Femme, mère, fille, etc.,Où sont les hommes ? Du - L`HEBDO-BLOG

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Femme, mère, fille, etc.,Où sont les hommes ? Du - L`HEBDO-BLOG
Femme, mère, fille, etc.
Femme, mère, fille, épouse, amante, maîtresse, lolita, cougar,
maman, putain… De jour en jour de nouvelles appellations
fleurissent pour tenter de cerner ce soi-disant éternel
féminin qui ne cesse d’échapper. Qu’elle soit réduite à une
fonction, ou toujours reliée à un autre qu’elle viendrait
compléter, grammaticalement, « existentiellement »,
intrinsèquement, aucune de ces étiquettes n’a jamais valeur de
nomination. Pour tous les êtres parlants en général, mais pour
celles qu’on dit femmes en particulier.
Aujourd’hui
que
les
noms
du
père
et
ses
repères
se
pluralisent, se complexifient, à une époque où par conséquent
la position féminine ne cesserait de gagner du terrain, il est
notable que les actes misogynes, la violence faite aux femmes,
ou leur inégalité de traitement non seulement n’ont pas
disparu, mais connaissent un retour de flamme, notamment dans
leur association avec les formes les plus extrêmes de la
religion, mais pas seulement.
Cette semaine, l’Hebdo blog se penche sur un tel paradoxe : le
retour du viril aurait-il à voir avec un monde que le sans
limite du pas tout effraierait, insupporterait ? Et quel lien
entre la femme-objet qui peuple nos magazines justement
féminins, et le consentement à se faire l’objet d’un homme, ou
le symptôme d’un autre corps ? C’est sans doute le pari d’une
analyse dont Lacan disait qu’elle hystérise, et que les hommes
aussi étaient soumis à l’hystorisation de la mise en forme :
c’est le lot de chaque parlêtre que de construire son propre
accès au féminin, loin des clichés, par les mots certes, mais
bien au-delà.
Où sont les hommes ? Du
fantasme à l’heure du déclin
de la virilité
Pour interroger le nouveau de cette affaire, je suis revenue à
la façon dont Lacan, avec la passe tente de résoudre
l’obstacle majeur à la fin de l’analyse mentionnée par Freud,
à savoir l’aspiration à la virilité pour les deux sexes. La
thèse de Lacan est que cet obstacle se joue sur la scène du
fantasme. J.-A. Miller[1] donne tout son poids à celle-ci :
l’aspiration à la virilité est d’ordre fantasmatique, elle
repose sur le comblement de moins phi par a, elle tient à
l’élévation fantasmatique du phallus (c’est à ce titre
d’ailleurs que l’obstacle fantasmatique peut être surmonté,
dépassé, traversé) et il précise ceci : « C’est cela même
l’institution du sujet cernée par Freud, soit le caractère
radical de l’institution phallique du sujet par le biais d’un
fantasme lequel est toujours phallique ». La virilité est par
excellence de l’ordre du fantasme. Le fantasme est donc
machine à viriliser les êtres parlants mâles ou les femelles.
Dès lors, il s’agit de destituer le sujet de son fantasme
phallique. Or qu’en est il aujourd’hui si on lit les grandes
fractures « comme l’ordre viril reculant devant l’aspiration à
la féminité » (J.-A. Miller) ?
Dans sa conférence « Kojève, la sagesse du siècle », du 27
juin 94, J.-A. Miller revient sur ce petit article de Kojève,
« Le Dernier Monde Nouveau » dont Lacan recommande la lecture
à la fin du séminaire IV pour s’instruire des profonds
changements dans le rapport entre les sexes. Kojève, non sans
ironie, inscrit les deux premiers romans de Françoise Sagan[2]
dans l’époque du savoir absolu et de la démocratie : la fin du
processus historique datant des conquêtes napoléoniennes. Il
rend hommage à Sagan d’avoir fait éclater la vérité de cette
période : celle « d’un monde (vu par une jeune fille) qui est
nouveau parce complètement et définitivement privé d’hommes »
: le monde du tous pareils, sans héroïsme mâle où les jeunes
filles ne peuvent plus « être données ni prises, mais doivent
se contenter de se laisser faire ». L’époque du savoir absolu
est donc « corrélative du déclin et même de la disparition du
viril » : où sont les hommes ? Au déclin du père, Kojève
ajoute la crise du viril[3]. Celle ci remonte selon J.-A.
Miller à une période bien antérieure, depuis ce traité du XVIème
siècle de Baldassar Castiglione où à l’idéal du chevalier doit
s’ajouter l’esprit, la grâce, la musique, les bonnes manières
de l’homme de cour.
