séparable d’une logique économique. Elle requiert de comprendre que les problèmes d'addiction ne sont pas que des problèmes d'individus « à la marge », moyens de parler aux dieux ou de s’ouvrir les portes de la perception, ils sont aussi ceux d’une société et de ses normes. Les environnements culturels et rituels, des origines à ceux des années 70-80 ; les lieux d’usage et d’acquisition, du bar-tabac aux boutiques internet telle Silk Road, font partie de l’expérience d’usage. D’ou l’intérêt de réfléchir aux expérimentations étrangères de production et vente contrôlées, aux Cannabis Sociaux Clubs, de repenser l’accessibilité de l’alcool ou du tabac ou d’explorer, les possibles bonnes pratiques du distributeur de jeux, à l’image des chartes élaborées avec les acteurs de la nuit, comme nous envisageons de le faire avec la Française des Jeux. Un deuxième plan est celui des effets. Produits ou comportements lancent, dilatent, freinent, apaisent, déconnectent, captent. Ils nous déplacent dans un espace/temps qu’ils ont le pouvoir de déformer ou de substituer. Ils sont synonymes, à tort ou à raison, de vitesse, intensité, performance, d’acuité ou de détente, d’attention ou d’oublis, d’où ces liens entre expérience d’usage et modifications subjectives, identités nouvelles comme autant de costumes d’emprunt, au risque de se perdre11. Ils ouvrent à l’indéterminé, au multiple, ayant ce pouvoir de jouer sur ce qui est “normé”, d’en brouiller les limites, y compris sexuelles, de casser les rôles. Faire usage, c’est aussi sortir des univers clos, la famille, l’école, le groupe, son corps, ses doutes, aller sur des lignes de fuite, des lignes de perspective… s’envoler sur les ailes du désir, avec leurs dangers et risques, qu’il faut rappeler, au plus près de leur vérité scientifique12, risques d’abus d’écrans, risque de l’injection, impact cognitif d’un usage précoce et intense de cannabis13, effets des alcoolisations, conséquences psychiatriques, dépersonnalisation ou des nouvelles pratiques de l’intense, comme le slam14. Mais nous avons aussi appris de la science que juguler l’usage, notamment chez l’adolescent, en communicant sur le risque comme menace, par la peur, est peu efficace. Nous en avions débattu à Lyon15, lors de notre colloque fondateur. Connaître les risques et les faires connaître, mais sans réduire l’expérience d’usage à ce seul aspect. Actuellement, ces 2 plans, marché et produits, accessibilité et effets, se font face, stérilement : l’offre explose dans des marchés de moins en moins régulés tandis que le discours de santé s’enferme sur une dénonciation incantatoire des risques. Un troisième plan en résulte, celui de nos réponses, du soin. Dans son 2 abécédaire, Deleuze répond ceci à Claire Parnet qui s’inquiète des biais de lecture que sa théorie de la libération du désir aurait pu susciter chez des lecteurs imprudents : “nous leur disions….ne devenez pas des loques. Pour nous, la terreur était de produire des produits d’hôpital16 ”. Cette exhortation, certes bienveillant, à ne pas passer par le plan du soin interroge. Elle nécessite d’abord d’en définir les modalités. Soigner ne peut se limiter à séparer du produit, ni même à substituer un « bon produit », le médicament, à un « mauvais », la drogue. En tout, cas, pour les premiers acteurs des soins, respecter le mode de vie de l’usager semblait naturel. Pourtant, alors que l’expérience d’usage se disséminait sous toutes les formes et dans tous les publics, la réponse s’est peu à peu figée. Le coupable n’en n’est pas « la médicalisation », comme on l’entend parfois dire. Nous en avions débattu lors du colloque « médecine et addiction, les liaisons dangereuses ? » à Arcachon, en 201117. Nous avons besoin d’une médecine des addictions, performante et ouverte. La création du groupe MG addiction, le travail avec les ELSA, celui avec le Respadd18, les missions confiées par Benoit Vallet, DGS, au groupe que préside William Lowenstein vont dans ce sens, à l’exemple du