le livre blanc Septembre 2015

Transcription

le livre blanc Septembre 2015
Septembre 2015
le livre blanc
« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus
fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le
mieux aux changements »
Charles DARWIN
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Utopie ou réalité ?
A n’en pas douter, la mobilité durable est d’ores-et-déjà une préoccupation pour bon nombre d’entre nous,
pour des raisons aussi bien économiques qu’environnementales, pour une question de confort ou tout
simplement de bon sens. Du covoiturage à l’autopartage en passant par le véhicule électrique ou le véhicule
autonome, les offres de transport nouvelles, alternatives, se développent et marquent des points.
La mobilité durable n’en est qu’à ses balbutiements. Nous le voyons au quotidien dans notre métier de
loueur en location longue durée : si nos clients et prospects expriment de nouveaux besoins de flexibilité, les
usages évoluent lentement. L’autopartage, par exemple, demeure anecdotique dans les flottes automobiles
de nos clients. Mais le changement est en marche et la mobilité durable fera clairement partie de notre vie
d’ici 15 à 20 ans.
C’est cette certitude qui nous a incité, en tant que loueur, à prendre de l’avance sur le marché en termes
de mobilité durable. C’est aussi cette certitude qui nous a conduit à créer, en septembre 2013, le Club de
la Mobilité Durable, un lieu d’échanges, de réflexion et de prospective ayant pour ambition de faire émerger
des solutions de mobilité en entreprise et de faire bouger les mentalités en matière de transport et, plus
largement, de mobilité. Nous avons été agréablement surpris par l’accueil réservé au Club par nos différents
publics, issus de l’entreprise, d’organisations privées ou publiques, preuve que la mobilité durable est au
cœur de leurs préoccupations.
Il est temps aujourd’hui d’aller plus vite et plus loin. L’ambition du Club de la Mobilité Durable, au travers
de son Livre Blanc, est de contribuer à évangéliser le marché et d’impliquer les pouvoirs publics. Car seule
l’incitation du gouvernement pourra faire changer les comportements concrètement et durablement.
Nous avons confié au journaliste Jean-François Rabilloud la rédaction de ce Livre Blanc qui analyse les
pratiques et les comportements nouveaux en termes de mobilité et de façon de travailler et qui explore en
profondeur les solutions nouvelles ou à l’étude, dans une vision prospective à horizon 2030. Le Livre Blanc
propose, enfin, des idées et des solutions concrètes qui sont le fruit du travail réalisé au sein d’ateliers de
réflexion organisés par le Club de la Mobilité Durable depuis plus d’un an.
Nous irons porter ces propositions auprès des élus afin d’obtenir leur soutien et favoriser la mise en place de
ces propositions. Le calendrier est d’ailleurs idéal, à quelques mois de la 21ème conférence des Nations Unies
sur les changements climatiques, pour mobiliser ces élus et donner au gouvernement une posture engagée
en faveur d’une mobilité vertueuse.
Bonne lecture !
Préface
Bruno Leray, Président d’Athlon France
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L’évènement fera date quelle qu’en soit l’issue :
du 30 novembre au 11 décembre 2015, la France
organise, sur le site Paris-Le Bourget, la 21ème
conférence des Nations Unies sur les changements
climatiques. Echéance cruciale qui doit aboutir
à
l’adoption
d’un
premier
accord
universel
et contraignant sur le climat pour contenir le
réchauffement global en deçà de 2°C.
Les enjeux sont sans précédent. Il s’agit, à terme,
de transformer notre modèle de société en agissant
sur des secteurs clés : les forêts, l’agriculture,
l’industrie mais aussi les énergies renouvelables,
l’efficacité énergétique, les villes durables et la
mobilité durable.
Ces deux derniers secteurs sont déterminants
pour tenir les objectifs fixés en juillet 2014 par la
Commission de Bruxelles aux 28 Etats membres
de l’Union : réaliser 27% d’économies d’énergie à
l’horizon 2030.
S’ils étaient atteints, ces objectifs permettraient
à l’Europe de baisser de 53 milliards d’euros sa
facture énergétique tout en réduisant de 40% ses
émissions de gaz à effet de serre et en portant à
27% la part des énergies renouvelables dans son
mix énergétique.
Un élément central, la Mobilité Durable, est de ce
combat. Elle est au cœur de ce Livre Blanc.
Qui dit Mobilité Durable dit « véhicules propres »,
que ce soit pour la route, le train, le tram, le bateau
et l’avion. Le pétrole fournit aujourd’hui 98% du
carburant des transports. Aucun expert, aucun
économiste ne l’avait prévu.
Qui peut prédire que le baril ne reviendra pas aux
Introduction
111 dollars de 2011 ou 2012 ?
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Il faut donc, évidemment, développer des sources
recompose à l’avantage des plates-formes de
d’énergies alternatives et réduire consommation et
distribution, qui assurent la transparence des
importation de pétrole.
prix et accèdent directement au consommateur,
au détriment des activités de production et
Mais l’urgence va bien au-delà. « Il y a crise », disait le
d’intermédiation. Une vaste relocalisation sectorielle
théoricien Antonio Gramsci, « quand le vieux monde
et géographique des investissements et des emplois
ne veut pas mourir et que le nouveau ne peut pas
en découle, dont les Etats-Unis, qui comptent 80%
vivre ».
des groupes mondiaux de l’Internet, et l’Asie sont
pour l’heure les grands gagnants. »
Nous y sommes.
Le Point – 01.01.2015.
La troisième révolution industrielle est largement
Voilà pour le décor où se joue une pièce qui nous
engagée. La numérisation du monde s’impose
concerne tous : la mobilité. Chaque acteur souhaite
partout. L’économie numérique connectera 80% de
qu’elle soit désormais moins subie, plus collaborative
la population mondiale à Internet dans 10 ans. 35%
le sont aujourd’hui.
et largement associée à une expérience connectée.
L’économiste Nicolas Baverez commente ainsi ce
Les technologies devancent toujours les politiques.
nouveau « Big Bang » dans le capitalisme :
La publication de ce Livre Blanc intervient alors que
« L’économie numérique, après le temps du calcul
gouvernement Ayrault, devrait être débattu devant
puis celui des réseaux, entre à l’âge des données et
le Parlement au deuxième semestre de cette année
de l’automatisation qui vont bouleverser via les big
2015.
le projet de loi numérique promis il y a 2 ans par le
data, les objets connectés, les véhicules autonomes
Auparavant, la Commission Européenne doit
et l’intelligence artificielle tous les secteurs et les
présenter son plan d’action sur le numérique.
emplois, y compris dans les activités à forte valeur
La Secrétaire d’Etat au Numérique souligne un
ajoutée. L’énergie avec l’émancipation progressive
paradoxe français : « Engouement et perplexité
de la contrainte pétrolière mais aussi, à terme, du
cohabitent
caractère non stockable de l’électricité, ouvrant
face
aux
changements
majeurs
qu’apporte le numérique »… « Nous n’adhérons
la voie à de nouvelles capacités de production
pas
décentralisées et donnant un rôle central aux réseaux
spontanément
aux
discours
définitifs
revendiqués par des géants de l’Internet devenus
intelligents. L’écologie avec la nécessité de gérer de
incontournables »…
manière plus efficace des ressources finies et de
limiter drastiquement toutes les sources de pollution.
En attendant que se construise la « République
Numérique » souhaitée par Axelle Lemaire, ce
L’histoire du capitalisme n’a jamais connu de
Livre Blanc apporte sa contribution avec pour
révolutions simultanées d’une telle ampleur. Leurs
horizon l’année 2030. Il est initié par le Club de
conséquences sont immenses, même si elles sont
la Mobilité Durable et parrainé par Athlon, acteur
loin d’être entièrement connues.
de la location longue durée et filiale de Rabobank,
qu’accompagnent Ubeeqo et Regus.
Sur le plan économique, la chaîne de valeur se
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Comment repenser nos modes de déplacement ?
2000, on imaginait volontiers la vie dans l’espace
Avec quelles technologies ? A quel coût ? Et pour
et l’alimentation rationalisée autour de quelques
quel bénéfice humain, environnemental et financier ?
pilules ou produits de synthèse… On en est loin,
Ce sont quelques-unes des questions centrales sur
même si le transport aérien explose et qu’on
lesquelles le Club débat et échange avec tous les
polémique sur la « mal bouffe »…
acteurs concernés par le sujet de la mobilité.
Il y a 50 ans, personne n’imaginait l’ampleur de
Ces réflexions, enrichies d’ateliers de travail
l’ouragan numérique à venir. Sans Smartphone, sans
organisés et animés par Opinion Way, ont nourri ce
Internet, sans réseaux sociaux, sans tablettes, sans
Livre Blanc qui a deux ambitions :
GPS, sans « dictature de l’urgence » (pour reprendre
le titre de l’excellent livre de Gilles Finchelstein –
• Dresser l’état des lieux des pratiques les plus
Fayard – 2011), le monde ancien pressentait sans
innovantes aujourd’hui en matière de transport et
doute le changement. Mais qui pouvait se douter
d’organisation du travail, en tentant un inventaire
de ce qu’apportent les dernières technologies.
que le chambardement technologique des années
• Imaginer les solutions de demain en termes de
que ne l’ont fait l’électricité, le téléphone, le train,
2000 bouleverserait nos vies en profondeur, plus
mobilité durable, proposer un certain nombre de
l’avion et, bien sûr, l’automobile… ?
« solutions de mobilité » à travers les suggestions
« Nous passons de Gutenberg à Asimov » déclarait
formulées dans les ateliers de travail.
Jean-Louis Constanza au Point en juillet dernier.
Il est clair que les stratégies de mobilité que nous
« Ce qui frappe c’est l’accélération du changement.
allons évoquer seront abordées de manière globale.
Avant, la croissance de la lecture suivait la
Elles prendront en considération les questions
démographie. Aujourd’hui, le numérique surfe sur la
de transport, d’environnement de travail et les
loi de Moore qui va 50 fois plus vite. Il a fallu 500 ans
technologies, toujours plus nombreuses, mises à la
pour arriver à 80% de lecteurs et seulement 10 ans
disposition des salariés…
pour arriver à 80% d’utilisateurs de smartphones.
Il s’agit de tenter de répondre à une double question :
Un smartphone est plus puissant que toute la NASA
« Comment allons-nous travailler et nous déplacer à
de 1970 ». (1)
l’horizon 2030 ? »
Et le smartphone est l’un des vecteurs les plus forts
Pourquoi 2030 ? D’abord en référence aux
de la mobilité. Il s’en est vendu plus d’un milliard en
objectifs fixés par l’Union Européenne et puis
2014 dans le monde.
parce qu’au-delà de 15 ans, la visibilité se réduit
Pour la France, le cabinet GFK prévoit en 2015
considérablement quand on parle de sources
une nouvelle croissance à deux chiffres avec vingt
d’énergie, de technologies, d’environnement… et
millions cinq cent mille terminaux.
d’organisation du travail…
Ce Livre Blanc est signé d’un journaliste. Pas
Souvenons-nous que :
de futurologie mais un travail d’enquête et de
documentation auquel s’ajoutent les fruits de 3
Dans les années 60, lorsqu’on évoquait les années
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workshops qu’Opinion Way a conduit pour le Club
de la Mobilité Durable cette année :
• Le premier atelier rassemblait des représentants
de la génération Y. Jeunes femmes et jeunes
hommes vivant et travaillant à Paris ou en Ile de
France.
• Le deuxième atelier réunissait un certain nombre
d’experts : sociologues, économistes, ingénieurs,
urbanistes.
• Le troisième atelier faisait plancher DRH et
Responsables de la Mobilité en Entreprise.
Bien sûr il est impossible d’être exhaustif. Et pas
question de donner des leçons, que ce soit aux
pouvoirs publics, aux entreprises ou à leurs salariés.
Mais simplement tracer des pistes, faire des propositions concrètes et montrer que l’impossible d’hier
devient possible aujourd’hui.
Ou comment passer d’un monde à un autre…
Jean-François Rabilloud
(1) Jean-Louis Constanza - Directeur de l’Innovation chez
Criteo, startup française spécialisée dans la publicité ciblée
sur le web. Criteo est présente dans 40 pays et touche
924 millions d’internautes par mois - Le Point Juillet 2014.
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Le constat en 2015
Comment travaille-t-on et comment se déplace-t-on
aujourd’hui ? Comme il y a 20 ans… ou presque…
Certes les ordinateurs sont omniprésents, les espaces climatisés, les open-spaces très répandus…
Bien sûr on envoie nos mails depuis notre smartphone et l’on intervient à l’autre bout du monde dans
des réunions via Skype ou Web Ex… Mais le bureau
est toujours là, tout comme le moyen de transport
qui y conduit… Les bouchons sur les voies d’accès
aux quartiers d’affaires ne sont plus l’apanage de
l’Ile de France… Toutes les grandes métropoles régionales vivent le cauchemar parisien… Seules les
campagnes et les petites villes sont épargnées…
Pour combien de temps ?
En 25 ans, la distance moyenne domicile-travail
a crû de 60%... 73% des actifs se rendent à leur
lieu de travail en voiture et passent 58 heures par
an dans les bouchons… Pour une entreprise ins-
1
DE L’AUTOMOBILE
à LA MOBILITé
tallée dans un immeuble, le second poste de dépenses après le loyer est dû aux déplacements, aux
voyages et à la flotte des voitures… Loin devant
la téléphonie et la bureautique. (Chiffres cités par
Bruno Marzloff « Sans Bureau Fixe » Ed FYP 2013).
En région parisienne, le nombre de déplacements
quotidiens est passé d’une moyenne de 2,02 en
1976 à 2,39 en 2010. Les scénarios les plus sombres
verraient une croissance entre 2010 et 2030 de +10
à +20% du trafic des voitures, ce qui semble totalement incompatible avec les capacités du réseau…
Dans son essai stimulant «Sans Bureau Fixe» paru
en 2013 (Ed FYP), Bruno Marzloff propose, pour
échapper à l’asphyxie, l’idée de «démobilité», voire
de « remobilité »… Car « il s’agit autant de réduire
les déplacements con-traints que de capitaliser sur
les mobilités choisies et, d’autre part, de déployer
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des mobilités plus créatives »… Multiplier les offres
En France on en est loin, même si le télétravail pro-
de transports pour réduire la congestion n’a plus
gresse. En 2005, seuls 8% des salariés français pra-
de sens. « C’est comme relâcher sa ceinture pour
tiquaient le télétravail au moins un jour par semaine.
prévenir l’obésité ».
En 2012, ils étaient 17% selon les chiffres du cabinet LBMG Worklabs. Chez Renault, on comptait
Pour le fondateur de « Chronos » (laboratoire des
près d’un millier de travailleurs à distance parmi les
mobilités innovantes), nous avons une « difficulté
20.000 salariés du constructeur en Ile de France.
culturelle à admettre que la transition énergétique
(Enquête « Capital.fr » 2012).
en matière de transport passe par des réductions
de déplacements, et encore plus à considérer que
Le retard français en matière de télétravail s’explique
la démarche s’associe à la transition du travail.
d’abord par l’absence d’alternative : on travaille soit
Pourtant il s’agit là d’un des gisements les plus sol-
de son bureau, soit de la maison.
vables d’économies d’énergie ».
D’où les initiatives de Regus qui propose désormais
Propos confirmés par Frédéric Bleuse, ancien Di-
des espaces de travail parfaitement équipés dans
recteur Général France de Regus (multinationale
des lieux insolites : une aire de repos de l’autoroute
anglo-américaine spécialisée dans la location d’es-
A10, la gare du Nord à Paris, celle du Mans (plu-
paces de travail flexibles) : « En France et dans les
sieurs centaines de manceaux montent chaque jour
pays latins en général, il existe une réticence d’ordre
à Paris), ou encore le centre de Fontainebleau (6000
culturel à l’encontre des nouvelles façons de travail-
personnes font tous les matins le trajet Fontaine-
ler. Leur adoption reste bloquée par une certaine
bleau – gare de Lyon par le train…).
culture du « présentéisme ». Les managers tiennent
En attendant les bureaux de 2030, virtuels ou pas,
à voir leur personnel travailler physiquement au bu-
les grandes entreprises reproduisent les mêmes
reau. Ce préjugé culturel revient à penser que s’il
schémas, mais en version high-tech et écolo. Cette
n’y a plus de manager pour garder le personnel à
année SFR-Numéricable transfère 8.500 collabo-
l’œil, celui-ci travaillera moins. De leur côté, les sala-
rateurs dans son nouveau campus ultra connecté
riés eux-mêmes tiennent à voir régulièrement leur
(Wi-Fi et connexions HG) proche du Stade de
manager, sous peine de se sentir déconsidérés par
France. Le mètre carré coûte 250 euros à Saint-De-
leur entreprise. Au sein d’une entreprise française,
nis contre 450 euros à la Défense. Les logiques de
la confiance repose et se construit sur la présence
coût sont implacables.
physique de toute l’équipe ».
Bien sûr, tous ces immeubles « HQE » aux toitures
Voilà donc une vraie spécificité française : Regus a
végétalisées et aux nuisances sonores réduites sont
mené l’an dernier une enquête sur le travail à dis-
irréprochables sur le plan environnemental. La nou-
tance auprès de 26.000 cadres supérieurs et chefs
velle tour « Majunga » (191 mètres de hauteur à la
d’entreprise de 90 pays dans le monde entier.
Défense) affiche, selon son architecte Jean-Paul
L’enquête révèle que 48% des sondés travaillent
Viguier, « le meilleur score européen de consom-
aujourd’hui à distance pendant la moitié de leur
mation énergétique par mètre carré sur un lieu de
semaine de travail.
travail »… (Le Point - 6 mars 2014).
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En Rhône-Alpes, la tour « Incity » qui surplombera fin
place des meubles », dit David Radcliffe (Directeur
2015 le quartier d’affaires de la Part-Dieu s’impose-
de l’immobilier de Google). Les seules structures
ra alors comme le plus haut gratte-ciel de Lyon. Ses
permanentes seront les toilettes et les escaliers.
façades dessinées par l’agence Valode & Pistre ont
Google veut libérer la construction « des limitations
été conçues en fonction de leur exposition. Côtés
de l’architecture traditionnelle que sont les murs, les
est, sud et ouest, une double peau mince protège
fenêtres et les toits »…
du soleil. Au nord, une seule paroi, mais présentant
Les meilleurs ingénieurs du monde travaillent à ce
une bonne performance thermique l’hiver et des
projet mais les contraintes du XXème siècle demeurent.
stores intérieurs propices au confort visuel du travail
Les élus de Mountain View (80.000 habitants) sont
sur écran. Car 90% des bureaux sont disposés en
ravis d’avoir vu les plans bucoliques de Google, mais
premier jour, limitant ainsi au minimum l’usage de
plusieurs demandent déjà où tous ces nouveaux
l’éclairage artificiel.
employés vont être logés et avec quels moyens de
La ville-travail se déplace. Elle investit d’anciennes
transport ils viendront travailler. Comme le déplore lui
villes-dortoirs pour le plus grand bénéfice financier
même Bjarke Ingels (l’un des architectes danois), le
des communes. Mais en termes de mobilité, c’est
campus actuel a été englouti dans « une mer de
le statu quo. Il faut venir à Saint-Denis comme on
parkings ». L’architecte promet de « renverser ce
venait à la Défense : en RER, métro, vélo, bus ou
processus » mais il n’explique pas comment.
voiture. Et il faudra venir à la Part-Dieu comme il y a
Pour l’instant, partout dans le monde, le siège de
20 ans : en vélo, métro, bus ou voiture…
l’entreprise perdure. Il ne sera bientôt plus qu’une
Aux Etats-Unis, Facebook, Google, Apple tentent
escale d’un parcours multiple jalonné d’usages
de révolutionner l’espace de travail à travers de
connectés (Twitter, Skype) où l’on dialoguera avec
gigantesques projets immobiliers.
ses équipes ou ses clients en réduisant considérablement ses temps de déplacement. A terme, la
Google imagine pour son nouveau siège de Moun-
localisation unique du travail au siège de l’entreprise
tain View (au sud de San Francisco) un endroit re-
est condamnée. Mais à quelle échéance ?
configurable au gré des projets.
Les investissements considérables réalisés pour
La correspondante du Monde Corinne Lesnes
construire ces bureaux du troisième type en 2015
évoque pour 2020 : « Le nouveau Googleplex est
impliquent leur pérennité en 2030. Et revient donc la
un ensemble utopique qui brouillera les distinc-
grande question des déplacements avec son cor-
tions entre intérieur et extérieur. Plus de béton, ni
tège de contraintes et d’innovations. Mais l’avenir
de murs, ni de toit rigide. Les éléments de base –
de la Mobilité Durable ne passe pas que par les
planchers, plafonds – pourront être fixés à quelques
transports…
structures permanentes métalliques ou détachés
selon les besoins, comme des grilles dans un four.
Chacun sent bien que nous vivons là un « entre-
Les parois seront amovibles, assemblées comme
deux », cette période où le monde ancien n’a pas
des blocs sur un jeu de construction, à l’aide de pe-
totalement disparu (loin s’en faut…) et où le monde
tites grues robot (les « crabots »). « Comme on dé-
nouveau ne fait qu’apparaître…
10
a) Nouvelles pratiques
Nouveaux comportements
Cette transition s’incarne dans la « mobilité numérique » de nombreux salariés. Bruno Marzloff rappelle que 42% des travailleurs interrogés en 2012
(Etude Wite 2.0) se déclarent déjà nomades… Ils
sont agiles voire « hyperagiles » intégrant aussi bien
les derniers outils que les nouveaux territoires (tiers
lieux de toutes sortes…).
Agiles ou pas, les salariés de 2015 continuent de
se déplacer comme il y a 20 ans (Train – RER –
Métro – Vélo – Voiture). Mais l’année 2014 a fait date
en termes d’innovation. Des solutions alternatives,
jusqu’ici anecdotiques, s’imposent désormais à
grande échelle…
Les grèves SNCF de juin 2014 ont définitivement
convaincu la plupart des usagers de l’efficacité
du covoiturage. Blablacar, N°1 du covoiturage en
France, a réussi, en l’espace de 5 ans, à créer un
esprit communautaire et humaniste autour de cette
nouvelle pratique. 10 millions d’utilisateurs en Europe, 4 millions en France à l’été 2014. 95% de part
de marché. Il n’en fallait pas plus pour que le PDG
de Blablacar, Frédéric Mazzella, 38 ans, devienne
une icône de l’économie collaborative…
11
Frédéric Mazzella (BlaBlacar) :
« La magie des nouvelles
technologies, c’est de pouvoir
s’adapter et anticiper »
années, la plupart de nos membres n’utiliseront
BlaBlaCar que depuis leur smartphone. Cette tendance, liée à la mobilité, est inévitable, et nous le
savons. Fin 2014, nous avons donc conçu une nouvelle application mobile, pour les passagers comme
pour les conducteurs, encore plus facile à utiliser. De
Valérie Froger - 4.02.2015 - Les Echos.fr
nouvelles fonctionnalités ont été ajoutées, comme
le filtre de recherche (possibilité de sélectionner
des trajets par prix, par expérience du conducteur
ou encore selon l’heure de départ), l’édition d’un
profil utilisateur, la suggestion intelligente des villes
ou encore l’historique des recherches récentes per-
Plus de 10 millions de membres dans le
monde, une présence dans 14 pays…
Comment gérez-vous cette communauté ?
mettant aux membres de retrouver facilement leurs
trajets favoris. Cette application native, sur iPhone
et Android, est totalement autonome du site Web.
Nous sommes présents sur les réseaux sociaux
1,7 million de membres. Une équipe interne, multi-
Etes-vous en train d’annoncer
la fin du Web au profit du mobile ?
lingue et centralisée à Paris, gère les demandes et
Non, bien sûr, la plate-forme Internet restera acces-
les messages de notre communauté. Les réseaux
sible via un ordinateur, mais, en France, comme
sociaux nous permettent de communiquer avec
à l’étranger, l’accent sera mis sur le mobile. C’est
nos membres et d’établir un lien entre le on-line et la
un choix délibéré de notre part. Nous avons déjà
comme Facebook, Twitter, YouTube… avec plus de
« vraie » vie. Mais c’est aussi une formidable source
franchi cette étape dans plusieurs pays [Turquie,
d’informations pour nous en termes d’exploitation
Inde, Russie, NDLR] dans lesquels nous nous
des données. Il y a quelques mois, nous avons
sommes récemment implantés. Sur ces marchés,
d’ailleurs mis en place une politique reposant sur
la pénétration des smartphones est telle que, pour
les dimensions du Big Data avec des outils et des
la plupart des gens, Internet signifie téléphone por-
services adaptés. L’idée est d’améliorer la relation
table. En termes de business, cette stratégie nous
client et d’optimiser nos services grâce à l’analyse
permet d’aller plus vite, de capter davantage d’utili-
prédictive des données.
sateurs et de proposer un service mobile accessible
Après le lancement de votre site
de covoiturage en 2006, vous faites
aujourd’hui le choix d’une stratégie mobile.
Pourquoi ce virage ?
de partout. Dans notre secteur, je suis convaincu
que l’avenir d’Internet passera par le téléphone.
C’est la raison pour laquelle nous ciblons en priorité
des pays avec un fort développement des réseaux
C’est la magie des nouvelles technologies, qui per-
sociaux, de téléphonie mobile et de bande pas-
mettent de s’adapter et d’anticiper l’évolution des
sante.
usages à moyen terme. Aujourd’hui, 30 % des con-
Valérie Froger
nexions se font par mobile mais, dans quelques
12
Blablacar a donc ouvert la voie à une foule d’initiatives destinées aux entreprises. Et ça marche !
Deux jeunes entrepreneurs, Julien Honnart et Cyrille
Courtière, ont lancé Wayz-Up en octobre 2012.
Leur objectif : faire connaître au covoiturage domicile-travail le même succès qu’au covoiturage occasionnel du week-end… Grace à une application
mobile prenant en compte les contraintes des salariés, Wayz-Up leur permet de trouver leurs covoitureurs en un clic sans changer leurs habitudes de
trajet, et ils s’organisent dans l’après-midi en cas
d’horaires variables en partageant leurs frais équitablement. Gratuit pour les salariés, Wayz-Up permet
aux entreprises d’améliorer l’accessibilité de leurs
sites et de valoriser les gains économiques et environnementaux de leurs collaborateurs… La dernière
version de Wayz-Up sur Iphone, Android et Web
permet de visualiser des trajets sur carte, de préciser les jours de disponibilité pour chaque trajet et de
saisir son point de départ et d’arrivée directement
sur une carte… Quant à la fiabilité des covoitureurs,
elle se visualise par la signalisation des membres les
plus actifs (nombre de personnes contactées et trajets partagés)…
En juin 2014, lors des Assises de la Mobilité organisées par la région IDF et le STIF, Wayz-Up s’est vu
remettre le Trophée de la Mobilité 2014 dans la catégorie : « Nouveaux usages et nouveaux véhicules ».
Aujourd’hui 30% des salariés se disent prêts à covoiturer.
C’est à Saint-Quentin-en-Yvelines que Wayz-Up a
décollé avec ses premiers clients : Renault, Safran,
Air Liquide, ou encore le Crédit Agricole…
Crédit Agricole SA installera, fin 2016, 4.800 de ses
salariés sur le Campus de Saint-Quentin-en-Yvelines.
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La plupart des collaborateurs du Crédit Agricole
viennent du centre de Paris. Il s’agit de cadres de
haut niveau. Jacques Baume, responsable de l’animation du Campus depuis l’automne 2013, cherchait une alternative au tandem voiture-train (RER)
jusqu’ici incontournable pour rejoindre les Yvelines.
Le contrat de service avec Wayz-Up a été signé début juin 2013. En 15 jours, 80 salariés étaient inscrits.
Avec les autres entreprises qui ont choisi la start-up
sur le campus, ce sont au total 700 collaborateurs
qui pratiquent le covoiturage domicile-travail. L’abonnement est pris en charge par l’entreprise…
«Ca n’est pas «la solution», dit Jacques Baume,
c’est une solution ». Comme la visioconférence,
dont chaque bureau du campus est équipé…
Par ailleurs, la banque réfléchit au « co-partage »
des voitures de fonction, sujet sensible au plus haut
niveau dans toutes les banques où cet avantage «
statutaire » garde tout son potentiel de séduction…
Dernière initiative : quelques dizaines de vélos électriques mis à disposition des salariés pour l’heure du
déjeuner… On est en France et pas au Pays-Bas…
En toile de fond du cercle vertueux, la volonté du
Crédit Agricole d’attirer les jeunes talents sortant des
grandes écoles… Entreprise difficile si l’on en croit
Jacques Baume, même sur un campus hautement
technologique et écologiquement très correct…
Sur ce site du Crédit Agricole, fin 2014, le télétravail
(1 jour par semaine) concerne 10% des salariés…
Les règles sont strictes. Crédit Agricole SA réfléchit
à la possibilité de passer à 2 jours par semaine dans
les mois qui viennent… Le haut management de la
Banque semble réticent pour les raisons évoquées
plus haut par l’ancien Directeur Général de Regus,
Frédéric Bleuse.
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On le voit, les choses bougent même si les fonda-
Voici le constat d’Alain Meyer, directeur du Dépar-
mentaux demeurent : on va au bureau mais on com-
tement Mobilité et Transports de l’Institut d’Amé-
mence à s’y rendre différemment, dans l’entreprise
nagement et d’Urbanisme d’Ile de France : « Tout
les TIC (Technologies de l’information et de la com-
d’abord par type d’activité : On constate que la
munication) sont omniprésentes, même si le papier
mobilité automobile diminue bien pour la popula-
et les imprimantes résistent… Les industriels de
tion en général et pour tous les types à l’exception
l’automobile continuent de produire des véhicules
des retraités. Des jeunes aux actifs seniors, tout le
mais ils n’ont plus rien à voir avec ceux qu’ils pro-
monde semble avoir réduit son utilisation de l’auto-
duisaient il y a 20 ans… C’est d’ailleurs sans doute
mobile ».
cette industrie plus que centenaire qui innove le plus
et connaît les plus grands bouleversements… C’est
L’exception des retraités peut s’expliquer par un
elle qui doit faire face à ce défi majeur inscrit sur le
effet générationnel. Les personnes âgées font par-
site du Ministère de l’Ecologie : « Quand vous avez
tie d’une génération qui a toujours utilisé l’auto-
envie d’un verre de lait, achetez-vous une vache ?
mobile durant sa période d’activité et ne changera
Alors pourquoi achèteriez-vous une voiture quand
pas ses habitudes une fois à la retraite. A l’inverse,
vous n’en avez besoin que de temps en temps ? ».
les jeunes semblent moins désireux de conduire
une automobile que ne l’étaient les retraités durant
Aujourd’hui la consommation se dématérialise au
leur jeunesse. Il faut néanmoins nuancer cet avis
profit de l’usage. C’est une révolution. En France,
car la plus faible part de jeunes détenant le per-
on estime que l’autopartage pourrait remplacer de
mis de conduire peut s’expliquer par des difficultés
4 à 6 voitures particulières.
financières, véritable barrière à l’accès au permis.
Aux Etats-Unis, l’étude menée par Alix Partners
sur un panel de 1.000 utilisateurs d’autopartage
Enfin, la baisse de la mobilité automobile n’est pas
répartis dans 10 grandes villes américaines estime
uniquement due à des comportements urbains.
que les services d’autopartage (commerciaux mais
Nous constatons ici que toutes les zones d’Ile de
aussi entre particuliers) engendreront une baisse des
France voient la part de la voiture se tasser. Cette
ventes de véhicules de 1.200.000 unités en 2020. Et
tendance est donc une réalité qui nous affecte tous :
nous parlons des Etats-Unis, pays dont le rapport à
la voiture semble de moins en moins attractive
l’automobile est encore plus fort qu’en Europe…
comparée aux autres modes de transports et nos
habitudes s’y adaptent.
Chaque véhicule partagé remplacerait 32 ventes de
voiture… 51% des sondés (toujours aux Etats-Unis)
En conclusion, on peut citer les nombreux projets
déclarent avoir évité d’acheter une voiture grâce à
urbains en cours de réalisation qui témoignent
l’autopartage…
du transfert modal qui s’opère au détriment de la
En Ile de France, tous les spécialistes font le même
voiture et viennent renforcer l’analyse que nous
constat : nous assistons à un véritable renver-
tirons des chiffres précédents : réaménagement
sement de tendance. L’utilisation par individu de
des voies sur berge rive droite, réaménagement
l’automobile a sans doute atteint son maximum et
du boulevard circulaire à la Défense ou projet de
commence à décroître.
transformation de l’autoroute A4 en avenue.
15
Cette transformation profonde et inédite de la ma-
En France, Ubeeqo, spécialiste de l’autopartage en
nière dont nous nous déplaçons est internationale
entreprise, propose à ses clients une large palette
et doit être prise en compte tant par les construc-
de services pour leur permettre de réduire et d’op-
teurs que par les élus locaux. Les uns devant se
timiser leur flotte. Objectif affiché : abandonner le
poser la question de vendre de la mobilité plutôt
réflexe automobile pour adopter un comportement
que des véhicules et les autres de repenser leurs
100% multimodal…
politiques d’aménagement du territoire. (Juin 2014
Créée en 2008 par Alexandre Crosby et Benoît Cha-
– Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des
telier, l’entreprise développe des services innovants.
choix scientifiques et techniques).
Grace à sa plateforme web, elle offre un accès sim-
Ce constat concerne l’Ile de France. Il faut bien sûr
plifié et centralisé à tous les modes de transport dis-
le nuancer en rappelant qu’en 2014, la moitié de
ponibles dans l’entreprise, du véhicule de société au
la population française n’était pas desservie par un
train en passant par le taxi et la location de voitures…
réseau de transport public urbain… Là : hors de la
Constat de Benoît Chatelier : « dans les villes, de-
voiture (partagée ou non...), il n’y a point de salut…
puis cinq ans, les offres multimodales se multiplient
Sur ce point, Isabelle Van de Walle du CREDOC
(Velib, Autolib, VTC) et pour chaque solution vous
constate que « l’adoption des nouvelles formes de
avez plusieurs opérateurs. Ce ne sera plus le cas
mobilité, les changements de comportement ne
dans les deux ans qui viennent… L’opérateur sera
sont pas liés au souci de l’Environnement mais aux
multimodal. L’arrivée des nouvelles générations (nées
contraintes économiques… ».
en 2000), totalement digitalisées, va donner un formi-
Un tiers du parc automobile français a plus de 10
dable coup d’accélérateur. Aujourd’hui, la demande
ans. La moyenne d’âge de l’acheteur augmente
reste très « automobile », mais tout va changer. »
d’un an chaque année (54 ans en 2013) d’où la
Benoît Chatelier estime que demain, la mobilité sera
question centrale : « Faut-il vendre des voitures ou
« connectée » (tous les opérateurs seront connec-
de la mobilité ? ». Même si dans l’immédiat elle ne
tés). Elle sera « globale ». C’est l’évolution majeure
fait pas l’affaire des constructeurs, la réponse à cette
par rapport à l’automobile… Tout le monde aura
question ne fait pas de doute. L’avenir passe par la
accès, avec son smartphone, à toutes les solutions
mobilité « clés en main », la mobilité à la carte…
de mobilité. Et elle sera « contextualisée ».
Exemple parmi beaucoup d’autres : Hitch, dernière
Concrètement, on va passer d’un système qui fonc-
application de covoiturage lancée en juin dernier
tionne en silo (inscrit à Velib à Paris, je ne peux pas
aux Etats-Unis. Son principe : transporter plusieurs
utiliser son équivalent à Lyon… Idem avec Autolib
clients à la fois pour réduire le prix de la course…
alors que le Groupe Bolloré est l’opérateur unique
Ce système permet à Hitch de proposer des tarifs
dans les deux villes) à un système connecté acces-
deux fois moins élevés qu’Uber et Lyft, les deux
sible avec un seul point d’entrée… Un point d’en-
principaux services de VTC (véhicule de tourisme
trée unique au quotidien pour toutes les solutions
avec chauffeur) à San Francisco. En contrepartie, le
de mobilité. L’application existe aujourd’hui, elle est
temps de voyage est un peu plus long.
en cours de lancement.
16
L’Allemagne reste la référence en Europe en matière
d’autopartage et de nouvelles mobilités. Le marché
y est mature. Les deux concurrents d’Ubeeqo en
Europe sont allemands. Il s’agit de Qixxit et Moovel
(initié par Daimler). Deux plateformes intégrées qui
vous dispensent des abonnements multiples aux
opérateurs aujourd’hui dispersés…
C’est l’alternative multimodale à la voiture de fonction.
La mobilité sera par ailleurs « contextualisée ». Je
choisirai mon mode de déplacement en fonction du
temps, de mon humeur et du contexte général…
En 2015, les temps changent donc mais l’automobile demeure… Les nouvelles technologies
la transforment. L’objet s’adapte. Il ne veut pas
mourir… « S’il n’y a pas de voiture, il n’y a pas
de mobilité » conclut Benoît Chatelier.
Au passage, rappelons que l’industrie automobile dans son ensemble (constructeurs, chaîne
d’approvisionnement et marché du service
après-vente, activités regroupant plusieurs
milliers de PME) revêt une importance stratégique pour l’économie européenne, puisqu’elle
représente 12 millions d’emplois directs et indirects, 4% du PIB et un excédent commercial
de 90 milliards d’euros (en 2011). Le secteur
est aussi le premier investisseur privé dans la
recherche et l’innovation, à hauteur de quelque
30 milliards d’euros par an.
17
b) Quelle énergie en attendant demain ?
responsables politiques qui veulent la disparition de
Les constructeurs automobiles proposent des véhi-
cette motorisation.
cules de plus en plus performants et économes,
Une page se tourne, celle du tout-diesel. Sans
anticipant même les normes internationales. Alors
renoncer pour autant à cette voie, qui est par ail-
que le diesel est actuellement considéré comme un
leurs incontournable pour passer le cap des 95 g
des types de motorisation les plus polluants, 2013
en 2020, il est vrai que les constructeurs ont déve-
a semblé marquer la fin de sa croissance dans la
loppé en parallèle des moteurs essence plus effi-
catégorie des véhicules particuliers : sa part de mar-
cients (dont les fameux 3 cylindres) et que l’hybride
ché s’est repliée de près de 6%.
rechargeable va modifier la donne au niveau du CO2
et de la pollution. De plus, la norme Euro 6 a une
En 2014, le taux d’émission de NOx (oxydes
influence sur le coût des moteurs diesel qui, ironie
d’azote) a dû être divisé par deux par rapport à la
de l’histoire, n’ont jamais été aussi propres. Autant
norme Euro 5. « En renchérissant sensiblement le
de raisons qui conduisent le CCFA à penser qu’un
prix des véhicules, cette nouvelle norme va entraîner
retour à l’équilibre (50 % pour le diesel et autant
une répartition plus franche entre de petits véhicules
pour l’essence) va s’opérer en 2020 pour la vente
à essence pour des petits et moyens porteurs et
des motorisations diesel pour des véhicules plus
de voitures neuves.
importants parcourant de plus longues distances »,
Autre information à retenir : la chambre syndicale
explique Philippe Brendel, Président de l’OVE.
des constructeurs français pense également que
cette réorientation du marché s’inscrit dans la du-
Parallèlement, on voit l’ascension tranquille mais
rée. Elle pronostique donc un équilibre à 50-50 au
régulière des véhicules hybrides et des véhicules
niveau du parc roulant sept ans plus tard, en 2027.
électriques. Ces derniers atteignaient moins de 1%
Aujourd’hui, la part du diesel est de 62,1 % pour un
du marché global au début de l’année 2014. En
parc de 31,7 millions de véhicules. La dernière fois
outre, selon une étude de l’Observatoire Cetelem
que les courbes se sont croisées, c’était vers 2008,
de l’Automobile, un quart des Européens pense que
l’année de l’entrée en vigueur du bonus-malus. Une
la prochaine voiture qu’il achètera sera une voiture
mesure qui, sous le couvert d’une réduction du
hybride.
CO2, n’a fait qu’amplifier la montée en puissance du
DIESEL : UNE MORT PROGRAMMÉE ?
diesel. Source carfutur.com - juillet 2014.
Pas mort, mais en recul : le diesel voit sa part de
En juin 2012, l’Institut International du Cancer clas-
marché diminuer depuis maintenant deux ans. De
sait les particules fines du diesel dans la liste des
73 % en 2012, il est passé à 65 % en 2014 dans
« carcinogènes » certains. Le débat qui a suivi est
la proportion des ventes de voitures neuves. C’est
loin d’être clos. Les nouveaux filtres à particules
une relative désaffection, qui peut s’expliquer par la
et les dernières technologies « hybride/diesel » n’y
mauvaise presse dont a bénéficié le diesel ces der-
changent rien en termes d’image.
niers temps, avec pêle-mêle les accusations liées
au cancer, la dénonciation d’une fiscalité trop avan-
Le diesel a mauvaise presse et l’arrivée des normes
tageuse et des initiatives intempestives de la part de
européennes Euro 6 en matière de rejets polluants
18
en 2015 oblige les constructeurs à améliorer encore
leurs technologies de dépollution avec, à la clé, des
véhicules plus chers et plus fragiles. Pour qu’un
filtre à particules fonctionne correctement, il faut
une température moteur et une vitesse de rotation
pas toujours atteintes dans les ralentissements des
grandes villes… Audi sortira cette année un moteur
TDI-e-tron mariant la technologie de l’hybride rechargeable avec le diesel, une étape pour atteindre
le seuil des 95g de CO2 en 2020. Un cap que tous
les constructeurs devront respecter…
Cette technologie de l’hybride rechargeable est
sans doute la plus crédible à moyen terme. Elle
ne limite pas l’autonomie (50 kilomètres en mode
100% électrique et 900 kilomètres en mode thermique). On peut effectuer la plupart des trajets quotidiens sans utiliser une goutte de sans plomb… Le
début du cercle vertueux…
Les enjeux de la mobilité, aujourd’hui, étroitement
liés à ceux de l’énergie…
80 mg/km : c’est le taux maximum d’oxydes d’azote (NOx)
imposé par la norme Euro 6,
que doivent respecter les nouveaux modèles diesel homologués depuis le 1er septembre
2014. Avec Euro 5, ce taux
était de 180 mg/km. Un coûteux système de traitement
des NOx devient ainsi quasiment impératif.
19
EN ATTENDANT L’ELECTRIQUE POUR TOUS…
2015, les ventes de véhicules électriques ont bondi
Pas une semaine sans une innovation. Les nou-
de 17.616 à 33.885 unités. Les deux premiers
veaux modèles se bousculent… Le « 100% élec-
marchés sont la Norvège et le Royaume Uni ...
trique» fait un malheur sur les stands à défaut, pour
En Allemagne, la voiture électrique ne se vend pas
l’instant, de déferler sur nos routes… Il faut dire que,
mieux qu’en France. L’exemple de l’Opel Ampera
sur le papier, l’objet est séduisant. La voiture élec-
est édifiant, comme le raconte Eric Bergerolle dans
trique a enfin dépassé la barre mythique des 100
l’hebdomadaire Challenges :
kilomètres d’autonomie (et même 400 pour la Tesla…), elle accélère fort, est totalement silencieuse
« Si l’on en croit les chiffres publiés par la Kraftfahrt-
et ne réclame que peu d’entretien. Renault a investi
Bundesamt, ou KBA, l’autorité fédérale allemande
quelque 5 milliards d’euros dans cette technologie.
des transports, Opel n’a vendu que quarante-six
On commence à voir quelques « Zoé » dans les
exemplaires de son Ampera électrique durant les six
grandes villes et l’Alliance Renault-Nissan fournira
premiers mois de l’année. A titre de comparaison,
200 voitures 100% électriques à la Conférence
Ferrari parvenait dans le même temps à immatricu-
Paris Climat en décembre au Bourget.
ler quelque quatre-vingt trois F12 Berlinetta valant la
Quant à la Smart électrique, elle atteint les 100 km/
bagatelle de 273.000 euros, hors options. Et hors
heure avec 145 kilomètres d’autonomie revendi-
malus.
quée pour la modique somme de 2 euros d’électri-
Car malus il y a pour les grosses cylindrées de ce
cité les 100 kilomètres… Ces écolomobiles coûtent
type, émettrices de fortes quantités de dioxyde
cher (à partir de 20.000 euros pour la Smart, la
de carbone : pas moins de 8.000 euros dès lors
Volkswagen-up, la Nissan Leaf ; 14.000 euros pour
qu’elles franchissent le seuil des 201 g/km de CO2.
la Zoé, bonus déduit) et elles imposent 60 à 80 euros
A l’opposé, l’Opel Ampera donne droit à une prime
mensuels de location de batterie…
de 4.000 euros au regard de ses 27 g/km de CO2.