Dans un tel contexte discursif, notre époque n’est-elle pas à
lire comme une réponse à la dévirilisation ? Nous sommes à
l’ère de l’omnivirilisation des semblants, où tout se met à
fonctionner comme l’organe viril. La figure de Terminator
(squelette de fer à l’apparence humaine) donnerait en quelque
sorte le principe du fantasme à l’époque « pornographique » :
les héros/ hardeurs du porno sont en somme des body buildés
pris au piège d’une surenchère de virilité, machines à bander,
condamnées à la jouissance perpétuelle, défaites de leur
prestige viril.
De façon dialectique, le féminin gagne du terrain sur
l’inconscient mâle. Mais toujours pas de fantasme féminin.
Bénédicte Jullien et Serge Cottet relèvent dans un article sur
le libertinage aujourd’hui[4], que les pratiques dites de «
débauche » plutôt soft comparées à l’idéologie sadienne qui
défiait les lois de la République, se caractérisent par des
fictions égalitaires et autres contrats politiquement corrects
auxquels elles sont associées. De fait, il n’y a qu’un seul
fantasme, celui de l’homme auquel une femme veut bien
consentir. Mais existe-t-il des libertines auteures de
scénarios indépendants de la médiation de l’homme, c’est-àdire du phallus ? La question mérite d’être explorée à partir
de la pratique.
Pour conclure je relèverai que le fantasme ne suit pas les
variations des discours et leurs mutations : il persiste
identique à lui-même, c’est ce qui en fait son paradoxe. En
tant que fiction il s’apparente à une vérité mais il occupe la
place d’un réel. La psychanalyse ne produit pas de nouveau
fantasme, au sens où elle n’est pas arrivée à produire de
nouvelle perversion[5]. Le fantasme semble fixe, inerte dans
son dispositif, en raison de son enracinement dans le corps
jouissant.
Dans l’expérience analytique, il se découvre une autre voie
pour atteindre la jouissance que le fantasme. Au-delà du
fantasme phallique, un fois atteint « l’horizon déshabité de
l’être »[6], demeurent les restes symptomatiques qui attestent
de la jouissance comme telle. Elle est appareillée dans un
réseau encore plus fondamental que le fantasme que Lacan a
appelé sinthome. Si le sujet barré se soutient d’un fantasme
compensant son manque à être, fiction qui s’abandonne,
s’oublie ou se désactive, le parlêtre se supporte d’un
sinthome, qui s’avère plus fort que tout. Cela n’implique à
priori aucun cynisme à l’endroit des semblants.
Quelle est dans cette perspective, la place et la fonction du
phallus ? Ce n’est plus le phallus de la signification
commune, celle de la castration, mais un semblant très
spécifique, signifiant de la jouissance une la plus
singulière, impossible à négativer, sans commune mesure, à qui
il revient de « vérifier le réel »[7]. En tant que signifiant
qui manque à l’Autre, il est indépassable. Il ne désigne
aucune singularité triomphante. A cet égard, le psychanalyste
reste à part, non pas à partir d’une identification, ni d’un
trait d’exception, mais de la destitution de sa virilité.
Ce texte est extrait de l’intervention faite par Christiane
Alberti au Congrès de l’AMP à Rio le 25 avril 2016.
[1] Miller J.-A., L’orientation lacanienne. De la nature des
semblants », cours du 9/2/11, inédit.
[2] Cf. Sagan F., Bonjour tristesse, Un certain sourire.
[3] Le spectre de la dévirilisation hante les sociétés
européennes depuis la fin du XIXème siècle jusqu’aux grandes
guerres : affaiblissement des énergies mâles, déperdition de
la force. Dés la fin du XVIIe, montée en puissance de l’homme
du marché. Corbin a très bien décrit cet archétype, de « sexe
en deuil » après Baudelaire, de l’homme triste à mourir, de ce
rôle de même viril auquel il est contraint, qu’il porte comme
le fardeau de l’image antique de la virilité guerrière.
L’éthique matrimoniale notamment induit cette disparition du
viril : l’idéal du bon mari.
[4] Cf. Du Tac au Tac 22 Duos de psychanalystes. Faire couple.
Liaisons inconscientes, ebook à télécharger sur le site ECF
échoppe,
à
l’adresse
http://www.ecf-echoppe.com/index.php/pourquoi-veux-tu-te-marie
r.html
Serge Cottet y questionne notamment le libertinage au féminin,
dans son article « Couples pervers : libertins et autres
échangistes ».
