La fouille des téléphones cellulaires accessoirement à l`arrestation

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La fouille des téléphones cellulaires accessoirement à l`arrestation
Articles
Me Abdou Thiaw (Québec, Canada) (1)
Le 29 avril 2014, la Cour suprême américaine a entendu la cause dans les affaires Riley v.
California (13-132) et
U.S
. v.
Wurie
(13-212). Quant à la Cour suprême du Canada, elle entendra l'affaire
R
. c.
Fearon
(35298) le 23 mai 2014.
Dans ces affaires, les plus hauts tribunaux des deux pays sont appelés à décider, pour la
première fois, si le téléphone cellulaire saisi accessoirement à l'arrestation d'un individu pouvait
faire l'objet d'une fouille sans mandat judiciaire.
Signe de l'importance et donc de la difficulté de la question, les tribunaux inférieurs, canadiens
comme américains, ont jusqu'ici rendu des décisions contradictoires sur la constitutionnalité
d'une telle fouille.
Depuis la décision Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158, p. 186, la Cour suprême du
Canada reconnaît aux policiers le principe du pouvoir général de fouille accessoire à
l'arrestation si les conditions suivantes sont respectées:
• l'arrestation est légale;
• la fouille n'est pas automatique, le policier devant déterminer, d'une façon raisonnable, que la
fouille permettra notamment d'assurer la sécurité du policier ou du public ou bien de découvrir
ou préserver des éléments de preuve pertinents à l'infraction pour laquelle la personne a été
arrêtée; et
• la fouille est exercée d'une façon proportionnée.
Suite à cette décision, la Cour suprême du Canada a décidé que ces mêmes conditions
permettent, au regard de l'art. 8 de la Charte canadienne (2) , de fouiller l'habitacle du véhicule
automobile de la personne arrêtée (
R.
c.
Caslake
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Articles
, [1988] 1 R.C.S. 51, par. 13-25). Par contre, la Cour a assujetti à des conditions
supplémentaires l'analyse des substances corporelles de la personne arrêtée ainsi que sa
fouille à nu (
R.
c.
Stillman
, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 49;
R
. c.
Golden
, [2001] 3 RCS 679, par. 98-99).
Invoquant les principes dégagés de ces arrêts, certains tribunaux canadiens ont jugé que l'art. 8
de la Charte canadienne permet donc de fouiller entièrement le contenu d'un téléphone
cellulaire saisi accessoirement à une arrestation. À l'opposé, certains juges ont décidé qu'un
téléphone cellulaire ne peut faire l'objet d'une fouille accessoire à l'arrestation puisqu'Il s'agit
d'un objet particulier pour lequel un mandat est obligatoire aux fins de fouille. Entre ces deux
courants opposés, certains juges ont permis la fouille de l'appareil à la condition qu'elle soit
sommaire
(3) .
Par le jugement qu'elle rendra dans l'affaire R. c. Fearon, la Cour suprême du Canada devra
résoudre ces controverses jurisprudentielles. Il en sera de même pour la Cour suprême
américaine qui a reconnu le pouvoir de fouille accessoire à l'arrestation depuis l'arrêt l'arrêt
Chimel
v.
California
(395 U.S. 752 (1969)).
Cependant, les conditions d'ouverture de cette fouille sans mandat sont plus souples qu'au
Canada. Selon la Cour suprême américaine, la fouille de la personne arrêtée ainsi que des
objets qui lui sont associés est conforme au quatrième amendement de la Constitution
américaine (4) dès lors que l'arrestation est légale (U.S. v. Robinson, 414 U.S. 218 (1973),p.
235) (5). Sur ce fondement, la majorité des tribunaux américains permettent la fouille du
téléphone cellulaire accessoirement à une arrestation alors qu'un courant minoritaire exige que
la fouille ait un lien avec l'infraction pour laquelle la personne a été arrêtée(6) .
Au vu des développements technologiques, les arrêts qui seront rendus auront des
conséquences tant sur l'exercice des pouvoirs des policiers que sur la vie privée des personnes
arrêtées.
(1) L'auteur est avocat à la Direction du droit public du ministère de la Justice du Québec. Les
propos contenus dans le présent texte sont personnels à l'auteur et n'engagent pas son
employeur.
(2) «Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives».
(3) Pour un exposé détaillé de ces trois courants jurisprudentiels: R. v. Hiscoe, 2013 NSCA 48,
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Articles
par. 44-59.
(4) "The right of the people to be secure in their persons, houses, papers, and effects, against
unreasonable searches and seizures, shall not be violated, and no Warrants shall issue, but
upon probable cause, supported by Oath or affirmation, and particularly describing the place to
be searched, and the persons or things to be seized".
(5) Un courant minoritaire au sein de la Cour suprême américaine est d'avis qu'il faudrait
restreindre le pouvoir de fouille accessoire à l'arrestation aux situations où la fouille viserait à
assurer la sécurité des individus ou si elle a un lien avec l'infraction pour laquelle la personne a
été arrêtée (Arizona v. Gant, 556 U.S. 332 (2009), p. 2-3 (j. Scalia)).
(6) Pour un exposé détaillé de ces deux courants jurisprudentiels: Kansas v. James, 48
Kan.App.2d 310, 288 P.3d 504, (2013).
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