MADAGASCAR : LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX
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MADAGASCAR : LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX
1 MADAGASCAR : LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX Chantal BLANC-PAMARD (Centre d'Études Africaines CNRS-EHESS, Paris) Hervé RAKOTO RAMIARANTSOA (Université de Poitiers, ICOTEM/MSHS) Texte publié dans « L’Afrique. Vulnérabilité et défis », LESOURD M. (coord.) Collection Questions de géographie, Nantes (France), © Éditions du Temps, 2003, 447 p., pp. 354-376 Introduction : mégabiodiversité et développement durable Par sa faune et sa flore, Madagascar est riche d'une "mégabiodiversité" . Sa nature se caractérise par un ensemble d'écosystèmes variés (annexe 1) abritant au total plus de 12 000 espèces répertoriées, dont le degré d'endémisme est de 80 % pour la faune et de 85% pour la flore. "Un sanctuaire de la nature", "un joyau écologique", "un coffre-fort de la biodiversité", "un écrin d'une biodiversité inestimable", "un paradis de la nature"… telles sont quelquesunes des formules fortes qui qualifient la richesse de Madagascar (Goedefroit, 2002). Ceci rejoint l'impression des premiers explorateurs découvrant l'île tel Philibert Commerson en 1771 : "Puis-je vous annoncer que Madagascar est la terre promise des naturalistes ? La nature semble s'y être retirée dans un sanctuaire privé". De ce fait, la destruction environnementale apparaît comme une forte menace pour l'île mais aussi pour la planète : la question de l'environnement fait aujourd'hui partie des grands défis internationaux. Madagascar n'échappe pas comme ses voisines africaines au nouvel ordre environnemental dont la légitimité relève de la norme universelle. Sur la grande île, la prise de conscience des perturbations environnementales s'est manifestée dès le XIXème siècle de façon publique et officielle. Le problème de la déforestation est récurrent et différentes mesures de défense de la forêt ont été mises en place, conçues par les seuls services techniques (annexe 2). Pourtant avec 200 000 à 300 000 ha de 1 2 1 L'île est classée par l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) parmi les "biodiversity hotspots" prioritaires pour la conservation des ressources naturelles. L'UICN réunit 79 Etats, 112 agences gouvernementales et plus de 900 associations et organisations. Elle associe les représentants des gouvernements et ceux de la société civile pour des discussions sur le développement durable et la gouvernance mondiale de l'environnement. 2 Ces données proviennent de différentes sources : FAO (Food and Agriculture Organization, Nations Unies), Direction Générale des Eaux et Forêts, ANGAP (Association Nationale pour la Gestion des Aires Protégées)…; il faut les considérer avec circonspection et admettre qu'il est difficile de quantifier avec précision les surfaces déforestées annuellement à l'échelle du pays. 2 forêt qui disparaissent chaque année, l'érosion de la biodiversité reste particulièrement préoccupante malgré le Plan d'Action Environnemental (PAE) dont s'est dotée l'île dès 1990. L'objectif est d'arrêter la spirale de dégradation par une politique nationale de l'environnement dont les enjeux révèlent des stratégies d'une gamme très diversifiée d'acteurs, depuis les communautés locales jusqu'aux organisations internationales. Les relations entre ces différents niveaux rendent complexe la gestion locale des ressources naturelles renouvelables, continentales et littorales. Cette dernière caractérise pourtant un objectif de bonne gouvernance. La gestion de l'environnement répond-elle à l'enjeu de développement durable ? 1. La déforestation : une question récurrente et une préoccupation ancienne 1.1. Île rouge, île verte Les premiers récits des voyageurs venus à Madagascar font état d'une importante déforestation liée aux activités humaines. Les missionnaires au début du XIXème siècle décrivent un paysage dénudé sur les Hautes Terres, "a treeless landscape", "a country free from wood" (Rakoto Ramiarantsoa, 1995). Ils sont d'autant plus frappés par ce paysage qu'ils abordent les hauteurs centrales après avoir traversé le versant est forestier. Les analyses palynologiques quant elles démontrent qu' au Quaternaire la couverture était "a woodland mosaïc" (Dewar, 1989), hypothèse déjà formulée par Battistini et Vérin en 1967. Et pourtant face à cette réalité d'une "île rouge" depuis longtemps déforestée et soumise à une forte érosion (Gautier, 1902) demeure la représentation paradoxale d'une île verte. L'idée reçue est que Madagascar, à l'origine pays forestier, est en voie de savanisation accélérée. Certaines personnalités scientifiques comme Pierre Boiteau (1958) ont affirmé que, dans un passé pas si lointain, l'île était couverte de forêts. "Jusqu'au XIIème siècle, la presque totalité de l'île est couverte par la forêt primitive. La région centrale en particulier, par la suite à peu près totalement déboisée, était alors, à part quelques hauts sommets rocheux, occupée par une sylve très dense". 1.2. Le feu et la déforestation Le feu et la déforestation sont deux thèmes qui nourrissent de façon permanente les écrits des voyageurs, les réflexions des scientifiques et les discours des politiques (Kull, 2001). Le système de culture sur abattis-brûlis ou tavy leur est associé pour décrire de façon catastrophique la régression des forêts de l'est (Jarosz, 1993). 3 4 3 Botaniste, et un des premiers directeurs du Parc botanique et zoologique de Tananarive, P Boiteau s’est illustré par la plantation des jacarandas autour du lac Anosy, ce qui est à l’origine d’un paysage devenu un des cachets de la ville. 4 Le tavy désigne les systèmes de cultures sur abattis-brûlis caractéristiques des zones forestières de l'est du pays dans lesquels le riz pluvial tient une place prépondérante. Le tavy désigne à la fois le système de culture et la parcelle cultivée. Dans le sud et le sud-ouest, le terme hatsaky qualifie une même réalité. 