CHAPITRE 1 - L ES RELATIONS COMMERCIALES

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CHAPITRE 1 - L ES RELATIONS COMMERCIALES
CHAPITRE 1 - LES RELATIONS
COMMERCIALES INTERNATIONALES
Les avantages comparatifs ? « C'est sans doute la théorie
la plus brillante de la science économique. » OMC
Les pays ont intérêt à développer leurs échanges plutôt qu’à rester en autarcie (cas de
l’Albanie ou de l’Espagne des années 50). Ainsi, en se référant à l’analyse classique (D.
Ricardo), chaque pays aura intérêt à se spécialiser dans les productions où il possède un
avantage de coûts relatifs, appelés avantages comparatifs. Ce principe a été énoncé par D.
Ricardo dans un cadre théorique simple :
- le travail est le seul facteur de production ;
- il existe une parfaite mobilité des facteurs de production à l’intérieur d’un pays mais
les facteurs ne sont pas mobiles entre les pays ;
- il existe un plein emploi des facteurs de production dans chaque pays (absence de
chômage) ;
- les pays sont de taille identique et ont des techniques de production différentes qui
sont indépendantes du prix des facteurs de production ;
- les coûts de production sont indépendants des quantités produites (hypothèse de
rendements d’échelle constants).
Le modèle explicatif ricardien représente un élément d’explications important des
performances des pays développés sur les marchés étrangers de produits manufacturés.
Précisons d’ores et déjà que des facteurs autres que la productivité relative du travail (variable
fondamentale du schéma ricardien) doivent aussi être pris en considération dans l’explication
des échanges internationaux
Dans ce chapitre, deux problèmes seront abordés : les déterminants des échanges
internationaux et les politiques commerciales qui permettent d'aménager les conditions de
l'échange international.
Section 1 - Les déterminants des échanges internationaux : un
faisceau explicatif complexe
Il convient de distinguer les théories traditionnelles de l’échange international de la
nouvelle théorie du commerce international. Pour conclure, en nous appuyant sur l’article
d’H. Bourguinat, « Le libre-échange : un paradigme en situation d’inconfort », nous
indiquerons les limites à prendre en compte dans l’explication de l’échange international en
situation d’économie globalisée.
A - Les théories traditionnelles de l’échange international
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On distinguera les théories fondées sur les différences internationales de coût de celles
fondées sur les différences internationales de technologie.
1 - Les théories fondées sur les différences internationales de coût
Elles concernent la théorie ricardienne des coûts comparatifs et celle connue
sous la dénomination modèle HOS (Heckscher-Ohlin-Samuelson).
a - La théorie de Ricardo des avantages comparatifs
Adam Smith expliquait l’échange international par les différences de coûts de
production par comparaison des coûts absolus : un pays importe un bien si sa production
nationale est plus coûteuse que son importation. David Ricardo prendra en considération les
coûts comparatifs. Explicitons le mécanisme de l’échange à partir de deux économies A et B
en situation initiale d’autarcie, produisant deux biens, le drap et le vin.
Les coûts de production en heures de travail sont plus faibles dans la production
des deux marchandises dans le pays A. Pour produire une unité de drap et une unité de vin, il
faut respectivement :
- dans le pays A, 90 H et 80 H de travail ;
- dans le pays B, 100 H et 120 H de travail.
En application de la théorie d’A. Smith des avantages absolus, il apparaît un avantage
absolu pour le pays A dans les deux biens. Mais selon D. Ricardo, les deux pays ont intérêt à
se spécialiser et à échanger leur production. Selon quel scénario ? Pour le déterminer, il est
nécessaire de calculer les coûts relatifs unitaires de production du drap par rapport au vin dans
les deux pays. Le ratio est de 90/80 dans le pays A et de 100/120 dans le pays B (Inversement,
les coûts relatifs unitaires de production du vin par rapport au drap conduisent au ratio de
80/90 dans le pays A et de 120/100 dans le pays B).
Cela signifie que si dans le pays B, on souhaite accroître la production de vin d’une unité,
le pays B doit dégager 120 H de la production de drap et renoncer ainsi à la production de 1,2
unité de drap (120/100). Inversement pour augmenter la production de drap d’une unité, le
pays B doit dégager 100 H de la production de vin et renoncer ainsi à la production de 0,83
unité de vin (100/120).
Dans le pays A, la situation est différente : pour élever la production de vin d’une unité, il
faut renoncer à 0,88 unité de drap (80/90) et pour élever la production de drap d’une unité, il
faut renoncer à1,125 unité de vin (90/80).
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Soit le tableau récapitulatif suivant de la situation des pays A et B :
Pays A
Pays B
Coût relatif dans le pays A
Coût relatif dans le pays B
(DV et VD)
(DV et VD)
Drap
90
100
=90/80=1,125
=100/120=0,83
Vin
80
120
=80/90=0,88
=120/100=1,2
On remarque que comparativement, le vin est plus difficile à produire que le drap dans le
pays B alors que dans le pays A, le drap est plus difficile à produire que le vin. Le pays A se
spécialisera dans la production de vin qu’il exportera en partie et le pays B se spécialisera
dans la production de drap qu’il exportera en partie.
Ricardo pose le principe de l’avantage comparatif : chaque pays a intérêt à se spécialiser
dans la production du bien pour lequel il détient l’avantage comparatif le plus élevé. Chaque
pays tirera un gain à l’échange en exportant le bien pour lequel il dispose d’un avantage
comparatif et en important le bien pour lequel il ne dispose pas de cet avantage.
Comment s’établit alors le rapport d’échange international ?
Raisonnons à partir du pays A. Le pays A produira du vin qu’il échangera selon le
rapport d’une unité de vin contre une quantité de drap supérieure à 0,88 unité et inférieure à 1,
2 unité, les rapports d’échange nationaux en autarcie déterminant les deux bornes du rapport
d’échange international. En effet, il faut que la valeur de 0,88 soit dépassée pour que le pays
A ait intérêt à se spécialiser dans la production de vin mais la valeur de 1,2 ne doit pas être
atteinte pour que le pays B trouve un avantage à se spécialiser dans la production de drap.
