L`approche participatif dans un quartier de logement social

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L`approche participatif dans un quartier de logement social
Iolanda Romano
Sergio Guercio
Matteo Robiglio
Isabelle Toussaint
Architectes
Avventura Urbana. Progettazione & partecipazione
Turin
www.avventuraurbana.it
L'approche participatif dans un quartier de logement social:
Contrat de Quartier dans la via Arquata à Turin
Les turinois semblent avoir une image curieuse de la via Arquata, qui oscille entre la réputation
douteuse d'un quartier qui fut un temps considéré comme dangereux et l'indifférence avec
laquelle ils se remémorent son existence sans réussir à la situer mentalement.
Bien que la via Arquata se trouve au centre de Turin, à deux pas du quartier résidentiel de la
Crocetta, l'un des plus huppés de la ville, et de l'un des principaux hôpitaux de Turin, l'hôpital
Maurizio, les passants ne s'aperçoivent pas facilement de sa présence. En fait, cet habitat est
situé entre deux branches du tracé ferroviaire, tel un passage aérien, un axe routier à forte
affluence, pratiquement invisible pour un observateur extérieur. La seule possibilité d'apercevoir
la via Arquata à l'improviste, c'est de la traverser à grande vitesse pour contourner l'intersection
sur le corso Turati, toujours embouteillé par une importante circulation en direction du centre
ville.
Si toutefois l'on décide de se promener sur la via Arquata on va de surprise en surprise. En
effet, en pénétrant dans le quartier on commence par remarquer une multitude de signes qui
inversent la perception que l'on a de l'extérieur au premier coup d'oeil: une série d'îlots gris
semblables les uns aux autres, constitués de "logements sociaux". La première chose que l'on
découvre ce sont les larges cours verdoyantes avec de grands arbres, les passages piétonniers
différents d'un îlot à l'autre, des balcons de style Liberty sur les façades côté cour, les jardinets
et les potagers parfois cultivés dans les angles, avec de petites tables et des chaises pour jouer
aux cartes. Ce n'est qu'ensuite que l'on remarque certaines traces d'usage de l'espace: les
petits passages ouverts dans l'enceinte des blocs visant à raccourcir les trajets vers les
logements, les chariots de supermarché garés à l'arrière, les rideaux de fer abaissés des
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magasins, les cageots d'oignons utilisés pour réserver des places de voitures, les motocyclettes
filant à toute vitesse.
L'histoire du quartier
Après la période de stagnation qui suivit la première guerre mondiale,
l'activité de construction de l'Istituto Autonomo delle Case Popolari fondé en 1908 - reprend à Turin en 1920, grâce à certaines mesures
favorisant les organismes publics. Les nouveaux quartiers sont réalisés
sur des terrains donnés par la Commune - à proximité des grandes
artères de la ville et à une distance du centre allant de trois à cinq
kilomètres, sur un emplacement moins périphérique que les
constructions réalisées avant-guerre.
Les travaux de réalisation du quartier X de l'IACP1 commencent en
1919, à trois kilomètres et demi du centre ville. En avril 1921, les
premiers logements sont mis en location. Il s'agit de six îlots situés sur un
quadrillage de rues orthogonal qui s'adapte à la forme trapézoïdale de
l'ensemble; les îlots, constitués d'immeubles de trois étages arrondis sur
les angles, donnent naissance sur la via Arquata à des petites places en
forme de losange, sur lesquelles se trouvent les accès pour les véhicules
et les piétons menant aux logements et aux cours. En 1945-46, à la suite
de plusieurs travaux d'agrandissement et des surélévations portant la
hauteur des bâtiments à quatre étages, voire cinq dans le cas de deux
immeubles, le quartier compte 40 bâtiments, 809 appartements et 3.788
pièces.
Le quartier XI de l'IACP, quant à lui, est réalisé en 1926 et mis en
location en 1927. Il comprend deux immeubles d'une hauteur de quatre
étages pour un total de 77 logements dotés d'un système de chauffage
central. La surface totale de l’îlot est de 5.145 m2 avec une superficie
couverte de 2.518m2 et un cubage de 44.318m3. A la différence du
quartier X, le XI ne subira pas de modification substantielle au fil du
temps.