Bien sûr, les prix baisseront avec les ventes, une fois
En Allemagne aussi, il existe des incitations fiscales
réglées les questions d’autonomie et de recharge,
à l’achat de véhicules à propulsion électrique ou
mais pour l’instant les faits sont têtus. Selon un rap-
hybride. Mais cela ne suffit visiblement pas à com-
port de UC Davis, 500.000 véhicules électriques
penser un tarif que la clientèle juge excessif au
circulaient dans le monde à l’été 2014…
regard des prestations fournies (34.300 euros pour
(source : « Automobile propre »).
un habitacle étriqué et autonomie limitée).
Si l’on met de côté la Norvège où plus de 15% des
Bien qu’auréolée du titre de Voiture de l’Année
voitures sont électriques, l’Europe est à la traîne…
2012, l’Opel Ampera enregistra une chute de 40 %
En Norvège, les droits de douanes et les facilités
de ses ventes dès la première année (3.184 exem-
accordées aux voitures électriques (utilisation des
plaires en Europe). La chute fut encore de 67 % au
couloirs de bus, stationnement gratuit) ont boosté
cours des six premiers mois de l’année 2014, avec
le marché
seulement 332 exemplaires mis en circulation. La
En Europe, au cours des trois premiers mois de
mévente de l’Ampera est telle qu’Opel songerait à
20
ne pas renouveler le modèle lorsque sa sœur siamoise Chevrolet Volt accueillera sa remplaçante aux
États-Unis, fin 2015. C’est dire le désappointement
du constructeur allemand qui eut la fierté de coiffer
au poteau ses rivaux Ford et Volkswagen sur le terrain de l’électrique.
La carrière décevante de l’Ampera apporte une
preuve supplémentaire du décalage cruel qui
existe entre le temps des industriels et le temps
des politiques, entre les déclarations d’intention
des consommateurs et la réalité de leur comportement. L’Opel Ampera s’est posée en sauveur à
une époque où la «bagnole» était pointée du doigt
et où le public commençait à réclamer le moyen
d’échapper à la fatalité de la hausse des prix des
carburants. Son tort ne fut pas d’avoir raison trop
tôt mais de ne pas avoir eu suffisamment raison.
Entendez par là qu’avec une autonomie supérieure,
elle aurait pu convaincre au-delà du cercle restreint
des technophiles.
Cela aurait été au détriment de son prix, bien entendu. Car rouler plus loin en électrique implique
d’emporter une batterie de plus forte capacité, plus
chère et plus lourde. Un cercle vicieux dont la voiture
électrique n’est toujours pas parvenue à s’affranchir, quel que soit le format considéré. Qu’il s’agisse
de la citadine Renault Zoé, de la familiale compacte
Nissan Leaf ou du ludospace Nissan e-NV200
Evalia, le prix demandé semble toujours trop élevé
au consommateur qui cherche une alternative aux
modèles à motorisation conventionnelle. D’où les
sommes folles dépensées par les constructeurs
dans l’espoir d’inciter le chaland à dépasser ce frein
psychologique.
Dernières campagnes en date, celles de Renault
et de BMW qui donnent la parole aux utilisateurs
enthousiastes. Certains verront dans ce procédé
21
l’énergie du désespoir, l’ultime recours d’un fabricant qui a épuisé les voies traditionnelles de la communication. D’autres y verront le moyen nécessaire
pour démontrer à Monsieur Tout-le-Monde que la
voiture électrique ne s’adresse pas qu’aux autres,
et qu’en conduire une revient à l’adopter.
Sur ce point, les automobilistes pionniers de l’électrique sont formels. Et puis il existe de bonnes raisons de ne pas désespérer de la voiture à piles.
Sous l’action de constructeurs associés à des énergéticiens et des fabricants de bornes électriques,
l’édification d’un réseau de points de charge est en
marche, sous nos yeux, dans nos rues et sur nos
parkings de supermarché. D’ici la fin de l’année,
le territoire français comptera quelque 250 bornes
rapides (norme CHAdeMO) installées par Nissan,
dont 130 en libre-service chez Auchan.
La densité du réseau de points de charge et l’autonomie des batteries rendront-elles un jour caduc
l’architecture à prolongateur d’autonomie de l’Ampera ? Sans doute. Mais nous en sommes encore
loin. D’ici-là, Opel s’emploie à rétablir l’équilibre de
ses comptes. C’est une simple question de prix de
revient qui l’a fait renoncer à commercialiser une
Adam à motorisation 100 % électrique, conçue
autour de la motorisation 100% électrique de la
Chevrolet Spark EV. Pile au moment où Volkswagen
s’essaie au genre avec sa e-Up!.. »
Challenges - « Opel perd patience avec l’électrique »
juillet 2014.
Pour conclure sur l’électrique, c’est Frédéric Denhez qui résume le mieux la situation :
« La voiture « e » ou « zéro émission » est entrée dans
sa phase de maturité, car elle commence à pouvoir
être dignement comparée à ses ancêtres à pétrole.
22
Sa faible autonomie n’est en définitive pas vraiment
pas, on ne voit pas comment les véhicules à élec-
un souci : la majorité des automobilistes fait moins
trons pourront même après-demain remplacer tota-
de 40 km par jour pour aller travailler et revenir à
lement les vulgaires thermiques. Rouler électrique,
la maison. En Europe, la moitié des trajets annuels
c’est rouler périurbain. Et même urbain, au-delà,
s’effectue sur moins de 3 à 10 km, selon les pays.
c’est l’aventure. Comme il y a un siècle. »
Rouler chaque jour dans une Zoé ou une voiturette
Frédéric Denhez « La fin du tout voiture » Ed Actes
à piles n’est donc pas un obstacle insurmontable.
Jusqu’à 75 km/h, les pertes par les auxiliaires (cli-
Sud – septembre 2013.
matisation, radio, tout l’équipement électrique) sont
Cela dit, tous les ingénieurs cherchent, depuis plu-
égales à celles dues à la résistance de l’air et aux
sieurs années, la technologie qui permettra de ne
frottements sur la route. En vitesse urbaine, c’est à
plus dépendre du réseau électrique pour recharger
dire de 10 à 15 km/h (on ne roule pas plus vite que
sa voiture…
cela dans une agglomération européenne : les diligences à cheval trottaient mieux !), c’est l’inverse, la
La marque Renault a indiqué dans une interview aux
consommation des auxiliaires est très supérieure à
Echos son intention de doubler l’autonomie de ses
celle liée à la traction. En gérant bien ses kilowatt-
voitures électriques. Béatrice Foucher, Directrice
heures disponibles, le conducteur devrait parvenir
du programme électrique de Renault, explique :
à gérer son autonomie. Les livreurs y parviennent,
« nous visons un doublement de l’autonomie, ce qui
pourquoi pas nous ?
devrait permettre de rouler 300 kilomètres en condition réelle et 400 kilomètres en cycle homologué ».
Pour résumer, il faut diviser par deux l’autonomie
sur catalogue pour tenir compte de ce qui n’ap-
Une nouvelle batterie lithium-ion d’une quarantaine
paraît jamais dans les protocoles de mesure : la
de kWh (22 kWh aujourd’hui), fournie par LG Chem,
consommation des auxiliaires et les conditions de
équipera la Renault Zoé Electrique à l’horizon 2017-
conduite difficiles, face au vent, sur une pente et
2018. Au Consumer Electronic Show de Las Vega,
en hiver. Cela dit, même avec 150 km affichés sur
en janvier 2014, Ford a dévoilé le : FORD C-MAX
papier glacé, alors qu’on a été habitué à 800, voir
Solar Energi Concept…
1.000 km avec un diesel, on se sent tout riquiqui !
Ce véhicule à énergie solaire d’un genre nouveau
La seconde limitation des voitures électriques,
offre les avantages d’une motorisation hybride re-
après l’autonomie, est la capacité de recharge. Pour
chargeable sans pour autant dépendre du réseau
remplir les batteries de la BMW i3 ou de la Nissan
électrique pour sa recharge.
Leaf dans le même temps qu’on bourre le réservoir
d’une Clio essence dernier cri, il faudrait que la prise
En plus de pouvoir recharger sa batterie via une prise
délivre quelques centaines de kilowatts, c’est-à-dire
électrique, le Ford C-MAX Solar Energi Concept
un bon millier d’ampères à la tension habituelle. à
peut exploiter au mieux l’énergie solaire grâce à un
moins d’équiper les stations-service de câbles élec-
concentrateur spécial qui agit à la manière d’une
triques gros comme des aussières de paquebots,
loupe en dirigeant les rayons lumineux vers les pan-
plongés dans des piscines pour qu’ils ne brûlent
neaux solaires de son toit.
23
Une journée d’ensoleillement suffit ainsi à ce
En France, le volontarisme du gouvernement pour
concept pour offrir les mêmes performances qu’un
promouvoir l’électrique fait sourire les sceptiques.
C-MAX Energi hybride rechargeable standard re-
Voici l’objectif assigné par Arnaud Montebourg à
chargé sur le réseau électrique. L’utilisation d’une
« la Nouvelle France Industrielle ». C’était au prin-
énergie renouvelable peut ainsi abaisser les émis-
temps 2014…
sions de gaz à effet de serre de quatre tonnes par
« Il s’agit de couvrir l’ensemble du territoire d’un
an pour un conducteur type.
réseau complet de bornes de recharge, afin que
Avec une charge complète, le Ford C-MAX Solar
nos concitoyens puissent faire le choix du véhicule
Energi Concept offre la même autonomie que le C-
électrique, en sachant qu’ils trouveront toujours sur
MAX Energi standard, soit 1.000 km au total, dont
leurs parcours une solution de recharge accessible
34 km en mode tout électrique. Il est également
en cas de besoin. Le véhicule électrique est à la
équipé d’une prise pour laisser la possibilité aux
fois écologique – il n’émet aucun polluant – et éco-
conducteurs de recharger leur véhicule via le réseau
nomique. Grâce au bonus électrique, il est vendu
électrique.
aujourd’hui au même prix qu’un véhicule thermique
de même gamme, tout en permettant de parcou-
En exploitant l’énergie solaire grâce aux panneaux
rir 150 km pour moins de 2 euros. Ce véhicule est
installés sur son toit, le C-MAX Solar Energi Concept
donc parfaitement adapté aux usages de 80% de
s’affranchit du réseau électrique pour recharger sa
Français qui parcourent moins de 65 km par jour,
batterie. En pratique, il pourrait parcourir 75% des
et pour lesquels la facture de carburant pèse lour-
trajets effectués par un conducteur type grâce à
dement. La question du rechargement est cruciale
l’énergie solaire. Cela pourrait s’avérer particulière-
pour augmenter la diffusion du véhicule électrique.
ment intéressant dans certaines régions, lorsque le
La France possède déjà le plus ancien et le plus
réseau électrique est peu développé, peu fiable ou
dense réseau de bornes de recharge d’Europe.
onéreux.
La filière électrique, organisée autour du pôle EDF,
de grands équipementiers (Schneider, Legrand) et
Voici donc le rêve de tous les vrais écologistes, la
d’entreprises spécialisées, est en bonne position en
technologie parfaite, qui pourrait nous dispenser,
France et à l’export sur les bornes, les infrastruc-
à terme, de toutes les centrales nucléaires dont
tures et les services associés (itinérance, gestion de
l’électrique a tant besoin…
flottes, autopartage). Ce plan permettra de faire de
Nous n’en sommes pas là. Sur les 1.000 km de cet
la France la « championne de la mobilité électrique »
hybride solaire, seuls 34 km sont assurés par l’élec-
et de positionner les constructeurs français en tête
tricité. Et il faut une journée de stationnement au so-
d’un marché qui pourrait dépasser 75.000 véhi-
leil pour obtenir l’équivalent de 4 heures de charge…
cules en Europe en 2015. Il permettra également
aux équipementiers électriques de développer de
Mais une piste nouvelle vient d’être tracée. Imagi-
nouvelles activités créatrices d’emplois. »
nons cette technologie arrivant à pleine maturité à
l’horizon 2030 où le parc automobile mondial de-
Rappelons que la dernière loi sur la transition éner-
vrait atteindre 1 milliard 300 millions de véhicules...
gétique prévoit d’atteindre 7 millions de points de
24
recharge en 2030. Ce ne sera pas superflu au regard des chiffres d’immatriculations pour 2014. En
France, elles ont progressé de plus de 20% l’an
dernier. Leur part de marché reste anecdotique :
0,59% du 1,79 million de voitures neuves immatriculées en 2014, selon les chiffres du CCFA.
Norvège: les voitures électriques
prolifèrent, leurs privilèges menacés
Oslo (AFP) : La Norvège a beau être un des
principaux producteurs de pétrole de la planète,
les voitures électriques y prolifèrent au point
qu’il est désormais question de supprimer les
150.000 véhicules électriques en Europe l’an prochain ? Les paris sont ouverts. Le risque industriel
n’est pas négligeable. L’alliance Renault-Nissan a
investi quelque 4 milliards d’euros dans cette technologie et l’hiver dernier, Carlos Ghosn reconnaissait dans le « Financial Times » que son objectif de
vendre 1.5 million de véhicules ZE d’ici à fin 2016
devait être reporté de 5 ans…
privilèges qui ont fait leur succès.
« C’est devenu un problème » : chauffeur de
bus dans la région d’Oslo, Erik Haugstad peste
contre les nombreuses voitures électriques qui
provoquent des bouchons dans les couloirs de
transport collectif.
Elles ont aussi le droit de les emprunter, de se
En France, le marché du VE est très réactif. Sensible évidemment aux prix, il est reparti à la hausse
à l’été 2014 et fait l’objet de toute la sollicitude du
gouvernement.
garer gratuitement sur les parkings publics, de
s’y recharger sans frais et de franchir les péages
urbains à l’œil. Surtout, ces voitures sont
exemptées des taxes, extrêmement lourdes en
Norvège, qui pèsent sur leurs « cousines » à
En Norvège il explose peut être trop vite et trop fort.
carburants fossiles.
Visant à réduire les émissions de gaz à effet de
serre du trafic routier, qui représentent 10% de
celles du pays, ces mesures très généreuses ont
produit leur effet : 32.000 voitures électriques
circulent aujourd’hui sur les routes norvégiennes,
soit un véhicule pour 160 habitants, chiffre le plus
élevé dans le monde.
« Je suis chauffeur de bus et je veux transporter mes passagers aussi vite que possible. Je
souhaiterais donc que les voitures électriques
sortent des couloirs de transport en commun
où elles provoquent des encombrements », fait
cependant valoir Erik Haugstad.
« Pour la société, ces retards ont un coût. Le
temps perdu par des milliers de nos passagers
bloqués dans la circulation est bien supérieur à
25
celui gagné par quelques dizaines de conducteurs
Or, au rythme actuel, ce volume pourrait être
de voitures électriques », explique-t-il à l’AFP.
atteint dès le début 2015, obligeant le gouvernement à reconsidérer sa politique. Une politique
Le risque est d’entrer dans un cercle vicieux : excé-
coûteuse puisque les seules exemptions fiscales
dés d’arriver en retard au travail, des usagers pour-
représentent jusqu’à 4 milliards de couronnes (500
raient eux aussi être tentés de renoncer au bus pour
millions d’euros) de manque à gagner, selon les
un de ces véhicules, aggravant les bouchons.
propres estimations de l’État.
- 13% des ventes.
« Il se pourrait que l’on fasse des ajustements à la
Les voitures électriques représentent déjà jusqu’à
baisse à l’avenir », a récemment indiqué le Premier
85% du trafic dans les couloirs de transport collectif
ministre, Erna Solberg, au journal VG. « Mais je peux
aux heures de pointe, selon une étude réalisée par
promettre aux automobilistes qu’il y aura encore des
l’Administration des routes publiques sur un tron-
avantages fiscaux pendant des années à conduire
çon fréquenté des abords d’Oslo.
une voiture électrique. »
« C’est un thème dont on parle beaucoup à la pause
L’engagement est important car 48% des propriétaires de voiture électrique disent avoir acheté leur
déjeuner avec les collègues. Beaucoup d’entre eux
véhicule principalement pour économiser de l’argent.
sont beaucoup plus agressifs et mesurent moins
leurs propos », précise Erik Haugstad.
Selon l’enquête de l’Association pour la voiture
électrique, seuls 27% affirment l’avoir fait par souci
Aucune décision n’a encore été prise mais il est de
pour l’environnement et 12% pour gagner du temps
plus en plus question d’accéder à leurs demandes,
du moins aux endroits et moments les plus saturés.
dans leurs trajets.
En attendant, les voitures électriques se multiplient
« Il est trop tôt pour supprimer les avantages fiscaux. Le marché n’est pas encore suffisamment
comme des petits pains. De la populaire Leaf de
concurrentiel » par rapport à celui des voitures à
Nissan à la Tesla, elles représentent environ 13%
moteur à combustion, estime la secrétaire géné-
des ventes de véhicules neufs depuis le début de
l’année, une part de marché sans équivalent ailleurs.
rale de l’organisation, Christina Bu.
En mars, la Tesla est même devenue la voiture la
« Si l’exemption de taxe et de TVA devait prendre fin,
le marché pourrait s’effondrer et il serait alors difficile
plus vendue de l’histoire norvégienne sur un mois, et
d’atteindre les objectifs climatiques que la Norvège
cela malgré son prix relativement élevé. Car, même à
s’est fixés. On doit augmenter le nombre de voitures
60.000 euros pour une entrée de gamme, c’est une
aubaine quand on considère qu’il faudrait débourser
électriques, pas le baisser », souligne-t-elle.
environ le double si elle était sujette aux taxes.
Source : Sciences et avenir – AFP – 30.08.2014
La popularité des voitures électriques a pris de vitesse les autorités qui prévoyaient de maintenir les
mesures incitatives jusqu’en 2017 ou jusqu’à ce
qu’il y ait 50.000 exemplaires en circulation.
26
ESSENCE : UNE NOUVELLE VIE COMMENCE…
trielle nouvelle, soutenue par l’Etat dans le cadre du
En attendant que le marché des énergies renouve-
programme des investissements d’avenir et de l’ap-
lables apporte à la France les 2 à 3 milliards d’euros
pel à manifestation d’intérêt lancé en juillet, est au
de valeur ajoutée espérés par le gouvernement d’ici
cœur de la mutation de notre filière automobile et
2020, le volontarisme affiché en 2013 est plus que
doit permettre son rebond durable. »
jamais d’actualité.
Arnaud Montebourg : « 34 plans d’action pour relancer l’industrie » - septembre 2013.
« La voiture pour tous consommant moins de
2 litres aux 100 km »
En admettant que l’objectif des 2 litres au 100 soit
Le gouvernement l’affirme et les constructeurs au-
rapidement atteint(1) (et c’est tout à fait réaliste :
tomobiles y travaillent :
la dernière 108 Peugeot annonce 3,6 litres au
100 en conduite extra-urbaine), l’attrait de ce type
« Nous construisons la France des véhicules éco-
de motorisation relancera le marché et viendra
logiques, économiques et populaires, consommant
perturber, voire ralentir considérablement l’essor de
moins de 2 l / 100 km. Des véhicules accessibles
l’électrique. Au prix du printemps 2015 il faudrait
à tous, conçus et fabriqués en France, pour une
débourser 2,60 euros pour faire 100 km dans un
conduite intelligente et moins polluante. Des véhi-
véhicule consommant 2 litres au 100… Paris – Lyon
cules plus légers qui permettront de concilier à la
pour 13 euros… La revanche des moteurs essence
fois la lutte contre l’effet de serre et la réduction de
pourrait avoir des effets pervers, d’autant que la
la consommation de carburants d’origine fossile. Ce
baisse des prix du pétrole semble durable.
plan permettra le développement de nouvelles technologies économes en carburant, en associant l’hybridation des moteurs, l’allègement des véhicules,
la réduction des pertes mécaniques et de roulement. Les travaux sur la connectivité des véhicules
donneront lieu à une amélioration de la conduite et
à une meilleure sécurité au volant.
Un des défis majeurs du plan est de réduire la
consommation des véhicules sans en augmenter
le prix. Les constructeurs, Renault et PSA, ainsi
que les équipementiers, Valeo, Faurecia, Plastic
Omnium ou Michelin, disposent d’un savoir-faire
reconnu. Ils ont décidé d’unir leurs forces. Sur la
base de la feuille de route qu’ils ont élaborée au
(1) Les constructeurs français regroupés au sein de la
sein de la plateforme automobile, le projet associe
Plateforme de la filière automobile (PFA) proposeront
également le tissu des ETI et des PME innovantes
avant 2020 une citadine dont la consommation normalisée
de la filière automobile, ainsi que les nombreux
ne dépassera pas 2l/100 km (Source Auto Journal -
laboratoires publics concernés. Cette offre indus-
28/05/2012)
27
Cependant, l’hydrogène est extrêmement volatile et
nécessite d’être compressé ou liquéfié, ce qui rend
son stockage et son transport plus complexes et
coûteux que ceux d’autres sources d’énergie. Aujourd’hui, l’utilisation de l’hydrogène comme carburant reste bien plus coûteuse que celle du pétrole.
L’année dernière, Toyota présentait pour la première fois, au Salon Automobile de Tokyo, ce qui
préfigurerait sa future berline à pile à combustible
à hydrogène.
Ce véhicule, la Toyota Mirai, intégre un système de
pile développé par Toyota depuis plus de vingt ans :
le système FC Stack.
(Source : Automobile Propre 26.06.2014).
Ce système produit de l’électricité grâce à une
réaction chimique entre l’hydrogène et l’oxygène
contenus dans des réservoirs sous haute pression
et n’émet que de la vapeur d’eau.
Testé pour la première fois en 2002, il a depuis
été développé et permettrait aujourd’hui aux véhicules qui l’utilisent d’afficher des performances et
une autonomie comparables à celles d’une voiture
essence.
Toyota annonce également que le plein du véhicule
s’effectuera en 3 minutes environ.
La commercialisation de ce véhicule à hydrogène
HYDROGENE : LE CARBURANT DU FUTUR ?
a débuté en avril 2015 au Japon. Elle est vendue à
Non émetteur de CO2, très abondant sur terre et
environ 7 millions de yens hors TVA, soit presque
pouvant être stocké, l’hydrogène pourrait représen-
50 000 € hors taxes.
ter une source d’énergie alternative pour les véhi-
Les ventes se concentrent sur 9 régions déjà équi-
cules. 1 kg d’hydrogène contient autant d’énergie
pées d’infrastructures de ravitaillement en hydro-
que 2,4 kg de gaz naturel ou 2,8 kg d’essence.
gène, dont Osaka, Fukuoka, Chiba et Tokyo.
Cette excellente densité énergétique (33 kWh/kg)
explique pourquoi l’hydrogène est le carburant des
Le véhicule à hydrogène Made in Toyota débar-
fusées et navettes spatiales.
quera ensuite en Europe et aux Etats-Unis vers l’été
28
2015. Ni les tarifs, ni les objectifs de ventes n’ont
été communiqués pour le moment…
Karl Schlicht, vice-président de Toyota Motors Europe, déclare : « Nous sommes impatients de voir
arriver la pile à combustible. (…) Certes, il reste
bien des difficultés à surmonter, comme la disponibilité des stations-service et la sensibilisation des
automobilistes. Mais notre vécu en matière d’hybrides nous procure toute l’expérience nécessaire
pour lancer une nouvelle technologie. En Europe,
nous procéderons par étapes en commercialisant
progressivement la voiture sur certains marchés.
Mais nous sommes convaincus qu’en allant de
l’avant, la motorisation hydrogène ne cessera de
gagner en popularité. »
Aux Etats-Unis le projet « Project Driveway » rassemble, depuis 2007, les constructeurs Opel et
General Motors autour d’une innovation majeure : le
moteur à pile à combustible.
Une flotte de 119 véhicules alimentés par la pile à
combustible fonctionnant à l’hydrogène a été mise
à disposition des clients afin que les véhicules soient
testés en conditions réelles.
Les deux firmes annoncent que l’expérimentation
vient de franchir le seuil hautement symbolique de
4,8 millions de kilomètres dans un environnement
classique de conduite.
Au total, près de 5 000 conducteurs ont eu la chance
de s’initier à la conduite d’une voiture à hydrogène.
Tous les constructeurs, ou presque, travaillent sur
l’hydrogène… BMW, Nissan, Hyundai (3 modèles
ix35 commercialisés depuis 2013), GM, Mercedes,
Honda. Tous étaient déjà présents au Mondial
2012 à Paris pour vanter les mérites de cette
technologie dont certains affirment qu’elle devrait
29
représenter en 2050 la moitié des nouvelles immatriculations en Europe…
(Etude Mc Kinsey Power Trains in Europe (2010)).
L’Allemagne croit à l’hydrogène : (1,7 milliard d’euros d’investissements dans des stations de distribution d’ici à 2017…), la France beaucoup moins…
Le consultant Bertrand Chauvet dénonce :
« Un désert français qui inaugure mal de l’avenir des constructeurs nationaux quand il s’agira
d’exporter vers des pays où pulluleront les stations
de recharge hydrogène, et où rouleront essentiellement des voitures allemandes, américaines,
coréennes et japonaises.
La France n’y croit pas, en tous cas la puissance
publique, même si une startup française, Symbio
FCell, installée à Grenoble depuis 2010, travaille à la
miniaturisation et à la réduction des coûts des piles
à combustible. L’entreprise modifie des véhicules
électrifiés tels que le Renault Kangoo ZE (le véhicule
utilitaire électrique le plus vendu à ce jour) pour y
ajouter une pile à hydrogène, prolongateur d’autonomie… Le groupe Michelin vient d’entrer à son
capital… Une goutte d’eau privée dans un océan
d’indifférence ? Comme pour l’essence, le diesel ou
l’électrique, la bataille des lobbies fait rage. »
Une majorité de diesel, beaucoup d’essence, peu
d’électrique et pas d’hydrogène… Tel est le constat
à l’automne 2014 sur les routes françaises… C’est
le cas également d’évidence dans les centres villes
où la plupart des municipalités sont en train de basculer vers la fin du tout-voiture…
30
C) comment roule-t-on en ville ?
Paris asphyxié, mais bientôt libéré…
Paris, qui a connu ces derniers mois plusieurs pics
Paris sera-t-elle définitivement l’Eldorado du véhi-
réservées aux véhicules peu polluants.
de pollution aux particules fines, veut en outre envisager de créer davantage de zones à trafic limité ou
cule électrique ?
La délibération (DVD 106) prévoit de proposer
La Mairie de Paris veut faire de la Capitale « le lea-
aux personnes qui abandonneraient leur véhicule
der de la mobilité électrique ». Mais en attendant, le
polluant, soit de bénéficier d’un an d’abonnement
Conseil de Paris a adopté en Mars 2015 le plan anti-
aux transports en commun gratuit (Passe Navigo
pollution porté par la Maire de Paris, un ensemble de
annuel), ainsi que d’un abonnement annuel à Vélib’
mesures d’incitation et d’interdiction progressive de
et d’une offre découverte du service Autolib’, soit
certains moyens de transport, qui commenceront
de pouvoir acquérir un vélo et d’éventuels acces-
à entrer en vigueur dès juillet 2015. Ces annonces
soires de sécurité, tout en bénéficiant d’une offre
s’attirent d’ores et déjà les foudres de certaines
découverte Autolib’.
catégories d’usagers, comme les conducteurs de
Selon Christophe Najdovski, adjoint écologiste
deux-roues ou les professionnels.
chargé des Transports, un «nouveau système
Des aides pour inciter les usagers à se rabattre sur
d’autopartage» sera également mis en place «dès
des moyens de transport propres, et des restrictions
le printemps prochain», en complément d’Autolib’.
de circulation entrant progressivement en vigueur
jusqu’en 2020 : telle est la double détente du plan
Le montant de l’aide ainsi accordée pourra atteindre
antipollution porté par la Mairie de Paris. Se voulant
500 euros pour chaque bénéficiaire. Une enveloppe
une mise en oeuvre anticipée de la loi de transition
de 3 millions d’euros est prévue sur la mandature.
énergétique, il a été adopté par le Conseil de Paris.
La délibération prévoit également d’offrir aux
Un train de mesures restrictives vise à interdire pro-
jeunes conducteurs parisiens de moins de 25 ans,
gressivement l’accès de certains véhicules à Paris,
venant d’obtenir leur permis, un abonnement Au-
suscitant la colère des motards et des profession-
tolib’ à moitié prix, plus un crédit de 50 euros de
nels, notamment les artisans et commerçants.
trajets prépayés.
Seront interdits dès juillet 2015, d’abord entre 8
En outre, le texte prévoit d’aider les copropriétés à
heures et 20 heures, les camions et autocars im-
s’équiper d’abris vélos sécurisés (les travaux d’instal-
matriculés avant octobre 2001 et, à partir de juil-
lation et les équipements seront financés par la Ville à
let 2016, les voitures immatriculées avant janvier
hauteur de 50% du montant total avec une subven-
1997 (une voiture sur sept à Paris selon la Mairie),
tion plafonnée à 2.000 euros) et à s’équiper de points
ainsi que les deux-roues enregistrés avant 2000.
de recharge pour les véhicules électriques: 1,5 million
d’euros et 500.000 euros, respectivement, sont pré-
Entre 2017 et 2020, l’interdiction deviendra totale
vus sur la mandature pour ces deux mesures.
pour certains véhicules et sera étendue à des modèles plus récents, jusqu’aux voitures diesel imma-
Une autre délibération présentée ultérieurement
triculées avant 2011.
portera sur l’aide financière à accorder aux pro-
31
fessionnels les plus modestes souhaitant renouveler leur véhicule pour un véhicule propre.
(BFM TV – mars 2015).
Vaste programme à l’horizon 2020 auquel il faut
ajouter, depuis son élection en mars dernier,
quelques mesures plus spectaculaires :
Anne Hidalgo envisagerait sérieusement une augmentation d’au moins 50% du tarif horaire du stationnement et le doublement du coût des PV de
stationnement dès le début de l’année 2016.
Ainsi, le PV de stationnement évoluerait de 17 à
36 €, soit une augmentation non négligeable de
118% et le coût moyen horaire (selon les quartiers)
pourrait passer d’environ 1,2 à 3,6 € actuellement
à des tarifs allant de 1,8 à 5,4 €. Si l’on en croit
les premiers éléments de cette nouvelle affaire
automobilo-parisienne, l’objectif de cette évolution
de la tarification viserait à rendre le PV dissuasif
et vraiment contraignant financièrement, cela pour
inciter les automobilistes à s’acquitter de leur ticket
de parking. Actuellement, il n’y aurait que 15% des
conducteurs de voitures qui penseraient à passer
par l’horodateur au moment de se garer. L’argent
ainsi récolté viendrait s’ajouter aux 65 millions
d’euros que rapporte annuellement le stationnement dit résidentiel.
Ces chiffres sont loin de refléter la situation de tous
les centres villes. Après les municipales de mars
2014, « quelques villes importantes de l’hexagone,
notamment dans l’ouest et le sud-ouest, ont fait le
choix de refaire une petite place à l’automobile dans
le paysage urbain d’où elle avait été exclue depuis
une ou plusieurs mandatures.
Tramways, couloirs de bus (à moteur diesel…), multiplication des pistes cyclables dans tous les sens
32
(même ceux qui peuvent être dangereux !), suppression de places de stationnement, augmentation
du coût horaire des parkings, rétrécissement des
voies de circulation ont été au programme de très
nombreuses agglomérations depuis une décennie
et demi.
Reste que ces choix ont été faits au nom du « bien
être » des citadins, de la qualité de l’air et de quelques
justifications dont nous avons déjà parlé ici, mais ils
n’ont pas forcément pris en compte la vie des villes
qui ne passe pas uniquement par des décisions
souvent très politiques et engagées.
On note donc une évolution de la situation dans certaines villes et cela commence à se matérialiser par
quelques décisions qui vont légèrement modifier
la vie des automobilistes en ville mais qui pourront
avoir un assez fort impact médiatique.
Ainsi à Angers, dans le Maine et Loire, Christophe
Béchu, nouveau Maire de la ville, et le conseil municipal viennent de signer un petit come-back de
l’automobile en zone urbaine en rendant gratuite la
première heure de stationnement.
Cette évolution de la réglementation vise à soutenir
les zones marchandes et commerçantes du centreville qui, dans certains quartiers de la cité, ont complètement disparu du fait d’un plan de circulation qui
ne prenait pas en compte les magasins et les autres
éléments de la vie sociale et économique de la ville.
A la Roche sur Yon en Vendée, Yves Brouard, le
nouveau Maire, veut redynamiser le centre-ville et il
dit avoir écouté les commerçants qui veulent favoriser le stationnement de leurs clients. Pour ce faire,
le stationnement est désormais gratuit le samedi sur
toute la voirie municipale et dans les parkings couverts de la ville.
33
Un autre exemple nous vient de la ville rose, Toulouse, où l’on dit clairement que l’ère de la sacralisation du vélo est révolue. Et on joint le geste à
la parole puisque la municipalité vient de décider,
d’une part, de rétablir un stationnement moins
cher dans les parkings de la ville gérés par la société Vinci et, d’autre part, de supprimer l’aide à
l’achat de vélos électriques qui avait été instituée
par la précédente municipalité.
Une ville comme Auray, dans le Morbihan, vient de
rendre une zone piétonne à la circulation, Pau vient
de revoir son plan de circulation pour faire entrer
davantage d’automobiles dans le centre-ville et des
pistes cyclables sont supprimées.
On trouve des cas similaire à Lille Métropole, Dole
ou même Thionville qui supprime sa grande piste
cyclable qui traversait la ville.
On ne compte pas non plus le nombre de budgets
dédiés aux pistes cyclables qui sont supprimés.
Même si cela a des relents de simple politique politicienne, on notera que de nombreux Maires de très
grosses agglomérations sont toujours opposés au
retour d’un peu plus de voitures dans les centres
ou à la gratuité totale ou partielle du stationnement
urbain. »
(Blog Automobile – Frédéric Euvrard
27 juillet 2014).
34
« A BICYCLETTE »… LA DEFERLANTE DU VELO…
C’est le quotidien « La Voix du Nord » qui relate
l’expérience lancée le 2 juin 2014 par le Ministère
des Transports : « l’indemnité kilométrique vélo »…
Qui est concerné ? Les travailleurs qui laissent leur
voiture au garage au profit de leur vélo. Mais pour
l’instant, seules vingt « entreprises et organismes
volontaires » sont associés au dispositif. « Le potentiel des salariés concernés par cette expérimentation est de 10 000 personnes », selon le communiqué du ministère.
Quel est le montant de cette indemnité ? Elle est
fixée à 25 centimes par km parcouru. Pour un trajet
théorique domicile - travail de 5 km, vingt jours dans
le mois, le gain pour le salarié est ainsi de 50 euros
par mois. Pas négligeable, d’autant qu’on gagne
aussi en frais d’entretien du véhicule... L’indemnité
« n’est pas cumulable à un remboursement de
l’abonnement transports collectifs », précise le ministère, « sauf s’il s’agit de trajets complémentaires
(vélo + train par exemple) ».
Combien de temps dure l’expérimentation ? Elle
doit durer six mois à compter de ce lundi, le temps
de mesurer l’efficacité de la mesure et les facteurs
qui lui sont favorables. Dans le Nord-Pas-de-Calais,
les seuls chanceux à pouvoir bénéficier de cette
mesure sont les salariés de l’Agence de Développement Urbanisme de la Sambre, à Maubeuge.
À quelle condition sera-t-elle généralisée ? Le
communiqué du ministère évoque quatre critères
en restant assez vague : évolution de la part de
déplacements domicile-travail à vélo, modes de
déplacements abandonnés au profit du vélo, facteurs favorables ou défavorables à l’efficacité de la
mesure, organisation matérielle mise en place dans
35
les différentes structures. « Les résultats seront ren-
et… plats. La topographie est en effet le premier
dus publics en fin d’année et permettront, s’ils sont
ennemi du mollet. Au pied d’une côte, le cycliste
concluants, d’envisager une seconde phase d’ex-
pense d’abord à trouver un poteau autour duquel
périmentation à plus grande échelle. »
fermer son antivol. Voilà pourquoi, dans beaucoup
de villes européennes, les stations de vélo en libre-
Peut-elle changer les comportements ? Il y a les
service, grand succès des années 2000 (mais hors
irréductibles convaincus. « Les gens adorent comp-
de prix, nombre de villes commencent à y renon-
ter combien d’euros ils parviennent à grappiller »,
cer), sont toujours plus remplies en bas qu’en haut
estimait l’an dernier dans un article de Midi Libre
des côtes.
la présidente de la Fédération des usagers de la
bicyclette (FUB) Geneviève Laferrère. « En Belgique,
En France, c’est sans aucun doute la ville de Cham-
l’indemnité kilométrique de 22 centimes n’a pas
béry qui, sous l’impulsion de son ex-maire Louis
modifié massivement les comportements, juge au
Besson, a eu la politique vélo la plus cohérente.
contraire notre confrère du Monde Olivier Razemon
D’abord entraver l’auto par des chicanes et des sens
son son blog. Les villes de Flandre, qui ont entamé
interdits afin d’en limiter la vitesse moyenne, ensuite
une transition cyclable depuis plusieurs années,
mettre des vélos sur la chaussée. Cela dit, le cham-
demeurent davantage adaptées aux déplacements
pion toutes catégories reste le Danemark. Sur une
à bicyclette que Bruxelles ou les villes de Wallonie,
année, le Danois parcourt en moyenne 1 000 km sur
toujours plus hésitantes. L’indemnité, qui existe des
deux roues quand le Belge en aligne 300, alors que
deux côtés de la frontière linguistique, n’y change
le Français, si fier de son tour de France, s’arrête à
pas grand-chose. »
100 km. – Frédéric Denhez – « La fin du tout-voiture »
Ed. Actes Sud septembre 2013 -.
Tanguy Pallaver – « La Voix du Nord » - 2 juin 2014
La France est le 3ème pays européen consommateur de vélos après l’Allemagne et le Royaume Uni.
Au total, 2,8 millions de vélos ont été vendus l’an
dernier. A comparer avec la seule ville d’Amsterdam
où l’on dénombre quelques 880.000 bicyclettes
(soit 1,1 par habitant…) et où l’on songe à rendre
payants les parkings pour vélos…
Frédéric Denhez pointe la difficulté :
« Le vélo est facile sur 3 km en agglomération, le
double s’il est à assistance électrique (VAE), si l’on
n’a pas trop souvent à regarder derrière son épaule
ni à poser les deux pieds par terre. C’est bien là la
difficulté majeure d’une politique vélo : trouver des
itinéraires complets, aussi courts que possibles,
36
Les députés ont adopté le
26 mai 2015 un projet de
loi instituant une réduction
d’impôt au bénéfice des
entreprises mettant à disposition de leurs salariés des
vélos.
Dans le cadre de la transition
énergétique pour la croissance verte, les députés ont
adopté le projet de loi qui
prévoit que «les entreprises
soumises à l’impôt sur les
sociétés peuvent bénéficier
d’une
réduction
d’impôt
égale aux frais générés par la
mise à disposition gratuite à
leurs salariés, pour leurs déplacements entre leur domicile et le lieu de travail, d’une
flotte de vélos dans la limite
de 25% du prix d’achat de
ladite flotte de vélos». Cette
disposition sera applicable
dès le 1er janvier 2016.
37
2
QUELLE MOBILITé
EN 2030 ?
Au terme de ce tour d’horizon de ce qui se fait et se
pratique aujourd’hui en matière de nouvelles mobilités
ou de mobilités plus vertueuses, arrêtons-nous sur
quelques pistes tracées par Jean-Claude Bocquet,
professeur à l’Ecole Centrale de Paris lors de son audition en 2013 par l’Office parlementaire d’évaluation
des choix scientifiques et technologiques.
« Deux constats :
Aujourd’hui, 25% des adultes, des « conducteurs »
ont plus de 65 ans (à l’horizon 2050, ils seront de
l’ordre de 50%).
Bientôt 80% des personnes habiteront les villes :
• ils consommeront dans les villes (besoin d’approvisionnement croissant des villes) ;
• la disponibilité des surfaces habitables va poser
problème (problème d’emprise des surfaces de
parking) :
• l’évolution du prix des parkings suit celui des logements (problème d’accès au logement).
Les besoins en termes de mobilité ne peuvent aller
qu’en croissant (principalement dans les villes).
Deux scénarios :
Sur le court terme : continuer à développer l’hybride
(y compris hydrogène) pour une autonomie inter
villes et un déplacement électrique en ville mais avec
un gros effort de recherche sur les structures véhicule pour une réduction drastique des masses (une
405 faisait 1 000 kg, une C5 1 700 kg, aujourd’hui,
un moteur moderne et des pneus modernes sur
l’équivalent d’une AX d’antan donnerait de suite
des consommations inférieures à 2 litres aux 100
km) et une modularité (adaptabilité au besoin : roue
intégrée Michelin).
38
Sur le long terme : développer l’hydrogène (pile à
brutalement, avec, par exemple, une taxation
combustible) pour les déplacements inter villes et en
massive et générale de l’entrée des véhicules
parallèle le tout électrique sans conducteur en ville :
privés dans les grandes villes ?
• l’attente des consommateurs : seront-ils indiffé-
Les voitures de ville sans conducteur :
rents aux évolutions législatives et à l’environne-
• pourront être appelées par Internet en bas de
ment, ou remettront-ils en cause leurs modes de
chez soi pour une adresse choisie dans la ville ou
consommation ? ».
en périphérie pour prise d’un véhicule inter villes ;
Ces trois questions clés ont pour toile de fond, en
• permettront, durant la mobilité, de ne rien piloter
Europe, l’objectif réitéré par Bruxelles l’été dernier :
et de contrôler, donc d’être disponible pour toute
30% d’économie d’énergie en 2030.
autre activité à l’intérieur du véhicule ;
• autogèreront leur énergie (rechargement…), leur
besoin de maintenance ;
• seront des véhicules ultralégers (de 1 à 4 places,
voire utilitaires) n’ayant pas à résister à un choc
(parc homogène à une ville de véhicules communicants) ;
• auront très peu d’emprise foncière dans la ville
(seule occupation des voies de circulation en
fonction des flux circulants) ; leur stationnement
se fera en périphérie des villes en attente de circulation.
Là encore : vaste programme ! Avant de passer en
revue les solutions envisageables à l’horizon 2030
en termes de transport et d’environnement de travail, rappelons la difficulté de toute projection.
L’émergence d’un nouveau paradigme de la mobilité
dépendra de trois facteurs principaux :
• le prix du pétrole : maintien aux cours actuels, ou
reprise de la hausse, avec un baril atteignant les
200 $ ;
• les réglementations environnementales : évolueront-elles progressivement ou se durciront-elles
39
a) Comment va-t-on se déplacer dans 15 ans ?
Pour nourrir ce Livre Blanc, le Club de la Mobilité
Durable a mobilisé et interrogé la plupart des acteurs et des parties prenantes concernés par le
sujet. Le 1er atelier de la Mobilité Durable s’est tenu
le 23 janvier dernier, organisé et animé par l’Institut
OpinionWay. Il réunissait des représentants de la
génération Y, futurs diplômés et jeunes actifs, âgés
de 20 à 35 ans, habitant Paris ou l’Ile de France.
Pourquoi ce choix ? Essentiellement parce que
c’est cette génération, et les suivantes…, qui
tiennent entre leurs mains le destin de la mobilité de
demain. Née avec les nouvelles technologies, elle
est au cœur de l’économie collaborative et réfléchit
à tout ce qui peut changer la vie dans les villes grâce
à la connectivité, au partage des données et à la
mutualisation des outils. C’est elle qui trouvera le
compromis idéal entre écologie et business…
Bien sûr, une partie de cette génération vit en milieu rural avec une problématique différente et une
grande dépendance à l’automobile, mais à terme,
les solutions qui verront le jour en 2030 seront sans
doute les mêmes en ville, dans les zones périurbaines ou en milieu rural… La « Mobilité 3D », imaginée aujourd’hui par le groupe PSA, concernera
aussi bien les villes que les campagnes…
On va le voir maintenant, la Mobilité Durable est
envisagée par la génération Y de manière positive,
non comme une contrainte…
40
GENERATION Y :
« AUTONOMIE, TECHNOLOGIES, PARTAGE »
Ce premier atelier avait un objectif large et ambitieux :
« inventer collectivement des solutions nouvelles de
mobilité durable ». Les 14 participants, étudiants
ou salariés d’entreprises publiques ou privées, devaient d’abord plancher sur 3 grandes questions :
• Quel service / outil actuel vous permet-il de travailler de façon plus mobile ?
Commentaire :
La technologie est omniprésente et toutes les solu-
• Quel service / outil actuel vous permet-il de vous
tions plébiscitées (à l’exception du TGV et des ap-
déplacer de façon plus mobile dans votre contexte
plications SNCF) relèvent du secteur privé (start-up
professionnel ?
ou grandes entreprises). C’est d’ailleurs là que l’attente est la plus forte pour les années qui viennent.
