Exposition des personnes aux polluants issus des chauffages d

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Exposition des personnes aux polluants issus des chauffages d
Exposition des personnes aux polluants issus des
chauffages d’appoint à pétrole : mesure des polluants des
poêles à pétrole
M. CARTERET, B. HANOUNE, J.-F. PAUWELS
Laboratoire de PhysicoChimie des Processus de Combustion et de l’Atmosphère (PC2A)
UMR 8522 CNRS - Université Lille 1 Sciences et Technologies, Cité Scientifique bât. C11/C5/CERLA
59655 - Villeneuve d’Ascq.
[email protected]
Mots clés : Chauffage d’appoint à pétrole, émissions, gaz, particules, exposition,
intoxications aigue et chronique.
Plusieurs études ont montré que la plupart des gens dans les pays industrialisés
passent environ 90% de leur temps dans des environnements intérieurs, dont
approximativement deux tiers à leur domicile aussi bien l’été que l’hiver [1]. Les
polluants sont présents en quantités variables selon les activités et la topographie
des lieux. Ils sont émis par des sources continues ou discontinues, et leurs
concentrations sont influencées par les conditions de température, d’humidité et de
ventilation. Les sources principales sont les cuisinières à gaz, les chauffe-eau à gaz,
les poêles à bois, les cheminées à foyer ouvert, les radiateurs à gaz ou à pétrole
lampant, ainsi que la fumée de tabac. On trouve également des sources de
Composés Organiques Volatils (COV) telles que les matériaux du bâtiment, les
produits de décoration, d’entretien et de bricolage [2].
D’après le Centre Antipoison de Lille, il a été constaté en 2002 que les poêles à
pétrole représentaient 3% des sources d’intoxications au monoxyde de carbone dues
à des appareils domestiques dans la région Nord-Pas-de-Calais, ce qui correspond à
une trentaine de personnes intoxiquées. Depuis, ces chiffres seraient en
augmentation. Même si on ne possède pas beaucoup de statistiques concernant
l’utilisation des chauffages à pétrole et les intoxications aigues et chroniques qu’ils
engendrent, l’importance de leur utilisation dans la région Nord-Pas-de-Calais
nécessite une évaluation de l’exposition des personnes aux polluants émis par ce
type d’appareils.
Une étude bibliographique portant sur les polluants émis par les chauffages à pétrole
a permis de mettre à jour les travaux réalisés depuis les années 80, notamment par
Mumford et al. [3], Dong et al. [4], Keyanpour-Rad [5], etc..., et de constater que des
composés identifiés comme mutagènes et cancérigènes pour l’homme sont émis en
des quantités qui, à long terme, présentent un risque pour la santé humaine. Nous
avons également pu constater le manque de données pour les années 2000. Or, en
prenant en considération l’évolution de la qualité des carburants ces dernières
années avec notamment une importante désulfurisation et désaromatisation, il est
important de réévaluer les niveaux de concentration des polluants émis par les
poêles à pétrole.
Dans la législation actuelle, seul l’air extérieur est soumis à des normes (en dehors
des atmosphères de travail). Les niveaux de concentration figurant dans le Tableau 1
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sont donnés à titre indicatif pour faciliter les comparaisons avec les niveaux de
concentration mesurés lors du fonctionnement d’un chauffage à pétrole.
Tableau 1. Recommandations et réglementation des concentrations en NO2, SO2 et CO en air extérieur.
Concernant l’air intérieur, des valeurs guides sont déterminées par l’AFSSET
(Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du travail) depuis
octobre 2004 (Tableau 2).
Tableau 2. Valeurs guides de qualité d'air intérieur (VGAI) pour le formaldéhyde, le monoxyde de
carbone et le benzène.