Le quartier X répond aux besoins en logement pour des familles de la classe ouvrière, des
artisans et en partie des employés. Le quartier XI, quant à lui, est destiné aux professions
libérales et aux employés du secteur public.
Les plans et la typologie des logements varient. Ainsi, le quartier X est formé de petits bâtiments
individuels ouvrant sur cour. La desserte aux cages d’escaliers s’effectue par cette cour à
laquelle on accède par une seule entrée pour tout l’îlot. Dans le quartier XI, par contre, les
façades des immeubles font angle, forment une cour plus petite et chaque escalier donne un
accès direct et indépendant à la rue. Les logements du Xe possèdent entre deux et quatre
pièces, alors que ceux du XIe peuvent comprendre jusqu'à six pièces.
Pour ce qui est de l'aspect architectural, les façades côté rue sont caractérisées par l'utilisation
de décorations en plâtre alors que les balcons côté cour sont réalisés en béton armé. La qualité
du dessin architectural et celle de l'environnement liée à l'existence de cours intérieures
verdoyantes et arborées a poussé la Soprintendenza2 à reconnaître la “ valeur
environnementale et historique ” des deux quartiers 3.
1
Istituto Autonomo Case Popolari: Institut Autonome Logements Sociaux ; aujourd’hui ATC – Agenzia
Territoriale per la Casa : Agence Territoriale pour le logement.
2 Service régional en matière de sauvegarde du patrimoine.
3 Polytechnique de Turin - Département Casa-Città, Patrimoine Culturel et Environnemental de la
Commune de Turin, vol. I, Turin 1984, p.369.
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Le délabrement progressif du quartier
A partir des années 60-70, les problèmes d'entretien des deux quartiers se font de plus en plus
pressants. L'insuffisance des ressources et les modalités de gestion du patrimoine transforment
progressivement les problèmes d'entretien ordinaire en problèmes d'entretien extraordinaire. En
outre, la répartition extrêmement irrégulière des logements privés résultant de deux opérations
de mise en vente promues par l'IACP4, a poussé l'Institut à choisir de s'occuper exclusivement
du patrimoine en propriété publique. Cela a donné lieu à une politique d'intervention en taches
de léopard, visible par exemple à travers les travaux de remplacement des menuiseries en bois
d'origine par de l'aluminium.
Dans la première moitié des années 80, des travaux d'aménagement des espaces verts à
l'intérieur des cours sont effectués. Mais de toute évidence, ces interventions ne peuvent à elles
seules résoudre les problèmes majeurs et désormais structurels liés à la construction tels que:
l'absence d'un système de chauffage dans le quartier X, la nécessité de refaire certaines
toitures, les problèmes de condensation et d'infiltration d’eau à l'intérieur des logements, la
précarité des équipements sanitaires dans les salles d’eau (un lavabo et un W-C), l'état de
délabrement des gouttières et des corniches, pour ne citer que ceux-là. De plus en plus,
l'entretien n'est assuré que dans les cas d'urgence et se limite à “ colmater les brèches ”.
Le malaise social
Quelques 1600 personnes habitent le quartier. Elles sont regroupées en 850 cellules familiales
avec une majorité de personnes seules, de familles composées d'un parent âgé avec enfant ou
de mères célibataires avec enfants. Par rapport au reste de la ville, la via Arquata est
caractérisée par une plus forte présence de personnes âgées et de jeunes et par un
pourcentage inférieur de personnes en âge de travailler.
Le tableau que les services sociaux de la ville dressent du quartier n'est pas des plus
réjouissant: plus de 20% des familles bénéficient d'une aide sociale et économique. D'habitude
les familles définies par les services sociaux comme "familles à problèmes multiples", cumulent
des problèmes de natures diverses. Ainsi à la toxicomanie ou au chômage s'ajoutent la
dégradation des rapports familiaux et la présence de mineurs et de personnes âgées en
difficulté. Ce n'est pas un hasard si ce quartier, comme beaucoup d'autres souffrant eux aussi
de marginalité et de délabrement, présente toutes les caractéristiques des quartiers de
logements sociaux: abandon scolaire, micro-criminalité, toxicomanie, trafic en tout genre,
prostitution, marché de logements en sous-location, manque de services5.
