Vélo`v, Vélib , Vélhop… Très chers vélos

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Vélo`v, Vélib , Vélhop… Très chers vélos
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0123
MERCREDI 20 MAI 2015
Le vélo en libre-service fête ses
10 ans, mardi 19 mai. Ce système
est plutôt un succès à Lyon et
à Paris. Mais la viabilité du modèle
économique reste à démontrer.
Presque gratuit pour l’usager,
le service coûte cher à la collectivité
P
oser sa carte magnétique sur la
borne, attendre le déclic et saisir la bicyclette que l’on pourra
remettre dans n’importe quelle
station : ce geste banal et quotidien a déjà dix ans. Le 19 mai
2005, à Lyon, le maire, Gérard Collomb (PS),
inaugurait le Vélo’v, le premier vélo en libreservice à la française : 4 000 bicyclettes, réparties dans 300 stations à Lyon et à Villeurbanne, étaient proposées aux Lyonnais par le
concessionnaire JC Decaux, leader du mobilier urbain. Paris a suivi, en juillet 2007, avec
un service encore plus étendu : 20 000 Vélib’
annoncés – en pratique plutôt 16 000 – dans
un gros millier de stations.
Dès les années 1970, déjà, le maire de La Rochelle, Michel Crépeau, offrait des « vélos
jaunes » à ses administrés. Des services similaires avaient vu le jour dans les années 1990
à Copenhague, Vienne ou Rennes. Sans jamais atteindre l’envergure du Vélo’v lyonnais ni du Vélib' parisien.
Le succès du système lancé par JC Decaux
en 2005 tient à sa simplicité d’usage mais
aussi à son mode de financement. Le concessionnaire, par l’intermédiaire de sa filiale Cyclocity, aménage les stations et exploite le
service. En échange, il dispose dans la ville
des panneaux publicitaires dont il empoche
les recettes. L’abonné, lui, est très peu mis à
contribution : il bénéficie d’un mode de
transport à un coût qui ne dépasse pas 20 à
40 euros par an.
Le succès du « VLS », comme disent les spécialistes (pour vélo en libre-service), a rapidement séduit d’autres opérateurs, comme le
groupe de communication IHeartMedia ou
la société montpelliéraine Smoove et dépassé les frontières hexagonales.
Mais la viabilité du modèle économique
reste toujours à démontrer. Le service, presque gratuit pour l’usager, coûte cher à la collectivité. En France, après les élections municipales de 2014, plusieurs équipes ont découvert, effarées, son coût exorbitant. En novembre, deux maires nouvellement élus, Nicolas
Daragon (UMP), à Valence, et François Bayrou
(Modem), à Pau, ont songé à y renoncer.
UNE FACTURE SALÉE
Les calculs sont imparables. A Valence, le
coût annuel du Libélo, exploité par Smoove,
atteint alors 400 000 euros, et le nombre
d’abonnés ne dépasse pas 300. A Pau, les IDECycles, gérés par le transporteur Keolis, coûtent 703 000 euros par an, pour 400 abonnés. Dans les deux villes, en retranchant les
recettes, le coût annuel par vélo dépasse les
2 000 euros.
Certes, aucune collectivité n’a jamais prétendu rentabiliser un service public de transport, quel qu’il soit. Mais cela reste énorme.
Benoît Beroud, fondateur de la société de
conseil Mobiped, a épluché un certain nombre de contrats signés entre les municipalités
et leurs concessionnaires. « Le coût par vélo
et par an atteint 2 250 euros à Orléans,
2 413 euros à Rennes, 3 267 euros à Marseille »,
a-t-il calculé.
Le consultant américain Russell Meddin,
fondateur de Bike Share Philadelphia, fixe le
coût annuel d’un vélo, aux Etats-Unis, entre
1 500 et 3 000 dollars, soit 1 317 à 2 634 euros.
A Lyon, Gilles Vesco, conseiller délégué aux
« nouvelles mobilités urbaines », évoque une
somme de 2 000 euros pour chaque Vélo’v,
au lieu des 1 000 euros consignés en 2005
dans le contrat passé avec JC Decaux. En l’occurrence, c’est au concessionnaire, et non au
Grand Lyon, qu’incombe de verser la différence. « C’est une chance d’avoir conclu le
marché les premiers ! », sourit M. Vesco.
Ayant retenu la leçon, le leader de l’affichage publicitaire a appris à mieux ficeler ses
contrats. « Le nombre de vols et le niveau du
vandalisme nous ont surpris », admet Albert
Asséraf, directeur de la stratégie chez JC Decaux.
A Paris, les dépenses explosent. Chaque Vélib' coûterait chaque année 4 000 euros à la
collectivité, selon l’économiste Frédéric Héran, auteur de Le Retour de la bicyclette (La
Découverte, 2014, 120 pages, 17,90 euros).
La régulation, qui consiste à vider les stations pleines et remplir les stations vides,
« compte pour environ la moitié de cette
Quelque 4 000 vélos
en libre-service,
les Vélo’v, sont mis
à disposition
des Lyonnais.
LAFABREGUE/ALPACA/ANDIA.FR
Vélo’v, Vélib , Vélhop…
Très chers vélos
somme, la réparation des vélos vandalisés environ un tiers et le fonctionnement le reste »,
estime l’économiste. Pour lui, « ce n’est pas la
publicité qui finance les vélos, mais bien la
ville, qui renonce à une redevance ».
Ailleurs, la facture est également salée. A
Montréal, le système Bixi, lancé en 2009,
s’est vite révélé déficitaire. La ville a confié sa
gestion à une structure sans but lucratif qui
doit lui rembourser 3 millions de dollars canadiens (2,2 millions d’euros) par an.