VGAI proposées
Substance
3
50 µg/m
court terme (2h)
(40 ppb)
Formaldéhyde
3
long terme
10 µg/m
(supérieur à 1 an)
(8 ppb)
3
10 mg/m
CO
court terme (8h)
(8,6 ppm)
3
court terme (1-14 j) 30 µg/m
(9,25 ppb)
Benzène
3
moyen terme
20 µg/m
(2 semaines à 1 an) (6,16 ppb)
L’objectif de cette étude est la caractérisation des émissions des chauffages à
pétrole. Dans un premier temps nous identifierons en laboratoire les composés émis
afin de cerner les plus dangereux pour l’homme d’un point de vue toxicologique, puis
un choix de quelques molécules cibles sera fait afin de poursuivre l’étude par une
campagne de mesures chez des particuliers se chauffant au pétrole, afin d’évaluer
leur exposition.
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1 Les chauffages à pétrole
Les poêles à pétrole sont des appareils mobiles de chauffage à combustible liquide,
dont le fonctionnement ne nécessite pas le raccordement à un conduit d’évacuation
des fumées et des produits de combustion1. La norme française NF-128 classe les
chauffages à pétrole à un premier niveau par type générique : radiant, radiant
soufflant, et soufflant à régulation électronique, puis à un second niveau par mode de
combustion. Pour plus de simplicité, nous les classifierons en deux types de
chauffages d’appoint à pétrole, se différenciant par leur système de combustion, leur
efficacité énergétique, leur confort d’utilisation (odeur, entretien…) et leur coût. La
gamme de prix s’étend d’environ 80 à 1000 euros du simple poêle à mèche au poêle
électronique sophistiqué.
1.1 Les poêles à pétrole à simple combustion
Il s’agit de poêles à mèche, qui peuvent être distingués par leur système de
combustion :
Le flux laminaire : le pétrole monte par capillarité dans le brûleur grâce à la
mèche, où il est consumé et porte la zone de combustion à 800 °C. Ce type de
brûleur produit principalement de la chaleur par rayonnement (70% de rayonnement,
30% de convection). Ce chauffage est également appelé radiant.
Le brûleur à flamme : un apport d’oxygène dans la partie supérieure du brûleur
permet d’obtenir une combustion presque complète (1200°C). Ce type de brûleur
produit un rayonnement de 30% et une convection de 70%. Ce chauffage est appelé
convecteur, et possède un meilleur rendement énergétique que le flux laminaire.
1.2 Les poêles à pétrole électroniques
Ils combinent deux technologies complémentaires :
Le brûleur à injection : une pompe située dans le réservoir aspire le combustible
qui est ensuite injecté dans la chambre de combustion où il est réparti sur un tamis,
permettant d’obtenir une flamme plus large et une meilleure combustion.
L’air pulsé, qui permet de chauffer la pièce rapidement et de consommer peu de
pétrole en répartissant la chaleur générée par le poêle par un brassage continuel de
l’air.
Aujourd’hui, tous les appareils, quel que soit leur modèle, sont équipés d’un
détecteur de dioxyde de carbone (CO2) pour des raisons de sécurité. Il coupe le
chauffage avant que la teneur en CO2 n’atteigne 0,8% (+/- 0,2%). Ce gaz est un
indicateur de saturation de l’air, et il est considéré comme corrélé au monoxyde de
1
Article 2 du décret n°2000-1003 du 16 octobre 2000, Journal Officiel n°242 du 18 octobre 2000 ;
modifiant le décret n°92-1280 du 10 décembre 1992, Journal Officiel n°288 du 11 décembre 1992.
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carbone (CO). Malgré le fait que les intoxications soient principalement dues au CO,
peu de modèles possèdent un détecteur spécifique.
1.3 Les combustibles
Il existe un vaste choix commercial de combustibles liquides pour alimenter les
chauffages d’appoint en pétrole. Ils portent également les noms de « pétrole
lampant » et « kérosène ». Lors du raffinage du pétrole le kérosène correspond à la
fraction prélevée entre 220 et 250°C. Il possède des composés organiques compris
entre C10 et C14 [6]. La composition totale du combustible dépend de celle du pétrole
brut utilisé.