La dégradation des bâtiments, des parties communes et des espaces verts dans les cours, ne
fait qu'aggraver les choses. Les conditions de vie précaires qu'offrent les logements entraînent
des risques élevés pour la sécurité des personnes et du voisinage avec pour conséquence
logique d’accroître le climat de méfiance et de tension qui règne entre les habitants6.
4 Vers la fin des années 60 et lors d'une deuxième vague en 1986, l'IACP délibérait sur les dispositions
de vente de son patrimoine dans le quartier (D.P.R. 2/59 c L. 231/62 et art. 27,28 et 29 de la L. 513/77)
qui ont conduit à la vente d'environ 160 logements sur 800.
5 Pour faire les courses, activité qui dans la via Arquata requiert des déplacements conséquents, les
personnes âgées se sont tournées vers un système de transport "informel" qui en dit long sur les
difficultés de vie pour cette tranche d'âge. Les courses sont transportées du supermarché le plus proche
au lieu de résidence à l'aide d'un chariot “ personnel ” - “ emprunté ” - qui est entreposé à proximité du
logement. (Avventura Urbana, 1996, p.29).
6 Cependant le sentiment d'abandon et de désintérêt généré par la procédure de gestion de l'ATC
concernant l'entretien des logements, est souvent accompagné de la fierté les habitants du quartier,
interviewés à l'occasion du projet de réhabilitation, face à leur capacité de gérer eux même de façon
active l'entretien de leur propre logement malgré les difficultés économiques, et ce grâce à un réseau
informel d'échange et de solidarité entre voisins, présent paradoxalement dans les bâtiments les plus
dégradés.
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Un modèle d'intervention novateur: intégration et participation
Les motivations d’une approche participative
La coexistence d'une multiplicité de problèmes dans le quartier de la via Arquata (diverses
formes du malaise social, dégradation des bâtiments et de l'environnement, méfiance des
habitants à l'égard des institutions, manque de services) et d'une multiplicité de ressources
(patrimoine architectural de valeur, espaces verts de grande qualité, profond sentiment
d'appartenance au quartier, qualifications artisanales, présence diffuse de formes de solidarité)
a conduit l'Administration Publique à rechercher, en partant de cette complexité et en
“ décloisonnant les problèmes ”, des instruments d'intervention.
Pour identifier les objectifs on est parti de la considération suivante: si l'on veut renverser les
mécanismes qui au fil des années ont contribué à isoler chaque fois davantage les habitants et
les opérateurs de services, accentuant ainsi le processus de “ bronxisation ”, il convient
d'identifier et d'exploiter au mieux les ressources disponibles ainsi que la capacité d'initiative et
d'organisation sociale et individuelle des habitants, en s'appuyant sur eux pour affronter les
problèmes de façon créative et ouverte.
Le processus menant à la formulation du Contrat de Quartier
Pour bien comprendre la complexité du processus de participation des habitants décrit plus
avant, il faut tenir compte de l'élément suivant: le quartier de la via Arquata a fait l'objet de
processus de participation promus par l'Administration Publique qui se sont déroulés en deux
phases distinctes, chacune ayant contribué à définir les interventions contenues dans le projet
pour le Contrat de Quartier7:
1. en 1996, la première circonscription de la ville de Turin a lancé une consultation publique
visant à identifier les besoins et les potentialités du quartier en vue de sa réhabilitation, qu'elle a
confiée à l'Association Avventura Urbana.
