4 juin 2016, 24heures, En famille, ils résistent à
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4 juin 2016, 24heures, En famille, ils résistent à
29 24 heures | Samedi-dimanche 4-5 juin 2016 Tendances En famille, ils résistent à toutes les modes Malgré la concurrence, l’essor du commerce en ligne et le franc fort, certaines boutiques d’habits perdurent depuis des décennies, toujours tenues par la même famille. Trois d’entre eux racontent Le Lido, depuis 1872 Caroline Rieder Textes Patrick Martin Photos Au Lido de Vevey, impossible d’oublier le passé. Ici, un morbier de 1790, là, un ancien téléphone ou des reproductions de publicités de 1920 (le complet coûtait alors 42 fr.), autant d’objets emblématiques de la longévité de l’enseigne, ouverte en 1872. Le plus ancien commerce de la ville a été repris il y a un an par la cinquième génération de Brunschwig. Julien Brunschwig y a succédé à son père, Patrick. Le fils a eu mille vies – Expo.02, aéroport de Genève, assurances, conducteur de train – mais tenait à faire durer l’aventure familiale. Si l’ambiance vieille Angleterre conférée par les boiseries et les fauteuils en cuir demeure, le jeune patron a mis sa touche: il a aéré la présentation et intensifié l’éclairage des 700 m2 dévolus à la confection pour hommes et femmes. «Dans les années 1980, il y avait de la moquette rouge, et les fenêtres étaient opacifiées.» Il peut compter sur une bonne base d’habitués, qui viennent parfois de Genève ou de Zurich, mais souhaite attirer aussi une clientèle plus jeune. A côté des marques comme McGregor, que la famille vend depuis le début, il propose Saint James, NZA ou Alberto. Son critère: des vêtements sport chic, fabriqués en Europe. Barbour, marque phare du magasin, produit toujours en Angleterre. «Mais on fait des exceptions pour des sociétés qui travaillent historiquement en Asie, comme l’allemand Jacques Britt.» Autre point important, les articles proposés en boutique ne doivent pas être disponibles à prix cassé sur Internet. Le patron mise donc sur des marques qui ne sont pas accessibles en ligne. Et, pour les autres, il surveille les prix sur la Toile. Côté service, outre les retouches et la livraison à domicile, le magasin propose depuis peu de cirer les vestes Barbour des clients. I ls ont 80, 100, voire près de 150 ans, leur boutique est toujours ouverte, et toujours gérée en famille. Dans les villes, les enseignes défilent, et eux sont toujours là. Ils se nomment Le Lido, Pierre François Ausoni ou Annabelle, pour les trois commerces qui apparaissent en photo dans cette page. Ces familles ont résisté à l’arrivée des grandes chaînes étrangères, et se battent vaillamment pour ne pas souffrir du commerce en ligne, du franc fort et des voyages low-cost, qui favorisent les achats dans les grandes capitales. Pour survivre, ils misent sur la connaissance et la qualité des vêtements, entretiennent des relations privilégiées avec leurs fournisseurs, et proposent un service à la clientèle très poussé. Car il ne suffit plus d’attendre le client. «Il faut être plus rapide, plus dynamique qu’avant. Nous faisons venir des articles de Paris ou de Londres si nécessaire, les clients ne veulent plus patienter durant deux mois pour découvrir la nouvelle collection», raconte Léa Ausoni. Tous ont aussi leur atelier de couture. Chez Pierre François Ausoni, 70% des articles vendus y sont retouchés. Parmi ces maisons de tradition, on peut citer aussi la famille Dumas à Lausanne: PierreAlain et Marie-Claude accueillent avec leur fille Marine à la place de la Riponne 2. Fondé en 1948, leur commerce de prêt-à-porter habille hommes et femmes, et propose vêtements de cérémonie et robes de mariage. A Yverdon, Espace Mode, qui habille les hommes, peut aussi se targuer d’une belle longévité. Olivier François Ausoni, depuis 1906 Annabelle, depuis 1940 