La théorie ricardienne des coûts comparatifs est une explication de la composition de
l’échange international et une démonstration des gains de l’échange issus de l’ouverture des
frontières…
b - La théorie de la dotation factorielle
L’origine des avantages comparatifs ricardiens n’est pas précisée. D’où les avantages
de productivité relative peuvent-ils provenir ? Dans la théorie de la dotation factorielle, la
composition du commerce international est expliquée à partir d’un nouveau concept : celui
d’abondance relative d’un facteur qui va être à l’origine de l’avantage comparatif et de
l’échange. Précisons ce concept. Soit deux pays A et B, deux facteurs, le capital et le travail et
deux biens, les automobiles et le textile. En ce qui concerne les facteurs de production, leurs
quantités disponibles sont données et définissent la dotation factorielle d’une nation. Il s’agit
d’abondance factorielle relative (avec deux pays A et B et deux facteurs K, le capital et L, le
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travail, si on a la relation suivante : KA/LA > KB/LB, alors le pays A est relativement abondant
en capital et le pays B relativement abondant en travail.
Les deux nations A et B sont supposées identiques en tout point, sauf pour les
dotations factorielles qui seront à l’origine de l’échange. Les deux biens sont produits selon
une technique différente pour l’automobile et le textile mais identique pour chacun des deux
biens dans le pays A et le pays B. La technique de production est caractérisée par l’intensité
en capital ou en travail, appelée intensité factorielle. Il s’agit d’intensité factorielle relative :
soit deux secteurs d’activité, le textile noté TEXT et l’automobile notée AUT, on aura la
relation technique suivante : KTEXT/ LTEXT <KAUT/LAUT, ce qui signifie que le secteur textile
est relativement intensif en travail.
Supposons alors que le pays A soit relativement bien doté en capital et le pays B,
relativement bien doté en travail, KA/LA > KB/LB, et supposons que la production
d’automobile nécessite une forte intensité relative en capital et la production du textile, une
forte intensité relative en travail, KTEXT/ LTEXT <KAUT/LAUT. Dans ce cas, selon le théorème
Heckscher-Ohlin, chaque pays a une production orientée vers le bien qui utilise de manière
relativement intensive le facteur dont il est relativement bien doté et il tendra à l’exporter. Par
conséquent, le pays A exportera des automobiles et le pays B exportera du textile (chaque
pays important le bien produit par l’autre pays).
Ainsi, chaque pays importe des biens qui incorporent de façon relativement intensive
les facteurs qui sont relativement rares sur son territoire et exporte les biens qui incorporent
des facteurs relativement abondants sur son territoire.
Par rapport à l’analyse ricardienne, cette approche explique l’origine de l’avantage
comparatif (simplement constaté chez Ricardo) et introduit dans l’analyse la présence de deux
facteurs de production substituables, le travail et le capital (théorie de la production
différente).
Ces résultats établis pat Heckscher-Ohlin- trouveront un prolongement avec P.
Samuelson en considérant l’évolution des prix des facteurs (théorème HOS) : le commerce
international tend à produire une égalisation des rémunérations des facteurs. Le facteur
relativement abondant dans le pays A par exemple est moins fortement rémunéré que dans le
pays B. La conséquence de cette situation est que la libéralisation des échanges (le libreéchange) va profiter au facteur qui est relativement abondant. Sa rémunération augmente peu
à peu et le prix des facteurs de production tend à s’égaliser au bout d’un certain temps et dans
les deux pays. Condition nécessaire cependant : existence d’une spécialisation incomplète
dans les deux pays A et B.
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c - Les vérifications empiriques
Le modèle ricardien a fait l’objet dans les années 50 et 60 de différents tests qui de
façon générale ont donné des résultats mitigés. La théorie HOS, plus facilement traduisible en
indicateurs statistiques, a notamment donné lieu à la vérification de W. Leontief dans deux
articles de 1953 et 1956. Elle était consacrée à l’étude de la position des Etats-Unis dans
l’échange international. Précisons ces travaux qui ont donné naissance au « paradoxe de
Léontief ». Quelles sont les caractéristiques de cette vérification de Léontief ?
Il a mesuré les quantités de facteurs (capital et travail) utilisées pour produire 1 unité
de chaque exportation américaine. Il a additionné la quantité totale de capital (KX) et la
quantité totale de travail (LX) présentes dans les exportations et a répété la même démarche
pour les importations (KM et LM). Les Etats-Unis, étant un pays considéré a priori comme
relativement intensif en capital, on s’attendait à trouver le résultat suivant : KX/LX > KM/LM.
Paradoxe : il résulte de l’expérience que les Etats-Unis apparaissent exportateurs nets de biens
et/ou de services riches en facteur travail. Des résultats ultérieurs portant sur l’année 1958
confirmeront ce paradoxe. Dès lors, de nouveaux travaux vont tenter de résoudre ce paradoxe.
Le principal argument avancé pour l’infirmer est le suivant : W. Leontief a omis un facteur, le
capital humain. P. Kenen (1965) a notamment souligné cette omission : une des raisons du
paradoxe tient à l’imprécision avec laquelle la notion de qualification du travail a été abordée.
A l’évidence, le fait de traiter une heure de travail de plombier sur le même plan qu’une heure
de travail d’ingénieur ou de chercheur risque de conduire à des analyses et des conclusions
erronées. Pour Kenen, l’éducation, la formation et l’apprentissage par la pratique engendrent
une accumulation d’un capital humain qui doit être mesuré puis additionné au capital
physique si l’on veut avoir une idée exacte, précise, complète du stock de capital. Les calculs
de Kenen ont alors montré que si l’on ajoute le capital humain au capital physique, les
exportations américaines sont relativement plus intensives en capital que les importations,
résultat qui fait disparaître le paradoxe de Léontief. En fait, les Etats-Unis exportent des biens
et/ou des services nécessitant du travail hautement qualifié ou des compétences particulières
dont ne disposent pas (ou moins) les partenaires économiques des Etats-Unis. En définitive,
on ne résout le paradoxe de Leontief que si on ajoute au capital physique le capital humain. Il
convient donc de distinguer le travail selon les différents niveaux de qualification qui le
concernent. Ce type d’approche donnera naissance aux explications néo-factorielles de
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l’échange international. La composition de l’échange international est alors expliquée par la
place qu’occupe dans la production et les échanges des biens, la main-d’œuvre de différents
niveaux dont les pays sont plus ou moins bien dotés. L’approche néo-factorielle est un
prolongement direct de la théorie HOS.
A côté de ces théories traditionnelles fondées sur les différences internationales de
coût existent des théories fondées sur les différences internationales de technologie, plus
pertinentes pour expliquer certains types d’échanges. .