2. en 1998, la via Arquata a été choisie pour être le terrain d'une politique intégrée de
réhabilitation urbaine à programmer en fonction de la formule du Contrat de Quartier. Toute une
série de rencontres publiques avec les habitants, les opérateurs et les différents acteurs sociaux
présents sur le terrain ont été organisées afin de s'assurer de l'actualité du projet et
d'approfondir les activités d'accompagnement social qui, cela mérite d'être souligné, étaient
explicitement mentionnées dans le règlement du concours pour le Contrat de
Quartier.
Première phase: la consultation publique
Les habitants de la via Arquata ainsi que les opérateurs de services du
quartier et les représentants des différents intérêts sociaux, ont participé dès
le début du processus, non seulement au choix des projets, mais aussi à
orienter la production des connaissances sur le quartier. Lors de la première
phase de travail, la phase enquête-écoute, les participants ont été soumis à
des entretiens personnalisés ou ont assisté à des réunions collectives
organisées autour de thèmes spécifiques (réorganisation des services
sociaux, centre de rencontre, conflits entre les habitants, etc.) Au cours de
cette phase ils ont fourni des informations permettant de dresser un tableau
cognitif du quartier, reflétant ses besoins et ses potentialités.
Lors de la deuxième phase, tous les acteurs ont participé à titre personnel à
une consultation publique organisée en différentes phases. A cette occasion,
7 Les contrats de quartier sont financés par l’Etat italien en vertu d’un décret du Ministère des Travaux
Publics daté du 5 juin 1997. Ce dernier permet d’octroyer aux communes qui en font la demande et sur
concours des crédits destinés à des zones en difficulté.
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les participants ont fait connaître leurs préférences par rapport aux solutions envisagées,
définies à la suite de l'enquête-écoute. Durant la présentation publique des résultats, les
riverains ayant pris part aux travaux se sont exprimés en faveur du projet émanant de la
consultation, déclarant s'y reconnaître pleinement.
En juin 1997, un an après la publication du rapport final, les riverains, sous la houlette d'un
comité de quartier spontané, ont remis à la Commune une pétition de 1400 signatures,
demandant la mise en oeuvre du projet. Suite à cette demande, la ville s'est engagée à allouer
la somme de 2 milliards de lires (somme confirmée par la suite au budget prévisionnel), pour la
réalisation, courant 1998, du projet portant sur les terrains de propriété publique.
Seconde phase: la création d'une Table Sociale
Lors de la phase suivante, celle portant sur la définition du Projet de Contrat de Quartier, les
différents acteurs de la première phase, ainsi que d'autres s'étant joints à eux en cour de route,
ont désigné en leur sein des représentants pour prendre part à un groupe de travail appelé
"Table Sociale".
La “ Table Sociale ” regroupe des opérateurs des services publics au niveau local (services
d'assistance sociale et sanitaire) et des personnes du quartier (entreprises, coopératives
sociales, associations de bénévoles, organisations syndicales, le comité de quartier spontané,
etc.), soit un total de 24 intervenants. Le travail s'est échelonné sur la base d'un calendrier de
réunions extrêmement serré qui s'est étendu à toute la période d'élaboration de la proposition.
Au cours des réunions on a relevé les actions prévues par les intervenants au moyen de fiches.
Les propositions ont donc été discutées et évaluées collectivement au cours de débats qui ont
contribué à resserrer les liens entre les acteurs.
Le contenu du Contrat de Quartier
Les interventions prévues par le Contrat de Quartier peuvent se diviser en deux groupes: les
interventions sur le bâti et les actions de développement local dans le domaine social. Les
propositions portant sur l'espace physique ont été regroupées par thèmes: la réhabilitation de
l'espace public et semi-public ou de la copropriété (rues, places, cours et grilles) et la rénovation
des bâtiments (appartements et parties communes). Les actions participatives de
développement local, quant à elles, portent sur deux domaines d'intervention liés entre eux: le
domaine social - assistance sociale et sanitaire, etc.- et l'emploi.