L’élégante enseigne trône à la rue de Bourg depuis 76 ans. René Bloch, le fondateur, avait à cœur de coller à son slogan: «Chez Annabelle, les femmes sont toujours belles.» Pascale Rochat, sa petite-fille et propriétaire actuelle, raconte: «La philosophie de la maison était d’offrir des vêtements portables et abordables.» François Bloch succède à René à la tête du magasin en 1952. Sous l’impulsion du père de Pascale, l’enseigne devient plus chic. Le commerçant fait alors venir des marques particulières comme Akris (l’enseigne ne la vend plus aujourd’hui, car trop chère). A l’avant-garde, il popularise le pantalon pour la gent féminine, et introduit les minijupes Courrèges en 1968. Aujourd’hui, la boutique mise sur un service très personnalisé. «Il est difficile pour les femmes de trouver des vêtements élégants, portables et confortables. De plus, elles n’ont plus le temps de courir les magasins. Le samedi, elles préfèrent aller se balader. Nous VC6 Contrôle qualité souhaitons donc pouvoir les aider au mieux à trouver ce qui leur correspond», analyse Pascale Rochat. Chez Annabelle, un personnel rompu à l’art du conseil personnalisé téléphone ainsi aux clientes lors de nouveaux arrivages pour leur proposer des pièces qui leur correspondent. A l’atelier de couture, les vêtements démodés sont retouchés pour retrouver une seconde vie. La boutique peut même ouvrir hors des heures pour les habituées surbookées. Sur les 1000 m2 répartis sur quatre étages se déploient 10 000 articles, «car il est important que la cliente ait le choix». Côté marques, outre des griffes connues comme Max Mara, avec lesquelles l’enseigne travaille depuis plus de trente ans, Pascale Rochat tend vers toujours plus d’exclusivité, en privilégiant des marques introuvables sur Internet, et de petits artisans qui travaillent en Europe. Car «les clients ne viennent pas pour une marque, mais pour s’habiller». Le très chic magasin Olivier François Ausoni, à la place Saint-François 5, à Lausanne, fête cette année «110 ans de style». Pour ce qui est aujourd’hui une boutique haut de gamme de prêt-à-porter pour hommes, femmes et enfants, tout a commencé avec le Grand Bazar, créé en 1906 dans le Villars Palace par Eufonio Ausoni, venu de Toscane. En 1932, le fondateur ouvre boutique à la rue Centrale de la station. Il est aidé par ses quatre enfants, qui s’aventurent bientôt «en plaine». Plusieurs succursales naissent dans les années 1950 à Lausanne. Celle de Saint-François, agrandie trois fois depuis sa création, est actuellement gérée par Olivier, petit-fils d’Eufonio, et ses enfants Lea et Leo. Dans l’histoire glorieuse de l’affaire familiale figurent les visites de vedettes comme Freddie Mercury, Audrey Hepburn, Michael Jackson ou David Bowie. Les Rolling Stones sont même venus acheter des pulls en cachemire par dizaines. L’enseigne a, par ailleurs, été la première à importer des jeans Levi’s dans les années 1960 et les marques Dior et Lanvin. A l’heure actuelle, le magasin propose une septantaine de griffes, telles que Valentino, Akris, Giorgio Armani, Missoni, Chloé ou de jeunes créateurs. Il mise sur les belles matières: cachemire, soie ou cuir. Dans la boutique de plus de 1000 m2, un bar attend les clients. Car ici on les bichonne. Outre le café et les retouches, l’équipe procède pour les personnes pressées à des sélections à distance. La connaissance du produit est primordiale pour la famille, qui entretient des relations de longue date avec ses fournisseurs. Elle travaille ainsi avec Burberry depuis 70 ans. A noter qu’en 2001 la compagnie s’est scindée en deux. A place Saint-François 7, à deux pas de chez Olivier François Ausoni, se tient la Griffe Ausoni, gérée par une autre partie de la famille. Tandis que les premiers exploitent toujours le magasin historique de Villars, les seconds sont, eux, présents à Montreux.