A Londres, le principal sponsor du dispositif, la banque Barclays, a annoncé son retrait
fin 2013. Un accident mortel avait terni
l’image des « Barclays Bikes », que tous les
Londoniens surnomment de toute façon
« Boris Bikes », du prénom du maire, le conservateur Boris Johnson. Les vélos s’appellent
depuis le mois d’avril les « Santander Cycles »,
du nom d’une autre banque, qui a accepté de
verser 6,25 millions de livres (8,6 millions
d’euros) par an d’ici à 2022. Quelques collectivités ont jeté l’éponge. M. Meddin a recensé
« LE COÛT PAR VÉLO
ET PAR AN ATTEINT
2 250 EUROS
À ORLÉANS,
2 413 EUROS À
RENNES, 3 267 EUROS
À MARSEILLE »
BENOÎT BEROUD
fondateur de la société
de conseil Mobiped
60 services supprimés dans le monde, dont,
en France, Aix-en-Provence et Plaine Commune (agglomération de Seine-Saint-Denis).
A Lille, la métropole songe à déplacer des stations presque inutilisées, situées à Roubaix,
Tourcoing ou Villeneuve-d’Ascq, dans
d’autres communes du Nord, comme Loos
ou Lambersart, où la demande est forte.
DONNER DE LA CRÉDIBILITÉ
Après une période d’interrogation, le maire de
Valence a en revanche décidé de poursuivre
l’aventure. « Nous sommes parvenus à ramener le coût annuel du service à 300 000 euros »,
indique-t-on à la mairie. Pour limiter le déficit,
Paris, Lyon ou Barcelone ont augmenté leurs
tarifs. Mais cela reste dérisoire. La contribution de l’usager aux recettes ne dépasse pas
5 % ou 10 %, contre 20 % à 30 % pour un bus ou
un métro. Les associations d’usagers ne condamnent pas pour autant le Vélo’v et ses avatars. « Les vélos partagés, y compris parce qu’ils
coûtent cher, donnent une crédibilité à ce
moyen de transport auprès des décideurs », observe Olivier Schneider, président de la Fédération des usagers de la bicyclette. M. Héran
pose la question autrement : « Avec de telles
sommes, que pouvait-on faire d’autre pour encourager les déplacements à vélo ? »
La réponse est à chercher à Strasbourg (Vélhop) ou Grenoble (Métrovélo), qui ont préféré des dispositifs de location de longue durée, d’un jour à un an. Les locataires sont responsables de l’objet, y compris financièrement, ce qui limite les risques de dégradation
et le vélo emprunté est à rapporter à son
point de départ.
« Nous n’avons pas vocation à offrir une bicyclette à chaque Strasbourgeois mais voulons leur donner envie de se déplacer à vélo »,
assure Jean-Baptiste Gernet, conseiller délégué aux « modes actifs ». D’après ses calculs,
« chaque Vélhop coûte à la métropole
400 euros par an ». Soit dix fois moins que le
Vélib’. p
olivier razemon
Et maintenant, cap sur les banlieues et l’électrique
les contrats signés avec jcdecaux pour les vélos en libre-service (Vélo’v et Vélib’) arriveront à
échéance à Paris, en juillet 2017, puis à Lyon, à la fin
de la même année. Les deux municipalités espèrent
profiter de l’appel d’offres pour étendre les services
dans leurs banlieues respectives, au-delà des territoires déjà desservis. « Nous voulons équiper la première couronne, grâce à 1 000 vélos supplémentaires
répartis dans 100 stations », indique Gilles Vesco,
conseiller délégué aux « nouvelles mobilités urbaines » au Grand Lyon.
« Le Vélib’ a vocation à devenir un transport métropolitain », affirme Christophe Najdovski, adjoint à la
Maire de Paris, en charge des transports. Mais, une
fois de plus, la question du financement est posée.
C’est la Ville de Paris qui prend à sa charge les stations Vélib’ disposées, depuis 2009, en petite couronne, dans une limite géographique de 1,5 kilomètre imposée par le Conseil d’Etat. Pour l’avenir, l’adjoint d’Anne Hidalgo veut « discuter de tous les aspects de la métropolisation », y compris financiers,
donc. A Lyon, le coût de l’extension fera partie de la
discussion avec le concessionnaire.
Les Vélib’ et Vélo’v à assistance électrique seront
aussi au menu de ces négociations. L’assistance
électrique, qui ne dispense pas le cycliste de pédaler
mais lui fournit une aide dans les côtes et en cas de
grand vent, contribuera à la régulation entre les stations vides, en haut de Montmartre, à Paris, ou de la
Croix-Rousse, à Lyon, par exemple, et les stations
pleines, dans le bas de la ville. Le modèle d’assistance conçu par JCDecaux consiste en une batterie
qui ne sera pas placée sur le porte-bagages ni dans le
cadre, mais confiée à l’utilisateur. Ce petit boîtier
pourra être fixé sur tous les vélos de la flotte,
pourvu que l’abonné ait choisi l’option « assistance
électrique ».
Le montant de cet abonnement n’est pas encore
fixé. Frédéric Héran, auteur de Le Retour de la bicyclette (La Découverte, 2014, 120 pages, 17,90 euros,)
plaide pour un prix suffisamment élevé, « qui intègre
par avance le vandalisme et les réparations, afin que le
Vélib’ à assistance électrique ne dissuade pas les usagers qui souhaiteraient acheter leur propre vélo ». p
o. r.

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