[5] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le Sinthome,
Paris, Seuil, 2005.
[6] Lacan J., « La direction de la cure », Écrits, Paris,
Seuil, 1966, p. 641.[6]
[7] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le Sinthome, op.
cit., p. 118.
De la haine des femmes,
Approches logique et clinique
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L’Œ-deep, À propos du livre «
L’enfant et la féminité de sa
mère ».
Ce livre[1], paru dans l’ombre de la fin 2015, n’a pas fini de
faire parler de lui. François Leguil ne s’y trompe pas en
faisant le pari qu’il est bien plus qu’un « travail de
laboratoire » et « qu’il prendra peut-être parmi nous la place
d’un classique »[2].
Au delà d’être un livre rigoureux, articulé par la clinique,
il réalise ce tour de force de donner tout son poids de réel à
l’Œdipe. Quand certains enterrent l’Œdipe en le
psychologisant, Elisabeth Leclerc-Razavet, Georges Haberberg
et Dominique Wintrebert lui rendent son tranchant en révélant
son scandale : la découverte par l’enfant que sa mère est une
femme. Ce trou-matisme auquel se confronte l’enfant est
abyssal. C’est l’Œ-deep.
La féminité a minima, avance Élisabeth Leclerc-Razavet,
« c’est le manque phallique »[3]. Voilà de quoi faire bondir
les féministes ! Et pourtant sous l’apparence d’un phallocentrisme, et d’une essentialisation de la féminité, c’est
bien le réel qui « prend la parole ». Dur à croire si l’on
regarde cette Autre scène qu’est l’inconscient à partir du
ciel des idées. Pour preuve du réel en jeu, vous lirez le cas
de Frédérique Bouvet commenté avec précision par Dominique
Wintrebert à propos d’un symptôme d’énurésie secondaire qui
est « une réponse dans le réel à la problématique inconsciente
de la mère », à savoir un penisneid : « Le flot urinaire prend
ici une valeur phallique et vient ainsi démentir la castration
féminine »[4].
Ainsi « l’Œdipe c’est un mythe tandis que le complexe de
castration c’est à proprement parler la structure »[5].
Seulement, le complexe de castration, considéré comme « nœud
dans la structuration dynamique des symptômes »[6]
névrotiques, pervers et psychotiques « ne prend de fait […] sa
portée efficiente qu’à partir
castration de la mère »[7].
de
sa
découverte
comme
Le roc de la castration, maternelle donc, exige une réponse du
sujet : accepter ou non qu’il n’y ait « rien plutôt que
quelque chose »[8]. Ce choix du sujet dépend de la relation
qu’entretient la mère à son manque. Ce que résume cette
phrase-clef de Georges Haberberg qui jalonne le livre : « Ce
qui doit orienter notre acte, c’est la castration de la mère
et la forme de son manque, car c’est là que se produit le
sujet »[9]. De là, tous les cas sont permis : cas comme autant
de pépites, dans ce livre, qui tordent le cou aux clichés du
type « Papa pique et Maman coud ».
L’Œ-deep nouvelle génération donne aussi paradoxalement toute
sa place au père réel, qui a pour fonction de s’occuper de la
féminité de la mère et de « consentir au pas-tout qui fait la
structure du désir féminin »[10].
Ce n’est pas une mince affaire car le pas-tout désigne tout
autant une logique phallique que son au-delà. En effet, d’une
part la mère en tant que femme, manque, ce qui l’introduit à
un commerce phallique avec l’homme ; d’autre part, sa
jouissance n’est pas-toute phallique, toujours Autre,
insondable. Il importe, pour l’enfant, que ce dédoublement de
la jouissance féminine soit à la charge du père. Ne vous
inquiétez pas, le livre vous aidera à savoir lire les
embrouilles entre les pères et les mères à travers un usage
pratique du tableau de la sexuation de Lacan !
[1]
L’enfant et la féminité de sa mère, Sous la direction
d’E. Leclerc-Razavet, G. Haberberg et D. Wintrebert,
L’Harmattan, Paris, 2015.
[2]
Voir Lacan Quotidien n°560.
[3]
Leclerc-Razavet E., « Une femme, ma mère ? », L’enfant
et la féminité de sa mère, p. 18.
[4]
Bouvet F., L’enfant et la féminité de sa mère, p. 60.
[5] Miller J.-A., Discours de clôture à PIPOL, voir site de
l’Euro-fédération
de
psychanalyse
:
http://www.europsychoanalysis.eu/index.php/site/page/fr/7/fr/b
ulletin/
[6]
Lacan J., « La signification du phallus », Écrits, tome
II, Seuil, Coll. Points, p. 163.