3 Dès la colonisation, en 1896, les forestiers ont fustigé les pratiques dévastatrices des paysans gaspillant le capital naturel : exploitation du bois d'oeuvre et du bois énergie , systèmes d'agriculture sur abattis-brûlis, surpâturage.… Les administrateurs coloniaux ont surtout imputé au tavy le recul de la forêt orientale. De même, le naturaliste Perrier de La Bathie (1924) estime en 1912 qu'au nord-est, entre le lac Alaotra –au sud de Zahamena ; cf. carte du réseau de Parcs et réserves- et la côte est, "il faut au minimum réduire d'une bonne moitié la surface indiquée comme boisée sur les cartes actuelles de la région". Ce jugement concorde avec celui des botanistes. Ainsi Humbert (1948) a fortement mis en cause les feux de brousse qui entraînent la régression de la forêt . A l'époque des royaumes merina, qui dès le XVIème siècle sont des organisations politiques dépassant le niveau régional, la détermination de protéger les forêts est réelle. Elle se traduit par des édits d'Andrianampoinimerina (1787-1810), qui déclare propriété royale toute forêt de son royaume. Le code des 305 articles (1881) est une autre illustration ; on peut y relever l’interdiction de brûler la forêt, de s’y installer, de pratiquer le tavy, sous peine de 5 6 7 « mise aux fers ». Sous la colonisation française, le premier département technique créé par Galliéni est le Service Forestier (Fremigacci, 1998). L'administration a introduit l'eucalyptus et fait planter essentiellement l’espèce Eucalyptus robusta. Avec le reboisement, l'objectif était de pallier la dénudation avancée du relief, un facteur d'érosion. Les plans de reboisement furent établis dès 1901 et les travaux de plantation en station commencèrent en 1907. Le reboisement, au départ imposé en milieu paysan par l'administration locale, habille surtout les collines. Le long des axes routiers, des eucalyptus sont plantés pour faire de l'ombrage mais aussi pour éviter un éboulement des talus lors des fortes pluies. Sur les hautes terres centrales, l'Est de l'Imerina, de forte densité démographique, est la région où la couverture forestière s'est le plus développée, pendant la première moitié du XXème siècle (Rakoto Ramiarantsoa, 1995). Une étude diachronique reposant sur les photographies aériennes de 1949 montre un triplement des surfaces boisées (1949-1992) à partir d'un faible taux de couverture . La présence de belles futaies d'eucalyptus a complètement modifié le paysage de "barren hills" décrit au début du XIXème siècle. Les feux de végétation représentent un autre aspect de la perturbation écologique. Seul leur aspect négatif est retenu alors que les feux sont un outil efficace de gestion des 8 5Les constructions traditionnelles sont exclusivement basées sur le bois. La brique, apparue avec l’arrivée des premiers européens en 1817-1820, n’a connu un usage généralisé qu’à partir des années 1860. Un proverbe bien connu se rapporte à la période des corvées royales pour approvisionner Tananarive, résidence du souverain, en bois de construction : les corvées rendaient de jeunes hommes « chauves avant l’âge », le bois étant transporté sur la tête. 6Les textes des missionnaires décrivent des villages de charbonniers royaux dans la forêt orientale des hautes terres centrales. 7 En Afrique de l'Ouest, Aubréville (1949) attribue pareillement le processus de savanisation aux feux de brousse. 8 Sur les photographies aériennes de 1965, on peut évaluer un taux de boisement de 10 %, ce qui est déjà le résultat d'initiatives de plantations d'arbres sur des terres domaniales après l'Indépendance en 196O. 4 ressources naturelles par les communautés locales. Ils font l'objet dès la colonisation d'une très forte répression qui traduit une conception ignorant les sociétés, les populations étant accusées de détruire leur propre environnement. Or, les feux font partie des pratiques des cultivateurs et des éleveurs. Le tavy modèle ainsi plusieurs paysages des interfluves car il est le système d'exploitation le plus répandu, dans l'ouest et l'est de l'île. Il ne s'agit pas seulement de "détruire la forêt par le feu" mais de produire du riz, aliment de base des Malgaches, mais aussi d’autres cultures vivrières (maïs, manioc,…) : « Déforestation et humanisation » (Razafinjato, 1996) est l’intitulé d’une recherche menée dans le nord-est des hautes terres. Le feu active la préparation des champs et apporte par les cendres la matière fertilisante dans une agriculture manuelle. 1.3. Aires protégées : une politique pionnière de protection Parallèlement au reboisement et à la lutte contre les feux, les dix premières aires protégées sont mises en place dès 1927 , sous forme de Réserves Naturelles (RN) choisies 9 dans les différentes formations végétales de l'île. Cette initiative fait de Madagascar l'un des premiers pays, probablement du monde mais sûrement de l'Afrique, établissant un système de réserves naturelles à l'échelle nationale. Ce sont des espaces où toute pénétration humaine est interdite, une telle mesure étant considérée comme le moyen par excellence de protéger la nature . Par ailleurs la répression s'organise avec le décret forestier de 1930 qui vise à empêcher le "massacre du couvert végétal". Dans les années 1940, l' affirmation du paysanprédateur est clairement affichée dans la proposition du botaniste Humbert. "Des regroupements de population s'imposent inévitablement.…en raison de la multiplication des tavys. Il faudra évidemment rechercher sans délai les emplacements appropriés de nouveaux villages, assez loin des lisières intactes pour que la tentation de les attaquer ne soit pas trop forte, et sur des points où une surveillance efficace puisse être exercée.