Hausse du niveau marin : pourquoi est-ce important

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Hausse du niveau marin : pourquoi est-ce important
LES IMPACTS DE LA FONTE DE GLACE SUR LA HAUSSE DU NIVEAU MARIN
INFORMATION POUR LES MEDIAS, 2012
Hausse du niveau marin : pourquoi est-ce important ?
Environ 10 millions de personnes sont affectées chaque année par les inondations côtières. Une étude
menée récemment par le Met Office (service national britannique de météorologie) montre que ce chiffre
passera à 30 millions de personnes en 2080 vu l’augmentation de la population vivant près des côtes. Et
ce chiffre pourrait augmenter de manière encore plus spectaculaire si le niveau de la mer continuait à
augmenter de manière accélérée.
Le maintien de la sécurité future et de la prospérité de nos villes côtières en expansion, ainsi que la survie
de nombreux habitats côtiers, requiert des décisions politiques, économiques et environnementales. Pour
informer au mieux les instances décisionnelles et pour créer des plans appropriés de protection des
régions côtières vulnérables, les scientifiques doivent délivrer des prédictions et projections fiables. Des
stratégies doivent ensuite être mises en œuvre afin de permettre aux communautés de s’adapter à cet
environnement en changement.
Ice2sea regroupe les expertises scientifique et opérationnelle de 24 institutions scientifiques de
premier plan à travers l’Europe et ailleurs. Une meilleure compréhension des interactions entre la glace
et le climat permettra d’améliorer les projections d’élévation du niveau de la mer et de construire des
fondements scientifiques utiles dans les processus de prise de décision.
Le quatrième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, 2007)
insistait sur le fait que les calottes glaciaires* constituent l’incertitude la plus importante en termes de
contribution à la hausse du niveau marin. Selon ce rapport, la compréhension des processus physiques
régulant les calottes était trop faible pour fournir une estimation précise de projection de hausse du niveau
marin.
Les résultats scientifiques d’ice2sea seront inclus directement dans le cinquième rapport du GIEC (prévu
en 2013) afin de générer des projections d’élévation du niveau de la mer plus précises.
Elévation globale du niveau de la mer
Depuis le début des années 1990, les scientifiques utilisent les satellites pour mesurer avec précision la
hausse globale du niveau de la mer – en moyenne, cette élévation était de 3 mm par an entre 1993 et
2003. Cependant, ce taux a augmenté dans les dernières années et une montée des eaux d’environ 1
mètre est possible d’ici la fin du siècle présent (par rapport aux niveaux enregistrés en 1990).
Actuellement, la montée du niveau de la mer est due à trois facteurs principaux :
1. L’expansion thermique des océans (contribution d’environ 1 mm par an)
2. La fonte des glaciers de montagne à travers le monde (environ 1 mm par an)
3. La fonte des calottes glaciaires* du Groenland et d’Antarctique (environ 0,7 mm par an).
L’expansion thermique et la fonte des glaciers de montagne peuvent être prédites avec de plus en plus de
précisions ; l’incertitude la plus importante se situe dans la contribution de la fonte de glace des calottes
glaciaires (Groenland et Antarctique).
Le but d’ice2sea est d’améliorer les estimations de contribution de la fonte de glace (provenant des
glaciers de montagne et des calottes glaciaires) à l’élévation du niveau de la mer (points 2 et 3 ci-dessus).
Interactions glace-climat
En utilisant les enregistrements passés, les observations et les techniques de modélisation, les
scientifiques d’ice2sea :
mesurent les changements actuels des glaciers et des calottes de glace
essaient de comprendre comment les changements atmosphériques et océaniques affectent les
glaciers et les calottes
développent de nouvelles projections de hausse du niveau marin aux abords des côtes européennes
pour les prochains 100 à 200 ans.
Les équipes de modélisation d’ice2sea sont en train de mettre leur expertise et leurs connaissances en
commun en vue de construire une nouvelle génération de méthodes plus complètes et plus précises de
projection de la contribution de la fonte de glace à l’élévation du niveau marin, en utilisant un nouvel
inventaire des 132 000 glaciers de montagne du monde et des modèles cryosphériques. Ces modèles
permettront d’estimer les changements des calottes et des glaciers sous l’effet de conditions climatiques
diverses.
Apport de nouveaux résultats
De plus en plus de preuves sont apportées pour supporter le fait que la perte de glace des grandes
calottes glaciaires est causée non seulement par le réchauffement de l’air mais aussi par le réchauffement
des eaux sous l’effet de changements dans la circulation océanique. Les projections de changements
océaniques dans les fjords du Groenland et les mers glaciales autour de l’Antarctique montrent que cette
tendance va probablement continuer dans le futur.
Finalement, ice2sea produira des modèles de distribution de la fonte de glace dans le monde. Ceci
permettra de connaître l’impact des changements globaux de niveau marin sur les côtes, et plus
spécifiquement en Europe.
Planification future
Ice2sea améliorera les projections de hausse du niveau marin, afin de permettre une préparation
appropriée pour la sécurité future des côtes européennes. Les projections de niveau de la mer produites
par ice2sea seront importantes pour les ingénieurs et planificateurs européens car elles fourniront une
base solide pour la gestion des risques dans les villes et habitats côtiers.