Les propriétés des pétroles lampants sont fixées par arrêté2, notamment en ce qui
concerne la teneur en soufre (inférieure à 5 mg.kg-1), en benzène (inférieure à 1,0%
en masse) et en composés aromatiques (inférieure à 1,0% en masse). Le prix moyen
est de 1,5 € par litre en France (conditionné en bidon de 20 L) et 0,6 € par litre en
Belgique (à la pompe), mais le produit sera d’autant plus cher qu’il contient moins de
soufre, de benzène et de composés aromatiques. Actuellement on trouve aussi en
vente des carburants « bio » contenant des huiles végétales, dont les émissions ne
sont pas connues... La combustion de ces différents pétroles lampants déterminera
la nature et la quantité des émissions.
2 Les dispositifs expérimentaux
Dans un premier temps, des mesures qualitatives ont été faites dans une pièce de
laboratoire afin de confirmer l’émission de certains composés identifiés lors d’études
antérieures, détaillés dans la troisième partie de cet article. Suite aux fortes odeurs
émises par le chauffage à pétrole testé, il nous est apparu nécessaire de créer une
chambre de mesures, possédant une extraction et permettant un meilleur contrôle
des conditions expérimentales. Cette chambre permettra notamment de protéger
l’expérience de toute perturbation due à l’ouverture d’une porte, ou aux mouvements
d’air engendrés par l’expérimentateur, et de protéger ce dernier des émissions
malodorantes et irritantes des chauffages à pétrole étudiés.
2.1 Les poêles à pétroles et les carburants
Nous disposons actuellement de deux modèles de chauffage à pétrole, l’un radiant à
mèche (Tayosan 263, Ligne Plus SA, France), l’autre soufflant à régulation
électronique (Zibro SRE 25 E, PVG France SARL, France), ainsi que de quatre
carburants : PTX 2000, Zibro Biocombustible, Zibro Optimal, et pétrole désaromatisé
combustible de Mieuxa. Ces carburants ont des compositions très différentes, mises
en évidence par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de
masse.
2
Arrêté du 12 décembre 2000, modifiant l’arrêté du 28 décembre 1966 modifié, relatif aux
caractéristiques du combustible liquide pour appareils mobiles de chauffage, publié dans le Journal
Officiel de la République Française n°295 du 21 décembre 2000.
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2.2 Les enceintes de mesure
2.2.1 Pièce de laboratoire
Dans une pièce d’environ 80 m3 (Figure 1), fenêtres et porte fermées, nous avons fait
fonctionner notre poêle à pétrole radiant au cours de trois expériences. Les deux
bouches d’aération n’ont pas été obstruées.
Figure 1. Disposition approximative du dispositif expérimental dans une pièce du laboratoire.
L’avantage de l’utilisation de cette pièce est qu’on se rapproche des conditions
réelles d’utilisation « normale » d’un chauffage d’appoint à pétrole. Les inconvénients
sont multiples (l’expérimentateur est exposé, le taux de ventilation doit être mesuré à
chaque fois pour connaître les taux d’émission, les allées et venues dans la pièce
perturbent certaines mesures, notamment celles des particules, etc.), d’où la
nécessité de construire une enceinte adaptées à ces expériences.
2.2.2 La chambre expérimentale
L’enceinte, formant un cube de 2 m de côté, présenté sur la Figure 2, se compose
d’une structure en aluminium (Norcan), d’un plancher, de quatre plaques en
aluminium maintenant les caissons de filtration, ainsi que d’un plafond et de parois
en plexiglas.
Figure 2. Photographie de la chambre de mesures.
