le livre blanc Septembre 2015
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Septembre 2015 le livre blanc « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements » Charles DARWIN 2 Utopie ou réalité ? A n’en pas douter, la mobilité durable est d’ores-et-déjà une préoccupation pour bon nombre d’entre nous, pour des raisons aussi bien économiques qu’environnementales, pour une question de confort ou tout simplement de bon sens. Du covoiturage à l’autopartage en passant par le véhicule électrique ou le véhicule autonome, les offres de transport nouvelles, alternatives, se développent et marquent des points. La mobilité durable n’en est qu’à ses balbutiements. Nous le voyons au quotidien dans notre métier de loueur en location longue durée : si nos clients et prospects expriment de nouveaux besoins de flexibilité, les usages évoluent lentement. L’autopartage, par exemple, demeure anecdotique dans les flottes automobiles de nos clients. Mais le changement est en marche et la mobilité durable fera clairement partie de notre vie d’ici 15 à 20 ans. C’est cette certitude qui nous a incité, en tant que loueur, à prendre de l’avance sur le marché en termes de mobilité durable. C’est aussi cette certitude qui nous a conduit à créer, en septembre 2013, le Club de la Mobilité Durable, un lieu d’échanges, de réflexion et de prospective ayant pour ambition de faire émerger des solutions de mobilité en entreprise et de faire bouger les mentalités en matière de transport et, plus largement, de mobilité. Nous avons été agréablement surpris par l’accueil réservé au Club par nos différents publics, issus de l’entreprise, d’organisations privées ou publiques, preuve que la mobilité durable est au cœur de leurs préoccupations. Il est temps aujourd’hui d’aller plus vite et plus loin. L’ambition du Club de la Mobilité Durable, au travers de son Livre Blanc, est de contribuer à évangéliser le marché et d’impliquer les pouvoirs publics. Car seule l’incitation du gouvernement pourra faire changer les comportements concrètement et durablement. Nous avons confié au journaliste Jean-François Rabilloud la rédaction de ce Livre Blanc qui analyse les pratiques et les comportements nouveaux en termes de mobilité et de façon de travailler et qui explore en profondeur les solutions nouvelles ou à l’étude, dans une vision prospective à horizon 2030. Le Livre Blanc propose, enfin, des idées et des solutions concrètes qui sont le fruit du travail réalisé au sein d’ateliers de réflexion organisés par le Club de la Mobilité Durable depuis plus d’un an. Nous irons porter ces propositions auprès des élus afin d’obtenir leur soutien et favoriser la mise en place de ces propositions. Le calendrier est d’ailleurs idéal, à quelques mois de la 21ème conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, pour mobiliser ces élus et donner au gouvernement une posture engagée en faveur d’une mobilité vertueuse. Bonne lecture ! Préface Bruno Leray, Président d’Athlon France 3 L’évènement fera date quelle qu’en soit l’issue : du 30 novembre au 11 décembre 2015, la France organise, sur le site Paris-Le Bourget, la 21ème conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Echéance cruciale qui doit aboutir à l’adoption d’un premier accord universel et contraignant sur le climat pour contenir le réchauffement global en deçà de 2°C. Les enjeux sont sans précédent. Il s’agit, à terme, de transformer notre modèle de société en agissant sur des secteurs clés : les forêts, l’agriculture, l’industrie mais aussi les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les villes durables et la mobilité durable. Ces deux derniers secteurs sont déterminants pour tenir les objectifs fixés en juillet 2014 par la Commission de Bruxelles aux 28 Etats membres de l’Union : réaliser 27% d’économies d’énergie à l’horizon 2030. S’ils étaient atteints, ces objectifs permettraient à l’Europe de baisser de 53 milliards d’euros sa facture énergétique tout en réduisant de 40% ses émissions de gaz à effet de serre et en portant à 27% la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique. Un élément central, la Mobilité Durable, est de ce combat. Elle est au cœur de ce Livre Blanc. Qui dit Mobilité Durable dit « véhicules propres », que ce soit pour la route, le train, le tram, le bateau et l’avion. Le pétrole fournit aujourd’hui 98% du carburant des transports. Aucun expert, aucun économiste ne l’avait prévu. Qui peut prédire que le baril ne reviendra pas aux Introduction 111 dollars de 2011 ou 2012 ? 4 Il faut donc, évidemment, développer des sources recompose à l’avantage des plates-formes de d’énergies alternatives et réduire consommation et distribution, qui assurent la transparence des importation de pétrole. prix et accèdent directement au consommateur, au détriment des activités de production et Mais l’urgence va bien au-delà. « Il y a crise », disait le d’intermédiation. Une vaste relocalisation sectorielle théoricien Antonio Gramsci, « quand le vieux monde et géographique des investissements et des emplois ne veut pas mourir et que le nouveau ne peut pas en découle, dont les Etats-Unis, qui comptent 80% vivre ». des groupes mondiaux de l’Internet, et l’Asie sont pour l’heure les grands gagnants. » Nous y sommes. Le Point – 01.01.2015. La troisième révolution industrielle est largement Voilà pour le décor où se joue une pièce qui nous engagée. La numérisation du monde s’impose concerne tous : la mobilité. Chaque acteur souhaite partout. L’économie numérique connectera 80% de qu’elle soit désormais moins subie, plus collaborative la population mondiale à Internet dans 10 ans. 35% le sont aujourd’hui. et largement associée à une expérience connectée. L’économiste Nicolas Baverez commente ainsi ce Les technologies devancent toujours les politiques. nouveau « Big Bang » dans le capitalisme : La publication de ce Livre Blanc intervient alors que « L’économie numérique, après le temps du calcul gouvernement Ayrault, devrait être débattu devant puis celui des réseaux, entre à l’âge des données et le Parlement au deuxième semestre de cette année de l’automatisation qui vont bouleverser via les big 2015. le projet de loi numérique promis il y a 2 ans par le data, les objets connectés, les véhicules autonomes Auparavant, la Commission Européenne doit et l’intelligence artificielle tous les secteurs et les présenter son plan d’action sur le numérique. emplois, y compris dans les activités à forte valeur La Secrétaire d’Etat au Numérique souligne un ajoutée. L’énergie avec l’émancipation progressive paradoxe français : « Engouement et perplexité de la contrainte pétrolière mais aussi, à terme, du cohabitent caractère non stockable de l’électricité, ouvrant face aux changements majeurs qu’apporte le numérique »… « Nous n’adhérons la voie à de nouvelles capacités de production pas décentralisées et donnant un rôle central aux réseaux spontanément aux discours définitifs revendiqués par des géants de l’Internet devenus intelligents. L’écologie avec la nécessité de gérer de incontournables »… manière plus efficace des ressources finies et de limiter drastiquement toutes les sources de pollution. En attendant que se construise la « République Numérique » souhaitée par Axelle Lemaire, ce L’histoire du capitalisme n’a jamais connu de Livre Blanc apporte sa contribution avec pour révolutions simultanées d’une telle ampleur. Leurs horizon l’année 2030. Il est initié par le Club de conséquences sont immenses, même si elles sont la Mobilité Durable et parrainé par Athlon, acteur loin d’être entièrement connues. de la location longue durée et filiale de Rabobank, qu’accompagnent Ubeeqo et Regus. Sur le plan économique, la chaîne de valeur se 5 Comment repenser nos modes de déplacement ? 2000, on imaginait volontiers la vie dans l’espace Avec quelles technologies ? A quel coût ? Et pour et l’alimentation rationalisée autour de quelques quel bénéfice humain, environnemental et financier ? pilules ou produits de synthèse… On en est loin, Ce sont quelques-unes des questions centrales sur même si le transport aérien explose et qu’on lesquelles le Club débat et échange avec tous les polémique sur la « mal bouffe »… acteurs concernés par le sujet de la mobilité. Il y a 50 ans, personne n’imaginait l’ampleur de Ces réflexions, enrichies d’ateliers de travail l’ouragan numérique à venir. Sans Smartphone, sans organisés et animés par Opinion Way, ont nourri ce Internet, sans réseaux sociaux, sans tablettes, sans Livre Blanc qui a deux ambitions : GPS, sans « dictature de l’urgence » (pour reprendre le titre de l’excellent livre de Gilles Finchelstein – • Dresser l’état des lieux des pratiques les plus Fayard – 2011), le monde ancien pressentait sans innovantes aujourd’hui en matière de transport et doute le changement. Mais qui pouvait se douter d’organisation du travail, en tentant un inventaire de ce qu’apportent les dernières technologies. que le chambardement technologique des années • Imaginer les solutions de demain en termes de que ne l’ont fait l’électricité, le téléphone, le train, 2000 bouleverserait nos vies en profondeur, plus mobilité durable, proposer un certain nombre de l’avion et, bien sûr, l’automobile… ? « solutions de mobilité » à travers les suggestions « Nous passons de Gutenberg à Asimov » déclarait formulées dans les ateliers de travail. Jean-Louis Constanza au Point en juillet dernier. Il est clair que les stratégies de mobilité que nous « Ce qui frappe c’est l’accélération du changement. allons évoquer seront abordées de manière globale. Avant, la croissance de la lecture suivait la Elles prendront en considération les questions démographie. Aujourd’hui, le numérique surfe sur la de transport, d’environnement de travail et les loi de Moore qui va 50 fois plus vite. Il a fallu 500 ans technologies, toujours plus nombreuses, mises à la pour arriver à 80% de lecteurs et seulement 10 ans disposition des salariés… pour arriver à 80% d’utilisateurs de smartphones. Il s’agit de tenter de répondre à une double question : Un smartphone est plus puissant que toute la NASA « Comment allons-nous travailler et nous déplacer à de 1970 ». (1) l’horizon 2030 ? » Et le smartphone est l’un des vecteurs les plus forts Pourquoi 2030 ? D’abord en référence aux de la mobilité. Il s’en est vendu plus d’un milliard en objectifs fixés par l’Union Européenne et puis 2014 dans le monde. parce qu’au-delà de 15 ans, la visibilité se réduit Pour la France, le cabinet GFK prévoit en 2015 considérablement quand on parle de sources une nouvelle croissance à deux chiffres avec vingt d’énergie, de technologies, d’environnement… et millions cinq cent mille terminaux. d’organisation du travail… Ce Livre Blanc est signé d’un journaliste. Pas Souvenons-nous que : de futurologie mais un travail d’enquête et de documentation auquel s’ajoutent les fruits de 3 Dans les années 60, lorsqu’on évoquait les années 6 workshops qu’Opinion Way a conduit pour le Club de la Mobilité Durable cette année : • Le premier atelier rassemblait des représentants de la génération Y. Jeunes femmes et jeunes hommes vivant et travaillant à Paris ou en Ile de France. • Le deuxième atelier réunissait un certain nombre d’experts : sociologues, économistes, ingénieurs, urbanistes. • Le troisième atelier faisait plancher DRH et Responsables de la Mobilité en Entreprise. Bien sûr il est impossible d’être exhaustif. Et pas question de donner des leçons, que ce soit aux pouvoirs publics, aux entreprises ou à leurs salariés. Mais simplement tracer des pistes, faire des propositions concrètes et montrer que l’impossible d’hier devient possible aujourd’hui. Ou comment passer d’un monde à un autre… Jean-François Rabilloud (1) Jean-Louis Constanza - Directeur de l’Innovation chez Criteo, startup française spécialisée dans la publicité ciblée sur le web. Criteo est présente dans 40 pays et touche 924 millions d’internautes par mois - Le Point Juillet 2014. 7 Le constat en 2015 Comment travaille-t-on et comment se déplace-t-on aujourd’hui ? Comme il y a 20 ans… ou presque… Certes les ordinateurs sont omniprésents, les espaces climatisés, les open-spaces très répandus… Bien sûr on envoie nos mails depuis notre smartphone et l’on intervient à l’autre bout du monde dans des réunions via Skype ou Web Ex… Mais le bureau est toujours là, tout comme le moyen de transport qui y conduit… Les bouchons sur les voies d’accès aux quartiers d’affaires ne sont plus l’apanage de l’Ile de France… Toutes les grandes métropoles régionales vivent le cauchemar parisien… Seules les campagnes et les petites villes sont épargnées… Pour combien de temps ? En 25 ans, la distance moyenne domicile-travail a crû de 60%... 73% des actifs se rendent à leur lieu de travail en voiture et passent 58 heures par an dans les bouchons… Pour une entreprise ins- 1 DE L’AUTOMOBILE à LA MOBILITé tallée dans un immeuble, le second poste de dépenses après le loyer est dû aux déplacements, aux voyages et à la flotte des voitures… Loin devant la téléphonie et la bureautique. (Chiffres cités par Bruno Marzloff « Sans Bureau Fixe » Ed FYP 2013). En région parisienne, le nombre de déplacements quotidiens est passé d’une moyenne de 2,02 en 1976 à 2,39 en 2010. Les scénarios les plus sombres verraient une croissance entre 2010 et 2030 de +10 à +20% du trafic des voitures, ce qui semble totalement incompatible avec les capacités du réseau… Dans son essai stimulant «Sans Bureau Fixe» paru en 2013 (Ed FYP), Bruno Marzloff propose, pour échapper à l’asphyxie, l’idée de «démobilité», voire de « remobilité »… Car « il s’agit autant de réduire les déplacements con-traints que de capitaliser sur les mobilités choisies et, d’autre part, de déployer 8 des mobilités plus créatives »… Multiplier les offres En France on en est loin, même si le télétravail pro- de transports pour réduire la congestion n’a plus gresse. En 2005, seuls 8% des salariés français pra- de sens. « C’est comme relâcher sa ceinture pour tiquaient le télétravail au moins un jour par semaine. prévenir l’obésité ». En 2012, ils étaient 17% selon les chiffres du cabinet LBMG Worklabs. Chez Renault, on comptait Pour le fondateur de « Chronos » (laboratoire des près d’un millier de travailleurs à distance parmi les mobilités innovantes), nous avons une « difficulté 20.000 salariés du constructeur en Ile de France. culturelle à admettre que la transition énergétique (Enquête « Capital.fr » 2012). en matière de transport passe par des réductions de déplacements, et encore plus à considérer que Le retard français en matière de télétravail s’explique la démarche s’associe à la transition du travail. d’abord par l’absence d’alternative : on travaille soit Pourtant il s’agit là d’un des gisements les plus sol- de son bureau, soit de la maison. vables d’économies d’énergie ». D’où les initiatives de Regus qui propose désormais Propos confirmés par Frédéric Bleuse, ancien Di- des espaces de travail parfaitement équipés dans recteur Général France de Regus (multinationale des lieux insolites : une aire de repos de l’autoroute anglo-américaine spécialisée dans la location d’es- A10, la gare du Nord à Paris, celle du Mans (plu- paces de travail flexibles) : « En France et dans les sieurs centaines de manceaux montent chaque jour pays latins en général, il existe une réticence d’ordre à Paris), ou encore le centre de Fontainebleau (6000 culturel à l’encontre des nouvelles façons de travail- personnes font tous les matins le trajet Fontaine- ler. Leur adoption reste bloquée par une certaine bleau – gare de Lyon par le train…). culture du « présentéisme ». Les managers tiennent En attendant les bureaux de 2030, virtuels ou pas, à voir leur personnel travailler physiquement au bu- les grandes entreprises reproduisent les mêmes reau. Ce préjugé culturel revient à penser que s’il schémas, mais en version high-tech et écolo. Cette n’y a plus de manager pour garder le personnel à année SFR-Numéricable transfère 8.500 collabo- l’œil, celui-ci travaillera moins. De leur côté, les sala- rateurs dans son nouveau campus ultra connecté riés eux-mêmes tiennent à voir régulièrement leur (Wi-Fi et connexions HG) proche du Stade de manager, sous peine de se sentir déconsidérés par France. Le mètre carré coûte 250 euros à Saint-De- leur entreprise. Au sein d’une entreprise française, nis contre 450 euros à la Défense. Les logiques de la confiance repose et se construit sur la présence coût sont implacables. physique de toute l’équipe ». Bien sûr, tous ces immeubles « HQE » aux toitures Voilà donc une vraie spécificité française : Regus a végétalisées et aux nuisances sonores réduites sont mené l’an dernier une enquête sur le travail à dis- irréprochables sur le plan environnemental. La nou- tance auprès de 26.000 cadres supérieurs et chefs velle tour « Majunga » (191 mètres de hauteur à la d’entreprise de 90 pays dans le monde entier. Défense) affiche, selon son architecte Jean-Paul L’enquête révèle que 48% des sondés travaillent Viguier, « le meilleur score européen de consom- aujourd’hui à distance pendant la moitié de leur mation énergétique par mètre carré sur un lieu de semaine de travail. travail »… (Le Point - 6 mars 2014). 