Demain quel commerce dans les Yvelines ? Le mercredi

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Demain quel commerce dans les Yvelines ? Le mercredi
 03/2015 Demain quel commerce dans les Yvelines ? Le mercredi 4 mars 2015 Ouverture Monique BAILLOT, vice présidente de la Chambre de commerce et d’industrie Versailles-­‐
Yvelines et Philippe TAUTOU, président du CAUE, accueillent les participants de la matinée. La première évoque plus particulièrement le soutien apporté par la Chambre de commerce aux projets en milieu rural, et le second les difficultés auxquelles se trouvent confrontés beaucoup d’élus pour revitaliser le centre de leurs communes. Typologies commerciales et foncier pour la ville Reprenant les grandes lignes de la précédente matinée, Elisabeth ROJAT-­‐LEFEBVRE, directrice du CAUE, évoque un contexte en forte évolution, marqué par l’essor de l’e-­‐
commerce et par un grand nombre de mètres carrés commerciaux autorisés en CDAC1. Elle rappelle l’existence de 5 types de commerces tous présents sur le territoire yvelinois : le commerce de centre-­‐ville, le centre commercial, le « centre-­‐route » ou alignement de « boîtes à chaussures » le long d’une voie, le retail park quand le centre commercial s’enferme lui-­‐même, et les initiatives citoyennes de type AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) quand il se rapproche du quotidien du citoyen. Une typologie dans laquelle les « ressourceries » héritières de l’abbé Pierre et des compagnies d’Emmaüs sont appelées à trouver une place, en particulier celles qui recycleront les matériaux de construction, en raison de leur contribution à un développement durable du territoire. Elisabeth ROJAT-­‐LEFEBVRE pointe l’enjeu urbain majeur des réflexions sur le commerce : en faire un véritable vecteur de mixité et de dynamisme, en particulier pour les franges de ville. Et questionne le surdimensionnement généralisé des parkings liés aux activités commerciales : « le foncier qui manque pour l’avenir ? » D’une économie de l’offre à une économie de la demande Sociologue et prospectiviste, Bruno MARZLOFF fait part d’études sur les nouvelles mobilités et sur la transformation des modes de travail et de consommation. Il voit dans l’émergence d’une exigence de nouvelles aménités de la part des usagers le cœur d’un changement de paradigme. L’évolution actuelle du contexte commercial traduit pour lui la remise en cause d’un modèle fondé sur l’offre et sur l’écoulement d’une production industrielle en faveur de nouvelles pratiques à même de répondre aux demandes des usagers. La démesure du fonctionnement prioritairement automobile de l’espace et 1 CDAC : commission départementale d’aménagement commercial où siège le CAUE au titre du développement durable CAUE 78 Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement des Yvelines
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1 03/2015 celle de l’expansion territoriale ont atteint « les limites d’élasticité du quotidien de l’usager ». Outre le rôle du numérique et une redistribution du partage entre les sexes, l’analyse du « faire les courses » met en avant l’importance accordée au temps épargné. Celle-­‐ci et le contexte économique conduisent l’individu à développer une hyperagilité -­‐
très variable selon les territoires -­‐ à se saisir des offres et à développer des formes nouvelles de partage et de mutualisation fondées sur une proximité maximale des ressources. Ce basculement d’une logique de l’offre vers une priorité à la demande intime à l’acteur public d’assurer désormais une forme de maîtrise d’usage. Outre le temps épargné, le concept de « station de mobilité » susceptible de réconcilier mouvement et pause, proche et lointain, présenté par Bruno MARZLOFF emprunte au combini (« bazarette ») japonais la cohabitation de services divers et le prolongement du stockage individuel quand le mètre carré est compté. Favoriser l’hyperagilité et répondre aux demandes de proximité nécessite de « réinventer l’architecture du quotidien », dit-­‐il en hommage au travail du sociologue Michel de CERTEAU2. Faire ville Les questions de la salle sont l’occasion