Les interventions de réhabilitation
• les rues et les places: l'intervention sur l'espace public ouvert a pour objectifs: d'achever et
d'intégrer dans l'environnement les interventions prévues pour la viabilité c'est-à-dire la
réduction des voies de circulation et la récupération des espaces inutilisés pour la zone
piétonne; de créer une vaste zone piétonne dans les rues Pagano et Rapallo qui ne
desservent pas les îlots internes, en les dotant d'équipements, d'espaces verts et de zones
de stationnement; de mettre en place des structures publiques de loisirs et de sport non
spécialisé à l'intérieur des zones piétonnes ; de réaménager les espaces ouverts en rénovant
intégralement le dallage, les bordures des trottoirs, le système d’écoulement des eaux
pluviales, la végétation, l'éclairage et les équipements; de planter des arbres dans les zones
piétonnes, en particulier le long des voies de chemin de fer afin d'apporter une protection
naturelle aux immeubles contre la poussière et les bruits occasionnés par le passage des
trains.
• les cours et les grilles: l'objectif de l'intervention est de mettre un terme au phénomène de
"stationnement sauvage" sous les maisons, au double usage des cours comme lieu de
stationnement par les résidents et les non résidents et à l'utilisation impropre ou trop rare des
espaces verts du quartier. Les projets formulés pour l'intérieur des îlots prevoient l'installation
de grilles automatiques et l'augmentation du nombre des passages pour les piétons afin
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d'assurer la continuité du réseau piétonnier du quartier; la réorganisation des zones de
stationnement et de circulation des véhicules à l'intérieur des cours selon un schéma
circulaire à sens unique; la transformation de l'espace central en jardin pour les résidents.
• la réhabilitation des bâtiments: il s'agit de restaurer les valeurs formelles du quartier en
réparant les toits, les corniches, les façades, les balcons et les cages d'escalier et de
moderniser et rendre plus sûres les installations (chauffage central, installations électriques,
système hydro-sanitaire). La variété et la qualité du dessin des façades - en règle générale,
chaque immeuble s'identifie par un dessin qui lui est propre tel qu'on le voit dans les tableaux
des Tipi Decorativi (modèles décoratifs) - réalisé au moyen de reliefs, de surfaces en plâtre,
du travail du crépi et différencié par des couleurs, reflètent les multiples liens qui existent
entre la tradition de la culture architecturale, la tradition administrative de la ville et le
mouvement pour la construction des quartiers ouvriers. Ces valeurs architecturales,
associées à la qualité de l’aménagement urbain, doivent être considérées à l'avenir comme
l'une des ressources visant à assurer l'intégration urbaine d'une partie de la ville, par ailleurs
négligée et marginale, et permettre aux bâtiments de perdurer.
• la réhabilitation des appartements: restructuration de 40 à 50 appartements du quartier,
vacants depuis longtemps, afin de briser le cercle vicieux - obsolescence typologique attribution d'office à des personnes qui ne sont pas en mesure de choisir -dégradation du
tissu social. La réhabilitation du patrimoine locatif vacant a pour objectif de renverser en
partie cette tendance grâce à un programme de réhabilitation progressive du patrimoine
locatif public et à l'intégration des cellules familiales qui ne sont pas en situation d'urgence. A
cet effet, des propositions d'intervention ont été formulées en veillant à ce qu'elles ne soient
pas en contradiction avec d'éventuelles possibilités de regroupement qui pourraient se
produire à l'avenir, (comme par exemple, le studio pour lequel il existerait une certaine
“ demande ” dans le logement social, de la part des personnes âgées autonomes).
• des espaces pour un centre de rencontre: utilisation de certains locaux commerciaux
vacants du quartier qui, une fois rénovés, seront utilisés comme siège permanent par les
intervenants de la Table Sociale et comme base logistique pour le lancement d'actions de
développement local.
Les actions participatives de développement local
Le domaine social
Les actions prévues découlent du travail effectué par la Table Sociale durant la phase de mise
au point du programme. La Table Sociale est en effet devenue l'enceinte officielle où sont
élaborés les projets et lancées les interventions de “ type immatériel ” prévues par le quartier.