9 En Rhône-Alpes, la tour « Incity » qui surplombera fin place des meubles », dit David Radcliffe (Directeur 2015 le quartier d’affaires de la Part-Dieu s’impose- de l’immobilier de Google). Les seules structures ra alors comme le plus haut gratte-ciel de Lyon. Ses permanentes seront les toilettes et les escaliers. façades dessinées par l’agence Valode & Pistre ont Google veut libérer la construction « des limitations été conçues en fonction de leur exposition. Côtés de l’architecture traditionnelle que sont les murs, les est, sud et ouest, une double peau mince protège fenêtres et les toits »… du soleil. Au nord, une seule paroi, mais présentant Les meilleurs ingénieurs du monde travaillent à ce une bonne performance thermique l’hiver et des projet mais les contraintes du XXème siècle demeurent. stores intérieurs propices au confort visuel du travail Les élus de Mountain View (80.000 habitants) sont sur écran. Car 90% des bureaux sont disposés en ravis d’avoir vu les plans bucoliques de Google, mais premier jour, limitant ainsi au minimum l’usage de plusieurs demandent déjà où tous ces nouveaux l’éclairage artificiel. employés vont être logés et avec quels moyens de La ville-travail se déplace. Elle investit d’anciennes transport ils viendront travailler. Comme le déplore lui villes-dortoirs pour le plus grand bénéfice financier même Bjarke Ingels (l’un des architectes danois), le des communes. Mais en termes de mobilité, c’est campus actuel a été englouti dans « une mer de le statu quo. Il faut venir à Saint-Denis comme on parkings ». L’architecte promet de « renverser ce venait à la Défense : en RER, métro, vélo, bus ou processus » mais il n’explique pas comment. voiture. Et il faudra venir à la Part-Dieu comme il y a Pour l’instant, partout dans le monde, le siège de 20 ans : en vélo, métro, bus ou voiture… l’entreprise perdure. Il ne sera bientôt plus qu’une Aux Etats-Unis, Facebook, Google, Apple tentent escale d’un parcours multiple jalonné d’usages de révolutionner l’espace de travail à travers de connectés (Twitter, Skype) où l’on dialoguera avec gigantesques projets immobiliers. ses équipes ou ses clients en réduisant considérablement ses temps de déplacement. A terme, la Google imagine pour son nouveau siège de Moun- localisation unique du travail au siège de l’entreprise tain View (au sud de San Francisco) un endroit re- est condamnée. Mais à quelle échéance ? configurable au gré des projets. Les investissements considérables réalisés pour La correspondante du Monde Corinne Lesnes construire ces bureaux du troisième type en 2015 évoque pour 2020 : « Le nouveau Googleplex est impliquent leur pérennité en 2030. Et revient donc la un ensemble utopique qui brouillera les distinc- grande question des déplacements avec son cor- tions entre intérieur et extérieur. Plus de béton, ni tège de contraintes et d’innovations. Mais l’avenir de murs, ni de toit rigide. Les éléments de base – de la Mobilité Durable ne passe pas que par les planchers, plafonds – pourront être fixés à quelques transports… structures permanentes métalliques ou détachés selon les besoins, comme des grilles dans un four. Chacun sent bien que nous vivons là un « entre- Les parois seront amovibles, assemblées comme deux », cette période où le monde ancien n’a pas des blocs sur un jeu de construction, à l’aide de pe- totalement disparu (loin s’en faut…) et où le monde tites grues robot (les « crabots »). « Comme on dé- nouveau ne fait qu’apparaître… 10 a) Nouvelles pratiques Nouveaux comportements Cette transition s’incarne dans la « mobilité numérique » de nombreux salariés. Bruno Marzloff rappelle que 42% des travailleurs interrogés en 2012 (Etude Wite 2.0) se déclarent déjà nomades… Ils sont agiles voire « hyperagiles » intégrant aussi bien les derniers outils que les nouveaux territoires (tiers lieux de toutes sortes…). Agiles ou pas, les salariés de 2015 continuent de se déplacer comme il y a 20 ans (Train – RER – Métro – Vélo – Voiture). Mais l’année 2014 a fait date en termes d’innovation. Des solutions alternatives, jusqu’ici anecdotiques, s’imposent désormais à grande échelle… Les grèves SNCF de juin 2014 ont définitivement convaincu la plupart des usagers de l’efficacité du covoiturage. Blablacar, N°1 du covoiturage en France, a réussi, en l’espace de 5 ans, à créer un esprit communautaire et humaniste autour de cette nouvelle pratique. 10 millions d’utilisateurs en Europe, 4 millions en France à l’été 2014. 95% de part de marché. Il n’en fallait pas plus pour que le PDG de Blablacar, Frédéric Mazzella, 38 ans, devienne une icône de l’économie collaborative… 11 Frédéric Mazzella (BlaBlacar) : « La magie des nouvelles technologies, c’est de pouvoir s’adapter et anticiper » années, la plupart de nos membres n’utiliseront BlaBlaCar que depuis leur smartphone. Cette tendance, liée à la mobilité, est inévitable, et nous le savons. Fin 2014, nous avons donc conçu une nouvelle application mobile, pour les passagers comme pour les conducteurs, encore plus facile à utiliser. De Valérie Froger - 4.02.2015 - Les Echos.fr nouvelles fonctionnalités ont été ajoutées, comme le filtre de recherche (possibilité de sélectionner des trajets par prix, par expérience du conducteur ou encore selon l’heure de départ), l’édition d’un profil utilisateur, la suggestion intelligente des villes ou encore l’historique des recherches récentes per- Plus de 10 millions de membres dans le monde, une présence dans 14 pays… Comment gérez-vous cette communauté ? mettant aux membres de retrouver facilement leurs trajets favoris. Cette application native, sur iPhone et Android, est totalement autonome du site Web. Nous sommes présents sur les réseaux sociaux 1,7 million de membres. Une équipe interne, multi- Etes-vous en train d’annoncer la fin du Web au profit du mobile ? lingue et centralisée à Paris, gère les demandes et Non, bien sûr, la plate-forme Internet restera acces- les messages de notre communauté. Les réseaux sible via un ordinateur, mais, en France, comme sociaux nous permettent de communiquer avec à l’étranger, l’accent sera mis sur le mobile. C’est nos membres et d’établir un lien entre le on-line et la un choix délibéré de notre part. Nous avons déjà comme Facebook, Twitter, YouTube… avec plus de « vraie » vie. Mais c’est aussi une formidable source franchi cette étape dans plusieurs pays [Turquie, d’informations pour nous en termes d’exploitation Inde, Russie, NDLR] dans lesquels nous nous des données. Il y a quelques mois, nous avons sommes récemment implantés. Sur ces marchés, d’ailleurs mis en place une politique reposant sur la pénétration des smartphones est telle que, pour les dimensions du Big Data avec des outils et des la plupart des gens, Internet signifie téléphone por- services adaptés. L’idée est d’améliorer la relation table. En termes de business, cette stratégie nous client et d’optimiser nos services grâce à l’analyse permet d’aller plus vite, de capter davantage d’utili- prédictive des données. sateurs et de proposer un service mobile accessible Après le lancement de votre site de covoiturage en 2006, vous faites aujourd’hui le choix d’une stratégie mobile. Pourquoi ce virage ? de partout. Dans notre secteur, je suis convaincu que l’avenir d’Internet passera par le téléphone. C’est la raison pour laquelle nous ciblons en priorité des pays avec un fort développement des réseaux C’est la magie des nouvelles technologies, qui per- sociaux, de téléphonie mobile et de bande pas- mettent de s’adapter et d’anticiper l’évolution des sante. usages à moyen terme. Aujourd’hui, 30 % des con- Valérie Froger nexions se font par mobile mais, dans quelques 12 Blablacar a donc ouvert la voie à une foule d’initiatives destinées aux entreprises. Et ça marche ! Deux jeunes entrepreneurs, Julien Honnart et Cyrille Courtière, ont lancé Wayz-Up en octobre 2012. Leur objectif : faire connaître au covoiturage domicile-travail le même succès qu’au covoiturage occasionnel du week-end… Grace à une application mobile prenant en compte les contraintes des salariés, Wayz-Up leur permet de trouver leurs covoitureurs en un clic sans changer leurs habitudes de trajet, et ils s’organisent dans l’après-midi en cas d’horaires variables en partageant leurs frais équitablement. Gratuit pour les salariés, Wayz-Up permet aux entreprises d’améliorer l’accessibilité de leurs sites et de valoriser les gains économiques et environnementaux de leurs collaborateurs… La dernière version de Wayz-Up sur Iphone, Android et Web permet de visualiser des trajets sur carte, de préciser les jours de disponibilité pour chaque trajet et de saisir son point de départ et d’arrivée directement sur une carte… Quant à la fiabilité des covoitureurs, elle se visualise par la signalisation des membres les plus actifs (nombre de personnes contactées et trajets partagés)… En juin 2014, lors des Assises de la Mobilité organisées par la région IDF et le STIF, Wayz-Up s’est vu remettre le Trophée de la Mobilité 2014 dans la catégorie : « Nouveaux usages et nouveaux véhicules ». Aujourd’hui 30% des salariés se disent prêts à covoiturer. C’est à Saint-Quentin-en-Yvelines que Wayz-Up a décollé avec ses premiers clients : Renault, Safran, Air Liquide, ou encore le Crédit Agricole… Crédit Agricole SA installera, fin 2016, 4.800 de ses salariés sur le Campus de Saint-Quentin-en-Yvelines. 13 La plupart des collaborateurs du Crédit Agricole viennent du centre de Paris. Il s’agit de cadres de haut niveau. Jacques Baume, responsable de l’animation du Campus depuis l’automne 2013, cherchait une alternative au tandem voiture-train (RER) jusqu’ici incontournable pour rejoindre les Yvelines. Le contrat de service avec Wayz-Up a été signé début juin 2013. En 15 jours, 80 salariés étaient inscrits. Avec les autres entreprises qui ont choisi la start-up sur le campus, ce sont au total 700 collaborateurs qui pratiquent le covoiturage domicile-travail. L’abonnement est pris en charge par l’entreprise… «Ca n’est pas «la solution», dit Jacques Baume, c’est une solution ». Comme la visioconférence, dont chaque bureau du campus est équipé… Par ailleurs, la banque réfléchit au « co-partage » des voitures de fonction, sujet sensible au plus haut niveau dans toutes les banques où cet avantage « statutaire » garde tout son potentiel de séduction… Dernière initiative : quelques dizaines de vélos électriques mis à disposition des salariés pour l’heure du déjeuner… On est en France et pas au Pays-Bas… En toile de fond du cercle vertueux, la volonté du Crédit Agricole d’attirer les jeunes talents sortant des grandes écoles… Entreprise difficile si l’on en croit Jacques Baume, même sur un campus hautement technologique et écologiquement très correct… Sur ce site du Crédit Agricole, fin 2014, le télétravail (1 jour par semaine) concerne 10% des salariés… Les règles sont strictes. Crédit Agricole SA réfléchit à la possibilité de passer à 2 jours par semaine dans les mois qui viennent… Le haut management de la Banque semble réticent pour les raisons évoquées plus haut par l’ancien Directeur Général de Regus, Frédéric Bleuse. 14 On le voit, les choses bougent même si les fonda- Voici le constat d’Alain Meyer, directeur du Dépar- mentaux demeurent : on va au bureau mais on com- tement Mobilité et Transports de l’Institut d’Amé- mence à s’y rendre différemment, dans l’entreprise nagement et d’Urbanisme d’Ile de France : « Tout les TIC (Technologies de l’information et de la com- d’abord par type d’activité : On constate que la munication) sont omniprésentes, même si le papier mobilité automobile diminue bien pour la popula- et les imprimantes résistent… Les industriels de tion en général et pour tous les types à l’exception l’automobile continuent de produire des véhicules des retraités. Des jeunes aux actifs seniors, tout le mais ils n’ont plus rien à voir avec ceux qu’ils pro- monde semble avoir réduit son utilisation de l’auto- duisaient il y a 20 ans… C’est d’ailleurs sans doute mobile ». cette industrie plus que centenaire qui innove le plus et connaît les plus grands bouleversements… C’est L’exception des retraités peut s’expliquer par un elle qui doit faire face à ce défi majeur inscrit sur le effet générationnel. Les personnes âgées font par- site du Ministère de l’Ecologie : « Quand vous avez tie d’une génération qui a toujours utilisé l’auto- envie d’un verre de lait, achetez-vous une vache ? mobile durant sa période d’activité et ne changera Alors pourquoi achèteriez-vous une voiture quand pas ses habitudes une fois à la retraite. A l’inverse, vous n’en avez besoin que de temps en temps ? ». les jeunes semblent moins désireux de conduire une automobile que ne l’étaient les retraités durant Aujourd’hui la consommation se dématérialise au leur jeunesse. Il faut néanmoins nuancer cet avis profit de l’usage. C’est une révolution. En France, car la plus faible part de jeunes détenant le per- on estime que l’autopartage pourrait remplacer de mis de conduire peut s’expliquer par des difficultés 4 à 6 voitures particulières. financières, véritable barrière à l’accès au permis. Aux Etats-Unis, l’étude menée par Alix Partners sur un panel de 1.000 utilisateurs d’autopartage Enfin, la baisse de la mobilité automobile n’est pas répartis dans 10 grandes villes américaines estime uniquement due à des comportements urbains. que les services d’autopartage (commerciaux mais Nous constatons ici que toutes les zones d’Ile de aussi entre particuliers) engendreront une baisse des France voient la part de la voiture se tasser. Cette ventes de véhicules de 1.200.000 unités en 2020. Et tendance est donc une réalité qui nous affecte tous : nous parlons des Etats-Unis, pays dont le rapport à la voiture semble de moins en moins attractive l’automobile est encore plus fort qu’en Europe… comparée aux autres modes de transports et nos habitudes s’y adaptent. Chaque véhicule partagé remplacerait 32 ventes de voiture… 51% des sondés (toujours aux Etats-Unis) En conclusion, on peut citer les nombreux projets déclarent avoir évité d’acheter une voiture grâce à urbains en cours de réalisation qui témoignent l’autopartage… du transfert modal qui s’opère au détriment de la En Ile de France, tous les spécialistes font le même voiture et viennent renforcer l’analyse que nous constat : nous assistons à un véritable renver- tirons des chiffres précédents : réaménagement sement de tendance. L’utilisation par individu de des voies sur berge rive droite, réaménagement l’automobile a sans doute atteint son maximum et du boulevard circulaire à la Défense ou projet de commence à décroître. transformation de l’autoroute A4 en avenue. 