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Le conduit d’évacuation est en PVC. La vitesse d’extraction de l’air peut être ajustée,
avec une valeur maximale de 7 m.s-1, soit 200 m3.h-1 (section circulaire du conduit :
10 cm de diamètre). Une entrée d’air est placée en partie basse de chaque face. Les
filtres intégrés aux quatre arrivées d’air limitent l’introduction de grosses particules,
afin d’avoir un niveau de base le plus faible possible. La qualité de filtration est G4 :
selon la norme NF EN 779, elle correspond à une efficacité gravimétrique supérieure
à 90% (seul 10% de la masse des particules passe le filtre). Il s’agit d’un filtrage
grossier ayant une efficacité moyenne de seulement 5% sur des particules de 400
nm.
L’utilisation de cette chambre permet de mieux contrôler les paramètres
expérimentaux (tels que le taux de ventilation, la contamination de la zone
expérimentale), et permet éventuellement une modélisation des émissions (les
dimensions de la chambre permettent de l’assimiler à une petite pièce avec un
volume et un taux de renouvellement d’air connus). Cela évite également à
l’expérimentateur de respirer les émissions malodorantes et irritantes des chauffages
à pétrole étudiés.
2.2.3 Instrumentation
Les deux enceintes de mesure peuvent être équipées avec le matériel suivant:
Analyseurs en ligne
La mesure des oxydes d’azote est faite à l’aide d’un analyseur à chimiluminescence
AC 31 M (Environnement S.A., Poissy, France).
Le dioxyde de soufre est mesuré à l’aide d’un analyseur continu AF 21 M
(Environnement S.A., Poissy, France), spécifique aux faibles teneurs, basé sur la
détection par fluorescence dans l’ultraviolet.
Le monoxyde de carbone est mesuré à l’aide d’un analyseur continu CO 11 M
(Environnement S.A., Poissy, France), spécifique aux faibles teneurs en air ambiant,
avec une détection par absorption dans l’infrarouge.
Les hydrocarbures sont mesurés par un analyseur Graphite 55 (Cosma, Igny,
France), dont le principe de fonctionnement est basé sur la mesure du courant
d’ionisation provoqué par la dissociation des atomes de carbone contenus dans les
hydrocarbures lorsqu’ils sont brûlés dans une flamme à haute température.
Les BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène, xylènes) sont quantifiés par
chromatographie en phase gazeuse (GC 866 AirTOXIC, Chromatotec, Bordeaux,
France).
Analyseurs de particules
Les mesures de particules de diamètre aérodynamique compris entre 15 et 700 nm
sont faites à l’aide d’un appareil appelé SMPS (Scanning Mobility Particle Sizer),
basé sur la relation entre la mobilité électrique et la taille des particules
monochargées (SMPS 3936, TSI, Shoreview, U.S.A.), couplé à un compteur de
noyaux de condensation (CPC 3775, TSI, Shoreview, U.S.A.). Chaque mesure dure
trois minutes.
Les particules de diamètre aérodynamiques compris entre 0,3 et 10 µm sont
mesurées à l’aide d’un compteur optique de particules portable AEROTRAK Model
8220 (TSI, Shoreview, U.S.A).
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Piégeage sur cartouches
Le prélèvement actif du formaldéhyde se fait sur des cartouches de silice
imprégnées d’une solution acidifiée de 2,4-dinitrophénylhydrazine (Supelco LpDNPH
S10, Sigma-Aldrich, France).
Un système de prélèvement sur filtre (Arelco, France) va être mis en place dans
l’enceinte afin de caractériser la matière particulaire.
Badges passifs pour le prélèvement du NO2 (Ogawa, U.S.A.), des COV (Badge
GABIETM, Arelco, France), et du formaldéhyde (UMEx100, Arelco, France). Le but est
de mettre au point un protocole permettant de réaliser ces mesures lors d’une
campagne chez des particuliers volontaires utilisant un chauffage à pétrole.
Spectromètres pour la mesure en ligne du NO2 et du formaldéhyde.
Canisters SilcoCan (Restek, France) pour le prélèvement de la fraction légère
des COV (C2-C9).
Figure 3. Schéma du dispositif expérimental permettant la mesure simultanée de plusieurs paramètres
(température, humidité relative, concentrations en CO, CO2, NOx, SO2, prélèvement de formaldéhyde,
COV et particules).