Voici résumé le contenu des différentes propositions
• renforcer “ l'aide à domicile de proximité ”. Il s'agit de poursuivre une intervention
actuellement en cours (lancée en 1996 à la suite de la première phase de projets
participatifs) et qui consiste à favoriser les relations entre voisins en encourageant les
rapports d'entraide et en organisant des activités de loisirs et des occasions de rencontres
telles que “ le thé de la cage d'escalier ”.
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• promouvoir des activités culturelles et de loisirs. Le but est de valoriser le potentiel de chaque
habitant et de favoriser les moments de rencontre à travers des initiatives telles que la
formation d'une chorale, les visites guidées aux musées et autres promenades touristiques et
gastronomiques dans le centre historique et les environs de la ville, etc.
• services aux personnes: création d'une buanderie dans les locaux mis à disposition par l'ATC
pour les personnes âgées dépourvues de machines à laver. Mise en place d'un service de
livraison à domicile pour les habitants ayant des difficultés à se déplacer.
• gestion d'un guichet d'information pour les riverains dans les locaux communs. Il s'agit ici de
garantir dans ces locaux la présence d'un groupe d’intervenants de la Table Sociale en
mesure de fournir des indications et des précisions sur l'utilisation des services publics et
privés, de résoudre des problèmes mineurs et d'aider les personnes âgées au moyen du
patronage syndical.
• services d'accompagnement pour les personnes en difficulté. L'objectif est d'offrir aux
habitants du quartier un soutien et une aide dans les secteurs où les services publics ne
peuvent en général intervenir tels que l’expédition des affaires courantes, la perception des
pensions, la prise de rendez-vous et l’accompagnement aux visites médicales et aux
séances de soins, le soutien psychologique, la mise à disposition de personnes de
compagnie et la prise en charge des promenades.
• mise en place d'initiatives telles que la "Banque du Temps" qui consiste à échanger des
services entre personnes en mesurant leur valeur d'après le facteur temps, ou encore
l'agence "Troisième Age Actif", qui consiste à prendre la mesure des qualifications
professionnelles et du temps dont disposent les personnes âgées du quartier et qui peuvent
être exploités dans le cadre d'activités d'utilité sociale.
• renforcement des activités pédagogiques sur le terrain et dans la rue à l'adresse des mineurs
grâce à une coopérative sociale. Le but est d'identifier les raisons du malaise dont souffrent
les jeunes du quartier et de mettre sur pied des programmes personnalisés de repêchage et
de réinsertion dans les filières de formation traditionnelles.
• proposition pour les handicapés mentaux: projets et programmes dans le secteur de la
formation professionnelle et des activités d'utilité sociale mis en place au travers d'itinéraires
progressifs centrés sur le développement des capacités pratiques et sociales des nombreux
handicapés mentaux résidant dans le quartier.
Le domaine de l'emploi
L'objectif est de lancer deux itinéraires de formation professionnelle adaptés aux
caractéristiques des jeunes chômeurs de la via Arquata. Cette intervention s'articule autour de
deux thèmes:
• premièrement: l’entretien du quartier par ses habitants. Il est prévu que les jeunes chômeurs
(hommes et femmes) reçoivent une qualification et puissent être employés dans une
entreprise prenant en charge l'entretien courant, la gestion des services de proximité, la
réhabilitation d'une partie des logements inoccupés et la surveillance des maisons du
quartier.
• deuxièmement: le service aux personnes. Cela consiste à former et à employer de jeunes
chômeuses pour qu'elles s'occupent des activités de soins et d'accompagnement prévues,
entre autre, dans les actions de développement social décrites plus haut.
Du contrat au chantier : 1999-2002
La proposition, qui prévoit que la partie la plus importante du financement provienne du
Ministère des Travaux Publics, est basée sur une demande de 15,5 millions d’Euro.
Parallelement au Ministère interviennent la Ville de Turin, la Région du Piémont et l’ATC.
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En 1999, la proposition pour la via Arquata résulte deuxieme meilleure proposition de rénovation
urbaine en Italie8, première proposition présentée par une ville métropolitaine et première à être
financée. En juin 1999 un protocole d'accord entre la Commune et le Ministère est signé pour
l'attribution des fonds.
