La presomption de paternite

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La presomption de paternite
Christèle CLEMENT
Fiche de niveau 4. Droit de la famille / Filiation / Etablissement de la filiation /
Juin 2007
La présomption de paternité
La présomption de paternité, encore dite présomption Pater is est… par référence à
l'adage du droit romain dont elle dérive, s'entend de la règle qui répute l'enfant de la
femme mariée issu des œuvres de son conjoint. Elle est en droit français un mode
classique d'établissement de la paternité en mariage. Son domaine et son autorité ont
été redéfinis à partir de 1972 dans le but de satisfaire à l'exigence de vérité des filiations.
I. Domaine
La présomption de paternité couvre en principe trois types d'enfants : elle bénéficie tout
d'abord aux enfants conçus au cours du mariage de la mère. Ces enfants s'identifient,
par application des présomptions relatives au temps de la conception, comme ceux qui
sont nés plus de 180 jours après la célébration de l'union et moins de 300 jours après sa
dissolution. La présomption de paternité rattache ensuite au mari de la mère les enfants
simplement nés en mariage. La solution, d'origine jurisprudentielle (Civ. 8 janvier 1930,
aff. Degas, in Grands arrêts de la jurisprudence civile Tome I éd. 2000, arrêt n°37
p.208), a été consacrée par la loi de 1972 et reprise par l'ordonnance du 4 juillet 2005
qui a saisi au passage l'occasion d'aligner complètement le sort de ces enfants sur celui
des enfants conçus en mariage. Enfin, la présomption Pater is est profite aux enfants
simplement portés en mariage, c'est-à-dire conçus avant sa célébration et nés dans les
300 jours de sa dissolution. La solution, elle-même dégagée par une jurisprudence
ancienne (Civ. 2 juillet 1936, aff. Dewalle, in D.1936.1.118), n'est pas inscrite dans les
textes du Code civil français, mais elle se déduit des deux autres critères d'application de
la présomption de paternité. Elle vise concrètement le cas du mari décédé
prématurément, peu après la célébration de l'union.
Dans deux hypothèses cependant, le jeu de la présomption de paternité du mari se
trouve écarté de plein droit malgré le rattachement de l'enfant au mariage de sa mère :
tel est tout d'abord le cas lorsque l'enfant a été conçu pendant la séparation légale des
époux, c'est-à-dire au cours d'une procédure de divorce ou de séparation de corps. La
présomption reprend toutefois automatiquement son empire si l'enfant a la possession
d'état à l'égard des deux conjoints et n'a aucune autre filiation paternelle déjà établie.
La présomption de paternité est également exclue lorsque l'enfant n'a pas été déclaré
sous le nom du mari de la mère et n'a à son égard aucune possession d'état. La situation
suggère une séparation de fait des époux rendant improbable la paternité du mari et
inopportun son établissement. Dans ces deux cas, le jeu de la présomption de paternité
peut néanmoins être judiciairement rétabli en faisant la preuve positive de la paternité
du conjoint. L'action est ouverte à chaque époux pendant la minorité de l'enfant et à
l'enfant seul dans les 10 ans de sa majorité.
La question se pose aujourd'hui de savoir si le mari dont la paternité n'est pas
légalement présumée peut encore se rattacher à l'enfant de sa femme en le
reconnaissant.
II. Force
Simple, la présomption de paternité s'offre à la contradiction. Son autorité n'a du reste
cessé de diminuer depuis 1972. L'ordonnance de 2005 l'a encore affaiblie en renonçant à
maintenir la présomption Pater is est sous un régime spécial de contestation. Désormais,
la paternité présumée du mari peut être combattue comme toute autre filiation,
conformément aux règles prévues pour l'exercice de l'action générale en contestation
de filiation. Ainsi faut-il distinguer selon que l'enfant a ou non une possession d'état vis-
à-vis du mari de la mère et selon la durée de celle-ci. Nulle contestation n'est ouverte
contre la présomption Pater is est en présence d'une possession d'état de plus de 5 ans.
En revanche, faute de possession d'état, la présomption de paternité s'offre à la
contradiction de tout intéressé dans un délai de 10 ans à dater de la naissance de
l'enfant. Elle ne peut en revanche être remise en cause que par certains titulaires
(l'enfant, sa mère, son père présumé et son prétendu véritable auteur) dans l'hypothèse
où l'enfant peut se prévaloir d'une possession d'état de moins de 5 ans à l'égard du mari
de sa mère. L'action doit être introduite dans les 5 ans à compter de la cessation de la
possession d'état. Le renversement de la présomption de paternité reste en toute
hypothèse suspendu à la preuve de la non-paternité du mari.
Bibliographie
- F. GRANET et P. HILT, Droit de la famille, PUG Coll. Le Droit en plus, 2ème éd. 2006,
n°235 à 237 p.120 et s. et n°262 à 263 p.130 et 131.
- X. HENRY, Filiation - Présomption de paternité, in Jurisclasseur civil Art.312 à 315 Fasc.
460 (éd. 2006).
- P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit civil – La famille, Defrenois 2ème éd. 2006, n°1127
à 1165 p.442 et s.