MICRO-ABRASION (MA) ET BLANCHIMENT (BL)

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MICRO-ABRASION (MA) ET BLANCHIMENT (BL)
Pratique quotidienne – formation complémentaire
MICRO-ABRASION (MA)
ET BLANCHIMENT (BL)
Deux méthodes pratiques destinées à éliminer les discolorations et éclaircir les dents
PETER BAUR* et PETER SCHÄRER**
* Cabinet dentaire Dr Peter Baur, Pfäffikon/SZ
** Centre de soins bucco-dento-maxillaires de l’Université de Zurich
(Adaptation française de Serge Roh)
(Bibliographie, tableaux et figures voir texte allemand, pages 755–761)
L’importance croissante des exigences en matière de réhabilitations dentaires esthétiques se
répercute également sur le désir des patients d’améliorer l’apparence de leurs propres dents.
Cette tendance accroît la nécessité de conserver une dentition attractive, claire et exempte de
discolorations. Selon la vitalité des dents concernées, des procédés distincts permettent d’y
parvenir. Les dents vivantes ne peuvent être traitées qu’en surface, seules les discolorations
superficielles de l’émail pourront être corrigées, alors que les dents dévitalisées permettent
d’accéder aux atteintes dentinaires. Aujourd’hui, les principaux agents de blanchiment utilisés sont le peroxide de carbamide, le perborate de soude et l’eau oxygénée.
Le présent travail présente les techniques de micro-abrasion et de blanchiment des dents vivantes à l’aide de gouttières et de peroxide de carbamide ainsi que le blanchiment des dents
dévitalisées.
Mots-clés: micro-abrasion, blanchiment, discoloration
Introduction
Au début du vingtième siècle les taches de fluorose dentaire étaient déjà traitées à l’aide d’acides chauffés. Dans
les années 30 toutefois on se rendit compte que l’effet décalcifiant de ces produits induisait une élévation de la susceptibilité à la carie des dents concernées ce qui entraîna
leur abandon. Dans les années 60, ces acides retrouvèrent
leur importance lors du développement des techniques
d’adhésion bien qu’ils furent remplacés par de l’eau oxygénée à 30% dans les processus de blanchiment. Au cours
des années 80 et 90, ces méthodes firent l’objet d’améliorations constantes et devinrent plus fiables, permettant
leur utilisation quotidienne dans les cabinets dentaires.
Ainsi la concentration des acides employés baissa jusqu’à
10–18% (CROLL 1990, 1991) et la mise au point de techniques de blanchiment à appliquer chez soi (Home Bleaching) amena le développement de nouveaux produits
(peroxide de carbamide à 10–15%, eau oxygénée à 3–10%).
La micro-abrasion et le blanchiment sont deux procédés
thérapeutiques peu invasifs qui peuvent être associés ou
utilisés en relation avec d’autres méthodes de traitement
(CROLL 1992). Ces procédés rencontrent aujourd’hui un
succès particulièrement important aux Etats-Unis mais
leur demande croît également en Europe. Leurs résultats
dépendent toutefois de la justesse du diagnostic et du respect de leurs indications. Une information adéquate des
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patients est également nécessaire afin d’éviter des attentes irréalistes. En cas d’insuccès, il est toujours possible
d’envisager une option thérapeutique plus invasive (PUTTER 1992) (fig. 1).