déploiement de la Naloxone ou de l’élaboration d’une nouvelle trousse de réduction des risques, dans une procédure de partage de l’expertise scientifique et en associant les acteurs concernés. Le problème est la normalisation de la réponse, quelle qu’elle soit, dans une binarité qui en fige l’enjeu, opposant figures du bien et du mal, rechute et renaissance, souffrance et plaisir, limitant les issues. Le trajet de soin semblait évident, d’abord la rencontre, demande d’aide synonyme de demande d’arrêt ; puis le sevrage, abandon du produit et sortie de la dépendance, enfin, le temps résidentiel, pour traiter « la cause cachée, la souffrance », avant un retour à la société, abstinent. Ce schéma a sa part de vérité, mais en avoir fait la NORME, l’unique chemin de la guérison a été la vraie erreur. A la multiplicité des usages et usagers, répondre par la singularité d’une issue eut comme effet d’en laisser plus d’un sur le bord de la route… Il a fallu le choc du sida pour ouvrir, grâce à la RDR, d’autres perspectives, et élargir le champ de la rencontre : quitter le produit n’est plus l’unique porte d’entrée, on peut se rencontrer avant et ailleurs, grâce à l’aller vers19. Les pratiques se diversifient, s’intéressant à l’usage comme à un acte, celui d’un usager, avec ses risques et ses évolutions possibles, et non sous la seule dimension d’un passage à l’acte. Aujourd’hui, les usagers ont continués de se diversifier : exclus de la globalisation, épuisés de la compétition économique ou déroutés par les injonctions d’un marché où le jouir n’est plus transgressif, mais normatif. On consomme pour être beau, jeune, fort, tenir la cadence ou l’exigence de performance. Les outils de l’accompagnement se sont différenciés, laissant chacun en être «l’Assemblier», entre SCMR, CT, CTR, familles d’accueil, TT de substitution ou nouveaux traitements de l’alcool, de l’ecigarette à « un chez un soi d’abord »20 ou à « Tapaj »21. Il nécessite cette variété de réponses et d’entrées, dont Louise Nadeau et Marc Valleur nous ferons, avec Pascasius, 450 ans d’histoire 22 . Il ne s’agit pas d’une passion suspecte pour l’éclectisme, mais de respecter l’idée qu’à la diversité des usages et trajectoires de vie doit répondre celle des trajectoires de soin23. 3 Pour autant, et quelle que soit la diversification du soin, en rester-là serait valider le face à face stérile du marché et des produits et son rôle dans la dissémination. Il faut aller au-delà de l’injonction de Deleuze. Un texte que JF Bayart, qui sera demain en plénière avec Eric Fassin24 sous la férule de Dominique Rousset qui anime l’émission « L’économie en questions », sur France Culture, consacre à la pratique sexuelle du « plan Q » ouvre une nouvelle perspective 25 . Dans son précédent livre, « Le Gouvernement du monde », il écarte les critiques naïves sur l’effet de désaffiliation attribué à la globalisation, « ennemi de l’être » 26 . Dans le plan Q, il détaille la diversité des pratiques sexuelles d’individus vivant pourtant au même moment dans un même pays. Pour Janine Mossuz-Lavau, auteur de l’ouvrage de référence, « la vie sexuelle en France », « dans ce domaine, la normalité n’existe pas »27. Bayart va plus loin en regroupant sous l’expression « d’honnête dissimulation» les variations du comportement sexuel D’UN MEME INDIVIDU, “ces décalages, anachronismes… ces pratiques de dissimulation par mensonge et omission, ces disjonctions qui président aux relations entre les membres d’une même société, d’une même unité sociale… ». Il en souligne la capacité à produire distanciation et autonomie à l’encontre de la norme, sans pour autant contraindre à une « résistance déclarée”. Il fait ainsi apparaitre un dernier plan, celui d’une honnête dissimulation, sorte de dribble, de petit arrangement avec la norme. Cette même esquive peut se retrouver dans les usages, que ce soit d’alcool, selon les cas, défonce ou intégration, de cannabis, dans les JHA ou d’écrans et même dans les soins, à l’exemple d’une