de revenir sur cette mutation de la consommation et sur la nécessité d’intégrer à la fourniture de biens, celle de services et d’aménités urbaines à l’intérieur d’un même site. Bruno MARZLOFF évoque un projet dans une friche parisienne : « la demande de multifonctionnalité descend à l’échelle du bâtiment même. » La question de la multifonctionnalité entraîne à sa suite celle de l’autarcie et de la promotion d’une ville fermée sur elle-­‐même. « Pas du tout ! », répond le sociologue, pour lequel, si des milliers d’unités commerciales ont disparu des territoires, il s’agit de trouver de nouvelles réponses, en rien de refaire ce qui s’est délité, ni d’enfermer. « La voiture nous a appris à parcourir le monde, il faut continuer à le faire ! » Le premier besoin, conclue-­‐t-­‐il, « c’est de faire ville ». « Et de sortir de 50 ans d’urbanisme de zoning », précise Elisabeth ROJAT-­‐LEFEBVRE. Réanimations rurales Architecte et paysagiste au CAUE, Stéphanie ORENGO introduit 3 exemples de commerces en milieu rural récemment implantés dans les Yvelines. À Gressey (556 habitants), la municipalité a acquis une maison dans laquelle sont implantés un restaurant et un commerce multiservices. Sa transformation a été l’occasion de créer un logement pour le commerçant et un espace extérieur, marqueur d’une nouvelle centralité pour le bourg. Le maire d’Hermeray (922 habitants), Jean OUBA, présente quant à lui une épicerie multiservices (pain, journaux, poste, etc.) accueillie dans un bâtiment communal des services techniques, agrandie par la suite en raison du succès de l’entreprise. Il fait part d’un taux de réponse remarquable (67%) à l’étude de consommation conduite par la Chambre de commerce et détaille la provenance des financements (20% FISAC, 30% Région, 30% Conseil général) dont 20% reviennent à la commune. Il souligne une fréquentation quotidienne par les parents de l’école située à proximité du petit espace de convivialité ajouté au commerce, tandis qu’Elisabeth ROJAT-­‐LEFEBVRE souligne le rôle important joué par la personnalité de la femme qui tient l’épicerie. 2 Michel de Certeau, décédé en 1986 a publié en 1980 : L’invention du quotidien, Arts de faire, Gallimard, essais folio, 1990. CAUE 78 Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement des Yvelines
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2 03/2015 Maire d’Orvilliers (578 habitants), Chantal HOURSON évoque pour sa part le restaurant-­‐
bar et commerce multiservices (dont la poste) devant lequel il est désormais impossible de stationner en semaine. La commune s’est portée acquéreur d’un ancien restaurant et de 4 logements dont elle a pu assumer la restauration avec des financements FISAC, Conseil général, Région, Enveloppe parlementaire, DGE et DDR pour un montant de 700 000 euros. Le commerce assure désormais le salaire de 2 personnes appelées en renfort par le porteur du projet, une femme également. Evoquée par les deux élus, cette question du choix du commerçant fait partie intégrante du projet communal de service aux habitants. Aide aux projets Quand Elisabeth ROJAT-­‐LEFEBVRE relève l‘hyperagilité et l’optimisme nécessaires à l’obtention de financements, Magalie BONNIER de la Chambre de commerce attire l’attention de la salle sur la nécessité de maintenir les aides accordées aux municipalités pour ces projets. Une étude récente a révélé que ceux accompagnés par la Chambre de commerce étaient pérennes, dans 98% des cas. Priorité au service Un temps d’échange avec la salle permet de revenir sur l’aide apportée aux gérants, par la modicité du loyer perçu pour son logement dans le cas d’Orvilliers, par exemple. Les réponses des élus mettent l’accent sur la priorité accordée au service et à l’impact sur le quotidien des habitants du « recommandé récupéré le dimanche matin ». « Pour la commune, il ne s’agit pas d’un investissement à rentabiliser ». A toute heure des produits locaux Avec Philippe NANTOIS et Xavier MORIZE, deux agriculteurs en recherche d’une nouvelle dynamique locale pour leur production, un besoin essentiel s’invite à la table : celui de trouver au quotidien des produits alimentaires de