15 Cette transformation profonde et inédite de la ma- En France, Ubeeqo, spécialiste de l’autopartage en nière dont nous nous déplaçons est internationale entreprise, propose à ses clients une large palette et doit être prise en compte tant par les construc- de services pour leur permettre de réduire et d’op- teurs que par les élus locaux. Les uns devant se timiser leur flotte. Objectif affiché : abandonner le poser la question de vendre de la mobilité plutôt réflexe automobile pour adopter un comportement que des véhicules et les autres de repenser leurs 100% multimodal… politiques d’aménagement du territoire. (Juin 2014 Créée en 2008 par Alexandre Crosby et Benoît Cha- – Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des telier, l’entreprise développe des services innovants. choix scientifiques et techniques). Grace à sa plateforme web, elle offre un accès sim- Ce constat concerne l’Ile de France. Il faut bien sûr plifié et centralisé à tous les modes de transport dis- le nuancer en rappelant qu’en 2014, la moitié de ponibles dans l’entreprise, du véhicule de société au la population française n’était pas desservie par un train en passant par le taxi et la location de voitures… réseau de transport public urbain… Là : hors de la Constat de Benoît Chatelier : « dans les villes, de- voiture (partagée ou non...), il n’y a point de salut… puis cinq ans, les offres multimodales se multiplient Sur ce point, Isabelle Van de Walle du CREDOC (Velib, Autolib, VTC) et pour chaque solution vous constate que « l’adoption des nouvelles formes de avez plusieurs opérateurs. Ce ne sera plus le cas mobilité, les changements de comportement ne dans les deux ans qui viennent… L’opérateur sera sont pas liés au souci de l’Environnement mais aux multimodal. L’arrivée des nouvelles générations (nées contraintes économiques… ». en 2000), totalement digitalisées, va donner un formi- Un tiers du parc automobile français a plus de 10 dable coup d’accélérateur. Aujourd’hui, la demande ans. La moyenne d’âge de l’acheteur augmente reste très « automobile », mais tout va changer. » d’un an chaque année (54 ans en 2013) d’où la Benoît Chatelier estime que demain, la mobilité sera question centrale : « Faut-il vendre des voitures ou « connectée » (tous les opérateurs seront connec- de la mobilité ? ». Même si dans l’immédiat elle ne tés). Elle sera « globale ». C’est l’évolution majeure fait pas l’affaire des constructeurs, la réponse à cette par rapport à l’automobile… Tout le monde aura question ne fait pas de doute. L’avenir passe par la accès, avec son smartphone, à toutes les solutions mobilité « clés en main », la mobilité à la carte… de mobilité. Et elle sera « contextualisée ». Exemple parmi beaucoup d’autres : Hitch, dernière Concrètement, on va passer d’un système qui fonc- application de covoiturage lancée en juin dernier tionne en silo (inscrit à Velib à Paris, je ne peux pas aux Etats-Unis. Son principe : transporter plusieurs utiliser son équivalent à Lyon… Idem avec Autolib clients à la fois pour réduire le prix de la course… alors que le Groupe Bolloré est l’opérateur unique Ce système permet à Hitch de proposer des tarifs dans les deux villes) à un système connecté acces- deux fois moins élevés qu’Uber et Lyft, les deux sible avec un seul point d’entrée… Un point d’en- principaux services de VTC (véhicule de tourisme trée unique au quotidien pour toutes les solutions avec chauffeur) à San Francisco. En contrepartie, le de mobilité. L’application existe aujourd’hui, elle est temps de voyage est un peu plus long. en cours de lancement. 16 L’Allemagne reste la référence en Europe en matière d’autopartage et de nouvelles mobilités. Le marché y est mature. Les deux concurrents d’Ubeeqo en Europe sont allemands. Il s’agit de Qixxit et Moovel (initié par Daimler). Deux plateformes intégrées qui vous dispensent des abonnements multiples aux opérateurs aujourd’hui dispersés… C’est l’alternative multimodale à la voiture de fonction. La mobilité sera par ailleurs « contextualisée ». Je choisirai mon mode de déplacement en fonction du temps, de mon humeur et du contexte général… En 2015, les temps changent donc mais l’automobile demeure… Les nouvelles technologies la transforment. L’objet s’adapte. Il ne veut pas mourir… « S’il n’y a pas de voiture, il n’y a pas de mobilité » conclut Benoît Chatelier. Au passage, rappelons que l’industrie automobile dans son ensemble (constructeurs, chaîne d’approvisionnement et marché du service après-vente, activités regroupant plusieurs milliers de PME) revêt une importance stratégique pour l’économie européenne, puisqu’elle représente 12 millions d’emplois directs et indirects, 4% du PIB et un excédent commercial de 90 milliards d’euros (en 2011). Le secteur est aussi le premier investisseur privé dans la recherche et l’innovation, à hauteur de quelque 30 milliards d’euros par an. 17 b) Quelle énergie en attendant demain ? responsables politiques qui veulent la disparition de Les constructeurs automobiles proposent des véhi- cette motorisation. cules de plus en plus performants et économes, Une page se tourne, celle du tout-diesel. Sans anticipant même les normes internationales. Alors renoncer pour autant à cette voie, qui est par ail- que le diesel est actuellement considéré comme un leurs incontournable pour passer le cap des 95 g des types de motorisation les plus polluants, 2013 en 2020, il est vrai que les constructeurs ont déve- a semblé marquer la fin de sa croissance dans la loppé en parallèle des moteurs essence plus effi- catégorie des véhicules particuliers : sa part de mar- cients (dont les fameux 3 cylindres) et que l’hybride ché s’est repliée de près de 6%. rechargeable va modifier la donne au niveau du CO2 et de la pollution. De plus, la norme Euro 6 a une En 2014, le taux d’émission de NOx (oxydes influence sur le coût des moteurs diesel qui, ironie d’azote) a dû être divisé par deux par rapport à la de l’histoire, n’ont jamais été aussi propres. Autant norme Euro 5. « En renchérissant sensiblement le de raisons qui conduisent le CCFA à penser qu’un prix des véhicules, cette nouvelle norme va entraîner retour à l’équilibre (50 % pour le diesel et autant une répartition plus franche entre de petits véhicules pour l’essence) va s’opérer en 2020 pour la vente à essence pour des petits et moyens porteurs et des motorisations diesel pour des véhicules plus de voitures neuves. importants parcourant de plus longues distances », Autre information à retenir : la chambre syndicale explique Philippe Brendel, Président de l’OVE. des constructeurs français pense également que cette réorientation du marché s’inscrit dans la du- Parallèlement, on voit l’ascension tranquille mais rée. Elle pronostique donc un équilibre à 50-50 au régulière des véhicules hybrides et des véhicules niveau du parc roulant sept ans plus tard, en 2027. électriques. Ces derniers atteignaient moins de 1% Aujourd’hui, la part du diesel est de 62,1 % pour un du marché global au début de l’année 2014. En parc de 31,7 millions de véhicules. La dernière fois outre, selon une étude de l’Observatoire Cetelem que les courbes se sont croisées, c’était vers 2008, de l’Automobile, un quart des Européens pense que l’année de l’entrée en vigueur du bonus-malus. Une la prochaine voiture qu’il achètera sera une voiture mesure qui, sous le couvert d’une réduction du hybride. CO2, n’a fait qu’amplifier la montée en puissance du DIESEL : UNE MORT PROGRAMMÉE ? diesel. Source carfutur.com - juillet 2014. Pas mort, mais en recul : le diesel voit sa part de En juin 2012, l’Institut International du Cancer clas- marché diminuer depuis maintenant deux ans. De sait les particules fines du diesel dans la liste des 73 % en 2012, il est passé à 65 % en 2014 dans « carcinogènes » certains. Le débat qui a suivi est la proportion des ventes de voitures neuves. C’est loin d’être clos. Les nouveaux filtres à particules une relative désaffection, qui peut s’expliquer par la et les dernières technologies « hybride/diesel » n’y mauvaise presse dont a bénéficié le diesel ces der- changent rien en termes d’image. niers temps, avec pêle-mêle les accusations liées au cancer, la dénonciation d’une fiscalité trop avan- Le diesel a mauvaise presse et l’arrivée des normes tageuse et des initiatives intempestives de la part de européennes Euro 6 en matière de rejets polluants 18 en 2015 oblige les constructeurs à améliorer encore leurs technologies de dépollution avec, à la clé, des véhicules plus chers et plus fragiles. Pour qu’un filtre à particules fonctionne correctement, il faut une température moteur et une vitesse de rotation pas toujours atteintes dans les ralentissements des grandes villes… Audi sortira cette année un moteur TDI-e-tron mariant la technologie de l’hybride rechargeable avec le diesel, une étape pour atteindre le seuil des 95g de CO2 en 2020. Un cap que tous les constructeurs devront respecter… Cette technologie de l’hybride rechargeable est sans doute la plus crédible à moyen terme. Elle ne limite pas l’autonomie (50 kilomètres en mode 100% électrique et 900 kilomètres en mode thermique). On peut effectuer la plupart des trajets quotidiens sans utiliser une goutte de sans plomb… Le début du cercle vertueux… Les enjeux de la mobilité, aujourd’hui, étroitement liés à ceux de l’énergie… 80 mg/km : c’est le taux maximum d’oxydes d’azote (NOx) imposé par la norme Euro 6, que doivent respecter les nouveaux modèles diesel homologués depuis le 1er septembre 2014. Avec Euro 5, ce taux était de 180 mg/km. Un coûteux système de traitement des NOx devient ainsi quasiment impératif. 19 EN ATTENDANT L’ELECTRIQUE POUR TOUS… 2015, les ventes de véhicules électriques ont bondi Pas une semaine sans une innovation. Les nou- de 17.616 à 33.885 unités. Les deux premiers veaux modèles se bousculent… Le « 100% élec- marchés sont la Norvège et le Royaume Uni ... trique» fait un malheur sur les stands à défaut, pour En Allemagne, la voiture électrique ne se vend pas l’instant, de déferler sur nos routes… Il faut dire que, mieux qu’en France. L’exemple de l’Opel Ampera sur le papier, l’objet est séduisant. La voiture élec- est édifiant, comme le raconte Eric Bergerolle dans trique a enfin dépassé la barre mythique des 100 l’hebdomadaire Challenges : kilomètres d’autonomie (et même 400 pour la Tesla…), elle accélère fort, est totalement silencieuse « Si l’on en croit les chiffres publiés par la Kraftfahrt- et ne réclame que peu d’entretien. Renault a investi Bundesamt, ou KBA, l’autorité fédérale allemande quelque 5 milliards d’euros dans cette technologie. des transports, Opel n’a vendu que quarante-six On commence à voir quelques « Zoé » dans les exemplaires de son Ampera électrique durant les six grandes villes et l’Alliance Renault-Nissan fournira premiers mois de l’année. A titre de comparaison, 200 voitures 100% électriques à la Conférence Ferrari parvenait dans le même temps à immatricu- Paris Climat en décembre au Bourget. ler quelque quatre-vingt trois F12 Berlinetta valant la Quant à la Smart électrique, elle atteint les 100 km/ bagatelle de 273.000 euros, hors options. Et hors heure avec 145 kilomètres d’autonomie revendi- malus. quée pour la modique somme de 2 euros d’électri- Car malus il y a pour les grosses cylindrées de ce cité les 100 kilomètres… Ces écolomobiles coûtent type, émettrices de fortes quantités de dioxyde cher (à partir de 20.000 euros pour la Smart, la de carbone : pas moins de 8.000 euros dès lors Volkswagen-up, la Nissan Leaf ; 14.000 euros pour qu’elles franchissent le seuil des 201 g/km de CO2. la Zoé, bonus déduit) et elles imposent 60 à 80 euros A l’opposé, l’Opel Ampera donne droit à une prime mensuels de location de batterie… de 4.000 euros au regard de ses 27 g/km de CO2. Bien sûr, les prix baisseront avec les ventes, une fois En Allemagne aussi, il existe des incitations fiscales réglées les questions d’autonomie et de recharge, à l’achat de véhicules à propulsion électrique ou mais pour l’instant les faits sont têtus. Selon un rap- hybride. Mais cela ne suffit visiblement pas à com- port de UC Davis, 500.000 véhicules électriques penser un tarif que la clientèle juge excessif au circulaient dans le monde à l’été 2014… regard des prestations fournies (34.300 euros pour (source : « Automobile propre »). un habitacle étriqué et autonomie limitée). Si l’on met de côté la Norvège où plus de 15% des Bien qu’auréolée du titre de Voiture de l’Année voitures sont électriques, l’Europe est à la traîne… 2012, l’Opel Ampera enregistra une chute de 40 % En Norvège, les droits de douanes et les facilités de ses ventes dès la première année (3.184 exem- accordées aux voitures électriques (utilisation des plaires en Europe). La chute fut encore de 67 % au couloirs de bus, stationnement gratuit) ont boosté cours des six premiers mois de l’année 2014, avec le marché seulement 332 exemplaires mis en circulation. La En Europe, au cours des trois premiers mois de mévente de l’Ampera est telle qu’Opel songerait à 20 ne pas renouveler le modèle lorsque sa sœur siamoise Chevrolet Volt accueillera sa remplaçante aux États-Unis, fin 2015. C’est dire le désappointement du constructeur allemand qui eut la fierté de coiffer au poteau ses rivaux Ford et Volkswagen sur le terrain de l’électrique. La carrière décevante de l’Ampera apporte une preuve supplémentaire du décalage cruel qui existe entre le temps des industriels et le temps des politiques, entre les déclarations d’intention des consommateurs et la réalité de leur comportement. L’Opel Ampera s’est posée en sauveur à une époque où la «bagnole» était pointée du doigt et où le public commençait à réclamer le moyen d’échapper à la fatalité de la hausse des prix des carburants. Son tort ne fut pas d’avoir raison trop tôt mais de ne pas avoir eu suffisamment raison. Entendez par là qu’avec une autonomie supérieure, elle aurait pu convaincre au-delà du cercle restreint des technophiles. Cela aurait été au détriment de son prix, bien entendu. Car rouler plus loin en électrique implique d’emporter une batterie de plus forte capacité, plus chère et plus lourde. Un cercle vicieux dont la voiture électrique n’est toujours pas parvenue à s’affranchir, quel que soit le format considéré. Qu’il s’agisse de la citadine Renault Zoé, de la familiale compacte Nissan Leaf ou du ludospace Nissan e-NV200 Evalia, le prix demandé semble toujours trop élevé au consommateur qui cherche une alternative aux modèles à motorisation conventionnelle. D’où les sommes folles dépensées par les constructeurs dans l’espoir d’inciter le chaland à dépasser ce frein psychologique. Dernières campagnes en date, celles de Renault et de BMW qui donnent la parole aux utilisateurs enthousiastes. Certains verront dans ce procédé 21 l’énergie du désespoir, l’ultime recours d’un fabricant qui a épuisé les voies traditionnelles de la communication. D’autres y verront le moyen nécessaire pour démontrer à Monsieur Tout-le-Monde que la voiture électrique ne s’adresse pas qu’aux autres, et qu’en conduire une revient à l’adopter. Sur ce point, les automobilistes pionniers de l’électrique sont formels. Et puis il existe de bonnes raisons de ne pas désespérer de la voiture à piles. Sous l’action de constructeurs associés à des énergéticiens et des fabricants de bornes électriques, l’édification d’un réseau de points de charge est en marche, sous nos yeux, dans nos rues et sur nos parkings de supermarché. D’ici la fin de l’année, le territoire français comptera quelque 250 bornes rapides (norme CHAdeMO) installées par Nissan, dont 130 en libre-service chez Auchan. La densité du réseau de points de charge et l’autonomie des batteries rendront-elles un jour caduc l’architecture à prolongateur d’autonomie de l’Ampera ? Sans doute. Mais nous en sommes encore loin. D’ici-là, Opel s’emploie à rétablir l’équilibre de ses comptes. C’est une simple question de prix de revient qui l’a fait renoncer à commercialiser une Adam à motorisation 100 % électrique, conçue autour de la motorisation 100% électrique de la Chevrolet Spark EV. Pile au moment où Volkswagen s’essaie au genre avec sa e-Up!.. » Challenges - « Opel perd patience avec l’électrique » juillet 2014. Pour conclure sur l’électrique, c’est Frédéric Denhez qui résume le mieux la situation : « La voiture « e » ou « zéro émission » est entrée dans sa phase de maturité, car elle commence à pouvoir être dignement comparée à ses ancêtres à pétrole. 