Paysage d`énigmes 29.09.14-3
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Paysage d`énigmes 29.09.14-3
Journée d’études CERILAC, université Denis-Diderot/Editions des Archives Contemporaines (collection « Etudes de Sciences ») aysages d’ nigmes 3 novembre 2014, de 9h30 à 16h 71 rue Saint Jacques, librairie Vrin Organisation et contact : Joëlle Le Marec ([email protected]) Cette journée d’études se propose de questionner un rapport au paysage considéré non pas à partir de ses conceptualisations disciplinaires en philosophie, esthétique, sociologie ou géographie (Y. Luginbühl, A. Berque, A. Roger, B. Kalaora, A. Cauquelin, G. Chouquer, A. Corbin, B. Lassus, etc.), mais plutôt comme un réservoir de questions et de situations, rencontrées dans des recherches portant a priori sur d’autres objets. Le paysage apparaît à la lisière du substrat empirique et théorique de différentes recherches, et son caractère fondamentalement complexe et énigmatique surgit alors : il ne se satisfait ni d’un strict constructivisme, ni d’une esthétique des représentations, ni d’un naturalisme lié aux sciences de la nature ou à certaines militances écologistes. Le paysage nous servira ici à partager une épistémologie des pratiques de recherche de terrain, ou de la critique des cadres de l’action rationnelle, ou experte, en matière d’environnement. Un des enjeux est le développement d’une intersubjectivité interdisciplinaire, à partir de nos lisières respectives. De ce point de vue-là, le paysage est une occasion extraordinaire d’affronter une quantité de limites et d’explorer symétriquement des potentialités : on ne peut en effet pas décider que le paysage serait soit entièrement culturel, soit entièrement naturel ; il supporte maint cadres théoriques tout en ayant constitué un réservoir d’agir politique et d’expression artistique ; la mollesse du concept autorise tous les conforts interprétatifs et tous les abus gestionnaires. C’est pourquoi il nous semble être un terrain empirique et conceptuel particulièrement intéressant pour confronter des points de vue, des pratiques et des épistémologies. L'idée est donc de contourner les approches parfois excessivement sémiotiques (ce que nous dit le paysage, ce que signifie le paysage, etc.) ou parfois excessivement sociologiques (le paysage comme construit social, etc.) pour s'intéresser à ce qui dans le paysage dérange nos représentations (qui sont scientifiques mais aussi culturellement marquées) et pour partager les problèmes de créativité scientifique ou méthodologique à laquelle il oblige de se confronter. Par exemple, comment maintenir dans nos objets et problématiques des troubles, ou des énigmes, liées aux tensions et discontinuités conceptuelles entre la nature et les catégories par lesquelles la nature est appréhendée ou mise à distance dans les disciplines, les institutions (qui se rendent sensible à une irréductible complexité), les engagements et déplacements des individus (et des animaux), les pratiques environnementales spécialisées y compris dans la recherche. Ce dialogue, entre interrogation pratique, esthétique, et sociologique s’appuiera sur les interventions de : • • • • • • • Igor Babou (professeur, LCF, Université de la Réunion) : « Cheminer en topographie : en quête de paysages en Argentine et à La Réunion » Philippe Hilaire (paysagiste DPLG, doctorant au CERILAC, université Paris Diderot) : « Le lien entre une pratique intensive en tant que paysagiste et la démarche de recherche et d'enseignement ». Bernard Kalaora (professeur honoraire de l’Université de Picardie) : « Le Conservatoire du Littoral, une institution sensible : du paysage a la vie complexe des êtres environnementaux » Vincent Leblan (chargé de recherche IRD, PALOC) : « le recouvrement entre objets des pratiques agricoles et la saillances d'objets paysagers pour les primates » Joëlle Le Marec (professeur à l’université Paris Diderot, CERILAC). « Introduction. Epistémologie du trouble ». Carpanin Marimoutou (professeur, LCF, Université de la Réunion) : « Les paysages dans la littérature réunionnaise : palimpseste et fantômes ». Olivier Soubeyran (professeur, PACTE, université de Grenoble) : « La critique de la pensée aménagiste et l'attention à l'improvisation » Résumés des interventions : Igor Babou (professeur, LCF, Université de la Réunion) : « Cheminer en topographie : en quête de paysages en Argentine et à La Réunion » Aux illusions rationalistes et gestionnaires, la nature oppose l’imprévisibilité de la dynamique des écosystèmes. Qu’une espèce animale aussi « iconique » que les baleines choisisse de déplacer ses lieux de reproduction, comme en Patagonie argentine dans les années 1980, et c’est tout l’équilibre d’une économie du tourisme et de la recherche en écologie de la conservation qui se structure en permettant à une région de patrimonialiser son littoral, et de s’engager dans une « gestion » de celui-ci sur des bases supposées rationnelles. Parallèlement, c’est aussi par des déplacements très contingents de populations humaines ou de figures du monde du sport, ou de la science spectacle (Cousteau, le National Geographic, etc.) que la légitimation de ce littoral s’est effectuée, et qu’on a pu l’apprécier en tant que paysage et l’institutionnaliser comme hot spot de biodiversité. Aux illusions rationalistes et gestionnaires, les sociétés humaines opposent la contingence de la dynamique des représentations et des jeux d’acteurs. C’est par le cheminement