… Il s'agit d'une tâche ardue, mais l'ampleur du mal exige des remèdes énergiques et puissants" (Humbert, 1948). Le dispositif est complété dans les premières années de l'Indépendance par d'autres catégories d'aires protégées (AP ; annexe 3) : parc national, réserve spéciale, forêt classée, réserve de chasse, périmètre de reboisement et de restauration. Hors de ces zones à statut spécial, et sur les terrains domaniaux, la direction des Eaux et Forêts veille à faire respecter les mesures de protection car les biotopes forestiers permettent une régulation du climat, fournissent produits végétaux et animaux et surtout protègent le sol. La tendance protectionniste se continue avec l'organisation à Tananarive en 1970 de la conférence internationale sur la conservation des ressources naturelles , ce choix se justifiant en raison de 10 11 9 Décret du 31 décembre 1927 10 Tout doit s'y passer comme si l'homme n'existait pas. 11 La même année s'est tenu à Tananarive un colloque l'ORSTOM. international sur les sols tropicaux à l'initiative de 5 "l'intense dégradation environnementale, l'extinction d'espèces et l'importance scientifique de la nature malgache" (Kull, 1996). Cette phase de politique de protection a connu un flottement dans les années 70 à cause du contexte national caractérisé par une crise politique, économique et financière. D'une part, la crise politique a mis en cause l'exercice autoritaire de l'appareil d'État et, d'autre part, la crise économique et financière a entraîné l'application dès 1982 de mesures d'ajustement structurel dans un contexte de libéralisation économique et de décentralisation qui inclut désormais l'environnement. 1.4. Les années 1980 : une politique conservationniste Corollaire de la crise, la dérégulation de l'État requiert de nouvelles solutions. L'approche PCDI (Projet de Conservation et Développement Intégré) s'impose dès le milieu des années 1980 alors que de nouvelles aires protégées sont créées. Les PCDI proposent la zonation d'un espace délimité, divisé entre une aire centrale de protection intégrale et une zone périphérique aux différents degrés d'accessibilité. En effet, il faut maintenir les populations dans les zones périphériques aux aires protégées et y favoriser "des modes alternatifs et durables de développement économique et rural pour les populations" (Obled, 1997). C'est le moyen de réduire les pressions humaines sur les ressources naturelles. Cette approche considère la pauvreté, "à l'origine des pressions exercés sur l'environnement", comme un facteur essentiel de la dégradation. Elle s'accorde avec la conception des experts de la Banque Mondiale qui établissent une forte corrélation entre accroissement démographique, pauvreté et dégradation de l'environnement (Cleaver et Shreiberg, 1994). L'ONG WWF (World Wide Fund for Nature) prend en charge la mise en place de ces programmes sur les principales aires protégées du pays : Ankarafantsika, Marojezy, Andringitra, Ranomafana…. L'objectif est donc "d'assurer la conservation de la diversité biologique en réconciliant la gestion des secteurs protégés avec les besoins sociaux et économiques des acteurs locaux" (Wellls, Brandon, Hannah, 1992). Il répond aussi au premier constat des résultats limités des actions de protection de la nature. Le seul cadre législatif ne permet pas un contrôle efficace des Aires Protégées et il faut réorienter les actions de conservation en prenant en compte la dimension sociale. Ainsi les volets d'action portent généralement sur quatre thèmes : conservation, santé, éducation et développement communautaire, thèmes qui doivent également permettre d'obtenir la participation des populations, Les résultats des PCDI sont pourtant eux aussi de portée limitée. La dégradation de l'environnement n'est pas enrayée et la question reste très actuelle. Les PDCI ont mal fonctionné et ont eu des effets contraires, comme le montre l'exemple des Tsingy du Bemahara . Cette aire protégée située dans le centre ouest, au sud de la province de Majunga, comprend un parc national (Parc national de Bemahara ; cf. carte du réseau de Parcs), classé 12 12 D'après Emmanuel Fauroux, communication personnelle. 6 patrimoine mondial de l'Humanité par l'UNESCO, et une réserve naturelle intégrale. Ce spectaculaire écosystème développé sur karst (formations déchiquetées découpées par de profonds canyons) a connu une médiatisation forte à travers l'émission USHUAÏA (1997). Le système d'exploitation de la forêt reposait sur des densités humaines faibles et sur des prélèvements limités, organisés par un contrôle clanique efficace. En somme, des populations respectueuses de l'environnement mais que le projet a d'emblée considérées comme de "dangereux destructeurs de l'environnement" ! Le PCDI a ainsi pesé sur la dégradation : mise à l'écart des autorités lignagères, arrivée de migrants essarteurs, mésexploitation de la forêt… L'erreur majeure consiste dans la non prise en compte des dynamiques spontanées locales ; celles-ci sont pourtant essentielles dans le contrôle de l'accès aux ressources et à leurs usages. 2. La situation actuelle : une érosion de la biodiversité 2.1 Un constat inquiétant Avec 13 millions d’hectares, la forêt ne recouvre plus que 20 % environ du territoire de Madagascar. La déforestation, engagée depuis longtemps, atteint des proportions alarmantes. Le Ministre des Eaux et Forêts déclarait en 1998 : "A ce rythme, Madagascar n'aura plus de forêt d'ici 60 ans ". Le processus de déforestation s’est récemment accéléré, tout particulièrement dans le sud et le sud-ouest de l’île. Au sud-ouest, dans la forêt des Mikea, massif forestier de 1500 km2, les surfaces déboisées ont quadruplé depuis la fin des années 1980 (Razanaka et al., 2001). Sur le versant est du pays, les études réalisées par Sussman et al., (1994) rapportent que la vitesse de déforestation entre 1950 et 1985 est de 110 000 ha/an avec une déforestation totale évaluée à 50 %, ce qui conduirait dans les 2 à 3 prochaines décennies à une destruction de la forêt primaire orientale, si ce rythme se maintenait. Réelle et