Du lac des Deux Corbeaux à la baie de l`Aiguillon

Transcription

Du lac des Deux Corbeaux à la baie de l`Aiguillon
HISTOIRE
H Baie de
l'Aiguillon
LA ROCHELLE
Un « lac » disparu aux marges de la
Charente-Maritime et de la Vendée
Du lac des Deux Corbeaux
à la baie de l’Aiguillon
Jean GUILLARD
PHOTO MG
es Charentais-Maritimes et les Vendéens
se félicitent de posséder en commun, en
plus d’une partie du Marais poitevin,
qu’ils partagent avec les Deux-Sévriens,
l’actuelle baie de l’Aiguillon. Un site
magnifique à la très longue histoire.
Remontons tout d’abord très succinctement les
temps géologiques, d’autant que la formation de ce
golfe, dit « des Pictons », est assez récente à cette
échelle et ne commence véritablement qu’avec le
quaternaire, soit il y a deux millions d’années.
Les plus importantes variations du niveau des mers
sont alors liées au rythme des glaciations. Quand les
eaux se retirent (régression), la côte s’éloigne du
rivage initial, les fleuves encaissent leur lit, l’érosion
joue à plein et seules résistent quelques buttes
calcaires. Quand elles remontent (transgression)
c’est l’inverse et les fonds marins sont alors recouverts de sédiments. La dernière grande transgression,
datant de 8 000 à 10 000 ans, a déposé d’épaisses
couches d’une argile localement appelée bri.
Aujourd’hui, l’image du golfe ancien « perdure » à
travers le Marais poitevin, mais seule la baie de
l’Aiguillon permet de se le représenter véritablement. Quant aux buttes calcaires elles sont devenues hameaux, villages… et « îles » de légendes,
comme le rocher de la Dive.
L
La baie vue de la pointe de l’Aiguillon (Vendée). À l’horizon, la côte charentaise.
Corbeaux). Si nous en croyons un certain
Artemidore 2 , deux corbeaux, à l’aile droite
blanche, habitaient les îles de ce lac. C’était là que
se rendaient ceux des Santones qui avaient
quelques différends à vider. Les deux contendants
exposaient sur un lieu élevé, chacun un gâteau,
les corbeaux, juges de la querelle, mangeaient le
gâteau de celui qui avait tort, et ne touchaient
point au gâteau de celui qui avait droit ». Lacurie
ajoute : « Strabon3 traite de fable ce récit, nous
n’y tenons pas, et nous ne le citons que pour
constater l’existence d’un golfe au fond duquel se
perdait la Sèvre, ruisseau obscur qui n’est devenu
rivière que depuis la retraite de l’Océan et le dessèchement de ces vastes atterrissements ».
« Ce golfe était connu des géographes anciens,
nous dit l’abbé Lacurie1, qui le désignaient sous le
nom de Lacus Duorum Corvorum (lac des Deux
COLL. PRIVÉE
Contes et légendes
| Le Picton n° 223 | Janvier Février 2014 |
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1. L’abbé Auguste Lacurie (Pons,
1799 ; Saintes, 1878) fut dès
l’origine un membre actif de la
Société d’archéologie de Saintes.
Il participa à la sauvegarde d’un
certain nombre de monuments
locaux comme à la création du
musée archéologique de Saintes
qu’il a géré jusqu’à sa mort.
2. Artemidore : géographe grec
du Ier siècle av. j.-c.
3. Strabon : géographe grec
(64 av. j.-c. - 25 après j.-c.).
Le célèbre rocher de la Dive se
situe en Vendée (carte postale
ancienne colorisée) département
de l’ancien Poitou et pays des
Pictons évoqués par Jules César.

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