• Quelle entreprise / marque est selon vous la plus
Chacun sent bien que la puissance publique n’a
innovante en termes de mobilité et pourquoi ?
pas les moyens financiers de développer de nouVoici d’abord le constat de tout ce qui fonctionne
velles solutions de mobilité, elle innovera moins, en
bien en cette fin d’année 2014 en termes de mobi-
tous cas, que la sphère privée… Tout passera par
lité durable aux yeux de cette génération :
l’entreprise…
diagnostic 1 - Ce qui marche bien aujourd’hui / ce qu’on aime en termes de mobilité durable
Façons de se déplacer
Façons de travailler
Les moyens : Rapidité, Modularité,
Les logiciels et applications :
Partage/Communauté
Interagir, partager, organiser
• Autopartage • TGV
• Skype, Dropbox, Dooble
• Covoiturage via Internet
Bureaux et espaces : usage plus
• Vélo pliant en entreprises, Velib
que possession
• Solutions flexibles de location
• A louer
• Taxis partagés ou nouveaux taxis / Taxi Uber
• Co-working
La gestion des moyens : Fluidité,
• BYOD (bring your own device)
Simplicité, Réseau / Communauté
• La connectique : Apps SNCF direct, alertes
problèmes, temps d’affichage
• Le pass Navigo
41
Commentaire :
La demande d’autonomie est très forte. On veut des
solutions « à la carte » et l’on se soucie des populations souvent oubliées. Sur le long terme, on note
une vraie défiance envers le véhicule électrique pour
des raisons conjoncturelles (son prix et sa faible
autonomie) mais aussi structurelles… (Combien de
centrales nucléaires pour faire rouler un parc toutQUE PEUT-ON AMELIORER A COURT TERME ?
électrique ? combien d’éoliennes pour remplacer
Transition vers les solutions du futur, voici quelques
une centrale nucléaire ?). Toutes les réflexions sont
pistes d’amélioration de ce qui existe :
guidées par le souci de l’environnement…
diagnostic 2
Les pistes d’amélioration à court terme et les rêves en termes de mobilité durable
Façons de se déplacer
Façons de travailler
A AMELIORER : les déplacements de
nœuds en nœuds (vs centre-périphéries),
les aides à l’intermodalité, la cohérence
et la convergence des solutions perso/pro
A AMELIORER : l’indépendance vis-à-vis
des points fixes, l’intégration des
entreprises dans les bassins de vie
•L
e déploiement/la généralisation des outils
permettant le travail à distance :
visioconférence, wiko, clouds, applis,
imprimante 3D
• Les modes partagés : Vélib et Autolib
en banlieue
• Les applications : Apps Navigo qui donne
numéro de sortie, temps de marche
par géolocalisation
•D
es façons de travailler à intégrer dans
les mœurs : télécentre, bureaux de passage
• Développer le budget mobilité
•S
ervices de recherche de logement
de proximité
• La prise en charge de la mobilité « réduite » :
bagage, poussette, handicapés…
• Implantation des entreprises à proximité
des hubs de déplacement
• La sécurité des zones tampons/nœuds
intermodaux (parking, terminus de tram,…)
RÊVE : l’ultra mobilité, l’ultra flexibilité
RÊVE : l’ultra vitesse… écologique
•L
a télétransportation
• D’autres moyens de locomotion que
la voiture électrique (chère, pb d’autonomie,
point d’interrogation sur son écologie)
et hybride (chère, réservée aux cadres sup)
•H
ologramme, avatar
•P
lus de limite au stockage de l’énergie
• La télétransportation
42
QUELS SONT LES AXES PRIORITAIRES
POUR DéVELOPPER LA MOBILITé DURABLE…
DE FACON DURABLE ?
Une politique de mobilité développée par les
entreprises : définition d’un plan mobilité par les
entreprises
Le covoiturage dynamique (gestion des informations / annonces en temps réel) pour plus d’efficacité
La flexibilité dans les façons de travailler : horaires variables, bureaux 24/24, etc.
Gérer les espaces de l’intermodalité (les temps
morts comme les zones tampons et les parkings)
Extension des outils/solutions privés existants
à la sphère professionnelle
S’intéresser à la mobilité réduite/contrainte :
PMR au sens large, bas revenus, habitants des
banlieues/périphéries
Traiter les situations d’urgences (grève, neige…)
La super vitesse : proposer des solutions plus
rapides… ou plus efficaces !
QUEL ENJEUX ET
QUELLES CONDITIONS
DU CHANGEMENT ?
Le plus et le moins : occuper de façon agréable
et productive les temps incompressibles de mobilité
Eduquer/changer les mentalités (des managers
et des chefs d’entreprises)
La confiance et l’autonomie comme nouvelles
règles de management (la présence à horaire fixe
n’est pas une preuve / garantie d’efficience, voire
est vue comme totalement dépassée / arrière garde)
Commentaire :
La volonté de ne plus perdre de temps revient sans
cesse quand il s’agit de mobilité. Et au-delà de la
technologie, la génération Y demande aux managers un nouvel état d’esprit et quasiment la fin des
horaires fixes. L’exigence d’autonomie est totale.
43
HORIZON 2030 (voire avant…)
LES SOLUTIONS PROPOSéES
Idée 2
Nom de l’idée : Le télétravail à la carte
OpinionWay les classe par ordre d’intérêt…
Résumé de l’idée : Avoir un nombre de jours de
télétravail obligatoires à « dépenser » sur l’année
selon les besoins et rythmes de chacun.
Idée 1 « Coup de cœur »
Intérêt de cette idée :
Nom de l’idée : La mutuelle mobilité
• Flexibilité
Résumé de l’idée : Pour pallier aux aléas de mobilité, soutenir les bas revenus et valoriser les com-
• Stimulation professionnelle
portements vertueux, mise en place d’une caisse
• Responsabilisation du salarié
commune (cotisation des salariés et abondement
Le pivot du changement : Une nouvelle façon
de l’entreprise)
de manager (confiance et autonomie)
Intérêt de cette idée :
Commentaire :
• Absentéisme réduit
Le télétravail sera quelquefois obligatoire.
• Anticipation des coûts
La mobilité n’échappera pas aux contraintes…
• Dynamiser le recours aux solutions durables
Idée 3
• Soutien des bas revenus dans le recours à une
mobilité durable (« ça ne doit pas coûter cher de
Nom de l’idée : Un service de covoiturage in-
venir travailler »)
ter-entreprises (PME-TPE)
Le pivot du changement : la responsabilité sociale
Résumé de l’idée : Créer une application géolo-
(=la mobilité durable pour tous)
calisée et commune aux entreprises d’une même
Commentaire :
zone afin de favoriser un covoiturage minute et
C’est l’idée centrale inventée au cours de cet atelier.
programmé (= très flexible et sûr) entre salariés.
Elle permettrait de financer toute nouvelle solution
Ce service proposerait aussi une prestation de taxi
de mobilité et aurait l’avantage de concerner l’en-
partagé en cas d’urgence/besoin spécifique.
semble des salariés de l’entreprise…
Intérêt de cette idée :
• Réduction du nombre de voitures
• Gain de temps et d’argent pour l’entreprise
et les salariés
• Confort (par rapport aux transports en commun)
• Gain en fiabilité et sécurité (par rapport
à un covoiturage classique)
Le pivot du changement : concilier mutualisation
des ressources et rentabilité
44
Idée 4 (extension de l’idée 2)
Intérêt de cette idée :
• Confort pour les salariés et baisse
Nom de l’idée : Les bureaux de passage
de leurs coûts de déplacement
Résumé de l’idée : Pour les grosses entreprises,
délocaliser des bureaux de manière systématique
• Fiabilité : moins de retard
sur les différents nœuds de mobilité et/ou points de
• Image positive pour l’entreprise :
passage de leurs collaborateurs. Une utilisation en
bilan carbone, etc…
mode BYOD.
En résumé, voici le message final adressé par « la gé-
Intérêt de cette idée :
nération Y » aux décideurs des années qui viennent :
• Productivité améliorée
Du pragmatisme :
• Coûts et temps de transports diminués
• Nécessité de faire un compromis
entre écologie et business
Idée 5 (extension de l’idée 2)
• Pour convaincre les entreprises,
la dimension économique doit être majeure
Nom de l’idée : La flexibilité des horaires de
travail
• Le changement doit se faire par étapes
Résumé de l’idée : Avoir plus de flexibilité dans les
De la transversalité / convergence :
horaires de travail, commencer plus tard/terminer
• Entre les sphères privées et professionnelles :
plus tard, semaine de 48h sur 4 jours, etc…
home & work
Intérêt de cette idée :
• Entre entreprises et pouvoirs publics
• Eviter les heures de pointe dans les transports
en commun
Intégrer la réalité du monde d’aujourd’hui / du
nouveau monde :
• Maximiser la productivité des salariés
en se calant sur leur rythme
• Penser flexibilité, autonomie, collaboratif
• Baisse du nombre de mètres carrés de bureaux
vs l’ancien monde (code du travail
et management actuels)
• Consulter la génération Y plutôt que faire
Idée 6
des benchmarks d’autres pays
Nom de l’idée : Bus automatique
Une question qui doit être universelle : tous les
Résumé de l’idée : Création d’un service de bus
salariés/revenus, tous les types d’entreprises
automatique par les entreprises. L’idée est d’établir un parcours stratégique en géolocalisant ses
Un enjeu d’efficacité crucial : organiser et gérer
salariés. Même système que Navigo pour le finan-
la perméabilité des univers Home/office, organiser
cement : 50% entreprises / 50% salariés. Parcours
et gérer les situations d’intermodalité.
optimisés : du domicile à l’entreprise.
45
La mobilité durable, c’est la qualité de vie !
Récapitulatif des principales solutions
par ordre d’intérêt pour la génération Y :
1. La mutuelle mobilité
2. Télétravail
3. Une application de covoiturage dynamique
4. Bureaux de passage
5. Lutte contre la précarité
6. Flexibilité des horaires de travail
7. Bus automatique / à la demande
Commentaire :
Ça n’est pas vrai de toutes les générations mais
celle qui arrive aujourd’hui dans les entreprises (sans
parler des suivantes) marque une vraie rupture avec
ses aînés. Une petite révolution à l’intérieur d’un
monde lui-même en plein bouleversement.
46
Frédéric Bleuse (Regus)
« Il y aura certainement
des espaces Stop & Work
dans les gares Transilien »
un projet informatique temporaire ou un projet de
Télétravail, tiers lieux, entrepreneuriat... Le DG du
différentes villes. Enfin le troisième tiers : les entre-
géant de la location d’espace de travail détaille sa
preneurs, par exemple un provincial qui prend un
vision du bureau de demain.
bureau 5 ou 10 jours par mois à Paris.
Frédéric Bleuse est l’ancien directeur général
L’un de ces tiers est-il plus dynamique
fusion, les étrangers pour développer une activité
particulière ou tester un produit dans le pays. Ensuite, on trouve des entreprises de taille intermédiaire, par exemple une entreprise qui a son siège
à Paris et qui prend des espaces de travail dans
France de Regus, une multinationale anglo-améri-
que les autres ?
caine spécialisée dans la location d’espaces de tra-
Les projets des grandes entreprises sont d’enver-
vail flexibles (bureau équipés, salles de réunion...).
gure, entre 20 et 100 personnes, et peuvent durer
JDN. Vous proposez des bureaux à courtes
6, 12 ou 18 mois. Ce sont des projets importants
durées à des professionnels. Le nomadisme
pour mon chiffre d’affaires, mais ils restent fluc-
et les nouvelles technologies boostent-elles
tuants. Forcément ce qui est important pour la
votre activité ?
pérennité de l’entreprise, c’est de travailler le troi-
Frédéric Bleuse. Cela nous donne une vraie
sième tiers : la génération Y, les créateurs, les en-
énergie pour nous déployer. Aujourd’hui, cela n’a
trepreneurs et les ex-salariés qui démarrent leur
plus de sens d’aller chaque jour à son bureau pour
y rencontrer ses collègues ou son boss. Il y a deux
activité. Ce sont eux qui aujourd’hui utilisent au
phases importantes dans l’organisation de la se-
mieux la technologie, qui comprennent la nouvelle
maine : les travaux « privatifs » que l’on peut faire à
organisation du travail.
la maison ou dans les «télécentres» et les travaux
plus collaboratifs pour faire avancer un projet, ren-
Mais cette population ne connaît-elle
contrer son boss ou ses collègues, faire un point
pas un fort turn-over ?
d’étape. Là, en effet, il faut se retrouver au siège,
Il y a forcément un turn-over et un risque plus im-
mais plus avec des salles de réunions que des bu-
portant avec une jeune pousse qu’avec un groupe
reaux individuels.
du SBF 250. Cependant, à partir du moment où il
Aujourd’hui, qui sont vos clients ?
y a une multitude de créateurs, vous limitez votre
Des filiales de grands groupes
risque. Et le chiffre d’affaires généré par chacun
ou des indépendants ?
d’entre eux pris individuellement est relativement
J’ai trois tiers à peu près équivalents dans mon
peu important.
panel de clients. D’abord, on a les grands groupes.
Les français vont par exemple nous utiliser pour
47
Salariés licenciés qui se mettent à leur
exemple : à 70 kilomètres de Paris, une ville de 30
compte, auto-entrepreneuriat... Profitez-
000 habitants et 6 000 personnes qui font tous les
vous de ces tendances ?
matins Fontainebleau-Gare de Lyon par le train.
Beaucoup. Les statistiques des domiciliés sont un
Nous allons forcément capter la population locale
bon indicateur : on voit une augmentation très si-
d’entrepreneurs, puis capter les grands groupes
gnificative de mois en mois. Aujourd’hui, les cadres
qui ont des collaborateurs qui habitent à Fontai-
se prennent en main relativement rapidement pour
nebleau et qui vont pouvoir venir y travailler une
créer une activité professionnelle avec leurs in-
ou deux journées par semaine. La troisième popu-
demnités de départ ou un pactole antérieur. Ils ne
lation, ce sont ceux qui passent à Fontainebleau,
veulent pas forcément attendre un job mais rester
parce qu’ils sont à proximité sur l’autoroute A6.
en activité.
Pensez-vous répondre
« Les cadres se prennent en main rapidement
à une réelle demande ?
pour créer une activité avec leurs indemnités
Les entreprises y trouvent plusieurs avantages.
de départ »
D’abord, le prix du mètre carré à Fontainebleau
Comment retenez-vous ces créateurs
n’est pas le même que dans le 8e ou à la Défense.
quand ils se développent ?
Ensuite, le collaborateur qui s’évitera deux heures
Nous avons une offre excessivement large, depuis
de train par jour va en rétribuer 50% à son entre-
l’accès au salon d’affaires à 39 euros par mois
prise et en garder 50% pour lui, ce qui améliore
jusqu’au bureau individuel avenue Hoche, l’une
la productivité pour l’entreprise et baisse l’ab-
des adresses les plus prestigieuses. Au milieu,
sentéisme. Pour le collaborateur, c’est moins de
vous avez toutes les combinaisons imaginables.
fatigue, moins de stress, une vie familiale amélio-
Aujourd’hui, nous réfléchissons à la démocrati-
rée... Et aussi un coût moindre : quand on ne prend
sation de nos produits. Initialement, nous étions
pas sa voiture au quotidien, quand on mange à la
basés dans les quartiers d’affaires et aujourd’hui
maison plutôt qu’à l’extérieur, quand on rentre une
notre offre s’étend vers les nomades, le travail à
demi-heure plus tôt et qu’on ne fait pas garder ses
distance, le télétravail. Nous avons ainsi un projet
enfants, c’est une économie évaluée entre 12 et 15
avec la Caisse de Dépôts et Orange qui s’appelle
euros par jour. Ensuite, les collectivités locales ont
Stop & Work pour positionner, en deuxième cou-
intérêt à dynamiser une activité locale. Enfin, au
ronne des grosses agglomérations françaises,
niveau national, on observe une baisse du nombre
une cinquantaine de sites dans les 3 à 5 ans qui
de déplacements, une baisse des congestions des
viennent.
transports et de la pollution.
« Pour le collaborateur, le télécentre c’est moins
Pourquoi avez-vous besoin d’Orange et
de fatigue, moins de stress, une vie familiale
de la Caisse des Dépôts pour ce projet ?
améliorée et un coût moindre »
Nous aurions pu faire cela tout seul, mais on est
En allant en périphérie, vous cherchez à
plus fort à plusieurs. Nous adjoignons trois com-
atteindre une nouvelle population ?
pétences. La Caisse, c’est le bras armé de l’Etat,
Le prochain centre de Fontainebleau est un bon
mais c’est surtout le passeport vis-à-vis des
48
collectivités locales pour nous ouvrir les portes
rie de la ville, dans des stations-service Shell en
et apporter le sérieux et la crédibilité du projet.
suivant le même modèle. Le moins, c’est qu’en
Orange, c’est plus de 20 millions de clients en
France, je n’ai toujours qu’un site. Nous nous
France, c’est des dizaines de milliers de collabo-
sommes donné un peu de temps au niveau du
rateurs, c’est au niveau qualitatif un fournisseur
groupe pour avoir ce retour d’expérience sur Ber-
assez irréprochable en matière de téléphonie et
lin. Des projets en cours aussi en Angleterre et
de bande passante. Pour nous, c’est un acteur in-
aux Etats-Unis.
contournable. C’est vrai que quand je vais discuter avec des collectivités avec mes amis Orange
En France, pour l’instant, vous attendez ?
et la Caisse des Dépôts, ça leur parle plus que
En France, j’attends de voir. Il faut trouver la bonne
quand j’y vais seul et qu’elles me disent «vous
formule, à la fois sur la taille, sur les services et leur
êtes un groupe américain et anglais».
complémentarité par rapport aux pétroliers. Auto-
« La Caisse des dépôts, c’est le passeport vis-à-
routes ou routes nationales ? En tout cas c’est un
vis des collectivités locales »
vrai plus. Le vendredi après-midi, il y a toujours un
Vous vous adressez entre autres aux télé-
pic d’utilisation parce que les gens quittent Paris
travailleurs. Quels sont, selon vous, les rai-
et s’arrêtent là-bas pour travailler. Le soir, les rou-
sons du retard français dans le télétravail ?
tiers, plutôt que de «skyper» sur la table ronde de
Ce qui bloque, c’est avant tout l’absence d’al-
la cafétéria de la station-service préfèrent prendre
ternative aujourd’hui. Vous pouvez travailler soit
un abonnement et faire cela dans de meilleures
de votre bureau, soit de la maison. Il n’y a pas
conditions.
d’autres lieux. D’où la création de ces centres
Et dans les gares ? Une expérience
avec la Caisse des Dépôts et Orange.
concerne celle du Mans...
Et en régions, certaines villes sont en avance ?
Le Mans arrive au mois d’avril, j’attends le tam-
Il y a un certain nombre d’initiatives individuelles
pon de la préfecture. C’est 350 mètres carrés, à
aujourd’hui, portées souvent par le privé ou en
partenariat public-privé. Mais elles manquent
55 minutes de Paris avec plusieurs centaines de
souvent de visibilité.
Manceaux qui montent chaque jour à Paris.
« A Berlin, nous avons développé 50 sites en péri-
Il y a d’autres projets après Le Mans ?
phérie, dans des stations-service Shell »
Oui, il y en a six en tout : Amiens, Nancy, Bordeaux Saint-Jean, Lille Flandres, Paris gare du
Il y a un an, vous avez ouvert un espace de
Nord. Et puis encore mieux : SNCF Transilien et
travail sur une aire de repos de l’A10. Quel
bilan dressez-vous ?
la filiale Gare & Connections ont lancé un appel à
Il y a du plus et du moins. Le plus, c’est qu’il a
manifestation d’intérêt pour des aménagements
donné lieu à une opération d’envergure sur Berlin,
de sites en périphérie en Ile-de-France.
où nous avons développé 50 sites en périphé-
Fabien Renou – Journal du Net – 14 avril 2014
49
coworking, tiers-lieux :
quels bureaux pour demain ?
50% des salariés se sentent moins stressés en
annoncés lors de l’étape du tour de France du télé-
travaillant dans un tiers-lieu. Tel est un des pre-
travail et des tiers-lieux à La Défense.
miers résultats d’une grande enquête menée sur
50% des salariés se sentent moins stressés.
l’utilisation des espaces de coworking par LBMG
Travailler dans un espace à mi-chemin entre le bu-
Worklabs, société spécialisée dans les solutions
reau et le domicile a de nombreux effets positifs sur
de télétravail.
la qualité de vie et l’équilibre de vie professionnelle
Quels sont les bénéfices sur le bien-être et la pro-
et privée. En effet, 50% des personnes inter-
ductivité des salariés ayant accès aux tiers-lieux ?
rogées s’avouent moins fatigués. La produc-
Le tiers-lieu est largement plébiscité par les salariés.
tivité et la qualité du travail sont alors meilleures pour
A la fois confortable et pratique, 73% des salariés
54% d’entre eux. 31% considèrent que leur identité
déclarent avoir évité un détour pour retourner sur
d’entreprise augmente lorsqu’ils vont travailler en
leur lieu de travail et 53% voient leur temps de
tiers-lieu. Contrairement aux idées reçues, les sala-
trajet réduit. Travailler dans un tiers-lieu apparaît
riés ressentent un vrai sentiment d’appartenance à
aussi comme une vraie dynamique pour les terri-
leur employeur, malgré la distance. L’entreprise est
toires : 57% des salariés prévoient d’utiliser les
elle aussi gagnante dans cette expérimentation : ainsi
commerces à proximité.
77% des salariés ont une vraie capacité de concentration et 79% déclarent ne pas être perturbés dans
Pour la première fois en France, une expérimenta-
leurs tâches de travail.
tion(1) est lancée afin d’étudier l’utilisation de tierslieux en Ile-de-France par une centaine de salariés
Cette expérimentation, démarrée au mois de mai,
d’entreprises pendant 8 mois et d’en mesurer les
s’achèvera en décembre 2014. Les résultats fi-
impacts pour les salariés, les entreprises et les
naux de cette expérimentation seront remis lors de
territoires. Ce programme est lancé par LBMG
l’étape de clôture du tour de France du télétravail
Worklabs en partenariat avec le pôle de recherche
et des tiers-lieux mardi 9 décembre dans le Val-
heSam Université et cofinancé par la région Ile-de-
de-Marne. Pour consulter le programme du tour :
France et BPI France. Après deux mois d’usage, les
www.tourdefranceduteletravail.fr
premiers résultats de cette expérimentation ont été
« Décision.achats.fr » - 21 juillet 2014
50
(1) Cinquante salariés travaillent dans une trentaine
de coworking et télécentres sélectionnés - dont
Buro’nomade Val d’Europe, Coworking Vincennes, Le
Spot Multiburo et le télécentre de la Brie des Morin.
On prévoit d’ici la fin de l’année 15 entreprises et 500
salariés participants.
Les entreprises souhaitant rejoindre l’expérimentation
peuvent encore candidater jusqu’à octobre 2014 sur
www.quelbureaudemain.fr
Enquête nationale sur le télétravail, livre Blanc du Tour
de France du Télétravail 2012.
51
« La nouvelle jeunesse est aujourd’hui douée d’une « intelligence connective » qui la rend, en
réseau, plus performante et plus réactive que l’intelligence individuelle la plus érudite, et que
l’intelligence collective la plus solidaire »
- Vincent CESPEDES Philosophe –
France Culture octobre 2010
52
« Le monde professionnel est comme jamais impacté,
influencé par des causes exogènes à l’entreprise et voit
tous les modèles évoluer, être parfois remis en cause :
management, autorité, communication, » constate Didier
Pitelet. « Les entreprises vont devoir renouer avec l’enthousiasme, l’énergie et faire preuve d’imagination pour
attirer et retenir les jeunes ». Après la génération Y, une
nouvelle génération baptisée « génération Z », les mutants, va bousculer les habitudes et les codes du travail.
« Ces jeunes gens sont nés après 1995. Ils seront sur le
marché du travail dans quatre à cinq ans. La crise économique n’est pas un sujet pour eux dans la mesure où
LE RôLE CENTRAL
DES GénéRATIONS Y ET Z
c’est leur cadre de vie depuis toujours. Ils en sont les
enfants comme ils sont les enfants du monde numérique. Ils sont nourris de la culture Internet. Les entreprises vont vivre une véritable révolution sociologique »,
poursuit Didier Pitelet.
Pianotant sur leur mobile, jonglant avec leur tablette,
ces jeunes hommes et femmes ne font pas la différence
entre vie privée et vie professionnelle. Ils ont passé des
heures sur les réseaux sociaux. Ils sont à la fois pragmatiques et sans tabou.
« Ils souhaitent avoir un contact direct avec les managers, y compris ayant les plus importantes responsabilités dans l’entreprise. Ils auront une attitude plus créative que leurs aînés », affirme Didier Pitelet. Refusant les
rapports d’autorité qui fonctionnent aujourd’hui dans
les entreprises, ils souhaitent entretenir des relations
plus personnelles et plus directes avec les dirigeants.
« Les employeurs vont devoir gagner leur confiance et
faire l’effort de décoder leurs codes sans a priori », résume Didier Pitelet. « Le temps où le salarié s’engageait
en faveur d’une entreprise qui lui offrait un emploi per-
Didier Pitelet
manent et une réelle sécurité est définitivement révolu.
Président Moons’Factory
Le besoin irrésistible d’affirmer ses envies personnelles
Conseil en réputation d’entreprise
va devenir la règle. Les nouveaux salariés se rêvent en
Le Figaro.fr - avril 2014.
stratège de leur vie professionnelle ».
53
En novembre 2013, Mobivia Groupe publiait une
étude prospective sur les comportements de mobilité des jeunes de demain. Le constat est encourageant : la mobilité est un principe de vie et de pensée des jeunes adultes, qu’elle soit géographique,
professionnelle, scolaire ou physique…
Mobilité Géographique
Les jeunes sont de plus en plus nombreux
à ouvrir leur horizon à l’étranger. Par exemple, on
note que 57% des 18-24 ans français ont voyagé
à l’étranger et 39% des 25-34 ans. (2012)
Mobilité Professionnelle
27% des jeunes envisagent leur avenir
professionnel hors de France en 2013 contre 13%
en 2012. De la même façon, le nombre d’expatriés
âgés de 18 à 25 ans a bondi de 14% depuis 2008.
(2013, Ifop et Deloitte)
Mobilité Scolaire
Les parcours scolaires d’études à l’étranger
se multiplient. Par exemple, les programmes
Erasmus permettent chaque année à plus de
200 000 étudiants de faire un stage et d’étudier à
l’étranger. (Français et Allemands en tête).
Mobilité
Les jeunes renouent avec leur corps,
et s’expriment par le mouvement. Ainsi, de
nouveaux courants de danse (zumba, bodyballet),
de sport (fixie, course à pied) ou de glisse ont vu le
jour récemment.
Une seule ombre au tableau :
La mobilité sociale (fort taux de chômage des jeunes et
1er CDI à 29 ans en moyenne).
54
La mobilité érigée en principe de vie
Aujourd’hui, la révolution numérique de l’Internet et
du mobile alimente une mobilité diffuse centrée sur
la maîtrise par soi-même de ses propres parcours.
La mobilité n’est pas qu’une action, une réponse
à un besoin de déplacement. Il s’agit également
d’une mobilité de pensée. Ainsi, les jeunes ont la
capacité à s’inventer dans un monde précaire, celle
de se mobiliser ; ils sont connectés.
QUELQUES CHIFFRES DU BIPE
Les 18-30 ans délaissent l’automobile et se
tournent plus fréquemment vers les modes de
transport alternatifs.
47% des moins de 25 ans et 26% des 25-30 ans
utilisent les transports collectifs pour se déplacer un
jour de semaine, contre 20% pour les 31-50 ans.
De la même manière, 43% des moins de 25 ans
pratiquent la marche à pied au quotidien, contre
27% pour les 25-30 ans et 28% pour les 31-50
ans. Les jeunes sont les pionniers des mobilités partagées (2012).
12,1% des utilisateurs du vélo libre-service sont les
18-30 ans contre 4,2 % pour le reste des générations interrogées et 16,5% des 18-30 ans sont utilisateurs du covoiturage contre 9,3% pour le reste
des générations interrogées.
55
b) LES ENERGIES EN 2030
La France, pays d’ingénieurs, ne manque ni de projets ni de talents scientifiques pour les mener à bien.
Quand on évoque le moyen terme de 2030, il faut
d’abord s’intéresser aux énergies dont nous disposerons à cet horizon.
2030 : Pétrole, l’interminable débat
On est loin d’en avoir fini avec le pétrole. C’est la
conviction de Jean-Louis Schilansky, Président de
l’Union Française de l’Industrie Pétrolière. « Les
carburants d’origine pétrolière auront une place
prépondérante dans le mix énergétique. Ce qui
n’empêche pas les grands pétroliers comme Total
d’investir dans les énergies renouvelables, comme
le solaire, ou BP de s’intéresser à la bio-masse ».
(Entretien du 28 mai 2014).
Ces énergies renouvelables, selon l’AIE, ne représenteront pas plus de 12 à 15% du mix énergétique
utilisé à l’horizon 2030…
Le secteur du transport, qui représente aujourd’hui
27% de la consommation énergétique mondiale,
devrait croître de plus de 30% dans les 15 ans qui
viennent (Hervé Casterman GDF/SUEZ).
Quant à la question : « le pétrole jusqu’à quand ? »,
le président de l’UFIP estime qu’on ne peut pas y
répondre… « On s’oriente vers un plateau d’environ 100 millions de barils / jour pour une durée de
quelques dizaines d’années » mais ces chiffres ne
tiennent pas compte des innovations technologiques
à venir… Qui imaginait il y a 20 ans l’arrivée du gaz
de schiste et l’autonomie promise aux Etats-Unis ?...
Aujourd’hui, les réserves de gaz dans le monde
sont beaucoup plus importantes que prévu et les
réserves mondiales se mesurent, selon Jean-Louis
Schilansky, en centaines d’années…
56
« La mobilité va se segmenter » dit-il. Essence, die-
Le groupe dirigé par Carlos Tavarès plaide pour un
sel, gaz naturel, GPL, électrique : les modes de pro-
véhicule « adapté à chaque usage »…
pulsion seront multiples et co-existeront en fonction
Pierre Macaudière, responsable moteur à la direction
de l’usage… Mais en 2030, nous serons encore en
de la Recherche et du Développement Peugeot-
période de transition.
Citroën, estime qu’il : « faut donner des solutions
L’an dernier devant le Parlement (Rapport Sénat
techniques qui soient en rapport avec l’usage et ac-
Mobilité Durable – janvier 2014), Joelle Colosio,
ceptables. Par exemple, une personne qui va rouler
chef du service qualité de l’Air à l’Ademe (Agence
beaucoup en ville fera peu de kilomètres au total et
de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie),
aura besoin d’un petit moteur essence « downsizé ».
évoquait les projections de l’Agence pour 2030 :
Ça veut dire petit, mais pas forcément mauvais. Au
contraire, il tourne en permanence dans un régime
« Nous voyons une diminution du diesel de 72%
où, énergétiquement parlant, il est plus efficace.
aujourd’hui à 15% en 2030. Les véhicules hybrides
C’est une bonne solution couplée avec un système
seront en augmentation de 0 aujourd’hui à 10% en
d’hybridation simple stop and start, qui arrête le mo-
2030. Les véhicules rechargeables passeront de 1
teur lorsque le véhicule est à l’arrêt et qu’il n’a pas
à 2% aujourd’hui à 22% à 2030. »
besoin de tourner.
… « Ensuite, nous avons découpé le flux de voya-
Une famille aura besoin d’un véhicule plus mix, plus
geurs en trois parties : le flux urbain, le flux périur-
grand. Là il faut garder un système qui sera plus
bain et le flux longue distance. Sur les véhicules
complexe, peut-être hybride couplé avec du diesel.
individuels, on voit qu’entre 2010 et 2030, on aura
Et puis si l’on veut faire des véhicules 2 litres/100 km
une baisse de 20% sur les déplacements urbains,
qui soient acceptables pour beaucoup de monde, il
qui vont être pris plus par du covoiturage ou de
faut réfléchir à des solutions d’hybridation qui soient
l’autopartage, en augmentation de 10%. Sur le
accessibles, moins chères.
périurbain, on voit également une baisse de 20%
et également sur la longue distance, avec des réé-
On a beaucoup parlé d’hybride électrique, c’est-
quilibrages véhicule individuel – autopartage – co-
à-dire le couplage d’un moteur thermique avec un
voiturage – transports collectifs – transports ferrés
moteur électrique. On commence à parler d’autres
également. Et puis la part du vélo et du deux-roues
solutions d’hybridation.
électrique pour de l’urbain et de l’interurbain. »
PSA a récemment parlé d’une hybridation qu’on appelle Hybridair, où l’on fait de la récupération d’éner-
Tous les constructeurs automobiles réfléchissent à
gie avec un système d’air comprimé, une chaîne de
la mobilité urbaine de demain. L’Alliance Renault-
traction hydraulique qui permet d’avoir des systèmes
Nissan investit massivement dans l’électrique avec
qui seront probablement plus acceptables en termes
pour ambition de devenir le leader mondial du sec-
de coûts. Je veux vraiment insister sur cette accepta-
teur. PSA a fait d’autres choix : l’essence et l’hybride
bilité en termes de coûts pour le client et le client final,
diesel (sans oublier l’hybrid-air dont la décision de
avec une optimisation, ce qui se traduit chez nous
commercialisation n’est pas prise).
par un véhicule adapté à chaque usage. »
57
Biocarburants – 2030 :
l’une des composantes du mix énergétique
Parmi les pistes de développement pour baisser
les émissions de CO2, il y a bien sûr les agrocarburants. La France est devenue le premier producteur
européen de bioéthanol et de biodiesel. Le Paquet
Energie-Climat de l’Union Européenne les a placés
au cœur du dispositif des énergies renouvelables
dans ses objectifs pour 2020.
Alain Jeanroy, directeur général de la Confédération
Générale des Betteraviers, rappelle que le bioéthanol produit en France diminue les émissions de CO2
de 50% et qu’il a un rapport de 1 à 2 en termes
d’énergie consommée par rapport à l’énergie produite…
… Il souhaite « une généralisation de la distribution
du SP95-E10 (sans plomb 95 contenant 10% de
bioéthanol). Actuellement, il n’est distribué que
dans 37% des stations-service en France. Il y a
eu une bonne montée en puissance en 2012, on
est passé de 27 à 37%. Mais nous sommes très
en deçà de ce que nous devrions atteindre comme
objectif, c’est-à-dire la généralisation du SP95-E10,
qui sera le carburant de référence européen. »
Pour les 15 ans qui viennent, les acteurs des filières
investissent dans la deuxième et la troisième génération de biocarburants et dans la chimie du végétal
à travers divers programmes de recherche, visant
à mettre au point de nouveaux procédés de fabrication, à partir de bois, de déchets végétaux, de
biomasse dédiée ou d’algues.
58
BIOTFUEL – du biodiesel de 2ème génération
Source Dossier presse :
Biocarburants - Sofiprotéol
De quoi s’agit-il ?
Un programme de recherche et développement
visant à développer une chaîne complète de procédés permettant de convertir, par voie thermochimique, la biomasse lignocellulosique en biogazole
et en biokérosène de 2ème génération.
En quoi ce projet est-il innovant ?
Exempts de soufre et de composés
aromatiques, ces carburants sont utilisés seuls
ou en mélange dans tous types de moteur diesel
Autre solution préconisée par la filière des
et turboréacteurs d’avion.
biocarburants : « C’est le développement du
superéthanol E85, c’est-à-dire à 85% d’éthanol.
Le développement des technologies
Actuellement, il y a 310 pompes-service qui le dis-
de conversion de la biomasse lignocellulosique
tribuent pour les véhicules FlexFuel. Ces véhicules
en carburants de synthèse.
FlexFuel fonctionnent indistinctement entre essence
– SP95 et SP98 – et SP95 et E85. Donc sur ce
Une chaîne de procédés transposable
point-là, nous souhaitons que les gammes soient
à l’échelle industrielle.
développées. Dacia a une gamme très développée
Infos clés
là-dessus. Nous sommes à peu près en ce moment
Partenaires : Sofiprotéol, Axens, Commissariat
à 30 000 véhicules (2013).
à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives
Deuxième point, c’est le nombre de pompes qu’il
(CEA), IFP Energies nouvelles, ThyssenKrupp
faut développer, bien évidemment. Et troisième-
Uhde, Total.
ment, c’est l’homologation des kits qui peuvent se
Date de mise en service :
monter sur des voitures normales pour les transfor-
Unité industrielle à l’horizon 2020
mer à l’E85. Et d’autre part, c’est de l’hybridation
bien sûr, trois voies, c’est-à-dire que lorsqu’on parle
Localisation :
de véhicules électriques essence-électricité, nous
Venette (Sofiprotéol - pilote de prétraitement
souhaitons que ce soit FlexFuel électricité. Ainsi le
de la biomasse) et Dunkerque (Total - pilote
véhicule pourrait fonctionner à l’essence, à l’électri-
de gazéification, purification et synthèse)
cité et au E85. »
59
Ces propos illustrent bien la multitude d’options
ouvertes d’ici 2030. Quelles que soient les nouvelles
mobilités, elles se pratiqueront sur des mix énergétiques plus nombreux et plus vertueux que ce que
nous connaissons aujourd’hui. La loi de « programmation de la transition énergétique pour la croissance
verte », présentée au Conseil des Ministres le 30 juillet
et débattue à l’automne au Parlement, a pour double
enjeu de « lutter contre le dérèglement climatique »
et « réduire la facture énergétique de la France qui
s’élève à près de 70 milliards d’euros par an »…
Au chapitre des « transports propres », le texte originel favorisait les seuls véhicules électriques ou hybrides. Désormais, il encourage « tous les véhicules
ayant un très faible niveau d’émission de gaz à effet
Pour ce qui concerne les « transports propres », (ce
de serre et de polluants atmosphériques ».
secteur est le premier émetteur de gaz à effet de
serre - 27% du total) :
Chaque filière y verra donc sans doute une incitation
à investir davantage.
• Les flottes de l’Etat et des établissements publics
devront comprendre 50% de véhicules électriques
Le cadre général de cette loi fixe des objectifs à
ou à faibles émissions…
moyen et long termes (Le Monde – 31 juillet 2014) :
• Pour les particuliers, 7 millions de bornes de
• Réduire les émissions de gaz à effet de serre de
recharge pour voitures électriques ou hybrides
la France de 40% à l’horizon 2030 par rapport à
seront installées d’ici 2030… L’installation par les
1990 et les diviser par quatre d’ici à 2050…
particuliers bénéficiera d’un crédit d’impôt à hauteur de 30%, jusqu’au 31 décembre 2015. Quant
• Diminuer la consommation énergétique finale de
au bonus pour l’achat d’un véhicule propre, il sera
50% d’ici 2050.
majoré dès l’automne 2014 pour atteindre 10.000
• Abaisser la consommation d’énergies fossiles de
euros lorsqu’il s’accompagne de la mise au rebut
d’un véhicule diesel.
30% pour 2030.
• Porter la part des énergies renouvelables à 23%
Ce texte a été amendé par le Sénat en première
pour 2020 et 32% pour 2030 - elles fourniront
lecture le 3 mars dernier. Quelles que soient les
alors 40% de l’électricité et 15% des carburants...
tentatives de conciliations et faute d’accord entre
• Ramener la part du nucléaire dans la production
députés et donc, pour l’essentiel, au projet porté
les deux assemblées, le dernier mot reviendra aux
d’électricité à 50% d’ici 2025.
par Ségolène Royal.
60
Electrique 2030 :
vers l’autonomie et sans le nucléaire ?
La France n’est pas l’Amérique mais les révolutions
technologiques en cours n’ont pas de frontières à
l’horizon 2030 et tous les opérateurs de mobilité en
profiteront.
1er exemple : des chercheurs de l’Université Stanford (Etats-Unis) viennent d’annoncer une découverte permettant d’augmenter significativement la
capacité des batteries électriques actuelles. Elles
seront, d’ici 5 ans, plus légères, plus petites et plus
puissantes… On pense bien sûr au téléphone portable mais l’industrie automobile n’attend que ce
type d’innovation pour voir décoller les ventes de
ses véhicules électriques…
2ème exemple : Tesla, le constructeur de voitures
électriques (dont l’autonomie est déjà supérieure à
celle proposée par les constructeurs européens),
veut créer le plus grand site de fabrication de batteries du monde en association avec Panasonic…
Voici le récit que « Le Monde » publiait l’été dernier
sous la signature de son correspondant à San Francisco, Jérôme Marin. (Le Monde – 31 juillet 2014).
« Le projet de « méga-usine » de Tesla Motors
avance. Selon le quotidien japonais Nikkei, le fabricant californien de voitures électriques aurait finalisé
un accord avec son partenaire Panasonic.
Dans un premier temps, Panasonic devrait investir entre 200 et 300 millions de dollars (de 149 à
224 millions d’euros). Mais sa mise finale pourrait
s’élever à 1 milliard de dollars. Cela représenterait
alors de 20 % à 25 % des 4 à 5 milliards de dollars
que devrait coûter ce projet gigantesque, voulu par
Elon Musk, le fondateur et patron de Tesla, pour
fabriquer les batteries lithium-ion qui équipent ses
véhicules électriques.
61
L’entrepreneur californien voit les choses en grand :
cette voiture sera vendue autour de 35 000 dollars,
930 000 mètres carrés, 6 500 salariés et une produc-
soit deux fois moins que le Model S.
tion permettant d’équiper 500 000 voitures par an.
Tesla ne produit que 700 voitures par semaine. Le
« D’ici 2020, l’usine produira plus de batteries lithium-
groupe espère atteindre les 1 000 d’ici à la fin de
ion par an qu’il n’en a été produit dans le monde en
l’année. Cela demeure encore dix fois inférieur à la
2013 », assure le constructeur. L’énergie sera fournie
capacité de sa future usine. Mais la société s’est déjà
par une ferme d’éoliennes et de panneaux solaires.
associée à Solar City, autre entreprise fondée par M.
Le site doit ouvrir ses portes en 2017. Quatre Etats
Musk, pour stocker l’électricité produite par ses pan-
du sud du pays ont été retenus pour l’accueillir : Ari-
neaux solaires.
zona, Nevada, Nouveau-Mexique et Texas. Mais la
Adam Jonas, analyste chez Morgan Stanley, prédit
Californie, où est déjà située l’usine d’assemblage de
ainsi que Tesla pourrait devenir « le premier produc-
la société, à Fremont (baie de San Francisco), vient
teur mondial de produits de stockage d’énergie à
d’adopter des mesures d’exonérations fiscales pour
bas coûts ». « Regarderons-nous un jour ses débuts
tenter d’emporter la mise.
de fabricant de voitures de la même manière que
Ce projet se situe au cœur de la stratégie de conquête
nous regardons aujourd’hui ceux d’Amazon, qui
de Tesla. Le constructeur ne produit pour le moment
n’était au départ qu’un simple vendeur de livres ? »,
que le Model S, une berline haut de gamme, élue
s’interroge-t-il.
en 2013 voiture de l’année par l’influent magazine
Reste que ce projet représente un risque important
Consumer Reports, avec un score de 99 sur 100, ja-
pour la société, contrainte de s’endetter pour finan-
mais atteint jusque-là. Il en a écoulé 22 400 en 2013.
cer les 2 milliards de dollars qu’elle investira. Les
Les batteries sont fabriquées par Panasonic, dans le
marchés, eux, ne doutent guère. En Bourse, l’action
cadre d’un partenariat qui se conclura fin 2017.
du constructeur a gagné 50% depuis le début de
Mais les capacités de production du groupe japo-
l’année. Tesla est valorisé à 28 milliards de dollars.
nais pourraient être insuffisantes pour répondre aux
C’est autant que Renault et à peine deux fois moins
besoins de Tesla, qui commercialisera, au printemps
que General Motors. »
2015, son deuxième modèle, un SUV baptisé Model
Quant à la question du prix, toujours à titre d’exemple,
X. « Il existe déjà les capacités excédentaires avec
Tesla prévoit pour 2018 le lancement d’une petite
des usines qui tournent à 15% ou 20% », s’étonne
berline à un prix deux fois moindre que celui de son
cependant Richard Wallace, de l’organisme de re-
Model S, c’est-à-dire inférieur à 35 000 €.
cherche Center for Automotive Research.
Ainsi va l’innovation : si les progrès technologiques
Car cette gigantesque usine doit surtout permettre
continuent à ce rythme (abaissement des coûts et
à Tesla d’abaisser les coûts des batteries de plus
autonomie équivalente à celle de l’essence ou du
de 30% dès son inauguration. Ce n’est ainsi pas un
diesel, utilisation massive de l’énergie solaire), la
hasard si cette dernière doit intervenir peu avant le
mobilité électrique finira par s’imposer, voire, dans 20
lancement du Model 3, une version plus abordable
ans, par devenir l’énergie dominante dans le monde
destinée au grand public. Officialisée début juillet,
de l’automobile…
62
Hydrogène : déjà commercialisé
L’hydrogène dans l’automobile, les constructeurs
nous en parlent depuis de nombreuses années,
mais seulement à travers des prototypes. Quelquesuns avaient poussé l’expérience jusqu’à des toutes
petites séries limitées en location, comme la Honda
FCX Clarity en 2008 en Californie. Pionnier dans
l’hybride avec sa Prius lancée en 1997, le numéro 1 de l’automobile Toyota mise aujourd’hui sur
cette technologie et vend en Europe sa Toyota Mirai
depuis janvier 2015 pour la modique somme de
78.600 euros . Elle ne pollue pas et se ravitaille à la
pompe en 4 minutes. Puissance et autonomie sont
au rendez-vous. Mais la Mirai n’est pas commercialisée en France pour l’instant à cause du manque de
pompes à hydrogène.
