Fortran : Fortran is here to stay

Transcription

Fortran : Fortran is here to stay
Identification des failles
Article paru dans le journal El-Watan du 17 juin 2003
et dans Le Quotidien d’Oran du 5 Aout 2003.
Par Charif Abdelhamid, Professeur
Ecole Nationale Polytechnique, Universités de Batna et Riyad
Très nombreux, sans doute unanimes, furent les Algériens à trouver que la
prestation du CRAAG pendant le séisme de Boumerdès fut loin d’être exempte de
reproches. Il ne s’agit pas de la fausse estimation de la magnitude du séisme qui en est la
cause. Les bourdes, toutes les élites en ont de temps en temps. Même si la tendance pour
les séismes superficiels est plutôt vers l’excès, la brèche ouverte par la mauvaise sous
estimation aurait pu néanmoins être rapidement colmatée si on avait humblement jugé utile
d’en prendre acte et d’assumer. L’embarras (si embarras y avait eu) aurait été vite dissipé
et oublié. Le CRAAG aurait même pu alors, en mettant en avant le sous équipement et le
sous encadrement, bénéficier de l’élan de sympathie et de solidarité comme le reste des
sinistrés. Un jugement scientifique de valeur aurait alors été impossible à avancer. Rien de
cela ne fut. Le CRAAG opta pour une piste pour le moins surprenante en défendant, des
jours durant, contre vents et marées, une explication pleine d’incohérences. Il fut certes
desservi par la sur-médiatisation et l’acharnement de certains journalistes sur le refrain des
répliques. Initialisation à 5.2 dés le premier communiqué, autrement dit à plusieurs milliers
de pourcents en termes énergétiques. Incrémentation jusqu’à 5.8 lors du deuxième
communiqué et puis de la bouche du premier responsable, la suite passa à 6.2 sans
jamais converger. Il n’est plus nécessaire dés lors d’être prix Nobel de géophysique, génie
sismique ou géologie, pour ressentir le malaise de Bouzaréah. C’est là que le véritable
préjudice fut causé et consommé par les pauvres Algériens “incapables jusqu’à mesurer
leurs malheurs”. La thèse de mesure “locale” ou “nationale” fut tout de suite anéantie par
les répliques, subitement mieux estimées, et qu’on confirma être de Zemmouri et non d’un
lointain Kobé. L’embarras, qui en règle générale doit pudiquement être évité, devient hélas
dans de pareilles situations une obligation thérapeutique incontournable. Si les concernés
ne s’en chargent pas, d’autres le feront à leur place. Remarqué fut ainsi, le silence observé
par les experts du domaine, laissant ainsi l’initiative aux journalistes et responsables
politiques qui, par des insinuations courtoises, ont clairement fait passer le message.
Au delà de la mésaventure des gens du CRAAG, auxquels nous souhaitons
suffisamment de réserve pour absorber cet embarras et le positiver et, pourquoi pas,
rebondir lors des inévitables prochaines échéances sismiques, le silence corporatif des
scientifiques sur les erreurs de leurs collègues mérite quelques réflexions. Est-il dans
l’intérêt d’une profession (médecine, engineering, justice, journalisme …) que des
collègues couvrent les bavures professionnelles de leurs pairs ? Est-il légitime pour les
scientifiques de se plaindre de la place que leur accordent la société et les pouvoirs
publics et de protester contre l’image que se font d’eux ces derniers sans daigner se
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regarder dans le miroir et sans se soucier du signal émis ? On ne peut impunément laisser
faire des pratiques abîmant cette image, telles que ce syndicalisme universitaire qui ne
cesse de niveler et raser par le bas et qui n’a de revendications que dans le sens de la
consécration de la médiocrité. Dans le triste épisode du CRAAG, en abandonnant
l’initiative aux caricaturistes et politiciens, c’est toute la communauté scientifique qui se
trouve ainsi épinglée. Nos politiciens ont tenu le meilleur rôle cette fois-ci et nous ont bel et
bien et damé le pion. Entre la compétence et la médiocrité il n’y a qu’un pas. Il suffit d’une
mauvaise attitude, d’une inaction ou d’un silence inapproprié, de si peu, pour basculer.
Il est aussi question d’attitude dans le grand débat post-sismique sur les
enseignements à tirer et les correctifs à apporter. Une mauvaise approche peut faire
avorter tout le processus. L’acharnement à vouloir trouver des coupables et boucs
émissaires peut s’avérer plus préjudiciable qu’utile. Quand il s’agit d’un véritable fléau
national, comme c’est le cas pour la mauvaise production du béton en Algérie [1] (voir
article dans le Quotidien d’Oran du 03/06/2003), les responsabilités sont tellement
imbriquées et diluées que c’est la faute soit à tout le monde ou bien à personne. Une
entreprise de réalisation se déchargera vite en compromettant les maîtres d’œuvre et
d’ouvrage. Ces derniers ne manqueront pas de mouiller l’organisme de contrôle et tout le
monde pointera le doigt vers les décideurs locaux et nationaux qui les ont désignés, pour
qu’en fin de compte les sinistrés se retrouvent accusés d’avoir participé aux élections. La
recherche de véritables coupables n’est indésirable ni en soi ni pour sa complexité mais
surtout pour ses conséquences néfastes sur les attitudes de beaucoup d’intervenants.
Différents responsables d’organismes, craignant d’être mêlés ou se sentant obligés
d’assumer un passif qui n’est pas le leur, réagiront alors en se mettant d’abord dans une
position défensive forcément inconfortable, mais surtout en tentant d’occulter les véritables
causes et problèmes, qu’ils jugeront compromettants, et fausser ainsi les diagnostics
pertinents. Ils constitueraient en fin de compte un obstacle majeur, et la prise en charge
des urgences prioritaires serait ainsi reportée aux prochaines catastrophes. On se
contenterait de retouches telles le sur-classement en zonage sismique de la région
touchée et d’apport de nouvelles modifications à un règlement parasismique venant
pourtant juste d’être amendé.
S’agissant de défaillances collectives ou de crises de dimension nationale, sans
faciliter et accompagner les uns et les autres dans l’identification et la reconnaissance des
erreurs, la culture de la médiocrité s’enracinera et sévira chaque jour un peu plus et les
manifestations d’activités sismiques ou climatiques naturelles risqueront d’être tragiques
chaque fois davantage.
A. Charif
[1] A propos du béton Algérien, Le Quotidien d’Oran du 03-06-2003
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