2 - Les théories fondées sur les différences internationales de technologie
Dans la recherche des déterminants de l’échange international, l’accent va être mis ici
sur la recherche-développement et ses conséquences, le progrès technique et les innovations.
a - La base des théories
La plus significative des théories apparaît au début des années 60 : il s’agit du
cycle de vie du produit exposé par Raymond Vernon en 1966. Par rapport au modèle HOS,
l’écart est important. En effet, il n’ya pas de recours à la formalisation : l’analyse part de
situations réelles et non pas d’un modèle abstrait. L’approche est dynamique (analyse de
l’évolution d’un phénomène au cours du temps). Enfin, les firmes sont mises au centre de
l’analyse. Précisons l’approche de R. Vernon.
Le cycle de vie du produit est une notion ancienne qui doit permettre de
rationaliser la vie économique d’un produit, c’est-à-dire la période qui sépare son lancement
de son abandon. Il existerait au cours de cette vie des régularités repérables dans presque tous
les cas et définissant des phases dans la diffusion du produit auprès des consommateurs.
Ainsi, R. Vernon distingue l’introduction du nouveau produit, la croissance, la maturité et
enfin, la sénescence. Ces étapes dépendent de l’attitude des consommateurs face au produit
mais aussi des conditions de production (deux variables qui structurent le secteur).
1ère étape : l’introduction du nouveau produit : la demande est peu sensible au niveau
du prix (le bien est perçu comme un bien de luxe). La production s’effectue en courtes séries
exigeant un travail qualifié et une faible intensité en capital. Le nombre de firmes est faible.
2ème étape : la croissance : la concurrence par les prix entre les firmes se manifeste et
les méthodes de production de masse sont utilisées. Le nombre de firmes est important.
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3ème étape : la phase de maturité : la concurrence repose sur le prix, la production se
fait en grandes séries avec un travail faiblement qualifié et une forte intensité en capital. Le
nombre de firmes diminue.
4ème étape : la phase de sénescence : la production est progressivement abandonnée par
toutes les firmes.
Sur un plan empirique, R. Vernon applique le schéma précédent aux firmes
américaines en prenant en compte l’espace international. Qu’explique-t-il ? Les innovations
nées aux Etats-Unis sont influencées directement par les variables spécifiques au marché
américain dans les années soixante (consommation, conditions de production). A l’époque, les
Etats-Unis ont le revenu par tête le plus élevé du monde. Les capitaux y sont abondants mais
pas la main-d’œuvre. La demande domestique exprime un besoin en produits nouveaux
(justifié par un pouvoir d’achat élevé). Du côté de l’offre, les firmes réalisent des innovations
pour répondre à cette demande en s’appuyant sur des processus de production exigeant peu de
travail et beaucoup de capital dès que la phase de croissance est atteinte.
Les différentes étapes du cycle de vie du produit correspondent à des stratégies
spécifiques des firmes pour approvisionner les marchés nationaux et étrangers. Précisons cette
situation. Dans la première phase, la production est effectuée aux Etats-Unis et vendue
exclusivement dans ce pays. Avec le vieillissement relatif du produit (fin de la phase de
nouveauté), des exportations commencent à apparaître. Elles sont peu importantes et destinées
aux consommateurs étrangers les plus aisés. Lors de la phase de maturité, la concurrence se
manifeste. Ces concurrents mettent en vente sur le marché européen (principalement) des
produits très proches. Aussi, pour lutter contre cette concurrence qui menace leurs
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exportations, les firmes américaines installent des filiales de production en Europe (baisse
alors des flux commerciaux avec les Etats-Unis). Enfin, avec la phase de sénescence, la
production aux Etats-Unis diminue et les importations en provenance des filiales européennes
des firmes américaines se développent (les firmes européennes fournissent également leurs
propres marchés domestiques). Dans une ultime étape de la sénescence, la production est
délocalisée dans les pays en voie de développement, les firmes américaines y créant des
filiales. La demande européenne stagne voire se réduit et le produit est dans sa phase de déclin
aux Etats-Unis.
b - Les vérifications empiriques
R. Vernon précise que son explication ne vaut que dans un contexte particulier : celui
des firmes américaines sur la période allant de 1945 à la fin des années soixante. Après cette
période, les modifications de l’environnement international -en particulier la hausse des coûts
salariaux en Europe qui conduit à une parité avec les conditions de production nord
américaines- rendent le schéma initial de R. Vernon inadapté. Cela dit, ce schéma peut être
repris et étendu à d’autres pays en prenant en compte les innovations comme principe
explicatif des échanges internationaux (par exemple,
des séquences Etats-Unis -
pays
asiatiques).
De façon générale, comment tester le pouvoir explicatif de cette approche par le cycle
de vie du produit ? Le repérage de l’innovation est difficile, faute d’un accord sur une
définition précise de ce phénomène. Pour pallier ce problème, on peut utiliser un indicateur
quantifiable : la part des dépenses de recherche-développement dans le chiffre d‘affaires des
firmes ou du secteur. M. Rainelli énonce alors la proposition théorique suivante : le commerce
international doit être plus intense dans les industries où la recherche-développement est
relativement importante que dans celles où elle est plus faible. Une telle proposition a été
vérifiée pour différents pays autres que les Etats-Unis (Japon, Royaume-Uni, etc) et différents
secteurs (électronique, biens de consommation durable, pétrochimie, etc). On a ainsi montré
que ce type d’explication permet de comprendre le dynamisme des échanges mondiaux pour
les produits des industries électromécaniques, chimiques : ce sont globalement des secteurs où
les dépenses de recherche-développement sont importantes. Cependant, une part significative
du commerce international ne s’explique pas par l’innovation. Par exemple, les produits
intermédiaires. Enfin, l’approche technologique n’offre pas d’explication, notamment dans les
cas de déséquilibres commerciaux nationaux persistants et de coexistence dans de nombreuses
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branches d’importations et d’exportations similaires (échanges croisés de produits similaires
ou échanges intra-branche).
c - Les limites de la théorie du cycle de vie du produit
R. Vernon reconnaîtra dans une contribution de la fin des années 70 « The product
cycle hypothesis model of international trade : US export of consumer durables », Oxford
Bulletin of Economics and Statistics, Vol 41, 1979) que sa thèse initiale devait être
reconsidérée du fait de l’évolution des processus d’exportation et de délocalisation du capital.