Micro-Abrasion (MA)
La méthode employée actuellement pour procéder à la
micro-abrasion de la surface énamellaire est basée sur
l’utilisation d’acides faibles (10–18%) associés à un agent
abrasif (pierre ponce fine, levures) dans une cupule en
plastique montée sur un contre-angle tournant à basse vitesse (CROLL 1992). L’emploi de diamants à finir très fins
peut être une alternative à cette méthode. L’émail ainsi
traité présente une structure claire et peu rétentive pour la
plaque dentaire (CROLL 1992). Il ne faut toutefois pas
oublier qu’à chaque intervention une épaisseur d’émail
pouvant atteindre 250 m est perdue. Cette technique est
principalement indiquée pour traiter les dépôts énamellaires tenaces, les discolorations superficielles et les inhomogénéités de structure. (Tab. I)
Processus opératoire
Avant de commencer, l’opérateur revêt les protections
usuelles que nécessite tout traitement dentaire. Les yeux
du patients doivent également être protégés (lunettes) afin
Micro-Abrasion (MA) et blanchiment (BL)
de prévenir d’éventuelles projections d’acide. Après un
détartrage et un nettoyage approfondi de la dent, la surface à traiter doit être inspectée avec minutie afin de s’assurer de l’absence de failles, de fissures, de dentine dénudée ou d’obturations car elles peuvent être à l’origine
d’hypersensibilités désagréables ou douloureuses en cas
de pénétration de l’acide dans la dentine. Le champ opératoire est ensuite isolé à l’aide d’une digue, de soie dentaire
ou d’un silicone photopolymérisable. L’acide à 17%
mélangé à de la pierre ponce fine est alors appliqué sur la
surface de la dent à l’aide d’une cupule en plastique par
séquences de 5 sec en utilisant un contre-angle bleu ou
vert tournant lentement. Une séance ne devrait pas excéder 3–5 séquences et chacune d’elles doit être suivie d’un
rinçage minutieux de la surface avec de l’eau. A la fin de
la séance, les surfaces traitées sont polies à l’aide d’une
pâte à finir fluorée (fig. 2). Le résultat est contrôlé environ 2 semaines plus tard, après reminéralisation naturelle
de l’émail par la salive. (Tab. II) A ce stade, le renouvellement d’anciennes obturations peut éventuellement
être réalisé. Si le résultat ne correspond pas au but recherché, il sera alors nécessaire de se tourner vers d’autres alternatives thérapeutiques (composites ou facettes).
Blanchiment (BL)
Les différentes méthodes de blanchiment se regroupent en
deux catégories selon qu’elles s’adressent aux dents vivantes ou aux dents dévitalisées.
Les dents vivantes peuvent être traitées:
– au cabinet à l’aide d’eau oxygénée à 30%
– à la maison grâce à une gouttière nocturne confectionnée par un dentiste et permettant l’application d’un
gel de peroxyde de carbamide à 10–15%
– à la maison sans aucun contrôle grâce à divers kits vendus dans le commerce (peroxyde de carbamide à
10–15%, eau oxygénée à 2–10%, perhydrol UREA; ne
sont autorisés qu’aux USA).
Les dents dévitalisées peuvent être traitées:
– par réaction thermocatalytique grâce à un mélange
d’eau oxygénée à 30% et de perborate de sodium qui
est activé par chauffage ou à l’aide d’une source de lumière
– chimiquement par application de perborate de sodium
associé éventuellement à une faible concentration d’eau
oxygénée à 3%. (Technique Walking Bleach)
Plusieurs auteurs considèrent le blanchiment comme une
méthode sûre et fiable pour éclaicir les dents (HAYWOOD
1993) (fig. 3). Certains décrivent le peroxyde de carbamide à 10% utilisé dans une gouttière nocturne comme
présentant des propriétés anti-inflammatoires, anti-bactériennes et non cancérigènes (SCHERER 1992). Toutefois,
les agents de blanchiment peuvent pénétrer dans la pulpe
et y entraîner des lésions si leur concentration et leur
temps d’exposition sont élevés (HANKS et coll. 1993). De
même, l’eau oxygénée à 30% utilisée dans la réaction thermocatalytique peut suinter vers l’extérieur et endommager les tissus environnants. Il est donc recommandé de ne
pas prolonger les séquences de blanchiment au-delà de
5 min (ROTSTEIN 1991). D’autre part, pour réduire le risque de pénétration de ces produits, il est nécessaire de garantir l’étanchéité de la cavité par une obturation apicale
adéquate et un scellement supplémentaire du plancher à
l’aide d’IRM ou de Cavit (SMITH et coll. 1992) et des parois dentinaires exposées à l’aide d’un «sealer» (ROTSTEIN
1992) (Tab. III). La cause des résorptions apicales apparaissant dans près de 25% des cas effectués à l’aide d’eau
oxygénée à 30% est encore l’objet de discussions. Il est
possible que des variations de pH en soient responsables
(ROTSTEIN 1991). Diverses études ont montré que la surface de l’émail traité ne subit pratiquement pas de modifications si ce n’est un léger ramollissement (SCHERER et
coll. 1991) qui ressemble à un mordançage lors de l’utilisation d’eau oxygénée à 30% ou à une ouverture régulière
des prismes énamellaires en présence de peroxyde de
carbamide à 10% (LLENA-PUY et coll. 1992). Les forces
d’adhésion et de cohésion des systèmes adhésifs employés
pour la réalisation de composites présentent pendant quelques semaines des valeurs amoindries après un blanchiment. Il est donc déconseillé d’utiliser ses techniques immédiatement après un tel traitement (TITLEY et coll. 1991,
1992, 1993). Ce phénomène est vraisemblablement dû à
l’eau oxygénée résiduelle qui modifie la tension superficielle de la surface de l’émail (TORNECK et coll. 1990).
