PC.NGO/10/06 30 October 2006 Organization for Security and Co
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PC.NGO/10/06 30 October 2006 Organization for Security and Co-operation in Europe FRENCH Original: ENGLISH FRENCH Secretariat Conference Services Tolerance Implementation Meeting: Addressing the Hate Crime Data Deficit Hofburg, Vienna 9–10 November 2006 Please find attached information by the "European Network Against Racism". More information can be obtained from www.enar-eu.org. Déclaration de politique générale N° 2 Le racisme en tant que délit Avril 2006 Introduction Il ne se passe un jour sans que des groupes de minorités ethniques ne soient confrontés à des délits 1 et des faits de violence 2 à caractère raciste. Cette réalité est fréquemment sous-estimée et niée même dans les pires des cas. La violence raciste la plus répandue en Europe est peut-être aussi la plus banale et la moins organisée, ce qui ne signifie pas pour autant que le délit raciste grave et organisé n'existe pas. Nombreux sont les exemples de délits racistes, existants et émergeants, qui visent des communautés comprenant notamment des migrants,3 des Roms et des Gens du voyage. Dans son rapport annuel de 2005, l'EUMC concluait que: "La violence et le délit à caractère raciste demeurent un problème dans les Etats membres de l'UE". En dépit du manque de données et d'informations sur le délit et la violence à caractère raciste, il ne fait aucun doute qu'il s'agit de questions gravement préoccupantes qui se posent dans le contexte européen. Le rapport 2005 de l'OSCE sur les délits racistes observait que "les délits racistes représentent la manifestation la plus insidieuse d'intolérance et de discrimination". ENAR s'inquiète plus particulièrement de la puissante source de contenus racistes que représentent Internet et d'autres nouvelles technologies. ENAR estime qu'une approche globale est nécessaire pour traiter le problème du racisme en Europe. Cette approche comporte des stratégies destinées à vaincre toutes les manifestations de racisme et de discrimination, dont le système juridique constitue l'un des aspects, lequel comprend des dispositions tant pénales qu'administratives. Une législation plus efficace permettra aux gouvernements de prévenir, de détecter et de punir les délits racistes. L'expérience acquise à ce jour, surtout par l'application de l'Action conjointe de 1996, montre clairement la nécessité d'une approche européenne harmonisée de cette question. En décembre 2001, la Commission européenne a proposé une Décision-Cadre sur le racisme et la xénophobie. Cette proposition se fonde sur les articles 29, 31 et 34 (2b) du Traité fondateur de l'Union européenne (TUE). L'article 29 énonce les objectifs de l'Union européenne, consistant à fournir aux citoyens de l'Union un haut niveau de sûreté dans un espace de liberté, de sécurité et de justice, comprenant notamment la prévention du racisme et de la xénophobie. Les négociations relatives à cette 1 Conformément à la terminologie adoptée par les institutions européennes, l'expression de "racisme en tant que délit" est retenue pour faire référence aux actions criminelles, qu'il s'agisse d'actions spécifiquement racistes qui sont ou devraient être identifiées comme criminelles ou d'infractions criminelles de caractère général motivées par le racisme. ENAR reconnaît que les idées ou les concepts racistes ne sont pas criminels en soi mais peuvent conduire à des actions ou des comportements criminels. 2 Le terme de violence est utilisé pour faire référence à toutes les formes de violence, y compris les violences physiques, verbales ou psychologiques. 3 Par souci de concision, on utilisera le terme de "migrants" pour désigner les travailleurs migrants, les réfugiés, les demandeurs d'asile et le regroupement familial. 1 proposition se sont avérées difficiles et sont restées au point mort en 2003. Durant l'année 2005, la présidence luxembourgeoise a remis une nouvelle fois la question sur la table mais les négociations du Conseil ne sont pas parvenues à surmonter les obstacles qui entravaient l'adoption de cette Décision-cadre. La présente déclaration de politique générale ne constitue pas un argument en faveur de l'adoption de la Décision-Cadre sur le racisme et la xénophobie proposée. Elle cherche plutôt à démontrer qu'un instrument européen sur le délit raciste est essentiel et expose brièvement certaines des exigences imposées par un tel instrument. Dès lors, cette déclaration se divise en cinq principes politiques majeurs: 1. L'harmonisation des protections pénales contre le racisme au niveau le plus élevé 2. Une large définition du racisme afin d'assurer une réponse efficace à celui-ci 3. Une identification du racisme comme circonstance aggravante 4. L'impossibilité d'excuser le délit raciste en invoquant la liberté d'expression 5. La nécessité de stratégies complémentaires et holistiques pour lutter contre le