dans le paysage, qu’il s’agisse de celui de la Península Valdés en Patagonie argentine, ou du cirque de Mafate dans les hauts de La Réunion, que des guides touristiques construisent une narration et que certains habitants interpellent le sociologue en le confrontant au paysage vécu. Ou encore, c’est par un art modeste des sentiers (balises, défrichage, création de guets, etc.) – écriture infraordinaire de la nature -, que les agents de l’ONF rendent le cirque de Mafate accessible aux touristes visitant La Réunion, et qu’ils facilitent les déplacements de ses habitants. En s’appuyant sur deux terrains d’enquête menés en Argentine et à La Réunion, je montrerai comment le paysage est rendu signifiant par des cheminements au sein d’une topographie. Je suggérerai aussi que l’appréciation sensible de la nature par le déplacement et l’engagement physique dans l’enquête peut fournir à l’observateur un moyen de cerner les engagements des acteurs et leurs représentations, et lui offre un outil de réflexivité. Philippe Hilaire (paysagiste DPLG, doctorant au CERILAC, université Paris Diderot: le lien entre une pratique intensive en tant que paysagiste et la démarche de recherche et d'enseignement. Bernard Kalaora (professeur honoraire de l’Université de Picardie) : « Le Conservatoire du Littoral, une institution sensible : du paysage a la vie complexe des êtres environnementaux » Reprenant la formule heureuse de Mary Douglas, les « Institutions pensent », j'ajouterai : elles sentent. Le Conservatoire du Littoral crée en 1975 pour « mener, dans les cantons côtiers et dans les communes riveraines des lacs et des plans d'eau d'une superficie au moins égale à mille hectares, une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral, de respect des sites naturels et de l'équilibre écologique » a dû puiser dans divers registres du sensible pour « fabriquer » le littoral. Si certains cadres de référence classique du paysage ont été mobilisés dans la construction de ce qui fait littoral, ce dernier a fait l'objet d'une invention permanente où se mêlent et s'entrecroisent de manière réciproque et permanente des facteurs subjectifs comme institutionnels. Nous parlerons de subjectivité d'intersection pour désigner ce processus de tension entre les sujets et l'institution. Nous montrerons que la constitution d'un littoral sensible est un processus d'expérimentation car il s'agit non pas tant de donner à voir le littoral que de faire ressortir les liens organiques entre terre et mer et les êtres sensibles qui le peuplent. Comment par exemple un gastéropode unique en son genre intervient dans la fabrique d'un paysage vivant et non seulement vu ? Vincent Leblan (chargé de recherche IRD, PALOC) : « Le recouvrement entre objets des pratiques agricoles et la saillances d'objets paysagers pour les primates » Joëlle Le M arec (professeur à l’université Paris Diderot, CERILAC). Introduction. Epistémologie du trouble. Carpanin M arimoutou (professeur, LCF, Université de la Réunion) : « Les paysages dans la littérature réunionnaise : palimpseste et fantômes ». L’invention d’un paysage réunionnais se met en place, de manière systématisée, dans la littérature réunionnaise du XIXe siècle. De manière particulièrement intéressante, son surgissement, en tant que thème littéraire est exactement contemporain de la parution des premiers textes littéraires en créole réunionnais. C’est, en effet, l’inventeur des Fables créoles (1828), Louis Héry, originaire de France et professeur de rhétorique qui propose, dans un même ouvrage sa fondation de la littérature en créole réunionnais et son invention du paysage dans ses « explorations de l’Isle Bourbon ». Cette fondation littéraire du paysage avait été précédée cependant par les divers récits de voyage européens dans l’Océan Indien où des voyageurs — scientifiques pour la plupart — élaboraient une cartographie paysagère en référence directe et en dialogue avec les paysages de leurs espaces originels. Héry, cependant, va articuler une description/fondation du paysage « autochtone », fondée sur la mise en récit de ses propres voyages d’exploration à travers l’île et sur ce qui s’énonce dans les contes créoles et les chansons. Ces récits, tout en proposant une description du paysage, présentent la particularité d’y lire la présence spectrale des Marrons qui y ont habité. Dès lors, ce paysage « édénique » devient, en même temps un espace de terreur et de hantise. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, Jules Hermann propose une autre lecture du paysage, hanté cette fois par les fantômes des Lémuriens, peuple mythique à l’origine des civilisations de l’Océan indien. Le roman colonial se souviendra de ces deux présences spectrales, les Marrons et les Lémuriens, et proposera une lecture littéraire des paysages qui proposera une poétique de la terreur sous-jacente à la construction d’un paysage du travail, de l’aménagement et du développement de l’île. À partir d’un corpus constitué des récits d’exploration et d’excursion de Louis Héry, de Jules Hermann et d’autres notables coloniaux, mais aussi de romans coloniaux, interrogera cette mise en récit et en texte des paysages comme échos des mythes et de la terreur du passé. Ce corpus sera, à son tour, confronté à un corpus vernaculaire constitué de contes créoles et de textes de maloya. Olivier Soubeyran (professeur, PACTE, université de Grenoble) : « La critique de la pensée aménagiste et l'attention à l'improvisation »