22 Sa faible autonomie n’est en définitive pas vraiment pas, on ne voit pas comment les véhicules à élec- un souci : la majorité des automobilistes fait moins trons pourront même après-demain remplacer tota- de 40 km par jour pour aller travailler et revenir à lement les vulgaires thermiques. Rouler électrique, la maison. En Europe, la moitié des trajets annuels c’est rouler périurbain. Et même urbain, au-delà, s’effectue sur moins de 3 à 10 km, selon les pays. c’est l’aventure. Comme il y a un siècle. » Rouler chaque jour dans une Zoé ou une voiturette Frédéric Denhez « La fin du tout voiture » Ed Actes à piles n’est donc pas un obstacle insurmontable. Jusqu’à 75 km/h, les pertes par les auxiliaires (cli- Sud – septembre 2013. matisation, radio, tout l’équipement électrique) sont Cela dit, tous les ingénieurs cherchent, depuis plu- égales à celles dues à la résistance de l’air et aux sieurs années, la technologie qui permettra de ne frottements sur la route. En vitesse urbaine, c’est à plus dépendre du réseau électrique pour recharger dire de 10 à 15 km/h (on ne roule pas plus vite que sa voiture… cela dans une agglomération européenne : les diligences à cheval trottaient mieux !), c’est l’inverse, la La marque Renault a indiqué dans une interview aux consommation des auxiliaires est très supérieure à Echos son intention de doubler l’autonomie de ses celle liée à la traction. En gérant bien ses kilowatt- voitures électriques. Béatrice Foucher, Directrice heures disponibles, le conducteur devrait parvenir du programme électrique de Renault, explique : à gérer son autonomie. Les livreurs y parviennent, « nous visons un doublement de l’autonomie, ce qui pourquoi pas nous ? devrait permettre de rouler 300 kilomètres en condition réelle et 400 kilomètres en cycle homologué ». Pour résumer, il faut diviser par deux l’autonomie sur catalogue pour tenir compte de ce qui n’ap- Une nouvelle batterie lithium-ion d’une quarantaine paraît jamais dans les protocoles de mesure : la de kWh (22 kWh aujourd’hui), fournie par LG Chem, consommation des auxiliaires et les conditions de équipera la Renault Zoé Electrique à l’horizon 2017- conduite difficiles, face au vent, sur une pente et 2018. Au Consumer Electronic Show de Las Vega, en hiver. Cela dit, même avec 150 km affichés sur en janvier 2014, Ford a dévoilé le : FORD C-MAX papier glacé, alors qu’on a été habitué à 800, voir Solar Energi Concept… 1.000 km avec un diesel, on se sent tout riquiqui ! Ce véhicule à énergie solaire d’un genre nouveau La seconde limitation des voitures électriques, offre les avantages d’une motorisation hybride re- après l’autonomie, est la capacité de recharge. Pour chargeable sans pour autant dépendre du réseau remplir les batteries de la BMW i3 ou de la Nissan électrique pour sa recharge. Leaf dans le même temps qu’on bourre le réservoir d’une Clio essence dernier cri, il faudrait que la prise En plus de pouvoir recharger sa batterie via une prise délivre quelques centaines de kilowatts, c’est-à-dire électrique, le Ford C-MAX Solar Energi Concept un bon millier d’ampères à la tension habituelle. à peut exploiter au mieux l’énergie solaire grâce à un moins d’équiper les stations-service de câbles élec- concentrateur spécial qui agit à la manière d’une triques gros comme des aussières de paquebots, loupe en dirigeant les rayons lumineux vers les pan- plongés dans des piscines pour qu’ils ne brûlent neaux solaires de son toit. 23 Une journée d’ensoleillement suffit ainsi à ce En France, le volontarisme du gouvernement pour concept pour offrir les mêmes performances qu’un promouvoir l’électrique fait sourire les sceptiques. C-MAX Energi hybride rechargeable standard re- Voici l’objectif assigné par Arnaud Montebourg à chargé sur le réseau électrique. L’utilisation d’une « la Nouvelle France Industrielle ». C’était au prin- énergie renouvelable peut ainsi abaisser les émis- temps 2014… sions de gaz à effet de serre de quatre tonnes par « Il s’agit de couvrir l’ensemble du territoire d’un an pour un conducteur type. réseau complet de bornes de recharge, afin que Avec une charge complète, le Ford C-MAX Solar nos concitoyens puissent faire le choix du véhicule Energi Concept offre la même autonomie que le C- électrique, en sachant qu’ils trouveront toujours sur MAX Energi standard, soit 1.000 km au total, dont leurs parcours une solution de recharge accessible 34 km en mode tout électrique. Il est également en cas de besoin. Le véhicule électrique est à la équipé d’une prise pour laisser la possibilité aux fois écologique – il n’émet aucun polluant – et éco- conducteurs de recharger leur véhicule via le réseau nomique. Grâce au bonus électrique, il est vendu électrique. aujourd’hui au même prix qu’un véhicule thermique de même gamme, tout en permettant de parcou- En exploitant l’énergie solaire grâce aux panneaux rir 150 km pour moins de 2 euros. Ce véhicule est installés sur son toit, le C-MAX Solar Energi Concept donc parfaitement adapté aux usages de 80% de s’affranchit du réseau électrique pour recharger sa Français qui parcourent moins de 65 km par jour, batterie. En pratique, il pourrait parcourir 75% des et pour lesquels la facture de carburant pèse lour- trajets effectués par un conducteur type grâce à dement. La question du rechargement est cruciale l’énergie solaire. Cela pourrait s’avérer particulière- pour augmenter la diffusion du véhicule électrique. ment intéressant dans certaines régions, lorsque le La France possède déjà le plus ancien et le plus réseau électrique est peu développé, peu fiable ou dense réseau de bornes de recharge d’Europe. onéreux. La filière électrique, organisée autour du pôle EDF, de grands équipementiers (Schneider, Legrand) et Voici donc le rêve de tous les vrais écologistes, la d’entreprises spécialisées, est en bonne position en technologie parfaite, qui pourrait nous dispenser, France et à l’export sur les bornes, les infrastruc- à terme, de toutes les centrales nucléaires dont tures et les services associés (itinérance, gestion de l’électrique a tant besoin… flottes, autopartage). Ce plan permettra de faire de Nous n’en sommes pas là. Sur les 1.000 km de cet la France la « championne de la mobilité électrique » hybride solaire, seuls 34 km sont assurés par l’élec- et de positionner les constructeurs français en tête tricité. Et il faut une journée de stationnement au so- d’un marché qui pourrait dépasser 75.000 véhi- leil pour obtenir l’équivalent de 4 heures de charge… cules en Europe en 2015. Il permettra également aux équipementiers électriques de développer de Mais une piste nouvelle vient d’être tracée. Imagi- nouvelles activités créatrices d’emplois. » nons cette technologie arrivant à pleine maturité à l’horizon 2030 où le parc automobile mondial de- Rappelons que la dernière loi sur la transition éner- vrait atteindre 1 milliard 300 millions de véhicules... gétique prévoit d’atteindre 7 millions de points de 24 recharge en 2030. Ce ne sera pas superflu au regard des chiffres d’immatriculations pour 2014. En France, elles ont progressé de plus de 20% l’an dernier. Leur part de marché reste anecdotique : 0,59% du 1,79 million de voitures neuves immatriculées en 2014, selon les chiffres du CCFA. Norvège: les voitures électriques prolifèrent, leurs privilèges menacés Oslo (AFP) : La Norvège a beau être un des principaux producteurs de pétrole de la planète, les voitures électriques y prolifèrent au point qu’il est désormais question de supprimer les 150.000 véhicules électriques en Europe l’an prochain ? Les paris sont ouverts. Le risque industriel n’est pas négligeable. L’alliance Renault-Nissan a investi quelque 4 milliards d’euros dans cette technologie et l’hiver dernier, Carlos Ghosn reconnaissait dans le « Financial Times » que son objectif de vendre 1.5 million de véhicules ZE d’ici à fin 2016 devait être reporté de 5 ans… privilèges qui ont fait leur succès. « C’est devenu un problème » : chauffeur de bus dans la région d’Oslo, Erik Haugstad peste contre les nombreuses voitures électriques qui provoquent des bouchons dans les couloirs de transport collectif. Elles ont aussi le droit de les emprunter, de se En France, le marché du VE est très réactif. Sensible évidemment aux prix, il est reparti à la hausse à l’été 2014 et fait l’objet de toute la sollicitude du gouvernement. garer gratuitement sur les parkings publics, de s’y recharger sans frais et de franchir les péages urbains à l’œil. Surtout, ces voitures sont exemptées des taxes, extrêmement lourdes en Norvège, qui pèsent sur leurs « cousines » à En Norvège il explose peut être trop vite et trop fort. carburants fossiles. Visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du trafic routier, qui représentent 10% de celles du pays, ces mesures très généreuses ont produit leur effet : 32.000 voitures électriques circulent aujourd’hui sur les routes norvégiennes, soit un véhicule pour 160 habitants, chiffre le plus élevé dans le monde. « Je suis chauffeur de bus et je veux transporter mes passagers aussi vite que possible. Je souhaiterais donc que les voitures électriques sortent des couloirs de transport en commun où elles provoquent des encombrements », fait cependant valoir Erik Haugstad. « Pour la société, ces retards ont un coût. Le temps perdu par des milliers de nos passagers bloqués dans la circulation est bien supérieur à 25 celui gagné par quelques dizaines de conducteurs Or, au rythme actuel, ce volume pourrait être de voitures électriques », explique-t-il à l’AFP. atteint dès le début 2015, obligeant le gouvernement à reconsidérer sa politique. Une politique Le risque est d’entrer dans un cercle vicieux : excé- coûteuse puisque les seules exemptions fiscales dés d’arriver en retard au travail, des usagers pour- représentent jusqu’à 4 milliards de couronnes (500 raient eux aussi être tentés de renoncer au bus pour millions d’euros) de manque à gagner, selon les un de ces véhicules, aggravant les bouchons. propres estimations de l’État. - 13% des ventes. « Il se pourrait que l’on fasse des ajustements à la Les voitures électriques représentent déjà jusqu’à baisse à l’avenir », a récemment indiqué le Premier 85% du trafic dans les couloirs de transport collectif ministre, Erna Solberg, au journal VG. « Mais je peux aux heures de pointe, selon une étude réalisée par promettre aux automobilistes qu’il y aura encore des l’Administration des routes publiques sur un tron- avantages fiscaux pendant des années à conduire çon fréquenté des abords d’Oslo. une voiture électrique. » « C’est un thème dont on parle beaucoup à la pause L’engagement est important car 48% des propriétaires de voiture électrique disent avoir acheté leur déjeuner avec les collègues. Beaucoup d’entre eux véhicule principalement pour économiser de l’argent. sont beaucoup plus agressifs et mesurent moins leurs propos », précise Erik Haugstad. Selon l’enquête de l’Association pour la voiture électrique, seuls 27% affirment l’avoir fait par souci Aucune décision n’a encore été prise mais il est de pour l’environnement et 12% pour gagner du temps plus en plus question d’accéder à leurs demandes, du moins aux endroits et moments les plus saturés. dans leurs trajets. En attendant, les voitures électriques se multiplient « Il est trop tôt pour supprimer les avantages fiscaux. Le marché n’est pas encore suffisamment comme des petits pains. De la populaire Leaf de concurrentiel » par rapport à celui des voitures à Nissan à la Tesla, elles représentent environ 13% moteur à combustion, estime la secrétaire géné- des ventes de véhicules neufs depuis le début de l’année, une part de marché sans équivalent ailleurs. rale de l’organisation, Christina Bu. En mars, la Tesla est même devenue la voiture la « Si l’exemption de taxe et de TVA devait prendre fin, le marché pourrait s’effondrer et il serait alors difficile plus vendue de l’histoire norvégienne sur un mois, et d’atteindre les objectifs climatiques que la Norvège cela malgré son prix relativement élevé. Car, même à s’est fixés. On doit augmenter le nombre de voitures 60.000 euros pour une entrée de gamme, c’est une aubaine quand on considère qu’il faudrait débourser électriques, pas le baisser », souligne-t-elle. environ le double si elle était sujette aux taxes. Source : Sciences et avenir – AFP – 30.08.2014 La popularité des voitures électriques a pris de vitesse les autorités qui prévoyaient de maintenir les mesures incitatives jusqu’en 2017 ou jusqu’à ce qu’il y ait 50.000 exemplaires en circulation. 26 ESSENCE : UNE NOUVELLE VIE COMMENCE… trielle nouvelle, soutenue par l’Etat dans le cadre du En attendant que le marché des énergies renouve- programme des investissements d’avenir et de l’ap- lables apporte à la France les 2 à 3 milliards d’euros pel à manifestation d’intérêt lancé en juillet, est au de valeur ajoutée espérés par le gouvernement d’ici cœur de la mutation de notre filière automobile et 2020, le volontarisme affiché en 2013 est plus que doit permettre son rebond durable. » jamais d’actualité. Arnaud Montebourg : « 34 plans d’action pour relancer l’industrie » - septembre 2013. « La voiture pour tous consommant moins de 2 litres aux 100 km » En admettant que l’objectif des 2 litres au 100 soit Le gouvernement l’affirme et les constructeurs au- rapidement atteint(1) (et c’est tout à fait réaliste : tomobiles y travaillent : la dernière 108 Peugeot annonce 3,6 litres au 100 en conduite extra-urbaine), l’attrait de ce type « Nous construisons la France des véhicules éco- de motorisation relancera le marché et viendra logiques, économiques et populaires, consommant perturber, voire ralentir considérablement l’essor de moins de 2 l / 100 km. Des véhicules accessibles l’électrique. Au prix du printemps 2015 il faudrait à tous, conçus et fabriqués en France, pour une débourser 2,60 euros pour faire 100 km dans un conduite intelligente et moins polluante. Des véhi- véhicule consommant 2 litres au 100… Paris – Lyon cules plus légers qui permettront de concilier à la pour 13 euros… La revanche des moteurs essence fois la lutte contre l’effet de serre et la réduction de pourrait avoir des effets pervers, d’autant que la la consommation de carburants d’origine fossile. Ce baisse des prix du pétrole semble durable. plan permettra le développement de nouvelles technologies économes en carburant, en associant l’hybridation des moteurs, l’allègement des véhicules, la réduction des pertes mécaniques et de roulement. Les travaux sur la connectivité des véhicules donneront lieu à une amélioration de la conduite et à une meilleure sécurité au volant. Un des défis majeurs du plan est de réduire la consommation des véhicules sans en augmenter le prix. Les constructeurs, Renault et PSA, ainsi que les équipementiers, Valeo, Faurecia, Plastic Omnium ou Michelin, disposent d’un savoir-faire reconnu. Ils ont décidé d’unir leurs forces. Sur la base de la feuille de route qu’ils ont élaborée au (1) Les constructeurs français regroupés au sein de la sein de la plateforme automobile, le projet associe Plateforme de la filière automobile (PFA) proposeront également le tissu des ETI et des PME innovantes avant 2020 une citadine dont la consommation normalisée de la filière automobile, ainsi que les nombreux ne dépassera pas 2l/100 km (Source Auto Journal - laboratoires publics concernés. Cette offre indus- 28/05/2012) 27 Cependant, l’hydrogène est extrêmement volatile et nécessite d’être compressé ou liquéfié, ce qui rend son stockage et son transport plus complexes et coûteux que ceux d’autres sources d’énergie. Aujourd’hui, l’utilisation de l’hydrogène comme carburant reste bien plus coûteuse que celle du pétrole. L’année dernière, Toyota présentait pour la première fois, au Salon Automobile de Tokyo, ce qui préfigurerait sa future berline à pile à combustible à hydrogène. Ce véhicule, la Toyota Mirai, intégre un système de pile développé par Toyota depuis plus de vingt ans : le système FC Stack. (Source : Automobile Propre 26.06.2014). Ce système produit de l’électricité grâce à une réaction chimique entre l’hydrogène et l’oxygène contenus dans des réservoirs sous haute pression et n’émet que de la vapeur d’eau. Testé pour la première fois en 2002, il a depuis été développé et permettrait aujourd’hui aux véhicules qui l’utilisent d’afficher des performances et une autonomie comparables à celles d’une voiture essence. Toyota annonce également que le plein du véhicule s’effectuera en 3 minutes environ. La commercialisation de ce véhicule à hydrogène HYDROGENE : LE CARBURANT DU FUTUR ? a débuté en avril 2015 au Japon. Elle est vendue à Non émetteur de CO2, très abondant sur terre et environ 7 millions de yens hors TVA, soit presque pouvant être stocké, l’hydrogène pourrait représen- 50 000 € hors taxes. ter une source d’énergie alternative pour les véhi- Les ventes se concentrent sur 9 régions déjà équi- cules. 