Martin Luther King prédication bis

Transcription

Martin Luther King prédication bis
Prédication du Jeûne Fédéral, 21 septembre 08
Lectures bibliques: Esaïe 58.5-8; Luc 6.27-36; 1 Corinthiens 13.3-7
Le Jeûne fédéral: Vers quoi doit-il nous mener? Quand le prophète Esaïe parle
du sens du jeûne qui honore Dieu, il est on ne peut plus clair: Tout ce qu’on fait
pour Dieu doit nous conduire à exercer l’amour: Libérer les hommes, partager
son pain, ouvrir sa maison, ne pas se détourner de celui qui est ton frère.
Aujourd’hui, c’est l’occasion de nous pencher sur l’existence d’un homme, qui,
par son engagement, a incarné l’amour dans une ampleur internationale. Il s’agit
de Martin Luther King, surnommé «apôtre de la non-violence.» Cela fait 40 ans
qu’il est mort. Quand il a été assassiné le 4 avril 1968, je n’avais pas 3 ans et
demi. Je suis donc arrivé trop tard pour assister aux secousses formidables de
cette époque. Que reste-t-il aujourd’hui de King, 40 ans après? Il reste de King
l’image forte d’un homme qui a su traduire l’Evangile, en étant pertinent avec
son temps. King s’est attelé aux problèmes cruciaux de sa communauté et de son
temps: l’injustice de la ségrégation raciale.
Bien que King ait été durant toute sa vie victime de la haine, il a pourtant légué
au monde le témoignage de l’impact de l’amour chrétien. A ses adversaires
farouches et violents, il disait ceci: «A votre force physique, nous imposerons
notre force morale. Faites-nous ce que vous voudrez, nous continuerons à vous
aimer.» Ainsi, sur le perron de sa maison balayée par une bombe, il prêche
l’amour des ennemis. Illustrant à merveille ces paroles de Jésus (Luc 6): «Aimez
vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous
maudissent et priez pour ceux qui vous maltraitent. Soyez pleins de bonté
comme votre Père est plein de bonté.»
King a fait de l’amour une force. Dans la droite ligne de l’apôtre Paul, qui a
clairement établi que l’amour n’est pas un discours, mais une action. L’amour de
la Bible est celui qui se confronte à la réalité. L’amour apparaît quand c’est
difficile. Cf. citation de King: «Ce n’est qu’en aimant nos ennemis que nous
pouvons connaître Dieu et faire l’expérience de sa sainteté.» Or, notre réalité à
nous, c’est l’impatience, l’esprit de supériorité, la jalousie, l’envie de se mettre
en avant, l’orgueil. Notre réalité, ce sont les demi vérités qui nous arrangent, la
fuite, la colère, l’amertume. Notre réalité, c’est revendiquer, nous plaindre
comme des victimes, suspecter, critiquer, enfermer, nous montrer négatifs,
susceptibles. C’est quand on est là-dedans que l’amour devient un enjeu, un
enjeu de vie ou de mort. C’est quand on se bat avec ça que notre amour montre
sa valeur. La hauteur de mon amour est testée tous les jours, dans une vie où
c’est tellement facile de déraper. Ce matin, le rappel de King me pose cette
question: Où en est ma compassion?
1
Si King avait l’amour de ses ennemis, en revanche, il ne supportait pas les
injustices. Son amour était au service de la justice et vice versa. C’est dans le
Christ qu’il a repris cette dualité. Cf. citation: «Dieu a les deux bras étendus.
L’un est assez fort pour nous entourer de justice, l’autre assez doux pour nous
entourer de grâce.» Sa devise était: «Un esprit ferme et un cœur tendre». Alors
que trop souvent, ce sont les temps qui sont durs et les idées qui sont molles.
Son amour de la justice et la justice de son amour l’amenaient naturellement à
prendre position en faveur des opprimés. Ce sens de la responsabilité a donné
lieu à ses plus belles formules: « - Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui
coopère avec lui. - Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants;
c’est l’indifférence des bons. - A la fin, nous nous souviendrons non pas des
mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis.»
C’est dans sa foi que King a puisé son espérance pour l’amélioration de la
condition des Noirs aux US. Il a vu dans le christianisme une force capable de
transformer non seulement les individus, mais également la société tout entière.
King avait à cœur sa nation, les US. Il se souciait de son avenir, par sa façon de
discriminer les Noirs. Cf. citation: «Une nation qui produit de jour en jour des
hommes stupides achète à crédit sa propre mort spirituelle.» King voulait que les
US changent, que son pays devienne une société juste. Dans sa lutte en faveur de
la communauté noire, il rêvait d’une nation unie. Cf. citation: «Nous devons
apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous
ensemble comme des idiots.»
