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SESSION 2011
Concours national DEUG
ÉPREUVE ÉCRITE DE FRANCAIS
PEIFER Michel
Nous regrettions l’an dernier la moyenne très basse des copies corrigées. On ne peut que se réjouir
que, cette année, celle-ci soit supérieure. La raison en est très certainement le texte sur lequel
prenaient appui les différents exercices de l’épreuve, plus simple à comprendre que les textes
antérieurs. Cependant, la très forte hétérogénéité des paquets de copies a surpris tous les
correcteurs. De lourdes pénalités ont à nouveau été appliquées pour manquements à l’orthographe,
ou du fait de résumés dépassant le nombre de mots autorisés (quoique ceux-ci aient été plus rares
cette année) !
L’on a pu déplorer parfois le manque de soin. Certaines copies sont saturées de biffures ; d’autres
sont d’une calligraphie proprement incertaine, jusqu’à l’illisible. Rappelons que le manque de soin
peut lui aussi être sanctionné. Il est arrivé aussi que le candidat oublie d’écrire sa correction, le
temps que le correcteur sèche sans doute. Ajoutons que des familiarités, même entre guillemets,
restent des familiarités, et comme telles, totalement inappropriées.
Résumé proposé
Si le texte était plus facile que les fois précédentes, il n’était pas exempt pour autant de difficultés.
L’une d’elles tenait à la richesse de vocabulaire d’un auteur que le souci de la règle de nonrépétition lexicale — principe de réécriture qu’à l’inverse ignorent malheureusement la plupart des
candidats — a amené à recourir de lui-même à maint synonyme, privant ainsi le résumé de ce
procédé toujours commode ! Aussi doit-on rappeler que l’exercice du résumé ne relève pas de la
traduction synonymique, ni de l’adaptation grammaticale de tel ou tel mot — ainsi d’un substantif
qu’on remplacerait par son dérivé adjectival ou verbal. Les bons résumés ne procèdent à l’évidence
pas au mot à mot, mais, texte écarté ou mis à distance, idée par idée.
Le texte, par ailleurs, se voulait pédagogique ; aussi se répétait-il parfois, cette fois au plan du
contenu. Cela pouvait, en revanche, simplifier la tâche, à condition naturellement de le voir ! Mais
de façon générale, le foisonnement des notions et des angles de vue (esthétique, sociologique,
philosophique…) obligeait à resserrer la matière, ce qui n’était pas toujours aisé.
Une autre difficulté tenait à l’abondance des exemples. L’un, celui des grottes de Lascaux, avait un
statut tout privilégié, puisque figurant dans un intertitre, conduisant tout un raisonnement et étant
d’ailleurs réitéré. Fallait-il le garder pour autant ? Nous ne le croyons pas, même si l’on a pu
admettre qu’une grande majorité de copies ait cru devoir le faire… Ajoutons à ce propos que
l’image du « décodeur » a souvent été prise à la lettre, les candidats paraissant ignorer que certaine
chaîne de télévision payante, « chaîne cryptée » pourtant bien connue, ne peut être regardée que si
l’on possède « un décodeur »…
Comme d’ordinaire, la nécessité de la reformulation, fondement même du résumé, a été la plus
malmenée : beaucoup de mots du texte-source ont été importés sans vergogne, tels « crypté »,
« décodeur », « convention », « commande », « commentateur », « matériau », « mystère »,
« pratique », « production », « regardeur », par exemple, vocables qui pouvaient être assez aisément
reformulés. À notre sens, seule une liste fermée de quelques mots dont il était difficile de trouver
quelque équivalent pouvait être acceptée : art, artiste, auteur, créateur, langue ou langage,
contexte, comprendre, connaître, juger, jugement, œuvre et sens (employé comme synonyme de
sensation ou de signification) tout au plus… Encore n’était-il pas nécessaire de les réemployer tous
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dans le résumé ! Il n’était pas nécessaire non plus, à notre sens, de conserver l’analogie qui ouvre le
texte, assimilant l’art à une langue… L’on a toutefois admis que cette analogie première figure dans
les résumés.