63
Automobile :
la révolution des moteurs à hydrogène
en début d’année. La ville de Dunkerque a même
L’avantage des moteurs à hydrogène est de propo-
bus fonctionnant à l’hydrogène.
ser des performances comparables à celles d’une
Les freins actuels à la généralisation
de l’hydrogène
annoncé qu’elle allait s’équiper prochainement de
voiture dotée d’un moteur thermique, les rejets
de CO2 dans l’atmosphère en moins. L’autonomie
Si les constructeurs français se montrent pour l’ins-
d’une pile combustible permet de rouler environ
tant frileux vis-à-vis des moteurs à hydrogène, en
500 kilomètres, en émettant seulement de la va-
privilégiant l’électrique, c’est vraisemblablement
peur d’eau, avant de faire le plein en trois à quatre
pour des questions de sécurité. En effet, l’hydro-
minutes. L’eau rejetée est même potable. Diane
gène est un gaz extrêmement inflammable. Mais
Kruger en a fait l’expérience en testant la Classe B
en réalité, la voiture à hydrogène ne présente pas
F-Cell de Mercedes.
plus de dangers que les véhicules traditionnels. Les
Conscients du potentiel de cette nouvelle technolo-
modèles sont en effet équipés, tout comme les sta-
gie, de nombreux pays préparent la transition. Les
tions, de capteurs détectant les éventuelles fuites et
pionniers en la matière sont le Japon, l’Allemagne
actionnant immédiatement des systèmes de sécuri-
et l’Europe du Nord, qui devraient être les premiers
té. Quant aux réservoirs, ils ont été conçus pour être
à accueillir ces véhicules d’un nouveau genre. La
quasiment indestructibles. Toyota a ainsi démontré
Californie s’y intéresse également. Elle vient de vo-
que ses piles à combustibles étaient à l’épreuve des
ter un budget de 200 millions de dollars, dédié à la
balles. Actuellement, l’autre frein majeur à l’expan-
construction d’environ 20 stations de ravitaillement
sion de la technologie des moteurs à hydrogène est
en 2015, 40 en 2016 et 100 en 2024.
son coût. Passé de 160 000 à 50 000 dollars depuis
2011, le prix de la Toyota FCV reste conséquent.
Le Japon, lui, a pris une longueur d’avance. Dès
Mais les prix devraient continuer à baisser dans les
2011, 13 constructeurs et fournisseurs d’énergie
années à venir.
se sont associés pour développer des véhicules à
hydrogène abordables et sûrs. Cela a abouti à la
Le dernier rempart à l’essor des véhicules à hydro-
création du modèle FCV de Toyota. L’Empire du
gène réside dans la question des points de ravitail-
soleil levant a même signé en fin d’année dernière
lement. Et sur ce sujet, tout dépend des pouvoirs
un contrat avec la société française Air Liquide pour
publics. La mise en place d’un réseau de stations
mettre en place un réseau de ravitaillement dans
demande du temps et de l’argent. Ne vous atten-
les villes de Tokyo, Nagoya, Osaka et Fukuoka d’ici
dez donc pas à ce que les voitures à hydrogène se
2015. Les premiers véhicules à hydrogène sont pré-
banalisent dès les prochaines années. Notre voisin
vus d’ici la fin de l’année sur les routes nippones. La
allemand a ainsi prévu l’implantation de 50 stations
France, de son côté, accuse un sérieux retard en
l’année prochaine et 400 d’ici 2023. La révolution
la matière. Mais les pouvoirs publics commencent
de l’hydrogène est donc en marche... Elle prend
à prendre conscience du potentiel de l’hydrogène.
juste son temps.
Arnaud Montebourg, le ministre du redressement
(Boursorama.com
productif, a ainsi pris l’initiative d’encourager la filière
Guillaume Huault-Dupuy - 30 juillet 2014).
64
65
Gaz naturel : la route est longue :
Pour l’Europe, l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC) par
Bien malin celui qui peut prédire le destin du Gaz
la voix de son vice-président, Paul Lucchese, cite
Naturel pour véhicules dans 15 ans. Le GNV est un
l’exemple de l’Allemagne et de l’Angleterre, où un
carburant de substitution écologique. Il possède
plan de déploiement des infrastructures est déjà prêt.
de nombreux atouts environnementaux puisqu’il
Dans ces deux pays comparables à la France, on
rejette 25% de CO2 en moins par rapport à une voi-
envisage une production d’environ 300 000 véhi-
ture classique, 80 à 90% de production d’ozone en
cules par an à l’horizon 2030… Toyota va sortir ses
moins, pas d’émissions de substances nocives pour
véhicules en 2015 et il y a actuellement au Japon
la santé (benzène, souffre, etc.).
30 000 installations domestiques à hydrogène…
Le GNV se distingue du GPL (Gaz de Pétrole Liqué-
Conclusion de Bernard Frois, Président du Comité
fié) qui est un mélange liquide de butane et de pro-
des Etats Membres du JTI Hydrogène et Piles à
pane qui provient du raffinage du pétrole. Le GNV
combustible (expérience européenne de déploie-
affiche un prix à la pompe très compétitif et plutôt
ment des infrastructures hydrogène) :
stable, et des mesures fiscales très avantageuses
« La Commission se préoccupe de poser la ques-
existent. Le développement du GNV en France est
tion aux Etats : comment est-ce que vous mettez
très limité, se heurtant à un manque d’infrastructures
en place des recharges électriques et des stations
et de stations GNV pour faire le plein ainsi qu’à un
hydrogène ?
désintérêt des pouvoirs publics qui lui préfèrent la
voiture électrique.
Pour l’hydrogène, c’est beaucoup moins compliqué,
étant donné que le parcours d’un véhicule hydrogène
Comme le souligne la loi de transition énergétique,
est beaucoup moins limité. Aujourd’hui, une voiture
les performances d’un véhicule au Gaz Naturel pour
standard à hydrogène a une autonomie de 400 kilo-
Véhicules sont similaires à celles d’une voiture es-
mètres. On a moins besoin de points de recharge. Et
sence, avec en prime une conduite plus souple, un
ce qui est prévu par la Commission, c’est de l’ordre
moteur moins bruyant et qui pollue moins, une auto-
d’une centaine de stations en Europe. Ce n’est donc
nomie équivalente ou supérieure à un véhicule ordi-
pas très contraignant. C’est une incitation. »
naire grâce à la bi-carburation gaz naturel / essence.
66
A titre d’exemple, un journaliste automobile autrichien, Gerhard Plattner, a parcouru, l’an dernier,
2 619 km en 5 jours de Vicence (Italie) jusqu’à Stockolm dans une petite Skoda Citigo CNG Green Tec
en consommant 81,24 euros de carburant, soit un
budget moyen de 3,10 euros pour 100 km. C’est un
peu plus cher que l’électrique et le GNV doit lui aussi
faire face à la pénurie de stations comme le montre
cette carte publiée par le site « Automobile Propre »…
les stations gnv en france
à l’été 2014.
67
Pour conclure ce chapitre sur les propulsions du
futur, il faut dire qu’il n’y aura sans doute pas une
mais plusieurs propulsions qui se développeront à
leur rythme en fonction de la fiscalité des modèles
alternatifs et des perspectives de disparition du
pétrole…
L’économiste Nicolas Bouzou rappelait deux évidences pour l’horizon 2030 :
« Combien d’éoliennes pour remplacer une centrale
nucléaire ? Personne ne le sait ».
« Quelle sera la technologie dominante en 2030 ?
Personne ne le sait ».
Le tableau le plus complet des options ouvertes
passe par ce récapitulatif des spécificités de chaque
motorisation.
Avec les matières premières qu’elles consomment,
les émissions qu’elles génèrent, leur autonomie,
leur statut, leur infrastructure, les coûts de consommation et d’acquisition, ainsi que les perspectives
futures de ces moteurs.
Seule certitude : la propulsion du futur devra être
propre, bon marché, disponible et pratique.
68
Moteur
a explosion
au gaz
naturel
Moteur
Hybride
electrique
Moteur
electrique
solaire
Moteur
electrique
avec batterie
Moteur
electrique
avec pile a
combustible
-
Rayons du soleil
Accumulateurs
rechargeables
(de type batterie
lithium-ion)
Hydrogène
Hydrogène
Renvoie du gaz
naturel (mélange
de méthane),
le gaz de pétrole
liquéfié (GPL),
et le blogaz
Libère du
monoxyde
de carbone,
de l’oxyde d’azote,
des hydrocarbures
et du dioxyde
de carbone
Ne dégage
quasiment aucune
émission, mais
implique des
émissions
au moment de
sa fabrication
Dégage moins
de particules
polluantes qu’une
propulsion essence
ou gazole
Mêmes émissions
que les moteurs
à explosion
conventionnels,
baisse sensible
des émissions
en zone urbaine
Pas d’émissions
directes mais
la fabrication
du silicium entraine
d’importantes
émissions de co2
Pas d’émissions
directes mais
émissions lors de la
production du courant et problème
de recyclage des
batteries
Ne dégage
quasiment aucune
émission, mais
implique des
émissions au
moment de sa
fabrication
800 kilomètres
maximum
350 kilomètres
maximum
650 kilomètres
maximum
1 000 kilomètres
maximum
Kilomètres illimités
à condition que
l’ensoleillement
soit suffisant
Entre 100
et 150 kilomètres
maximum
Entre 500
et 700 kilomètres
maximum
Technique connue
et affinée
Prototypes en
phase de tests,
premiers modèles
commercialisés
en 2015
Technique qui
a fait ses preuves
avec les véhicules
hybrides
Les véhicules
hybrides
électriques sont
arrivés à maturité
Encore à l’état
de prototypes,
difficulté d’intégration du nombre
suffisant de céllules
photovoltïques
Véhicules produits
en série, poursuite
du développement
des batteries
Problèmes
techniques résolus,
premiers modèles
annoncés
pour 2015
11 128
stations-service
en France
3 bornes
à hydrogène
en France
33 stations
publiques
11 128
stations-service
en France
-
1 600 bornes de
recharge rapide en
France, possibilité
de recharger
chez soi
3 bornes
à hydrogène
en France
Pénurie
croissante en
matière première,
augmentation du
coût du diesel
et de l’essence
A long terme,
l’industrie estime
que l’hydrogène
pourrait s’avérer
plus rentable
que l’essence
Economies en
coût de carburant
de 50%
Potenteil
d’économies
en carburant entre
15 et 25%
-
Prix de l’électricité
plus avantageux
que celui des
carburants
classiques
A long terme,
l’industrie estime
que l’hydrogème
pourrait s’avérer
plus rentable
que l’essence
Technologie
encore en phase
de développement
Plus chère à l’achat
qu’un véhicule
essence. Avec
amélioration de
Technologie
la technologie
encore en phase
des batteries, les
de développement
voitures électriques
devraient être
moins chères
Rêve d’un véhicule
autosuffisant sur
le plan énergétique
Les véhicules
électriques
pourraient
contribuer à la
fabrication de
courant propre
Perspective
Coûts
d’acduisition
Statut
Autonomie
Emissions
Matière
première
Alimenté par
de l’essence
ou du gazole
Infrastructure
Moteur
a explosion
a hydrogene
Coûts de
comsommation
Moteur a
explosion
a essence
Remboursement
des frais après une
certaine
durée de vie
Des modèles
pour tous les
budgets
Technologie
encore en phase
de développement
Optimisation
du processus
de combustion
et utilisation
de carburants bio
Vision d’un véhicule
zéro émission,
à condition
de produire
de l’hydrogène
sans émettre
de gaz à effet
de serre
Bien plus cher
qu’un modèle
conventionnel
doté d’un moteur
à explosion
Solution transitoire
en attendant que
le véhicule 100%
électrique puisse
être produit à
grande échelle
Infographie effectuée par Covivo, opérateur de mobilité durable - www.covivo.fr - Twitter : @covivo
69
Vision d’un véhicule
zéro émission,
à condition de
produire de l’hydrogène sans émettre
dde gaz
à effet de serre
c) LES VEHICULES EN 2030
véhicules ? Aujourd’hui, le champ est ouvert. On
Constat de Mme Danièle Attias, professeur à
n’est pas sur une hypothèse où l’on est convaincu
l’Ecole Centrale Paris, titulaire de la Chaire Armand
que demain nos grands constructeurs seront les
Peugeot (PSA Peugeot Citroën).
constructeurs. Peut-être qu’ils construiront autre
chose, qu’ils offriront des services, plein d’autres
« Je profite de la présence des constructeurs pour
choses, diverses. Et je crois qu’on est en train de
poser une question. Je suis à l’Ecole Centrale de
redéfinir aujourd’hui les métiers de chacun, les
Paris où, depuis environ six mois, j’encadre un
axes de chacun, les frontières qui sont de moins
groupe d’étudiants de première année qui sont ab-
en moins claires, qui deviennent plus floues. A mon
solument passionnés par les plateformes collabo-
avis, cette mixité, tous ces maillages, sont des
ratives. Ils ont recensé, l’air de rien, environ 3 000
chemins très intéressants pour l’innovation.
sites existants dans le monde aujourd’hui, où des
jeunes se connectent par web et co-construisent
(Propos tenus en janvier 2014 devant l’Office Parle-
des véhicules de toutes sortes. Pour des jeunes
mentaire des choix scientifiques et techniques).
ingénieurs, ce n’est pas si compliqué que cela de
Tout en s’interrogeant sur leur destin, les construc-
construire un véhicule électrique. Ils savent faire.
teurs se mobilisent tous azimuts pour inventer la
Ce qui est un peu drôle, c’est que non seulement
mobilité de demain… Ainsi Ford lance un concours
ils construisent, mais au travers de cette mise en
d’applications sous le vocable :
commun des informations et des connaissances,
ils traduisent aussi des besoins de mobilité. Est-
« INNOVATE MOBILITY CHALLENGE SERIES »
ce que les constructeurs seraient prêts aujourd’hui
Il s’agit d’une compétition à l’échelon mondial des-
à intégrer, ou à aller voir ce qui se passe sur ces
tinée aux développeurs d’application et aux équi-
sites ? Il y a là une richesse incroyable en termes
pementiers.
d’innovation.
Les challenges sont répartis sur huit sites dans le
Ce qu’ils traduisent, eux, c’est un besoin de voi-
monde et ont débuté le 15 juillet 2014 à Lisbonne
tures modulaires ou modulables. Alors là, il y a
(Portugal), Los Angeles (Etats-Unis) et Bombay
une vraie question, très intéressante. Le matin, il
(Inde). Ils se dérouleront ensuite à Delhi et Chennai
leur faut une voiture à une place, en fin de journée
(Inde), Shanghai (Chine), Johannesburg (Afrique du
peut-être une voiture à deux places, une voiture à
Sud) ainsi qu’en Argentine à l’échelle nationale.
quatre places le soir avec les amis. A travers cette
« En s’adressant aux acteurs locaux, Ford peut
expression de besoins, c’est finalement leur per-
aborder de manière plus efficace les différents
ception qui se dessine sur la mobilité dans une ville
problèmes de mobilité dans le monde entier », ex-
qui est aussi en train de changer. Cela pourrait être
plique Paul Mascarenas, responsable technique et
pour nous une opportunité extraordinaire.
vice-président chargé de la recherche et du déve-
Il faudra faire attention. Est-ce que les construc-
loppement de Ford Motor Company. « En lançant
teurs traditionnels de voitures seront encore les
nos Innovate Mobility Challenge Series dans huit
constructeurs demain ? Qui demain construira les
régions différentes, nous offrons la possibilité à des
70
talents locaux et mondiaux de travailler ensemble
pour inventer un réseau de transport plus intelligent
et plus performant. »
Pour chaque challenge, Ford établira des partenariats avec les autorités et les experts locaux
afin d’aborder les différents problèmes de chaque
région. Les propositions des participants seront
évaluées par un jury composé de personnalités
locales et de dirigeants de Ford impliqués dans la
recherche de solutions de mobilité.
Un engagement à long terme pour la mobilité
La croissance de la population mondiale et l’urbanisation représentent des défis majeurs pour la mobilité
individuelle et l’efficacité du secteur des transports.
Le programme Ford Blueprint for Mobility, présenté
par Bill Ford, président exécutif de Ford Motor Company, décrit donc la vision de l’entreprise des évolutions du transport à l’horizon 2025 et au-delà, ainsi
que les technologies, les modèles économiques et
les partenariats nécessaires pour y parvenir.
Les nouvelles technologies seront l’une des clés pour
s’attaquer aux problèmes de mobilité. Un réseau de
transports plus intelligent et plus connecté optimisera
la consommation d’énergie, améliorera la sécurité,
réduira les embouteillages et contribuera à préserver l’environnement. Il permettra aussi d’envisager la
mobilité individuelle de manière plus efficace.
A chaque ville ses besoins
Chaque épreuve est conçue pour aborder une
question spécifique autour des différents besoins
des villes dans le monde.
• Lisbonne, Portugal :
Les infrastructures de mobilité dépendent de
la taille des villes. Le challenge City Mobility de
71
Lisbonne invite les développeurs à optimiser
mode de déplacement et contribuent à lutter contre
les livraisons de marchandises et de services
les embouteillages, afin d’améliorer la qualité de vie.
en tenant compte des contraintes de dévelop-
Moins d’automobile mais toujours
des auto-mobiles…
pement durable pour des villes de moins de
600 000 habitants.
Symbole parmi d’autres des révolutions en cours,
• Bombay, Inde :
le marché de l’automobile en Europe ne cesse de
Avec une mousson de plusieurs mois qui peut
baisser. Les ventes chutent de 8 à 10% par an
paralyser totalement les infrastructures de trans-
depuis quelques années alors que, dans le monde,
ports en raison des crues, des routes coupées
les immatriculations ont augmenté de près de moi-
et de l’interruption des réseaux ferrés urbains, le
tié depuis 2000. On n’a jamais autant vendu de
challenge Monsoon App Downpour se concentre
voitures en Chine ou au Brésil. Dans ces deux pays,
sur l’exploitation des données des véhicules et
pour l’instant, les « Nouvelles Mobilités » passent par
des informations locales pour faciliter la mobilité
l’automobile. Ce qui n’est plus le cas en Europe et
en cas de fortes intempéries.
particulièrement en France, même si, chez nous, le
marché des voitures particulières a augmenté de
• Los Angeles, Etats-Unis :
Le challenge Parking Lots 2.0 préfigure l’avenir
1,9% sur les 7 premiers mois de 2014 par rapport
du stationnement à travers une refonte et une
à 2013.
réorientation des surfaces de parking extérieure.
L’objectif est d’accroître la variété de leurs utilisations et valoriser leur esthétique tout en préservant leur fonction.
• Delhi, Inde :
Le challenge SUMURR Golden Hour propose aux
développeurs de créer des applications capables
d’exploiter les informations qui réduisent le temps
d’intervention médicale et fournissent plus d’éléments aux équipes de secours afin d’améliorer la
prise en charge pendant l’heure critique qui suit un
accident (l’heure d’or ou « golden hour »).
• Shanghai, Chine :
Alors que la population s’accroît et que l’urbanisation progresse, il devient crucial de rendre la circulation plus fluide. Adapté à l’une des villes chinoises
les plus grandes et les plus denses, le challenge
Urban Commuter appelle les développeurs à créer
des applications qui aident à choisir le meilleur
72
Constat de Frédéric Denhez
« Tout semble malgré tout aller dans le même sens, indiquer une tendance de fond. Comme le dit si bien le rapport 2013 de l’observatoire
Cetelem, « L’Europe automobile est arrivée à son apogée, et c’est le
renouvellement qui est à l’origine de la majorité des achats. Comment
expliquer que le niveau de saturation soit atteint ? Démographie atone,
coûts énergétiques et contraintes économiques, réglementation environnementale, saturation urbaine et concurrence accrue de modes de
transport alternatifs sont autant de facteurs explicatifs de la fin de l’âge
d’or automobile ». Après, ou avant, l’hypothétique peak oil, ce moment
fantasmé où nous aurons atteint le maximum de ce que nous pouvons
tirer de pétrole du sous-sol, le peak travel ? C’est un fait : dans les pays
industrialisés, la circulation de l’automobile est parvenue à un plafond et
l’image de l’automobile s’est dégradée. Lorsqu’un totem vacille, on peut
bien parler de révolution.
D’autres signes nous avertissent de ce bouleversement. Dans le monde
occidental, l’âge du permis de conduire, du premier achat (d’occasion)
et du premier achat neuf recule année après année. En France, c’est à
51 ans désormais que l’on débourse pour une voiture neuve. Pour les
jeunes, l’auto conserve une image forte, valorisante, surtout si elle est
« verte » et hybride.
La voiture est en train de n’être plus qu’une fonction. Un outil. Pas n’importe quel outil, pas banal, un outil quand même. Qui doit être optimisé
comme n’importe quel outil de travail. Un bon outil, c’est encombrant,
contraignant et coûteux, mais voilà, il faut en avoir un. Dans les zones
diffuses, là où la ville et la campagne perdent leurs identités propres
dans des paysages sans repères, la voiture est la seule à pouvoir assurer
convenablement les déplacements quotidiens. A la campagne, c’est tellement évident. Si la voiture a perdu de son aura, et si sa possession est
aujourd’hui moins importante que son utilisation, elle n’en demeure pas
moins le moyen de transport indispensable pour la majorité des Européens et des Américains des banlieues et des champs. Mais, dépouillée
de son aura, elle n’est plus qu’un moyen de transport. En ville, elle est au
mieux une source de problème. Au pire, elle n’est plus rien. Plus la ville est
dense, plus il y a de gens en bus, en tram, en trottinettes et à pied. Mal
nécessaire, l’auto est plus que jamais le véhicule de l’éparpillé ».
(« La Fin du Tout Voiture » -Ed Actes sud – septembre 2013).
73
En 2030 nous roulerons en automobile. « Pas de
L’accès à bord et le démarrage
voiture, pas de mobilité » affirme Benoît Chatelier,
par smartphone
co-fondateur d’Ubeeqo, d’abord pour des raisons
En lien avec Continental, PSA travaille
géographiques et démographiques.
sur une nouvelle génération de « clé »
automobile via le smartphone. Le mobile uilise
Aujourd’hui, 21% de la population hexagonale ha-
la technologie Bluetooth à basse consomma-
bite en zone périurbaine, 18% en zone rurale. En
tion (BLE) pour télécommander l’ouverture et la
2030, selon le scénario tendanciel, ils seront 56%
fermeture du véhicule à distance. C’est un autre
à vivre loin des villes, en majorité des personnes
standard, le NFC (Near Field Communication) qui
âgées, pour qui la mobilité est toujours un problème.
permet grâce à une liaison « sans contact » de
Statistique INSEE – Voir www.insee.fr.
démarrer. La sécurité est assurée par la carte SIM,
qui recourt à des technologies similaires à celles
Les constructeurs investissent massivement dans
des paiements électroniques.
le véhicule du futur qui sera totalement connecté et
Mise en service : 2019.
souvent autonome. La « VOLT », véhicule électrique
Car Easy Apps
de Chevrolet, embarque à elle seule, en 2014, plus
L’idée est de créer une plateforme logicielle permet-
de logiciels que le futur avion de chasse américain
tant aux applications du smartphone d’exploiter les
F.35…
données du véhicule et de commander des actionneurs. Il en résulte ainsi un écosystème, faisant le
VOITURE CONNECTÉE = SÉCURITÉ ET FLUIDITÉ
lien entre les innovations provenant du monde de
C’est l’allemand Daimler qui anime le projet « Drive
l’électronique et des télécoms et les impératifs liés
C2X », soutenu par l’Union Européenne, avec pas
à la conduite automobile. Les applications peuvent
moins de 46 partenaires. On parle là de la vraie
être issues d’un tiers ou du Groupe de manière
voiture connectée, par opposition aux systèmes qui
contrôlée et sécurisée afin de se prémunir des
se contentent d’intégrer au tableau de bord ce que
risques de hacking et de violation de la vie privée.
l’on a déjà sur son smartphone.
Il réunit PSA Peugeot Citroën, Continental, Altia,
Imatia, le CTAG et Gradiant.
Les tests réalisés par 200 véhicules sur 1,5 million
Premières applications prévues pour 2016.
de kilomètres sont plus qu’encourageants. Ils permettraient, selon les ingénieurs, de réduire sensible-
La voiture connectée à l’Internet des objets
ment le nombre d’accidents. Exemple : diminution
Dialoguer à distance avec sa télévision et son lave-
de 23% du nombre de morts et de 13% du nombre
linge, c’est ce que propose Qeo : une architecture
de blessés grâce à l’affichage permanent de la
logicielle offrant une interconnexion entre terminaux
vitesse limite obtenue par des balises placées à
et applications, quels que soient leurs langages
des points clés…
technologiques. Techniquement, c’est un réseau
Voici, par ailleurs, quelques-uns des projets de PSA
à disposition d’appareils connectés. Qeo offre l’ac-
dont les applications interviendront bien avant 2030 :
cès à cet univers par une clé USB intelligente. Dès
virtuel sur lequel des données protégées sont mises
74
lors, la voiture communique avec le smartphone
mais aussi avec la maison, et tous autres services
connectés de la maison : box internet, multimedia,
domotique...
Antenne intelligente
Elle permet l’accès simultané à différentes sources
(Internet, TNT, radio, Bluetooth) et aux équipements
nomades (tablette, smartphone) des passagers au
travers de l’Interface Homme Machine (IHM) du véhicule. Cette solution s’intègre dans l’optimisation
de l’architecture électrique et électronique, grâce au
décodage du signal radio (démodulation) dès le pied
de l’antenne et à une liaison numérique HD. La diffusion des données se fait sur le système embarqué
par une liaison HD alors que sur les équipements
mobiles elle est assurée par une connexion Wi-Fi.
Ce système de connectivité évolutif sera compatible
avec les standards (connexion sécurisée à la 4G,
réception de la TNT, mises à jour selon les dernières
normes Bluetooth ou Wi-Fi…).
Premières applications prévues pour 2019-2020.
CO2 Cruise Assist
En combinant les informations de la cartographie
du GPS, celles relevées par les capteurs (radar,
caméra) et la reconnaissance des panneaux, on
peut donner des consignes adaptées de vitesse et
contribuer ainsi à une réduction de la consommation de carburant. Les informations obtenues permettent d’adapter la vitesse en fonction de plusieurs
paramètres (levé de pied, zone limitée, véhicule en
amont évoluant à une moindre vitesse, pente propice à un passage en roue libre), en «coupant» le
moteur et en laissant filer le véhicule en roue libre.
Dans un second temps, le passage en roue libre
pourra se faire automatiquement et en toute sécurité, en fonction du mode choisi par le conducteur.
Premières applications prévues pour 2018.
75
La conduite automatisée
Google et Apple s’installent lentement mais sûre-
Sur voies rapides, PSA proposera à la demande, ou
ment sur le tableau de bord des automobiles de
sur la proposition du système, un mode de conduite
2015 avec des perspectives de croissance qui
automatisée. Le conducteur pourra alors lâcher le
s’annoncent rapides. Apple a lancé, il y a quelques
mois, le système Carplay permettant de répliquer
volant et les pédales. Le système réalisera du suivi
l’environnement de l’Iphone sur l’écran de bord.
de file dans la voie en adaptant la vitesse longitu-
Google pour sa part va intégrer Android chez plu-
dinale à la vitesse réglementaire, à l’environnement
sieurs constructeurs comme Hyundai, Audi ou Hon-
(virage, autres véhicules, ....) et ceci jusqu’à l’arrêt.
da… D’ici 2020, le cabinet d’études américain IHS
Il pourra aussi gérer le dépassement et le rabatte-
prévoit plus de 100 millions d’automobiles équipées
ment en cas de dépassement de véhicule lent, ainsi
par Google et 94 millions par Apple…
que le changement de voie pour suivre une trajec-
Microsoft, le challenger, présentait au printemps
toire prédéfinie par la navigation, jusqu’à la surveil-
dernier un système dédié à l’automobile « Windows
lance conducteur afin de veiller que celui-ci est en
in the car » mais sans annoncer de partenariat pour
état de superviser la conduite. L’électronique assure
l’instant.
le fonctionnement en mode automatique du moteur,
de la boîte de vitesse automatique, des freins et de
La voiture connectée conduit à la voiture autonome.
la direction d,icule.
C’est là que les discours divergent, sans parler des
Premières applications prévues pour 2020.
intérêts commerciaux et industriels des uns et des
autres…
City Park Full Automatic
Face à l’offensive de Google dans le véhicule auto-
La fonction City Park existe déjà sur certains mo-
nome, les constructeurs automobiles réagissent.
dèles (Peugeot 208 & Citroën C4 Picasso) en
Leur calendrier n’est pas celui du géant des mo-
contrôlant la direction. Il s’agit simplement d’auto-
teurs de recherche… Qui l’emportera en 2030 ?
matiser le reste et de laisser faire l’électronique qui
C’est l’une des questions clés pour les « Nouvelles
prend en charge en plus le frein, l’accélération et
Mobilités », car les conséquences économiques
le passage des vitesses. Le conducteur est simple-
sont considérables pour celui qui perdra la bataille…
ment là pour superviser les manœuvres et intervenir
Le marché de l’automobile connecté est plus qu’al-
au cas où.
léchant : 25 milliards d’euros en 2015, 95 milliards
Premières applications prévues pour 2017”.
d’euros en 2020.
recensés par Laurent Meillaud
Quant aux nombres de voitures connectées il devrait,
« Voituredufutur.blog »
lui, passer de 36 millions d’unités aujourd’hui à 152
millions en 2020.
« La voiture, nouvelle frontière
de la High-Tech – le Monde 7 janvier 2015.
76
VOITURE AUTONOME =
SUR TOUTES NOS ROUTES EN 2030 ?
57% des français l’affirment : la voiture autonome
sera un jour généralisée au plus grand nombre. Sur
l’échéance, ils sont plus réservés : 5% y croient d’ici
2020, 18% d’ici 2030. Actuellement, près d’un tiers
d’entre eux (36%) se sentirait à l’aise à l’idée d’être
assis à la place du conducteur sans avoir à tenir le
volant.
(Sondage Syntec Numérique - Odoxa - Mai 2015).
D’ici à 10 ans, la voiture pourra se passer de chauffeur. Tous les constructeurs et éditeurs de logiciels
sont d’accord sur le calendrier. Mais pour autant,
le véhicule aura-t-il totalement pris le pouvoir sur la
conduite ?
Mercedes commercialise depuis l’automne 2013
une Classe S qui se déplace seule à 30 km/h.
« Ce n’est plus de la science-fiction, contrairement
à il y a deux ou trois ans », estime Thierry Le Hay, le
responsable pour l’innovation des systèmes embarqués chez PSA. « Le véhicule 100% autonome n’est
pas pour tout de suite, mais les niveaux d’automatisation s’accélèrent. »
Au centre de R & D de BMW à Munich (Allemagne),
Werner Huber, le directeur du projet véhicule autonome, en dresse une typologie : « Le conducteur
a d’abord conduit seul et utilisé l’assistance à la
conduite comme le limitateur de vitesse.
En 2008, l’assistance à la conduite a pris le contrôle
sur le conducteur, avec le régulateur de vitesse.
Nous en sommes à l’automatisation partielle : un X5
ou une i3 se déplacent seuls jusqu’à 40 km/h. » En
attendant la voiture autonome à haute vitesse, puis
le véhicule totalement autonome.
77
DES STANDARDS À DEFINIR
D’ores et déjà, la plupart des constructeurs mondiaux travaillent à la définition de standards de
communication. Une BMW et une Renault pourront échanger sur les conditions de circulation, la
présence d’un danger ou l’accès à un carrefour à
angle mort. « La problématique est la même qu’il y
a plusieurs décennies dans l’aviation civile, quand
il a fallu définir un langage commun aux avions en
vol », juge Josselin Chabert, analyste automobile
chez PwC Autofacts. Les constructeurs automobiles doivent faire du véhicule autonome une
technologie accessible. Pour une automatisation
limitée, c’est-à-dire pour rouler en ligne droite ou
se garer seul, le surcoût n’est que de quelques
centaines d’euros. Dès qu’on évoque un déplacement en courbe ou la possibilité de doubler, le
tarif grimpe proportionnellement à l’automatisation. Chez BMW, on estime qu’il faudra au moins
une décennie avant de croiser des véhicules sans
chauffeur dans la rue… si la législation les y autorise un jour.
« L’une des problématiques clés, c’est la responsabilité », insiste Rémy Cornubert, analyste pour
l’automobile au sein du cabinet Oliver Wyman.
« Incombe-t-elle au conducteur ou au constructeur ? « Jusqu’ici, la mécanique gérait la sécurité.
Demain, ce sera l’électronique. Cela implique des
changements législatifs importants. Mais aussi
une modification des comportements. Selon PwC
Autofacts, si tous les véhicules américains étaient
autonomes, les accidents, la consommation de
carburant et le nombre de voitures sur les routes
seraient divisés par dix ! Les conducteurs adhèrent,
semble-t-il, assez largement à l’automatisation de la
conduite. Encore faut-il la supporter dans les faits.
Quand il lâche le volant, le conducteur n’en est que
plus présent. «La conduite autonome demande au
78
véhicule de dialoguer avec les autres, de détecter
«Un véhicule autonome est d’abord un véhicule
ce qui se passe autour de lui, mais surtout de sa-
connecté qui échange des informations et des
voir ce que fait le conducteur dans l’habitacle, pour
données», décrypte Rémi Cornubert. C’est le
savoir s’il peut reprendre la main», analyse Antoine
cœur de métier de Google, pas celui de Nissan ou
Jouin, le PDG de Continental.
de BMW. Si Google met la main sur les logiciels du
véhicule, c’est pour mieux piloter la relation client.
Les fonctions d’interface homme-machine, comme
«L’automobile se frotte à de nouveaux domaines
le monitoring de l’attention du conducteur, déter-
de compétences que les constructeurs n’ont pas
mineront le degré d’automatisation envisageable.
en interne », analyse Luc Barthélémy, chef de pro-
Entre ces phases de délégation ou de non-déléga-
jet chez Akka Technologies. « L’automatisation re-
tion de la conduite, l’automobiliste devra acquérir
quiert ces connaissances en algorithme. Les lasers
de nouveaux réflexes. «S’il a délégué sa conduite et
de détection ou les systèmes de communication
qu’un 38 tonnes surgit, le conducteur va se deman-
viennent de la robotique, mais pour la localisation,
der si la voiture l’a vu, si elle va réagir», détaille Marc
il faut passer à l’informatique.» Le bureau d’études
Pajon. Il faudrait presque que la voiture anticipe la
a conçu en 2013 Link & Go, un petit véhicule auto-
réaction de l’humain ! Toyota travaille sur des sys-
nome visant à proposer son savoir-faire en électro-
tèmes qui assistent davantage le conducteur. «Mais
nique et en informatique aux constructeurs. Ces
celui-ci doit rester le maître à bord », assure Philippe
derniers ont du mal à l’admettre, mais leur modèle
Boursereau, le responsable de la communication
économique, fondé sur la fabrication et la vente du
pour la France chez Toyota. « La voiture représente
véhicule, pourrait bien disparaître.
la liberté.»
Redonner de la liberté, c’est ce que vise le véhicule
autonome. «40% du temps de conduite se passe
dans les bouchons, à chercher une place de parking », souligne Hadi Zablit, directeur associé au
Boston Consulting Group (BCG) et spécialiste de
l’automobile. « L’auto a été conçue pour gagner du
temps et ce gain de temps a été perdu. Le véhicule autonome peut permettre de le retrouver.»
Une liberté qui intéresse les conducteurs, mais
aussi les spécialistes de l’informatique et de la téléphonie, comme Google qui a donné, en 2010, un
coup d’accélérateur majeur au véhicule autonome.
Avec la Google Car, l’Américain, qui veut imposer le
système Android dans les véhicules, est aux deux
bouts de la chaîne : il fournit au conducteur comme
au véhicule des systèmes d’échange d’informations. L’un joue avec son «device», l’autre conduit.
79
SANS VOLANT, SANS PEDALES, SANS RETRO…
« On peut établir la séquence actuelle : 2018, pre-
Bienvenue dans l’ère du post-véhicule individuel !
miers véhicules sur les routes dans les pays pion-
« Nous sommes au début de l’histoire, mais cette
niers que sont aujourd’hui les Etats-Unis, le Japon
solution est radicalement différente, comme on n’en
et la France. 2020, c’est un début de commerciali-
a pas vu depuis des dizaines d’années», prédit Luc
sation en Europe », a-t-il confié à l’AFP.
Barthélémy. Certains envisagent la disparition… de
Le concept Renault « Next Two » est prêt. Il s’appuie
l’auto ! «Le jour où le véhicule 100% autonome sera
sur une base de Renault Zoé, la citadine électrique
là, ce ne sera plus vraiment une voiture. Elle n’aura
bardée de technologies (caméras, capteurs ultra-
plus de volant, plus de pédales, plus de rétrovi-
son, radars) qui permet d’adopter la conduite auto-
seurs, prévoit Philippe Chain.
nome à partir d’une tablette de 10 pouces.
Les humains ne conduiront pas et n’auront pas la
Hyper connectée, la voiture peut aussi accéder à
même exigence de conduite. Les constructeurs ne
feront plus des voitures, ils feront autre chose, un
la multi-modalité. En cas d’accident devant soi,
autre objet.»
« NextTwo » vous sortira de l’embouteillage en vous
amenant à prendre le train ou d’autres solutions de
(Elle roule toute seule, ou presque ! – Pauline Du-
mobilité.
camp – 16 janvier 2014 – L’Usine Nouvelle N°3360).
En sortant du véhicule, le smartphone prendra le
Ce n’est pas un hasard si, en juillet dernier, Car-
relais. Les tickets auront déjà été payés en e-ticket
los Ghosn rappelait qu’il était primordial pour les
dans le véhicule…
constructeurs de garder leur indépendance dans le
développement d’un logiciel censé rendre les auto-
Les avantages de la voiture connectée et auto-
mobiles 100% autonomes…
nome sont innombrables… Gain de temps, économie de carburant et plus grande sécurité. D’après
Le patron de l’Alliance Renault-Nissan estime dans
une étude menée pour Opel, il suffirait que 0,5%
le même temps que la Google Car n’est pas une
des voitures soient connectées entre elles et à un
concurrence directe pour les constructeurs auto-
serveur central pour réduire considérablement les
mobiles.
embouteillages…
« L’automobile « est un métier » qu’il faut bien
Des capteurs dans les voitures collectent les don-
connaître « pour le faire vivre » (…) Pour entrer dans
l’automobile, il faut être frugal, il faut accepter beau-
nées qu’ils « voient » sur la route et, lorsqu’ils
coup de travail et peu de profits, ce qui n’est pas
passent à proximité de bornes spéciales, les trans-
forcément la direction de ces entreprises qui sont
mettent par leur intermédiaire vers un serveur cen-
habituées à beaucoup d’innovation et de marge »,
tralisé qui obtient ainsi une image claire de ce qui se
dit-il en ironisant sur Google…
passe sur le réseau routier.
Carlos Ghosn confirme par ailleurs la commerciali-
Les voitures non connectées peuvent alors être
sation de la première voiture autonome de Renault
prévenues par message radio ou par SMS et ainsi
pour 2020.
adapter leur vitesse et leur itinéraire.
80
Quant à la sécurité et aux économies de carburant, voici ce qu’en pense Josselin Chabert, analyste automobile chez PwC Autofacts : il considère que le véhicule
autonome va durablement modifier le business modèle
des constructeurs automobiles. Pour le conducteur, on
peut s’attendre, selon lui, à une forte baisse du taux
d’accidents, mais aussi de la consommation de carburant et, même, du nombre de véhicules en circulation.
L’usine Nouvelle
Quel impact aura demain la voiture autonome
sur le secteur automobile ?
Josselin Chabert – L’arrivée sur le marché de véhicules
autonomes aura de l’influence sur trois grands domaines : le système de production des véhicules, la circulation - en particulier le temps de trajet des conducteurs, les flottes de véhicules et la sécurité - et enfin
l’achat de véhicules.
Quels avantages peut-on tirer de l’arrivée
des véhicules sans chauffeur ?
Sur le marché américain, on estime que la généralisation du véhicule autonome fera baisser de 90% le taux
d’accidents, mais aussi la consommation de carburant
et même le nombre de véhicules. De nombreux conducteurs utilisent en effet leurs voitures pour rejoindre le lieu
de travail. Le véhicule autonome pourrait alors choisir l’itinéraire le plus efficace, tout en roulant de manière fluide,
ce qui éviterait les bouchons.
Tout cela sera possible car le véhicule autonome est
une exagération du véhicule connecté. De nombreuses
données pourront être partagées entre véhicules, pour
fluidifier le trafic, mais aussi avec des entités extérieures.
On peut imaginer, par exemple, un système de paiement
au kilomètre pour les assurances. A terme, la notion
même d’achat et de propriété du véhicule changera, ce
qui impactera le modèle économique des constructeurs
automobiles.
81
Les constructeurs travaillent-ils ensemble dans
le développement de ce type de véhicules ?
De nombreux constructeurs s’intéressent au sujet,
de Toyota à Mercedes. Et ils collaborent également.
Depuis 2007, la plupart des groupes automobiles et
les grands équipementiers se sont regroupés dans le
car-to-car communication consortium. Ils réfléchissent
notamment à un langage commun entre véhicules,
une problématique qui se rapproche de celle de la
communication des appareils dans l’aviation civile.
Le véhicule autonome va-t-il changer le rapport à
la voiture ?
La société moderne s’est beaucoup développée autour
de l’automobile. Aujourd’hui, Internet permet d’accéder
à de nombreuses informations sans se déplacer, mais la
mobilité est toujours un impératif de l’être humain, dans
des villes toujours plus importantes : en 2050, 72% des
gens vivront en ville. Nous entrons dans l’après voiture
individuelle. (Propos recueillis par Pauline Ducamp –
« L’Usine Digitale » janvier 2014).
Un cadre légal à la voiture autonome commence
à s’organiser.
L’allemand Daimler travaille sur des voitures pouvant se
conduire seules à des vitesses allant jusqu’à 30 km/h
en 2016 et 60 km/h en 2020…
Thomas Weber, directeur du développement chez
Daimler, estime que : « La conduite autonome ne viendra
pas du jour au lendemain, mais sera réalisée par étapes ».
Un obstacle à surmonter est au niveau légal pour les
voitures autonomes. La législation de l’UE appelle les
conducteurs à être en contrôle de la voiture à tout moment, de sorte que les véhicules d’essai chez Daimler
et BMW ont besoin d’une autorisation spéciale en Allemagne. L’administration américaine vient de définir une
classification des voitures autonomes selon leur degré
d’automatisme. Un premier pas vers un cadre juridique
pour les autoriser à rouler sur la voie publique.
82
« La loi devra s’adapter à la voiture autonome et
Des essais à limiter aux autoroutes
lui donner un cadre juridique. Cette démarche s’an-
La NHTSA a également émis une série de recom-
nonce longue mais les lignes bougent, l’Allemagne
mandations aux Etats souhaitant ouvrir leurs routes
vient d’ailleurs d’autoriser leur circulation à titre ex-
aux expérimentations de cybercar. Ils devront
périmental sur ses autoroutes.
s’assurer que le conducteur comprenne bien comment fonctionne la voiture autonome et que les
Cinq niveaux d’automatisme
procédures de transition entre conduite manuelle
Aux Etats-Unis, certains Etats ont suivi cette même
et automatique soient simples et sans risque. Le
voie et l’administration centrale songe maintenant
conducteur devra aussi être averti si le système au-
à harmoniser leur position, en cherchant, dans un
tomatique est défaillant. L’administration américaine
premier temps, à bien définir ce qu’est une voiture
recommande enfin de limiter les essais à l’autoroute
sans conducteur. La NHTSA, l’agence fédérale
et de mettre en place des processus d’évaluation
américaine chargée de la sécurité routière, vient
des voitures autonomes.
d’établir une classification des voitures autonomes
La question des cyber attaques
suivant cinq degrés d’automatisme.
Parallèlement, la NHTSA mène des recherches
• Niveau 0 : Aucun automatisme. Aucun système
sur différents aspects de cette technologie. Sur le
n’intervient sur le freinage, la direction ou une
plan humain, elle s’intéresse au comportement des
autre fonction de conduite.
conducteurs et notamment à leurs réactions dans
différentes phases de conduite, dont la transition
• Niveau 1 : Certaines fonctions assistent le
entre conduite manuelle et automatique. Elle étudie
conducteur : le freinage d’urgence ou l’ESP par
aussi la fiabilité des automatismes et leur résistance
exemple. Toutes les voitures neuves entrent
aux cyber attaques. »
aujourd’hui dans cette catégorie.