Trois effets nouveaux sont à considérer :
- le processus d’innovation, d’exportation et d’investissement à l’étranger s’est
considérablement accéléré (le temps s’est réduit entre l’introduction d’un nouveau produit aux
Etats-Unis et sa première production à l’étranger) ;
- l’innovation n’est plus l’apanage d’un seul pays, les Etats-Unis. L’Europe, le Japon
sont devenus des zones de lancement de nouveaux produits, favorisés par un revenu/tête plus
élevé (et plus proche de celui des Etats-Unis) ;
- certaines firmes multinationales (FMN) se développent selon un schéma différent de
celui énoncé par la thèse du cycle de vie du produit. Elles n’adaptent pas leurs produits selon
la séquence Etats-Unis - Europe - Pays en développement (PVD) mais produisent des biens
standardisés directement à l’échelle mondiale : le processus de production est réparti entre les
différents pays et les ventes s’effectuent d’emblée sur tous les marchés (stratégie globale).
d - Les stratégies contemporaines de développement de la firme à l’échelle internationale
Une des principales contributions explicatives est due au développement des modèles
d’internationalisation fondés sur l’existence de coûts de transaction. (R. Coase, O.
Williamson). Un coût de transaction est un coût lié à un échange sur le marché. Il existe en
raison d’imperfection sur les marchés des biens et des facteurs (coûts de recherche et
d’information tels les études de marché, coût de négociation et de décision tels la rédaction et
la conclusion d‘un contrat, coûts de surveillance et d’exécution tels la vérification de la
livraison, etc). L’existence de tels coûts incite les firmes à chercher la forme d’organisation
optimale, c’est-à-dire les coûts de transaction les plus faibles.
O. Williamson distingue deux modes d’organisation alternatifs : le marché (M) et
l’entreprise (E). A ce niveau, l’arbitrage se fait entre l’exportation (le marché) et
l’investissement à l’étranger (l’internalisation). Cependant, entre le marché et l’entreprise, des
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formes intermédiaires peuvent se rencontrer : joint venture, sous-traitance, concession, réseau,
etc. Le risque d’inefficience du marché est accru dans les échanges internationaux (différence
de langue, de culture). L’exportation avant l’échange, engendre des couts d’information
(réglementation, prix, barrières tarifaires et non tarifaires, etc) et après l’échange, en cas de
difficulté, coûts d’arbitrage (principalement, des coûts juridiques pour la résolution des
contentieux commerciaux).
La firme va donc comparer les coûts de transaction en cas d’internalisation en
concrétisant un IDE (celui engendrant des coûts tels que ceux d’adaptation du personnel, ceux
liés aux risques politiques, etc) aux coûts engendrés par le marché en exportant (coûts liés aux
droits de douane, risques de change, etc). Le choix dépend aussi de la fréquence des
transactions et de la spécificité des actifs de l’entreprise. Plus les produits sont spécifiques
(aéronautique par exemple), plus l’entreprise va privilégier l’internalisation plutôt que le
marché>. Plus les biens sont génériques (produits textiles par exemple), plus l’entreprise va
favoriser le marché (exportation, ou tout accord n’impliquant pas un engagement en capital de
la part de la firme).
En résumé, la firme est donc incitée à internaliser ses activités sur d’autres marchés
plutôt que d’exporter ses produits tant que cette forme d’organisation reste celle qui minimise
les coûts de transaction de ses activités.
Plus récemment, la théorie éclectique de J. Dunning (ou paradigme OLI - Ownership,
Localization, Internalization)) représente une synthèse intéressante des théories existantes de
l’internalisation et des coûts de transaction. Elle propose aussi une explication des choix de
déploiement international des firmes. Selon ce modèle, les firmes ont le choix entre trois
modalités de pénétration du marché étranger : IDE, licence et exportation. Le choix sera
fonction ou non des avantages relevant du paradigme OLI.
Ces avantages se déclinent comme suit : avantages spécifiques d’une firme (O ou
Ownership), avantages spécifiques du pays (L ou Localisation) et avantages de
l’internalisation (I ou Internalisation) :
-
les avantages spécifiques dune firme (ownership advantage). Les firmes vont à
l’étranger parce qu’elles ont un avantage spécifique qui va surpasser à long terme
les coûts occasionnés par la présence à l’étranger. Ces avantages peuvent recouvrir
plusieurs dimensions :
ceux liés aux savoirs spécialisés, aux innovations et au niveau
technologique ;
ceux liés aux économies d’échelle de différentes natures ;
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ceux de nature monopolistique (détention d’une marque reconnue par les
consommateurs, etc).
-
les avantages spécifiques de localisation dans un pays (localization advantage). La
firme va comparer les différentes possibilités offertes par les pays afin de décider
où elle peut maximiser le plus ses avantages spécifiques. La comparaison entre les
pays peut s’effectuer autour de trois catégories éléments que J. Dunning appelle le
paradigme ESP (Environnement, Systems, Policies). La première catégorie
concerne l’économie : qualité et quantité de facteurs de production disponibles,
taille du marché, transports et réseaux de distribution, existence de clusters
d’entreprises, etc. La seconde catégorie va prendre en compte les éléments
sociaux et culturels tels le langage et la culture. Enfin, la troisième catégorie va
concerner la politique gouvernementale du pays.
les avantages de l’internalisation (Internalization advantage). Cette question va
-
concerner la forme d’organisation que va choisir la firme pour s’implanter à
l’étranger. Plusieurs méthodes sont possibles pour se déployer à l’international :
exportation, délégation (licence, sous-traitance), partenariat (co-entreprise, joint
venture, par exemple), filiale locale contrôlée à 100% (création de type greenfield
ou acquisition). La firme retiendra la forme lui permettant de maximiser ses
avantages spécifiques et de bénéficier des avantages liés à la localisation.
Pour J. Dunning, le choix du mode de pénétration des marchés étrangers est donc
fonction des trois avantages OLI. La firme choisit l’implantation à l’étranger (IDE) si elle
réunit les 3 avantages OLI. La cession de licence est préférable si la firme ne détient qu’un
avantage spécifique (O). Enfin, l’exportation est le meilleur choix si elle détient un avantage
spécifique et un avantage à l’internalisation sans avantage à la localisation (OI). Voir tableau
ci-dessous.
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Les choix de localisation dans le modèle de J. Dunning
Avantages
O
L
I
Investissements directs
+
+
+
Exportation
+
-
+
Licence
+
-
-
Mode de
pénétration des marchés
Notons que dans la période actuelle, un schéma d’internalisation lié aux
interactions entre les firmes peut être mentionné avec un degré significatif de pertinence : les
clusters d’entreprises (appelées aussi pôles de compétitivité). Les firmes exploitent alors des
externalités positives ou économies d’échelle externes (exemples : la Silicon Valley aux
Etats-Unis, les villes de Bangalore puis de Madras en Inde pour les activités liées à
l’informatique, le quartier du sentier à Paris pour les secteurs des TIC jusqu’à l’éclatement de
la bulle internet en l’an 2000. (A noter le risque de coûts de congestion quand le cluster
d’entreprises se développe trop – exemple de Bengalore).