inquiétante, cette dynamique régressive ne doit cependant pas masquer certaines déformations pouvant être entretenues par l'enjeu financier que constitue la question environnementale. Ainsi, certains soulignent une exagération accordée au recul de la forêt malgache. Par ailleurs, ramenée à l'échelle nationale et comparée à d'autres pays, la pression démographique n'est pas aussi contraignante que le discours officiel l'exprime : la densité moyenne est de 16 hab./km2 et l'île, restée un des derniers grands Pays Très Rural (PTR) de la planète (plus de 70% de la population), présente les plus fortes concentrations humaines dans les villes, situées loin des forêts et autres espaces "naturels" à conserver. Enfin le taux de couverture forestière de 20% ne fait pas de Madagascar une terre exceptionnellement déboisée. La controverse apparaît aussi dans les prises de position sur les enjeux environnementaux. D'un côté, l'urgence de sauver la nature , la nécessité de développer des 13 14 13 14 Conférence de presse du 17 avril 1998. Pour certaines sources qui intègrent les forêts de reboisement, le chiffre avoisine 25 %. 7 comportements respectueux sont des messages véhiculés par les médias , la production artistique , les programmes scolaires : la sensibilité à la conservation de l'environnement est affichée et apparemment vécue. De l'autre côté, la prééminence accordée au domaine de l'environnement est critiquée quand les besoins vitaux, prioritaires, sont de s'alimenter et de survivre. "Sottise que les collines et les forêts, les lémuriens et les oiseaux, pour qui n'a pas d'argent ou qui ne mange pas de riz" sont les paroles d'un chant malgache très populaire. Cette actualité malgache souligne combien l'environnement est à considérer dans le cadre de dynamiques sociales en reconnaissant et en intégrant les représentations et les pratiques locales des populations (Rossi, 2001). L'implication des communautés vis-à-vis de l'environnement n'empêche pas un autre constat, celui d'une déforestation qui reste forte à cause de la place du charbon de bois dans la vie quotidienne des ménages urbains et de l'exploitation agricole des forêts dans des situations de front pionnier. 15 16 17 2.2. Carbonisation des arbres et agriculture sur abattis-brûlis (hatsaky) Le charbon de bois Si l'utilisation du charbon de bois était connue au moins depuis le XIXème siècle , son développement date de la période post-indépendance. Il est essentiellement lié aux besoins des villes : années 1960 à la périphérie de Tuléar, années 1970 dans et autour de la ville de Tananarive. Ce combustible a remplacé les stères de bois, alors d'usage quotidien pour la cuisson des repas. Il était mieux adapté aux contraintes de la cuisine urbaine avec la généralisation du réchaud (fatapera); les sacs de charbon se sont substitués aux bûches et stères évacués en camions vers les villes . La croissance des villes, phénomène général dans toute l'île, accroît dans de fortes proportions les besoins en charbon de bois. La technique de production du charbon de bois repose sur une carbonisation lente des bois alignés et mis en tas, la meule étant complètement recouverte de paille et de terre. Elle exige donc l'abattage d'arbres ce qui entraîne une disparition de la couverture ligneuse. C'est le cas aux environs de Tuléar : la forêt dense sèche qui, dans les années 1970, ombrageait la route nationale (RN7) sur des dizaines de km avant l'arrivée dans la capitale du sud-ouest, a disparu en grande partie à cause de la production de charbon de bois. Les lieux de coupe et de production charbonnière sont aujourd'hui éloignés de plusieurs km de la RN7. La 18 19 15 "Notre gouvernement fera de la protection de notre précieux environnement une des priorités de nos priorités" (extrait du Discours de Marc Ravalomanana à la 57ème session de l'Assemblée Générale des Nations-Unies, 2002). 16 Feux de brousse (doro-tanety) est le titre d'un album audio d'un célèbre joueur de valiha (harpe malgache) 17 Citons l'action de la coopération suisse qui appuie le projet "école verte" d'action et d'éducation environnementales au niveau des classes primaires. 18 Les textes des missionnaires anglais du XIXe font mention de villages de "charcoal burners". L'unité "industrielle "de Mantasoa, mise en place par le français Jean Laborde et dont les activités cessèrent en 1857, utilisait le charbon de bois pour la production de fonte des métaux. 19 Le bois énergie est cependant toujours utilisé pour des besoins spécifiques : gargotes qui proposent en ville une nourriture de façon ininterrompue, fours des boulangeries, cheminées des maisons. 8 transformation du paysage est moins radicale dans les régions de reboisement, particulièrement les hautes terres, où l'eucalyptus rejette de souche et reconstitue la physionomie forestière au bout de quelques années. Mais, même dans ce cas, l'accélération des rythmes de coupe limite la taille des forêts et l'usage commun (pâturage, ramassage de bois mort) est menacé. En tout état de cause, cette activité rémunératrice repose sur l'assurance d'un débouché car la demande urbaine est importante comme en témoignent, en bordure des routes dans les zones de production, les sacs de charbon qui seront acheminés en camions jusqu'aux centres urbains. Actuellement les besoins énergétiques pour la cuisson domestique sont couverts à plus de 97% par le bois d'énergie , les urbains utilisant essentiellement le charbon de bois. On estime la consommation de ce combustible ligneux à 15 kg par mois et par foyer. Ramamonjisoa (1993) chiffrait pour l'année 1988 les besoins de l'agglomération tananarivienne à 126 000 t. Les besoins annuels de la ville de Tuléar qui regroupe plus de 150 000 habitants sont évalués à 20 000 t. La production de charbon de bois est désormais une 20 activité génératrice de revenus et on voit des arbres jusque là épargnés (tamariniers dans le sud-ouest et manguiers dans le