Ce sont le début et - surtout - la fin du texte qui ont donné du fil à retordre. Les difficultés ont été
grandes à trouver une bonne formule pour l’entrée en matière. Proposons deux amorces de résumé,
empruntées à des candidat(e)s, preuve que c’était faisable : « Connaître les règles et l’histoire de
l’art permet de comprendre et juger une œuvre » ou « L’art se décrypte. Sans la connaissance, outil
indispensable, on ne peut ni comprendre, ni juger une œuvre », introductions qui permettent de
comprendre d’emblée et la thèse et les deux parties du développement.
Précisément, la plupart des candidats oublient qu’il faut établir la structure du texte à résumer et
d’en rendre compte au moyen de paragraphes. Dans le texte, le titre général et le premier
paragraphe jouent le rôle d’une introduction, tandis que l’auteur procède en deux temps : une
première partie (l. 10 à 40) porte sur les éléments nécessaires à la compréhension d’une œuvre, une
seconde, sur les conditions permettant le passage de la compréhension au plaisir esthétique et au
jugement, tout en partant de l’impossibilité parfois d’avoir, précisément, les clés d’une bonne
compréhension (exemple des grottes de Lascaux). Le dernier paragraphe du texte, enfin, tresse les
éléments distribués dans tout le texte, reconduisant au paragraphe initial, avec un effet de boucle et
d’insistance par conséquent. Aussi, pouvait-on réduire dans tous les cas le nombre des paragraphes
du texte à deux ou à trois.
Rappelons la nécessité de faire apparaître, non seulement par la mise en paragraphes mais par des
connecteurs, la structure et la progression de la démonstration argumentative de l’auteur. Il manque
encore trop souvent des liens logiques qui permettent d’évaluer une réelle maîtrise des articulations
du texte.
Les changements de paragraphe doivent être clairs, le recours à l’alinéa (« renfoncement » de la
première ligne, qui se traduit par un retrait à droite) se chargeant de dissiper toute équivoque.
Quelques étudiants n’ont pas compris le système énonciatif qu’ils doivent adopter dans le résumé et
commencent avec des formulations comme « Michel Onfray écrit que… ». Rappelons que le
candidat doit agir comme s’il était lui-même l’auteur du propos initial, sans ajout externe ni
commentaire, contrairement à l’analyse.
PROPOSITION de RÉSUMÉ
Penser qu’une œuvre d’art peut être regardée ingénument ou saisie directement est une illusion.
Il faut, au contraire, en connaître la genèse et la fortune, l’origine et la transmission, le destinateur et
le destinataire, tout ce qui a permis son apparition.
Ainsi l’on pourra en percevoir le prix, la signification - laquelle a pu* parfois s’oublier -, l’on
pourra se laisser emporter, l’aimer et, mieux encore, en avoir en partage la beauté.
Un apprentissage, une immersion patiente et répétée, une fréquentation assidue des œuvres sont
donc nécessaires si l’on veut asseoir à leur propos un discours fondé** (***).
(103 mots)
variantes :
*
lesquels ont pu
** un jugement
*** afin de se mettre à leur écoute et d’en percevoir toute la puissance
*** si l’on veut en percevoir toute la force****
**** la valeur/ la puissance.
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Questions
Questions 1 et 2
Les réponses aux questions de vocabulaire ne consistent pas à imiter le “style” des articles de
dictionnaire. Elles doivent être entièrement rédigées, ne comporter ni ellipse syntaxique ni
abréviation.