D’anciennes obturations en composite peuvent également
être blanchies (CULLEN et coll. 1993) bien qu’il convient
de mentionner qu’elles subiront aussi un léger ramollissement et que l’agent de blanchiment peut pénétrer dans
les tissus voisins si les marges ne sont pas parfaitement
étanches (BAILEY et coll. 1992).
Le respect des quelques règles et conseils mentionnés
permet d’obtenir des résultats satisfaisants et relativement
stables si on respecte les indications (discolorations superficielles de l’émail et altérations chromatiques de la
dentine) (Tab. IV). Notons enfin que l’emploi de pâtes
dentifrices spéciales ne permet pas de «blanchir» les dents
(LYON et coll. 1991).
Blanchiment de dents vivantes à l’aide
d’une gouttière
Après une information détaillée du patient, on procède à
la prise d’une empreinte de l’arcade concernée qui est
transmise au technicien en précisant les surfaces qui doivent être traitées. Ce dernier réalise alors une gouttière
souple s’arrêtant au niveau des bords gingivaux vestibulaires, palatins ou lingaux (fig. 4) et dégageant un espace
pour l’agent de blanchiment dans les zones projetées. Lors
de la séance suivante le médecin-dentiste instruit son patient sur l’entretien et l’utilisation de la gouttière et des
produits de blanchiment. Ce dernier, hautement visqueux,
doit être appliqué dans la gouttière en regard des zones
à traiter et les excès doivent être éliminés avec une brosse
à dents immédiatement après la mise en bouche de la
gouttière (fig. 5). Cette dernière doit être portée de
1–4 heures par jour pendant 2–6 semaines (Tab. V). Il
convient d’avertir les patients qu’une légère recoloration
postopératoire peut survenir occasionnellement.
Blanchiment intracoronnaire de dents dévitalisées
Pour un tel traitement, il importe d’abord de contrôler cliniquement et radiologiquement la qualité et l’étanchéité
de l’obturation radiculaire, ainsi que l’absence de fractures ou de fissures dans la structure dentaire. La protection
des tissus voisins doit ensuite être assurée par la pose
d’une digue, de soie dentaire ou d’un silicone photopolymérisable. Le plancher cavitaire est ensuite recouvert
par de l’IRM ou du Cavit pour garantir une protection supplémentaire contre les infiltrations. Ce plancher doit se situer au niveau du rebord gingival ou très légèrement audessous pour éviter une pénétration des produits dans le
desmodonte, ce qui peut entraîner parfois une résorption
radiculaire. L’agent de blanchiment (eau oxygénée à 30%
mélangée au perborate de sodium ou à de l’acide oxalique
pur) est alors déposé dans la cavité et activé au contact
d’un instrument incandescent ou d’une lumière intense.
La séquence de traitement ne doit pas excéder 5 min pour
réduire au maximum les risques d’infiltration et doit être
suivie d’un rinçage approfondi de la cavité à l’eau. Cette
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Pratique quotidienne – formation complémentaire
procédure ne devrait pas se répéter plus de 3 par séance
(fig. 6). Lorsque le résultat est considéré comme satisfaisant, la cavité doit être remplie d’hydroxyde de calcium
pendant 1–4 semaines avant de pouvoir poursuivre les reconstructions prévues (Tab. VI).
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Conclusion
Utilisés correctement et pour des indications précises, le
blanchiment et la micro-abrasion représentent un élargissement intéressant des possibilités thérapeutiques du praticien également en cabinet privé. Ils permettent de répondre aux vœux des patients désirant conserver une dentition claire et attractive et offrent une alternative aux restaurations esthétiques en présence de dents dévitalisées
fortement colorées. Des discolorations énamellaires et des
dépôts superficiels résistants peuvent également être
traités par micro-abrasion.