(Benoit Solivellas – CENT – France – juin 2013).
• Niveau 2 : Le véhicule possède au moins deux
assistances à la conduite fonctionnant simultanément. Le régulateur de vitesse adaptatif et le
maintien actif dans la voie par exemple. Plusieurs
véhicules du marché répondent à ces critères.
• Niveau 3 : La voiture est partiellement autonome. Elle peut l’être à certaines occasions,
c’est le cas de la Google Car.
• Niveau 4 : Le véhicule peut fonctionner en
permanence sans l’intervention de son utilisateur.
Le passager ne fait qu’indiquer où il souhaite se
rendre. Il n’existe à ce jour aucun véhicule de ce
type, même parmi les projets les plus avancés.
83
Autant de questions dont les réponses passent,
est autorisé à prendre par ordonnances toute me-
sans doute, par une refonte totale de la législation
sure relevant du domaine de la loi afin de favoriser
des mobilités, qu’il s’agisse du code de la route ou
dans des conditions sécurisées l’expérimentation
du code des assurances…
de la circulation sur la voie publique de véhicules
innovants à délégation de conduite, qu’il s’agisse
« L’Histoire retiendra que c’est l’Etat du Nevada
de voitures particulières, de véhicules de transport
qui, le premier, a autorisé la circulation des voitures
de marchandises ou de véhicules de transport de
autonomes sur sa voie publique, par une loi signée
personnes. » Selon nos confrères d’Autoactu.com,
le 16 juin 2011 et entrée en application le 1er mars
il faudra cependant attendre mi 2016 pour voir dé-
2012. Portée par le géant américain Google, cette
barquer les premières voitures autonomes sur les
loi a permis les premiers tests en grandeur nature
routes françaises.
dans un état au trafic plutôt clairsemé. Depuis, trois
Reste un épineux sujet : une fois ces automobiles
autres états (Floride, Californie et Michigan) ainsi
sur la route, en cas d’accident, qui est responsable ?
que le District de Columbia (la ville de Washington)
Le « conducteur » qui ne conduisait pas ? L’ingé-
ont autorisé à leur tour les « driverless cars ». Enfin,
nieur qui a programmé la ligne de code fautive ?
pas complètement « driverless » : un conducteur
Le constructeur ? L’autre usager de la route ? Voilà
doit être présent afin de reprendre les commandes
qui promet de faire la fortune des avocats en droit
en cas de défaillance du système.
routier ! Pour tenter d’y voir plus clair, l’Allemagne
L’Europe, pour sa part, est un peu à la traîne. Offi-
propose une solution qui pourrait faire consensus :
ciellement, elle reste soumise à la Convention de
rendre les boîtes noires obligatoires sur les
Vienne signée le 8 novembre 1968 et qui régit la
voitures autonomes. Celles-ci sont en effet bar-
circulation automobile sur le sol du Vieux Conti-
dées de capteurs, radars et autres caméras dont
nent. Son article 8.1 est sans ambiguïté :
les données pourraient être stockées afin de déterminer les responsabilités en cas de problème.
Tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de
Une réglementation allant dans ce sens pourrait
véhicules en mouvement doit avoir un conducteur.
être présentée au niveau européen, afin d’harSi ce texte de loi ouvre la possibilité des trains rou-
moniser les règles sur tout le continent… et faire
tiers semi-automatisés, comme Volvo l’a déjà
évoluer la vieillissante Convention de Vienne ! Dès
testé, il exclut donc toute automatisation complète
lors, la voie serait libre pour la commercialisation
de la conduite. Néanmoins, le Royaume-Uni a, le
en série de voitures 100% autonomes. »
premier, autorisé sur son territoire la circulation
(Blog de Vincent Desmonts – MOTORSHIFT – juillet
de voitures autonomes dès la fin 2013.
2014).
La France est également en bonne place : sous
l’impulsion de Carlos Ghosn, qui veut se poser
en champion européen dans le domaine, le
projet de loi sur la Transition Energétique proposé
par Ségolène Royal prévoit que « le gouvernement
84
85
De la voiture autonome
au véhicule aérien…
Si l’on parie sur la voiture autonome en 2030, on
sait déjà qu’elle complètera d’autres moyens de
mobilité empruntant d’autres territoires. Ou quand
l’automobile rejoint l’aéronautique…
Sylvain Allano, PSA : «la mobilité urbaine de
demain se fera sur les routes et dans le ciel»
Pour Sylvain Allano, directeur scientifique et
technologies du futur de PSA, il faudra investir le
ciel pour continuer d’assurer la mobilité dans les
centres urbains. Il nous explique sa vision de la
mobilité du futur, qui se fera entre ciel et terre. Sa
vision de ce qu’il appelle « la mobilité 3D ».
Autoactu.com : Sylvain Allano, en qualité de
directeur scientifique du groupe PSA, vous travaillez sur les technologies du futur avec une
vision à 30 ans. Mais vous devez vous assurer
en parallèle que l’automobile que vous imaginez
s’inscrira dans les besoins de mobilité du futur.
Quelles sont vos réflexions dans ce domaine ?
Sylvain Allano : Si nous nous concentrons sur
ce qu’il se passe aujourd’hui, nous constatons
que l’explosion démographique en zone urbaine
pose déjà un problème de congestion des villes.
La mobilité individuelle assurée par l’automobile
devient de plus en plus difficile. C’est vrai pour nos
grandes villes françaises, c’est encore plus sensible dans les grandes métropoles chinoises. Or,
les différentes études prospectives montrent que
ce phénomène va s’accélérer avec une encore
plus forte concentration de la population en ville.
Face à la saturation des routes, il existe bien la
solution des deux ou trois roues pour conserver
86
sa mobilité individuelle, mais l’automobile reste le
A. A : Comment l’industrie automobile
mode de déplacement majeur. Certains gouver-
s’inscrit-elle dans ce scénario ?
nements nous demandent donc déjà de travailler
S. A : L’enjeu est de savoir si nous pouvons adres-
sur la réduction de notre empreinte au sol. Pour
ser cette question de la mobilité 3D en utilisant des
autant, la mobilité terrestre risque de trouver ses
technologies issues de l’automobile. Aujourd’hui,
limites. Or, si on lève la tête, on peut trouver un
notamment sous la pression réglementaire, les
nouvel espace formidable de mobilité : le ciel.
recherches et développement de notre industrie
Selon moi, la mobilité en ville de demain utilisera
s’orientent vers des technologies permettant de
la complémentarité entre véhicules terrestres et
créer les conditions à l’émergence de la mobilité
engins volants. C’est ce que nous appelons au
3D. Chez PSA, parmi nos priorités dans notre pro-
sein de PSA « la mobilité 3D ».
gramme de recherche, une concerne la réduction
des émissions de CO2, l’autre le véhicule autonome
A. A : Qu’entendez-vous par engins volants ?
et connecté. Or, les développements qui en dé-
S. A : Je parle d’engins qui peuvent voler bas,
coulent ou qui en découleront peuvent être utilisés
à 300 ou 400 mètres d’altitude, qui peuvent pré-
en vue de cette mobilité du futur. Prenons à nou-
senter une faible empreinte environnementale et
veau l’exemple du dirigeable. Pour porter 1 kg, un
qui ne sont pas bruyants. Si nous prenons ces
dirigeable a besoin d’1 m3 de gaz. Or, un dirigeable
trois paramètres, l’une des solutions pourrait être
2 places pèserait au moins 300 kg. Aujourd’hui, le
le dirigeable. Il ne s’agirait pas là d’un mode de
gaz utilisé est l’hélium et, même s’il est recyclable,
transport individuel mais d’un mode de transport
il coûte cher. La question de l’allègement, central
collectif qui présente l’avantage de pouvoir s’ar-
aujourd’hui pour l’automobile, est donc tout aussi
rêter à tout moment, contrairement à un avion. On
essentielle pour les dirigeables. Avec les matériaux
peut très bien imaginer l’utilisation de dirigeables
composites que nous commençons à utiliser dans
pour transporter des gens habitant en banlieue
nos véhicules, nous pourrions créer la charpente
vers l’hyper centre de Paris. Mais il n’y a pas que
du dirigeable. Il pourrait également être propulsé
les engins volants. Utiliser l’espace aérien pour
avec nos moteurs électriques et utiliser nos inter-
décongestionner les routes peut se faire autre-
faces homme-machine. Demain, l’industrie pour-
ment. On pourrait par exemple utiliser davantage
rait donc produire des composants pour les véhi-
les téléphériques et beaucoup d’urbanistes s’y
cules terrestres et ce type d’engins volants.
intéressent. L’installation d’un téléphérique sur le
A. A : Pourquoi ferait-on davantage appel
plateau de Saclay est d’ailleurs envisagée.
à l’industrie automobile qu’à l’industrie
Avec le téléphérique, nous pourrions en plus as-
aéronautique déjà très en avance sur ces
surer une mobilité individuelle en imaginant qu’à
questions d’allègement et de pilotage auto-
la place des cabines actuelles, les gens utilisent
matique ?
des petits véhicules à roues pouvant s’accrocher
et se détacher du câble pour retrouver la route
S. A : Parce qu’il y a convergence de plus en plus
quand ils le souhaitent. Nous sommes là dans un
forte entre ces deux industries. Pendant longtemps
scénario prospectif mais tout à fait réalisable.
il n’y avait pas de passerelles entre elles. L’industrie
87
automobile est devenue rapidement une industrie
A.A : le gouvernement français anticipe-t-il
de masse concentrée sur une logique de produc-
des scenarii similaires au vôtre ?
tion de volumes à faibles coûts, tandis que l’indus-
S.A : Je ne peux pas répondre à sa place. Néan-
trie aéronautique est longtemps restée axée sur la
moins, le renouveau du dirigeable fait partie des
technologie, sans problématique de production à
réflexions du gouvernement puisqu’il fait l’objet
forte cadence. Aujourd’hui ce n’est plus le cas ; il
de l’un des 34 projets pour « La Nouvelle France
y a une forte convergence entre ces deux secteurs
industrielle ». L’idée ici est d’utiliser le dirigeable
qui s’enrichissent de leur savoir-faire respectif.
pour le transport de charges lourdes.
L’aéronautique a besoin du savoir-faire industriel
de l’automobile. L’automobile a besoin du savoir-
A.A : Quand la mobilité 3D deviendra-t-elle
faire technologique de l’aéronautique, notamment
une réalité selon vous ?
pour l’allègement et les interfaces homme-machine (IHM) pour le pilotage automatique. Je suis
S.A : Je pense que le scénario d’une complémen-
convaincu qu’à l’avenir nous aurons des technolo-
tarité entre usage des routes et du ciel pour assurer
gies génériques pour les deux secteurs.
la mobilité dans les villes est réaliste dans un horizon de 20 à 30 ans. Et la période de transition entre
A.A : Comment PSA aborde concrètement
l’organisation de notre mobilité actuelle et de celle
cette question de la mobilité 3D ?
que nous avons évoquée sera rapide.
S.A : Nous n’avons pas de « complexe » ou de
(Propos recueillis par Emilie Binois
tabous dans nos réflexions et nos développements
Autoactu.com – 2014).
possibles. Nous avons déjà dévoilé il y a quelques
années des concepts tels que le BB1 ou le VéLV
(Véhicule électrique Léger de Ville) qui illustraient
notre réponse au problème de congestion des
villes. Nous nous positionnerons donc sur des
solutions de mobilité urbaine qui complèteront les
véhicules traditionnels.
Par ailleurs, avec mes équipes, même si nous travaillons sur des nouvelles technologies dédiées à
nos voitures (avec un horizon 2020-2030, NDLR),
nous le faisons toujours en réfléchissant à l’apport
de nos travaux pour d’autres modes de transport.
Anticiper l’utilisation de matériaux à faible impact
environnemental, ou de matériaux capables de se
substituer aux matières premières stratégiques,
travailler sur des systèmes de carrosserie mobile
ou de nouveaux modes de propulsion, tout cela
peut concerner d’autres modes de transport.
88
Comment modifier en profondeur les usages en
matière de mobilité ? Sans doute par l’agrégation
de différents services comme le proposent déjà certains opérateurs de mobilité.
A terme, l’utilisateur détiendra une clef, intégrée
dans un smartphone, donnant accès à une multitude de modes de transport… Les conséquences
pourraient être radicales pour diminuer les flux de
circulation.
Gabriel Plassat, coordinateur du pôle Systèmes de
Transports et Mobilités à l’ADEME, auteur du blog
« Les Transports du Futur », imagine un scénario
pour 2030-2050 :
« Le taux de remplissage moyen d’un véhicule est
aujourd’hui de 1,2 personne. Nous avons fait le pari
fou de parvenir, en 2050, à un taux de 2 personnes
dans certains flux. Je propose d’en faire un objectif politique, au même titre que celui du véhicule
consommant deux litres aux 100 kilomètres. Nous
n’avons ni le temps ni les moyens économiques
de négliger cette voie. Nous sommes obligés de
développer une filière industrielle de services de
mobilité à haute efficacité énergétique, permettant
de mettre en moyenne deux personnes par voiture.
Cette filière repose sur des pionniers qui conçoivent
de nouveaux services. Désormais, il faut passer à
l’étape suivante : à leur agrégation.
Une moitié des efforts nécessaires pour atteindre
cet objectif porte sur les progrès technologiques,
l’autre moitié sur l’évolution des comportements. Si
nous réussissons à passer de 1,2 à 2 personnes
par véhicule, cela équivaudra à un gain de quarante
ans – vingt ans de progrès technologique, puis vingt
ans pour que les nouveaux objets pénètrent dans
le parc. »
89
UN MONDE SANS VÉHICULE DE FONCTION ?
Pour Benoît Chatelier, co-fondateur d’Ubeeqo, les
DRH cherchent des solutions de « services » pour
Avant d’aborder la question du travail en 2030, évo-
les salariés qui vivent les déplacements comme des
quons la grande problématique de la mobilité en
contraintes. Ils cherchent le réflexe « multimodal »
entreprise. Là aussi on expérimente de nouvelles
mais sont prudents pour des raisons fiscales.
pratiques qui pourraient, dans les 15 ans ou avant,
changer profondément la gestion des flottes auto-
Au lieu de réfléchir sur une voiture, il faudra donc
mobiles. C’est déjà le cas chez Athlon aux Pays-Bas.
réfléchir sur un salarié… Et proposer une grande
qualité de service. C’est dans l’ADN de l’entreprise.
L’entreprise a pour actionnaire la banque néerlandaise Rabobank, la banque verte. « Elle est
Dans ce contexte, quel est l’avenir de la voiture
en avance sur tous les sujets » explique Bruno
de fonction ? « Rémunération détournée » elle est
Leray, Président d’Athlon France. Athlon propose
aujourd’hui aussi avantageuse pour le salarié que
déjà un « budget mobilité » aux cadres du siège
pour l’entreprise… (Spécificité française si l’on
d’Endhoven. Pas encore de plateforme numérique
songe qu’aux Pays-Bas, on ne peut utiliser sa voiture de fonction pour ses déplacements privés… Et
mais une carte de paiement pour gérer les dépla-
les contrôles sont très stricts…). Il faudra donc ima-
cements d’un point A vers un point B. Le trajet est
giner des budgets mobilité aussi avantageux. Un
optimisé et les moyens de déplacement multiples
grand nombre de cadres s’y retrouveront, estime-
(auto, train, vélo, taxi… autopartage en connexion
t-on chez Athlon.
avec Blablacar…).
En attendant, la route est longue et l’attachement à
« Dans quelques années, la voiture en location
la voiture de fonction (pour les cadres dirigeants) est
longue durée sera une « brique de mobilité », pour-
loin de s’estomper. Les batailles internes pour tel ou
suit Bruno Leray. « Ce sera notre métier demain
tel modèle sont toujours aussi rudes… Et dans la
que de proposer des solutions de mobilité… On
plupart des cas on monte en gamme…
gèrera la mobilité de nos clients… ». Aujourd’hui,
nous avons un logiciel qui permet de connaître les
coûts de mobilité dans l’entreprise. Demain, nous
aurons une vision globale qui permettra d’imaginer
une nouvelle organisation de l’entreprise…. Mécaniquement se posera la question de l’organisation
du travail ».
Gérard de Chalonge, directeur commercial d’Athlon France, estime qu’on aura surtout besoin de
flexibilité et de faire évoluer la fiscalité : « Comment
fiscalise-t-on un budget mobilité ? Comment calcule-t-on un avantage en nature ? Pour les nouvelles mobilités on ne le sait pas »…
90
Le véhicule de fonction bientôt dépassé ?
LE MONDE - 08.04.2014 à 09h03
Par Eric Gibory
Pour limiter les coûts de leurs flottes automobiles, et offrir de nouveaux services à leurs
collaborateurs, les entreprises expérimentent
de nouvelles pratiques. Sous sa forme actuelle, peut-être le véhicule de fonction vit-il
ses dernières années. Signe de l’évolution des
usages, les sociétés de location longue durée
préparent de nouveaux modèles économiques
et se réinventent en spécialistes de la mobilité
des entreprises.
Depuis janvier 2013, Athlon propose ainsi
des solutions spécifiques. « En moyenne, un
loueur de longue durée sert 10 à 20 % des
collaborateurs d’une entreprise, ce qui signifie
que 80 à 90 % d’entre eux ont également des
besoins de mobilité qui devraient être intégrés
dans une politique globale », explique Alexander Prinssen, vice-président d’Athlon Mobility
Consultancy.
Pour les professionnels de la gestion des flottes
automobiles, la mobilité dépasse le périmètre
des véhicules et intègre l’autopartage, le covoiturage, les voyages d’affaires, la location courte
durée, les transports en commun, le vélo, la
marche… Les entreprises les plus avancées
cherchent également à limiter les déplacements
de leurs collaborateurs grâce au télétravail ou à
la visioconférence.
TENDANCE DE FOND
Au-delà de la gestion de la flotte automobile,
un responsable coiffe l’ensemble de la mobilité.
Le TCO (coût total d’utilisation d’un véhicule)
s’intègre dans le TCM (coût total de la mobilité),
91
indicateur élargi capable d’embrasser l’ensemble
préconise de favoriser l’usage des véhicules parta-
des lignes budgétaires liées aux déplacements des
gés entre les collaborateurs dans le but de réaliser
collaborateurs.
des économies et de préserver l’environnement.
Cette tendance de fond répond à l’évolution des
L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES PRATIQUES
comportements. Dans une étude réalisée en 2013
Dans une étude d’OpinionWay réalisée pour Brother
par le cabinet de conseil en analyse stratégique et
auprès de 1 010 entreprises de 0 à 49 salariés,
prospective économique Bipe pour le groupe Mobi-
les TPE et les PME estiment que les déplacements
via, 12,1 % des jeunes de 18 à 30 ans se disent
représentent 41 % du temps de travail global de
intéressés par les véhicules en autopartage, contre
leurs collaborateurs. Près de 88 % d’entre elles
4,2 % pour les autres générations. Le covoiturage
dépensent jusqu’à 50 000 euros par an pour la
emporte l’adhésion de 16,5 % d’entre eux, contre
mobilité. Pour optimiser ce budget, 68 % se disent
9,3 % pour le reste de la population.
intéressées par le télétravail et 69 % par les services
de visioconférence. Tous les signaux sont donc au
MOBILITÉ INTELLIGENTE
vert pour l’émergence de nouvelles pratiques.
Pour séduire les nouvelles générations et intéresser les plus anciennes, les équipementiers et
Dans le cadre de cette nouvelle mobilité, l’auto-
constructeurs automobiles misent sur l’innovation.
partage occupe une place privilégiée. Acteur de
Spécialiste de l’information sur le trafic routier, Inrix
poids sur le marché B to B, Carbox a pris le nom
s’est associé à BMW pour proposer un système
d’Ubeeqo pour exporter son modèle à l’étranger.
embarqué multimodal. Disponible sur les BMW i3
Après une hausse de leur chiffre d’affaires de 38 %,
et i8, ce service analyse le trafic, alerte le conduc-
en 2013, ses fondateurs visent 65 % de croissance
teur en cas d’embouteillage et le guide jusqu’à un
cette année.
arrêt de bus ou de métro en fonction des horaires
Dans une étude baptisée « Strategic Assesment
de départ.
of Europe Corporate Carsharing Market » publiée
L’efficacité du système repose sur la fiabilité des
en 2014, le cabinet de conseil en stratégie, Frost &
informations collectées. Pour promouvoir une
Sullivan évalue à 1 900 le nombre de véhicules par-
mobilité intelligente, le ministère des transports a
tagés aujourd’hui dans les entreprises. Ces volumes
annoncé, en février, la création d’un « grand calcu-
devraient passer à 85 000 en 2020. Plus de 38 000
lateur d’itinéraire national multimodal ». Prévue pour
collaborateurs utilisent déjà un service de ce type
2015, cette application sur smartphone permettra
alors qu’ils devraient être 1,3 million à 2,1 millions à
de consulter les horaires et la fréquentation des dif-
l’horizon 2020.
férents modes de transport.
AUTOPARTAGE
Rédigé par le député PS Denis Baupin et la séna-
Autre acteur français, Mobility Tech Green a déve-
trice UMP Fabienne Keller, un rapport parlemen-
loppé une solution technologique pour gérer les
taire, remis début janvier, sur les « nouvelles mobi-
services d’autopartage. Baptisée e-Colibri, cette
lités sereines et durables » rappelle que les flottes
plate-forme compte 10 000 utilisateurs actifs en
représentent 30 % des ventes de véhicules neufs. Il
France, en Belgique et en Suisse et a convaincu
92
des entreprises comme Bouygues Telecom,
Orange et TF1. « En moyenne, e-Colibri permet
de réduire le périmètre de la flotte de 30 % et
de diviser par deux son prix de revient kilométrique », explique Pascal Roux, son président.
Pour accélérer son développement en France
comme à l’international, Mobility Tech Green
vient de lever 300 000 euros de fonds auprès
de Sepamat et Nestadio.
Si le mouvement est enclenché, la vague de
la mobilité multimodale mettra du temps à
s’imposer. « Sur le papier, ces nouvelles solutions intéressent les entreprises », observe
Dirk Pissens, président de la filiale française de
LeasePlan, leader mondial sur le marché de la
location longue durée. « Mais, ajoute-t-il, elles
ont encore du mal à franchir le pas. La mobilité
s’intéresse à la vie privée des collaborateurs et
requiert l’implication des ressources humaines,
des gestionnaires de flottes et des services
achats peu habitués à travailler ensemble.»
(Eric Gibory Journaliste au Monde).
93
En 2015, on voit bien ce qui nous fait passer de l’Automobile à
la Mobilité. L’objet automobile n’a plus rien à voir avec ce que
nous avons connu avant les années 2000.
Le progrès technique des véhicules s’accélère, nos comportements changent, favorisés par le développement des modes
alternatifs à l’automobile. Et l’innovation dans le numérique
ouvre la voie à une toute nouvelle mobilité. C’est d’abord
le progrès technique qui va nous conduire vers cette nouvelle mobilité. Le véhicule électrique va se développer une
fois réglée la grande question de l’autonomie. Le véhicule
thermique, lui, va voir d’ici 2030 sa consommation réduite
de 30 à 40 % et ses émissions de gaz à effet de serre divisées par deux. Quant aux biocarburants de seconde génération, leur coût global de production moyen se rapproche
aujourd’hui de 0,7 euro/litre.Ces trois éléments techniques
vont permettre d’ouvrir une grande séquence de « transition
écologique ». Cette séquence verra « l’objet automobile »
toujours présent mais beaucoup plus propre et plus économe.
Le développement des modes alternatifs à l’automobile va
accompagner cette transition écologique ; voici les sources de
progrès identifiées par l’un des meilleurs spécialistes du secteur, Dominique Auverlot.
Première source de progrès : le développement des
transports collectifs. Le succès des TGV (trains à grande
vitesse), le doublement (depuis 1990) du nombre des passagers/kilomètre utilisant des TER (transports express régionaux), le retour dans les centres-villes des tramways et leur
forte fréquentation nous montrent que les transports collectifs
peuvent jouer un rôle non négligeable, lorsqu’ils présentent
une offre suffisante et de qualité. Les résultats de l’Enquête
globale transport réalisée en Île-de-France en 2010 par le
Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), en partenariat
avec l’État, a ainsi mis en évidence un net recul de la voiture
depuis une dizaine d’années (1,46 déplacement par personne
et par jour en 2010, contre 1,54 en 2001) au profit d’une nette
augmentation de la part des transports collectifs (avec 0,78
déplacement par personne et par jour, contre 0,68 en 2001).
94
L’équation financière que pose un système ferro-
que les niveaux de pollution n’ont pas pour autant
viaire confronté à des besoins immenses (augmen-
diminué dans la capitale britannique. Deux raisons
tation nécessaire des opérations de maintenance
pouvant expliquer ce phénomène sont avancées
et d’exploitation ferroviaires, rénovation du réseau
par les auteurs de cette étude : le périmètre concer-
en Île-de-France, amélioration des nœuds ferro-
né ne représente que quelques pourcents (environ
viaires, poursuite des réalisations de lignes TGV
3,5 %) de la circulation du Grand Londres, qui ne
déjà engagées…) doit cependant être revue afin
fait que contourner le territoire concerné, et les bus
d’améliorer l’efficacité de la dépense, de limiter
et taxis présents dans l’aire concernée seraient très
dans toute la mesure du possible l’endettement
polluants.
et de poursuivre la réalisation de lignes permettant
Autrement dit, une telle mesure appliquée à une trop
de relier les métropoles régionales entre elles(6).
petite échelle ne ferait que renforcer les embouteil-
Les tramways contribuent à l’amélioration de nos
lages autour de la zone théoriquement protégée et
mobilités en même temps qu’ils participent de la
qu’accroître à la fois la pollution et les émissions de
reconquête des centres-villes : leur développe-
gaz à effet de serre.
ment doit être poursuivi, tout en tenant compte de
Faudrait-il appliquer, en Île-de-France, cette mesure
la nécessité de réduire nos dépenses publiques.
à l’ensemble de la ville de Paris ? Ou l’étendre à
Deuxième source de progrès, à un horizon que
l’ensemble de la première couronne (ce qui serait
l’on pourrait fixer autour de 2035 : l’exclusion
nettement plus difficile) ? Les évaluations restent à
des hydrocarbures de la circulation urbaine.
mener. Sa mise en place conduirait de plus à un
Autrement dit, n’autoriser la circulation en centre-ville
nouvel essor de services déjà existants (Vélib’ et
que des seuls véhicules mus par l’électricité : bus,
Autolib’ y trouveraient une nouvelle jeunesse), et/ou
automobiles (purement électriques, ou hybrides mais
au développement de nouveaux services (des vélos
ne fonctionnant qu’à l’électricité durant leur parcours
et des camionnettes électriques proposés en libre-
urbain), vélos et scooters électriques, tramways,
service …).
métros…
De tels changements ne peuvent cependant se
Une telle mesure est inenvisageable à court terme,
concevoir que s’ils sont expliqués et intégrés par cha-
mais elle sera très vraisemblablement inéluctable
cun d’entre nous. Force est cependant de constater
à moyen terme, lorsque notre société aura réelle-
que les messages nationaux ne sont pas toujours
ment intégré la nécessité de lutter contre le chan-
compris, voire même entendus, ce qui amène dans
gement climatique : une canicule, une inondation,
le domaine des transports collectifs à envisager des
une irruption d’air polaire glacial d’une ampleur
démarches individualisées, autrement dit à « prendre
sans pareille, ou leurs répétitions, plusieurs années
le citoyen par la main » pour l’encourager à adopter
de suite, seront-elles nécessaires à cette prise de
de nouvelles pratiques de mobilité. L’exemple de la
conscience ?
ville de Lund avec ses 90 000 habitants(8), en Suède,
Le péage qui a été mis en place à Londres en 2003
est ainsi significatif. Celle-ci poursuit depuis qua-
et dont le prix est élevé, nous livre un enseignement
rante ans le même objectif, aménager sa voirie, ses
majeur : une étude(7) réalisée en 2011 montre en effet
transports et son foncier de façon à rendre acces-
95
sibles toutes les activités et tous les sites de travail
venir au collège sans avoir à se faire déposer en
à pied, en vélo ou grâce à des transports publics
voiture par leurs familles.
performants et attractifs. Dans le but d’encourager
À Londres, l’architecte Lord Norman Foster (célèbre
un changement des comportements, des actions
en France notamment pour sa conception du viaduc
de marketing individualisées y ont été déployées de
de Millau et du Carré d’Art à Nîmes) propose que soit
façon à ce que chacun prenne conscience des pos-
créé un réseau aérien de pistes cyclables, au-dessus
sibilités que lui offraient les transports en commun.
d’anciennes lignes de chemin de fer(10).
Ces actions ont de plus été accompagnées d’une
offre d’abonnements à prix extrêmement réduits aux
Au-delà des progrès techniques et du dévelop-
transports collectifs durant une période limitée : une
pement des modes alternatifs, c’est la révolution
fois prise l’habitude de les utiliser, peu de conduc-
numérique qui va bouleverser totalement le monde
teurs sont revenus à l’utilisation de leur voiture. Le
du transport et de la mobilité. Dans les services,
bilan plus général se passe de commentaires : 30 %
l’autopartage a déjà largement fait ses preuves,
des habitants sont aujourd’hui des cyclistes quoti-
mais c’est en matière d’information en temps réel
diens, deux voyageurs sur dix empruntent les trains
et d’automatisation de la conduite que le numé-
profitant des espaces qui y sont aménagés pour ran-
rique est le plus prometteur.
ger leurs vélos, les lieux de travail sont accessibles
sans voiture, les piétons, même ceux à mobilité réduite, se déplacent en sécurité et les villes voisines
sont reliées à Lund, par train ou par autocar tout au
long de la journée.
Troisième source de progrès : ne pas renoncer
à développer la pratique du vélo en organisant
un meilleur accès aux pôles de proximité. L’organisation urbaine autour de ces pôles bien desservis par des transports collectifs rapides et fréquents
peut être renforcée par des itinéraires cyclables,
que ce soit en centre-ville ou en périurbain : le vélo
peut constituer dès lors une alternative crédible à
la voiture.
Jacou(9), une zone périurbaine de Montpellier, peut
être prise en exemple : le collège Mendès-France y
est facilement accessible à vélo grâce à un réseau
de plus de dix kilomètres de pistes cyclables éclairées et à un parking pour bicyclettes de plusieurs
centaines de places (qui pour une partie sont couvertes). Ce dispositif permet à 50 % des élèves de
96
(6) La réduction des émissions de gaz à effet de serre
ne doit en aucun cas constituer la principale raison
de la construction d’une nouvelle ligne TGV : le coût
de la tonne carbone évitée est en effet très supérieur,
non seulement à sa valeur actuelle mais même à celle
envisagée à l’horizon 2050 dans les travaux sur la valeur
tutélaire du carbone.
(7) The Impact of the Congestion Charging Scheme on
Air Quality in London, Authors: Kelly FRANK, H. Ross
ANDERSON, Ben ARMSTRONG, Richard ATKINSON,
Ben BARRATT, Sean BEEVERS, Dick DERWENT, David
GREEN, Ian MUDWAY and Paul WILKINSON, 2011.
(8) Voir Pour une nouvelle approche des mobilités dans
les territoires périurbains et ruraux, Centre d’analyse
stratégique, note d’analyse n°262, février 2012, Christine
RAYNARD, assistée de François VIELLIARD et d’Olivier
PAUL-DUBOIS-TAINE.
(9) Ibidem.
(10) Voir : Think: act STUDY, « Circuler en ville : pour une
nouvelle mobilité », Roland Berger strategy consultants.
http://www.rolandberger.fr/actualites/Actualites/2014-0327-TAS_Mobilite.html
http://www.theguardian.com/artanddesign/architecturedesign-blog/2014/jan/02/norman-foster-skycycle-elevated-bike-routes-london
97
d) QUELLES VILLES EN 2030 ?
Mais de quelle ville parlons-nous ?
Pour répondre à la double question posée dans ce
Une ville numérique, c’est-à-dire « connectée »,
livre blanc (comment allons-nous travailler et nous
« intelligente » et « durable ».
déplacer à l’horizon 2030 ?), il faut évidemment
évoquer ce que seront les modes de transport en
Dans leur livre consacré à la ville du futur, Christophe
ville et d’une ville à l’autre dans 15 ans.
Barge et Thierry Solère (« La Ville de demain » - Ed.
Cherche Midi – mars 2014) rappellent que, depuis
Là encore, les nouvelles technologies vont nous
maintenant 10 ans dans la plupart des métropoles
aider à repenser totalement nos habitudes et notre
françaises, les grands projets en matière de transport
rapport à l’espace.
collectifs se sont concentrés sur le tramway. Propre
et silencieux, ce mode de transport a de beaux jours
Contrairement aux Pays-Bas, à l’Allemagne ou à
devant lui après avoir commencé une carrière fulgu-
l’Italie, la France bénéficie d’une faible densité de
population (97 habitants au km2 contre 230 en
rante au début du XXème siècle.
Allemagne, 202 en Italie et 403 aux Pays-Bas).
Notons au passage que, dans ses prévisions pour
2030, le Commissariat Général au Développement
Nos villes sont plus petites en superficie et en
Durable considère que, contrairement à la route,
population. L’espace ne manque pas, même si
le train et l’avion seront de plus en plus rapides
l’environnement urbain est totalement déséquilibré
puisque le temps moyen de trajet par voyageur en
entre le futur Grand Paris et le reste du pays.
2030 devrait s’établir ainsi :
Les projections démographiques vont toutes dans
• Routes : + 0,3% par rapport à 2002
le même sens : en 2050, 70% de la population de
la planète habitera en ville et la France ne fera pas
• Train : - 4% par rapport à 2002
exception.
• Avion : - 2,3% par rapport à 2002
98
Pour tous les modes de déplacement envisageables en 2030, un seul dénominateur commun :
les nouvelles technologies de l’information et de la
communication.
Voici un aperçu de quelques concepts pour le transport du futur en ville ou d’une ville à l’autre. Il a été
établi au printemps 2014 par Céline Deluzarche
dans le Journal du Net :
12 concepts pour le transport du futur
Skytran : un tramway aérien bientôt sur rail
Dans les villes saturées de routes et d’immeubles,
pas facile de construire de nouvelles lignes de tramway ou des couloirs de bus. La solution ? Un monorail suspendu, tel celui de SkyTran. Cette société a
développé en collaboration avec la NASA ce tramway aérien en «capsules», utilisant la technologie
par suspension magnétique pour se déplacer le
long d’un rail. Un système très économe en énergie,
silencieux et rapide (100 km/h de vitesse maximale).
Il est surtout entièrement modulable : les passagers
réservent leur nacelle avec un smartphone et choisissent leur destination une fois à bord.
La première ville à être équipée de ce transport
révolutionnaire sera Tel-Aviv, en Israël. Coût
estimé : 15 millions de dollars par kilomètre, 10 fois
moins qu’une ligne de tramway classique. Les travaux devraient débuter en 2014.
99
Mercedes et Toyota : la voiture autonome
Hyperloop : le train sous vide
Le charismatique patron de Tesla, Elon Musk, a fait
Demain, vous pourrez voyager à bord de votre voi-
sensation en août 2013 en dévoilant son projet de
ture comme dans un train, sans toucher le volant
train en tube, l’Hyperloop. Son projet consiste à faire
ou presque. Tout cela grâce à la conduite automati-
voyager des capsules hermétiques de 28 passagers
sée, sur laquelle planchent plusieurs constructeurs
dans un tube à basse pressurisation, ce qui per-
et équipementiers. En août 2013, un prototype
mettrait de réduire les frottements de l’air et
dérivé de la Mercedes Classe S et bardé de
d’atteindre une vitesse de pointe de 1 223 km/h.
capteurs a parcouru 100 kilomètres de façon
Le train serait autoalimenté en énergie, grâce à des
autonome. La marque collabore aussi avec Nokia
panneaux solaires au-dessus du tube.
pour guider les véhicules grâce à des cartes ultra
précises.
Une idée particulièrement audacieuse et dont le prix
estimé (6 milliards de dollars pour la version pas-
Toyota teste également un véhicule intelligent qui
sagers) semble optimiste. Elon Musk n’est pas le
détecte les obstacles et les signaux routiers. Les
premier à avoir eu l’idée d’un tel transport. Dans les
avantages sont considérables : risque d’accident
années 1960, un ingénieur de Lokheed Martin avait
quasi nul, réduction substantielle de la consomma-
déjà monté une société pour un train en tube sous-
tion d’essence et fin des embouteillages. Selon une
terrain à San Francisco. Une société suisse, Swiss-
étude américaine, si toutes les voitures communi-
metro, avait elle aussi lancé l’idée avant de mettre la
quaient entre elles, la capacité des autoroutes serait
clé sous la porte en 2009.
accrue de 43%.
100
Terrafugia : la voiture volante
La voiture volante a déjà pris la voie des airs ! La
société américaine Terrafugia a mis au point un prototype, le TF-X, censé «révolutionner le transport
personnel». Le véhicule de 4 places s’apparente à
un croisement entre une voiture et un petit avion.
Selon ses concepteurs, il est capable d’éviter luimême les obstacles ou les turbulences météo et
l’apprentissage de son pilotage nécessite à peine
quelques heures pour un conducteur néophyte.
Son autonomie atteindra les 800 kilomètres grâce à
une propulsion hybride essence/électrique.
Le lancement commercial est prévu pour dans
une douzaine d’années et le prix sera celui
« d’une voiture très haut de gamme ». De son
côté, le Néerlandais Pal-V vise lui carrément 2014
pour commercialiser son engin, le Pal-V One.
101
Et si nous ne conduisions jamais
rapidité du transport aérien à la simplicité du trans-
de voitures volantes ...
port routier. Au terme de l’étude, le modèle retenu
… mais plutôt de petits avions ?
est celui d’avions automatiques décollant en continu d’aérodromes locaux, avec à leur bord entre 4
Dans un rapport intitulé “Le monde en 2025”, les
et 8 personnes à la fois. Cela mettrait alors chaque
analystes du groupe Thomson Reuters ont com-
Européen à moins de quatre heures porte à porte
pilé les découvertes présentées dans la littérature
de n’importe quel point du continent.
scientifique mondiale et les dépôts récents de brevets pour établir une liste de dix avancées technologiques susceptibles d’affecter radicalement nos
sociétés d’ici 2025. Parmi elles figure en sixième
position le “décollage” de l’aviation électrique.
En 2025, l’aviation électrique “décolle”
L’institut prévoit que l’amélioration de l’efficacité et
des capacités de stockage des batteries, combinée
à l’invention de matériaux à la fois légers et résistants,
devrait entraîner le développement d’un nouveau
type d’aviation de masse.
Au lieu de se concentrer sur le transport de plusieurs
centaines de passagers sur de longues distances,
cette aviation électrique pourrait inaugurer une ère
de transport aérien individuel : de petits appareils
transportant moins d’une dizaine de passagers sur
de courtes distances.
La commission européenne voit dans l’aviation
électrique l’avenir du transport individuel
C’est également le pari du consortium européen
Personal Plane Project. Les travaux de recherche
et développement de la commission européenne
aux transports sont en effet arrivés à la conclusion
que l’aviation électrique individuelle pourrait être la
solution idéale pour l’avenir de la mobilité à l’échelle
de l’Union.
Propre, silencieux, sûr, économique, un avion électrique dans la veine de l’e-fan d’Airbus allierait la
102
Toyota iRoad : mi-voiture, mi-moto
A la recherche du véhicule urbain idéal, Toyota a
imaginé un concept mi-voiture mi-moto, l’i-Road.
Dévoilé au salon de Genève en 2013, il ne mesure
que 85 centimètres de large, ce qui permet
d’en garer « quatre exemplaires sur une seule
place de parking » selon la marque. Entièrement
électrique, l’i-Road affiche une autonomie de 50
kilomètres et se recharge sur une simple prise de
courant domestique en trois heures seulement. Fin
2014, 70 de ces drôles de véhicules seront proposés en autopartage à Grenoble.
Le constructeur américain General Motors avait lui
aussi présenté en 2010 l’EN-V, une voiture biplace en
forme d’œuf. Un concept que la firme destine d’abord
au marché chinois, où la circulation est saturée.
Kamaz : le camion qui s’agrandit
Le camion représente 88,3% du transport terrestre
de marchandises en 2011 en France, selon l’Insee.
Et d’après une étude du gouvernement, le trafic
poids lourd devrait croître de 33% sur les routes
françaises d’ici 2030. D’où l’urgence de se pencher
sur le camion du futur.
Ce dernier est peut-être préfiguré par le concept
« Kamaz Flex Futurum », des designers russes Elena
Petrova et Konstantin Fedorov. Ce camion-accordéon est capable de s’étirer de 7,5 mètres à
20 mètres pour s’adapter au volume de marchandises transportées. Il est 100% écologique
car fonctionnant à l’hydrogène, et bénéficie d’une
conduite automatisée : le chauffeur n’a qu’à superviser le trajet comme un pilote d’avion.
103
Shweeb : le vélo suspendu
Aeros : le dirigeable à tout faire
C’est en circulant à vélo dans une ville de Tokyo
Depuis l’incendie du zeppelin Hindenburg en 1937,
saturée par les embouteillages et la pollution que
on croyait le ballon dirigeable passé aux ou-
Geoff Barnett, l’inventeur du «Shweeb», a eu l’idée
bliettes. Ce dernier fait pourtant partie des 34
de son nouveau mode de transport. Il consiste à
priorités industrielles présentées par le ministre
pédaler pour faire avancer des capsules transpa-
du Redressement productif en septembre 2013.
rentes suspendues le long d’un rail. Et si vous êtes
Le pôle Pégase, chargé de développer cette filière,
fatigué, une assistance électrique est possible,
explique que le dirigeable est « un moyen de trans-
assure Geoff Barnett, qui envisage de déployer
port économique et écologique, idéal pour les zones
ses vélos suspendus le long des rues, à l’intérieur
difficiles d’accès ».
de campus, ou pour traverser des obstacles tels
Aeros Corp, une société américaine pionnière dans
des ravins ou des forêts par exemple. D’après ses
ce domaine, a déjà développé plusieurs modèles.
calculs, 1 200 personnes par heure pourraient
Elle a annoncé récemment le lancement de la
embarquer à partir d’une station.
production de 24 dirigeables pour le transport de
L’engin est déjà en test dans un parc d’attraction en
fret, avec des capacités de 66 ou 250 tonnes. La
Nouvelle-Zélande. Seul hic : impossible de doubler.
compagnie vise également le marché militaire ou
Le projet a été récompensé par Google en 2010, qui
celui du tourisme, avec de véritables « croisières
lui a attribué un million de dollars pour se développer
aériennes ».
en milieu urbain.
104
N3-X : l’avion presque sans carburant
Clip-Air : un avion modulable
Malgré les efforts des avionneurs pour réduire la
Apporter la flexibilité du rail au transport aérien : voici
consommation de leurs appareils, le carburant repré-
l’idée maîtresse de Clip-Air, un avion modulable
sente toujours un quart des coûts des compagnies
futuriste dont la maquette a été présentée au der-
aériennes. Et la facture ne devrait faire qu’augmenter.
nier salon du Bourget en juin 2013. Développé par
Face à ce défi, les projets d’avions super économes
l’EPFL, l’école polytechnique fédérale de Lausanne,
voient le jour. Le N3-X, imaginé par les ingénieurs
cet appareil est composé d’une aile volante
de la Nasa, est une sorte d’aile volante propul-
sous laquelle on peut accrocher de une à trois
sée en partie par des turbines incorporées au
capsules selon les besoins. Un tel dispositif per-
fuselage. Alimentées par des moteurs électriques
mettrait à la fois d’améliorer le taux de remplissage
à supraconductivité, elles produisent une poussée
et de réaliser des gains significatifs sur le carburant.
vers l’arrière et réduisent la friction de l’air. Une confi-
« Un avion Clip-Air peut transporter autant de pas-
guration qui réduit aussi drastiquement le bruit.
sagers que trois A320 avec deux fois moins de
moteurs », assurent les concepteurs du projet.
Conçu pour 300 passagers, le N3-X permettrait
de réduire la consommation de kérosène de 70%.
Encore mieux : les capsules seront compatibles
De son côté, Airbus espère produire un avion tout
avec le train, ce qui assurerait une continuité totale
électrique de 100 places d’ici 2030, l’E-fan.
entre les différents modes de transport. Des simulations aérodynamiques sont en cours pour valider
le concept.
105
Dernier exemple, loin des villes
mais toujours dans la mobilité durable :
le VINDSKIP peut, à très long
terme (et à l’échelle réduite),
s’appliquer sans doute
à la navigation fluviale…
Vindskip : un navire écologique
Utiliser la coque du bateau comme voile : c’est le
principe simplifié du Vindskip, un navire développé
par la compagnie norvégienne Lade AS. La vitesse
souhaitée est atteinte à partir d’un système de propulsion par GNL (gas liquéfié), puis c’est le vent qui
prend le relais. Le Vindskip permettrait une réduction de 60% de la consommation de carburant.