La réponse se fait en deux temps. Il faut donner d’abord le sens général, puis, s’il est différent, le
sens du mot ou de l’expression en contexte. Trop de candidats ne font que la moitié du travail. L’on
peut recourir à l’étymologie, mais si et seulement si l’on en est certain, et, surtout, si cela éclaire le
sens général ou contextuel, ou le passage de l’un à l’autre. Les correcteurs ont été surpris de voir
cette année un certain nombre de candidats énumérer des antonymes et des synonymes… Si l’on
peut accepter le détour par un synonyme ou un terme de la même famille lexicale que le mot ou
l’expression — mais ce, dans une phrase complète et correcte, et si, en outre, cela éclaire le sens —
le recours aux antonymes est parfaitement inutile, en revanche.
Ainsi, pour la question 1, le sens anthropologique ou religieux de « initiation » devait, à notre sens,
constituer le point de départ de l’explication pour aboutir au sens plus général du texte d’éducation
ou d’apprentissage, sens contextuel qui conserve malgré tout certaines connotations de la première
acception que nous mentionnons. Pour la question 2, les sens concrets du mot « goût » devaient être
mentionnés, et le passage du sens concret au sens plus abstrait et figuré du texte, explicité. Les
expressions bon goût et mauvais goût pouvaient être alléguées, tout en précisant que « le goût » au
sens plus général pouvait paraître mieux fondé…
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Des réponses parfois bien longues laissent penser que le
candidat cherche à masquer ses difficultés à cerner précisément la signification du mot en contexte.
Certains écrivent jusqu’à quinze lignes par mot à définir, sans qu’on n’obtienne jamais de réponse
claire. S’il est une question qui nécessite un vrai développement, c’est la question 4, à laquelle il est
préférable de se réserver !
Question 3
Une bonne réponse devait ici remarquer la comparaison entre « art » et « langage ». Cette évidence
n’a pas toujours été relevée par les candidats. La suite de la proposition précisait les points de
comparaison et nécessitait une explicitation systématique.
Proposons une application empruntée aux domaines pictural et musical. Ainsi, la « grammaire »
pourrait être les lois de la perspective (domaine de la peinture) / les lois de l’harmonie (domaine de
la musique) ; la « syntaxe », la juxtaposition de certaines couleurs / le mouvement mélodique, plat,
ascendant ou descendant ; les « conventions », l’auréole qui entoure la tête de saints / le recours au
mode mineur pour exprimer un sentiment de tristesse, etc. Quant aux auteurs ou aux œuvres
classiques, pour la musique comme pour la peinture, l’on n’avait (en principe) que l’embarras du
choix…
Globalement, du temps peut à l’évidence être gagné sur les questions 1 à 3, qui permet de s’atteler à
la dernière question, laquelle vaut — faut-il le rappeler ? — autant en nombre de points que les trois
premières. On peut donc donner ce conseil très général : il faut tenir compte du barème pour
répondre de façon plus ou moins développée à telle ou telle question.
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Question 4
Or, c’est bien la dernière question qui a très souvent constitué la partie la plus décevante de la copie.
Dans bien des cas, les consignes mêmes ne sont pas respectées : on a trop souvent lu des
introductions insatisfaisantes dans lesquelles, parfois, la formule de Michel Onfray n’est pas reprise,
ni même évoquée ou reformulée ; la plupart ont agi comme si la phrase ne faisait pas partie du
sujet ! Comme l’écrit un correcteur : « Beaucoup de copies ne traitent que la moitié de la question,
c'est-à-dire qu'elles ne tiennent pas compte de la citation. Le sujet est pourtant libellé en deux
temps : il s’agit de commenter la citation et, pour ce faire, le sujet précise la problématique à
adopter. Ne pas tenir compte de la citation rend la réponse bancale. » Ajoutons qu’il n’y a pas
toujours de problématique définie, ni d’annonce de plan.
Le sujet n’est pas toujours bien compris : on peut s’étonner de développements sur la liberté
d’expression par exemple.