nord-ouest) qui sont abattus, arbres vivants et adultes, bien carbonisables qui offrent une quantité de bois importante et un charbon de qualité pour approvisionner Tuléar ou Majunga. On assiste depuis quelque temps à des initiatives proposant une alternative au charbon de bois dans une situation où le très faible taux d'électrification des ménages, de l'ordre de 20%, ne permet pas d'envisager un équipement en appareils électriques. L'association Solidarité-Forêt en partenariat avec des réseaux de distributeurs de gaz veut promouvoir l'utilisation des réchauds à gaz. C'est aussi la tentative de développer les fours solaires. Ce sont encore des interventions ponctuelles menées dans quelques villages par des associations qui misent sur l'utilisation de l'énergie renouvelable dans le cadre de la protection de l'environnement. Ces diverses initiatives connaissent un handicap commun qui est l'investissement financier initial hors de portée de la majorité des ménages. Le charbon de bois continue ainsi d'offrir au consommateur le prix le plus compétitif car pour obtenir la matière première il n'est besoin "ni de planter, ni d'arroser, ni d'entretenir" (Ranaivoarijaona, 1990 ). 21 L'agriculture sur abattis-brûlis Dans l'ouest et le sud-ouest de Madagascar, la culture du maïs sur abattis-brûlis (localement nommée hatsaky) constitue, depuis les années 1970 la cause quasi exclusive des défrichements forestiers. Cette agriculture pionnière se développe rapidement aux dépens de la forêt, sous l’effet de plusieurs facteurs : une pression démographique accrue par l’arrivée de migrants, une saturation foncière des terres les plus fertiles, le relâchement du contrôle par 20 Rakotomamonjy, 2003, site : http://www.sidsnet.org/latestarc/communiques-desiles/msg00019.html 21 Le slogan "Un arbre, une famille, un four" traduit l'action d'une ONG. 9 l'État des défrichements forestiers. Enfin et surtout, culture vivrière à l’origine, le maïs est devenu une culture principalement commerciale pour répondre aux besoins du marché national en forte progression et de celui de l’île de la Réunion. Le maïs constitue de ce fait le moteur d’une agriculture pionnière spéculative, qui s’éloigne singulièrement des modèles habituels de la culture sur abattis-brûlis, fondés sur l’autosubsistance. Son impact sur l’environnement s’en trouve exacerbé. Dans ce milieu semi-aride, le système de culture sur abattis-brûlis, hatsaky , repose sur des pratiques assez proches de celles mises en oeuvre sur le versant oriental pluvieux de Madagascar (tavy) (Milleville et Blanc-Pamard, 2001). Le défrichement et le brûlis de la biomasse ligneuse sont la première étape de l'installation d'un hatsaky. Durant les deux premières années, la parcelle ne nécessite aucun sarclage. Dès la troisième campagne, le contrôle des adventices devient une contrainte réelle, consommatrice de main d'oeuvre. De l'ordre de 1500 kg/ha durant les premières années, les rendements sont généralement inférieurs à 500 kg/ha à partir de la cinquième année. Après 5 ans (parfois plus) de culture 22 ininterrompue, la parcelle est laissée en friche. L'abandon de la parcelle entraîne en conséquence, une extension de la déforestation pour créer de nouveaux champs. Au cours de la phase post-culturale, l'évolution de la végétation conduit à une formation mixte ligneuxherbacée, ouverte à caractère savanicole (Grouzis et al., 2001). Il n'y a pas de reconstitution de la formation initiale sur la parcelle abandonnée. La dynamique post-culturale se caractérise par un processus de savanisation. Certains paysans combinent les premières années le défrichement d'un hatsaky et l'exploitation d'essences commerciales. Pour d'autres, l'exploitation du bois d'énergie est étroitement associée au défrichement agricole, les meules sont constituées à partir du bois prélevé sur le hatsaky (Mana et al., 2001). La forêt sollicitée à plusieurs titres est de plus en plus dégradée et morcelée. La course à la forêt est devenue la forme la plus visible et la plus violente de la course au foncier. Le plus important n’est pas seulement de produire du maïs, mais d’être le premier à défricher pour légitimer des droits futurs. La stratégie consiste aussi à empêcher des exploitants de poursuivre leurs avancées, ou de devancer un rival plus lent à s’organiser (Fauroux, 1997). Dans cette logique, la baisse, même forte, des cours du maïs, à la fin des années 1980 n'a pas ralenti significativement le rythme de la déforestation. Si aucun fait nouveau n’intervient, cette conjoncture incite au pessimisme quant à l’avenir de la forêt. La production de charbon de bois et la culture sur abattis-brûlis sont deux activités conduites en milieu rural et dont le développement est accentué par l'assurance d'un débouché. Elles apportent une rémunération sur place aux paysans, jouent un rôle important dans l'économie domestique locale mais ne tiennent pas compte du renouvellement de la 22 Le terme hatsaky désigne à la fois le système de culture et la parcelle cultivée 10 ressource ligneuse; elles participent ainsi au recul du couvert forestier et donc à une dégradation progressive de l'environnement. On est bien là au coeur de l'enjeu environnemental dont les solutions sont du ressort des politiques publiques. Madagascar se trouve dans l'obligation de repenser son action dans le domaine environnemental, pour bénéficier d'aides internationales alors que la défaillance de l'Etat est criante (corruption institutionnalisée, manque de moyens des services forestiers, déficit de l'administration dans les campagnes…). 