* Les calottes glaciaires sont des couches épaisses de glace formées à partir de la neige qui est
compactée. La glace de ces calottes s’écoule en direction de la côte où elle peut former des plateformes
de glace qui, si elles se brisent, donnent naissance à des icebergs.
Notes pour les éditeurs
Ice2sea est une collaboration entre 24 institutions scientifiques faisant principalement partie de l’Union
européenne mais aussi de Norvège, d’Islande et du Chili. Le projet comporte six ensembles de tâches
différents (dénommés WP) gérés par le British Antarctic Survey (Royaume-Uni), la Bristol University
(Royaume-Uni), l’Alfred Wegener Institute (Allemagne), l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et le
Geological Survey of Denmark and Greenland (Danemark).
Ice2sea est financé par le European Union’s Seventh Framework Programme (FP7).
Plus d’infos sur le site web : www.ice2sea.eu.
Le rôle des acteurs francophones dans ice2sea
1. Université Libre de Bruxelles (ULB), Belgique
L’ULB est impliquée dans le WP2, dont le but est d’améliorer la compréhension des processus glaciaires
qui contrôlent l’écoulement de la glace des calottes et des glaciers de montagne. L’ULB est plus
spécifiquement impliquée dans le WP2.1 qui se concentre sur la migration de la ligne d’ancrage (frontière
entre la calotte de glace qui repose sur le continent et la plateforme de glace flottante) en Antarctique à
l’aide de modèles cryosphériques. Cette ligne d’ancrage est un endroit clé de la calotte de glace
puisqu’elle contrôle le flux de glace qui se dirige de la calotte vers la plateforme de glace. Elle constitue
donc un indicateur de la stabilité de la calotte de glace. Elle peut reculer vers l’intérieur du continent sous
l’effet de facteurs externes, tels qu’une montée du niveau marin, une accélération de la fonte à la base
des plateformes de glace, une diminution de la viscosité de la glace, etc. Par exemple, la ligne d’ancrage
du glacier de Pine Island en Antarctique de l’Ouest a reculé de plus de 20 km entre 1996 et 2009.
2. Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (LGGE), Grenoble, France
Le LGGE est impliqué dans plusieurs WP d'ice2sea (WP2, WP4 et WP5). Dans le WP2 (compréhension des
processus glaciaires), il contribue aux études de modélisation de la ligne d'ancrage en étroite
collaboration avec l'ULB, mais effectue aussi des mesures de terrain sur des processus importants pour le
bilan de masse en Antarctique tels que la neige soufflée ou l'écoulement de la glace. Dans le WP4, il
modélise le bilan de masse en surface présent et futur de l'Antarctique. Le WP5 vise à estimer la
contribution à la montée du niveau des mers de toute la cryosphère continentale. Pour les grandes
calottes, l’Antarctique et le Groenland, ces projections sont obtenues à l'aide de modèles qui simulent
l'évolution future des calottes à grande échelle. Plusieurs modèles sont comparés et le LGGE participe à
ce travail à la fois pour l'Antarctique et le Groenland. Dans ce dernier cas, le LGGE propose même les
résultats de deux modèles différents, dont un à très haute résolution.
Contacts
Pour plus d’informations sur le projet ice2sea, veuillez contacter :
1. En Belgique :
- Professeur Frank Pattyn, Leader du WP2 (Key glacial processes) d’ice2sea, Laboratoire de Glaciologie,
Université Libre Bruxelles :
Tel :
+32 (0) 2 650 28 46
Email :
[email protected]
Homepage :
http://homepages.ulb.ac.be/~fpattyn/welcome.html
- David Docquier, Doctorant membre du Steering Committee d’ice2sea, Laboratoire de Glaciologie,
Université Libre Bruxelles :
Tel :
+32 (0) 2 650 22 15
Email :
[email protected]
Homepage :
http://homepages.ulb.ac.be/~ddocquie/welcome.html
2. En France :
- Docteur Catherine Ritz, Membre du Steering Committee d’ice2sea, Laboratoire de Glaciologie et
Géophysique de l’Environnement, Université Joseph Fourier, Grenoble :
Tel :
+33 (0) 4 76 82 42 34
Email :
[email protected]
Web page :
http://lgge.osug.fr/rubrique18.html
3. En Angleterre :
- Heather Martin, Ice2sea Communications Coordinator, British Antarctic Survey Press Office, Cambridge :
Tel:
+44 (0) 1223 221 226
Email: [email protected]
- Professor David Vaughan, ice2sea Project Coordinator, British Antarctic Survey, Cambridge :
Tel:
+44 (0) 1223 221 643
Email: [email protected]
Etudes de cas
1. Londres et la Barrière de la Tamise : un exemple de défense côtière
Alors que les marées hautes et basses élèvent quotidiennement le niveau de la mer de plus d’un mètre,
les implications d’une montée du niveau global des océans d’un mètre ne sont pas évidentes. Une réelle
compréhension des impacts d’un tel phénomène ne peut se faire qu’en effectuant une analyse
approfondie des risques. La ville de Londres nous fournit un bon exemple de menace de la montée des
eaux.