3 Les émissions de poêles à pétrole
Les essais portant sur les émissions ont été réalisés dans le laboratoire avec le
chauffage à pétrole Tayosan 263 et du PTX 2000 comme carburant. Les résultats
rapportés sont ceux que nous avons estimés les plus représentatifs, en dépit d’un
manque de reproductibilité.
3.1 Les gaz
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La teneur mesurée en oxydes d’azote croît de façon exponentielle à l’allumage du
poêle (Figure 4). Elle atteint un palier au bout d’un temps τ (ici 16 min) et décroît de
façon exponentielle dès l’extinction du chauffage. Les courbes représentant les
teneurs en NO et NO2 n’ont pas été modélisées mais elles sont similaires à celle
représentant les NOx : une croissance à l’allumage de l’appareil, une zone
relativement constante et une décroissance à l’extinction du poêle.
Evolution de la concentration en NOx lors du fonctionnement d'un poêle à
pétrole
Allumage
Extinction
0.200
NO
NO2
NOx
⎛
⎛ t − t0 ⎞ ⎞
y = b × ⎜⎜1 − exp⎜ −
⎟ ⎟⎟ + a
⎝ τ ⎠⎠
⎝
Concentration (ppm)
0.150
⎛ t − text ⎞
y = b × exp⎜ −
⎟+a
τ' ⎠
⎝
0.100
Recommandation OMS par 24h (NO2)
Valeur limite protection santé seuil inférieur (NO2)
0.050
0.000
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Temps (heures)
Figure 4. Evolution des concentrations en oxydes d'azote lors du fonctionnement du poêle à pétrole.
Nos mesures, similaires aux teneurs en dioxyde d’azote tirées de recherches
bibliographiques, sont comprises entre 36 et 170 ppb [7, 8], mais il semblerait
qu’après trois essais, le seuil maximal atteint en NO2 soit plus faible à chaque
fonctionnement du chauffage (compris jusqu’à présent entre 140 et 100 ppb) et que
le temps mis pour atteindre ce seuil maximal de concentration soit plus court à
chaque utilisation du poêle (60, 44 et 16 minutes dans le cas de NO2).
Le dioxyde d’azote est un irritant respiratoire. Une exposition prolongée au NO2 peut
entraîner l’augmentation du risque d’affections respiratoires [9] et potentialise les
réactions aux provocations habituelles des crises d’asthme. La valeur limite horaire
pour la protection de la santé humaine est de 104,6 ppb soit 200 µg.m-3.h-1, à ne pas
dépasser plus de 18 fois par an3 (Tableau 1). Nos résultats ont donc lieu de nous
alarmer quant à la dangerosité de l’utilisation des chauffages à pétrole, étant donné
que le seuil observé lors de son utilisation en continu est aux alentours de 100 ppb.
Le seuil de recommandation de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), fixé à
78,5 ppb de NO2 par 24 heures, est quant à lui largement dépassé. Nous
chercherons par la suite à déterminer s’il existe une concentration en NO2 stable,
typique de chaque appareil.
3
6
Directives 1999/30/CE et 2000/69/CE
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L’évolution du dioxyde de soufre lors du fonctionnement du chauffage n’a pas l’allure
d’une courbe exponentielle (Figure 5) et la teneur en SO2 est proche de la limite de
détection de l’appareil (1 ppb).
Evolution de la concentration en SO2 lors du fonctionnement d'un poêle à
pétrole
Allumage
Extinction
0.010
Concentration (ppm)
0.008
0.006
0.004
0.002
0.000
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Temps (heures)
Figure 5. Evolution de la concentration en SO2 lors du fonctionnement du poêle à pétrole.
Les teneurs en dioxyde de soufre mesurées (environ 6 ppb) sont très faibles en
comparaison des données bibliographiques, comprises entre 93 et 100 ppb, soit 247
à 271 µg.m-3 [10, 8], ce qui est probablement dû à l’amélioration de la désulfurisation
des carburants ces dernières années.