qualité. Leurs casiers à légumes importent une pratique de distribution automatique en vigueur depuis une vingtaine d’années en Angleterre et en Hollande et font appel à des distributeurs automatiques fabriqués en Allemagne. Pour Philippe NANTOIS, les produits du casier représentent 10 % de la production de son exploitation, récoltée de toute façon pour sa clientèle de restaurateurs (60 % de son activité). Les deux exploitants évoquent une offre accessible 24h sur 24 et une clientèle composée en particulier de personnes exclues par les horaires de la grande distribution (infirmières, gendarmes..), de personnes handicapées moins bousculées ou d’enfants qui aiment la dimension ludique du casier et de gens du voyage. Ils font part de la grande disponibilité nécessaire à la bonne gestion quotidienne des casiers, sans possibilité d’embaucher pour ce surplus d’activité. Pour son projet ayant nécessité 25 000 euros, Xavier MORIZE a reçu 25% d’aides de la Région, un apport complémentaire du Conseil général, et l’appui de la Chambre de commerce pour le montage du dossier. Il évoque au bout de quatre ans une rentabilité annuelle moyenne de l’ordre de 50 000 euros. Elisabeth ROJAT-­‐LEFEBVRE les interroge sur la dimension a priori peu conviviale du dispositif. Pour Xavier MORIZE, de nombreux échanges ont lieu en raison de sa présence très fréquente pour recharger les casiers (4 fois par jour). Philippe NANTOIS explique le choix de l’emplacement de son distributeur, proche d’une pharmacie et d’un parking. Rappelant l’un des objectifs de CAUE 78 Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement des Yvelines
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3 03/2015 l’agriculture paysanne, le maintien d’emplois agricoles, Xavier MORIZE évoque un maillage de distributeurs ou leur ouverture à des produits spécifiques comme les fraises, comme hypothèses créatrices d’emplois. Manger bien et vite Sybille CARON, jeune entrepreneuse, relie la création de sa Pat’mobile à un raccourcissement drastique du temps accordé au déjeuner des actifs aujourd’hui couramment réduit à une pause de 25 ou 30 mn. Son « foodtruck » réunit offre et demande, sans nécessiter de locaux. Mais demande un grand garage haut de plafond, avec prise de courant (réfrigération) et eau pour approvisionner ses jerricans, et surveillé. Depuis son garage du Bourget, elle se rend dans les communes de petite couronne qui lui offrent un emplacement avec une prise de courant et sert de 50 à 100 couverts, avec un produit unique, des pâtes. Pour l’achat et l’équipement du camion (100 000 euros), pour la formation obligatoire à l’hygiène alimentaire (500 euros), elle n’a bénéficié d’aucune aide, mais d’un prêt très rapide du CIC. Questions de la salle Un nouvel échange sur le vandalisme différencie Philippe NANTOIS qui n’a jamais subi de dégradation de ses casiers à Xavier MORIZE qui a dû débourser 500 euros de réparation des siens quelques mois après l’ouverture. Les deux s’accordent à reconnaître que l’astreinte de présence liée à ce type de commerce est conséquente, mais permet de contourner le travail en soirée des AMAP ou paniers en sortie de gare. La difficulté résiderait plutôt dans la régulation du remplissage : si les casiers sont vides, le client est mécontent, s’ils sont pleins, il doute de la qualité des produits… Retour en ville Elisabeth ROJAT-­‐LEFEBVRE introduit le temps urbain de la matinée par la présentation de trois projets innovants. A Bordeaux, l’opération Darwin allie des espaces de commerce, de travail et de culture. Dans un esprit « grunge » et continuellement en transformation, cette réhabilitation de deux casernes par les architectes GRAVIÈRES & MARTIN attire une large part de la population bordelaise vers la friche militaire dans laquelle elle a pris place. A Quimper, le Chapeau Rouge est une restructuration dans le centre historique de la ville avec création d’une rue commerciale piétonne. Contemporaine, l’architecture signée GROUPE 6 architecture reprend les gabarits du bâti existant. Dans l’agglomération de Montpellier, la Route de la mer est l’un des onze projets phare identifiés lors de