L’argumentation est souvent pauvre. Au mieux, on ne trouve finalement que de bonnes
reformulations des idées de Michel Onfray. Les plus mauvaises copies ont procédé au pillage du
texte, abondamment cité sans guillemets dans certains cas. Bien trop peu de candidats ont d’ailleurs
remarqué qu’on les invitait à « discuter » les propos de l’auteur. Aucun, à notre connaissance, n’a
vu que la position de Michel Onfray était à rebours de conceptions canoniques du beau, telles celles
de Platon ou de Kant… Il y avait donc matière à discussion, et l’on attend davantage d’esprit
critique et de distance, la paraphrase et l’acquiescement ne faisant guère la preuve ni d’une bonne
compréhension du texte et de ses implications, ni même d’une simple capacité à raisonner !
Rares, enfin, sont les candidats qui ont proposé des exemples et, parmi ceux-ci, plus rares encore
sont ceux qui n’ont pas repris celui de Lascaux ni évoqué la Joconde ou Guernica. Un tel sujet
incitait pourtant à référer à des exemples divers. On a donc valorisé les copies qui faisaient preuve
d’un peu de culture et convoquaient des œuvres empruntées à des domaines artistiques variés, tout
en arguant parfois que les œuvres peuvent dépasser leurs auteurs, et que s’en tenir aux seules
intentions de l’artiste pourrait parfois s’avérer réducteur pour les œuvres elles-mêmes. Les
correcteurs ont donc tout de même eu de belles surprises avec plusieurs excellentes copies nourries
de véritables connaissances en histoire des arts et proposant des analyses précises à propos
d’œuvres de tous horizons.
À rebours, certains exemples ont parfois amusé les correcteurs : si c’est peut-être un lapsus qui a
conduit tel candidat à attribuer à Picasso la paternité de la Joconde, le « piolet » du sculpteur a pu
surprendre et faire naître dans l’esprit du lecteur des représentations plutôt cocasses du travail de
l’artiste !
Langue
Que de fautes — et que de pénalités à ce sujet !
L’impression de copies non relues, totalement négligées, contaminées par le langage des SMS
(« environment », pour environnement, le recours à des abréviations…), est récurrente.
Signalons l’invasion (si l’on ose dire) de « language » (erroné) pour langage (forme correcte), les
scripteurs se trompant apparemment… de langue ! Signalons également des redondances
malheureuses : « dans le contexte du texte », ainsi que des impropriétés : « Une langue a des règles
bien particulières, elle a toute une panoplie de propriétés à son effigie ». La question 3, qui invitait
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à expliciter ce qu’étaient des « classiques », a occasionné quelques “perles”, porteuses d’une vérité
qu’on imagine tout involontaire : « Les Grands classiques sont ceux dont tout le monde a entendu
parler mais que personne ne comprend parfaitement » (sans doute et au premier plan pour ne pas
les avoir lus…), et, à propos d’un roman d’Amélie Nothomb, Hygiène de l’assassin, improprement
titré Hygiène d’un tueur : « Ce n'est pas un grand classique, mais néanmoins [pléonasme fréquent,
emprunté à la langue médiatique, qui n’en est pas avare, loin s’en faut !] il traite en partie de
certaines choses dont il est question ». Il reste, à l’évidence, beaucoup à apprendre des auteurs
classiques, ne seraient-ce que le maniement élégant de la langue, la précision du lexique… et la
pertinence du propos ! (Pour les autres, écrivains ou artistes à la mode, imposteurs du moment,
faisons confiance au temps… ou aux critiques, puisque, selon un candidat, ils « font ou défoncent
une réputation » !)
Hormis ce “sottisier” issu du sujet proposé, les erreurs les plus fréquentes sont globalement les
mêmes que lors des sessions précédentes, et l’on ne peut que renvoyer aux considérations de l’an
dernier, qui proposaient un inventaire de fautes récurrentes. Peut-être d’ailleurs, la lecture et la
relecture des rapports de jury des différents concours constituent-elles la meilleure manière
d’aborder les exercices proposés en pleine connaissance de cause… et peut-être existe-t-il des
candidats pour les lire, qui s’en trouvent finalement heureux au moment des résultats… On se plaît
en tout cas à l’espérer.
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