Le dioxyde de soufre est un irritant respiratoire. Les asthmatiques révèlent des
symptômes de l’asthme et une constriction des bronches à partir de 0,66-1,3 mg
SO2.m-3 (0,25-0,5 ppm). Les sujets non asthmatiques peuvent réagir à partir de 26,6
mg SO2.m-3 (1 ppm). Les teneurs mesurées lors du fonctionnement d’un chauffage à
pétrole ne sont probablement pas suffisantes pour déclencher une crise d’asthme,
mais nous ignorons les effets engendrés par une exposition chronique à ce gaz en
faible concentration sur du long terme.
La mesure du monoxyde de carbone (Figure 6) indique une augmentation immédiate
de la teneur en monoxyde de carbone dans l’atmosphère de la pièce pendant le
fonctionnement du chauffage, ce qui peut s’expliquer par une combustion incomplète
du pétrole jusqu’à ce qu’une température suffisante soit atteinte pour la combustion
du carburant.
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Evolution de la concentration en CO lors du fonctionnement du poêle à
pétrole
Extinction
Allumage
5.5
Concentration (ppm)
4.5
3.5
2.5
1.5
0.5
0
1
2
3
4
5
6
7
8
-0.5
Temps (heures)
Figure 6. Evolution de la concentration en CO lors du fonctionnement du poêle à pétrole.
La valeur maximale mesurée en CO (environ 5 ppm à l’allumage, Figure 6) est
comparable aux concentrations trouvées lors de l’étude bibliographique, comprises
entre 0,945 et 6,22 ppm [11, 12] pour un chauffage de type radiant.
Il n’y a pas de reproductibilité des teneurs maximales lors de nos trois essais, donc
les mesures doivent être poursuivies.
Les maux de tête, les nausées et la fatigue sont les signes d’un empoisonnement
chronique au monoxyde de carbone, mais il existe une détérioration insidieuse des
capacités intellectuelles, avec des difficultés de concentration et une diminution de la
fonction cognitive. La concentration en monoxyde de carbone dans l’air inspiré va
déterminer les conséquences sur la santé, mais il a été observé que 40% des
patients ont toujours des problèmes neurologiques trois ans après une exposition
chronique [13]. Dans le cas d’une intoxication aiguë, les conséquences sont le coma
et la mort. Les teneurs en CO émises par les chauffages à pétrole seront donc
mesurées avec soin, notamment dans la nouvelle enceinte de mesures.
3.2 Les particules
La sonde a été placée à proximité immédiate du chauffage radiant en
fonctionnement (à 15 cm de la grille du chauffage et 45 cm du sol). Les données
obtenues lorsque l’appareil ne fonctionne pas (courbe bleue), entre 2 et 5 minutes
après l’allumage (courbe rouge), et entre 3 et 6 minutes après son extinction (courbe
verte) sont reportées sur la Figure 7. Les concentrations maximales mesurées
concernent les particules de diamètre aérodynamique compris entre 15 et 30 nm.
Nous n’avons pas du tout évalué une éventuelle coagulation des particules,
dépendante de l’humidité et probablement de la distance au chauffage, néanmoins,
de très fines particules sont émises à proximité immédiate du poêle à pétrole.
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Concentration en particules selon leur taille
3.0E+04
air pièce
allumage
2.5E+04
3
Concentration (pt/cm )
extinction
2.0E+04
1.5E+04
1.0E+04
5.0E+03
0.0E+00
0
100
200
300
400
500
600
Dp (nm)
Figure 7. Nombre de particules par cm3 en fonction de leur taille.