[7]
Lacan J., ibid. p. 164.
[8]
Miller J.-A., « De la nature des semblants », 1991-1992,
inédit.
[9]
Haberberg G., « Points de repères », L’enfant et la
féminité de sa mère, p. 35.
[10] Miller J.-A., « L’enfant et l’objet », La petite Girafe
n°18, p. 10.
« Back Home » de Joachim
Trier, ou le hors-sens du
féminin
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Girl = Phallus, Les lolitas
de Balthus
L’œuvre picturale de Balthazar Klossowski, dit « Balthus »,
reste encore méconnue du grand public, cataloguée à maintes
reprises comme « érotique, voire perverse » en raison de la
dureté des scènes, notamment dans la série de portraits de
jeunes filles dont on voit le sexe qui dérange tant il est
visible. De ces enfants, le peintre dira: « Certains ont voulu
voir de l’érotisme… Ce sont des anges! »[1].
Cette vision si particulière de l’enfance ainsi que certains
propos tenus par l’artiste comme: « Je voudrais toujours
rester un enfant » et « n’avoir jamais cessé de voir les
choses telles qu’il les voyait dans son enfance », ainsi que
ses nombreuses sources d’inspiration venant de la littérature
et l’art, nous ont servi de fil conducteur pour aborder
l’œuvre picturale à la lumière de la théorie freudienne sur la
création artistique et l’orientation lacanienne sur l’art.
Mais c’est sans doute le « personnage mythique qui incarne
l’archétype de ce personnage éternel de la petite fille, Alice
», qui a été pour nous le point de départ d’un rapprochement
entre Balthus et Lewis Carroll, et qui par ailleurs est
amplement expliqué par le fait que Balthus à son tour se
retrouve « aux côtés de Carroll et Nabokov, qu’ils soient
pervers ou non », comme le souligne Sophie Marret à leur
sujet. Le peintre, quant à lui, « est devenu également
indissociable de la figure de la petite fille à plusieurs
égards » [2].
Photographie d’ Irene McDonald « It won’t come smoooth »,
1863, Lewis Caroll / «Alice dans le miroir », Balthus, 1933.
De plus, et c’est notre parti pris, l’œuvre photographique de
Lewis Carroll, bien qu’également longtemps méconnue du grand
public, aurait, d’après nous, pu marquer l’œuvre picturale de
Balthus. En effet, il nous a été possible d’établir pour la
première fois un parallèle frappant entre les tableaux de
Balthus et l’œuvre photographique de Lewis Carroll, la série
d’images de celles qu’il appelait ses « amies enfants » en
particulier. De cette série, il y a lieu de distinguer les
photos de studio de celles prises en extérieur d’une part,
ainsi que d’autre part les photos des petites filles
« déshabillées » des photos de « nus » où les fillettes
restent, à l’instar de celles des tableaux de Balthus, fixées
à jamais et semblent n’avoir que pour seul objectif de
conjurer « l’énigme inquiétante de l’enfance qui se
métamorphose ». Dans ces portraits, qu’ils soient peints par
Balthus ou photographiés par Lewis Carroll, l’évocation de la
nymphette réapparaît dans ces corps aux formes esquissées et
se dévoile l’équivalence Girl=Phallus, abordée ici et mise en
exergue dans les Lolitas de Balthus : figures idéales de
l’objet du désir, chrysalides fragiles, « descendantes
scandaleuses de la petite fille, modèle carrollien ou doubles
cyniques d’Alice ».
Ce texte est extrait de la thèse de doctorat de l’auteur,
Érotisme et perversion dans l’œuvre picturale de Balthazar
KLOSSOWSKI ou Balthus de l’autre côté du miroir, Étude
psychanalytique sur la peinture[3].
[1]
BELILOS M., « La cérémonie du thé : rencontre avec
Balthus », La Cause Freudienne, N° 46, Navarin, Paris, Octobre
2000, p. 90-92.
[2]
Marret-Maleval Sophie, « Les petites filles de
l’inconscient au mythe » , Lewis Carroll et les mythologies de
l’enfance, (ouvrage collectif) sous la direction de Sophie
Marret- Maleval, Presses Universitaires de Rennes, 1995, p.
66.
[3] MUÑOZ – TRUJILLO DE SHIVER Ana-Maria, Doctorat en Théorie
Psychanalytique (Université de Paris VIII Saint-Denis en 2014
) .

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