l’élaboration du SCOT. Les architectes REICHEN et ROBERT et le paysagiste Alfred PETER ont étudié avec les grandes enseignes commerciales de cette entrée de ville sa transformation en un quartier à part entière. Une partie du foncier commercial est notamment mobilisée à long terme pour la création de logements. Le commerce en cœur de ville La transformation radicale du cœur de ville de Montreuil (Seine-­‐Saint-­‐Denis) s’origine dans la mandature de Jean-­‐Pierre BRARD (1984-­‐2008) et dans la mission confiée à l’architecte Alvaro SIZA en 1992, qui s’entoure de Christian DEVILLERS, Laurent et Emmanuelle BEAUDOIN et du paysagiste Michel CORAJOUD pour mener à bien ce grand CAUE 78 Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement des Yvelines
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4 03/2015 projet urbain. Missionné pour la restructuration de l’ensemble commercial, la création d’un cinéma et d’une structure d’accueil pour la petite enfance, Dietmar FEICHTINGER insiste en premier lieu sur la durée et la complexité, en particulier politique, de ce type de projet encore inachevé, puisque les salles de cinéma municipales ne sont pas encore en fonction dans la grande peau en polycarbonate qui les accueille. Il explique le travail opéré sur les accès, les stationnements et les stockages pour redonner une vie piétonne et une mixité d’usages (loisirs, commerce et services) à la centralité urbaine, sans générer d’espaces résiduels en façade arrière. La continuité assurée avec l’aide de la maîtrise d’ouvrage -­‐ celle de la crèche publique a été déléguée au promoteur du centre commercial -­‐ pour concevoir ces programmes diversifiés et fortement imbriqués et générer « un plaisir à vivre ces espaces ». Promenade photographique à l’appui, l’architecte commente ensuite l’architecture de l’équipement, l’ouverture maximale recherchée : ouverture des commerces sur l’espace public et fluidité des parcours piétonniers et ouverture à la lumière conduite jusque dans les parkings en sous-­‐sol. Le soin est également manifeste dans le dessin des toitures-­‐terrasses comme dans la maîtrise de la signalétique appuyée par une charte imposée aux enseignes. Elisabeth ROJAT-­‐LEFEBVRE insiste sur la possibilité de réhabiliter un centre qui ne fonctionne pas. Dietmar FEICHTINGER rappelle de son côté le contexte métropolitain et la pression foncière croissante qui incitent les enseignes à venir à Montreuil. Il souligne également la coexistence enrichissante d’une tour des années 70 avec un bâti plus ancien et un équipement neuf, pour conclure sur la volonté commune d’aboutir, indispensable à ce type d’opération, difficile et long à mener. L’acte politique de bâtir À une question sur les différences que l’architecte autrichien aurait pu remarquer à l’occasion d’autres chantiers européens, Dietmar FEICHTINGER répond en soulignant le rôle éminemment politique de l’acte de construire en France, un trait historique et à l’origine d’une grande richesse patrimoniale. Elisabeth ROJAT-­‐LEFEBVRE suggère qu’en Autriche les élus, rémunérés pour l’exercice de leur mandat, ont sans doute moins besoin de se distinguer par « leur » projet… Le commerce en ville En tant que président de la Communauté d’agglomération Deux Rives de Seine (CA2RS), Philippe TAUTOU apporte un témoignage sur la transformation en cours de la zone des « 40 sous » à Orgeval, pour laquelle Bruno MARZLOFF et le bureau d’étude HDZ ont été sollicités. Le projet, auquel le CAUE est associé depuis de nombreuses années, a été repris par la CA2RS, afin de l’inscrire dans une échelle territoriale adéquate. Le président du CAUE attire l’attention sur le fait que le commerce, comme toute composante urbaine, ne se résonne jamais isolément : une des pistes pour que la zone des « 40 sous » devienne un quartier de la ville d’Orgeval et non plus une zone d’extension, requiert notamment le détournement de la départementale qui traverse la commune empruntée quotidiennement par plusieurs milliers de véhicules. CAUE 78 Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement des Yvelines
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