D’après les travaux de Trichenor et al. [14], la plus grande production de particules,
en masse, a lieu à l’allumage (entre 73 et 721 µg.m-3). La conversion des
concentrations en nombre de particules par cm3 en µg.m-3 nécessite de connaître la
masse volumique des aérosols émis par le chauffage à pétrole, ce que nous n’avons
pas encore déterminé expérimentalement. Néanmoins en supposant que les
particules soient entièrement constituées de carbone graphite (2,25 g.cm-3), nous
avons pu calculer une concentration en particules, de diamètre aérodynamique
compris entre 15 et 700 nm, de 23 µg.m-3, ce qui représente une augmentation de 5
unités par rapport au niveau de fond de la pièce (18 µg.m-3). Cette production de
particules est très importante.
Les particules induisent un stress oxydant à l’origine d’une réponse inflammatoire
des poumons, qui peut déclencher ou accentuer des troubles respiratoires. Les
particules de diamètre aérodynamique inférieur ou égal à 1 µm peuvent atteindre les
régions alvéolaires et persister dans le poumon. Les données expérimentales sur les
effets systémiques des particules, en particulier cardiovasculaires, sont encore
partielles. Les études les plus récentes mettent en avant le rôle biologique des
particules ultrafines (diamètre inférieur ou égal à 100 nm) qui seraient susceptibles
de franchir facilement la barrière épithéliale [15]. La dangerosité d’une exposition à
de telles particules dépendra de sa durée, de la concentration en particules, de leur
nature et des composés adsorbés dessus (Hydrocarbures Aromatiques
Polycycliques, métaux…).
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4 Conclusion et perspectives
En 2002, les poêles à pétrole représentaient 3% des sources d’intoxications au
monoxyde de carbone, dues à des appareils domestiques dans la région Nord-Pasde-Calais, ce qui correspond à une trentaine de personnes intoxiquées. Il n’existe
encore aucune donnée récente concernant l’exposition chronique aux émissions de
chauffages d’appoint à pétrole. Cette étude a donc pour but de cerner les composés
les plus nocifs pour l’homme. Un dispositif expérimental important est mis en place
pour l’identification et la quantification des polluants émis par ce type de chauffage.
Les premiers résultats indiquent que les teneurs mesurées en NO, NO2, SO2 et CO
dans la pièce du laboratoire, augmentent lors de l’allumage du chauffage à pétrole et
décroissent à l’extinction de l’appareil. Une production alarmante d’oxydes d’azote, et
particulièrement de dioxyde d’azote a lieu, à des seuils avoisinant la valeur limite
pour la protection de la santé humaine figurant dans les directives européennes
1999/30/CE et 2000/69/CE, soit une centaine de ppb. De plus une forte production
de particules est constatée lors de l’allumage de l’appareil. Il est donc fortement
conseillé de ventiler correctement les locaux dans lesquels sont utilisés ces
chauffages, soit dix minutes à l’allumage, de ne pas obstruer les bouches de
ventilation, et de ne surtout pas utiliser ces appareils en tant que chauffages
principaux. Une grande partie des émissions n’a pas encore été identifiée, le principe
de précaution s’impose donc lors de l’utilisation des poêles à pétrole, afin de limiter
les affections respiratoires (irritations, crises d’asthme…).
La mesure des polluants sera effectuée par la suite en utilisant différents modèles de
chauffages et différents types de combustibles liquides pour poêle à pétrole,
notamment des types « bio » ou « sans odeur ». L’influence de l’entretien et du
vieillissement des chauffages sera également examinée. L’étude se terminera par
une campagne de mesures à domicile pour évaluer les niveaux de pollution en air
intérieur en conditions réelles d’utilisation par des particuliers.
Références bibliographiques
[1] Levy J.I. Impact of residential nitrogen dioxide exposure on personal exposure: an international study. J. Air Waste Manage. Assoc. 1998 ; 48 :
553-560.
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(n°158) : 82-88.
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chamber study. Journal of Toxicology and Environmental Health 1992 ; 36 : 151-159.
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1988 ; 32 : 75-83.
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6
ème
édition des Journées Interdisciplinaires de la Qualité de l’Air
4 & 5 février 2010