substitution hésitant entre traitement et usage, décrite par Emmanuel Langlois et dont Marie Dos Santos 28 explorera la signification au regard de l’opposition RDR/abstinence. Cette idée d’un versant caché de pratiques sociales, d’une «honnête dissimulation» tissant un « nœud de connexions, éventuellement secrètes, produisant du lien social » rappelle que toute société possède sa face cachée, ses zones grises, dont les significations réunissent les acteurs dans une « zone d’indiscernabilité » par rapport à leurs autres engagements sociaux. Elles dévoilent la « part de dissidence » de tout homme, sa communauté inavouable pour Blanchot29, et en relativise la désaffiliation. Voilà pourquoi la rhétorique normative tourne à vide, elle peut bloquer l’adoption de lois plus conformes à ces processus de subjectivation, mais sans empêcher les petits arrangements de chacun, ce mentir sincère qui nous fait être tout à la fois critique d’art et motard, banquier et hooligan, usager et abstinent, et pas simplement malades ou délinquants. Faute de se retrouver dans les normes, les textes réglementaires, combien « s’échappent » dans de nouvelles expériences ? Il ne s’agit pas d’en faire naïvement l’éloge, mais d’en accepter pragmatiquement l’existence. Ce parcours entre 4 plans explique l’échec de politiques trop centrées sur le soin au malade ou la sanction du délinquant et donc trop ignorantes de l’usager et de cette zone intermédiaire où naissent les usages. Il était naïf d’espérer éradiquer ces usages dont les effets, vitesse et intensité, sont des valeurs centrales de nos sociétés ; il est couteux et vain de se limiter à en soigner les conséquences ou en punir les excès ; il serait irresponsable de les laisser sans règle et ni accompagnement. L’usager doit être 4 au centre de nos préoccupations. Et pour cela, nous devrions refonder nos politiques pénales et règlementaires et nos pratiques éducatives, préventives et de RDR. La rhétorique conservatrice aime opposer, usage/abstinence, état/globalisation, immigration/nation, famille/homosexualité. Sa logique de prohibition bloque l’évolution des lois et empêche de penser le divers, y compris dans le soin et la prévention : la RDR ? Limitée aux risques infectieux, de peur d’être accusée de faciliter l’usage ; la prévention ? Condamnée à illustrer l’interdit et le danger de peur de sembler incitatrice. Les plans restent dans un équilibre d’opposition, frontal et un cloisonnement inadapté à la complexité du réel tandis que chaque élément, isolé, prospère : le marché s’emballe, les produits se multiplient, les réponses se normalisent et les petits arrangements de chacun ne suffisent plus. Un adolescent qui suivrait les injonctions de santé publique devrait être abstinent absolu, ne laissant que quelques heures aux écrans. Qui peut-y croire ! Celui qui suivrait les injonctions commerciales serait un jouisseur emporté par l’extrême et le sans limites. Qui le souhaite ! Comment ne passe décourager en écoutant les récents débats sur la dangerosité de l’abus de caféine ou ces nouvelles « auberges de jeunesse » où l’alcool est en libre accès… A l’inverse, si nous regardons ces plans comme des marges, elles font exister la zone allant de l’un à l’autre, d’un bord à l’autre, dans un continuum d’usage et permettent de penser un continuum de réponses. Dans une réflexion sur la peinture, la philosophe Baldine Saint Girons30 différencie marges et limites, les unes séparent, les autres relient, étant à la fois dans et hors l’espace commun « si les limites sont fixables, soit comme séparation, soit point ultime, les marges sont des espaces qui échappent, à la définition… des marges se libèrent, dans toute leur ambiguïté : espace vacant autour d’un centre, périphérie d’orifice, mais aussi aire de jeu ou de liberté…». Comparant l’effet d’éclairage du jour et de la nuit, elle souligne combien l’assurance nait du jour et de sa lumière, l’incertitude de la nuit et de son clair-obscur. L’espace ouvert par les