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fonds régional d'art contemporain de Bourgogne 49 rue de Longvic F - 21000 Dijon t. 33 [0]3 80 67 18 18 f. 33 [0]3 80 66 33 29 [email protected] www.frac-bourgogne.org Dora García : Yes or No (The Sphinx), 2005 © photo : Michel Rein, Paris DORA GARCÍA COMMUNIQUÉ DE DES MESSAGES, DES INSTRUCTIONS, DES QUESTIONS PRESSE 1 er octobre au 26 novembre 2005 vernissage le samedi 1er octobre à partir de 18 h ouvert du lundi au samedi de 14 h à 18 h Concert jus de fruits #4 le dimanche 9 octobre à 11 h au Frac - entrée libre Visite accompagnée le samedi 15 octobre à 15 h au Frac - entrée libre Catalogue monographique : 240 pages, 20 x 24,5 cm, ill. coul. (coéd. Frac Bourgogne // Musac, León, Espagne) Cumulus / Festival Why Note : Conférence d’Emmanuel Holterbach (L’art sonore) le samedi 26 novembre à 14 h 30 Concert de Sébastien Lespinasse (Poésie sonore -> Ursonate de K. Schwitters, Bouchabouch et D’automne de S. Lespinasse) le samedi 26 novembre à 17 h au Frac - entrée libre Pour son exposition au Frac Bourgogne, Dora García a regroupé des œuvres sous l’intitulé Des Messages, des instructions, des questions. Ce titre fait explicitement référence à la manière dont son travail agit. En effet, il initie des situations mettant le spectateur en jeu de façon à révéler le sens de ses réactions. Au moyen de vidéos principalement mais aussi de sculptures ou de pièces murales, Dora García s’intéresse ici à tout ce qui intervient dans la communication entre un artiste et son public. Ainsi l’art ne représente plus le monde, ne reproduit plus le réel, mais il est luimême producteur de réalité. Les œuvres de Dora García ont été présentées à Dijon à plusieurs reprises, à l’occasion de l’exposition 1 :1 x temps, quantités, proportions et fuites (2003), où elle présentait Proxy, incarnation du temps de l’exposition, et cet été, dans l’exposition Le Génie du lieu au Musée des Beaux-Arts de Dijon, où étaient exposées d’une part Des visiteurs et des résidents, traduction en arabe des dispositifs de signalétique et des documents pédagogiques du musée, ainsi que La réalité est une illusion bien tenace, phrase écrite en lettres d’or sur la pierre de l’escalier Gabriel du Palais des Ducs. Invitée cette fois à investir seule l’espace d’exposition du Frac Bourgogne, Dora García a rassemblé des œuvres qui constituent une critique institutionnelle, au sens où elle décrypte la nature des relations qui nouent l’artiste à son public. Pour qu’une œuvre existe, il faut un émetteur (l’artiste), un récepteur au moins (le visiteur) et un message (l’objet d’art). Contrairement à une idée qui voudrait que l’art s’adresse immédiatement au plus grand nombre, Dora García s’intéresse à ce qui se joue à l’échelle d’un individu. Ainsi, elle choisit d’émettre des messages singulièrement codés, chargés de susciter une relation spécifique avec chacun des visiteurs. Elle utilise pour cela très souvent le langage, comme moyen de communication entre les êtres. Ainsi les phrases d’or sont des énoncés très généraux, présentés comme des vérités absolues inscrites à la feuille d’or sur les murs de l’exposition, et qui sollicitent la réflexion personnelle du visiteur. D’autres phrases sont directement extraites de titres de journaux. Dans d’autres cas, le langage est moins directement accessible. Par exemple pour Letters to Other Planets (2005) un texte traduit dans plusieurs langues rares, il est fort peu probable qu’il puisse être lu, et donc compris. L’artiste questionne ainsi le rôle effectif que peuvent jouer tous ces documents mis à disposition des visiteurs et sensés lui permettre de mieux comprendre les œuvres. Elle s’intéresse à la possibilité de s’adresser à tout le monde, même au-delà des frontières admises de l’art, en espérant qu’un zoulou ou un géorgien, puissent être présents. Le titre évoque aussi ces messages que les terriens envoient dans la galaxie en espérant qu’ils soient captés un jour par d’improbables martiens. Quant à penser qu’il y a autant de chance d’atteindre un visiteur que de pouvoir s’adresser à un extra-terrestre, la question reste posée. Dans une telle situation, le code que choisit Dora García individualise particulièrement l’échange dans le sens où très peu de personnes sont a priori susceptibles de le déchiffrer. Le message est alors protégé des regards extérieurs. Il s’adresse à une personne qui possède des qualités particulières, sans pour autant