Au total, la thèse du cycle de vie du produit conserve un bon pouvoir explicatif. En
effet, la production et l’exportation d’un bien s’intensifient lorsque le produit atteint sa phase
de maturité (la production bénéficie de rendements d’échelle et est largement demandée par
les consommateurs). Mais le cycle peut démarrer ailleurs qu’aux Etats-Unis, le temps entre les
différentes phases du cycle se réduit et la production par les filiales à l’étranger apparaît bien
souvent sans phase intermédiaire d’exportation par les sociétés-mères.
B - La nouvelle théorie du commerce international
Elle s’est développée depuis la fin des années 70 sur la base d’une critique de la
théorie traditionnelle, notamment de l’approche par le modèle HOS. La nouvelle théorie
développe une approche complète et formalisée qui cherche à rendre compte des phénomènes
inexplicables par les anciennes théories. Parmi ceux-ci, deux d’entre eux posent un problème
particulier : ce sont, d’une part, le développement des échanges entre les nations les plus
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développées dont les dotations factorielles sont proches et, d’autre part, l’importance du
commerce international intra-branche.
1 - L’inadéquation des théories fondées sur les différences internationales de
coûts
Dans les faits, il apparaît que l’essentiel du commerce international est réalisé entre les
nations les plus développées (bien que le commerce se développe avec des nations émergentes
telles l’Inde ou la Chine). Or ces nations développées présentent des caractéristiques qui
rendent peu pertinentes les explications avancées par D. Ricardo ou le modèle HOS. En effet,
d’une part, les techniques de production utilisées dans ces nations ne sont pas très différentes
(et sont même très semblables), d’où une non-pertinence (ou une moindre pertinence) de la
théorie ricardienne et, d’autre part, ces nations présentent des dotations relatives en facteurs
de production très voisines (modèle HOS non fondé).
Par ailleurs, le commerce international intra-branche est également une caractéristique
des échanges actuels, situation incompatible avec les théories précédentes. La possibilité de
commerce croisé pour une même branche entre deux pays a néanmoins été évoquée par B.
Ohlin en 1933 (mais à l’époque, on n’y prête pas attention). Ce n’est qu’avec le
développement du commerce intra-communautaire européen consécutif à l’union douanière
européenne que cette idée a connu une nouvelle actualité.
B. Balassa en proposera en 1966 une mesure en recourant à un indicateur simple :
Bi = (Xi – Mi) /(Xi + Mi), avec Xi, les exportations de la branche i et Mi, les
importations de la branche i. Si Bi = 1, la branche est uniquement exportatrice ; si Bi = -1, elle
est uniquement importatrice. Si -0,33<=Bi<=+0,33, il existe un commerce intra-branche. M.
Rainelli souligne que globalement, on peut considérer que plus de la moitié du commerce
entre les pays industrialisés relève d’un échange intra-branche (avec une part croissante dans
le temps). Or les théories traditionnelles ne peuvent expliquer de tels flux commerciaux parce
qu’elles supposent que les biens produits et échangés sont homogènes. Cela dit, l’analyse de
l’échange intra-branche va être affinée progressivement et en dernière date (voir plus loin), la
distinction entre échange intra-branche vertical et échange intra-branche horizontal modifiera
les conclusions habituelles sur ce type d’échanges.
2 - Les fondements de la nouvelle approche
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La théorie traditionnelle de l’échange international s’intéresse aux effets du commerce
international sur les nations en retenant comme hypothèse de base que la concurrence est pure
et parfaite. Dans ce cadre, le libre-échange entraîne un gain pour les nations qui échangent, ce
qui incite au démantèlement des barrières protectionnistes. Cependant, les situations de
concurrence pure et parfaite sont rares: "l’essentiel du commerce industriel est réalisé pour
des produits de secteurs que nous considérons comme des oligopoles lorsque nous les
étudions sous leur aspect domestique" (Krugman, 1989). Dans la majorité des cas, les
marchés sont en situation de concurrence imparfaite (concurrence oligopolistique ou
monopolistique) où le nombre de firmes produisant un bien et agissant sur le marché est
faible. La nouvelle théorie se situera dans ce cadre de concurrence imparfaite.
. L’apparition de cette théorie remonte à la fin des années 70, mais elle s’est surtout
développée dans les années 80. On distingue deux cas de concurrence imparfaite : la
concurrence oligopolistique.qui se traduit par l’apparition de rendements d’échelle croissants
dans la production de biens identiques et la concurrence monopolistique qui se caractérise par
la différenciation des produits.
a - Echange et rendements d’échelle croissants. La situation de concurrence
oligopolistique fait apparaître des rendements d'échelle croissants et des effets de réseau. Les
économies d’échelle peuvent justifier la spécialisation internationale. Si l’on prend deux pays
semblables en tous points : même niveau technique, même dotation en facteurs, même taille et
avec des consommateurs ayant les mêmes goûts différenciés, etc et si l’on considère deux
biens fabriqués dans les mêmes conditions avec des rendements croissants dans les deux pays,
on peut montrer que malgré la similitude des coûts comparatifs qui ne justifierait aucun
échange entre les deux pays, chaque pays peut trouver avantage à la spécialisation et au
commerce international pour obtenir plus de biens qu’en autarcie. Le commerce international
permet à chaque pays de produire plus efficacement un nombre limité de biens sans sacrifier
la variété des biens consommés. En effet, l’augmentation de la production dans l’un des biens
entraîne des gains de productivité, grâce aux économies d’échelle, et donc crée de ce fait un
avantage comparatif. Mais celui-ci ne résulte pas de différences initiales entre les deux pays
puisque, par hypothèse, ils étaient parfaitement semblables mais trouve son origine dans la
spécialisation elle-même, recherchée pour exploiter des rendements croissants. Cette
explication est qualifiée de «théorie endogène» de l’échange international, car c’est la
spécialisation qui crée l’avantage comparatif issu de l’exploitation d’économies d’échelle 1.
1
Dans la mesure où la théorie traditionnelle repose sur des rendements d’échelle constants, la spécialisation
internationale ne pourra être déterminée que par de différences internationales des techniques de production
15
On peut préciser cette analyse en indiquant qu’elle va considérer, d’une part, le cas des
économies d’échelle internes, et, d’autre part, le cas des économies d’échelle externes à la
firme.