La compagnie recherche encore des investisseurs pour boucler le financement.
Les émissions de gaz à effet de serre dues au
transport maritime pourraient être multipliées par
deux ou trois d’ici 2050 si rien n’est fait, prévient
l’organisation maritime internationale. Du coup les
projets de cargos écolos fleurissent, comme l’Ecoliner, un porte-conteneur à voiles, le Skysails, tiré par
un cerf-volant géant, ou encore l’eFuture 13000C,
recouvert de panneaux solaires.
106
Tous ces prototypes ne verront peut-être pas
C’est un enjeu d’attractivité de l’Île-de-France et
le jour dès 2030 mais ils montrent les capacités
de la France, car le développement équilibré de la
d’innovation des ingénieurs qui travaillent sur les
région capitale est un sujet d’intérêt national.
déplacements du futur.
C’est un enjeu d’emploi, avec environ 15 000 à
Il faut également souligner que tous ces projets ont
20 000 emplois directs créés chaque année par
un point commun : une énergie nouvelle et propre
les travaux, puis plus encore, une fois les projets
accompagnée d’une capacité d’autonomie jamais
mis en service, grâce à une meilleure efficacité du
vue jusqu’ici.
système métropolitain qui bénéficiera à toutes les
entreprises.
Impossible d’évoquer la mobilité en 2030 sans parler
du Grand Paris et des gares intelligentes qui seront
Dans ce cadre, le gouvernement et les collectivi-
au cœur des nouveaux services numériques. C’est la
tés territoriales portent ensemble la réalisation d’un
fluidité qui est au centre du projet. Fluidité du trans-
ambitieux projet de modernisation et de développe-
port bien sûr mais aussi fluidité de l’information et de
ment des transports en Île-de-France, qui articule
l’interactivité entre voyageurs.
de manière cohérente les besoins de modernisation
et d’extension du réseau existant, et la réalisation
« 8,5 millions de voyageurs empruntent quo-
de nouvelles lignes de métro automatique : c’est le
tidiennement les transports en commun en
« Nouveau Grand Paris des Transports » présenté
Île-de-France. Alors qu’elles accueillent sur
par le Gouvernement, le 6 mars 2013.
10 % du réseau près de 40 % du trafic national,
les infrastructures ferroviaires d’Île-de-France
ont besoin d’être modernisées et développées
pour faire face à l’augmentation importante du
trafic (+ 21 % en dix ans).
C’est un enjeu de qualité de vie en Île-de-France,
pour que les conditions d’exploitation du réseau
soient plus fiables, plus confortables, et apportent
une meilleure qualité de service aux usagers. À
moyen terme, 90 % des Franciliens habiteront à
moins de 2 km d’une gare. Et le temps de transport
quotidien, qui n’a cessé d’augmenter pour atteindre
24 minutes en moyenne, contre dix minutes il y a 60
ans, redeviendra un temps raisonnable.
C’est un enjeu de solidarité au sein de la région, par
le désenclavement des territoires les plus défavorisés
de l’Île-de-France, qui ont besoin d’un accès facilité
aux zones d’emploi.
107
Un projet, deux volets
Le premier volet porte sur la modernisation et
l’extension du réseau existant, selon le plan de
mobilisation de plus de 12 milliards d’euros convenu entre la région Ile-de-France, l’Etat, les départements et le STIF (dont 7 milliards à engager d’ici
2017). Cela comprend notamment le prolongement du RER E à l’ouest, des prolongements de
ligne de métro, la création de bus à haut niveau de
service et de tramways, la modernisation des RER
et l’amélioration des lignes de Transilien.
Le second volet repose sur la création de nouvelles lignes de métro automatique, le Grand Paris
Express. Le 6 mars 2013, le gouvernement a réaffirmé la réalisation intégrale du Grand Paris Express
en demandant que soient étudiées des optimisations permettant d’en réduire le coût. L’objectif
des optimisations est de sécuriser le financement
du projet, et donc sa réalisation, en réduisant son
coût global de l’ordre de 3 milliards d’euros (CE
• Piste 1 : les câbles optiques
2012) pour respecter un coût d’objectif arrêté à
22,625 milliards d’euros.
• Piste 2 : les Datacenters
Les travaux débuteront en 2015, et de 2020 à
• Piste 3 : l’infrastructure mobile cellulaire
2030, toutes les lignes seront mises progressive-
• Piste 4 : le réseau très haut débit sans fil
ment en service, sans interruption ni phasage. Rap-
• Piste 5 : le réseau de géolocalisation
pelons que l’ampleur du projet est sans précédent :
200 km de métro, 72 nouvelles gares et 15 000 à
• Piste 6 : les données voyageurs
20 000 emplois directs chaque année. A moyen
• Piste 7 : les espaces de travail partagés
terme, 90 % des Franciliens habiteront à moins de
2 km d’une gare ».
• Piste 8 : les living labs
2 millions de voyageurs emprunteront chaque
• Piste 9 : les matériaux, objets et équipements
jour ce nouveau réseau. Pas de Grand Paris sans
intelligents et connectés
dimension numérique ; neuf pistes de réflexion et
d’action ont été présentées avec un « appel à mani-
Il s’agit, à terme, de mettre en place une véritable
festation d’intérêt » pour les entreprises des sec-
« autoroute digitale » sur les 205 km de lignes et
teurs concernés :
dans les 72 nouvelles gares prévues pour 2030.
108
Le nouveau Grand Paris
Horizon 2030 - objectif de mise en service
109
La société du Grand Paris travaille sur la ville de demain,
« durable, inventive et solidaire ». Elle a 2030 pour horizon et
l’on voit que ses projets (à tort ou à raison) portent sur une
mégapole dont l’architecture générale est la même qu’aujourd’hui en termes de transports.
« Comment penser l’aménagement d’un territoire de 12 millions d’habitants et qui représente près du tiers du produit
intérieur brut français ? C’est le défi que pose le Grand
Paris, un projet urbain, social et économique. Concrètement, l’idée repose sur la rénovation du réseau de transport
public existant et le développement de nouvelles lignes de
métro pour la région Ile-de-France. Sur ce tracé de transport, vont pouvoir émerger de véritables projets urbains, de
nouveaux quartiers accueillant des fonctionnalités multiples,
logements et activités économiques, pôles universitaires et
équipements culturels, en particulier autour des lieux stratégiques et structurants que sont les gares.
Il s’agit tout à la fois de faire émerger des pôles d’activités et
d’imaginer un rééquilibre du territoire francilien en faveur des
quartiers isolés et enclavés. Le Grand Paris, c’est une certaine
idée de la solidarité, c’est l’image de l’égalité des territoires. Il faut
redessiner la région dans la logique d’un meilleur équilibre entre
les territoires, entre l’est et l’ouest, entre Paris et la banlieue. »
(Dossier de Presse – Société du Grand Paris).
« Ce schéma est loin des « autres futurs » souhaités par Bruno Marzloff qui propose, à travers son idée de « remobilité »,
de « chercher des solutions ailleurs que dans le transport ».
« C’est, dit-il, un exercice dans lequel les usagers s’avèrent
plus créatifs que la puissance publique et les opérateurs »…
(Sans Bureau fixe » - Bruno Marzloff – Ed. FYP – octobre
2013).
On connaît donc les véhicules et les modes de déplacement
du futur mais tous ces outils du transport ne seront efficaces
que si les nouvelles technologies permettent d’optimiser
vraiment les décisions de déplacement.
110
C’est l’information « en temps réel » qui deviendra la
le transport, un grand nombre de collectivités voient
règle. Etat du trafic, places disponibles : les réseaux
dans le déploiement de ces systèmes billettiques un
comme Twitter rendent déjà de grands services aux
levier pour rationaliser l’offre de transport, simplifier la
voyageurs. Sur fond de données ouvertes, l’usager
tarification et mettre en place des formules d’abon-
fournit et fournira lui-même de plus en plus d’informa-
nement combiné (bus + vélo en libre-service, par
tions mais, en 2030, ce sont les capteurs intelligents
exemple). Le déploiement de ces offres nécessite
qui rendront sans doute les plus grands services.
la coopération des divers opérateurs de transports
publics et, parfois, celle d’acteurs privés, comme des
« Qui dit ville intelligente dit capteurs ; leur but est de
sociétés de parking ou des gestionnaires de parc-
créer un réseau réparti de noyaux de capteurs intel-
mètres. La technologie NFC est aussi utilisée pour
ligents qui peuvent mesurer plusieurs paramètres
passer les péages, pour accéder aux véhicules des
intéressants pour une meilleure gestion de la ville.
services d’autopartage ou pour payer son stationne-
Toutes les données sont transmises en temps réel
ment. La ville de Strasbourg a également commencé
aux citoyens ou aux autorités concernés. Rappe-
à équiper tous les horodateurs de la ville d’antennes
lons-le : la ville numérique, « intelligente », nécessite
sans contact (NFC).
la mise en place de réseaux de capteurs, de rendre
le mobilier urbain « communicant », de favoriser la
IBM et le California Center for Innovative Transpor-
mobilité avec les applications sans contact ou encore
tation ont, de leur côté, mis au point un système de
de libérer les données publiques pour en faciliter la
prévision personnalisée permettant à l’usager de
réutilisation.
voir à quoi ressemble le trafic avant même de quitter son domicile et ainsi déterminer le meilleur par-
Qu’en est-il en matière de mobilité ? Prenons
cours. Le dispositif s’appuie sur les données GPS
l’exemple de la communication en champ proche
des Smartphones et sur les capteurs placés le long
(NFC, de l’anglais Near Field Communication).
des chaussées, mais le cœur du système est un outil
En 2011, 50 millions de tablettes et téléphones
d’apprentissage et d’analyse prédictive. Dans la baie
mobiles étaient équipés de ladite puce, chiffres
de San Francisco, où elle est testée, cette application
que l’on estime à 300 millions fin 2013. A l’heure
de prédire de manière personnalisée quand et où un
actuelle, les usages courants sont encore limités
utilisateur peut le mieux affronter les embouteillages,
– et majoritairement réduits au stade d’expérimen-
puis pendant son déplacement, elle l’alerte par cour-
tations variées -, mais il s’agit d’un protocole à fort
riel ou SMS, lorsqu’il est encore temps de choisir un
potentiel. Ces technologies « sans contact » per-
itinéraire alternatif plus rapide. IBM envisage d’inté-
mettent de charger son titre de transport, puis de
grer dans son application des informations « multi-
le valider ou de le contrôler en ayant juste à passer
modales » qui permettront aux usagers de décider,
son téléphone à proximité d’un équipement de lec-
par exemple, s’il est plus intéressant pour eux de
ture. Des opérateurs de transport ont déjà entrepris
prendre un bus ou un train plutôt que de tenter d’ef-
de remplacer leurs traditionnels tickets par des titres
fectuer le trajet par la route. L’application mobile issue
de transport mobiles utilisant les technologies NFC.
du projet de recherche « Mobile Millenium » combine
Après Marseille, Nice, Grenoble, Aubagne, pion-
les données GPS des Smartphones et des capteurs
nières dans l’application des technologies NFC dans
de trafic traditionnels.
111
Revenons sur le territoire hexagonal. La ville de Nice
Athlon est sans doute l’un des acteurs les plus
mise sur le stationnement intelligent grâce au dispo-
volontaristes de son marché sur les questions de
sitif Nice Park. L’objectif : réduire le temps consacré
mobilité. L’entreprise s’est installée au Bourget il y
à la recherche d’une place et connaître en temps réel
a quelques mois.
les places disponibles sur la voirie - une démarche
« Au Bourget, il y a des salles de réunion et des box
censée limiter les émissions de CO2 ainsi que les
connectés », explique Bruno Leray, Président d’Ath-
nuisances liées au temps accru passé en voiture à
lon France, « ce qui crée des relations totalement
rechercher un lieu de stationnement. Les moyens :
différentes avec le management ».
1000 capteurs reliés à près de 70 horodateurs nouvelle génération, un kiosque multiservice permettant
Athlon expérimente par ailleurs le télétravail pour
une gestion globale des services publics sur la voirie,
toutes ses activités à l’exception, pour l’instant, de
et un ensemble d’e-services permettant de mieux
la production.
informer les usagers et agents des services municipaux (ceux-ci étant orientés vers une place de sta-
« Dans 15 ans, tout aura changé », ajoute Bruno
tionnement libre grâce à leur téléphone portable ou
Leray. L’évaluation du potentiel et de la performance
leur GPS). Le stationnement intelligent permet en
de chacun va considérablement évoluer. C’est déjà
outre de faciliter les modalités de paiement et d’ob-
le cas de la relation à la hiérarchie.
tenir des informations sur les actualités de la ville, le
Ce qui n’empêchera pas de s’interroger sur la capa-
tourisme et le réseau de transport en commun.
cité à mobiliser les équipes si une majorité d’entre
elles pratique le télétravail.
La généralisation des capteurs a donc un triple
objectif :
Demain, Athlon ne sera plus un loueur comme il
• engendrer des gains de temps considérables
l’est aujourd’hui mais un opérateur qui vendra des
en favorisant l’information en temps réel ;
« solutions de mobilité » aux entreprises et très pro-
• limiter les nuisances environnementales
bablement, aux particuliers.
en réduisant le temps passé en voitures ;
« En 2030 », précise Gérard de Chalonge, directeur
• rationaliser l’offre de service en privilégiant
commercial d’Athlon, « on gèrera tous les déplace-
sa simplification (paiement du stationnement
ments quels qu’ils soient. Et c’est par l’allègement
par une technologie sans contact, par
de la fiscalité sur l’ensemble des budgets de mo-
exemple).
bilité qu’on installera une nouvelle organisation du
travail ».
La collectivité en sort gagnante - l’usager aussi,
qui bénéficie de nouveaux services ». ( La Ville de
Athlon se propose d’apporter des réponses
Demain - Christophe BARGE et Thierry SOLERE -
concrètes à ces enjeux et travaille à développer de
Ed. Cherche Midi – Mars 2014).
nouveaux concepts novateurs visant à optimiser
En attendant l’omniprésence des capteurs, voici
la mobilité de l’ensemble des salariés d’une entre-
comment une grande entreprise comme Athlon
prise, y compris ceux qui ne bénéficient pas d’un
envisage les 15 années à venir :
véhicule de fonction.
112
Parmi les solutions déjà mises en place :
• Athlon propose à ses clients de centraliser leurs rendez-vous en un seul lieu, facile d’accès, si possible à
proximité de leurs propres clients ou collaborateurs,
afin d’organiser au mieux et de limiter leurs déplacements. Athlon a ainsi mis en place un partenariat avec
les Centres d’Affaires Regus.
• Athlon propose une offre d’autopartage baptisée ACT !
(Applied Change in Thinking), un service qui résout
les problématiques de mobilité courte distance des
entreprises grâce à un parc de véhicules de service
disponibles, économiques, écologiques et susceptibles de faciliter les trajets domicile - travail.
• Athlon et Tesla Motors ont conclu un accord pour
établir un programme de location longue durée en
Europe, dont la France. Ce programme permet aux
entreprises de louer les modèles Tesla existants, le
Tesla Roadster, le Roadster Sport et la berline Tesla
Modèle S.
• Athlon a développé une application compatible sur
iPhone et Android permettant au conducteur d’identifier, en temps réel, les différents prestataires partenaires d’Athlon les plus proches pour effectuer l’entretien de son véhicule mais aussi les stations-service, les
prestataires en pneumatiques, les carrosseries, etc.
L’application iPhone propose également une solution
innovante qui permet de s’initier à l’éco-conduite ou
de suivre ses progrès.
Athlon s’appuie également sur l’expertise d’Athlon Mobility
Consultancy. Filiale d’Athlon International, cette entreprise
offre un service de conseils en mobilité complet et indépendant. Par son intermédiaire, Athlon est en mesure de proposer à ses clients un audit de mobilité s’accompagnant
de recommandations de mobilité globales intégrant trois
grands enjeux liés à la mobilité : la rentabilité, le développement durable et le bien-être au travail.
113
Le 2ème « Atelier de la Mobilité Durable » s’est tenu le
13 mai dernier. Toujours organisé et animé par l’Institut
OpinionWay, il rassemblait six participants d’horizons
divers :
• Patricia Cortijo, manager stratégie et innovations,
cabinet Utopies
• Maryline Passini, fondatrice et dirigeante,
cabinet Proâme
• Jean-Pierre Orfeuil, professeur émérite de l’Université
Pars Est Créteil
• Jérôme Beilin, analyste développement durable
et RSE Institut d’Urbanisme de Paris
• Isabelle Muller, déléguée générale UFIP
• François Damerval, attaché parlementaire
de Corinne Lepage
3
COMMENT
VA-T-ON
TRAVAILLER
DANS 15 ANS ?
Objectifs de l’atelier :
> Imaginer collectivement la vision de la mobilité durable
à l’horizon 2030
> Identifier les solutions qui pourront en découler en
termes d’organisation du travail et de déplacements
Périmètre du projet :
Solutions pouvant être déployées par les entreprises sans
intervention des pouvoirs publics (encadrement juridique,
obligations légales, transports publics,…)
Critères d’élaboration et de sélection des solutions :
> Motivant et ambitieux : va permettre de favoriser
la mobilité durable
> Duplicable : applicables dans différentes tailles
d’entreprises et dans différents contextes urbains
> Probable et réaliste : innovantes mais réalisables
dans l’entreprise
En préambule, voici le constat de ces 6 intervenants sur
la Mobilité Durable aujourd’hui, étant entendu que se
rejoignent là les deux grands thèmes de ce Livre Blanc :
se déplacer et travailler en 2030.
114
Constat 1 :
La Mobilité Durable aujourd’hui
CONSTAT 2 :
LES SERVICES ET LES OUTILS CITÉS
Les axes clés qui ont fait évoluer la question
FAÇONS DE SE DEPLACER
de la mobilité
> Les applications de fluidification de ses trajets
et voyages (transilien, SNCF direct..)
> L’ECONOMIE DE PARTAGE et d’usage
(accès vs possession…) qui a aussi réinventé
> Les billets et cartes dématérialisés :
des notions anciennes de solidarité
Pass Navigo, billet électronique
> La TECHNOLOGIE, tant dans la connexion
> L’économie de partage, autolib, velib, taxis
que les supports ou les logiciels : Internet,
> La vitesse : TGV, Eurostar
devices et applications les 3 moyens
de la « smart-mobilité »
> Covoiturage
> L’interpénétration des espaces et des temps
> Les nouveaux taxis (Uber) : accès et services
privés/professionnels, avec une aspiration :
fournis
concilier efficacité et qualité de vie
> Solutions flexibles/personnalisées de location
Une condition de réussite :
FAÇONS DE TRAVAILLER
L’extrême proximité, la mobilité est d’abord
une question de TERRITOIRE
> Le haut débit et la connexion sans fil
Un point de vigilance :
> Solutions de stockage et de partage :
Limiter la mobilité durable à la seule cible des cadres
cloud, dropbox,…
supérieurs et à la région parisienne la mobilité doit
> Les supports : smartphones & tablettes
être TRANSVERSALE / UNIVERSELLE
115
QUELLE ÉVOLUTION D’ICI 2030 ?
Les signaux faibles de la Mobilité
A. LE CO-WORKING, une tendance lourde
L’augmentation constante des salariés en
horaires décalés ou atypiques (50% aujourd’hui
vs 1/3 il y a 20 ans)
Une réserve / un potentiel encore élevé d’espaces à occuper
Faible occupation du bâti en Europe (bureaux,
parkings, appartements) à la différence de l’Asie
(maillage plus serré entre espaces pro/perso/
publics)
L’approbation par les grandes entreprises de
services colloboratifs issus du privé
• Du coté clients : Ikéa – covoiturage
• Du coté salariés : Blue Car d’Atos
• Réseaux sociaux d’entreprises
• Réseaux inter-entreprises (pour mutualiser
les transports ou les salles de sport)
B. L’ÉMERGENCE D’ÉCOSYSTÈME(S)…
vs les anciennes logiques de silos
L’approbation par les entreprises de services
collaboratifs issus du privé
• Réseaux sociaux d’entreprises
• Réseaux inter-entreprises (pour mutualiser
les transports ou les salles de sport)
Le développement de partenariats tripartites
116
D. LA SIMPLIFICATION via la convergence
entre acteurs publics, entreprises/start-ups et asso-
des supports et des moyens
ciations locales = Un enjeu clé pour intégrer/régler la
problématique de proximité et du territoire
>U
ne carte porteuse de tous les services
Ex. : parkings privés en Belgique réutilisés par des
>B
itcoin et/ou monnaie unique et dématérialisée
entreprises/des acteurs publics
E. OBJETS CONNECTÉS : opportunités
La prise en compte dans les entreprises de
stratégies d’ancrage territorial
& menaces
En lien avec la prise de conscience que la qualité
> Plus d’indépendance : voitures autonomes
du lien social dans l’entreprise joue sur la qualité du
> Pouvoir gérer la dépendance (personnes âgées)
travail et de l’implication des salariés.
>M
esurer / contrôler… Jusqu’à la surveillance et
C. LE BIEN ÊTRE ET LA QUALITÉ DE
le flicage
L’EXPÉRIENCE vs la seule fonctionnalité
•T
racer les déplacements / comportements,…
Le temps de la mobilité comme un sas de décompression et de recharge.
•…
pour la sécurité…
Développement des modes de transports doux dans
•…
et la fiscalisation des individus…
les centres villes.
•…
contre le respect de leur liberté et espace
• Satisfaction élevée pour les usages des vélos
de secret
électriques (à noter, un retard de la France
Développement d’une société du contrôle / de la
élevé vs certains pays d’Europe)
sanction et de l’interdiction. Fin de l’automobile
• Voitures silencieuses
comme espace de liberté individuelle.
Développement de services de bien être
• Marche à pied. Initiative Pedibus
de ramassage scolaire (Belgique)
• Offres de massage pendant les temps
d’attente
• Importance de la convivialité
Des technologies qui permettent de mieux respecter
notre environnement : Solar Impulse (avion solaire)
117
2030 : QUELS AXES DE DÉVELOPPEMENT
POUR LA MOBILITÉ DE CHACUN ?
Il ressort de l’Atelier que c’est aux entreprises qu’il
revient d’imaginer et de mettre en place des solutions de mobilité. C’est de l’entreprise que vient
l’innovation. Il faut garantir la libre concurrence des
acteurs pour favoriser le développement de l’Internet des objets.
Voici les grandes pistes envisagées pour 2030 :
A. LES ÉCOSYSTÈMES TÉRRITORIAUX
La création d’écosystèmes territoriaux
• Inter-entreprises
• Avec des communautés locales (pour encourager la diversité vs le repli sur soi que peut
amener la convergence des profils)
• Vivants : « Darwin 3.0 » (exemple de l’espace
Darwin à Bordeaux)
Le développement de l’agriculture urbaine.
B. DES ENTREPRISES QUI DOIVENT
PRENDRE LEUR PLACE… ET MÊME INITIER
DES DYNAMIQUES
• Proposer des solutions financières : budget mobilité, primes…
• Se réapproprier des solutions ludiques et conviviales : gaming, MOOC (1), food truck
• Utiliser les réseaux sociaux d’entreprises pour
innover en matière d’organisation du travail
• Nouer des partenariats avec le tissu local (collectivités, associations)
118
Les universités françaises lancent leurs
cours en ligne(1)
80 % DES ÉTABLISSEMENTS AMÉRICAINS
DISPOSENT DE COURS EN LIGNE
Le Monde.fr - 16.01.2014 à 21h17 - Mis à jour le
Il était temps que la France se lance. Les Etats-
04.09.2014 à 12h09
Unis ont déjà pris une longueur d’avance avec
leurs plates-formes Coursera et EdX, créées res-
Par Nathalie Brafman
pectivement par deux professeurs d’informatique
de Stanford et par le Massachusetts Institute of
Plus de quatorze mille inscrits au Conservatoire
Technology (MIT) et Harvard. Ces deux plates-
national des arts et métiers, six mille à l’université
formes ont investi 43 et 60 millions de dollars dans
Paris X Nanterre et plus de cinq mille à Sciences
le développement des outils et des contenus. Aux
Po Paris.
Etats-Unis, 80 % des établissements proposent des
Depuis jeudi 16 janvier, il est possible de suivre l’un
cours en ligne, ils sont moins de 3 % en France. Au-
des cours hébergés sur la première plate-forme
jourd’hui, plus de trois millions d’étudiants peuvent
numérique française - FUN, pour France université
suivre les cours des plus prestigieuses universités :
numérique - de MOOC.
Stanford, Harvard, MIT...
Cet acronyme peu séduisant signifie en anglais
Depuis quelques mois, une espèce de frénésie s’est
Massive Open Online Courses (« cours en ligne
emparée de l’enseignement supérieur français.
ouverts et massifs (CLOM) » ou « cours en ligne
ouverts à tous », en français).
Créée en octobre 2013, FUN a déjà lancé huit
MOOC. Selon les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur, la plate-forme a dépassé la
barre des cent mille inscrits vendredi 17 janvier,
dont la moitié se sont connectés le jour du lancement des premiers cours.
Les premiers cours sont axés autour de six thématiques, comme le management, les sciences
ou encore la philosophie. Au CNAM, qui propose
déjà beaucoup de cours à distance, c’est un cours
intitulé « Du manager au leader » que l’on pourra
suivre.
Changement total de programme à Paris X Nanterre, où est proposé un cours de philosophie : «
Philosophie et mode de vie : de Socrate à Pierre
Hadot et Michel Foucault » ; enfin, Sciences Po Paris propose un cours baptisé « Espace mondial ».
119
C. LA MOBILITÉ POSITIVE
(*) Si l’expression n’est pas des plus
L’expérience : confort, bien être, qualité de vie /
d’être (déplacements des corps/sports)
connues, le phénomène derrière le sigle
BYOD se répand au sein de nombreuses
entreprises en France. Les dirigeants
La convivialité : la mobilité devient facteur de lien
sont d’autant plus concernés que le
social, de nouvelles rencontres sont provoquées…
BYOD fait partie intégrante de la gestion
Des villes plus humaines : repenser l’espace urbain,
des espaces plus mixtes (privés, professionnels,
de son entreprise. Mais que signifie-t-il
au juste ? Que faut-il savoir ?
Qu’est-ce que le BYOD ?
publics) et plus verts
Le BYOD : « Bring Your Own Device » traduit
D. LA MOBILITÉ DE L’INDIVIDU
de l’anglais, signifie littéralement « Apportez
vos appareils personnels ». En français, on
Une mobilité choisie et à la demande
parle de PAP : « Prenez vos appareils person-
• Des notions de propriété et de collectif
nels ». Ou encore, d’AVEC : « Apportez votre
repensées (cf, BYOD « Bring Your Own
équipement personnel de communication ».
Device » = « apportez vos appareils
En remettant les choses dans un contexte
personnels)(*)
professionnel, c’est tout simplement le fait
• Des solutions personnalisées sur mesure
(selon son rythme, ses besoins) via le recours
à la mutualisation/l’économie collaborative
Avec une interconnexion de l’habit/l’habitat/l’habitacle
dans une intégration fluide de la vie privée et de la vie
professionnelle.
d’apporter et d’utiliser ses équipements personnels sur son lieu de travail. Ce matériel
désigne généralement un ordinateur portable, un téléphone mobile, une tablette électronique, … Le BYOD concerne la manière
dont les entreprises gèrent l’introduction de
ces différents outils, à la base personnels, par
leurs salariés.
Vous l’aurez sans doute compris, la pratique du BYOD pose quelques problèmes
au niveau de la sécurité de l’information et
de la protection des données. Des questions
d’ordre juridiques et sociales émergent également.
La sécurité de l’entreprise compromise
La technique du BYOD est considérée
comme risquée par les entreprises. Et pour
cause, elle n’implique aucun contrôle. L’un
des problèmes principaux est la sécurité
120
de l’information et la protection des données.
Dans une logique juridique et sociale,
Qu’il s’agisse en effet de perte de données, de
ça donne quoi ?
vol ou d’espionnage industriel, d’opérations pour
Le contrat de travail ou règlement intérieur par
le moins frauduleuses qui visent à récupérer des
exemple, subissent un impact de nature légal et
données (virus, logiciel malveillant, mise sur écoute
réglementaire.
téléphonique),… nombreux sont les risques auxquels
se trouve exposée l’entreprise.
D’un point de vue social, un salarié détient désormais
L’augmentation du nombre d’utilisateurs d’appa-
casionnel est ainsi mis en lumière. Certains dirigeants
reils électroniques, l’apparition de la génération Y
d’entreprise abordent le BYOD sous un angle diffé-
(18-30 ans) en phase avec les outils mobiles et le
rent en y voyant des avantages non négligeables. Ils
web 2.0, ainsi que la rapidité de transmission des
perçoivent cette pratique comme un gain de produc-
informations semblent y être pour beaucoup. La
tivité : traitement de dossiers ou de mails pendant
frontière vie privée / professionnelle s’en trouve for-
les weekends ou congés, … En plus d’être un gain
tement amincie.
de productivité, c’est également un gain de coût
la possibilité de travailler à distance. Le télétravail oc-
puisque le BYOD permet « d’acquérir » du matériel
Il n’en reste pas moins que cette pratique se
informatique sans avoir à les acheter.
voit controversée notamment par le directeur de
l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’in-
Vous le savez, le BYOD n’est pas totalement dépour-
ème
formation (ANSSI), Patrick Pailloux lors de la 12
vu de risque loin de là mais il confère de nombreux
édition des Assises de la Sécurité qui a eu lieu à
avantages. Alors, à chacun sa politique d’entreprise !
Monaco. Pour lui, il n’existe pas de solution sur le
Dynamique-mag.com – 6 août 2014
marché permettant une sécurité suffisante.
Les appareils entrants au sein de l’entreprise
constituent une menace potentielle. Ils ont accès
au réseau interne, à divers documents, source
d’informations confidentielles, peuvent stocker
des e-mails. En cela, ils détiennent une capacité
pouvant se révéler nuisible à l’entreprise (sécurité
informatique, confidentialité des données). Imaginez l’impact si ces informations parvenaient à la
concurrence…
Certaines sociétés s’attachent tout de même à
trouver une réponse à cette problématique. L’idée
serait de scinder en deux parties le dispositif. Une
partie privée et une partie professionnelle rendrait
ainsi possible la sécurisation de ces appareils
mobiles.
121
E. …MAIS LA MOBILITÉ POUR TOUS
Une mobilité inclusive qui intègre tous les profils, y
compris les plus précaires, les personnes à mobilité
réduite, les personnes âgées,…
Une mobilité solidaire (compenser les difficultés
des uns par la mutualisation des ressources et la
collaboration).
F. PENSER SMART MOBILITÉ :
FLUIDE ET INTUITIVE
Rendre les gens agiles et autonomes dans la gestion de leurs déplacements et l’organisation de leur
travail.
Ex. : regroupement des bouquets de service (métro,
Vélib, location de voiture, etc…) sur carte unique
avec plateforme d’information unique.
Ne pas oublier que c’est bien les technologies qui
doivent s’adapter aux usages (et non l’inverse).
Favoriser l’innovation/la créativité : garantir la libre
concurrence des acteurs économiques et un cadre
juridique suffisamment souple / ouvert.
122
CONCLUSIONS
Dans un premier temps, les TIC pourraient contribuer à réaliser un tiers des réductions d’émissions
L’important est de concevoir la mobilité avec un
de GES (Gaz à effet de serre) fixées par le gouver-
esprit mobile
nement à l’horizon 2020.
En termes de vision, les piliers de développe-
Les TIC joueront un rôle majeur dans le dévelop-
ment de la mobilité durable seront collaboratifs,
pement des entreprises à condition qu’elles s’im-
inclusifs, fluides et positifs
posent partout, ce qui n’est pas le cas en 2014,
notamment auprès de certaines parties du grand
Les nouveaux outils vont peu chan-
public ou des PME.
ger d’ici 2030 mais les aspirations qui
émergent vont se renforcer. Il ne faut
Le taux d’équipement des salariés français en TIC
donc pas trop contraindre, ni légiférer
ne cesse de progresser. Il favorise aujourd’hui le
sur les choix, ouvrir encore le champ des pos-
télétravail qui devrait s’installer lentement mais sû-
sibles sans contraindre le futur. En 2030, ce se-
rement dans le monde de l’entreprise à l’horizon
ront surtout les services qui évolueront, pas les
2030. Voici où nous en étions début 2014 :
technologies.
Isabelle Muller
L’important est d’améliorer le cadre du déplacement et de la mobilité : une mobilité à impact
positif psycho-physique.
Maryline Passini
La mobilité de demain sera collaborative, inclu-
Une étude d’IDC pour Bouy-
sive et fluide. Une mobilité à deux vitesses des
gues Telecom montre que
personnes très mobiles dans leur tête et physi-
la multiplication des équipe-
quement VERSUS une partie de la population
ments des salariés en smart-
sous contrainte, qui n’aura pas le choix/sous
phones, tablettes et autres
PC portables fait progresser le
pression accrue. Face à cette dualité, il est né-
télétravail.
cessaire de créer des points d’ancrage dans la
future société mobile.
Le nombre de salariés profi-
Patricia Cortijo
tant des différentes situations
pour travailler (domicile, trajet
Commentaire :
maison/travail, déplacements
A l’horizon 2030, ce sont les Technologies de l’infor-
professionnels) concerne près
mation et de la communication qui auront le plus
d’un tiers des salariés (28%)
grand effet de levier sur toutes les problématiques
interrogés.
de mobilité et de développement durable.
123
« En retard sur nos voisins européens, les Français
rapport à 2012. Un salarié sur deux déclare travail-
se mettent peu à peu au télétravail. C’est le princi-
ler lors de déplacements professionnels (+10% par
pal enseignement de la troisième édition de l’étude
rapport à 2012) et 42% travailler durant les trajets
d’IDC réalisée pour Bouygues Telecom Entreprises.
domicile-travail ( + 9%).
Le temps journalier moyen de travail réalisé en de-
Au total, le nombre de salariés profitant des diffé-
hors du bureau - en déplacement, à domicile ou
rentes situations de mobilité pour travailler (domicile,
dans les transports - a ainsi crû de 15% au cours
trajet maison-travail, déplacements professionnels),
des douze derniers mois, s’élevant à 23% du temps
a augmenté de +26% en 2013, pour concerner
de travail journalier.
près d’un tiers des salariés (28%). Smartphones,
Deux salariés sur trois affirment travailler depuis leur
tablettes, ordinateurs portables... le multi-équipe-
domicile, en journée comme en dehors des heures
ment en terminaux mobiles explique en grande par-
légales de travail. Soit une progression de 4% par
tie cette progression du télétravail ».
L’équipement en outils personnels mobiles
se développe fortement en 2013.
Parmi les équipements suivants, lesquels possédez-vous ?
Tablette entreprise
10%
Tablette personnelle
7% 3%
33%
Smartphone entreprise
28%
11%
7% 3%
Smartphone personnel
5%
+ 96% vs 2012
+ 29% vs 2012
59%
5% 3%
45%
PC Portable entreprise
+ 29% vs 2012
5% 3% + 5% vs 2012
PC Portable personnel
72%
PC Fixe entreprise
75%
PC Fixe personnel
71%
0%
Une moyenne
de 2,45 outils
mobiles par personnes
VS 2en 2012
+ 89% vs 2012
20%
40%
OUI
NON, mais prévu d'ici 12 mois
NON, mais prévu dans 12 à 24 mois
124
5% 2% + 7% vs 2012
2%
2%
60%
+ 3% vs 2012
+ 3% vs 2012
80%
100%
Le nombre de mobinautes
multiplié par 2,7 en 5 ans
de la moitié en 2009. En juin 2014, les responsables
des achats ont passé 4h12 et consommé 770
pages sur les sites mobile et ont réalisé plus de 200
Le 01/09/2014 à 19:31 par Thierry Wojciak
sessions sur des applications mobiles.
En juin 2014, la France comptait 29,4 millions de
mobinautes, soit 54% de la population de 11 ans
Avant d’évoquer le bureau de 2030, l’absence de
et plus, selon Médiamétrie. Une population en très
bureau ou l’entreprise virtuelle, il faut planter le dé-
forte augmentation puisqu’en 5 ans, elle a été mul-
cor de ce qui pourrait être l’économie du travail à
tipliée par 2,7 entre 2009 et 2014, soit +18,4 mil-
cet horizon.
lions d’individus. Sur la période, la parité hommes-
Quelles seront les grandes données sociétales mais
femmes s’est installée puisque les mobinautes sont
aussi individuelles qui modifieront d’évidence notre
aujourd’hui 51% des hommes alors qu’ils étaient
rapport au travail ?
60% en 2009. Et puis les mobinautes ont « vieilli ».
Ainsi, aujourd’hui, 53,2% ont-ils 35 ans ou plus,
Des chercheurs britanniques ont identifié et analysé
alors qu’ils étaient 35,8% en 2009. Médiamétrie
treize grandes tendances regroupées en cinq types :
constate également que plus de 60% des mobi-
(blog de Gilles Martin « Zone Franche » 13 avril 2014).
nautes sont responsables des achats contre moins
mobinautes total…
22%
25%
T2 2009
T2 2010
40%
33%
T2 2011
T2 2012
46%
T2 2013
54%
T2 2014
Sources : Médiamétrie - TSM - T2 2009 - T2 2014
125
Tendances sociétales individuelles
tantes, ainsi que les interactions entre colla-
1. Changement démographique : en Angleterre,
borateurs. Le travail à distance se développe-
la population de 65 ans et plus va augmen-
ra. Les jobs seront flexibles, avec les horaires
ter de 42% d’ici 2030, alors que la population
flexibles, le télétravail.
des 16-24 ans ne va, elle, augmenter que de
Tendances dans les Technologies
et l’Innovation
3%. Les lieux de travail dans les entreprises
vont naturellement devenir plus multi-généra-
6. Convergence entre les technologies et les
tionnels ; quatre générations vont travailler en
expertises : la frontière entre les disciplines
même temps.
va disparaître. L’informatique, les sciences de
2. Augmentation de la diversité : le rôle des
la vie, les sciences naturelles vont converger
femmes sur le marché du travail va continuer
pour créer de nouveaux business models,
à s’accroître en nombre et en importance
avec des robots qui vont occuper des tâches
dans les hiérarchies. Les 2/3 de la croissance
aujourd’hui faites par des humains.
des jobs de haut niveau seront occupés par
7. Développement des Technologies de l’Infor-
des femmes. Même phénomène sur l’immi-
mation et de la Communication, et avène-
gration : les migrations en Angleterre contri-
ment du Big Data : les performances vont
bueront à plus de 10% de la croissance nette
continuer en termes de miniaturisation, de
de la population.
puissance de calcul, nanotechnologies. Les
3. Incertitude des revenus : les salaires et revenus
données seront de plus en plus nombreuses;
ont de fortes chances de baisser, avec de plus
les analyses des Big Data vont aussi changer
en plus d’inégalités. Les prévisions indiquent
les modèles.
que la part de la richesse nationale captée par
8. Digitalisation de la production : les process de
les 0,1% les plus riches va passer de 5% à
production vont se transformer par la digita-
14% d’ici 2030 (toujours en Angleterre, mais
lisation; l’échange en temps réel de données
les autres feront-ils différemment ?).
entre les machines, les équipements, les
4. Désir plus fort d’un meilleur équilibre vie pro-
objets connectés, et les en-cours de produc-
fessionnelle – vie personnelle : cela se traduit
tion, les systèmes de production et les usines
par une demande de plus de flexibilité dans le
vont devenir de plus en plus autonomes et
travail. Flexibilité sur les horaires, le lieu de tra-
automatisés. La décentralisation des process
vail, les tâches. Cette possibilité de flexibilité
de production complexes sera une réalité
va peser de plus en plus sur le choix d’un lieu
grâce à de nouvelles techniques comme les
de travail et d’un employeur.
imprimantes 3D.
Tendances du Business et de l’économie
5. Changement de l’environnement de travail :
les organisations des entreprises pourront
9. Changement des perspectives économiques :
être défaites et reconstruites rapidement. Les
du fait de la globalisation et des changements
collaborations seront de plus en plus impor-
technologiques, l’économie et le système
126
Tendances politiques et règlementaires
financier vont encore augmenter en complexité. Face à la volatilité des prix des ma-
13. Décroissance de l’action publique : les fi-
tières premières, les entreprises devront plus
nances publiques étant limitées, et raréfiées,
que jamais pouvoir rendre leurs activités et
l’action publique va diminuer; moins de sub-
chaînes de valeur de plus en plus résilientes,
ventions, moins de redistribution, etc... Les
et s’habituer à l’incertitude.
actions privées et individuelles vont ainsi
prendre plus d’importance. L’investisse-
10. Transfert vers l’Asie : le poids économique
ment dans le capital humain va être privé, y
du monde va basculer vers l’Asie, là où se-
compris dans l’Education, de plus en plus.
ront les croissances économiques les plus
fortes, et les opportunités d’investissement
les plus rentables. D’ici 10 ans, 40% des
jeunes diplômés de l’OCDE seront en Chine
et en Inde, alors que ceux de l’Europe et des
Etats-Unis n’en représenteront que le quart.
11. Nouveaux ecosystèmes Business : les
entreprises vont devenir de plus en plus
des «chefs d’orchestre de réseaux». Leurs
capacités à connecter les expertises et les
ressources, où qu’elles soient, seront plus
importantes que les ressources qu’elles
possèderont en propre dans l’entreprise
elle-même. La plupart des innovations viendront de coopérations entre partenaires, à
l’extérieur de l’organisation.
Tendances sur les ressources
et l’environnement
12. Rareté des ressources naturelles et dégradation des écosystèmes : le développement débouche sur un accroissement de la demande
de ressources naturelles et de matières premières. On va donc avoir une volatilité des
prix, et une recherche de solutions alternatives, qui vont bousculer les modèles d’entreprises. La surexploitation des ressources naturelles va augmenter les coûts d’extraction
et de dégradation des écosystèmes.
127
Ces grandes tendances vont déterminer l’organisation du travail en 2030. Frédéric Bleuse, l’ancien
Directeur Général de Regus France y ajoute un élément essentiel et nouveau, en tout cas en Europe :
« Pour la première fois dans l’histoire, quatre générations sont présentes en même temps sur le marché du travail : la génération de la Seconde Guerre
mondiale née dans les années 1945, la génération
du baby-boom née entre 1946 et 1964, la génération X née entre 1965 et 1979 et, enfin, la génération
Y née entre 1980 et 1999.
On observe, au sein des organisations, l’émergence
d’un nouvel espace de travail contraint de s’adapter aux différentes méthodes, aux habitudes de
chacun, confronté aux idéaux et à la philosophie
propres aux générations représentées.
Si ces quatre générations luttent pour se faire une
place dans l’espace de travail d’aujourd’hui, il est
essentiel que les entreprises considèrent cette
convergence comme une opportunité, non telle
une contrainte. Les baby-boomers et les travailleurs en âge de partir à la retraite, ressources
précieuses du fait de leur expérience et de leurs
compétences, sont des éléments essentiels et
sollicités par les jeunes travailleurs à la recherche
d’encadrement et de conseils. Tout comme les
jeunes travailleurs sont des maillons essentiels de
l’entreprise, du fait de leur capacité à s’adapter
et à maîtriser les évolutions technologiques auxquelles ils peuvent initier les plus seniors, a priori
moins enclins à se les approprier.
La principale problématique pour les entreprises
est donc de savoir comment exploiter la synergie
inhérente à cet environnement de travail incroyablement diversifié ; les collaborateurs d’âges différents
souhaitent apprendre les uns des autres, mais ne
128
savent pas exactement quelles méthodes adopter.
Un enjeu difficile à relever face aux changements,
non seulement des modes, mais aussi des espaces
de travail. »
En juillet 2011, le Centre d’Analyse Stratégique publiait un rapport très dense sur l’évolution du travail et
de l’emploi en France dans 20 ans. Dans une France
plus peuplée, plus âgée et à la population active plus
nombreuse, la segmentation du marché du travail se
renforce ainsi que la demande d’autonomie et une
forme de salariat « moins subordonné ». A la question « à quoi ressembleront nos bureaux en 2030 ? »
ou « le bureau aura-t-il disparu ? » les réponses
montrent qu’on va sans doute plus vers une évolution que vers une révolution…
« C’est la fin du monde vertical et hiérarchisé
de l’entreprise et le début d’une nouvelle ère : celle
de la transversalité et du travail en mode projet, » résume Andréanne Gallety, directrice marketing
chez Form’a, cabinet de conseil en aménagement
d’espaces tertiaires. « C’est une évolution culturelle
qui privilégie le lien, le relationnel, le partage, la
connexion et la participation ». Dans son cahier
prospectif Imaginative Workplace 2013, Form’a
propose six tendances qui façonneront le monde
de demain. Selon le cabinet, le futur bureau sera
« intelligent, au coeur d’une mégalopole, sous
la forme d’un campus ou d’un hub, organisé par
activité, connecté, expérientiel et redonnera sa
place à l’individu ».