1 kg d’hydrogène contient autant d’énergie pées d’infrastructures de ravitaillement en hydro- que 2,4 kg de gaz naturel ou 2,8 kg d’essence. gène, dont Osaka, Fukuoka, Chiba et Tokyo. Cette excellente densité énergétique (33 kWh/kg) explique pourquoi l’hydrogène est le carburant des Le véhicule à hydrogène Made in Toyota débar- fusées et navettes spatiales. quera ensuite en Europe et aux Etats-Unis vers l’été 28 2015. Ni les tarifs, ni les objectifs de ventes n’ont été communiqués pour le moment… Karl Schlicht, vice-président de Toyota Motors Europe, déclare : « Nous sommes impatients de voir arriver la pile à combustible. (…) Certes, il reste bien des difficultés à surmonter, comme la disponibilité des stations-service et la sensibilisation des automobilistes. Mais notre vécu en matière d’hybrides nous procure toute l’expérience nécessaire pour lancer une nouvelle technologie. En Europe, nous procéderons par étapes en commercialisant progressivement la voiture sur certains marchés. Mais nous sommes convaincus qu’en allant de l’avant, la motorisation hydrogène ne cessera de gagner en popularité. » Aux Etats-Unis le projet « Project Driveway » rassemble, depuis 2007, les constructeurs Opel et General Motors autour d’une innovation majeure : le moteur à pile à combustible. Une flotte de 119 véhicules alimentés par la pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène a été mise à disposition des clients afin que les véhicules soient testés en conditions réelles. Les deux firmes annoncent que l’expérimentation vient de franchir le seuil hautement symbolique de 4,8 millions de kilomètres dans un environnement classique de conduite. Au total, près de 5 000 conducteurs ont eu la chance de s’initier à la conduite d’une voiture à hydrogène. Tous les constructeurs, ou presque, travaillent sur l’hydrogène… BMW, Nissan, Hyundai (3 modèles ix35 commercialisés depuis 2013), GM, Mercedes, Honda. Tous étaient déjà présents au Mondial 2012 à Paris pour vanter les mérites de cette technologie dont certains affirment qu’elle devrait 29 représenter en 2050 la moitié des nouvelles immatriculations en Europe… (Etude Mc Kinsey Power Trains in Europe (2010)). L’Allemagne croit à l’hydrogène : (1,7 milliard d’euros d’investissements dans des stations de distribution d’ici à 2017…), la France beaucoup moins… Le consultant Bertrand Chauvet dénonce : « Un désert français qui inaugure mal de l’avenir des constructeurs nationaux quand il s’agira d’exporter vers des pays où pulluleront les stations de recharge hydrogène, et où rouleront essentiellement des voitures allemandes, américaines, coréennes et japonaises. La France n’y croit pas, en tous cas la puissance publique, même si une startup française, Symbio FCell, installée à Grenoble depuis 2010, travaille à la miniaturisation et à la réduction des coûts des piles à combustible. L’entreprise modifie des véhicules électrifiés tels que le Renault Kangoo ZE (le véhicule utilitaire électrique le plus vendu à ce jour) pour y ajouter une pile à hydrogène, prolongateur d’autonomie… Le groupe Michelin vient d’entrer à son capital… Une goutte d’eau privée dans un océan d’indifférence ? Comme pour l’essence, le diesel ou l’électrique, la bataille des lobbies fait rage. » Une majorité de diesel, beaucoup d’essence, peu d’électrique et pas d’hydrogène… Tel est le constat à l’automne 2014 sur les routes françaises… C’est le cas également d’évidence dans les centres villes où la plupart des municipalités sont en train de basculer vers la fin du tout-voiture… 30 C) comment roule-t-on en ville ? Paris asphyxié, mais bientôt libéré… Paris, qui a connu ces derniers mois plusieurs pics Paris sera-t-elle définitivement l’Eldorado du véhi- réservées aux véhicules peu polluants. de pollution aux particules fines, veut en outre envisager de créer davantage de zones à trafic limité ou cule électrique ? La délibération (DVD 106) prévoit de proposer La Mairie de Paris veut faire de la Capitale « le lea- aux personnes qui abandonneraient leur véhicule der de la mobilité électrique ». Mais en attendant, le polluant, soit de bénéficier d’un an d’abonnement Conseil de Paris a adopté en Mars 2015 le plan anti- aux transports en commun gratuit (Passe Navigo pollution porté par la Maire de Paris, un ensemble de annuel), ainsi que d’un abonnement annuel à Vélib’ mesures d’incitation et d’interdiction progressive de et d’une offre découverte du service Autolib’, soit certains moyens de transport, qui commenceront de pouvoir acquérir un vélo et d’éventuels acces- à entrer en vigueur dès juillet 2015. Ces annonces soires de sécurité, tout en bénéficiant d’une offre s’attirent d’ores et déjà les foudres de certaines découverte Autolib’. catégories d’usagers, comme les conducteurs de Selon Christophe Najdovski, adjoint écologiste deux-roues ou les professionnels. chargé des Transports, un «nouveau système Des aides pour inciter les usagers à se rabattre sur d’autopartage» sera également mis en place «dès des moyens de transport propres, et des restrictions le printemps prochain», en complément d’Autolib’. de circulation entrant progressivement en vigueur jusqu’en 2020 : telle est la double détente du plan Le montant de l’aide ainsi accordée pourra atteindre antipollution porté par la Mairie de Paris. Se voulant 500 euros pour chaque bénéficiaire. Une enveloppe une mise en oeuvre anticipée de la loi de transition de 3 millions d’euros est prévue sur la mandature. énergétique, il a été adopté par le Conseil de Paris. La délibération prévoit également d’offrir aux Un train de mesures restrictives vise à interdire pro- jeunes conducteurs parisiens de moins de 25 ans, gressivement l’accès de certains véhicules à Paris, venant d’obtenir leur permis, un abonnement Au- suscitant la colère des motards et des profession- tolib’ à moitié prix, plus un crédit de 50 euros de nels, notamment les artisans et commerçants. trajets prépayés. Seront interdits dès juillet 2015, d’abord entre 8 En outre, le texte prévoit d’aider les copropriétés à heures et 20 heures, les camions et autocars im- s’équiper d’abris vélos sécurisés (les travaux d’instal- matriculés avant octobre 2001 et, à partir de juil- lation et les équipements seront financés par la Ville à let 2016, les voitures immatriculées avant janvier hauteur de 50% du montant total avec une subven- 1997 (une voiture sur sept à Paris selon la Mairie), tion plafonnée à 2.000 euros) et à s’équiper de points ainsi que les deux-roues enregistrés avant 2000. de recharge pour les véhicules électriques: 1,5 million d’euros et 500.000 euros, respectivement, sont pré- Entre 2017 et 2020, l’interdiction deviendra totale vus sur la mandature pour ces deux mesures. pour certains véhicules et sera étendue à des modèles plus récents, jusqu’aux voitures diesel imma- Une autre délibération présentée ultérieurement triculées avant 2011. portera sur l’aide financière à accorder aux pro- 31 fessionnels les plus modestes souhaitant renouveler leur véhicule pour un véhicule propre. (BFM TV – mars 2015). Vaste programme à l’horizon 2020 auquel il faut ajouter, depuis son élection en mars dernier, quelques mesures plus spectaculaires : Anne Hidalgo envisagerait sérieusement une augmentation d’au moins 50% du tarif horaire du stationnement et le doublement du coût des PV de stationnement dès le début de l’année 2016. Ainsi, le PV de stationnement évoluerait de 17 à 36 €, soit une augmentation non négligeable de 118% et le coût moyen horaire (selon les quartiers) pourrait passer d’environ 1,2 à 3,6 € actuellement à des tarifs allant de 1,8 à 5,4 €. Si l’on en croit les premiers éléments de cette nouvelle affaire automobilo-parisienne, l’objectif de cette évolution de la tarification viserait à rendre le PV dissuasif et vraiment contraignant financièrement, cela pour inciter les automobilistes à s’acquitter de leur ticket de parking. Actuellement, il n’y aurait que 15% des conducteurs de voitures qui penseraient à passer par l’horodateur au moment de se garer. L’argent ainsi récolté viendrait s’ajouter aux 65 millions d’euros que rapporte annuellement le stationnement dit résidentiel. Ces chiffres sont loin de refléter la situation de tous les centres villes. Après les municipales de mars 2014, « quelques villes importantes de l’hexagone, notamment dans l’ouest et le sud-ouest, ont fait le choix de refaire une petite place à l’automobile dans le paysage urbain d’où elle avait été exclue depuis une ou plusieurs mandatures. Tramways, couloirs de bus (à moteur diesel…), multiplication des pistes cyclables dans tous les sens 32 (même ceux qui peuvent être dangereux !), suppression de places de stationnement, augmentation du coût horaire des parkings, rétrécissement des voies de circulation ont été au programme de très nombreuses agglomérations depuis une décennie et demi. Reste que ces choix ont été faits au nom du « bien être » des citadins, de la qualité de l’air et de quelques justifications dont nous avons déjà parlé ici, mais ils n’ont pas forcément pris en compte la vie des villes qui ne passe pas uniquement par des décisions souvent très politiques et engagées. On note donc une évolution de la situation dans certaines villes et cela commence à se matérialiser par quelques décisions qui vont légèrement modifier la vie des automobilistes en ville mais qui pourront avoir un assez fort impact médiatique. Ainsi à Angers, dans le Maine et Loire, Christophe Béchu, nouveau Maire de la ville, et le conseil municipal viennent de signer un petit come-back de l’automobile en zone urbaine en rendant gratuite la première heure de stationnement. Cette évolution de la réglementation vise à soutenir les zones marchandes et commerçantes du centreville qui, dans certains quartiers de la cité, ont complètement disparu du fait d’un plan de circulation qui ne prenait pas en compte les magasins et les autres éléments de la vie sociale et économique de la ville. A la Roche sur Yon en Vendée, Yves Brouard, le nouveau Maire, veut redynamiser le centre-ville et il dit avoir écouté les commerçants qui veulent favoriser le stationnement de leurs clients. Pour ce faire, le stationnement est désormais gratuit le samedi sur toute la voirie municipale et dans les parkings couverts de la ville. 33 Un autre exemple nous vient de la ville rose, Toulouse, où l’on dit clairement que l’ère de la sacralisation du vélo est révolue. Et on joint le geste à la parole puisque la municipalité vient de décider, d’une part, de rétablir un stationnement moins cher dans les parkings de la ville gérés par la société Vinci et, d’autre part, de supprimer l’aide à l’achat de vélos électriques qui avait été instituée par la précédente municipalité. Une ville comme Auray, dans le Morbihan, vient de rendre une zone piétonne à la circulation, Pau vient de revoir son plan de circulation pour faire entrer davantage d’automobiles dans le centre-ville et des pistes cyclables sont supprimées. On trouve des cas similaire à Lille Métropole, Dole ou même Thionville qui supprime sa grande piste cyclable qui traversait la ville. On ne compte pas non plus le nombre de budgets dédiés aux pistes cyclables qui sont supprimés. Même si cela a des relents de simple politique politicienne, on notera que de nombreux Maires de très grosses agglomérations sont toujours opposés au retour d’un peu plus de voitures dans les centres ou à la gratuité totale ou partielle du stationnement urbain. » (Blog Automobile – Frédéric Euvrard 27 juillet 2014). 34 « A BICYCLETTE »… LA DEFERLANTE DU VELO… C’est le quotidien « La Voix du Nord » qui relate l’expérience lancée le 2 juin 2014 par le Ministère des Transports : « l’indemnité kilométrique vélo »… Qui est concerné ? Les travailleurs qui laissent leur voiture au garage au profit de leur vélo. Mais pour l’instant, seules vingt « entreprises et organismes volontaires » sont associés au dispositif. « Le potentiel des salariés concernés par cette expérimentation est de 10 000 personnes », selon le communiqué du ministère. Quel est le montant de cette indemnité ? Elle est fixée à 25 centimes par km parcouru. Pour un trajet théorique domicile - travail de 5 km, vingt jours dans le mois, le gain pour le salarié est ainsi de 50 euros par mois. Pas négligeable, d’autant qu’on gagne aussi en frais d’entretien du véhicule... L’indemnité « n’est pas cumulable à un remboursement de l’abonnement transports collectifs », précise le ministère, « sauf s’il s’agit de trajets complémentaires (vélo + train par exemple) ». Combien de temps dure l’expérimentation ? Elle doit durer six mois à compter de ce lundi, le temps de mesurer l’efficacité de la mesure et les facteurs qui lui sont favorables. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les seuls chanceux à pouvoir bénéficier de cette mesure sont les salariés de l’Agence de Développement Urbanisme de la Sambre, à Maubeuge. À quelle condition sera-t-elle généralisée ? Le communiqué du ministère évoque quatre critères en restant assez vague : évolution de la part de déplacements domicile-travail à vélo, modes de déplacements abandonnés au profit du vélo, facteurs favorables ou défavorables à l’efficacité de la mesure, organisation matérielle mise en place dans 35 les différentes structures. « Les résultats seront ren- et… plats. La topographie est en effet le premier dus publics en fin d’année et permettront, s’ils sont ennemi du mollet. Au pied d’une côte, le cycliste concluants, d’envisager une seconde phase d’ex- pense d’abord à trouver un poteau autour duquel périmentation à plus grande échelle. » fermer son antivol. Voilà pourquoi, dans beaucoup de villes européennes, les stations de vélo en libre- Peut-elle changer les comportements ? Il y a les service, grand succès des années 2000 (mais hors irréductibles convaincus. « Les gens adorent comp- de prix, nombre de villes commencent à y renon- ter combien d’euros ils parviennent à grappiller », cer), sont toujours plus remplies en bas qu’en haut estimait l’an dernier dans un article de Midi Libre des côtes. la présidente de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) Geneviève Laferrère. « En Belgique, En France, c’est sans aucun doute la ville de Cham- l’indemnité kilométrique de 22 centimes n’a pas béry qui, sous l’impulsion de son ex-maire Louis modifié massivement les comportements, juge au Besson, a eu la politique vélo la plus cohérente. contraire notre confrère du Monde Olivier Razemon D’abord entraver l’auto par des chicanes et des sens son son blog. Les villes de Flandre, qui ont entamé interdits afin d’en limiter la vitesse moyenne, ensuite une transition cyclable depuis plusieurs années, mettre des vélos sur la chaussée. Cela dit, le cham- demeurent davantage adaptées aux déplacements pion toutes catégories reste le Danemark. Sur une à bicyclette que Bruxelles ou les villes de Wallonie, année, le Danois parcourt en moyenne 1 000 km sur toujours plus hésitantes. L’indemnité, qui existe des deux roues quand le Belge en aligne 300, alors que deux côtés de la frontière linguistique, n’y change le Français, si fier de son tour de France, s’arrête à pas grand-chose. » 100 km. – Frédéric Denhez – « La fin du tout-voiture » Ed. Actes Sud septembre 2013 -. Tanguy Pallaver – « La Voix du Nord » - 2 juin 2014 La France est le 3ème pays européen consommateur de vélos après l’Allemagne et le Royaume Uni. Au total, 2,8 millions de vélos ont été vendus l’an dernier. A comparer avec la seule ville d’Amsterdam où l’on dénombre quelques 880.000 bicyclettes (soit 1,1 par habitant…) et où l’on songe à rendre payants les parkings pour vélos… Frédéric Denhez pointe la difficulté : « Le vélo est facile sur 3 km en agglomération, le double s’il est à assistance électrique (VAE), si l’on n’a pas trop souvent à regarder derrière son épaule ni à poser les deux pieds par terre. C’est bien là la difficulté majeure d’une politique vélo : trouver des itinéraires complets, aussi courts que possibles, 36 Les députés ont adopté le 26 mai 2015 un projet de loi instituant une réduction d’impôt au bénéfice des entreprises mettant à disposition de leurs salariés des vélos. Dans le cadre de la transition énergétique pour la croissance verte, les députés ont adopté le projet de loi qui prévoit que «les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt égale aux frais générés par la mise à disposition gratuite à leurs salariés, pour leurs déplacements entre leur domicile et le lieu de travail, d’une flotte de vélos dans la limite de 25% du prix d’achat de ladite flotte de vélos». Cette disposition sera applicable dès le 1er janvier 2016. 37 2 QUELLE MOBILITé EN 2030 ? Au terme de ce tour d’horizon de ce qui se fait et se pratique aujourd’hui en matière de nouvelles mobilités ou de mobilités plus vertueuses, arrêtons-nous sur quelques pistes tracées par Jean-Claude Bocquet, professeur à l’Ecole Centrale de Paris lors de son audition en 2013 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. « Deux constats : Aujourd’hui, 25% des adultes, des « conducteurs » ont plus de 65 ans (à l’horizon 2050, ils seront de l’ordre de 50%). Bientôt 80% des personnes habiteront les villes : • ils consommeront dans les villes (besoin d’approvisionnement croissant des villes) ; • la disponibilité des surfaces habitables va poser problème (problème d’emprise des surfaces de parking) : • l’évolution du prix des parkings suit celui des logements (problème d’accès au logement). Les besoins en termes de mobilité ne peuvent aller qu’en croissant (principalement dans les villes). Deux scénarios : Sur le court terme : continuer à développer l’hybride (y compris hydrogène) pour une autonomie inter villes et un déplacement électrique en ville mais avec un gros effort de recherche sur les structures véhicule pour une réduction drastique des masses (une 405 faisait 1 000 kg, une C5 1 700 kg, aujourd’hui, un moteur moderne et des pneus modernes sur l’équivalent d’une AX d’antan donnerait de suite des consommations inférieures à 2 litres aux 100 km) et une modularité (adaptabilité au besoin : roue intégrée Michelin). 