King croyait également que l’Eglise avait reçu une mission en faveur des
nations. Cf. ses dires: «L’Eglise est la communauté morale la plus importante
qui a un rôle fondamental à jouer pour libérer tous les enfants de Dieu.» En
parlant d’Eglise, il faut savoir que King a une histoire bien personnelle dans sa
relation avec l’Eglise de sa communauté Noire. Une histoire en 3 temps. Tout
jeune enfant, King est imprégné de ce qui se vit dans l’église noire de ses
parents (église baptiste à Atlanta). Son père est le pasteur (tout comme le grandpère) et sa mère l’organiste. Pour lui, cette église est comme une 2ème famille.
Tout gamin, il s’y trouve toute la journée du dimanche et une partie des aprèsmidi et soirées en semaine. Dans les faits, pour les Noirs, l’église est un lieu de
vie et de refuge extraordinairement fort. Les Eglises Noires sont de véritables
lieux de reconnaissance et d’identification. L’église Noire est le lieu où la
personne Noire se sent exister comme une personne et comme partie d’un
peuple. L’Eglise est comme une mère que Dieu a donnée aux Noirs pour leur
donner la vie et les garder en vie.
Mais à l’adolescence, King est tourmenté par des doutes existentiels. Quand son
père le destine à devenir son successeur au poste pastoral, il résiste. L’ado ne
veut pas devenir pasteur. En fait, les cultes des «églises noires» l’embarrassent:
2
Trop d’effusions émotionnelles, trop de bruit. Les sermons ne lui semblent pas
en phase avec l’actualité et la vie quotidienne des gens. King devient critique par
rapport à ce milieu de son enfance. Il vit un conflit intérieur, une crise
spirituelle. Il a besoin d’aller voir ailleurs, pour se trouver lui-même. Le milieu
universitaire sera ce milieu où il pourra formuler des projets à lui (médecine,
barreau, enseignement, philosophie, sociologie). Mais c’est à l’uni que la foi le
rattrape. En effet, 2 de ses professeurs sont aussi pasteurs. A sa grande surprise,
il découvre qu’un pasteur peut aussi être un intellectuel averti de toute la pensée
moderne. Encouragé par ce modèle de pastorat, il accepte finalement sa vocation
de pasteur. Après son doctorat en théologie (nord du pays), il revient dans le sud
pour son 1er pastorat.
Il se réconcilie alors avec son héritage spirituel des églises noires. Et voici
comment: Dans son combat pour l’égalité, il est constamment sur la brèche, il
prêche tant et plus. Pour finir, les pressions et les menaces de mort viennent à
bout de sa résistance. Un soir, il se trouve sans force. Et là, il vit une crise
personnelle, comprenant que sa foi ne peut en rester à un niveau intellectuel; elle
doit l’habiter totalement. Alors, il revient à ce qu’il avait presque méprisé
auparavant de l’église noire de son enfance, les battements des mains, les cris,
les «amen» retentissants. Cette façon déroutante de vivre la foi, si peu
intellectuelle, il en comprend dorénavant la nécessité. Ajoutons encore que si
King a tenu le choc, c’est en raison de sa proximité personnelle avec Dieu. Il le
dit lui-même, combien aux heures les plus critiques, cette proximité a été réelle
et bienfaisante.
King a été assassiné, mais il est de ceux qui ont marqué le 20ème siècle. Sa mort
n’a pas mis un terme à son œuvre; au contraire, elle a renforcé sa
reconnaissance. En effet, quelques années plus tard (en 1983), le Congrès a
décidé de faire du 3ème lundi de janvier un jour férié en l’honneur du pasteur
King (cf. sa naissance un 15 janvier). Avant lui, seuls George Washington
(héros de l’indépendance et 1er président de l’Union en 1789) et Christophe
Colomb ont été honorés de la sorte. = un honneur exceptionnel, qui démontrait
que même parmi ceux qui l’avaient combattu, beaucoup ont été contraints de
reconnaître que son action avait été bénéfique pour le pays et l’humanité.
Je ne suis pas King. Mais le Jeûne Fédéral me donne l’occasion de me poser la
question de la portée ma compassion. Je ne suis pas King, mais je peux lancer ce
défi à ma foi: Quel est mon impact sur mon village, sur mes voisins, dans ma
famille, et dans mon église? Suis-je connu pour ma compassion, ma foi, et mon
espérance? Pour reprendre les propos de l’apôtre Paul (2 Co 2), je suis appelé à
être la bonne odeur de Christ. Que Dieu nous vienne en aide. Amen.
3