délit raciste 1. L'harmonisation des protections pénales contre le racisme au niveau le plus élevé Les experts ont démontré que l'on rencontre rarement une approche cohérente ou structurée du racisme en tant que délit dans les Etats membres de l'UE. En fait, il semble qu'il existe un manque manifeste de motivation lorsqu'il s'agit de traiter cette question. Selon ENAR, il est clairement nécessaire d'adopter à cet égard une approche européenne qui faciliterait une coopération entre les Etats membres et renforcerait donc les meilleures pratiques, la mise en œuvre des mesures et la protection des victimes. ENAR a été le témoin d'inquiétantes tendances en matière de racisme transfrontalier, les auteurs de tels actes tirant profit des divergences dont souffrent les normes européennes. Dans une première réponse à la nécessité d'une approche harmonisée, le Conseil a adopté en 1996 une Action conjointe mais celle-ci s'est avérée insuffisante pour assurer des protections adéquates. Dans leur rapport de 2004, les experts en droits fondamentaux de l'UE ont conclu qu'une "étude des développements… renforce les arguments en faveur de l'adoption d'une décision-cadre de lutte contre le racisme et la xénophobie". Il convient d'identifier et de nommer diverses activités et divers délits: x L'incitation publique à la discrimination, à la violence ou à la haine à caractère raciste. x Les insultes ou menaces publiques racistes. x L'admission, le déni ou la banalisation au niveau public de l'holocauste/de la shoah et du génocide. x La diffusion ou distribution publique de tracts, d'illustrations ou d'autre matériel. x La conduite ou le soutien d'activités menées par des groupes racistes, des partis et mouvements politiques. x La discrimination raciale dans l'exercice d'une fonction publique. ENAR continuera à plaider en faveur de l'adoption d'un instrument européen qui reconnaisse la nécessité d'une réponse harmonisée au crime et à la violence à caractère raciste. ENAR appelle tous les Etats membres à soutenir cette approche. 2 2. Une large définition du racisme afin d'assurer une réponse efficace à celui-ci. Tout instrument juridique doit adopter une large définition du racisme si l'on veut s'assurer qu'il répond à la nature complexe du délit raciste. ENAR soutient la définition proposée par la Commission européenne en 2001, laquelle définit le racisme et la xénophobie comme étant: "la croyance que la race, la descendance, la religion ou les convictions, l'origine nationale ou ethnique représentent des facteurs déterminants d'aversion à l'égard de groupes ou de personnes". ENAR reconnaît que le délit raciste peut également s'exprimer sous d'autres prétextes, surtout pour les autres motifs qui sont couverts par la législation d'antidiscrimination européenne tels que l'orientation sexuelle ou le handicap. Dans sa proposition de 2001, la Commission proposait de définir le "racisme et la xénophobie" comme "la croyance dans la race, la couleur, la descendance, la religion ou les convictions, l'origine ethnique ou nationale comme facteur déterminant l'aversion à des personnes ou à des groupes". 3. Une identification du racisme comme circonstance aggravante Les délits qui revêtent un caractère spécifiquement raciste dans leur forme et leur manifestation représentent une facette du mal. Le délit raciste s'exprime plus régulièrement et de façon potentiellement plus grave dans des offenses criminelles traditionnelles telles qu'agressions, meurtre ou dommages à la propriété qui sont motivées par la haine. Les délits racistes ont un impact bien plus important sur la victime et sa communauté. Ils ont pour effet de montrer que l'offense n'était pas entièrement due au hasard et que l'appartenance ethnique de la victime ou des autres membres de sa communauté exposait ceux-ci à de telles agressions. Il est donc essentiel que la motivation raciste soit reconnue de manière claire et cohérente dans toute l'Union européenne comme une circonstance aggravante au sein de l'administration de la justice. Les officiers de police doivent réagir au délit à motivation raciale et l'enregistrer comme il convient. Rien n'empêche les Etats membres européens de reconnaître la motivation raciste comme une circonstance aggravante dans l'administration de justice, malgré l'absence d'un instrument plus général sur le délit raciste. ENAR appelle tous les Etats membres à reconnaître l'impact de la motivation raciste sur la victime par l'adoption de politiques d'aggravation des sentences. 4. L'absence de contradiction entre les droits à la liberté d'expression et la préservation contre tout racisme Le droit à la liberté d'expression constitue un pilier de base des sociétés diversifiées et interculturelles et doit être protégé à ce titre. Toutefois, la liberté d'expression ne s'étend pas à l'incitation à la haine raciale ou à la discrimination. Comme l'ont relevé les experts juridiques, l'article 4 de la Convention Internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (portant sur le délit raciste) comprend une référence à la liberté d'expression comme le stipule l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, démontrant que les deux sont compatibles. 