être identifiée à l’avance. Pour The Messenger (2002) qui est présenté ici en vidéo, une jeune femme est face à la caméra. Elle énonce lentement et distinctement un texte dans une langue mystérieuse. Le message ne trouvera son sens, ou éventuellement une réponse, que si un visiteur connaît ce langage. L’artiste souligne ainsi le propre de chaque rencontre entre une œuvre et son visiteur. The Messenger se révèle aussi une proposition excluant tous ceux qui ne comprendront pas le message, les laissant définitivement ignorants de son contenu. La langue n’est alors plus moyen de communication mais au contraire une limite à rencontrer l’autre. Pour Burning Post-Its (2004) la règle du jeu nous reste inconnue. A plusieurs reprises Dora García a abordé, à travers les relations entre l’œuvre, le visiteur et l’artiste, cette expérience de rejet. A l’opposé d’une relation à l’autre empreinte de convivialité et de compréhension mutuelle, Dora García s’intéresse à ce qui advient dans la part sombre, lorsque l’équilibre bascule. Ainsi The Glass Wall (2003) est un film vidéo dans lequel on découvre une jeune femme dans son appartement. Elle est équipée d’un téléphone avec écouteurs et reçoit des instructions d’une voix sans visage qui l’amène à se déplacer, en étant suivie par la caméra. Etonnamment soumise aux ordres par quelque pacte mystérieux, le film bascule lorsqu’elle essaie de se rebeller, en vain. La voix semble s’être substituée à sa conscience, proliférant jusqu’à l’envahir complètement et lui ôter tout libre arbitre. Même lorsqu’elle essayera d’y échapper, la voix la rattrapera au point de la soumettre totalement. On pense évidemment aux livres et films d’anticipation décrivant une société gouvernée par quelque dictateur, projections des craintes d’une société démocratique se croyant définitivement protégée de ses démons. On retrouve cette ombre à travers la référence à l’œuvre de Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 (1957), 2002, œuvre de la collection du Frac Bourgogne ou encore dans Surveillance, Perquisition, Détention, montage réalisé à partir d’une vidéo éducative d’archive, datant de 1984, et destinée aux fonctionnaires du Ministère de la sécurité de l’Etat (Stasi) dans l’ex RDA. The Glass Wall Live (2005) est une proposition récente qui utilise sur le même principe les possibilités des technologies interactives via l’Internet. En effet l’artiste adresse des instructions en temps réel au visiteur de l’exposition qui choisit ou non d’y répondre. Le jeu anonyme peut ou non s’engager, le visiteur s’abandonner volontairement au désir de l’autre, se rebeller, ou encore assister aux réponses apportées éventuellement par d’autres visiteurs. Le pouvoir est l’une des données de la relation à l’autre à laquelle s’intéresse tout particulièrement Dora García, tour à tour dominant et dominé. Dans Breathing Lesson (2001) on assiste à l’entraînement d’une personne qui chercherait à respirer le moins possible. Dora García écrit : « Dans le processus de l’entraînement, que “la leçon respiratoire” tente de présenter comme un archétype, une relation complexe s’établit entre deux êtres humains. L’entraîneur qui connaît les secrets de la perfection, mais ne peut (déjà) plus les mettre en oeuvre sur luimême, utilise le corps de “l’autre”, de l’entraîné, pour créer cet idéal de perfection, de contrôle, de jeunesse. C’est une forme de possession. L’entraîné doit s’abandonner totalement à ce processus, donner toute sa foi et sa confiance à l’entraîneur, lui obéir aveuglément. » Placée dans cette exposition, la vidéo serait-elle également la métaphore de la relation à l’œuvre, envisagée comme nécessitant un effort immense mais permettant d’accéder au plus haut ? En tout cas, comme le révèle Fahrenheit 451 (1957), la réception n’est jamais chose transparente. Elle est le fruit d’une imprégnation, voire comme l’évoque le livre de Ray Bradbury, d’une incarnation. Il n’y alors plus de frontière entre la fiction que constituerait l’œuvre et le réel dans lequel se trouverait le visiteur. Dora García invite ainsi à reconsidérer le monde de l’art et ses règles du jeu. Claire Legrand Cette exposition est réalisée avec le soutien du ministère de la Culture (Direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne) et du Conseil régional de Bourgogne. L’œuvre Letters To Other Planets est une coproduction Frac Bourgogne et SMAK (Gand). Remerciements à la galerie Juana de Aizpuru (Madrid).