Evaluation comparative des technologies de transport d`énergie à

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Evaluation comparative des technologies de transport d`énergie à
Evaluation comparative des technologies de transport d'énergie à longue
distance pour la revalorisation de rejets thermiques basse température
MAZET Nathalie, STITOU Driss, NEVEU Pierre, MAURAN Sylvain
Travaux réalisés dans le cadre du projet VALOTHERM PR3.3-12
du Programme Interdisciplinaire Energie 2 du CNRS
Contexte
Les rejets thermiques représentent un gisement énergétique considérable mais leur utilisation
se heurte à deux problèmes majeurs : les niveaux de température, la distance entre sites
producteurs et utilisateurs pose le problème de transport de cette énergie, en particulier de sa
forme (électricité, chaleur sensible, chaleur latente, etc…. Le transport de chaleur et/ou de
froid sur de longues distances est donc un enjeu majeur à relever pour la valorisation de ces
rejets.
Principe
Les procédés thermochimiques sont basés sur des réactions solide/gaz ou absorption
liquide/gaz. Ils permettent de réaliser une production thermique à partir d'une source à
distance, grâce au transport d’un fluide réactif à température ambiante entre source et
utilisateur, ce fluide étant impliqué dans des processus thermochimiques renversables (figure
1). Selon les températures opératoires (déterminées par les réactifs utilisés et la pression),
l’effet utile sur le site utilisateur peut être l’effet endo- ou exothermique. Ainsi, des
productions soit de froid soit de chaleur sont envisageables, à partir d’une source distante.
Figure 1 : Principe de base du transport d’énergie thermique par
procédé thermochimique. Sur le site source, la chaleur à valoriser est
utilisée par un processus endothermique pour générer un gaz réactif. Ce
gaz est transporté à Tambiante jusqu’au site utilisateur où il est impliqué
dans un autre processus exothermique, restituant la chaleur à
l’utilisateur. Ces processus étant renversables, le changement de
conditions opératoires, en particulier la température, permet d’inverser
les réactions et les effets thermiques sur les 2 sites. Cette seconde étape
permet le retour du fluide sur le site source et ainsi boucle le cycle.
Source Site
User Site
Waste heat
Heat source
TD
High
pressure
step
Endothemic
process
Low
pressure
step
Exothermic
process
TC
Fluid
at Tamb
Exothermic
process
Fluid
at Tamb
Endothermic
process
TS
TE
Waste heat
Cold
Nous avons de plus défini des concepts originaux associant plusieurs procédés en cascade, par
un couplage thermique entre deux composants endo/exothermiques. Ils donnent un degré de
liberté supplémentaire pour adapter les conditions opératoires du système complet aux
sources/puits disponibles. Cependant, la complexité du système est accrue, car cette cascade
implique un couplage thermique entre 2 réacteurs, en un "co-réacteur".
Figure 2 : Principe du transport de chaleur longue distance par
procédé cascade, réalisant la revalorisation à TC2 d’une source à
TE1. Le procédé simple effet revaloriserait la chaleur de TE1 à TR1
, et nécessiterait une source secondaire sur le site utilisateur
pour la régénération de R1. Par cette cascade, la température de
cette source secondaire est abaissée à TE2. L'objectif est de
réduire TE2 jusqu'à Tamb (par des réactifs et conditions
opératoires appropriées) et utiliser ainsi la source ambiante
gratuite.
VALOTHERM - Février 2011 – N.Mazet
Source Site
Gas1
E1
Endo
High
pressure
step
Low
pressure
step
User Site
Autothermal
reactor
Heat
R1
Exo
R2
Endo
Heat
Fluid2
at Tamb
C2
Exo
Gas1
R1
C1
Exo
Endo
R2
Exo
Fluid2
at Tamb
E2
Endo
Autothermal reactor
Waste heat
Cold
co-réacteur autotherme
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Analyse expérimentale de cascade à sorption solide/ gaz pour le transport
Ce co-réacteur associe 2 réacteurs échangeant leur énergie thermique au cours de l’ensemble
des phases du cycle de fonctionnement (phases réactives, à haute et basse températures, ou
intermédiaires pour assurer le changement de conditions opératoires). Idéalement ce coréacteur est autotherme cad l’ensemble est globalement adiabatique. La gestion de cet élément
autotherme, jamais étudié en lit fixe solide/gaz et en fonctionnement cyclique, constitue un
problème scientifique très original, et un point crucial pour ce procédé.
Cependant, l’analyse de l’ensemble des phases du cycle (y compris phases intermédiaires)
montre qu’il existe un écart à l’autothermicité inévitable, lié à la différence de capacité
calorifique des réactifs dans les deux étapes intermédiaires.