Le projets d’intervention physique sont entièrement confiés aux agences publiques : les espaces
ouverts seront dessinés par les service tecniques de la Ville, sur la base des indications
contenues dans le dossier de candidature redigé par Avventura Urbana ; les interventions sur
les bâtiments sont confiées a l’ATC, sur la base du projet de candidature de Avventura Urbana
et des indications fournies lors d’une ulterieure phase de participation avec les locataires et avec
les coproprietaires, escalier par escalier, pour la définition des interventions ponctuelles.
Les associations et les comités ayant participé à la “ Table Sociale ” se constiuent en 2000 en
Agence pour le Développement locale de via Arquata. Dans un second moment, l’Agence est
reconnue officiellement par la Ville de Turin comme organisme officiel de gestion des aspects
sociaux e participatifs du projet. L’Agence a mis au point un programme integré d’interventions
sociales, quia été approuvé par la Ville et est entré en fonction en 2001.
Les chantiers ont debutés en mai 2002. Pendant toute la durée des travaux, une “ Direction
Sociale des Travaux ” accompagnera la direction tecnique mise au point pour garantire lors de
la réalisation l’integration née du projet.
Une première évaluation
Contrairement à une approche de type sectoriel visant à identifier et à résoudre chaque
problème individuellement dans le cadre d'une compétence spécifique ou d'un ensemble
d'instruments donnés et qui a pour défaut majeur de puiser dans un cadre restreint et
généralement dépourvu de ressources (par exemple: résoudre le problème de l'ordre public par
le renforcement des mesures de surveillance, le délabrement de l'habitat par un travail
d'entretien exceptionnel, les services inadaptés par une augmentation du personnel, etc.),
l'approche intégrée, elle, a tenté de “ décloisonner les problèmes ”, faisant ainsi émerger des
synergies négatives qu’elle cherche ensuite à contrecarrer.
La poursuite d'objectifs intégrés découle directement de l'adoption d'une approche participative.
En effet, c'est à travers le dialogue avec les habitants et parfois les usagers et les opérateurs qui
fréquentent eux aussi le quartier, qu'on a pu définir au plus près les besoins et les problèmes de
la zone. Ces derniers n'ont pas été divisés par secteurs ou par compétences, mais forment
entre eux un réseau étroitement lié que les méthodes habituellement utilisées dans le cadre
d'enquêtes sociologiques ou urbanistiques, peuvent difficilement permettre d'élucider.
Certaines des actions identifiées sont, pour diverses raisons, difficiles à mettre en pratique. A la
différence du Royaume Uni ou de la France, en Italie le cadre réglementaire n'est pas encore
pleinement équipé pour offrir le soutien aux programmes intégrés qui cherchent à combiner les
interventions matérielles et les interventions de développement social (comme par exemple le
programme d'entretien du quartier par ses habitants). Or ce type d'action présente l'avantage
d'avoir des retombées positives puisqu'il permet d'inscrire un ou plusieurs problèmes qui,
d'habitude, ne se recoupent pas et qui ne font pas l'objet d'actions multilatérales à l'échelle
locale, sur différents ordres du jour (par exemple le programme de gestion des différents
départements municipaux).
8 Le
lecteur français trouvera une excellente analyse comparative des contrats de quartier dans la
recherche de Dominique Rist et Benjamin Brillaud Les contrats de quartier en Italie. Etudes de cas de 5
contrats de quartier : Padoue, Turin, Parme, Rome et Venise, Direction Interministèrielle à la Ville, octobre
2001. L’ensemble des contrats italiens a été presenté en detail dans le numero spécial 261-262 de la
revue Edilizia Popolare paru en 1999.
La démarche méthodologique de Avventura Urbana est presentée dans le livre edité par Marianella
Sclavi, avec Iolanda Romano, Sergio Guercio, Andrea Pillon, Matteo Robiglio et Isabelle Toussaint,
Avventure Urbane. Progettare la città con gli abitanti, Eleuthèra, Milan 2002.
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