2.3. Gestion de la biodiversité Les années 1990 marquent une évolution des politiques de gestion des ressources naturelles avec une volonté de préserver la biodiversité malgache par des actions en matière de gestion durable des forêts, d'information et de formation des acteurs. En 1990, Madagascar est le premier pays du continent africain à avoir adopté une Charte sur l'Environnement. La même année, le pays s'accorde avec les grands bailleurs de fond (Banque Mondiale, USAID –United States Agency for International Development-, Coopération française) pour se doter d'un Plan d'action environnemental (PAE) sur 15 ans. La décision s'inscrit dans le mouvement d'idées qui relie les questions d'environnement et de développement, et aboutissant aux résolutions du premier Sommet de la Terre tenu à Rio en 1992. Le PAE vise à protéger et améliorer l'environnement tout en oeuvrant pour un développement durable. Ses quatre objectifs spécifiques sont : (a) conserver et gérer le patrimoine de la diversité biologique ; (b) promouvoir le développement durable par une meilleure gestion des ressources naturelles ; (c) améliorer les conditions de vie dans les zones rurales et urbaines ; (d) développer les ressources humaines et la capacité institutionnelle. La conduite de ce Plan s’insère dans le cadre de la réforme de décentralisation entamée depuis 1992 avec la Troisième République. La République malgache comprend quatre niveaux : les provinces (6), les préfectures ou régions (18), les sous-préfectures (158), les communes (1392 dont 1346 rurales), ces dernières représentant les collectivités territoriales de base. Le maire, avec son conseil communal est responsable de l'élaboration du PCD (Plan Communal de Développement) qui vise à définir les axes de développement de la commune; le PCD intègre la dimension environnementale avec un Plan communal de conservation ou PCC. C'est sur la base de ce document que bailleurs de fonds et intervenants extérieurs entrent en relation avec le niveau communal pour financer les projets retenus. Le PAE a démarré en 1990 et a dû évoluer après un bilan de la première phase. Le premier Plan Environnemental (PE I), en effet, présentait certains aspects exagérément conservationnistes. Par ailleurs, la suite de l’action devait tenir compte de l'évolution des approches environnementales au niveau international avec une reconnaissance du rôle des populations et la réhabilitation du niveau local. Ainsi Madagascar s’est doté dans la deuxième phase du PAE, dans les années 96-97, d’un cadre juridique de la décentralisation de la gestion 11 des ressources renouvelables. La Loi dite GELOSE (Gestion Locale Sécurisée) de 1996 entre dans ce processus. Elle concerne de façon transversale un ensemble de ressources renouvelables (forêts, eau, terres de parcours, etc.) et elle doit permettre l'élaboration d'une politique nationale de gestion des ressources naturelles renouvelables (RNR) appartenant à l'État par des communautés de base concernées. La Sécurisation Foncière Relative (SFR) constitue une autre innovation institutionnelle, elle est associée à la politique de décentralisation de la gestion des ressources renouvelables. S’inspirant des Plans Fonciers Ruraux en vogue en Afrique au début des années 90, la SFR est un constat des occupations des sols et une délimitation des terroirs villageois; elle permet de disposer d'un état des lieux "objectif" et de ré-articuler, dans des situations de forte tension entre autochtones et migrants, droit sur le foncier et droit sur les ressources . Le PE II prévoyait 400 contrats de transfert de gestion. Seul un dixième, saupoudré sur le territoire, a été jusqu'à présent réalisé. Une autre formule spécifiquement forestière et plus souple, la Gestion Contractuelle des Forêts (GCF) -simplification des procédures et non 23 recours à un médiateur environnemental- a connu un relatif succès (Rakoto Ramiarantsoa, 2002). Ainsi, à une logique de protection a succédé une politique de conservation et aujourd'hui on s'oriente vers une politique de gestion environnementale. Une forêt et sa gestion mettent en jeu divers protagonistes, différents intérêts, plusieurs objectifs et représentations. Or le contrôle de l'environnement et de ses ressources a toujours relevé dans les sociétés africaines et malgaches de rapports de force entre les différents acteurs, ce que la loi GELOSE semble ignorer. La problématique GELOSE tente de mettre en place les conditions institutionnelles d'une gestion partagée des ressources naturelles. Pourtant une telle disposition ne fait pas partie de la culture des sociétés rurales malgaches (Fauroux, 2000). L'innovation institutionnelle que représente la gestion locale des ressources renouvelables coexiste avec le modèle ancien et expansionniste des aires protégées, ce qui entraîne une concurrence pour le contrôle du territoire. Ces diverses politiques de conservation de la biodiversité ont des logiques spécifiques et produisent des organisations territoriales et sociales différentes; elles bouleversent les modes locaux de gestion de l'accès et des usages des ressources. En même temps, le local est réinscrit comme solution territoriale à la crise écologique. Il est présenté comme garant de la participation communautaire. La gestion locale des ressources naturelles peut être conçue non comme une administration essentiellement technique mais comme un objectif de "gouvernance". "Pour une bonne gestion des ressources naturelles, il est indispensable que la gouvernance soit également bonne, c'est-à-dire à l'échelle des problèmes à traiter" (Blanc-Pamard et Boutrais, 2002). 23 D'après Christophe Maldidier, communication personnelle. 12 L'engagement de la responsabilité des acteurs locaux met donc l'accent sur les contradictions actuelles d'une politique environnementale qui affirme se préoccuper autant des ressources que de ses utilisateurs. La perception de la dégradation des milieux semble se focaliser sur l'évolution de la couverture végétale, tant la perturbation des paysages forestiers est spectaculaire. Mais Madagascar est aussi une île. Avec plus de 5000 km de côtes, elle est riche d'une biodiversité marine exceptionnelle : récifs coralliens et lagons valorisant le patrimoine touristique, marais littoraux qui supportent des activités sources de devises du pays , faune spécifique… dont elle n'a pris conscience que récemment. Cette richesse biologique marine et côtière est pourtant, elle aussi, menacée par une sédimentation terrigène et une surexploitation localisée. Des actions sont en cours comme la création du parc (marin) national de Masoala en 1997 et la sensibilisation à une pêche responsable (Goedefroit, Chaboud, Breton, 2002). 