Dans le cas réel, plusieurs causes tendent à augmenter cet écart à l’autothermicité : pertes
thermiques vers l’extérieur, différence entre les cinétiques et dons les temps de réaction dans
chaque compartiment, masses thermiques inertes en contact avec chaque
réactif…Globalement, il en résulte un écart à l’autothermicité expérimental environ 2 fois
supérieur à la valeur théorique.
Plusieurs solutions ont été identifiées pour réduire cet écart :
- augmenter la compacité du co- réacteur pour favoriser les échanges, réduire les pertes et
diminuer les temps de réaction (réacteur ‘à plaque’, type constructal..)
- réduire l’appoint externe par une récupération de chaleur entre gaz entrant et sortant.
- utiliser la source chaude disponible sur le site source, qui peut être compatible, selon les
réactifs, avec les températures opératoires du co-réacteur en phase basse température.
Évaluation des procédés de transport d’énergie thermique à distance
L’objectif est l’évaluation comparée de ces procédés, en incluant les procédés classiques de
transport d’énergie. Une méthodologie générale a été développée, basée sur une analyse
exergétique permettant une comparaison cohérente quels que soient l’extensité transportée.
Fig. 3. Schéma général pour l’analyse thermodynamique du
transport d’exergie. Les procédés ont été divisés en 3 sous
systèmes : le site source, le réseau de transport et le site
utilisateur. n est le flux d'extensité (électrons, gaz, liquide, solide
caractérisé par son potentiel chimique généralisé  ou son
exergie.
User site
Tu1
q u
Tu2
ex ,
Source site
 1'
Ts

n
1
2
 2'
ex
q S

n
Chaque sous système est analysé et son rendement exergétique ou le nombre de destruction
d’exergie est quantifié. On en déduit les performances exergétiques globales du procédé de
transport d’énergie.
- Transport de froid
Les procédés analysés sont décrits fig. 4. Ils utilisent la même température de source, et
délivrent une même utilité à l’utilisateur (20 MW, à 8-13°C).
Des hypothèses classiques (coefficients d’échange, efficacité des échangeurs, coefficients de
pertes de charge, vitesses d’écoulement …) ont permis d’évaluer les grandeurs d’état en
chaque point clé du système et ainsi d’en déduire les performances exergétiques.
La figure 5 rassemble les efficacités exergétiques des 5 procédés selon la distance sourceutilisateur.
VALOTHERM - Février 2011 – N.Mazet
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Fig.4. Systèmes de transport d’énergie (production
de froid) impliquant le transport de : a) électricité,
b) caloporteur, c) coulis, d) fluide réactif, associé à
une sorption solide/gaz e) solutions et condensat,
associé à l’absorption liquide/gaz.
Hypothèses :
- les convertisseurs thermodynamiques (moteurs,
PAC, convertisseur chaleur en électricité, en froid,
électricité en chaleur/froid) ont un rendement
exergétique Cel=ch=0.4 (standards industriels)
- échangeurs : efficacité e=0.8 [5], rendement
énergétique =1 (pas de pertes thermiques);
- efficacité énergétique du transport d’électricité à
très haute tension : hv=0.97 [6] ; conversion très
haute/ basse tension : hv/lv=0.9. (dans ce cas, les
efficacités exergétiques et énergétiques sont égales).
- Pour l’analyse l’exergétique To=Tamb= 35°C en été
- Température du sol pour le transport Tsol= 20°C.
Source site
qs
Converter qo
Ts
whv
w’lv
w’hv
electricity
Tu1=8°C
Chiller qu=20MW
q’o
Tu2=13°C
wp
Converter qo
qs
T1
Ts
coolant
Chiller q
coolant
T2
Tu1=8°C
T’1
e=0.8
q’
qo
qu=20MW
Tu2=13°C
T’2
wp
Converter qo
x1
Ts
Chiller
Ts
qo
Reactor
qs
x’2=0
solution
1
Cond
Tu1=8°C
e=0.8
q’
x2
qo
x’1
slurry
q
2
gas
Desorber
qs
Tu2=13°C
1
liquid
1’
2
poor
2’
Tu1=8°C
Evap qu=20MW
Tu2=13°C
solutions
Ts
3
qo
Rendement exergétique
Converter
Evap
2’
qo
Cond
Tu1=8°C
qu=20MW
1’
liquid
q’
qo
qu=20MW
Tu2=13°C
rich
3’
wp
Absorber
qs
q0
Electricité+PAC
0,5
Fig. 5.Rendements exergétiques des 5
procédés étudiés pour le transport
d’énergie, source à Ts=100°C,
production de froid (Tu=8/13°C) sur site
utilisateur.