3 L'objectif n'est pas de criminaliser l'opinion ou de saper la liberté d'expression ou d'association mais plutôt de la protéger. La logique de la liberté d'expression est fondée sur le principe que toute personne a une "voix". Lorsque celle-ci se réduit à des propos haineux, la voix des communautés vulnérables s'en voit réduite au silence. La haine est fondée sur la prémisse fallacieuse d'une supériorité raciale ou d'un stéréotype négatif. Lorsqu'elle a pour intention délibérée de porter préjudice, elle représente l'une des manifestations les plus simplistes et les plus brutales du racisme et de la xénophobie dans les sociétés européennes. Tout comme la pornographie enfantine, le discours haineux n'est pas une expression d'idées ou un débat et ne peut dès lors se justifier selon le prétexte qu'il représente une liberté d'expression. Les politiciens et autres dirigeants ont pour responsabilité particulière de s'abstenir d'utiliser un langage qui pourrait justifier ou admettre la haine. ENAR reconnaît que les sociétés disposent de structures de pouvoir qui servent à déterminer dans quelle mesure un discours est acceptable dans le contexte de leurs propres priorités et peut représenter une menace pour les droits de l'homme et les libertés civiles. Cependant, combattre le discours raciste n'équivaut pas à une telle description subjective mais plutôt à une tentative légitimée pour protéger les droits fondamentaux de toute personne vivant au sein de l'Union européenne. ENAR rejette le point de vue voulant que le fait de légiférer contre le discours raciste représente une menace pour la liberté d'expression, la protection des communautés de minorités ethniques contre le discours haineux constituant le fondement du débat et du dialogue dans les sociétés interculturelles. 5. La nécessité de stratégies complémentaires et holistiques pour lutter contre le délit raciste La législation a un rôle essentiel à jouer dans la prévention, la sanction et l'offre de recours en matière de délit raciste mais doit se compléter d'autres activités. Il est important de renforcer le signalement et l'enregistrement du délit raciste non seulement pour promouvoir les poursuites contre de telles infractions mais également pour assurer l'élaboration, la mise en œuvre et le suivi de politiques destinées à prévenir toute survenance de délit raciste. Parallèlement à l'élaboration de stratégies de collecte des données sur l'antidiscrimination, l'UE doit chercher à renforcer les politiques de collecte de données pénales, qui sont sensibles aux particularités du délit raciste. Compte tenu de la nature du délit raciste, il est essentiel que des initiatives ciblées de soutien aux victimes soient mises en place, soit par le biais d'une offre de services conventionnels soit, si cela s'avère approprié, par des services spécifiques de traitement du délit raciste. Ces services doivent bénéficier d'un soutien suffisant si l'on veut pouvoir assurer une mise en œuvre efficace des dispositions législatives déjà existantes et nouvelles et, en particulier, si l'on veut pouvoir engager des poursuites. Si l'on veut offrir des réponses durables et à long terme, il convient d'intégrer les besoins des communautés de minorités ethniques dans l'ensemble de l'administration de la justice. Cela requiert: une représentation des minorités ethniques dans tous les secteurs du système; la formation et la sensibilisation des acteurs majoritaires sensibles (officiers de police, juristes et juges) aux besoins des communautés de 4 minorités ethniques; et la création de moyens ainsi que l'émancipation des communautés elles-mêmes. L'UE et l'ensemble de ses Etats membres doivent continuer à concentrer leur action sur la prévention du délit raciste par l'éducation et la formation. Ce n'est qu'en promouvant des sociétés interculturelles dans l'ensemble des secteurs d'enseignement tant officiels que non officiels que les stratégies destinées à prévenir le racisme et la xénophobie pourront aboutir dans le plus long terme. Les stratégies de lutte contre le racisme en tant que délit tendent à être plus efficaces aux endroits où agissent des ONG. Dès lors, les ONG doivent être financées afin de pouvoir offrir d'autres services de soutien aux victimes et des mécanismes complémentaires de collecte de données. Dans ce domaine très sensible, il est essentiel que des moyens alternatifs et complémentaires de soutien à l'accès puissent exister. ENAR encouragera les stratégies complémentaires de réponse au délit raciste et de prévention de celui-ci tout en reconnaissant qu'un instrument juridique harmonisé agirait comme un important moteur d'activité au niveau des Etats membres. 5