Des salariés nomades en quête de lien social
C’est un fait, le monde de l’entreprise s’oriente vers
un modèle plus transversal et collaboratif. Pour
Pierre-André d’Ornano, p-dg de Mobilitis, société
de conseil et services en immobilier d’entreprise, « la
notion de bureaux va disparaître au profit d’espaces
plus collaboratifs «. Fini le simple poste de travail,
129
« l’entreprise devra offrir une plus grande diversification des lieux de travail, en fonction du type
de salarié qu’elle souhaite avoir et de son cœur de
métier «, précise Alain d’Iribarne, chercheur au CNRS
et président du conseil scientifique de l’observatoire
Actineo de la qualité de vie au travail. En d’autres
termes, « à une activité ou un mode de travail
correspondra un espace dédié », explique la
directrice marketing de chez Form’a. Les lieux de
travail devront répondre aux diverses situations et
modes de travail.
Ce même salarié nomade travaillera, en dehors
de l’entreprise, dans un bureau intermédiaire ou
« tiers-lieu », soit un lieu dédié semblable aux
espaces de coworking pour les travailleurs
indépendants. Ces tiers-lieux permettent notamment aux salariés de conserver un lien social.
« En mettant ces nouveaux espaces à la disposition
de leurs salariés, les entreprises favorisent la socialisation de leurs collaborateurs dans un cadre plus
large et leur permettent d’avoir accès à un réseau
d’innovation et de créativité qui dépasse leur simple
métier », souligne Alain d’Iribarne. Ces lieux apparaissent également comme l’alternative pour des
salariés habitant loin des centres-villes, à l’image
du consortium Tiers Lieux créé en Aquitaine pour
« préserver une dynamique économique en milieu
rural ». Face au profil du salarié mobile de demain,
l’entreprise devra inventer de nouvelles façons de
développer le sentiment d’appartenance de ses
collaborateurs à son projet de société.
Si le numérique envahit les espaces de travail, a
contrario, cette révolution technologique n’entraînerait-elle pas la remise en cause de l’existence physique des bureaux ? Pierre-André d’Ornano (Mobilitis) précise, « la notion de siège social est une
vision passéiste. Certaines sociétés garderont un
130
centre symbolique, lieu de pouvoir et de prestige
tandis que d’autres seront virtuels ».
Une vision impensable pour Alain d’Iribarne d’Actineo : « Il existe un mouvement contradictoire entre
des entreprises qui souhaitent réduire leur parc immobilier et des salariés français très attachés à leur
entreprise comme lieu de vie et de socialisation. »
Enfin, à l’instar des grands noms de l’Internet,
comme Google ou Facebook, et des grandes universités américaines de la côte Ouest, l’entreprise
de demain s’apparentera au modèle du campus ou
du hub. L’entreprise se doit d’être un lieu d’innovation ouverte. Ce que l’on appelle plus communément « l’entreprise étendue », soit une entreprise
implantée dans la réalité de la vie économique en
lien avec la ville, ses clients et ceux qui font l’innovation (écoles, start-up...). Le siège social pourra être
installé au sein d’un pôle de compétitivité pour une
plus grande ouverture sur le monde.
Aux Pays-Bas, le nouveau siège social de la banque
Rabobank est un campus aménagé sur une métaphore de la ville. Le rez-de-chaussée est ouvert au
public tandis qu’au premier étage, le « city center»,
est un lieu de rencontre avec ses cafés et restaurants. Les étages de la tour ont des noms de quartiers ou de banlieues.
De même, le nouveau centre de Saclay regroupera
les équipes de R & D d’EDF aux côtés des grandes
écoles (Centrale, HEC, Polytechnique, ParisTech...),
des universités (Paris Sud, Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines...) ou encore du CNRS et du Commissariat à l’énergie atomique, dans un esprit de
«cluster» scientifique et technologique national. « Si
votre entreprise est ouverte, vos salariés seront plus
créatifs «, assure le chercheur Alain d’Iribarne ».
(Enquête de Marie-Amélie Fenoll – Décision-Achats.
fr – 7 janvier 2014).
131
En résumé, l’entreprise de 2030 n’aura plus les
frontières d’aujourd’hui. Aller au bureau restera souvent indispensable mais cela n’aura plus le même
sens. On ne s’y rendra que quand ce sera nécessaire. Cette évolution sera sans doute lente car il
faut changer le regard des managers sur la place du
salarié dans l’entreprise. L’entreprise sans bureau
n’est sans doute pas pour demain.
Mais le nomadisme et les technologies de 2030 auront une vertu évidente : moins d’heures et d’énergie perdues et une mobilité plus fluide.
Le monde du travail n’est pas un monde homogène.
Les disparités sont innombrables entre un géant du
CAC 40, une startup, une TPE ou une PME. Mais
toutes ces entreprises ont un point commun : elles
doivent se transformer pour s’adapter au « choc
Internet »… Ce choc a d’abord touché la société
civile avant d’envahir le monde du travail.
Qu’en sera-t-il dans 15 ans ?
La généralisation des smartphones, tablettes et
autres TIC consacre déjà l’introduction de la sphère
privée dans la sphère professionnelle. C’est le grand
tournant. Toutes les activités numériques privées
des salariés se prolongent au bureau et inversement
avec la consécration du travail à la maison…
Conséquence évidente : on va sans doute vers la
fin de l’entreprise telle que les sociétés industrielles
l’ont constituée depuis le milieu du XIXème siècle.
132
Cette révolution est aussi portée par l’extraordinaire
•C
’est Facebook qui compte le plus
déferlante des réseaux sociaux. La France, sur ce
d’utilisateurs, avec 1,184 milliard, devant QQ
terrain, fait partie des leaders en termes d’utilisa-
(816 millions) et QZone (632 millions)
tion. Voici quelques chiffres publiés et commentés
Quelques chiffres marquants en France :
par Fabian Ropars en janvier dernier sur le blog du
Modérateur :
•5
4 473 474 internautes, soit 83%
de la population française.
TOUS LES CHIFFRES 2014 SUR L’UTILISATION
DE L’INTERNET DU MOBILE ET DES MEDIAS SOCIAUX
DANS LE MONDE
•6
8% des français sont inscrits
sur un réseau social.
Publié par Fabian Ropars - 8 janvier 2014
•2
8 millions d’utilisateurs actifs sur Facebook,
L’agence We Are Social de Singapour vient de livrer
soit 42% des français.
une présentation hyper exhaustive de l’utilisation
•P
lus de 72 millions de téléphones
du grand public et des professionnels des réseaux
portables activés, soit plus d’un téléphone
sociaux dans le monde.
par personne.
Quelques chiffres marquants dans le monde :
•U
n internaute français passe en moyenne
4 h 07 par jour sur Internet (via un ordinateur).
• Il y a 2 484 915 152 d’internautes (sur un
peu plus de 7 milliards d’habitants). Cela
•L
es mobinautes surfent en moyenne
représente un taux de pénétration de 35%.
58 minutes par jour sur leur smartphone.
• Il y a 1 856 680 860 utilisateurs actifs des
•L
es membres des réseaux sociaux passent
réseaux sociaux, soit un taux de pénétration
en moyenne 1h29 par jour sur ces espaces.
de 26%.
•4
3% des français ont utilisé Facebook
• Il y a 6 572 950 124 utilisateurs de téléphones
le mois dernier.
mobiles, soit un taux de pénétration de 93%.
•1
1% des français ont utilisé Google+
• 13% des internautes sont en Europe
et 10% ont utilisé Twitter.
de l’Ouest, 11% en Amérique du Nord,
30% dans l’Ouest de l’Asie.
• 10% des utilisateurs des médias sociaux
sont en Europe de l’Ouest, 11% en Amérique
du Nord, 37% dans l’Ouest de l’Asie.
• Le taux de pénétration d’Internet
en Europe de l’Ouest est de 78%, contre
81% en Amérique du Nord et seulement
48% en Asie de l’Ouest.
133
Dans leur livre « A quoi ressemblera le travail de-
nisée par les entreprises. Des accords sur le télétra-
main ? » (sous titré : -Technologies numériques,
vail ont fleuri à distance. Ainsi, un peu avant 2020, le
nouvelles organisations et relations au travail – Ed.
télétravail était devenu courant. C’était toujours une
Dunod - 2013), Sandra Enlart et Olivier Charbonnier
question précisée dans la négociation préalable à la
proposent un scénario dit de « Job Fiction ».
signature d’un contrat, entre autre pour déterminer
les équipements offerts au salarié. Cette organisation
Nous sommes en 2025. L’explosion des technolo-
du travail s’appuyait aussi sur la qualité des outils et
gies de l’information nous a permis à tous de devenir
des logiciels, de plus en plus personnalisés et orien-
des auto-entrepreneurs potentiels. De très nombreux
tés vers la collaboration à distance.
systèmes de « débrouille » se sont mis en place sur
les réseaux sociaux…
Bien sûr, un certain nombre de réunions physiques
« Une sorte de marché parallèle d’activités s’est ainsi
ont été maintenues, lorsque la durée d’une mission
excédait par exemple un an, afin de permettre aux
progressivement créé et autogéré. Sans parler de
« marché noir », ces systèmes spontanés, finalement
divers participants de mieux se connaître. Ont été
très efficaces, constituent une sorte de filet de sécu-
également développées les sessions créatives inten-
rité pour qui n’a pu accumuler suffisamment d’expé-
sives, organisées sur deux ou trois jours dans les
riences. Ils concernent des jeunes en fin de scolarité
lieux ad hoc relativement isolés où se réunissait un
obligatoire, mais aussi toute personne en cours de
petit groupe chargé d’atteindre un objectif précis en
réorientation. En effet, si certains secteurs sont tou-
un temps limité. Enfin, dans l’industrie, la nécessité
jours porteurs, comme les services à la personne, le
de travailler sur des lignes de production ou avec du
tourisme ou l’enseignement, en revanche, d’autres,
matériel exceptionnellement coûteux a maintenu plus
comme l’industrie ou le commerce de proximité, sont
de présence physique que dans d’autres secteurs.
en déclin chronique. Par ailleurs, même si la situation
Mais dans l’ensemble, le télétravail est devenu la
s’est fortement améliorée du fait de la démographie,
règle, ce qui a permis d’importantes économies en
il reste dans ce pays comme dans toute l’Europe,
temps de transport, en immobilisation d’immeubles
des individus qui n’arrivent pas à trouver de travail.
– avec toutes les dépenses afférentes – et bien sûr,
Dans un premier temps, la nature personnalisée et
corrélativement, en empreinte carbone. Tout était
poreuse de l’information a eu pour effet de décon-
donc pour le mieux et n’importe quel observateur
necter certains espaces de leur fonction, auparavant
aurait prédit en 2019 la fin des « bureaux » et même
unique, travail ou vie privée. Au début des années
des usines traditionnelles.
2010, ces lieux sont devenus de plus en plus polyvalents : les individus se sont mis à travailler ponctuelle-
Pourtant, ici et là, le besoin de nous retrouver pour
ment chez eux – pour autant que leur activité et leur
échanger sur nos productions s’est peu à peu fait
organisation le permettaient - ; et quand ils étaient
sentir. Ces échanges sont une part importante de
« au travail », ils considéraient comme normal de faire
notre vie professionnelle, or ils étaient devenus es-
leurs courses sur Internet ou de réserver un billet de
sentiellement virtuels. C’est pourquoi certains ont
train entre deux mails. Cette confusion a progressi-
voulu se libérer de cette emprise exclusive des ré-
vement donné lieu à une politique promue et orga-
seaux sociaux… ».
134
Cette fiction imaginée par Sandra Enlart et Olivier
Charbonnier verra peut-être le jour en 2030.
Ce qui semble certain, c’est qu’elle porte des valeurs
qui seront incontournables dans 15 ans : autonomie,
rupture, créativité, coopération, alternance, débat,
confrontation, vitesse…, fluidité, mutualisation…
imagination…stimulation… transparence…
Certaines de ces valeurs sont déjà bien présentes
dans l’entreprise mais en 2030, elles pourraient
devenir la règle pour tous.
Conclusion provisoire des deux auteurs :
Des « petits matins »
plutôt que le « grand soir »
« En synthèse, trois dimensions émergent de cette
société entrant dans l’entreprise : la nature de l’information, la gestion de l’information, l’impact de
ces changements sur l’individu au travail :
- La nature de l’information est de plus
en plus personnalisée, poreuse et enrichit
nos perceptions du réel (réalité augmentée).
- La gestion de l’information consiste
à gérer des flux (en lieu et place des stocks),
flux qui circulent à une vitesse telle qu’ils
donnent l’impression d’ « instantanéité »
et obligent à une quasi-totale transparence.
- L’individu occupe une triple fonction de
producteur, transmetteur et consommateur
rendant nécessaire le développement
de compétences spécifiques de traitement
de cette information et l’implication dans
des modes de collaboration systématiques
et nouveaux.
135
Ces trois dimensions participent à l’émergence
pas tout à fait comme avant et qui progressivement
de nouvelles formes d’organisation. Peut-être ce
rendront obsolètes, décalées, ridicules, les situations
mouvement ne touchera-t-il pas toute l’économie.
professionnelles proposées par les entreprises qui
Peut-être verra-t-on coexister pendant quelques
n’auront pas su penser le travail autrement. C’est
années la situation de transition que nous avons
donc surtout pour faire réagir celles-ci – qui repré-
décrite. Mais un autre scénario est aussi possible :
sentent un très grand nombre d’emplois ! – que
si ces nouvelles formes d’entreprises et de travail
nous avons proposé cette fiction qui n’était qu’un
incarnent des modes de production cohérents avec
préambule imaginaire ».
les évolutions sociétales, elles s’imposeront beaucoup plus vite qu’on ne le pense, creusant alors le
décalage avec les entreprises issues de la « vieille
économie », au risque pour ces dernières d’y perdre
en attractivité, voire plus largement en performance.
Cela dit, comme nous l’avons vu plus haut, nous ne
concevons pas les choses en termes dramatiques
– au sens du drama grec. Le scénario le plus probable est celui d’une phase de transition qui perdure
avec un modèle industriel en perte de vitesse et de
plus en plus de situations de production de services marquées par les technologies et leur impact
sur le travail. Bien sûr, toutes les entreprises ne
vont pas être touchées par ces changements. Les
émergences que nous avons observées impacteront
plus ou moins les organisations et, en leur sein, cer-
« La grande innovation, la
tains métiers plus que d’autres (les employés d’une
grande renaissance à laquelle
coutellerie de Laguiole ne seront certainement pas
nous assistons actuellement,
concernés de façon aussi prégnante par les techno-
c’est la fin de la division verti-
logies de l’information que les commerciaux d’une
cale du travail et de la connais-
compagnie d’assurance). Il ne s’agit donc pas de
sance et c’est le début de la
stigmatiser les organisations qui ne changeraient pas
multiplication horizontale de la
en pointant leur conservatisme, voire leur archaïsme.
connaissance et des savoirs
Certaines y auront intérêt, d’autres non.
en réseaux »
Surtout, il n’y aura sans doute pas de « grand soir »
Serge Soudoplatoff – Consul-
où tout à coup, seuls les digital natives survivraient,
tant-spécialiste de l’économie
pendant que de pauvres technophobes mourraient
numérique, devant le congrès
à leurs côtés dans l’indifférence générale ! En fait, il
de l’APM – octobre 2013.
y aura surtout de plus en plus de « petits matins »
136
En résumé, les quinze années qui viennent verront sans doute s’amplifier les trois dimensions
du nouvel espace économique décrites par David
Lacombled(*) :
*Disruption, mode d’emploi
« Dans cet espace redimensionné, même
la notion d’innovation a changé de polarité.
Avant, la plupart des innovations s’assignaient comme objectif de faire mieux que
- L’accélération du temps
le produit concurrent. L’avantage concur-
- La mondialisation
rentiel pouvait s’installer dans le temps et
l’on tendait vers une lutte frontale entre les
- La dématérialisation
entreprises, via leurs produits et leurs serNous entrons dans un nouvel espace économique
vices, à coups d’avantages concurrentiels.
où on ne peut plus penser l’entreprise comme
Or aujourd’hui, une telle ambition n’est plus
avant. Le monde ancien se meurt. Le nouveau
opérante. Faire mieux ne suffit pas, il faut
commence à apparaître. Le vieux slogan de 68,
surtout faire autrement. Et même autrement
« l’imagination au pouvoir » devient une ardente
mieux.
obligation. Sur fond de « disruption », apparaissent
De fait, nous sommes entrés dans l’ère
les nouvelles formes d’organisation du travail.
des innovations de rupture (appelées aussi
disruptions). Ce type d’innovation dans la
nouvelle guerre économique ne s’assigne
pas pour objectif de prendre des parts de
marché mais de s’assurer par une innovation de rupture la plus grosse partie du marché en le déplaçant. Un seul mot d’ordre
– non exprimé : capter tout l’air disponible
pour empêcher les concurrents de respirer.
C’est
pourquoi
les
innovations
d’au-
jourd’hui ne requièrent pas uniquement du
talent, il faut faire preuve d’une forme de
génie pour anticiper et créer les éléments
d’une disruption. Parmi les génies de la
disruption, on retrouve notamment tous
les géants du numérique, Google, Apple,
Facebook, Twitter…
Chacun à sa façon a disrupté son marché en créant de nouveaux marchés à sa
mesure. C’est également le cas de Nestlé
avec une célèbre marque de café. C’est
137
encore l’exemple d’Apple, non seulement avec ses
équipements Mac, iPod ou iPhone, mais aussi avec
la musique et la culture via iTunes. En se payant de
surcroît le luxe de créer un nouveau marché, celui de
la tablette avec l’iPad, puis l’iPad mini, dont nous parlerons plus loin.
Une telle situation est inédite dans l’histoire de l’économie. Cela explique que des entreprises qui n’existaient pas il y a encore trente, vingt, voire cinq ans
(comme Twitter) dépassent aujourd’hui en capitalisation des entreprises mondiales installées depuis des
décennies ou même des siècles.
On peut lire un emballement frénétique et une précarisation mondialisée dans un vaste mouvement de prédation porté par les disruptions à répétition.
En revanche, rien n’empêche au contraire d’y déceler le signe d’une remise à plat des chances. Car les
pesanteurs d’hier n’empêchaient-elles pas les nouvelles entreprises de trouver leur place sur le marché
par un verrouillage volontaire de l’une d’entre elles ou
le simple fait de leur masse critique qui interdisait toute
remise en cause de leur prépondérance ? Force est
de constater que, avec la nouvelle économie, l’imagination est revenue au pouvoir.
C’est le cas notamment de Paul Vacca qui, dans la
Société du Hod-up (Mille et Une Nuits/Fayard, 2012),
voit dans l’avènement de la nouvelle économie la mise
en place d’une économie de hold-up généralisée où,
par la disruption, « les marchés ne se conquièrent plus
mais se braquent ».
David Lacombled – « Digital Citizen » - Manifeste pour
une citoyenneté numérique – Ed Plon – 2013.
138
a) QUELS BUREAUX EN 2030 ?
On ne parlera sans doute plus de bureaux, mais
les espaces de 2030 verront s’installer la robotique
avec les avatars de réalité virtuelle ou les robots de
téléprésence… Voici comment l’Agence France
Presse les décrivaient en mai dernier :
« Ces robots, dits de téléprésence, peuvent participer à des vidéo-conférences ou d’autres interactions.
Un produit conçu par la start-up californienne
Double Robotics utilise un Ipad sur une tige munie
de roues qui se déplace dans les bureaux et interagit avec les collègues.
Même si ces technologies ont été raillées dans des
shows télévisés, les entreprises commencent à les
apprécier, assure le porte-parole Double Robotics,
Jay Liew. « Nous avons des clients qui nous disent
qu’ils ne se souviennent plus si la personne était
vraiment là ou si c’était le robot ».
« Plus les gens voient (le robot), plus ça devient
normal. Une fois l’enthousiasme du début envolé,
ce n’est pas seulement un robot. C’est John. C’est
Connie, du bureau de Seattle ».
Et la personne qui travaille à distance, présente
sous la forme de ce robot, peut participer au travail
d’équipe en se déplaçant dans le bureau, en bavardant près de la machine à café, ou en passant « voir »
un collègue pour lui poser une question.
- Poignée de main virtuelle –
Encore plus futuristes, les personnages virtuels : les
employés peuvent communiquer comme dans un
dessin animé avec des « avatars » ou des images
qu’ils ont eux-mêmes créées.
139
Jeremy Bailenson, directeur du Virtual Human Inte-
monde entier sur des rétroviseurs ou des essuie-
raction Lab à l’université de Stanford en Californie,
glaces. « C’est comme un jeu Second Life », cé-
affirme que ces rencontres entre avatars peuvent
lèbre jeu virtuel à trois dimensions, reconnaît Ford.
même être meilleures que celles qui sont organi-
« Nous avons maintenant des ingénieurs de Ford
sées de visu.
du monde entier qui travaillent ensemble virtuel-
« Les gens disent que rien ne peut remplacer la
lement sur le même produit », explique Elizabeth
poignée de main et le contact visuel », relève M.
Baron, spécialiste de réalité virtuelle chez Ford.
Bailenson. « Moi, je conçois des systèmes qui
vous permettent d’avoir cette poignée de main et
ce contact visuel ».
Chacun peut modifier son avatar pour lui donner
des traits et un comportement spécifiques, explique-t-il. « Je peux faire des choses dans une réunion virtuelle qui peuvent faire de moi un vendeur
plus efficace ou un meilleur chef », souligne-t-il.
Selon lui, le personnage virtuel présente beaucoup
d’avantages : il réduit les coûts en carburant et les
accidents de la route, et permet aux employés de
gagner du temps.
Mais pour que les salariés adoptent en masse ces
personnages virtuels, il faudra rendre leur usage
plus naturel, en supprimant les encombrants
casques et capteurs qu’il faut actuellement porter
pour les utiliser, note-t-il.
L’achat par Facebook à prix d’or de la société de
représentation virtuelle Oculus Rift suggère que
cette tendance va se développer. Venu récemment
visiter le laboratoire, le patron du réseau social Mark
Zuckerberg « a dit qu’il était temps de sortir tout ça
du laboratoire et de le mettre dans le salon », selon
M. Bailenson.
Le constructeur automobile Ford a commencé à
utiliser des personnages virtuels dans son laboratoire Immersion, ce qui lui a permis de faire travailler ensemble des ingénieurs et des designers du
140
Dans les années 2020 / 2030
Des robots faciliteront notre vie
Les robots effectueront de nombreuses tâches ad-
On ne parlera plus de « bureau »
ministratives. Ils répondront au téléphone, réserve-
Si la technologie permet de travailler n’importe où,
ront des voyages, commanderont de la nourriture,
les collaborateurs n’auront plus besoin de se rendre
règleront les factures et s’occuperont de la comp-
dans un bureau traditionnel tous les jours et les
tabilité. En outre, vous pourriez posséder chez vous
entreprises n’auront plus à supporter le coût élevé
un robot tondeur de pelouse, ou un frigo qui vous
de la conservation d’aménagements immobiliers
suggère vos menus en fonction des ingrédients qu’il
du vingtième siècle. C’est déjà une réalité pour de
contient. De plus, votre voiture roulera en pilotage
nombreuses entreprises qui utilisent des espaces de
automatique avec le GPS : il vous suffira de saisir
travail flexibles : pour elles, le travail n’est déjà plus un
votre destination et de vous détendre.
lieu où l’on va mais quelque chose que l’on fait.
L’effet cumulatif ? Nous aurons beaucoup plus de
Nous n’aurons pas besoin d’écrans pour travailler
temps libre, et plus d’espace pour créer et innover.
Les chercheurs du Massachusetts Institute of
Technology ont mis au point un prototype appelé
Nos ordinateurs seront intégrés à nos vêtements
SixthSense, un équipement portatif qui transforme
La différence entre ordinateurs portables, tablettes
en ordinateur le monde qui vous entoure. Vous vou-
et mobiles sera encore plus floue. A l’avenir, vous
lez écrire un e-mail ? Projetez un clavier dans les
porterez votre appareil comme une montre-bracelet
airs et commencez la saisie. Besoin de naviguer sur
ou un collier et vous le déplierez pour passer un ap-
Internet ? Un écran apparaît et vous pouvez navi-
pel ou envoyer un e-mail. Quant aux batteries, elles
guer en effectuant de petits gestes.
seront chargées à l’énergie solaire : plus besoin de
prise électrique ! Le concept « Morph » de Nokia
Nous utiliserons tous des zettaoctets
explore déjà ces possibilités.
Dites adieu aux gigaoctets. En 2025, on prévoit que
Serons-nous plus heureux
et plus productifs ?
100 zettaoctets de données seront enregistrés dans
le monde (c’est-à-dire 100 sextillions d’octets). Ce
qui représente 36 milliards d’années de vidéo HD.
Cette nouvelle philosophie du travail n’importe où
A plus long terme
permet aux gens de choisir comment, quand et
où ils travaillent. C’est pourquoi nous serons plus
Nos collègues seront des avatars holographiques
productifs. British Telecom a constaté que les em-
Lorsque vous participerez à une téléconférence,
ployés flexibles (qui travaillent où ils le souhaitent)
votre visage ne s’affichera plus sur un écran d’ordi-
sont plus productifs de 20 % que leurs homologues
nateur, mais votre avatar 3D apparaîtra réellement
qui restent au bureau ; ils sont aussi moins souvent
dans la salle. Microsoft travaille déjà sur la techno-
en arrêt maladie et témoignent d’une plus grande
logie de téléprésence holographique qui utilise des
satisfaction au travail.
caméras infrarouges pour « créer l’hologramme 3D
d’un utilisateur distant afin de permettre des réu-
Interview Frédéric Bleuse - Au quotidien FINYEAR –
nions en face-à-face ».
septembre 2013 -
141
Kori Inkpen Quinn, du centre de recherche Micro-
mobile », observe Catherine Gall, directrice de la
soft, fait toutefois valoir que beaucoup d’employés
recherche chez Steelcase (mobilier de bureau). Et a
ne sont pas encore prêts à travailler avec des
réduit les temps de transport de ses salariés. De son
avatars.
côté, Regus expérimente des centres de télétravail
(avec bureau, WiFi, photocopieuses et machines à
« Même si je veux bien ressembler à un chat, je ne
café) à la gare du Mans et dans une station Shell, sur
suis peut-être pas à l’aise pour avoir un rendez-
l’A10, entre Paris et Bordeaux. Objectif : 400 dans
vous d’affaires avec un chat », note-t-elle.
les six ans ».
Pour Lindsey Pollak, consultante pour la société
capital.fr - Octobre 2014
d’assurance The Hartford, ces salariés d’un nouveau genre risquent aussi d’être confrontés à
davantage de stress, car ils ne se déconnectent
quasi jamais de leur travail.
Un tiers des salariés, selon un récent sondage Gallup, affirment que les employeurs attendent d’eux
qu’ils vérifient leur courriels et restent joignables bien
après leur journée de travail. « Ça devient la nouvelle
norme et ça crée un stress énorme », dit-elle.
Voici le panorama des « bureaux de demain » que
propose le magazine Capital :
« Empreinte rétinienne, logiciel de reconnaissance
faciale… Bientôt, pour entrer dans les locaux, on
subit un contrôle biométrique. D’ores et déjà, l’entreprise est de plus en plus connectée : le WiFi
commence à être accessible partout, la vidéoconférence s’impose comme l’outil de communication
numéro 1 et le marché de la communication unifiée
(téléphone fixe, mobile, applications bureautiques,
visioconférence…) aura, en 2015, dépassé les 13
milliards d’euros en Europe.
Aux Pays-Bas, les salariés de l’opérateur mobile
Vodafone peuvent travailler à trois endroits (Amsterdam, Eindhoven et Maastricht), selon l’heure à
laquelle s’est terminée leur dernière réunion ou le
lieu de leur rendez-vous du lendemain. « Vodafone
a ainsi diminué de 40% son budget location auto-
142
« L’espace de travail est un outil
de management »
SERIE D’ETE « Votre bureau demain » (2/2). Chercheur en organisation et espaces de travail,
Françoise Bronner étudie notamment le rôle de
l’espace dans les processus d’innovation, dans
la création et la transmission de connaissances,
et l’articulation entre les modes de management, les formes de communication, les NTIC et
les espaces de travail. Elle décrypte pour nous
quelques tendances.
D’un pays à l’autre, les espaces de travail
sont-ils si différents ?
Nous observons, en Europe, quatre grandes cultures :
anglo-saxonne, germanique, latine (la nôtre) et scandinave. Dans les pays anglo-saxons, l’attribution des
espaces de travail est plus égalitaire : certes, les chefs
ont plus facilement accès à ces fameux bureaux qui
occupent les angles des étages des gratte-ciels, mais
les collaborateurs peuvent eux-aussi espérer l’accès aux
fenêtres. Dans la culture scandinave, la réflexion porte
sur divers sujets : qui a besoin de quoi, cela en fonction
de ses activités et de son métier ? Par exemple, on peut
très bien être chef mais ne pas avoir de bureau attitré,
mais plutôt un bureau-salle de réunion accessible à tous
quand ce chef n’est pas là. Du coup, il est possible d’accroître le taux d’occupation des espaces de travail. Ce
qui n’est pas le cas chez nous. Ici, quel que soit l’instant
T, 45 % des bureaux sont vides. Les collaborateurs sont
soit en vacances, soit en maladie, soit en réunion, soit en
pause... Vous pouvez diminuer les surfaces de travail : si
vous revenez 6 mois plus tard, rien n’aura changé, vous
aurez toujours 45 % de bureaux vides. Les personnes
travailleront dans des tiers lieux, en mode dispersé et il
y aura moins d’échanges, d’interaction, de transfert de
connaissances et d’efficacité.
143
Y a-t-il un pays « champion du monde »
de l’espace de travail ?
et les savoirs complexes ne peut plus négliger ces
Prenons la Hollande. On n’y travaille, en moyenne,
s’est intéressé à ces sujets, tout particulièrement à
que quatre jours par semaine, et on y privilégie la
l’élaboration de stratégies, de services et d’outils de
qualité de vie et l’équilibre entre sphère privée et
diagnostic collaboratifs, qui permettent à des entre-
professionnelle. Selon la tradition du Polder Model,
prises et à des organisations d’être plus compéti-
les salariés, les pouvoirs publics, les entreprises
tives et plus performantes.
et les acteurs politiques, sociaux et économiques
Quels types d’espaces favorisent l’échange ?
environnements spécifiques. Le Dr. Kjetil Kristensen
concourent à faire évoluer les modes organisa-
J’ai identifié trois types d’espaces qui ouvrent de
tionnels et les espaces de travail. On parle sans
nouvelles perspectives ! Les espaces « physuels »
tabou de productivité, de performance et des outils
(physiques et visuels), les espaces de codesign et
à développer afin de mesurer la satisfaction des
les espaces de contemplation. Ces nouveaux envi-
employés, la productivité du travail et les coûts liés
ronnements sont tous issus d’une réflexion en pro-
aux environnements. Il ne vient à l’idée de personne
fondeur sur les activités des fameux travailleurs du
d’entasser le maximum de salariés dans le minimum
savoir. Ces derniers consacrent en effet 60 à 80 %
de mètres carrés. Organisations et entreprises, pu-
de leur temps à du travail collaboratif. Les entreprises
bliques et privées, mènent ou financent des études
leaders de secteurs à haute intensité collaborative
et des recherches avancées afin d’innover dans la
sont en moyenne neuf fois plus performantes que les
conception et l’organisation des espaces de travail.
autres. La collaboration intensive est donc une activi-
Il ne s’agit pas de sauver les meubles, de repeindre
té qui requière des environnements spécifiques. Les
les murs en orange ou de fumer des substances.
espaces « physuels » en sont un premier exemple.
Mais de remettre l’humain au cœur des préoccupations et de lui permettre de travailler dans des
Ils associent des espaces physiques, des outils de
conditions optimales. Réellement.
visualisation et des logiciels de virtualisation. Pouvoir
modéliser un problème en trois dimensions et utili-
Selon vous, le collaboratif est un levier
de performance...
ser des logiciels 3D accroît l’efficacité et la productivité des collaborateurs. Ils assimilent le contenu d’un
Tout à fait ! Mais, que font les entreprises pour
rapport en moitié moins de temps et effectuent leur
améliorer la manière dont leurs employés travaillent
travail beaucoup plus rapidement.
ensemble ? Rien… ou presque. Or les travailleurs
du savoir consacrent jusqu’à 80% de leur temps à
Qu’est-ce qu’un espace de co-design ?
des activités collaboratives qui font l’objet de peu
Ce sont des environnements de travail qui ne sont
d’organisation et de coordination. D’où les énormes
plus structurés selon les organigrammes (et le statut),
différences de performance que l’on observe entre
mais intègrent de nouveaux espaces conçus spécifi-
les bons et les mauvais élèves de la collaboration.
quement pour les modes collaboratifs et qui influent
En réalité, la collaboration est une force disruptive
également sur l’état mental des personnes qui vont y
et perturbante qui requiert des espaces physiques,
travailler. Il s’agit de créer une expérience particulière,
des processus et des équipements particuliers.
un climat de confiance et de respect, une atmos-
Aucune entreprise basée sur l’intelligence collective
phère source d’implication et d’inspiration. Il importe
144
de favoriser les échanges informels et les temps d’in-
appel à beaucoup plus de ressources du cerveau. Le
teraction spontanée, source d’innovation et d’idées
bénéfice d’un instant de rêverie au travail sera donc à
nouvelles. Ces espaces de codesign permettent de
la fois quantitatif et qualitatif, car le collaborateur ayant
passer instantanément d’un mode de travail indi-
déconnecté reviendra des limbes oniriques avec plus
viduel à un mode de travail collectif. Ils offrent une
de ressources cérébrales activées, plus créatif, plus
variété de zones pouvant accueillir différents modes
inspiré et capable de concevoir des solutions avan-
de travail (se concentrer, se détendre, se ressourcer,
cées. Les espaces de contemplation ne sont pas de
rechercher des informations, échanger informelle-
simples espaces de détente : au même titre que les
ment). De larges surfaces d’affichage permettent par
espaces « physuels » et les espaces de codesign,
exemple de stimuler la production d’idées et de faci-
ce sont des ressources dans l’atteinte des objectifs
liter la construction d’une vision partagée.
organisationnels de toute entreprise. Bienvenue dans
Qu’est-ce qu’un espace de contemplation ?
de nouveaux espaces ouverts et prometteurs !
Les espaces de contemplation ont vocation à créer
Julie Le Bolzer – Les Echos.fr – 18 août 2014
des conditions sensorielles, émotionnelles et cognitives particulières. Ils se caractérisent par une hauteur
sous plafond importante et une perspective aussi
large que possible sur un paysage urbain ou naturel.
Leur architecture d’intérieur, les couleurs, matériaux,
finitions et mobiliers sont conçus pour créer l’étonnement et la surprise. Ces espaces suscitent ainsi un
décadrage émotionnel et sensoriel, une stimulation
« expérientielle » bienvenue, qui est un préalable à
la génération de nouvelles idées et à la créativité. Ils
invitent à la rêverie, dont on sait aujourd’hui que cet
état stimule et accentue l’activité du cerveau. Selon le
Professeur Kalina Christoff, directrice du laboratoire
de neurologie de la très sérieuse université de Colombie Britannique, les personnes qui rêvent éveillées
activent en fait de nombreuses zones du cerveau et
notamment celles associées à la résolution de problèmes complexes.
La contemplation a-t-elle sa place
dans l’entreprise ?
Certainement ! L’étude du Professeur Kalina Christoff démontre que lorsqu’on rêvasse, l’activité cérébrale est supérieure à celle que l’on a lorsque l’on se
concentre sur une tâche spécifique et lorsque l’on fait
145
Le constat et le projet de MICROSOFT
« Nous sommes dans un monde plus global
où 3 milliards de personnes ont un terminal
connecté à Internet, où plus de 200 milliards
de capteurs et de terminaux seront en circulation en 2020.
S’il n’y a pas le cloud – l’informatique à distance – il n’y aura pas d’expérience globale
possible.
C’est une opportunité extraordinaire. Nous
sommes l’entreprise et l’écosystème qui
vont bâtir la productivité et les plates-formes
pour ce monde du « mobil first, cloud first ».
Nous allons permettre à chacun et à chaque
organisation de la planète de faire plus,
d’accomplir d’avantage. C’est notre mission,
c’est dans notre âme, c’est ce que nous
allons faire… »
SATYA NADELLE
Directeur Général de Microsoft 16 juillet 2014
146
b) ET EN FRANCE, COMMENT PRéPARE-T-ON 2030 ?
et la loi de Moore, selon laquelle la puissance de
Avant d’évoquer ce chantier immense, il faut tenter
calcul des circuits double tous les dix-huit mois,
de décrire ce que peut être la France dans 15 ans.
serait en voie d’épuisement. Les économies avan-
Voici ce que nous disent les experts consultés à
cées, qui sont par ailleurs confrontées à des défis
l’été 2014 :
démographiques et macroéconomiques, devraient
donc se préparer à une croissance du PIB par tête
Parmi les travaux les plus récents figure le rapport
très ralentie, sans doute inférieure à 1% par an.
des équipes de France Stratégie (Commissariat
Général à la Stratégie et à la Prospective) conduit
Pour d’autres au contraire, nous vivons un boule-
par Jean Pisani-Ferry et publié en juin dernier. Ce
versement qui va aller en s’amplifiant : les progrès
rapport titré : « Quelle France dans 10 ans ? » est le
continus de la puissance de calcul, l’innovation par
fruit de recherches et d’enquêtes menées dans tout
recombinaison et la connectivité généralisée nous
le pays autour de trois grandes questions :
promettraient un nouvel âge de la productivité.
A l’horizon de dix ans, les métiers de la finance
• Quels buts la France peut-elle rêver d’atteindre ?
ou de la médecine, pour ne prendre que deux
• Quelles priorités doit-elle se fixer ?
exemples, devraient être profondément transfor-
• Quels moyens doit-elle se donner ?
més par les progrès de l’intelligence artificielle. Il en
irait de même des services publics Ces mutations
Ces trois questions sont déterminantes pour imagi-
seraient globalement facteurs d’accélération de la
ner ce que sera la mobilité durable en 2030.
croissance et de prospérité. Il faudrait cependant
« Nous vivons actuellement un paradoxe écono-
prendre garde aux effets sociaux de ces avan-
mique : les mutations techniques sont intenses, or
cées : comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis,
le progrès technique tel que le mesurent les statis-
elles bénéficieraient de manière disproportionnée
tiques est plus lent qu’il ne l’a jamais été au cours
aux salariés les plus qualifiés et aux innovateurs.
des dernières décennies. En 2013 par exemple,
Les emplois les moins qualifiés – essentiellement
la productivité horaire du travail au Royaume-Uni
manuels, ou de service à la personne – seraient
a été inférieure à son niveau de 2007, et dans le
préservés, mais les emplois intermédiaires à ca-
reste de l’Europe elle lui était à peine supérieure.
ractère routinier, eux, seraient fortement pénalisés.
Vie quotidienne et macroéconomie nous renvoient
A niveaux de formation analogues, les individus
deux images contradictoires.
les plus créatifs verraient leur productivité et leur
revenu décupler. En résulterait une forte polarisa-
Pour certains, nous sommes victimes d’une illusion :
tion du marché du travail, facteur de délitement de
smartphones et autres gadgets transforment notre
la classe moyenne et d’inégalités, tant entre caté-
vie quotidienne, mais l’impact sur l’efficacité produc-
gories sociales qu’entre individus au sein d’une
tive des technologies de l’information est moindre
même catégorie.
qu’il n’y paraît. Les grandes inventions du passé
- l’électricité, l’automobile, l’ordinateur - étaient en
Macroéconomiquement, il est aujourd’hui difficile
fait d’une plus grande ampleur. La miniaturisation
de trancher entre ces deux perspectives. La pre-
des composants électroniques atteindrait ses limites
mière s’inscrit dans le prolongement des tendances
147
récentes, notamment en Europe, dont elle tente de rendre
compte. La prudence oblige à lui donner du poids, ne serait-ce
que pour éviter de gager l’équilibre futur de la protection sociale
et des finances publiques sur des anticipations économiques
par trop favorables. C’est d’ailleurs ce que font la plupart des
organisations internationales, qui retiennent pour les économies
européennes l’hypothèse d’une croissance durablement ralentie. La seconde perspective a pour elle d’être plus en phase
avec le vécu des entreprises et de tous ceux qui sont au contact
direct des mutations techniques. Il ne faut pas y voir de la futurologie mais au contraire la prendre au sérieux, sur le plan macroéconomique mais aussi pour ses conséquences sociales. Elle
invite à intensifier les efforts de formation initiale, et surtout à
repenser la formation professionnelle pour en faire enfin, et avec
le concours de la technologie, un instrument efficace de l’égalité
des possibles à tous les âges de la vie. Plus que jamais en effet,
l’inégalité au cours des décennies à venir résultera d’une course
de vitesse entre éducation et technologie.
Pour les responsables publics, cette ambivalence des perspectives ne sera pas facile à gérer. Il leur faut aujourd’hui envisager à la fois la possibilité d’une quasi-stagnation et l’éventualité
d’un bouleversement technologique. Ils doivent se préparer à
faire face à l’une comme à l’autre de ces perspectives. » Quelle
France dans 10 ans ? » - Jean Pisany-Ferry - Ed Fayard - juin 2014
Dans ce contexte, il est clair, aux yeux des experts, que les grandes
questions de mobilité concerneront avant tout les métropoles car
c’est là que se développe d’abord la croissance économique.
« Entre 2000 et 2010, le PIB des métropoles françaises a évolué
au rythme annuel moyen de 1,6% contre à peine 1,1% pour la
moyenne nationale. En 2010 les métropoles françaises représentaient plus de 50% du PIB national ». (Source : base de données
Métropoles et Régions - OCDE).
Le mouvement va se poursuivre et implique l’organisation de
mobilités intra régionales tout en gardant à l’esprit que le Grand
Paris est considéré comme un facteur d’entraînement majeur
pour l’ensemble du pays.
148
RéINVENTER L’ENTREPRISE
Ce que recouvre cette appellation générique de
Le rapport de France Stratégie s’attarde longuement
big data défie l’entendement. Le sens commun ne
sur les mutations qui vont conduire à repenser totale-
peut concevoir l’accélération de la production de
ment les rôles au sein de l’entreprise.
données : les quantités sont de si grands nombres
qu’il devient vain de chercher même à se les repré-
« Chacun peut le constater aujourd’hui : le modèle de
senter. On peut à peine en donner une idée : entre
l’entreprise hiérarchique avec des fonctionnements
2010 et 2020, la multiplication des informations
en silo a vécu. On va vers des changements pro-
sera sans doute dans un rapport de 1 à 40 ; et
fonds dans la gouvernance. Trois grandes raisons y
90% des données existantes ont été produites au
conduisent :
cours des deux dernières années…
• L’élévation continue du niveau de formation des inL’une des origines de cette démultiplication peut être
dividus qui donne au capital humain un rôle central,
trouvée dans les technologies de l’information et leur
• L’évolution des technologies numériques qui vont
usage exponentiel ; Twitter à lui seul engendre une
donner un rôle plus important à la connaissance,
production de 7 téraoctets de données quotidiennes,
aux initiatives et à la créativité des salariés,
Facebook, 10. Pour mémoire, 1 téraoctet est égal à
• L’aspiration sociétale, chez les jeunes notamment,
1 000 milliards de milliards de données, pétaoctets,
à plus d’autonomie et d’épanouissement dans le
exaoctets, zettaoctets (1024 octets), etc.
travail.
Ces données en nombre gigantesque concernent
Ces grandes tendances rejoignent les constats éta-
des applications rivalisant toutes dans le traitement
blis et les aspirations manifestées à l’occasion des
de volumes faramineux d’informations, dans des
ateliers organisés par OpinionWay.
domaines aussi variés que la finance, le commerce,
S’y ajoute la grande question du « Big Data » qui
l’industrie, les loisirs, la vidéo, la musique, les opé-
conditionne la révolution numérique.
rations militaires, et surtout, loin devant les autres,
les installations scientifiques. Un projet comme celui
Définition et explication de l’économiste Philippe
du radiotélescope géant appelé Square Kilometre
Dessertine :
Array produira, à lui seul, l’équivalent de cinq fois le
Le big data
volume de tout le Facebook mondial.
« La révolution numérique a quitté son terrain d’ori-
L’enjeu est bien de dépasser les limites du cerveau
gine. Elle est encore associée aux ordinateurs, aux
humain, et même de la totalité des cerveaux humains
smartphones, aux caméras, à Internet. Mais elle va
vivants, d’en démultiplier la puissance, la rapidité, la
conquérir la production, les usines, les champs et
capacité d’analyse. Le rassemblement des équipes
l’agriculture. Entre autres.
les plus brillantes, des savants les mieux formés, tous
Cette histoire-là a commencé par des mots étranges :
plus doués les uns que les autres, n’est rien auprès
big data (« données massives »). C’est le grand jeu,
des capacités vertigineuses de ces outils de gestion
l’entrée dans un autre univers, la vague suivante,
de données qui sont créés à partir de processeurs
celle qui submerge les constructions précédentes.
miniaturisés.