Londres est traversée par le fleuve de la Tamise. La situation et la forme de cet estuaire provoquent
parfois une intensification des ondes de tempête* qui balaient la Mer du Nord lorsqu’elles atteignent la
ville. En effet, Londres a été inondée, ou presque, à plusieurs reprises dans les deux derniers siècles, et
après chaque événement le niveau des défenses contre les inondations a été augmenté. Pendant les
inondations de 1953 qui ont tué environ 300 personnes au Royaume-Uni et 1835 personnes aux Pays-Bas,
les défenses de Londres ont été presque surpassées par les eaux. Dès lors, le gouvernement britannique a
entrepris un programme majeur d’amélioration en termes de défenses côtières. Un bon exemple est la
Barrière de la Tamise – un enchaînement de portails entre la ville et la mer. Quand ceux-ci ont été
terminés en 1984, ils devaient fournir à la ville un niveau de protection équivalent à des crues très rares
qui ne se produisent qu’une fois tous les 1000 ans.
Barrière de la Tamise, Londres, Royaume-Uni
La Barrière de la Tamise, ainsi que plus de 120 km de digues qui la supportent, fournit encore un haut
niveau de protection. Néanmoins, cela ne sera probablement plus le cas dans le futur à cause de plusieurs
facteurs, dont la montée du niveau de la mer. Sans aucune amélioration, une élévation globale du niveau
de la mer de 50 cm réduirait son niveau de protection à des crues qui se produisent tous les 100 ans, et
une montée d’1 m à des crues dont la récurrence est de 10 ans. La gestion de ce risque et le maintien d’un
niveau de protection acceptable pour les habitants, l’économie et le gouvernement sont sous la
responsabilité de l’agence environnementale britannique (UK Environment Agency).
Planification future
L’agence UK Environment Agency a publié un plan de gestion des risques d’inondation (Flood Risk
Management Plan, Thames Estuary 2100) qui montre que la gestion d’un tel risque peut se faire au
travers d’une combinaison de mesures qui requièrent le remplacement de la barrière durant le prochain
siècle. Etant donné que cela prendra plusieurs décennies pour remplacer cette barrière, des projections
fiables de montée des eaux sont indispensables. Dans le cas d’une sous-estimation de cette montée,
Londres serait mal protégée, alors que dans le cas d’une surestimation les coûts seraient trop élevés.
*Les ondes de tempête sont causées par les grands vents qui dirigent les eaux vers les littoraux et
peuvent ainsi provoquer des inondations côtières dévastatrices.
2. Rotterdam et le Plan Delta : un exemple de protection d’un port important
L’eau comme atout économique
Le delta du Rhin constitue une zone densément peuplée (1,5 millions d’habitants y travaillent et vivent). Il
inclut l’un des centres économiques les plus importants d’Europe : le port de Rotterdam. Ce dernier
approvisionne l’Europe en biens d’origines diverses. Dans cette région, l’eau salée de la Mer du Nord
rencontre l’eau douce du Rhin et de la Meuse. Ces deux sources d’eau représentent une menace
d’inondation pour la ville de Rotterdam, son port et les villes alentours. Mais l’eau de cette région est
aussi une nécessité pour les activités économiques : d’une part, le port a besoin d’une bonne accessibilité
depuis et vers la Mer du Nord pour les grands navires et, d’autre part, l’eau douce peut être utilisée pour
le refroidissement industriel par les industries locales et pour l’irrigation.
Barrage anti-tempête de Maeslant près de Rotterdam (Pays-Bas)
L’eau comme menace
Après les inondations de la Mer du Nord en 1953, qui ont tué plus de 1835 personnes aux Pays-Bas, un
système ambitieux de défense contre les inondations a été conçu, le Plan Delta. Ce dernier a été mis en
place afin de protéger les estuaires du Rhin, de la Meuse et de l’Escaut. Les travaux ont été achevés en
1998. Le Barrage anti-tempête de Maeslant (voir photo ci-dessus) près de Rotterdam permet le passage
des navires en temps normaux et peut se fermer quand le niveau d’eau s’élève trop.
Anticiper les changements
En septembre 2008, la commission Delta a donné comme conseil aux Pays-Bas d’établir un suivi du Plan
Delta pour renforcer les défenses du pays contre les effets du réchauffement climatique et la montée
associée des niveaux de la mer et des fleuves pour les 200 prochaines années. Cette commission a été
créée en septembre 2007 après les dégâts causés par l’ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans. Les plans
incluent plus de 100 milliards d’euros jusque 2100 pour des mesures de protection, comme
l’élargissement des dunes côtières et le renforcement des digues de la mer et des fleuves. D’après la
commission, le pays doit s’attendre à une montée du niveau de la Mer du Nord d’environ 1,2 m d’ici 2100
dans le pire des cas. Le projet ice2sea aidera à raffiner ces estimations et à effectuer des extrapolations
plus précises de l’élévation du niveau de la mer d’ici 2100 et au-delà.