marges est aussi celui du progressif, de l’incertain, de l’indiscernabilité. Jouer des marges, jouer dans les marges, c’est accéder à cet espace, y vivre l’expérience d’un dessaisissement de soi, sauter au-dessus des limites pour avancer vers l’inconnu et ces petits arrangements de nos vies, cet « endroit où les choses prennent de la vitesse» disait Deleuze, où se libère l’énergie du désir. L’enjeu est d’en garder la maitrise, au moins relative, sans s’y perdre ou y blesser son corps. D’où l’intérêt de ne pas ignorer ce terrain : il est celui de la réduction des risques, de l’éducation, de l’intervention précoce et d’une bonne part des soins. Nous devons y être présent. La posture d’accompagnement qui en découle nous est reprochée, on nous voudrait dans la lumière, entrepreneur de morale, répétant le discours pénal. On nous suspecte de confusion des places. Rien de cela ! C’est au nom de cet espace que nous menons combat pour modifier le cadre légal et sa stérile pénalisation de l’usage et pour adapter et faire évoluer les pratiques professionnelles. Car c’est dans cet espace que vivent la grande majorité de nos concitoyens, usager à des degrés divers. Nous saluons les avancées de la loi de santé, que nous avons défendues. Il y a eu les mesures du Programme National de Réduction du Tabagisme, paquet neutre, limitations de l’accès au tabac et 5 ouverture aux soins et ses difficultés à appréhender la dynamique de RDR portée par l’e-cig. Et la récente journée commune avec le RESPAAD a montré les liens qui se font entre tabacologue et addictologues, pour aller vers des publics spécifiques, en prison, atteint du VIH, à l’instar de ce qui s’initie dans les CJC. Il y a eu la défense de la loi Evin et sa régulation de l’accès à l’alcool. Nous y avons tenu notre place. Enfin, il y a eu les amendements structurant l’intervention dans la zone crise, sur le double versant RDR et Prévention, adoptés grâce au soutient de la mildeca, de la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, des rapporteurs, Olivier Veran et Bernadette Laclais ainsi que de leurs collaboratrices et collaborateurs : - l’adoption d’une définition de la RDR qui va au delà des substances illicites et du seul lien aux maladies infectieuses, la sécurisation de l’intervenant de RDR, professionnel ou bénévole, et pistes nouvelles en prison, avec les SCMR, la Naloxone ou les Trods. - le vote du P de prévention des CSAPA, rejoignant le déploiement de l’Intervention Précoce31 par les ARS à l’initiative du plan gouvernemental et en complément du versant thérapeutique de la mission CJC. Il permet ces coalitions d’actions dont C. Reynaud-Maurupt montre l’intérêt pour structurer et mieux associer les différentes actions des différents acteurs32. Ce sont des avancées importantes qui élargissent le champ des pratiques. C’est à nous de jouer maintenant, à vous de nouer ces alliances organisationnelles, de dépasser les clivages associatifs ou administratifs, CPOM ou filière. Certains opposent accompagnement et RDR, compétences psychosociales et auto-support, Intervention précoce et thérapie, ville, réseaux et secteur spécialisé, sommant de choisir ! Refusons ces clivages, pratiquons une addictologie transdisciplinaire, nous avons besoin de tous et de tout pour construire ce continuum de réponses, allant de la RDR à l’Intervention précoce, sur ce terrain COMMUN, de l’ascèse à la jouissance où évolue chacun… L’offre de substance s’est banalisée et généralisée, diffusons les savoirs addictologiques, pour aider les familles et l’ensemble des éducateurs33. Défendons les politiques de régulation, loin des rodomontades prohibitives. Appuyons nous sur les avancées scientifiques, mais sans en attendre ce qu’elles ne peuvent donner. La science éclaire les perspectives, mais une politique de santé, pour répondre aux modes de vies de celles et ceux qu’elle veut aider, doit les accompagner dans la zone d’indiscernable, sans se limiter aux injonctions normatives. Gardons nous de tout