149
Leur philosophie dite tridimensionnelle repose sur les
3 V : volume, vélocité et variété. Ces outils permettront eux-mêmes d’inventer ceux qui les remplaceront
dans une sorte de tourbillon où les prévisions, les projections seront sans cesse revues, au gré de l’accroissement encore plus imprévisible des régénérescences
technologiques.
Gordon Moore, l’un des fondateurs de la marque Intel,
prédisait que le nombre de transistors sur une même
puce doublerait tous les deux ans. C’était en 1975, et
depuis lors la « loi de Moore » s’est toujours vérifiée.
En ce début de XXIe siècle, les récits de science-fiction des auteurs les plus inspirés sont déjà loin derrière
la réalité. Ni les artistes ni les écrivains ne parviennent
à représenter la dimension nouvelle dans laquelle entre
l’espèce humaine. Quant au grand public, aux journalistes, aux politiques, ils en sont déconnectés à un
point tel que c’en est devenu le cœur du problème.
La science est si loin de ce qu’en connaît une personne
normale qu’elle ressemble à un continent chimérique.
Cet éloignement est dangereux, il produit du pessimisme, un sentiment d’impuissance. L’ignorance peut
coûter cher.
Mais comment peut-on être pessimiste quand se profilent
ces applications géniales, au sens propre ? Comment
imaginer de rompre cette collaboration de toute l’humanité ? Oui, l’ancien monde se confrontait à d’inquiétantes
limites physiques, oui, sa consommation énergétique,
son mode de fonctionnement semblaient conduire au
chaos. Mais les solutions sont à portée de main.
Pourvu que les belles âmes ne se trompent pas
d’époques. »
Philippe Dessertine - « En tout espoir de cause » - Ed :
Anne Carrière - 2014
150
COMMENT GéRER LES DONNéES NUMéRIQUES
EN 2030 ?
glementaire pour concilier compétitivité et capacité
Le rapport de la Commission Innovation 2030 pré-
vie privée…].
d’innovation des entreprises avec le respect de la
sidée par Anne Lauvergeon identifie les besoins et
La commission Lauvergeon rappelle que la France
les attentes qui conduisent à proposer 7 « grandes
abrite plusieurs sociétés de niveau international,
ambitions » technologiques et industrielles pour la
notamment dans le domaine de l’Internet des objets
France dans 15 ans. Parmi ces ambitions, le stoc-
(Withings, Sigfox, Parrot…).
kage de l’énergie, le recyclage, la médecine individualisée et, ce qui nous concerne ici directement :
Plusieurs grands groupes sont leaders de soussegments (Dassault Systèmes, Gemalto, Ingenico,
« La valorisation des données informatiques mas-
Morphosytèmes,…). Un écosystème dynamique de
sives (Big Data) »
start-up existe ainsi en France autour de ce sujet.
Voici pourquoi :
Des pôles de compétitivité du domaine des TIC, qui
Mc Kinsey estime qu’en 2025, les Big Data repré-
favorisent les coopérations publiques privées, tels
senteront 5 000 milliards de dollars par an. Les ap-
que Systematic, Cap Digital, Images & réseaux ou
plications seront multiples et concerneront tous les
Solutions communicantes sécurisées, sont un outil
domaines industriels. La valeur ajoutée française
de concentration de cet écosystème.
de cette filière est estimée à 4,8 Mds € en 2010
Le statut de jeune entreprise innovante est particu-
avec une croissance d’environ 7% par an, mais
lièrement pertinent pour ce domaine.
avec un impact bien supérieur sur tous les secteurs économiques, et notamment par la « mar-
Du coup la commission formule quelques proposi-
chandisation » progressive de bases de données
tions qui sont autant de leviers d’action pour 2030 :
(Massive Open Online Courses, par exemple).
Ouvrir les données publiques, rendues anoCette évolution technologique rencontre des ten-
nymes, pour favoriser la création de start-up
dances sociétales de fond. Le citoyen consomma-
et créer des écosystèmes en France par la
teur souhaite avoir accès à de plus en plus d’in-
valorisation de certains usages à des fins
formations pour décider par lui-même. Il demande
commerciales.
également, de plus en plus, une information person-
Cette mesure, déjà adoptée notamment en Grande-
nalisée, c’est-à-dire adaptée à son cas précis.
Bretagne sous le terme d’« Open Data », est gratuite
L’information extraite doit donc être individualisée
pour l’État et peut permettre une meilleure connais-
pour répondre à un besoin précis : traiter ses mala-
sance des marchés par les entreprises. Tous les
dies en fonction de son génome et de ses habitudes
secteurs et toutes les infrastructures sont concer-
de vie, apprendre selon son profil et ses ambitions,
nés : santé, énergie, transport….
définir son profil de risque personnel, etc. De telles
offres doivent également scrupuleusement respec-
Faire changer d’échelle les entreprises fran-
ter la vie privée des individus. L’enjeu est donc non
çaises en lançant des défis de valorisation de
seulement technologique mais aussi législatif et ré-
stocks de données massives.
151
La France, par sa tradition centralisée, dispose de
réduire le time-to-market des « jeunes pousses »,
stocks de données de dimension très importante
maximalisant leurs chances de devenir des leaders
(INSEE, données administratives, sécurité sociale,
mondiaux.
etc.). Il s’agit de lancer des programmes de valorisa-
Il s’agirait de mettre à la disposition des acteurs inno-
tion par licence de cinq « stocks » de données mas-
vants des outils logiciels, des méthodes statistiques
sives dont l’analyse pourra apporter une plus-value à
ou mathématiques, des jeux de données massives
l’ensemble de notre société : Pôle emploi, la Sécurité
ou des infrastructures de calcul massivement distri-
sociale, l’éducation nationale et enseignement supé-
buées, permettant de mettre au point très rapidement
rieur ainsi que les aides à la valorisation du patrimoine
de nouveaux usages fondés sur les technologies du
touristique. D’autres défis de valorisation comme la
Big Data. Ce centre de ressources technologiques
gestion intelligente de l’énergie peuvent également
serait ouvert à tous (start-up comme grand groupes)
être envisagés par les pouvoirs publics en lien avec le
et chacun pourrait y contribuer...]
monde économique.
Rapport de la Commission Innovation 2030 présidée
Par leur masse, l’exploitation de ces données repré-
par Anne Lauvergeon - Octobre 2013 - elysée.fr
sente un objectif essentiel pour les entreprises participantes et constitue une référence de valeur. Par
Il s’agit là de recommandations qui n’occultent
ailleurs, cette valorisation des données publiques
pas, pour autant, les handicaps français en matière
permettra de renforcer l’efficacité de l’action pu-
d’innovation (fiscalité, contraintes règlementaires…).
Chacun se dit qu’après avoir raté les smartphones
blique par l’exploitation « intelligente » des données
ou les tablettes numériques, la France doit impé-
considérables dont dispose l’administration et la
rativement réagir et valoriser son énorme potentiel
découverte de nouvelles possibilités d’analyse.
sur le long terme. Bien au-delà des alternances
Ponctuellement, l’intervention de l’État pourra aussi
politiques…
se concrétiser par le soutien au développement des
start-up du domaine, souvent très consommateur
de capital dans les premières phases.
Il importe également de favoriser les start-up qui
créent et accumulent des données en propre. Ces
entreprises auront en effet un avantage compétitif
décisif sur le marché et capteront une part essentielle
de la valeur.
Créer un centre de ressources technologiques.
Un « centre de ressources technologiques » dédié
pourrait contribuer à abaisser considérablement
la barrière à l’entrée que constitue la maîtrise des
technologies très complexes du Big Data, et ainsi
152
3ème ATELIER MOBILITÉ DURABLE
> Loraine Drevon (GreenOn)
Le dernier atelier créatif « Mobilité Durable » organisé
> Marie-Xavière Wauquiez (consultante
indépendante)
pour nourrir ce Livre Blanc s’est tenu le 4 septembre
2014 à Paris.
Le premier grand thème portait sur le diagnostic
Il avait pour objectif de cerner la vision des chefs
posé en 2014 sur ce qu’est la mobilité aujourd’hui :
d’entreprises et d’identifier leurs scénarii de dévelop-
du positif au négatif…
pement à l’horizon 2030.
DES POINTS DE RÉUSSITE NOMBREUX
EN TERMES DE DEPLACEMENT
Voici quelques éléments de méthodologie définis
par OpinionWay :
Transports en commun
Périmètre du projet :
Covoiturage (Blablacar)
Direction et solutions à mettre en œuvre par les
Gestion flotte évolutive & personnalisable :
entreprises (sans qu’il y ait besoin de faire interve-
• Nouveaux modes (vélib, autolib)
nir les pouvoirs publics, les transports publics, un
• Souplesse (possibilité de choisir son moyen
encadrement légal et juridique,…)
et type de transport selon ses besoins
Critères de construction des scénarii :
professionnels et familiaux)
> Motivants et ambitieux (changer, favoriser
• Politique de soutien financier élargie :
la mobilité durable)
indemnités km achat vélo, prise en charge
> Duplicables : applicables dans différentes
des forfaits Vélib, budgets mobilité
tailles d’entreprises et dans différents
Actions environnementales coup de poing
contextes urbains
(ex: plaques de voiture paires/impaires)
> Probables et réalistes : idées innovantes
Les technologies qui augmentent la fluidité
et réalisables dans l’entreprise
des parcours : Pass Navigo, applications
Méthodologie :
EN TERMES D’ORGANISATION DU TRAVAIL
Un atelier d’échange et de prospective d’une demijournée à Paris chez Regus Paris.
> Horaires variables
Participants : 6 managers et décideurs
> Les moyens techniques (du télétravail)
en entreprise
• Web et outils technologiques
> Sébastien Grellier (Toyota)
• E-Learning
> Charles Poretz (Cyclez)
• Web conférence
> Frédéric Bedin (PublicSystème Hopscotch)
> Politique de recrutement (en fonction
> Luc Raffestin (Schneider Electric)
de la proximité géographique)
> Valérie Paradis (Athlon)
> Bureaux et espaces partagés
153
MAIS DES DIFFICULTéS ET POINTS D’ACHOPPEMENT
Au plan des déplacements :
la place de la voiture dans l’entreprise
Un tiraillement entre voiture (objet de confort et/ou
nécessaire pour la fonction) vs objet de statut. Les
entreprises doivent réinventer la notion de voiturestatut, avec par exemple le chauffeur partagé.
Au plan de l’organisation du travail :
l’organisation !
La gestion fluide des process de travail (entre les
rythmes et impératifs des présents physiques et des
présents virtuels) en termes:
• D’efficacité
• Tout autant que de relationnel (la liberté
des uns s’arrête à celle des autres)
• … Et de confiance (« qu’est-ce que vous
faites pendant les calls ? »)
Au plan du développement et du changement
d’échelle (de la mobilité durable) :
le fonctionnement (encore) en silo des acteurs
Pour garantir un développement durable de la
mobilité, Il faut dépasser l’étanchéité des acteurs
et des modes (trop prégnants encore aujourd’hui),
que ce soit entre le public et le privé comme
entre les entreprises elles-mêmes. Les opportunités sont immenses. Elles doivent être saisies par
tous les acteurs, à commencer par les entreprises…
Une vision unanimement positive
et pragmatique
• Une opportunite économique …
Un fantastique réservoir de croissance : la création
de nouveaux services
154
• …Et une révolution sociétale
•V
aloriser :
sur laquelle (il faut) surfer
les personnes et les initiatives : ex : employé
du mois mobile, bonus quand on utilise les
• La mobilité durable est indissociable
modes alternatifs, les primes hybrides
de la révolution sociétale du 21ème siècle :
•C
hanger les RH : des contrats de travail à
« l’individu réseau »
adapter (porosité des frontières pro et perso)
• La génération Y et les milleniums forcent les
acteurs économiques à repenser leurs modèles
Les tendances émergentes définies au cours de
et leurs blocages (corporatisme). Ex : Blablacar
cet atelier font une large place au vélo… solution
pour se déplacer de vallée en vallée dans les
souvent plébiscitée dans les centres villes sur des
Alpes du fait des blocages et fonctionnement
trajets relativement courts pour des raisons de
en silo des acteurs locaux.
protection des intempéries et de sécurité…une
solution parmi beaucoup d’autres….
Nécessité pour les entreprises d’intégrer les
LES INITIATIVES ET EXPERIMENTATIONS INTERNES
AUX ENTREPRISES
modes de fonctionnement et les valeurs des
réseaux sociaux.
> Les initiatives « pas à pas » pour expérimenter
La nécessité d’un accompagnement
les nouveaux modes de mobilité comme
volontariste
par exemple : l’opération « 1 jour par semaine
Nécessité de faire de la “conduite du change-
en vélo »
ment” pour favoriser l’adoption de la mobilité du-
> Flotte de vélos électriques dans les entre-
rable et casser les barrières des habitudes
prises
= mettre en place un contexte / des conditions
> Les solutions « dernier km » : ex : voitures
favorables
en gare SNCF
• Imposer par petits pas :
> Les bus cyclistes (pour rassurer, casser
ex. le 1/5ème généralisé sur un mois (1 J/5 :
les barrières) qui répondent à l’enjeu
pas de voiture ; 1 Jour/5 : bus cyclistes)
de sécurité et convivialité.
• Informer :
des comptoirs de mobilité en entreprises
• Rassurer :
sur la sécurité : Vélo ++ : Ex appli pour les routes
qui sont sûres, les initiatives sécurisées : co-cycling, bus cyclistes)
• Faciliter :
les procédures de réservation / d’abonnement,
les modalités de paiement (évaluation des
coûts de déplacement selon les flux)
155
LES BIG DATA ET L’INTERNET DES OBJETS
• Services bien-être : massages
Pour faciliter fluidité et intermodalité des modes
• Rentabilisation des modes et espaces
immobilisés (pour la voiture : mes courses
FOCUS SUR LE VELO
dans mon coffre + livraison en parking relais)
• Attention au sur-investissement du vélo pour
• Micros réseaux sociaux au sein des clusters
des raisons d’image/ communication vs déve-
(= mode de transport x temps passé) (cf.
loppement de modes réellement au service des
Exemple « Fête des voisins dans un TGV »)
clients et salariés
LA RENTABILITE DES POINTS DE TRANSITION
Quelques pistes à l’horizon 2030, où l’on mesure
• Le point de stationnement : mise à disposition
encore l’importance des innovations technolo-
d’une place pour plusieurs clients (aux besoins
giques prévisibles ou espérées…
et créneaux horaires différents)
LES NOUVEAUX SERVICES PUBLICS ou la
• Les moyens de déplacement : livraison
mobilité revue par la génération Y
dans les coffres de voitures garées
• Les cartes d’abonnements :
En 2030, il y aura des services publics,qui ne seront
- Intermodaux, tickets de parking valables
plus assurés par l’Etat mais par des particuliers ou
dans le métro
des communautés de particuliers.
- Incitatifs sur les modes alternatifs
L’OPEN MOBILITE
(ex : parking moins cher pour les vélos
La mobilité de demain sera une mobilité décloison-
électriques ou si utilisé par plusieurs
née (= le moyen de donner de la fluidité extensive) où
personnes dans 1 journée)
seront tombées les barrières :
• Au niveau des entreprises : Blabla Office :
partage des bureaux entre les entreprises
(10% de son parc ouvert à d’autres
entreprises et vice et versa)
• Au niveau des flux : Open data généralisé
entre tous les acteurs (TC, chauffeurs
privés et taxis, individus)
• Au niveau des supports : pass universel
(entreprises et TC) dans une vision 100%
usage (et non gestion de modes de paiement)
LA MOBILITE POSITIVE
= redonner de la valeur au déplacement : bien-être,
utile ou social
156
AMBITION
LES SCÉNARIOS DU FUTUR
Équipe 1
Équipe 2
Équipe 3
Accompagner le changement,
casser les habitudes
Mobilité positive, créatrice de valeur
économique, qualité de vie, de lien
social et respectueuse de l’environnement.
La mobilité augmentée :
1. Multi-modale
2. Centrée sur l’usage
3. Créatrice de valeurs
CONDITIONS DE SUCCES
SOLUTIONS CONCRETES
• Budget mobilité
• Plateforme unique d’information, de
gestion et de suivi : plateforme open
data sur mobile
• Panoplie de services associés
• Applications centralisées pour faciliter
l’ergonomie pour le client) et le
pilotage (pour l’entreprise)
• Un seul ticket pour tout
• KPI et retours d’expérience
(test&learn)
• Accompagnement quotidien
et test & learn
• Infrastructures adaptées
• Télétravail
• Plateformes de mobilité : abonnement
à des services de mobilité très larges
• Dialogues inter-entreprises (norme
& mises en commun de ressources)
• Expérimenter
• Intermodalité/fluidité : cognitive,
physique, économique
•D
isposer d’indicateurs pour piloter :
ROI & KPI financiers, DD et humains
• Conseiller
• Concertation interne avec salariés,
bâtir la solution depuis le bas.
LES CONVICTIONS
Un rôle clé à jouer par l’entreprise, un acteur de changement
Nécessité de concevoir la mobilité durable positivement et comme source de création de valeur (vs comme
une contrainte)
Un rôle clé de data
Nécessité d’intégrer les nouvelles technologies et surtout les (big et open) data au service de la fluidité et de
la personnalisation des déplacements et gestion du travail.
3 conditions de succès : expérimentation, accompagnement et décloisonnement
Pour le Club de la Mobilité Durable, passer du diagnostic (think tank) à l’action /développement
de projets pilotes (action tank).
157
Toutes les technologies nouvelles et futures vont
caractère absolu de limite indépassable. L’accé-
permettre de fluidifier considérablement nos
lération semble sans limites ; les dernières puces
déplacements. Le numérique et les réseaux de
numériques étaient inimaginables il y a deux ans ;
communication entraîneront la limitation des tra-
il est plus que probable qu’elles seront obsolètes
jets quotidiens domicile-travail.
à peine commercialisées. En réalité, quand elles
arrivent sur le marché, leurs remplaçantes sont
Peut-on pour autant, comme le souhaite l’écono-
déjà en phase de réalisation opérationnelle. Le
miste Philippe Dessertine, « décréter le principe
chambardement de tous les repères est la logique
du non-déplacement de toute personne réalisant
récurrente des spécialistes de ces technologies au
l’essentiel de son travail devant un téléphone ou un
cœur de nos vies. On les retrouve dans nos véhi-
ordinateur » ? (En tout espoir de cause » - Philippe
cules, dans nos réfrigérateurs, comme dans les
Dessertine – Ed. Anne Carrière – 2014 ).
jouets bon marché.
C’est un pari qui dépend autant de la volonté des
Si les humains du XXIe siècle acceptent de réflé-
managers que des souhaits de leurs équipes.
chir un instant aux conséquences des innovations
Aujourd’hui on en est loin, mais le développement
qu’ils voient se développer sous leurs yeux, ils
spectaculaire du mode de fonctionnement en ré-
peuvent aller jusqu’à « faire tapis », comme on dit
seau pousse bon nombre d’entreprises dans cette
au poker, ce jeu ayant les faveurs de la jeunesse
direction, même si la fin des transports quotidiens
contemporaine cherchant le frisson de la ruine,
pour tous relève de l’utopie.
ou celui de la fortune rapide. « Faire tapis », ce
Sur fond de « big data », Philippe Dessertine se veut
serait tout jeter à bas : les villes dans lesquelles
résolument optimiste :
nous habitons, les conditions dans lesquelles nous
travaillons, une grande partie des emplois pour les-
« Les méninges des gamins du XXIe siècle ne se
quels nous sommes formés, une part plus grande
développent plus comme celles de leurs aînés…
encore des objets que nous consommons, que
d’il y a quinze ou vingt ans. Ce sont des mutants,
nous avons désirés mais qui soudain sont devenus
au sens propre !
brocantes surannées.
Le recours aux outils du numérique dès le plus
« Management agile », telle est la dénomination de la
jeune âge modifie le développement des différents
gestion innovante des entreprises ressemblant aux
lobes du cerveau, transforme la mémoire, change
jeunes du nouveau millénaire, celles qui montent au
les séquences de l’évolution de la personnalité. Les
firmament des marchés boursiers. On y vient par
vieux n’y entendent rien. Le monde nouveau sera
plaisir, on y travaille comme on y consacrerait ses
d’abord celui de ces générations-là, de celles qui
loisirs. La banque Goldman Sachs à New York,
couvent sous les projecteurs géants d’Internet et de
construisant son nouveau site sur Ground Zero, les
la 2.0 stimulation. Et encore, nous n’avons rien vu…
ruines du siècle passé, cherche à imiter les locaux
Les technologies évoluent à chaque seconde,
de Google. Même la finance s’y met… Pas le choix,
repoussant les frontières un peu comme si, tous
si elle veut capter les individus brillants pour qui les
les dix ans, la vitesse de la lumière perdait son
bonus ne sont plus l’unique finalité.
158
Pour l’exercice, essayons-nous à celui du coup de
Que dit ce scénario noir ? En gros, que les progrès
balai, sorte d’onde atomique, d’explosion générale,
technologiques et les gains de productivité sont
en déclinant certaines des conséquences de cette
beaucoup plus faibles que prévu.
nouvelle organisation, si d’aventure l’espèce hu-
Le quotidien « Le Monde », daté du 2 septembre
maine se décidait à vraiment tirer les conséquences de
2014, expliquait, sous la plume de Claire Guélaud,
l’état de ses connaissances actuelles. Supprimés :
pourquoi le manque d’innovation menace désor-
l’empilage dans les gratte-ciel, la définition même
mais la croissance et donc, très directement, l’ave-
de l’espace urbain généralisé aujourd’hui à la totalité
nir de la mobilité durable.
de la planète, les autoroutes, les réseaux de transport quotidiens, les hypermarchés, l’ensemble des
métiers tournant autour du déplacement des personnes ; les hiérarchies des objectifs ; les questions
de l’énergie, de la construction, de l’équipement.
On compare ? Quand le moteur est arrivé dans les
campagnes au début du XXe siècle, cela a été la fin
de la force animale pour les travaux des champs et
les transports de biens, la fin de tous les métiers qui
s’y rattachaient ; et aussi l’augmentation de la taille
des exploitations, le moins grand nombre de personnes employées, les destinées autrefois écrites
des enfants qui, du jour au lendemain, se sont retrouvées changées du tout au tout. Nous trouvions
pourtant émouvant de lire les Lettres de mon moulin, de regarder des films de Pagnol, d’observer des
photos de Jacques Henri Lartigue…
Eh bien, la même chose nous attend, à la puissance
10, à la puissance 100. »
Qui ne souscrirait au scientisme euphorique de Philippe Dessertine ? Qui n’a pas envie de croire que
les nouvelles technologies auront réglé ou considérablement amélioré, en 2030, les grandes problématiques du travail et des déplacements ?
Cet optimisme s’est trouvé sérieusement tempéré,
à l’automne 2014, par les conclusions du rapport
que le Conseil d’Analyse Economique (CAE) a remis
au premier Ministre Manuel Valls.
159
Un faible effet de l'ordinateur et de l'Internet sur la productivité du travail
HAUSSE ANNUELLE MOYENNE DE LA PRODUCTIVITÉ DE L'HEURE DE TRAVAIL DEPUIS 1891, EN %
Etats-Unis
Zone euro
Japon
8
L'essor du machinisme, facilité
par une énergie abondante
et peu chère (le pétrole),
entraîne un choc de productivité
précoce aux Etats-Unis et qui
culminera au Japon avec des
hausses annuelles de 7,5 %.
7
6
5
La révolution des technologies
de l'information et de la
communication n'a pas
produit d'effet massif sur
la productivité du travail.
Seule l'Amérique a fait
un bond productif pendant
les années 1980 et 1990.
4
3
2
1
0
1891 1900
1910
1920
1930
1940
1950
1960
1970
1980
1990
2000
2012
Source : Gilbert CETTE
160
UNE PRODUCTIVITÉ DE 0,7 % PAR AN
« Les controverses sur le progrès technique ne datent
pas d’hier. Elles sont aussi anciennes que l’écono-
Quelques chiffres, empruntés à un récent travail
mie. Mais elles se sont ravivées ces dernières années
de Natixis, donnent la mesure du phénomène.
car le ralentissement des gains de productivité est tel,
Sauf aux Etats-Unis, la productivité du travail, que
depuis un demi-siècle, que l’on peut se demander si
ce soit la productivité par tête ou la productivité
le progrès technique est menacé d’épuisement.
horaire, décline depuis le milieu des années 1960.
Pour les économistes, qui en débattent, comme
A cette époque, elle augmentait de plus de 3,5 %
pour les responsables politiques, souvent portés à
par an en Allemagne, en France et en Espagne,
se mettre la tête dans le sable, toute la question est
elle ne progresse plus actuellement que de 0,71 %
de savoir s’il y aura – ou non – une nouvelle grande
dans ces deux premiers pays et de 0,62 % en
vague d’innovations technologiques susceptibles
Espagne. Seule la première économie mondiale
de redresser la croissance dans les prochaines
tire son épingle du jeu. Les gains de productivité
années. L’avenir ne s’écrira pas de la même façon
y ont augmenté, passant de + 1,56 % par an dans
selon la réponse.
les années 1960-1970, à + 2,09 % par an depuis
2000, à la faveur de la vague des technologies de
Le CAE a jugé le sujet suffisamment sérieux pour
l’information et de la communication.
y consacrer son prochain rapport. Sobrement
intitulé « Croissance potentielle », ce document a
LE PIRE N’EST PAS CERTAIN
été rédigé par trois auteurs : Patrick Artus, chef
économiste de Natixis, Cecilia Garcia-Penalosa,
Le scénario d’une croissance potentielle durable-
chercheur à l’université d’Aix-Marseille et au CNRS,
ment faible n’est toutefois pas le plus sûr. Certains
spécialiste des questions d’inégalités et de marché
biais peuvent être corrigés, qui devraient conduire
à revoir la progression du produit intérieur brut
du travail, et Pierre Mohnen, professeur à l’univer-
(PIB) à la hausse.
sité de Maastricht et spécialiste de l’innovation et
de la R & D.
Les statisticiens, par exemple, admettent aisément
qu’ils sous-estiment le PIB faute de savoir mesurer
« Nous sommes à la fin d’un cycle de vingt-cinq
la qualité des services procurés par les nouvelles
ans lié à la diffusion des technologies de l’informa-
technologies. Ils s’y emploient, notamment à l’In-
tion et de la communication (TIC).
see, mais ce travail prendra vraisemblablement du
temps.
Contrairement à ce que l’on imagine, les gains
de productivité associés à ce cycle ont été assez
Autre sujet en débat : y a-t-il ou non dans les
faibles en comparaison de ceux liés à la deuxième
tuyaux des nouvelles technologies susceptibles de
révolution industrielle, celle de l’électricité, du mo-
redresser la productivité de l’économie ? Sur ce
teur à explosion, du développement de la chimie,
point central, les avis divergent.
qui a duré soixante-quinze ans », observe aussi
Gilbert Cette, professeur à l’université d’Aix-Mar-
L’Américain Robert Gordon, auquel on doit d’avoir
seille et l’un des spécialistes français de ces sujets.
établi que la révolution des TIC a eu des effets bien
161
plus modestes que la deuxième révolution industrielle,
ne croit pas à une prochaine grande vague technologique aux Etats-Unis, du moins à une vague suffisamment puissante pour aller à l’encontre du ralentissement tendanciel de la productivité.
A l’heure des nanotechnologies, de nombreux industriels et économistes sont en désaccord avec cette vision. Ils la jugent par trop pessimiste et pensent qu’elle
ne tient pas compte des promesses que recèlent les
nanotechnologies.
« Nous sous-estimons la portée potentielle des innovations technologiques à venir. Dans les dix ans qui
viennent, la puce en 3D va s’imposer. Ce sera un
tournant majeur et il aura des effets sur la productivité
même si cette diffusion prendra, comme toujours, un
certain temps », analyse M. Cette.
Pour les pays de la zone euro, France en tête, ce chercheur veut donc croire à l’existence d’un bon scénario :
« Celui du rattrapage du retard européen dans la mobilisation des nouvelles technologies, combiné à l’arrivée
d’une nouvelle vague de progrès technique. S’ouvrirait
alors, dans l’Union européenne, une longue période de
productivité assez dynamique. »
Mais attention ! Pour en profiter, assurent aussi bien
Gilbert Cette, Patrick Artus ou le CAE dans ses publications récentes, la France doit s’atteler d’urgence aux
réformes structurelles susceptibles de dérigidifier son
économie et d’inciter les chefs d’entreprise à prendre
davantage de risques.
Dans un pays où quelque 100 000 jeunes sortent
chaque année du système scolaire sans diplôme, le niveau de formation de la population active doit aussi être
relevé. Faute d’un tel effort, la France raterait le coche
et s’appauvrirait.
(Claire Guélaud - « Le Monde » - 2 septembre 2014).
162
QUELQUES PISTES ET PREMIèRES CONCLUSIONS :
propulsion de 2030, compte tenu des bonds
Au terme de ce Livre Blanc, on peut proposer
technologiques attendus en matière d’auto-
quelques pistes de réflexions ouvrant des perspec-
nomie des batteries et d’énergie
tives pour 2030…
solaire (photovoltaïque et éolienne).
Le pari de l’électrique est un pari
1. En 2030, « l’objet automobile »
sera toujours présent.
« technologique ». Il dépend bien sûr des
Il s’agira bien sûr d’une autre automobile.
choix de société. Ces choix stratégiques
Elle sera toujours connectée et souvent
sont avant tout politiques. Ils sont aussi,
autonome. C’est son usage et son mode
voire plus influents, que les ressources
d’utilisation qui auront considérablement
et la technologie.
changé.
8. Le télétravail sera généralisé.
Il se combinera avec une pratique
2. Le Covoiturage sera omniprésent.
répandue du partage de bureaux entre
3. L’Autopartage sera en plein essor.
grandes entreprises.
C’est un marché d’ailleurs très prometteur
9. Les tiers-lieux se seront multipliés
pour les constructeurs. Dès 2020, il pourrait
représenter jusqu’à 15 millions d’utilisateurs
– et le bureau fixe, sans avoir disparu, ne
en Europe et 240 000 véhicules dont un tiers
concernera qu’une petite partie des salariés.
de véhicules électriques…
10. L’ordinateur portable
4. Le vélo prendra une dimension nouvelle
aura peut-être disparu. On se connectera
dans les « Smart Cities ».
sur n’importe quel écran tactile public
Classique ou à propulsion électrique, il sera
ou privé avec un code personnel.
omniprésent et complémentaire.
5. L’Interopérabilité sera généralisée.
Tous les titres de transports seront
compatibles avec les moyens de paiement
électroniques généralisés. Une sorte
de « pass navigo universel » devrait
permettre d’utiliser tous les moyens
de transport du futur.
6. Le smartphone (ou son successeur) sera
le centre de pilotage de toute mobilité.
7. L’énergie électrique sera dominante.
Pour l’automobile, le scooter, le vélo
ou le tramway, c’est sans doute le mode de
163
En 2030, le monde du travail aura totalement
- de nouvelles formes d’organisations issues de
changé.
réseaux sociaux, reposant sur des sciences et
techniques comme les game design, les neu-
L’actuelle génération Y (et celle qui va suivre) sera
rosciences, la psychologie du flow, etc. ;
aux commandes. Il lui faudra sans doute adopter
les comportements et les savoirs décrits par Sandra
-
un monde globalement connecté dans la
Enlary et Olivier Charbonnier dans leur livre : « A quoi
prolongation de la globalisation que nous
ressemblera le travail demain ? » - (Ed. Dunod) – :
connaissons déjà ».
« Fin 2011, l’Institute for the Future de l’Université
Toute prospective a ses limites. Et la seule loi de
de Phoenix (IFTF – Palo Alto, Etats-Unis) réunissait
l’histoire, c’est la surprise.
plusieurs experts pour se pencher sur les com-
Avant de formuler quelques propositions, il faut
pétences professionnelles qui seront nécessaires
évoquer les quatre grands freins qui peuvent ralen-
en 2020. Pour ce faire, ce groupe de chercheurs
tir ou faire bifurquer le changement vers une vraie
a identifié six thèmes majeurs de changements
mobilité durable ;
(drivers of change) qui leur ont permis ensuite de
proposer dix compétences clés pour les futurs tra-
• le poids des incertitudes économiques - que
vailleurs.
seront les investissements et les financements
si nous devons vivre 15 années de croissance
En 2020, les six « drivers » du changement sont
faible ou de croissance zéro ?
les suivants :
• Le poids des habitudes…
• une très grande longévité et donc une réorganisation des idées de carrière, vie de famille,
• Le poids des lobbys…
éducation… Mais aussi un impact énorme
sur les services et les produits demandés à
• Le poids des incertitudes technologiques
la société ;
Et cette question clé :
• l’émergence de machines et systèmes intel-
Les NTIC tiendront-elles leurs promesses en 2030 ?
ligents (smart) totalement intégrés à toute
forme de production ou présents dans tous
les domaines de la vie. Ceci amenant aussi
à poser la question de la valeur ajoutée des
hommes dans le travail par rapport à ces machines « parfaites » ;
• un monde « computationnel » où tout sera
transformé en données : notre travail comme
notre vie personnelle ;
•
une nouvelle écologie des médias avec des
questions autour de l’identité virtuelle, l’ubiquité,
la surveillance, le réel, etc. ;
164
165
166
VOICI DONC
10 PROPOSITIONS :
PROPOSITIONS
DU CLUB DE LA
MOBILITÉ DURABLE
1 / CRÉATION D’UNE MUTUELLE MOBILITÉ :
Elle consiste à créer une « caisse commune » alimentée par une cotisation des salariés et un abondement de l’employeur. Elle permettrait de financer
toute nouvelle solution de mobilité et concernerait
l’ensemble des salariés. Elle dynamiserait le recours
aux solutions durables, soutiendrait les bas revenus
en facilitant le recours à d’autres solutions que le
Au delà de ces pistes et en guise de conclusion,
recours à sa voiture personnelle et valoriserait les
le « LIVRE BLANC DE LA MOBILITÉ DURABLE »
comportements vertueux.
formule un certain nombre de revendications fortes
sous forme de demandes précises adressées aux
2 / BONUS DÉ-MOBILITÉ PAR LE TÉLÉTRAVAIL :
pouvoirs publics (Etat, Régions, Collectivités locales)
complétées par quelques propositions-suggestions
Afin d’encourager le télétravail à la carte : défiscalisa-
aux entreprises.
tion partielle des cotisations patronales et salariales
pour les entreprises qui favoriseraient ce phénomène
Ces revendications-propositions validées par Athlon,
pour l’instant marginal. Exemple : dans les secteurs
Ubeeqo et Regus nous semblent incontournables
d’activité où c’est possible, les entreprises concer-
pour réussir le pari de la Mobilité à l’horizon 2030.
nées mettraient en place 20 jours de télétravail par
an et par salarié éligible (1 jour tous les 15 jours)
La plupart d’entre elles concernent la fiscalité.
au domicile ou dans un tiers-lieu. Bonus : moins de
Comme dans tous les pays d’Europe engagés dans
charges sociales pour chaque salarié qui respecte
cet effort, la fiscalité reste le levier le plus puissant et
ses 20 jours de télétravail par an.
le plus efficace.
En région parisienne, on estime que si 20% des
Rappelons, par exemple, qu’aux Pays-Bas la
cadres sont candidats au télétravail, on réduit le
voiture de fonction premium d’un cadre supérieur
nombre de bureaux au profit des open-spaces et
est taxée à 16 000 euros par an si l’automobile
on réduit de 2% le trafic routes et rail. Plus d’un mil-
dépasse le seuil des 100 grammes de CO2.
lion de personnes empruntent chaque jour le RER
Du coup , les flottes de voitures hybrides et hybrides-
A. On a vu fin janvier 2015 le cauchemar engendré
rechargeables se multiplient.
par l’arrêt et la saturation du trafic ….
167
3 /MUTUALISER ET OUVRIR LES DONNÉES
DE MOBILITÉ
Cette proposition est reprise du rapport Lemoine
sur la « transformation numérique » de l’économie
française remis au gouvernement à l’automne
2014.
« L’exploitation des données est aujourd’hui rendue
difficile du fait de la multitude d’acteurs. La mutualisation de ces données de mobilité permettrait
de mieux comprendre les usages et de créer de
nouveaux services pour optimiser les parcours :
espace de travail, infrastructure, parking, habitat,
lieu de vente… ».
Les professionnels de l’autopartage ne peuvent
lancer une offre de « dépossession des véhicules »
à Paris que si la Mairie contraint le groupe Bolloré
(à qui elle a accordé une délégation de service public) à donner accès aux données d’Autolib. Même
chose pour Vélib (groupe JC Decaux).
Ouvrir les systèmes de réservation et d’abonnement
dans un cadre légal permettrait l’interopérabilité et
la standardisation des données.
C’est l’étape indispensable pour installer des plateformes multimodales permettant l’accès (avec un
même Pass) à la SNCF / RATP / Autolib / Taxis/
VTC/Loueurs classiques/autopartage de véhicules
thermiques et électriques.
168
4/ CRÉATION D’UN « PASS MOBILITÉ UNIVERSEL » :
On pourrait imaginer le « Pass Navigo » actuel de 7h
à 9h et de 17h à 19h. Hors ces heures de pointe, le
Proposition également inspirée du rapport Lemoine.
« Pass Navigo » serait vendu 30% moins cher.
Lancer un « pass mobilité universel » pour permettre
Là encore, toutes les entreprises et toutes les villes
à chaque individu, quelle que soit sa situation de
ne sont pas concernées mais, en région parisienne
mobilité, de se déplacer d’un point A à un point B
et dans les grandes métropoles, les pics d’affluence
sans discontinuité de son parcours grâce à :
seraient réduits, tout comme leur coût humain et
• Un billet unique utilisable partout en France
financier.
avec un système de paiement intégré
6/ CRÉATION D’UN « CRÉDIT MOBILITÉ » :
au mobile.
Aujourd’hui, l’entreprise prend en charge 50% du
• Des services accessibles sur mobile
« Pass Navigo ». La création d’un « crédit mobilité »
enrichissant son trajet.
avec un cadre fiscal précis permettrait de proposer
• Une information contextuelle lui permettant
une autre forme de mobilité. Ce crédit prendrait la
d’arbitrer en faveur du mode de transport
forme d’une enveloppe budgétaire à dépenser sur
de son choix, et générée à partir d’une
une plateforme multimodale agrégeant plusieurs
exploitation des données des opérateurs de
acteurs et plusieurs types de transport.
transport et de la communauté d’utilisateurs.
Il faut pour cela déplafonner les exonérations de
La dynamique du projet implique :
charges pour ceux qui choisissent métro, Vélib ou
Autolib et pour l’entreprise qui les emploie.
• Le billet dématérialisé unique qui nécessite
de régler la question de l’interopérabilité
L’Etat pourrait d’ailleurs donner l’exemple en allant
des systèmes de la plupart des acteurs
au-delà du « Pass Navigo » avec un « Pass Mobilité »
de transport,
conduisant aux plateformes multimodales.
• L’application des services géolocalisés
et d’informations contextualisées
7/ CRÉATION DES « HUBS DE LA MOBILITÉ » :
qui reposent sur le Big Data.
Pour renforcer et faciliter le covoiturage et donc
décongestionner le trafic, nous
5/ CRÉATION D’UN « PASS-FLUIDITÉ » :
recommandons
la mise en place d’un système de parkings relais
Proposition adressée aux opérateurs publics et
gratuits en amont et en aval des axes les plus
privés de transport.
fréquentés (cinq à six grands axes autour de Paris,
Lyon ou Marseille).
Partant du principe toujours vérifié que les transports
en communs sont bondés aux heures de pointe et
Les automobilistes y déposeraient leurs voitures avant
quasiment vides aux heures creuses, création d’un
d’être récupérés par d’autres automobilistes….
« Pass Heures creuses » ou « Pass Fluidité » qui
Une automobile en covoiturage peut remplacer
coûterait évidemment moins cher à l’usager.
quatre voitures.
169
170
Exemple : Entre Rambouillet et Paris (56 kms), un
Exemple : une entreprise met à disposition une
parking relais à Versailles, sur le modèle du hub,
partie de sa flotte le soir et le week-end pour ceux
accueillerait les candidats au covoiturage. Ensuite, la
qui résident dans son secteur géographique.
voiture choisie filerait vers Paris en bénéficiant d’une
On peut aussi envisager une incitation plus « punitive » :
voie spécifique avec autocollant sur le pare-brise
Toutes les entreprises de plus de 100 véhicules sur
indiquant qu’elle est passée par le hub et qu’elle
un seul et même site ont l’obligation de partager
transporte d’autres salariés. Arrivé Porte d’Auteuil,
5 à 10% de leur flotte.
le covoituré peut poursuivre en bus, métro, RER,
Autolib ou Vélib. Trajet plus rapide à coût réduit.
9/ le PROMOUVOIR AU PIED DES IMMEUBLES :
Circulation plus fluide.
Les promoteurs ont aujourd’hui l’obligation de
Le financement de ces hubs pourrait été assuré par
construire des places de parking au sous-sol ou à
les Régions qui ont tout à gagner à la généralisation
l’extérieur de leurs immeubles.
du covoiturage.
Cette obligation pourrait être modulée : en la ré-
8/ INITIER ET IMPOSER L’AUTOPARTAGE :
duisant de 20%, soit par exemple pour 20 places
de parking en moins, le promoteur proposerait
L’initiative doit être prise par l’entreprise et portée
10 voitures en autopartage.
par l’Etat à travers une fiscalité réduite. L’objectif est
d’inciter les salariés à choisir une autre solution que
la place de parking.
10/L’ENCOURAGER AUPRÈS DES FLOTTES DES
COLLECTIVITÉS LOCALES :
Ce pourrait être un abonnement à une plateforme
Les flottes des collectivités locales et des très
multimodale payée par l’entreprise.
grandes entreprises sont inutilisées le soir et le
week-end. Pourquoi ne pas les partager ?
Concrètement, l’entreprise dont le salarié renoncerait à sa voiture au profit de l’autopartage verrait
Si toutes les collectivités proposaient seulement 10%
ses cotisations patronales diminuées au prorata du
de leur flotte en partage moyennant un abonnement
nombre de salariés concernés.
modeste, tout le monde y gagnerait, même si cette
formule entre en concurrence avec les loueurs
Et le salarié qui renoncerait à sa voiture et donc à sa
du week-end dont les formules et les acteurs se
place de parking au profit de l’autopartage verrait,
multiplient.
lui aussi, baisser ses cotisations salariales.
C’est à l’Etat de supporter cet effort financier
comme il le fait lorsqu’il prend en charge les bonus
des véhicules électriques. Effort compensé par une
plus grande fluidité du trafic, des bouchons réduits
et donc moins d’argent public dépensé.
Tout véhicule partagé verrait sa fiscalité allégée (TVA
et/ou TVS).
171
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173
Préface .. . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Introduction . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1 – De l’automobile à la mobilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
a) Nouvelles pratiques,
nouveaux comportements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
b) Quelle énergie en attendant demain ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Diesel : une mort programmée ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
En attendant l’électrique pour tous… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Essence : une nouvelle vie commence… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Hydrogène : le carburant du futur ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
c) Comment roule-t-on en ville ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Paris asphyxié, mais bientôt libéré .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
A bicyclette : la déferlante du vélo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
SOMMAIRE
174
2 – Quelle mobilité en 2030 ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
a) C omment va-t-on se déplacer dans 15 ans ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
Génération Y : « autonomie, technologie, partage » .. . . . . . . . . . 41
Le rôle central des générations Y et Z . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
b) Les énergies en 2030. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Pétrole : l’interminable débat .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Bio-carburants : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
l’une des composantes du mix énergétique
Electrique : vers l’autonomie et sans le nucléaire .. . . . . . . . . . . . 61
Hydrogène : déjà commercialisé .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Gaz naturel : la route est longue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
c) Les véhicules en 2030
.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
Moins d’automobiles, mais toujours des auto-mobiles .. . . . . . 72
Voiture connectée : sécurité et fluidité .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
Voiture autonome : sur toutes les routes en 2030 ? . . . . . . . . . . . . 77
De la voiture autonome au véhicule aérien .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
Un monde sans véhicule de fonction ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
d) Quelles villes en 2030 ?
.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
3 – Comment va-t-on travailler dans 15 ans ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
a) Quels bureaux en 2030 ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
b) ET En France, comment prépare-t-on 2030 ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Quelques pistes et premières conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
4 – PROPOSITIONS DU CLUB DE LA MOBILITÉ DURABLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Bibliographie et annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
175
Création Les Ateliers Corporate/Studio des Plantes
Athlon - RCS 572 063 972
Personne à contacter
Gérard de Chalonge
01 56 63 25 79
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