Dans le premier cas, l’abaissement continu des coûts de production avec
l’augmentation de la taille de la firme conduit à la disparition de la concurrence (marchés se
rapprochant de la situation de monopole). La conséquence de ces économies d’échelle sur le
commerce international conduit à l’émergence de situations de monopole contestable (un
marché où la firme installée peut être menacée par un entrant potentiel, ce qui la conduit à
fixer son prix à un niveau égal au coût moyen -comportement correct en matière de prix-). Si
tous les marchés sont des monopoles contestables, la spécialisation internationale est totale :
en effet, chaque bien n’est produit à la limite que par une seule firme et donc dans un seul
pays, une seule zone régionale, etc.
Dans le second cas, les économies d’échelle externes à la firme (mais internes au
secteur) sont compatibles avec le maintien de la concurrence. En effet, le coût unitaire de
production dépend alors de la taille du secteur et non pas de celle d’une firme spécifique.
Donnons un exemple d’une telle situation : la concentration géographique d’une industrie
donnée, telle le cas de la Silicon Valley aux Etats-Unis. La proximité géographique des firmes
favorise la diffusion d’informations entre elles, le développement d’un marché du travail
spécifique au secteur et d’une offre localisée de services, de biens utilisés par toutes les firmes
du secteur. L’existence de telles économies va avantager les nations qui vont fournir alors des
volumes importants de production. Ces économies externes peuvent alors pallier un taux de
salaire plus bas dans une autre nation, nation qui ne pourrait accéder à de telles économies. Il
découle de cette situation deux conséquences importantes :
- la taille du marché intérieur d’un pays peut être un facteur explicatif du commerce
international en présence d’économies d’échelle externes ;
- la spécialisation internationale résultant des économies d’échelle externes sont
stables (même si les avantages comparatifs se modifient pour telle ou telle entreprise de la
zone).
b - Echange et différenciation du produit.
(Ricardo) ou de dotations relatives de facteurs de production (modèle HOS). Rappelons que B. Ohlin considérait
que les avantages de la production à grande échelle pouvaient expliquer certains échanges internationaux mais il
n’a pas approfondi cette analyse.
16
La théorie traditionnelle repose sur l’hypothèse d’homogénéité des biens : avec
l’exemple de D. Ricardo, le drap produit en Angleterre est identique quel que soit le
producteur national ou étranger, en l’occurrence le Portugal. Mais pour des raisons objectives
ou subjectives, les consommateurs ne considèrent pas comme identiques les produits de deux
firmes appartenant à la même branche. Indiquons que nous sommes en présence d’une
concurrence monopolistique. Selon la théorie de la concurrence monopolistique, la
concurrence entre les entreprises rivales ne se fait pas seulement sur les prix (leur pouvoir de
monopole leur octroie une certaine latitude dans la fixation des prix) mais aussi sur les
produits. Chaque entreprise dispose d’un monopole sur un produit qui n’est pas strictement
identique aux produits des entreprises concurrentes (les produits sont différenciés, par
exemple par des dépenses de publicité). Si on s’intéresse à l’application de cette théorie sur le
commerce international, on remarque que la production d’un nouveau produit n’est limitée
que par la taille du marché. De ce fait, l’ouverture au commerce mondial permet d’accroître
la variété des biens, ce qui permet une meilleure adaptation de l’offre aux demandes
spécifiques des consommateurs. Le commerce international peut donc se réaliser de manière
intra-branche : un pays peut à la fois importer et exporter une même catégorie de produit. Cela
étant, cette différenciation des produits peut donner lieu à un échange intra-branche horizontal
ou à une échange intra-branche vertical.
Dans le premier cas, les produits sont de même qualité mais les consommateurs les
distinguent en raison de différences réelles ou perçues (couleur, forme, dépenses de publicité,
service après vente, etc). Dans le second cas, les consommateurs sont confrontés à des
produits de qualité différente (par exemple, les modèles d’automobiles d’un constructeur). Les
consommateurs à revenus élevés demandent la qualité supérieure alors que ceux à revenus
plus faibles vont se diriger vers la qualité inférieure. C’est en définitive le niveau moyen de
revenu des habitants qui va alors expliquer la spécialisation internationale. L’échange sera
constitué de produits de qualité différente.
Prenons l’exemple du développement de l’échange intra-branche de la Communauté
européenne. La Cee enregistre une intensification des échanges entre Etats membres et un
développement du commerce intra-branche : il s'agit d'échanges croisés de produits similaires
représentant des flux d'importations et d'exportations de grandeur comparable. Le commerce
peut porter sur des caractéristiques absentes du marché domestique. Dans les échanges
croisés, les flux bilatéraux entre deux pays doivent être distingués des flux multilatéraux entre
un pays et tous les autres: a priori, ce sont les flux bilatéraux qui correspondent véritablement
à la définition d'échanges croisés. Pour évaluer ce type d'échanges, l’indicateur qui a été le
17
plus utilisé est celui de Grubel-Lloyd : il mesure la part du commerce intra-branche dans le
commerce total d’une branche donnée. Avec n, le nombre de branches étudiées, i, l’indice de
la branche et X et M respectivement les exportations et les importations du pays étudié, le
ratio global de Grubel-Lloyd s'écrit :
Cet indicateur tend vers 1 quand prédominent les échanges intra-branche. Quand il
tend vers 0, le pays considéré importe ou exporte, mais pas les deux à la fois, plusieurs
catégories de produits (échanges inter-branches). Le commerce intra-branche s'est accentué
dans les années qui ont suivi l'instauration du Marché commun, tendance confirmée jusqu'à la
fin des années 70. Cependant, même si l'influence de l'intégration économique est explicative
de cette évolution, déjà en 1958 ce commerce représentait une part significative des échanges
des premiers pays membres de la Cee. L'intégration est donc un facteur partiellement
explicatif du développement du commerce intra-branche. La proximité géographique et le
caractère comparable des demandes nationales ont favorisé le développement de ce type de
commerce. Sur la période 1961 - 1985, les tests de F. Mazerolle et J.-L. Mucchielli sur le
commerce extérieur des pays développés indiquent une forte présence du commerce intrabranche dans leurs échanges de biens manufacturés. Cependant, la progression de ce type de
commerce dans les pays européens s'est ralentie sensiblement au cours des quinze dernières
années (haut niveau déjà atteint par ce type d'échanges et plafonnement de l'intégration
commerciale). En 1997, L. Fontagné, M. Freudenberg et N. Péridy distinguent trois types de
flux commerciaux dans l'étude du lien entre l'intégration économique européenne et le
développement du commerce intra-zone. Ils utilisent deux critères :
- un critère de similarité reposant sur la valeur unitaire (prix par tonne de produit) des
produits de même nomenclature faisant l'objet d'un échange. Deux produits sont définis
comme similaires (ou différenciés horizontalement) si les rapports des valeurs unitaires des
importations et exportations diffèrent de moins de 15%. Ces produits n'ont pas de
caractéristiques techniques et qualitatives différentes, les biens se distinguant par leur
conditionnement et leur adaptation aux goûts des consommateurs.