38 Sur le long terme : développer l’hydrogène (pile à brutalement, avec, par exemple, une taxation combustible) pour les déplacements inter villes et en massive et générale de l’entrée des véhicules parallèle le tout électrique sans conducteur en ville : privés dans les grandes villes ? • l’attente des consommateurs : seront-ils indiffé- Les voitures de ville sans conducteur : rents aux évolutions législatives et à l’environne- • pourront être appelées par Internet en bas de ment, ou remettront-ils en cause leurs modes de chez soi pour une adresse choisie dans la ville ou consommation ? ». en périphérie pour prise d’un véhicule inter villes ; Ces trois questions clés ont pour toile de fond, en • permettront, durant la mobilité, de ne rien piloter Europe, l’objectif réitéré par Bruxelles l’été dernier : et de contrôler, donc d’être disponible pour toute 30% d’économie d’énergie en 2030. autre activité à l’intérieur du véhicule ; • autogèreront leur énergie (rechargement…), leur besoin de maintenance ; • seront des véhicules ultralégers (de 1 à 4 places, voire utilitaires) n’ayant pas à résister à un choc (parc homogène à une ville de véhicules communicants) ; • auront très peu d’emprise foncière dans la ville (seule occupation des voies de circulation en fonction des flux circulants) ; leur stationnement se fera en périphérie des villes en attente de circulation. Là encore : vaste programme ! Avant de passer en revue les solutions envisageables à l’horizon 2030 en termes de transport et d’environnement de travail, rappelons la difficulté de toute projection. L’émergence d’un nouveau paradigme de la mobilité dépendra de trois facteurs principaux : • le prix du pétrole : maintien aux cours actuels, ou reprise de la hausse, avec un baril atteignant les 200 $ ; • les réglementations environnementales : évolueront-elles progressivement ou se durciront-elles 39 a) Comment va-t-on se déplacer dans 15 ans ? Pour nourrir ce Livre Blanc, le Club de la Mobilité Durable a mobilisé et interrogé la plupart des acteurs et des parties prenantes concernés par le sujet. Le 1er atelier de la Mobilité Durable s’est tenu le 23 janvier dernier, organisé et animé par l’Institut OpinionWay. Il réunissait des représentants de la génération Y, futurs diplômés et jeunes actifs, âgés de 20 à 35 ans, habitant Paris ou l’Ile de France. Pourquoi ce choix ? Essentiellement parce que c’est cette génération, et les suivantes…, qui tiennent entre leurs mains le destin de la mobilité de demain. Née avec les nouvelles technologies, elle est au cœur de l’économie collaborative et réfléchit à tout ce qui peut changer la vie dans les villes grâce à la connectivité, au partage des données et à la mutualisation des outils. C’est elle qui trouvera le compromis idéal entre écologie et business… Bien sûr, une partie de cette génération vit en milieu rural avec une problématique différente et une grande dépendance à l’automobile, mais à terme, les solutions qui verront le jour en 2030 seront sans doute les mêmes en ville, dans les zones périurbaines ou en milieu rural… La « Mobilité 3D », imaginée aujourd’hui par le groupe PSA, concernera aussi bien les villes que les campagnes… On va le voir maintenant, la Mobilité Durable est envisagée par la génération Y de manière positive, non comme une contrainte… 40 GENERATION Y : « AUTONOMIE, TECHNOLOGIES, PARTAGE » Ce premier atelier avait un objectif large et ambitieux : « inventer collectivement des solutions nouvelles de mobilité durable ». Les 14 participants, étudiants ou salariés d’entreprises publiques ou privées, devaient d’abord plancher sur 3 grandes questions : • Quel service / outil actuel vous permet-il de travailler de façon plus mobile ? Commentaire : La technologie est omniprésente et toutes les solu- • Quel service / outil actuel vous permet-il de vous tions plébiscitées (à l’exception du TGV et des ap- déplacer de façon plus mobile dans votre contexte plications SNCF) relèvent du secteur privé (start-up professionnel ? ou grandes entreprises). C’est d’ailleurs là que l’attente est la plus forte pour les années qui viennent. • Quelle entreprise / marque est selon vous la plus Chacun sent bien que la puissance publique n’a innovante en termes de mobilité et pourquoi ? pas les moyens financiers de développer de nouVoici d’abord le constat de tout ce qui fonctionne velles solutions de mobilité, elle innovera moins, en bien en cette fin d’année 2014 en termes de mobi- tous cas, que la sphère privée… Tout passera par lité durable aux yeux de cette génération : l’entreprise… diagnostic 1 - Ce qui marche bien aujourd’hui / ce qu’on aime en termes de mobilité durable Façons de se déplacer Façons de travailler Les moyens : Rapidité, Modularité, Les logiciels et applications : Partage/Communauté Interagir, partager, organiser • Autopartage • TGV • Skype, Dropbox, Dooble • Covoiturage via Internet Bureaux et espaces : usage plus • Vélo pliant en entreprises, Velib que possession • Solutions flexibles de location • A louer • Taxis partagés ou nouveaux taxis / Taxi Uber • Co-working La gestion des moyens : Fluidité, • BYOD (bring your own device) Simplicité, Réseau / Communauté • La connectique : Apps SNCF direct, alertes problèmes, temps d’affichage • Le pass Navigo 41 Commentaire : La demande d’autonomie est très forte. On veut des solutions « à la carte » et l’on se soucie des populations souvent oubliées. Sur le long terme, on note une vraie défiance envers le véhicule électrique pour des raisons conjoncturelles (son prix et sa faible autonomie) mais aussi structurelles… (Combien de centrales nucléaires pour faire rouler un parc toutQUE PEUT-ON AMELIORER A COURT TERME ? électrique ? combien d’éoliennes pour remplacer Transition vers les solutions du futur, voici quelques une centrale nucléaire ?). Toutes les réflexions sont pistes d’amélioration de ce qui existe : guidées par le souci de l’environnement… diagnostic 2 Les pistes d’amélioration à court terme et les rêves en termes de mobilité durable Façons de se déplacer Façons de travailler A AMELIORER : les déplacements de nœuds en nœuds (vs centre-périphéries), les aides à l’intermodalité, la cohérence et la convergence des solutions perso/pro A AMELIORER : l’indépendance vis-à-vis des points fixes, l’intégration des entreprises dans les bassins de vie •L e déploiement/la généralisation des outils permettant le travail à distance : visioconférence, wiko, clouds, applis, imprimante 3D • Les modes partagés : Vélib et Autolib en banlieue • Les applications : Apps Navigo qui donne numéro de sortie, temps de marche par géolocalisation •D es façons de travailler à intégrer dans les mœurs : télécentre, bureaux de passage • Développer le budget mobilité •S ervices de recherche de logement de proximité • La prise en charge de la mobilité « réduite » : bagage, poussette, handicapés… • Implantation des entreprises à proximité des hubs de déplacement • La sécurité des zones tampons/nœuds intermodaux (parking, terminus de tram,…) RÊVE : l’ultra mobilité, l’ultra flexibilité RÊVE : l’ultra vitesse… écologique •L a télétransportation • D’autres moyens de locomotion que la voiture électrique (chère, pb d’autonomie, point d’interrogation sur son écologie) et hybride (chère, réservée aux cadres sup) •H ologramme, avatar •P lus de limite au stockage de l’énergie • La télétransportation 42 QUELS SONT LES AXES PRIORITAIRES POUR DéVELOPPER LA MOBILITé DURABLE… DE FACON DURABLE ? Une politique de mobilité développée par les entreprises : définition d’un plan mobilité par les entreprises Le covoiturage dynamique (gestion des informations / annonces en temps réel) pour plus d’efficacité La flexibilité dans les façons de travailler : horaires variables, bureaux 24/24, etc. Gérer les espaces de l’intermodalité (les temps morts comme les zones tampons et les parkings) Extension des outils/solutions privés existants à la sphère professionnelle S’intéresser à la mobilité réduite/contrainte : PMR au sens large, bas revenus, habitants des banlieues/périphéries Traiter les situations d’urgences (grève, neige…) La super vitesse : proposer des solutions plus rapides… ou plus efficaces ! QUEL ENJEUX ET QUELLES CONDITIONS DU CHANGEMENT ? Le plus et le moins : occuper de façon agréable et productive les temps incompressibles de mobilité Eduquer/changer les mentalités (des managers et des chefs d’entreprises) La confiance et l’autonomie comme nouvelles règles de management (la présence à horaire fixe n’est pas une preuve / garantie d’efficience, voire est vue comme totalement dépassée / arrière garde) Commentaire : La volonté de ne plus perdre de temps revient sans cesse quand il s’agit de mobilité. Et au-delà de la technologie, la génération Y demande aux managers un nouvel état d’esprit et quasiment la fin des horaires fixes. L’exigence d’autonomie est totale. 43 HORIZON 2030 (voire avant…) LES SOLUTIONS PROPOSéES Idée 2 Nom de l’idée : Le télétravail à la carte OpinionWay les classe par ordre d’intérêt… Résumé de l’idée : Avoir un nombre de jours de télétravail obligatoires à « dépenser » sur l’année selon les besoins et rythmes de chacun. Idée 1 « Coup de cœur » Intérêt de cette idée : Nom de l’idée : La mutuelle mobilité • Flexibilité Résumé de l’idée : Pour pallier aux aléas de mobilité, soutenir les bas revenus et valoriser les com- • Stimulation professionnelle portements vertueux, mise en place d’une caisse • Responsabilisation du salarié commune (cotisation des salariés et abondement Le pivot du changement : Une nouvelle façon de l’entreprise) de manager (confiance et autonomie) Intérêt de cette idée : Commentaire : • Absentéisme réduit Le télétravail sera quelquefois obligatoire. • Anticipation des coûts La mobilité n’échappera pas aux contraintes… • Dynamiser le recours aux solutions durables Idée 3 • Soutien des bas revenus dans le recours à une mobilité durable (« ça ne doit pas coûter cher de Nom de l’idée : Un service de covoiturage in- venir travailler ») ter-entreprises (PME-TPE) Le pivot du changement : la responsabilité sociale Résumé de l’idée : Créer une application géolo- (=la mobilité durable pour tous) calisée et commune aux entreprises d’une même Commentaire : zone afin de favoriser un covoiturage minute et C’est l’idée centrale inventée au cours de cet atelier. programmé (= très flexible et sûr) entre salariés. Elle permettrait de financer toute nouvelle solution Ce service proposerait aussi une prestation de taxi de mobilité et aurait l’avantage de concerner l’en- partagé en cas d’urgence/besoin spécifique. semble des salariés de l’entreprise… Intérêt de cette idée : • Réduction du nombre de voitures • Gain de temps et d’argent pour l’entreprise et les salariés • Confort (par rapport aux transports en commun) • Gain en fiabilité et sécurité (par rapport à un covoiturage classique) Le pivot du changement : concilier mutualisation des ressources et rentabilité 44 Idée 4 (extension de l’idée 2) Intérêt de cette idée : • Confort pour les salariés et baisse Nom de l’idée : Les bureaux de passage de leurs coûts de déplacement Résumé de l’idée : Pour les grosses entreprises, délocaliser des bureaux de manière systématique • Fiabilité : moins de retard sur les différents nœuds de mobilité et/ou points de • Image positive pour l’entreprise : passage de leurs collaborateurs. Une utilisation en bilan carbone, etc… mode BYOD. En résumé, voici le message final adressé par « la gé- Intérêt de cette idée : nération Y » aux décideurs des années qui viennent : • Productivité améliorée Du pragmatisme : • Coûts et temps de transports diminués • Nécessité de faire un compromis entre écologie et business Idée 5 (extension de l’idée 2) • Pour convaincre les entreprises, la dimension économique doit être majeure Nom de l’idée : La flexibilité des horaires de travail • Le changement doit se faire par étapes Résumé de l’idée : Avoir plus de flexibilité dans les De la transversalité / convergence : horaires de travail, commencer plus tard/terminer • Entre les sphères privées et professionnelles : plus tard, semaine de 48h sur 4 jours, etc… home & work Intérêt de cette idée : • Entre entreprises et pouvoirs publics • Eviter les heures de pointe dans les transports en commun Intégrer la réalité du monde d’aujourd’hui / du nouveau monde : • Maximiser la productivité des salariés en se calant sur leur rythme • Penser flexibilité, autonomie, collaboratif • Baisse du nombre de mètres carrés de bureaux vs l’ancien monde (code du travail et management actuels) • Consulter la génération Y plutôt que faire Idée 6 des benchmarks d’autres pays Nom de l’idée : Bus automatique Une question qui doit être universelle : tous les Résumé de l’idée : Création d’un service de bus salariés/revenus, tous les types d’entreprises automatique par les entreprises. L’idée est d’établir un parcours stratégique en géolocalisant ses Un enjeu d’efficacité crucial : organiser et gérer salariés. Même système que Navigo pour le finan- la perméabilité des univers Home/office, organiser cement : 50% entreprises / 50% salariés. Parcours et gérer les situations d’intermodalité. optimisés : du domicile à l’entreprise. 45 La mobilité durable, c’est la qualité de vie ! Récapitulatif des principales solutions par ordre d’intérêt pour la génération Y : 1. La mutuelle mobilité 2. Télétravail 3. Une application de covoiturage dynamique 4. Bureaux de passage 5. Lutte contre la précarité 6. Flexibilité des horaires de travail 7. Bus automatique / à la demande Commentaire : Ça n’est pas vrai de toutes les générations mais celle qui arrive aujourd’hui dans les entreprises (sans parler des suivantes) marque une vraie rupture avec ses aînés. Une petite révolution à l’intérieur d’un monde lui-même en plein bouleversement. 46 Frédéric Bleuse (Regus) « Il y aura certainement des espaces Stop & Work dans les gares Transilien » un projet informatique temporaire ou un projet de Télétravail, tiers lieux, entrepreneuriat... Le DG du différentes villes. Enfin le troisième tiers : les entre- géant de la location d’espace de travail détaille sa preneurs, par exemple un provincial qui prend un vision du bureau de demain. bureau 5 ou 10 jours par mois à Paris. Frédéric Bleuse est l’ancien directeur général L’un de ces tiers est-il plus dynamique fusion, les étrangers pour développer une activité particulière ou tester un produit dans le pays. Ensuite, on trouve des entreprises de taille intermédiaire, par exemple une entreprise qui a son siège à Paris et qui prend des espaces de travail dans France de Regus, une multinationale anglo-améri- que les autres ? caine spécialisée dans la location d’espaces de tra- Les projets des grandes entreprises sont d’enver- vail flexibles (bureau équipés, salles de réunion...). gure, entre 20 et 100 personnes, et peuvent durer JDN. Vous proposez des bureaux à courtes 6, 12 ou 18 mois. Ce sont des projets importants durées à des professionnels. Le nomadisme pour mon chiffre d’affaires, mais ils restent fluc- et les nouvelles technologies boostent-elles tuants. Forcément ce qui est important pour la votre activité ? pérennité de l’entreprise, c’est de travailler le troi- Frédéric Bleuse. Cela nous donne une vraie sième tiers : la génération Y, les créateurs, les en- énergie pour nous déployer. Aujourd’hui, cela n’a trepreneurs et les ex-salariés qui démarrent leur plus de sens d’aller chaque jour à son bureau pour y rencontrer ses collègues ou son boss. Il y a deux activité. Ce sont eux qui aujourd’hui utilisent au phases importantes dans l’organisation de la se- mieux la technologie, qui comprennent la nouvelle maine : les travaux « privatifs » que l’on peut faire à organisation du travail. la maison ou dans les «télécentres» et les travaux plus collaboratifs pour faire avancer un projet, ren- Mais cette population ne connaît-elle contrer son boss ou ses collègues, faire un point pas un fort turn-over ? d’étape. Là, en effet, il faut se retrouver au siège, Il y a forcément un turn-over et un risque plus im- mais plus avec des salles de réunions que des bu- portant avec une jeune pousse qu’avec un groupe reaux individuels. du SBF 250. Cependant, à partir du moment où il Aujourd’hui, qui sont vos clients ? y a une multitude de créateurs, vous limitez votre Des filiales de grands groupes risque. Et le chiffre d’affaires généré par chacun ou des indépendants ? d’entre eux pris individuellement est relativement J’ai trois tiers à peu près équivalents dans mon peu important. panel de clients. D’abord, on a les grands groupes. Les français vont par exemple nous utiliser pour 47 Salariés licenciés qui se mettent à leur exemple : à 70 kilomètres de Paris, une ville de 30 compte, auto-entrepreneuriat... Profitez- 000 habitants et 6 000 personnes qui font tous les vous de ces tendances ? matins Fontainebleau-Gare