24 Conclusion - Gouverner l'environnement ? Madagascar, par sa mégabiodiversité, est considéré par la communauté internationale comme l'un des pays les plus riches de la planète où le patrimoine biologique est le plus en danger. C'est en même temps, sur le plan économique, l'un des plus pauvres, classé dans le groupe des PPTE (Pays Pauvre Très Endetté), donc vulnérable. On peut s'étonner que cette richesse intéresse plus les étrangers que les nationaux. Les nords-américains sont les plus présents ce qui ne manque pas de surprendre dans un pays francophone aux relations de longue date privilégiées avec la France. L'idée que Madagascar est un sanctuaire de la Nature a eu un fort impact aux Etats-Unis où l'opinion a été alarmée par plusieurs reportages spectaculaires publiés par des revues à grand tirage . Le sort de la forêt malgache, de la faune et de la flore endémiques qu'elle abrite, y est souvent perçu comme un enjeu important pour une humanité qui a trop souvent oublié de penser à son avenir sur la longue durée. Le thème environnemental ne constituerait-il pas un prétexte à une action plus vaste visant le contrôle et l'accès aux ressources ? En effet, dans ces milieux outre-atlantique, l'analyse spontanée du phénomène déforestation met l'accent sur l'irresponsabilité d'une population poussée à l'essartage sauvage par son extrême pauvreté. Une telle position se trouve confortée par des calculs économiques. Le coût annuel dû à la dégradation de l'environnement se situerait entre 100 et 290 millions de dollars US à Madagascar, c'est à dire entre 5 et 15% du PNB , selon une estimation approximative faite, à 25 26 24 La pêche, en particulier l'exploitation des ressources halieutiques est un des secteurs les plus dynamiques de l'économie malgache depuis les années 1990. Ces ressources représentent 13 % du total des recettes d'exportation de Madagascar. 25 La bibliographie du présent article rend aussi compte de l'intérêt de la question pour les scientifiques nordsaméricains. 26 Dans les pays de l'OCDE, le coût annuel de la dégradation se situerait entre 4 et 5% du produit national brut selon les études réalisées par l'OCDE. Ce coût provient cependant beaucoup plus de la pollution que de la dégradation des ressources naturelles. 13 la fin des années 1980 lors de la préparation du PAE. Environ 75% de ce coût proviendrait de la déforestation, 15% de la diminution de la productivité des terres agricoles et pastorales due à l'érosion, et environ 10% de l'augmentation des coûts opérationnels et de la diminution de la durée de vie des infrastructures (données PNUD 2003). L'exemple de Madagascar souligne aussi que l'environnement en tant que politique publique pose le problème des échelles et de la mutiplicité des acteurs aux intérêts divergents. Dans son évolution actuelle, l'action doit concilier trois niveaux. A l'échelle locale, il s'agit de prendre en compte les droits d'usage des populations. L'échelle nationale cherche à valoriser une richesse pour développer le pays. A l'échelle internationale, la volonté est de réguler globalement les activités pour contrôler le changement climatique. L'articulation de ces trois niveaux est complexe et trouve des solutions seulement avec des ajustements permanents. Ainsi d'anciennes RNI ont changé de statut pour être en partie ou intégralement classés en PN selon le principe de la conservation au profit d'un développement économique et social durable, notamment pour l'écotourisme. En 2001, trois anciennes RNI ont été classées PN pour mettre en place l'écotourisme et, ainsi, valoriser le potentiel écologique et paysager des parcs. Cette activité doit alléger la pression sur la nature en générant des revenus pour les populations des zones périphériques, ce que le statut de RNI ne permettait pas. Pour l'instant, l'ANGAP, dont l 'écotourisme est une des ressources financières, reste le moteur de cette orientation récente de l'utilisation du potentiel naturel. Or pour réussir, l'écotourisme doit reposer sur la participation des communautés locales, ce qui n'est pas actuellement le cas. Les tensions entre gestionnaires de parc et populations riveraines restent fortes. Comme dans d'autres pays du Nord et du Sud, l'environnement est désormais un enjeu politique et social, traité dans le cadre du développement durable. Dans le cas malgache, les jeux entre le global et le local sont particulièrement complexes. Imposée de l'extérieur, la question environnementale est récupérée et intégrée par les politiques publiques puis par la suite gérée par différents acteurs opérant sur le territoire national (ONG, services techniques déconcentrés de l'Etat, communes…). Dans un tel enchevêtrement, gouverner l'environnement pour un développement durable est une forme de politique publique qu'il reste à mettre en pratique. 