- un critère de croisement des échanges : un flux commercial est bi - directionnel si le
flux minoritaire (le moins élevé) représente au moins 10% du flux majoritaire (le plus
important). Dans le cas contraire, l'échange se fait dans un seul sens et peut être assimilé à un
échange inter - branches.
18
Trois types d'échanges sont possibles : un échange de produits similaires, différenciés
horizontalement, satisfaisant aux deux critères de similarité et de croisement ; un échange "à
double sens" de produits différenciés verticalement par leurs qualités et leurs caractéristiques
techniques qui satisfait au
critère de croisement des échanges mais pas au critère de
similarité; un échange "dans un seul sens" ou univoque (échanges inter - branches) qui ne
satisfait pas au critère de croisement des échanges. Les biens différenciés horizontalement
échangés entre deux pays sont produits à l'aide de technologies identiques : leur fonction de
production est la même dans les deux pays. A contrario, l'échange de produits différenciés
verticalement provient de branches utilisant des techniques différentes. Un produit de qualité
supérieure, dont la fabrication requiert une technologie avancée, nécessitera par exemple un
volume relativement élevé de recherche - développement et de main-d'œuvre qualifiée. Ce
type d'échange s'effectuera entre des pays de niveau de développement inégal. L'échange inter
- branche va concerner des pays très différents quant à leur niveau de développement
technologique et leur dotation factorielle. Il est important de noter l'existence d'un coût
d'ajustement dans le développement du commerce de produits différenciés verticalement en
raison de l'apparition d'une spécialisation (produits de haut de gamme, de moyenne gamme,
de bas de gamme).
Les tests empiriques montrent que le commerce inter - branches a sensiblement
régressé en passant de 47% en 1980 à 38% en 1995. C'est le commerce intra-branche de
produits différenciés verticalement qui a le plus augmenté en passant de 35% à 42% du total.
Quant au commerce intra-branche de produits différenciés horizontalement, il progresse
relativement peu, de 18% à 20 % du total des échanges intra - européens. Le commerce intra branche s'est développé avec le Marché unique et, parmi les nouveaux entrants, l'Espagne et le
Portugal ont fortement enregistré l'expansion de ce type de commerce (essentiellement de
type vertical) mais pas la Grèce. Le commerce intra - branche de produits différenciés
horizontalement est surtout intense entre les pays dont les niveaux de développement et les
performances technologiques sont les plus proches : l'Allemagne, la France, la Belgique et les
Pays-Bas. Le commerce de produits différenciés verticalement est celui qui a crû le plus
rapidement. Il est prépondérant dans les échanges des pays du Nord (y compris la France)
alors que dans les pays d'Europe du Sud, le commerce inter - branches prédomine. L'étude de
l'échange des produits selon leur qualité confirme le contraste très net entre le modèle
commercial des pays du Nord (y compris la France) et celui des pays méditerranéens. Ces
derniers exportent dans leur commerce intra - branche avec les pays européens des produits de
qualité relativement faible (fréquemment liés aux ressources naturelles ou de consommation
19
courante) avec des techniques moins avancées et une main-d'œuvre moins qualifiée. De plus,
leurs échanges sont principalement inter- branches. La conséquence est importante pour
l'union monétaire : il existe un risque accru de chocs asymétriques dans les pays du Sud de
l'Union européenne alors que les instruments budgétaires pour les traiter font défaut. Ces pays
sont beaucoup plus sensibles à la concurrence des pays à bas coûts salariaux et défendent des
positions différentes en matière de politique commerciale internationale, ce qui ne facilite pas
une solution européenne de leurs difficultés.
Remarque : le libre-échange : un paradigme en situation d’inconfort, article d’H. Bourguinat en ligne
dans la rubrique « Documents complémentaires » (lecture recommandée)
Trois points sont à souligner à propos de l’article d’H. Bourguinat :
1 - En ce qui concerne les coûts comparatifs dans une économie globalisée. L’hypothèse d’immobilité
internationale des facteurs de production apparaît de moins en moins pertinente en raison de la mobilité
internationale grandissante du travail, notamment qualifié, du capital et de la technologie. Avec la globalisation,
les Etats-nations traditionnels disparaissent (ils ont de moins en moins des frontières économiques ; seules
demeurent des frontières administratives). De ce fait,, dans une économie-monde, le modèle ricardien apparaît
moins adapté à rendre compte de l’échange international. En réalité, c’est le moindre coût au niveau global (coût
absolu smithien) qui sera recherché.
2 - L’acte II de Samuelson montre que, même si l’analyse en termes de coûts comparatifs garde une
certaine pertinence, dans un monde où délocalisations et transferts de technologie se développent, le gain de
deux pays A et B produisant deux biens à l’échange n’est plus certain, en particulier dans le cas suivant : s’il
survient un gain de productivité du pays A dans le bien que ce pays importe en provenance du pays B 2 tel qu’il
soit suffisant pour égaliser le ratio des coûts relatifs entre le pays A et le pays B. Dans ce cas, le pays B n’a plus
de gain à l’échange. Le commerce apparaît alors désavantageux.
3 - En ce qui concerne le renfort ambigu de la « nouvelle théorie de l’échange international », on peut
noter que la différenciation des produits n’est pas sans fin et à la limite, elle conduira à de situations de
concurrence entre les produits différenciés (en raison des transferts rapides de technologie). La montée en
gamme continue n’est sans doute pas la solution aux problèmes du sous-emploi dans les pays développés
confrontés à une nouvelle géographie des économies d’échelle (déterritorialisation des activités industrielles,
notamment dans la zone asiatique). Même si «la maîtrise de parties les plus élaborées des produits-systèmes et
de la recherche resteraient aux pays actuellement leaders » (hypothèse néanmoins discutable), la nouvelle
situation créée par ce basculement de la géographie des spécialisations industrielles aboutira à des créations
d’emplois insuffisantes dans les pays développés. Cela étant, l’exploitation d’économies d’échelle distantes
bénéficie à la main-d’œuvre employée et aux détenteurs de capitaux réels et monétaires qui investissent dans ces
zones émergentes.