pathologiser, faisons la part entre les évolutions anthropologiques du lien à l’objet, loin d’être achevées, et une relation d’objet devenue pathologique. Abandonnons l’illusion d’un contrôle absolu pour avancer, aux côtés de nos enfants, entre fulgurance du drible et vacillements du clair/obscur. Qui sait la nuit, leurs rêves de peur, leurs espoirs de grandeurs, alors, offrons-leur ce partage du sensible, mélange de crainte et d’envie, quand passer au-delà de sa peur ouvre à un plaisir de l’expérience, qui n’est pas que d’objet, d’extrême ou d’excès. C’est aussi un ballon volé pour un contre-pied que l’on ose, la courbe d’un virage, un visage, un paysage, une odeur, ce plaisir de se laisser affecter…, aller dans les marges 6 ouvre à des marges de manœuvres, pour FAIRE EXPERIENCE, se perdre et se découvrir jusqu’à retrouver la lumière qui éclaire la vie et ne s’éteint qu’avec elle, comme une ritournelle qui accompagne dans la nuit… comme le chantait Manset… « …on se souvient, on se rappelle, de quelque chose, qu’on pose, près du lit, d’une lumière, qui brillait la nuit…34 » 1 Alain Badiou, Eloge de l’Amour, Flammarion, 2009 2 Olivier Guez, Eloge de l’esquive, Grasset, 2014 3 Michel Kokoreff, La drogue est-‐elle un problème ?, Payot et Rivages, 2010 4 http://www.grea.ch 5 Zigmunt Bauman, Les riches font-‐ils le bonheur de tous ?, Armand Colin, 2014 6 Alain Giffard, Bernard Stiegler, Christian Fauré, Pour en finir avec la mécroissance, Flammarion, 2009 7 Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Editions de Minuit, 1980 8 Laurence Fontaine, Le Marché, NRF essais, 2014 9 http://www.oecd.org/health/tackling-harmful-alcohol-use-9789264181069-en.htm 10 Corinne Kibora, Addictions Suisse, 2015 11 Laurent Karila, Annabel Benhaiem, Accro, Flammarion, 2013 12 INSERM, Conduites addictives chez les adolescents, Usages, prévention et accompagnement, Les éditions Inserm, 2014 13 Michel Reynaud, Amine Benyamina, Addiction au cannabis, Flammarion, 2009 14 SWAPS, http://vih.org/revue/swaps-‐67-‐slam-‐et-‐cathinones 15 http://www.federationaddiction.fr/discours-‐douverture-‐du-‐president-‐jean-‐pierre-‐ couteron-‐aux-‐1eres-‐journees-‐nationales-‐de-‐la-‐federation-‐addiction-‐mai-‐2011/ 16 Gilles Deleuze, L’abécédaire, Désir. 17 http://www.federationaddiction.fr/discours-‐douverture-‐du-‐president-‐jean-‐pierre-‐ couteron-‐aux-‐31emes-‐journees-‐nationales-‐de-‐lanitea-‐juin-‐2010/ 18 http://www.respadd.org/services.html 19 Alain Morel, Pierre Chappard, Jean Pierre Couteron, L’aide mémoire de la réduction des risques en addictologie, Dunod, 2012 20 http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-‐ jointe/2014/10/dihal_-‐_plaquette_gd_public_ucsdb_ecran.pdf 21 http://www.tapaj.org 22 Louise Nadeau, Marc Valleur, Pascasius, ou comment comprendre les addictions, Champ Libre, 2014. 23 Alain Morel, Jean Pierre Couteron, Patrick Fouilland, Aide mémoire d’addictologie, Dunod, 2eme édition, 2015. 24 Eric Fassin, Démocratie Précaire, La Découverte (2012) 7 25 Jean-‐François Leguil-‐Bayart, Le Plan Q, Fayard (2014) 26 Jean Francois Bayart, Le gouvernement du monde, Fayart, 2004 27 Janine Mossuz-‐Lauvau, La vie sexuelle en France, Seuil, 2005 28 Dos Santos Marie, Doctorante en sociologie à l’université de Strasbourg, Laboratoire Dynamiques européennes, these “usages polysémiques de TSO, en France, en Suisse et au Québec » 29 Blanchot M., La communauté inavouable, Gallimard, 30 Baldine Saint Girons, Les marges de la Nuit, Editions de l’Amateur, 2006 31 Actal n°14, Le défi de l’Intervention Précoce, Fédération Addiction, 2015 32 Catherine Reynaud-‐Maurut, Prévention des conduites addictives destinée aux jeunes : structurer et mettre en œuvre une stratégie territoriale, GRVS, 2015 33 Myriam Cassen, Jean-‐Michel Delile, « Les adolescents et leurs familles face aux dangers des consommations multiples de drogues et d'alcool », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 1/2008 (n° 40), p. 253-‐277 34 Gérard Manset, Lumières, 1984 8