User site
0,4
Sensible
Coulis de glace
Coulis de TBAB
Solide Gaz CaCl2 8/4 NH3
Liquide Gaz H2O/LiBr
Liquide Gaz NH3/H2O
0,3
0,2
0,1
0
0
20
40
Distance (Km)
60
80
100
Cette figure démontre clairement que les procédés transportant des fluides réactifs associés à
des sorptions ont des performances très intéressantes et donc leur pertinence. Tous les
procédés à sorption sont plus performants que les systèmes basés sur le transport d’électricité
fonctionnant avec la même température de source T s=100°C. Ils sont aussi nettement
supérieurs aux procédés transportant un caloporteur, mono ou diphasique. Parmi les systèmes
à sorption, le procédé liquide/gaz LiBr/H2O est nettement le plus performant.
La comparaison en termes d’investissement dans ce réseau de transport est aussi un critère
important. Cet aspect peut être quantifié par le ratio de la puissance utile sur la somme des
sections des conduites utilisées. Le système LiBr/H2O présente la plus faible valeur de
puissance surfacique (dû à la faible pression opératoire de ce système).
- Transport de chaleur
La même méthodologie permet d’analyser les procédés à sorption solide/gaz associant
transport et production de chaleur (Tu=55°C) à partir d’une même source à Ts=100°C et un
procédé de référence (figure 6). Deux configurations à sorption solide/gaz sont envisagées :
- La configuration classique implique la production de chaleur au condenseur sur site
utilisateur : pour éviter sa condensation en ligne, le gaz réactif doit donc être détendu (jusqu’à
P<Psat(Tsol)) avant son transport à Tsol, puis recomprimé sur site utilisateur pour atteindre une
température de condensation supérieure à T utile.
- Pour éviter cette recompression coûteuse, une configuration couplant 2 réacteurs solide/gaz
(un sur chaque site) peut être envisagée : le solide réactif côté utilisateur doit être choisi
judicieusement afin de permettre une production de chaleur à Tu. Cependant, la phase de
‘régénération’ du réacteur sur le site utilisateur (cad la réaction de décomposition et retour du
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gaz produit vers le site source) va nécessiter une source de chaleur à T>Tamb donc coûteuse,
qui va ainsi impacter les performances exergétiques du système.
Un procédé idéal capable d’utiliser le milieu ambiant comme source gratuite a donc été
analysé : il met en œuvre, sur le site utilisateur, un sel fictif dont la droite d’équilibre est
définie par des conditions de réaction exothermique (Tu) et endothermique (Tamb).
q
qo
2
Reactor
Ts
qo
Tu2
1’
Tu1=50°C
q’
Evap
Tu1
q ’ e=0.8 qu=20MW
2’
1 gas
qo
qs
T’1=55°C
coolant
coolant
Cond qu=20MW
2 liquid 2’
1 gas
gas
2
Tu2=45°C
1’
q’
2’
Reactor
Ts
Heat
pump
Reactor
qs
0,5
1
Ts
sensible
Solide Gaz condenseur
Solide Gaz sel reel
Solide Gaz sel fictif
Rendement exergétique
Converter qo
qs
Tu1=50°C
qu=20MW
Tu2=45°C
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0
20
40
60
Distance (Km)
80
100
2’’ qrégénération
Figure 7 : Systèmes de transport d’énergie et
production de chaleur impliquant le transport de : a)
caloporteur, b) fluide réactif, associé à un réacteur
solide/gaz et un condenseur c) fluide réactif, associé à
2 réacteurs à sorption solide/gaz
Figure 10 : Rendements exergétiques des procédés
étudiés pour le transport d’énergie, à partir d’une
source à Ts=100°C, et associés à la production de
chaleur (Tu=45/50°C) sur site utilisateur.
Les performances de ces systèmes sont comparées figure 7. Pour l’application production de
chaleur, les systèmes à sorption sont pénalisés par les 2 effets qui détériorent fortement le
rendement exergétique (, détente du gaz réactif jusqu’à P<Psat(Tsol) pour éviter condensation
en ligne et recompression à l’arrivée, ou chaleur à T>Tamb pour la régénération).
Une autre solution consisterait à utiliser un procédé cascade (cf fig.2). Cependant, dans ce cas,
les réactifs constituent donc un verrou sévère, et il est a priori difficile de déterminer des
réactifs compatibles avec cet objectif.
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