2
On suppose qu’il existe au départ une situation de spécialisation selon les avantages comparatifs ricardiens : le
pays A importe par exemple du bien Y en provenance du pays B qui, lui, importe du bien X en provenance du
pays A.
20
En conclusion, aucune des explications relevant des théories traditionnelles ou
nouvelles ne peut expliquer la totalité des échanges internationaux (même si un certain
nombre d’économistes -J. Finger aux Etats-Unis, par exemple- ne font référence qu’à
la théorie ricardienne des coûts comparatifs pour expliquer tout type d’échanges). De
façon générale, alors que la théorie traditionnelle ambitionne de fournir un modèle
explicatif général du commerce international, la tendance à l’heure actuelle est de
considérer qu’il existe des explications particulières, pertinentes pour tel ou tel type
d’échanges, selon les différences de développement des pays échangistes, les
particularités des processus de production ou encore le degré de différenciation des
produits faisant l’objet du commerce international. Un faisceau d’explications est donc
proposé, ce qui, il faut bien en convenir, n’aide pas à faciliter une compréhension
synthétique des déterminants de l’échange international.
ANNEXES
ANNEXE 1 - Clusters d’entreprises et situations d’équilibre du cluster
Sur un plan domestique, l’appareil productif communautaire, à défaut d’être régulé par
des politiques communes, peut créer de nouvelles sources d’avantages comparatifs en
développant des stratégies de production axées sur la constitution de districts industriels.
Certains pays de l’Union européenne tentent des expériences de ce type qui demeurent encore
essentiellement nationales (Espagne, Danemark, etc) sans implication directe des instances
communautaires. En France, cette politique est incarnée par les pôles de compétitivité définis
récemment par les pouvoirs publics. Quels sont les avantages d’une telle organisation de la
production ?
Sur un plan théorique, une des premières analyses consacrées à la dimension
géographique de l’industrie est due à A. Marshall qui développe l’idée qu’une entreprise
bénéficie de trois effets positifs en se localisant près d’autres fimes du même secteur: des
économies de coûts de transport dans la production et la distribution, un marché du travail
local spécialisé efficace, et des échanges intenses d’information entre producteurs. Il s’agit
d’économies d’échelle localisées. Plus récemment, M. E. Porter a développé la théorie des
clusters qui définit les clusters comme une concentration géographique de firmes et
21
d’institutions dont les activités sont interconnectées et interdépendantes dans un secteur
économique particulier. Le succès d’un cluster sera fondé sur la compétitivité résultant de
l’interconnexion entre les entreprises et les institutions dans un espace donné. Le secteur
concerné devra cependant posséder un ou plusieurs avantages concurrentiels, c’est-à-dire des
points forts qui rendent un secteur dominant dans un domaine précis. Il y a quatre
déterminants à cet avantage concurrentiel : les facteurs de productions, notamment les
facteurs spécifiques, la demande, les industries amont et apparentées, la stratégie et la
structure des entreprises. Pour expliquer le
développement des clusters, la théorie
économique insiste sur le concept d’économie d’échelle ou de rendements croissants, c’est-àdire l’existence de gains à la concentration de la production sur un espace donné. Il existe un
second élément déterminant à toute analyse d’économie géographique qui est l’apparition de
coûts de transaction lorsque les agents ne sont pas localisés au même endroit et qu’ils
interagissent dans leurs activités économiques pour échanger des biens ou des services. Ces
deux conditions sont nécessaires pour expliquer la question de la concentration géographique.
C’est donc l’interaction des forces de concentration - l’exploitation d’économies d’échelle
localisées - et des coûts de transaction qui permet d’expliquer l’existence de clusters.
Aujourd’hui, l’analyse de tels clusters doit prendre en compte les évolutions de la
concurrence imparfaite induites par la mondialisation des activités qui tend à faire émerger
davantage des formes de concurrence monopolistique plutôt qu’oligopolistique. En effet,
l’acuité de la compétition entre les firmes, en raison de la mobilité internationale des facteurs
et des connaissances, est telle qu’elle conduit toute entreprise à des efforts continus et de plus
en plus importants de différenciation des produits.
C’est ce contexte productif nouveau qui nous conduit à proposer ci-dessous une
analyse des situations d’équilibre du cluster en situation monopolistique. Dans la mesure où
les processus productifs globalisés seront confrontés à une concurrence de plus en plus vive,
la différenciation continue des produits sera la règle et inscrira la concurrence monopolistique
comme structure de marché dominante. Les activités seront à rendement croissant dans une
étape de la croissance du cluster, celle de la zone d’efficacité du cluster (graphique cidessous). RM est la recette moyenne des producteurs (ou fonction de demande inverse) et
Rm, la recette marginale de ces producteurs. CM et Cm représentent respectivement le coût
moyen et le coût marginal des producteurs. En produisant dans la zone d’efficacité du cluster,
les firmes optimiseront leur profit (situation d’équilibre Po, Qo). Néanmoins, le cluster se
22
caractérisera par une courbe de coût moyen de longue période en U 3 en raison d’inefficiences
initiales dans la phase de croissance du cluster (déséconomies externes dus à la sa faible taille)
et dans une phase ultérieure s’il ne parvient pas à éviter les coûts traditionnels de la croissance
urbaine mais aussi ceux de la périphérie.
3
Même si chaque firme du cluster bénéficie de rendements d’échelle croissants.
23
On peut notamment souligner que l’éloignement d’une zone portuaire risque de rendre
difficile son insertion dans le commerce international, ce qui semble donc condamner à terme
les pôles de compétitivité qui, par exemple dans l’Union européenne, seraient situés en dehors
du pentagone industriel communautaire4. La zone d’efficacité du cluster permet de faire
émerger de nouveaux avantages compétitifs que les firmes pourront exploiter sur les marchés
internationaux : il s’agira le plus fréquemment d’activités intenses en recherchedéveloppement et innovation et en travail qualifié.
4
Il s’agit de la zone productive à rendements d’échelle croissants de l’Union européenne délimitée par les villes
de Londres, Paris, Milan, Munich et Hambourg.
24
ANNEXE 2 - Les pôles de compétitivité en France
§§§
25

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