de Lyon par le train. Beaucoup. Les statistiques des domiciliés sont un Nous allons forcément capter la population locale bon indicateur : on voit une augmentation très si- d’entrepreneurs, puis capter les grands groupes gnificative de mois en mois. Aujourd’hui, les cadres qui ont des collaborateurs qui habitent à Fontai- se prennent en main relativement rapidement pour nebleau et qui vont pouvoir venir y travailler une créer une activité professionnelle avec leurs in- ou deux journées par semaine. La troisième popu- demnités de départ ou un pactole antérieur. Ils ne lation, ce sont ceux qui passent à Fontainebleau, veulent pas forcément attendre un job mais rester parce qu’ils sont à proximité sur l’autoroute A6. en activité. Pensez-vous répondre « Les cadres se prennent en main rapidement à une réelle demande ? pour créer une activité avec leurs indemnités Les entreprises y trouvent plusieurs avantages. de départ » D’abord, le prix du mètre carré à Fontainebleau Comment retenez-vous ces créateurs n’est pas le même que dans le 8e ou à la Défense. quand ils se développent ? Ensuite, le collaborateur qui s’évitera deux heures Nous avons une offre excessivement large, depuis de train par jour va en rétribuer 50% à son entre- l’accès au salon d’affaires à 39 euros par mois prise et en garder 50% pour lui, ce qui améliore jusqu’au bureau individuel avenue Hoche, l’une la productivité pour l’entreprise et baisse l’ab- des adresses les plus prestigieuses. Au milieu, sentéisme. Pour le collaborateur, c’est moins de vous avez toutes les combinaisons imaginables. fatigue, moins de stress, une vie familiale amélio- Aujourd’hui, nous réfléchissons à la démocrati- rée... Et aussi un coût moindre : quand on ne prend sation de nos produits. Initialement, nous étions pas sa voiture au quotidien, quand on mange à la basés dans les quartiers d’affaires et aujourd’hui maison plutôt qu’à l’extérieur, quand on rentre une notre offre s’étend vers les nomades, le travail à demi-heure plus tôt et qu’on ne fait pas garder ses distance, le télétravail. Nous avons ainsi un projet enfants, c’est une économie évaluée entre 12 et 15 avec la Caisse de Dépôts et Orange qui s’appelle euros par jour. Ensuite, les collectivités locales ont Stop & Work pour positionner, en deuxième cou- intérêt à dynamiser une activité locale. Enfin, au ronne des grosses agglomérations françaises, niveau national, on observe une baisse du nombre une cinquantaine de sites dans les 3 à 5 ans qui de déplacements, une baisse des congestions des viennent. transports et de la pollution. « Pour le collaborateur, le télécentre c’est moins Pourquoi avez-vous besoin d’Orange et de fatigue, moins de stress, une vie familiale de la Caisse des Dépôts pour ce projet ? améliorée et un coût moindre » Nous aurions pu faire cela tout seul, mais on est En allant en périphérie, vous cherchez à plus fort à plusieurs. Nous adjoignons trois com- atteindre une nouvelle population ? pétences. La Caisse, c’est le bras armé de l’Etat, Le prochain centre de Fontainebleau est un bon mais c’est surtout le passeport vis-à-vis des 48 collectivités locales pour nous ouvrir les portes rie de la ville, dans des stations-service Shell en et apporter le sérieux et la crédibilité du projet. suivant le même modèle. Le moins, c’est qu’en Orange, c’est plus de 20 millions de clients en France, je n’ai toujours qu’un site. Nous nous France, c’est des dizaines de milliers de collabo- sommes donné un peu de temps au niveau du rateurs, c’est au niveau qualitatif un fournisseur groupe pour avoir ce retour d’expérience sur Ber- assez irréprochable en matière de téléphonie et lin. Des projets en cours aussi en Angleterre et de bande passante. Pour nous, c’est un acteur in- aux Etats-Unis. contournable. C’est vrai que quand je vais discuter avec des collectivités avec mes amis Orange En France, pour l’instant, vous attendez ? et la Caisse des Dépôts, ça leur parle plus que En France, j’attends de voir. Il faut trouver la bonne quand j’y vais seul et qu’elles me disent «vous formule, à la fois sur la taille, sur les services et leur êtes un groupe américain et anglais». complémentarité par rapport aux pétroliers. Auto- « La Caisse des dépôts, c’est le passeport vis-à- routes ou routes nationales ? En tout cas c’est un vis des collectivités locales » vrai plus. Le vendredi après-midi, il y a toujours un Vous vous adressez entre autres aux télé- pic d’utilisation parce que les gens quittent Paris travailleurs. Quels sont, selon vous, les rai- et s’arrêtent là-bas pour travailler. Le soir, les rou- sons du retard français dans le télétravail ? tiers, plutôt que de «skyper» sur la table ronde de Ce qui bloque, c’est avant tout l’absence d’al- la cafétéria de la station-service préfèrent prendre ternative aujourd’hui. Vous pouvez travailler soit un abonnement et faire cela dans de meilleures de votre bureau, soit de la maison. Il n’y a pas conditions. d’autres lieux. D’où la création de ces centres Et dans les gares ? Une expérience avec la Caisse des Dépôts et Orange. concerne celle du Mans... Et en régions, certaines villes sont en avance ? Le Mans arrive au mois d’avril, j’attends le tam- Il y a un certain nombre d’initiatives individuelles pon de la préfecture. C’est 350 mètres carrés, à aujourd’hui, portées souvent par le privé ou en partenariat public-privé. Mais elles manquent 55 minutes de Paris avec plusieurs centaines de souvent de visibilité. Manceaux qui montent chaque jour à Paris. « A Berlin, nous avons développé 50 sites en péri- Il y a d’autres projets après Le Mans ? phérie, dans des stations-service Shell » Oui, il y en a six en tout : Amiens, Nancy, Bordeaux Saint-Jean, Lille Flandres, Paris gare du Il y a un an, vous avez ouvert un espace de Nord. Et puis encore mieux : SNCF Transilien et travail sur une aire de repos de l’A10. Quel bilan dressez-vous ? la filiale Gare & Connections ont lancé un appel à Il y a du plus et du moins. Le plus, c’est qu’il a manifestation d’intérêt pour des aménagements donné lieu à une opération d’envergure sur Berlin, de sites en périphérie en Ile-de-France. où nous avons développé 50 sites en périphé- Fabien Renou – Journal du Net – 14 avril 2014 49 coworking, tiers-lieux : quels bureaux pour demain ? 50% des salariés se sentent moins stressés en annoncés lors de l’étape du tour de France du télé- travaillant dans un tiers-lieu. Tel est un des pre- travail et des tiers-lieux à La Défense. miers résultats d’une grande enquête menée sur 50% des salariés se sentent moins stressés. l’utilisation des espaces de coworking par LBMG Travailler dans un espace à mi-chemin entre le bu- Worklabs, société spécialisée dans les solutions reau et le domicile a de nombreux effets positifs sur de télétravail. la qualité de vie et l’équilibre de vie professionnelle Quels sont les bénéfices sur le bien-être et la pro- et privée. En effet, 50% des personnes inter- ductivité des salariés ayant accès aux tiers-lieux ? rogées s’avouent moins fatigués. La produc- Le tiers-lieu est largement plébiscité par les salariés. tivité et la qualité du travail sont alors meilleures pour A la fois confortable et pratique, 73% des salariés 54% d’entre eux. 31% considèrent que leur identité déclarent avoir évité un détour pour retourner sur d’entreprise augmente lorsqu’ils vont travailler en leur lieu de travail et 53% voient leur temps de tiers-lieu. Contrairement aux idées reçues, les sala- trajet réduit. Travailler dans un tiers-lieu apparaît riés ressentent un vrai sentiment d’appartenance à aussi comme une vraie dynamique pour les terri- leur employeur, malgré la distance. L’entreprise est toires : 57% des salariés prévoient d’utiliser les elle aussi gagnante dans cette expérimentation : ainsi commerces à proximité. 77% des salariés ont une vraie capacité de concentration et 79% déclarent ne pas être perturbés dans Pour la première fois en France, une expérimenta- leurs tâches de travail. tion(1) est lancée afin d’étudier l’utilisation de tierslieux en Ile-de-France par une centaine de salariés Cette expérimentation, démarrée au mois de mai, d’entreprises pendant 8 mois et d’en mesurer les s’achèvera en décembre 2014. Les résultats fi- impacts pour les salariés, les entreprises et les naux de cette expérimentation seront remis lors de territoires. Ce programme est lancé par LBMG l’étape de clôture du tour de France du télétravail Worklabs en partenariat avec le pôle de recherche et des tiers-lieux mardi 9 décembre dans le Val- heSam Université et cofinancé par la région Ile-de- de-Marne. Pour consulter le programme du tour : France et BPI France. Après deux mois d’usage, les www.tourdefranceduteletravail.fr premiers résultats de cette expérimentation ont été « Décision.achats.fr » - 21 juillet 2014 50 (1) Cinquante salariés travaillent dans une trentaine de coworking et télécentres sélectionnés - dont Buro’nomade Val d’Europe, Coworking Vincennes, Le Spot Multiburo et le télécentre de la Brie des Morin. On prévoit d’ici la fin de l’année 15 entreprises et 500 salariés participants. Les entreprises souhaitant rejoindre l’expérimentation peuvent encore candidater jusqu’à octobre 2014 sur www.quelbureaudemain.fr Enquête nationale sur le télétravail, livre Blanc du Tour de France du Télétravail 2012. 51 « La nouvelle jeunesse est aujourd’hui douée d’une « intelligence connective » qui la rend, en réseau, plus performante et plus réactive que l’intelligence individuelle la plus érudite, et que l’intelligence collective la plus solidaire » - Vincent CESPEDES Philosophe – France Culture octobre 2010 52 « Le monde professionnel est comme jamais impacté, influencé par des causes exogènes à l’entreprise et voit tous les modèles évoluer, être parfois remis en cause : management, autorité, communication, » constate Didier Pitelet. « Les entreprises vont devoir renouer avec l’enthousiasme, l’énergie et faire preuve d’imagination pour attirer et retenir les jeunes ». Après la génération Y, une nouvelle génération baptisée « génération Z », les mutants, va bousculer les habitudes et les codes du travail. « Ces jeunes gens sont nés après 1995. Ils seront sur le marché du travail dans quatre à cinq ans. La crise économique n’est pas un sujet pour eux dans la mesure où LE RôLE CENTRAL DES GénéRATIONS Y ET Z c’est leur cadre de vie depuis toujours. Ils en sont les enfants comme ils sont les enfants du monde numérique. Ils sont nourris de la culture Internet. Les entreprises vont vivre une véritable révolution sociologique », poursuit Didier Pitelet. Pianotant sur leur mobile, jonglant avec leur tablette, ces jeunes hommes et femmes ne font pas la différence entre vie privée et vie professionnelle. Ils ont passé des heures sur les réseaux sociaux. Ils sont à la fois pragmatiques et sans tabou. « Ils souhaitent avoir un contact direct avec les managers, y compris ayant les plus importantes responsabilités dans l’entreprise. Ils auront une attitude plus créative que leurs aînés », affirme Didier Pitelet. Refusant les rapports d’autorité qui fonctionnent aujourd’hui dans les entreprises, ils souhaitent entretenir des relations plus personnelles et plus directes avec les dirigeants. « Les employeurs vont devoir gagner leur confiance et faire l’effort de décoder leurs codes sans a priori », résume Didier Pitelet. « Le temps où le salarié s’engageait en faveur d’une entreprise qui lui offrait un emploi per- Didier Pitelet manent et une réelle sécurité est définitivement révolu. Président Moons’Factory Le besoin irrésistible d’affirmer ses envies personnelles Conseil en réputation d’entreprise va devenir la règle. Les nouveaux salariés se rêvent en Le Figaro.fr - avril 2014. stratège de leur vie professionnelle ». 53 En novembre 2013, Mobivia Groupe publiait une étude prospective sur les comportements de mobilité des jeunes de demain. Le constat est encourageant : la mobilité est un principe de vie et de pensée des jeunes adultes, qu’elle soit géographique, professionnelle, scolaire ou physique… Mobilité Géographique Les jeunes sont de plus en plus nombreux à ouvrir leur horizon à l’étranger. Par exemple, on note que 57% des 18-24 ans français ont voyagé à l’étranger et 39% des 25-34 ans. (2012) Mobilité Professionnelle 27% des jeunes envisagent leur avenir professionnel hors de France en 2013 contre 13% en 2012. De la même façon, le nombre d’expatriés âgés de 18 à 25 ans a bondi de 14% depuis 2008. (2013, Ifop et Deloitte) Mobilité Scolaire Les parcours scolaires d’études à l’étranger se multiplient. Par exemple, les programmes Erasmus permettent chaque année à plus de 200 000 étudiants de faire un stage et d’étudier à l’étranger. (Français et Allemands en tête). Mobilité Les jeunes renouent avec leur corps, et s’expriment par le mouvement. Ainsi, de nouveaux courants de danse (zumba, bodyballet), de sport (fixie, course à pied) ou de glisse ont vu le jour récemment. Une seule ombre au tableau : La mobilité sociale (fort taux de chômage des jeunes et 1er CDI à 29 ans en moyenne). 54 La mobilité érigée en principe de vie Aujourd’hui, la révolution numérique de l’Internet et du mobile alimente une mobilité diffuse centrée sur la maîtrise par soi-même de ses propres parcours. La mobilité n’est pas qu’une action, une réponse à un besoin de déplacement. Il s’agit également d’une mobilité de pensée. Ainsi, les jeunes ont la capacité à s’inventer dans un monde précaire, celle de se mobiliser ; ils sont connectés. QUELQUES CHIFFRES DU BIPE Les 18-30 ans délaissent l’automobile et se tournent plus fréquemment vers les modes de transport alternatifs. 47% des moins de 25 ans et 26% des 25-30 ans utilisent les transports collectifs pour se déplacer un jour de semaine, contre 20% pour les 31-50 ans. De la même manière, 43% des moins de 25 ans pratiquent la marche à pied au quotidien, contre 27% pour les 25-30 ans et 28% pour les 31-50 ans. Les jeunes sont les pionniers des mobilités partagées (2012). 12,1% des utilisateurs du vélo libre-service sont les 18-30 ans contre 4,2 % pour le reste des générations interrogées et 16,5% des 18-30 ans sont utilisateurs du covoiturage contre 9,3% pour le reste des générations interrogées. 55 b) LES ENERGIES EN 2030 La France, pays d’ingénieurs, ne manque ni de projets ni de talents scientifiques pour les mener à bien. Quand on évoque le moyen terme de 2030, il faut d’abord s’intéresser aux énergies dont nous disposerons à cet horizon. 