14 Annexe 1 A Madagascar, les formations forestières couvrent actuellement 12 à 13 millions d'hectares soit un peu plus de 21% du territoire. Elles sont caractérisées par une répartition très inégale, une grande diversité des écosystèmes en relation avec la variété des bioclimats (Cornet et Guillaumet, 1976), un haut degré d’endémicité des différents groupes taxonomiques et une richesse génétique exceptionnelle. Ces formations sont très fragiles car l'isolement ancien de l'île y a conservé des espèces archaïques et des physionomies particulières qui ont disparu des continents voisins. Ce sont : - les forêts denses humides sempervirentes sur le versant oriental - les forêts denses sclérophylles d'altitude - les mangroves de la côte ouest et nord-ouest -les forêts denses sèches décidues dans l'ouest et le sud-ouest - les fourrés xérophiles du sud. On compte également 320 000 ha de reboisement (peuplements forestiers de pins et eucalyptus). Cette flore a de nombreux usages en pharmacopée traditionnelle. Elle est aussi utilisée en médecine, par exemple la pervenche de Madagascar (Catharantus roseus) pour le traitement de la leucémie 15 Annexe 2 Quelques dates de l’histoire de la conservation de la nature à Madagascar Dates Mesures 1787 à 1881 Politique forestière pendant la monarchie merina 1881 Code des 305 articles 1895 à 1960 Politique forestière sous la colonisation française 1923 5 îlots sont déclarés réserves pour tortues nidifiantes 1925 Création du parc botanique et zoologique de Tsimbazaza à Tananarive 1927 Décret du 31 décembre 1927 qui a créé les 10 premières Réserves Naturelles (RN) de Madagascar 1930 Décret forestier 1933 Convention internationale pour la protection de la faune et de la flore en Afrique adoptée à Londres et ratifiée par la France en 1938. Les Réserves Naturelles deviennent Réserves Naturelles Intégrales (RNI) 1954 Décret qui introduit le terme de Parc National PN dans la législation 1960 à 1983 Politique de reboisement 1970 Première Conférence internationale sur l'utilisation rationnelle des ressources naturelles et la conservation de la nature organisée à Tananarive avec la collaboration de l'UICN et de l'UNESCO 1979 Ouverture d'une représentation de l'ONG internationale WWF (Fonds Mondial de la Nature) à Madagascar avril 1984 Création d'une commission nationale de la stratégie de la conservation des ressources vivantes au service du développement national placée sous la tutelle directe de la Présidence de la République juin-juillet 1984 Élaboration d'une stratégie nationale de conservation (SNC) mai 1985 Publication de la politique forestière visant à "protéger et produire, développer sans détruire". novembre 1985 Tenue à Antananarivo d'un séminaire international sur "la conservation au service du développement". 1990 Promulgation de la loi n°90-033 portant Charte de l'Environnement qui définit la politique nationale de l'environnement à Madagascar 1990 Plan d'action environnemental PAE 1990 Création de l'Association Nationale pour la Gestion des Aires Protégées (Angap) 1992-1996 PE I Plan environnemental Phase I 16 1993 Ordonnance n°93-022 du 04/05/93 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture 1994 A Majunga, Atelier national (novembre) sur les occupations humaines dans les aires protégées 1995 Décret n°95-377, relatif à la Mise en Compatibilité des Investissements avec l’Environnement (MECIE) 1995 Ratification de la Convention sur la Diversité biologique de Madagascar (loi n°95-013 du 9 août 1995, décret n° 95-695 du 3 novembre 1995 1996 Loi 96-025 sur la gestion locale sécurisée dite loi GELOSE 1997 Redéfinition de la politique forestière (décret n°97 1200 du 2/10/97 1997 Arrêté ministériel n°4355/97 portant définition et délimitation des zones sensibles 1997-2001 PE II Plan environnemental Phase II 1998 Ratification de la convention de RAMSAR sur les zones humides (Loi n° 98-003 du 19/02/98, Décret n°98-261 du 24/03/1998) 1998 Ratification de la Convention pour la protection, la gestion et la mise en valeur du milieu marin et des zones côtières de la région de l'Afrique orientale, Convention de Nairobi (Loi n° 98-004 du 19/02/98 et décret n° 98-260 du 24/04/98) 2001 Nouvelle Politique Forestière 2001 Loi n° 2001/05 portant Code de gestion des aires protégées. ANGAP : Plan de Gestion du Réseau National des Aires Protégées de Madagascar GRAP 2002-2006 PE III Plan environnemental Phase III 2002 Adoption du Code des Aires Protégées 2002 Semaine de l'écotourisme (21 au 28 septembre) 17 Annexe 3 Les Aires Protégées de Madagascar En juin 2003, Madagascar contient 46 aires protégées (AP) sur tout le territoire, soit une superficie protégée de 3%, un taux faible si l'on se réfère au taux de 10 % que l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) considère comme raisonnable pour chaque pays du monde. Madagascar est pourtant bien pourvue en aires protégées classées par ordre d'importance dans l'une des trois catégories suivantes : Réserve Naturelle Intégrale (RNI), Parc National (PN), Réserve Spéciale (RS). La répartition est la suivante : 8 Parcs nationaux –PN-, 5 réserves naturelles intégrales –RNI- et 23 Réserves Spéciales –RS- (données ANGAP, 2003). Réserves Naturelles Intégrales (RNI) 1594 km2 (9%) Réserves Spéciales (RS) 3754 km2 (21,1%) Bemaraha (en partie) Betampona Lokobe Tsaratanana Zahamena (en partie) Ambatovaky Ambohijanahary Ambohitantely Analamazaotra Analamerana Andranomena Anjanaharibe Sud Ankarana Bemarivo Bezaha Mahafaly Bora Cap Sainte Marie Fôret d'Ambre Kalambatritra Kasijy Mangerivola Maningoza Manombo Manongarivo Marotandrano Nosy Mangabe Pic d'Ivohibe Tampoketsa-Analamaintso 18 Parc National (PN) 12279 km2 (69,2%) Andohahela Andringitra Ankarafantsika Baie de Baly Bemaraha (partie Sud) Isalo Kirindy Mite Mananara-Nord Mantadia Marojejy Masoala Midongy du Sud Montagne d'Ambre Ranomafana Tsimanampetsotsa Tsingy de Namoroka Zahamena (en partie) Zombitse Vohibasia Une Aire Protégée (AP) est un territoire délimité, terrestre, côtier ou marin, eaux larges saumâtres et continentales, dont les composantes présentent une valeur particulière et notamment biologique, naturelle, esthétique, morphologique, historique, archéologique, cultuelle ou culturelle et qui de ce fait, dans l'intérêt général, nécessite une préservation contre tout effet de dégradation naturelle et contre toute intervention artificielle susceptible d'en altérer l'aspect, la composition et l'évolution (Art. 1 du Code des AP, 2002). 19 Bibliographie AUBREVILLE A. ; 1949. - Climats, forêts et désertification de l'Afrique tropicale. 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