2030 : Pétrole, l’interminable débat On est loin d’en avoir fini avec le pétrole. C’est la conviction de Jean-Louis Schilansky, Président de l’Union Française de l’Industrie Pétrolière. « Les carburants d’origine pétrolière auront une place prépondérante dans le mix énergétique. Ce qui n’empêche pas les grands pétroliers comme Total d’investir dans les énergies renouvelables, comme le solaire, ou BP de s’intéresser à la bio-masse ». (Entretien du 28 mai 2014). Ces énergies renouvelables, selon l’AIE, ne représenteront pas plus de 12 à 15% du mix énergétique utilisé à l’horizon 2030… Le secteur du transport, qui représente aujourd’hui 27% de la consommation énergétique mondiale, devrait croître de plus de 30% dans les 15 ans qui viennent (Hervé Casterman GDF/SUEZ). Quant à la question : « le pétrole jusqu’à quand ? », le président de l’UFIP estime qu’on ne peut pas y répondre… « On s’oriente vers un plateau d’environ 100 millions de barils / jour pour une durée de quelques dizaines d’années » mais ces chiffres ne tiennent pas compte des innovations technologiques à venir… Qui imaginait il y a 20 ans l’arrivée du gaz de schiste et l’autonomie promise aux Etats-Unis ?... Aujourd’hui, les réserves de gaz dans le monde sont beaucoup plus importantes que prévu et les réserves mondiales se mesurent, selon Jean-Louis Schilansky, en centaines d’années… 56 « La mobilité va se segmenter » dit-il. Essence, die- Le groupe dirigé par Carlos Tavarès plaide pour un sel, gaz naturel, GPL, électrique : les modes de pro- véhicule « adapté à chaque usage »… pulsion seront multiples et co-existeront en fonction Pierre Macaudière, responsable moteur à la direction de l’usage… Mais en 2030, nous serons encore en de la Recherche et du Développement Peugeot- période de transition. Citroën, estime qu’il : « faut donner des solutions L’an dernier devant le Parlement (Rapport Sénat techniques qui soient en rapport avec l’usage et ac- Mobilité Durable – janvier 2014), Joelle Colosio, ceptables. Par exemple, une personne qui va rouler chef du service qualité de l’Air à l’Ademe (Agence beaucoup en ville fera peu de kilomètres au total et de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), aura besoin d’un petit moteur essence « downsizé ». évoquait les projections de l’Agence pour 2030 : Ça veut dire petit, mais pas forcément mauvais. Au contraire, il tourne en permanence dans un régime « Nous voyons une diminution du diesel de 72% où, énergétiquement parlant, il est plus efficace. aujourd’hui à 15% en 2030. Les véhicules hybrides C’est une bonne solution couplée avec un système seront en augmentation de 0 aujourd’hui à 10% en d’hybridation simple stop and start, qui arrête le mo- 2030. Les véhicules rechargeables passeront de 1 teur lorsque le véhicule est à l’arrêt et qu’il n’a pas à 2% aujourd’hui à 22% à 2030. » besoin de tourner. … « Ensuite, nous avons découpé le flux de voya- Une famille aura besoin d’un véhicule plus mix, plus geurs en trois parties : le flux urbain, le flux périur- grand. Là il faut garder un système qui sera plus bain et le flux longue distance. Sur les véhicules complexe, peut-être hybride couplé avec du diesel. individuels, on voit qu’entre 2010 et 2030, on aura Et puis si l’on veut faire des véhicules 2 litres/100 km une baisse de 20% sur les déplacements urbains, qui soient acceptables pour beaucoup de monde, il qui vont être pris plus par du covoiturage ou de faut réfléchir à des solutions d’hybridation qui soient l’autopartage, en augmentation de 10%. Sur le accessibles, moins chères. périurbain, on voit également une baisse de 20% et également sur la longue distance, avec des réé- On a beaucoup parlé d’hybride électrique, c’est- quilibrages véhicule individuel – autopartage – co- à-dire le couplage d’un moteur thermique avec un voiturage – transports collectifs – transports ferrés moteur électrique. On commence à parler d’autres également. Et puis la part du vélo et du deux-roues solutions d’hybridation. électrique pour de l’urbain et de l’interurbain. » PSA a récemment parlé d’une hybridation qu’on appelle Hybridair, où l’on fait de la récupération d’éner- Tous les constructeurs automobiles réfléchissent à gie avec un système d’air comprimé, une chaîne de la mobilité urbaine de demain. L’Alliance Renault- traction hydraulique qui permet d’avoir des systèmes Nissan investit massivement dans l’électrique avec qui seront probablement plus acceptables en termes pour ambition de devenir le leader mondial du sec- de coûts. Je veux vraiment insister sur cette accepta- teur. PSA a fait d’autres choix : l’essence et l’hybride bilité en termes de coûts pour le client et le client final, diesel (sans oublier l’hybrid-air dont la décision de avec une optimisation, ce qui se traduit chez nous commercialisation n’est pas prise). par un véhicule adapté à chaque usage. » 57 Biocarburants – 2030 : l’une des composantes du mix énergétique Parmi les pistes de développement pour baisser les émissions de CO2, il y a bien sûr les agrocarburants. La France est devenue le premier producteur européen de bioéthanol et de biodiesel. Le Paquet Energie-Climat de l’Union Européenne les a placés au cœur du dispositif des énergies renouvelables dans ses objectifs pour 2020. Alain Jeanroy, directeur général de la Confédération Générale des Betteraviers, rappelle que le bioéthanol produit en France diminue les émissions de CO2 de 50% et qu’il a un rapport de 1 à 2 en termes d’énergie consommée par rapport à l’énergie produite… … Il souhaite « une généralisation de la distribution du SP95-E10 (sans plomb 95 contenant 10% de bioéthanol). Actuellement, il n’est distribué que dans 37% des stations-service en France. Il y a eu une bonne montée en puissance en 2012, on est passé de 27 à 37%. Mais nous sommes très en deçà de ce que nous devrions atteindre comme objectif, c’est-à-dire la généralisation du SP95-E10, qui sera le carburant de référence européen. » Pour les 15 ans qui viennent, les acteurs des filières investissent dans la deuxième et la troisième génération de biocarburants et dans la chimie du végétal à travers divers programmes de recherche, visant à mettre au point de nouveaux procédés de fabrication, à partir de bois, de déchets végétaux, de biomasse dédiée ou d’algues. 58 BIOTFUEL – du biodiesel de 2ème génération Source Dossier presse : Biocarburants - Sofiprotéol De quoi s’agit-il ? Un programme de recherche et développement visant à développer une chaîne complète de procédés permettant de convertir, par voie thermochimique, la biomasse lignocellulosique en biogazole et en biokérosène de 2ème génération. En quoi ce projet est-il innovant ? Exempts de soufre et de composés aromatiques, ces carburants sont utilisés seuls ou en mélange dans tous types de moteur diesel Autre solution préconisée par la filière des et turboréacteurs d’avion. biocarburants : « C’est le développement du superéthanol E85, c’est-à-dire à 85% d’éthanol. Le développement des technologies Actuellement, il y a 310 pompes-service qui le dis- de conversion de la biomasse lignocellulosique tribuent pour les véhicules FlexFuel. Ces véhicules en carburants de synthèse. FlexFuel fonctionnent indistinctement entre essence – SP95 et SP98 – et SP95 et E85. Donc sur ce Une chaîne de procédés transposable point-là, nous souhaitons que les gammes soient à l’échelle industrielle. développées. Dacia a une gamme très développée Infos clés là-dessus. Nous sommes à peu près en ce moment Partenaires : Sofiprotéol, Axens, Commissariat à 30 000 véhicules (2013). à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives Deuxième point, c’est le nombre de pompes qu’il (CEA), IFP Energies nouvelles, ThyssenKrupp faut développer, bien évidemment. Et troisième- Uhde, Total. ment, c’est l’homologation des kits qui peuvent se Date de mise en service : monter sur des voitures normales pour les transfor- Unité industrielle à l’horizon 2020 mer à l’E85. Et d’autre part, c’est de l’hybridation bien sûr, trois voies, c’est-à-dire que lorsqu’on parle Localisation : de véhicules électriques essence-électricité, nous Venette (Sofiprotéol - pilote de prétraitement souhaitons que ce soit FlexFuel électricité. Ainsi le de la biomasse) et Dunkerque (Total - pilote véhicule pourrait fonctionner à l’essence, à l’électri- de gazéification, purification et synthèse) cité et au E85. » 59 Ces propos illustrent bien la multitude d’options ouvertes d’ici 2030. Quelles que soient les nouvelles mobilités, elles se pratiqueront sur des mix énergétiques plus nombreux et plus vertueux que ce que nous connaissons aujourd’hui. La loi de « programmation de la transition énergétique pour la croissance verte », présentée au Conseil des Ministres le 30 juillet et débattue à l’automne au Parlement, a pour double enjeu de « lutter contre le dérèglement climatique » et « réduire la facture énergétique de la France qui s’élève à près de 70 milliards d’euros par an »… Au chapitre des « transports propres », le texte originel favorisait les seuls véhicules électriques ou hybrides. Désormais, il encourage « tous les véhicules ayant un très faible niveau d’émission de gaz à effet Pour ce qui concerne les « transports propres », (ce de serre et de polluants atmosphériques ». secteur est le premier émetteur de gaz à effet de serre - 27% du total) : Chaque filière y verra donc sans doute une incitation à investir davantage. • Les flottes de l’Etat et des établissements publics devront comprendre 50% de véhicules électriques Le cadre général de cette loi fixe des objectifs à ou à faibles émissions… moyen et long termes (Le Monde – 31 juillet 2014) : • Pour les particuliers, 7 millions de bornes de • Réduire les émissions de gaz à effet de serre de recharge pour voitures électriques ou hybrides la France de 40% à l’horizon 2030 par rapport à seront installées d’ici 2030… L’installation par les 1990 et les diviser par quatre d’ici à 2050… particuliers bénéficiera d’un crédit d’impôt à hauteur de 30%, jusqu’au 31 décembre 2015. Quant • Diminuer la consommation énergétique finale de au bonus pour l’achat d’un véhicule propre, il sera 50% d’ici 2050. majoré dès l’automne 2014 pour atteindre 10.000 • Abaisser la consommation d’énergies fossiles de euros lorsqu’il s’accompagne de la mise au rebut d’un véhicule diesel. 30% pour 2030. • Porter la part des énergies renouvelables à 23% Ce texte a été amendé par le Sénat en première pour 2020 et 32% pour 2030 - elles fourniront lecture le 3 mars dernier. Quelles que soient les alors 40% de l’électricité et 15% des carburants... tentatives de conciliations et faute d’accord entre • Ramener la part du nucléaire dans la production députés et donc, pour l’essentiel, au projet porté les deux assemblées, le dernier mot reviendra aux d’électricité à 50% d’ici 2025. par Ségolène Royal. 60 Electrique 2030 : vers l’autonomie et sans le nucléaire ? La France n’est pas l’Amérique mais les révolutions technologiques en cours n’ont pas de frontières à l’horizon 2030 et tous les opérateurs de mobilité en profiteront. 1er exemple : des chercheurs de l’Université Stanford (Etats-Unis) viennent d’annoncer une découverte permettant d’augmenter significativement la capacité des batteries électriques actuelles. Elles seront, d’ici 5 ans, plus légères, plus petites et plus puissantes… On pense bien sûr au téléphone portable mais l’industrie automobile n’attend que ce type d’innovation pour voir décoller les ventes de ses véhicules électriques… 2ème exemple : Tesla, le constructeur de voitures électriques (dont l’autonomie est déjà supérieure à celle proposée par les constructeurs européens), veut créer le plus grand site de fabrication de batteries du monde en association avec Panasonic… Voici le récit que « Le Monde » publiait l’été dernier sous la signature de son correspondant à San Francisco, Jérôme Marin. (Le Monde – 31 juillet 2014). « Le projet de « méga-usine » de Tesla Motors avance. Selon le quotidien japonais Nikkei, le fabricant californien de voitures électriques aurait finalisé un accord avec son partenaire Panasonic. Dans un premier temps, Panasonic devrait investir entre 200 et 300 millions de dollars (de 149 à 224 millions d’euros). Mais sa mise finale pourrait s’élever à 1 milliard de dollars. Cela représenterait alors de 20 % à 25 % des 4 à 5 milliards de dollars que devrait coûter ce projet gigantesque, voulu par Elon Musk, le fondateur et patron de Tesla, pour fabriquer les batteries lithium-ion qui équipent ses véhicules électriques. 61 L’entrepreneur californien voit les choses en grand : cette voiture sera vendue autour de 35 000 dollars, 930 000 mètres carrés, 6 500 salariés et une produc- soit deux fois moins que le Model S. tion permettant d’équiper 500 000 voitures par an. Tesla ne produit que 700 voitures par semaine. Le « D’ici 2020, l’usine produira plus de batteries lithium- groupe espère atteindre les 1 000 d’ici à la fin de ion par an qu’il n’en a été produit dans le monde en l’année. Cela demeure encore dix fois inférieur à la 2013 », assure le constructeur. L’énergie sera fournie capacité de sa future usine. Mais la société s’est déjà par une ferme d’éoliennes et de panneaux solaires. associée à Solar City, autre entreprise fondée par M. Le site doit ouvrir ses portes en 2017. Quatre Etats Musk, pour stocker l’électricité produite par ses pan- du sud du pays ont été retenus pour l’accueillir : Ari- neaux solaires. zona, Nevada, Nouveau-Mexique et Texas. Mais la Adam Jonas, analyste chez Morgan Stanley, prédit Californie, où est déjà située l’usine d’assemblage de ainsi que Tesla pourrait devenir « le premier produc- la société, à Fremont (baie de San Francisco), vient teur mondial de produits de stockage d’énergie à d’adopter des mesures d’exonérations fiscales pour bas coûts ». « Regarderons-nous un jour ses débuts tenter d’emporter la mise. de fabricant de voitures de la même manière que Ce projet se situe au cœur de la stratégie de conquête nous regardons aujourd’hui ceux d’Amazon, qui de Tesla. Le constructeur ne produit pour le moment n’était au départ qu’un simple vendeur de livres ? », que le Model S, une berline haut de gamme, élue s’interroge-t-il. en 2013 voiture de l’année par l’influent magazine Reste que ce projet représente un risque important Consumer Reports, avec un score de 99 sur 100, ja- pour la société, contrainte de s’endetter pour finan- mais atteint jusque-là. Il en a écoulé 22 400 en 2013. cer les 2 milliards de dollars qu’elle investira. Les Les batteries sont fabriquées par Panasonic, dans le marchés, eux, ne doutent guère. En Bourse, l’action cadre d’un partenariat qui se conclura fin 2017. du constructeur a gagné 50% depuis le début de Mais les capacités de production du groupe japo- l’année. Tesla est valorisé à 28 milliards de dollars. nais pourraient être insuffisantes pour répondre aux C’est autant que Renault et à peine deux fois moins besoins de Tesla, qui commercialisera, au printemps que General Motors. » 2015, son deuxième modèle, un SUV baptisé Model Quant à la question du prix, toujours à titre d’exemple, X. « Il existe déjà les capacités excédentaires avec Tesla prévoit pour 2018 le lancement d’une petite des usines qui tournent à 15% ou 20% », s’étonne berline à un prix deux fois moindre que celui de son cependant Richard Wallace, de l’organisme de re- Model S, c’est-à-dire inférieur à 35 000 €. cherche Center for Automotive Research. Ainsi va l’innovation : si les progrès technologiques Car cette gigantesque usine doit surtout permettre continuent à ce rythme (abaissement des coûts et à Tesla d’abaisser les coûts des batteries de plus autonomie équivalente à celle de l’essence ou du de 30% dès son inauguration. Ce n’est ainsi pas un diesel, utilisation massive de l’énergie solaire), la hasard si cette dernière doit intervenir peu avant le mobilité électrique finira par s’imposer, voire, dans 20 lancement du Model 3, une version plus abordable ans, par devenir l’énergie dominante dans le monde destinée au grand public. Officialisée début juillet, de l’automobile… 62 Hydrogène : déjà commercialisé L’hydrogène dans l’automobile, les constructeurs nous en parlent depuis de nombreuses années, mais seulement à travers des prototypes. Quelquesuns avaient poussé l’expérience jusqu’à des toutes petites séries limitées en location, comme la Honda FCX Clarity en 2008 en Californie. Pionnier dans l’hybride avec sa Prius lancée en 1997, le numéro 1 de l’automobile Toyota mise aujourd’hui sur cette technologie et vend en Europe sa Toyota Mirai depuis janvier 2015 pour la modique somme de 78.600 euros . Elle ne pollue pas et se ravitaille à la pompe en 4 minutes. Puissance et autonomie sont au rendez-vous. Mais la Mirai n’est pas commercialisée en France pour l’instant à cause du manque de pompes à hydrogène. 63 Automobile : la révolution des moteurs à hydrogène en début d’année. La ville de Dunkerque a même L’avantage des moteurs à hydrogène est de propo- bus fonctionnant à l’hydrogène. ser des performances comparables à celles d’une Les freins actuels à la généralisation de l’hydrogène annoncé qu’elle allait s’équiper prochainement de voiture dotée d’un moteur thermique, les rejets de CO2 dans l’atmosphère en moins. L’autonomie Si les constructeurs français se montrent pour l’ins- d’une pile combustible permet de rouler environ tant frileux vis-à-vis des moteurs à hydrogène, en 500 kilomètres, en émettant seulement de la va- privilégiant l’électrique, c’est vraisemblablement peur d’eau, avant de faire le plein en trois à quatre pour des questions de sécurité. En effet, l’hydro- minutes. L’eau rejetée est même potable. Diane gène est un gaz extrêmement inflammable. Mais Kruger en a fait l’expérience en testant la Classe B en réalité, la voiture à hydrogène ne présente pas F-Cell de Mercedes. plus de dangers que les véhicules traditionnels. Les Conscients du potentiel de cette nouvelle technolo- modèles sont en effet équipés, tout comme les sta- gie, de nombreux pays préparent la transition. Les tions, de capteurs détectant les éventuelles fuites et pionniers en la matière sont le Japon, l’Allemagne actionnant immédiatement des systèmes de sécuri- et l’Europe du Nord, qui devraient être les premiers té. Quant aux réservoirs, ils ont été conçus pour être à accueillir ces véhicules d’un nouveau genre. La quasiment indestructibles. Toyota a ainsi démontré Californie s’y intéresse également. Elle vient de vo- que ses piles à combustibles étaient à l’épreuve des ter un budget de 200 millions de dollars, dédié à la balles. Actuellement, l’autre frein majeur à l’expan- construction d’environ 20 stations de ravitaillement sion de la technologie des moteurs à hydrogène est en 2015, 40 en 2016 et 100 en 2024. son coût. Passé de 160 000 à 50 000 dollars depuis 2011, le prix de la Toyota FCV reste conséquent. Le Japon, lui, a pris une longueur d’avance. Dès Mais les prix devraient continuer à baisser dans les 2011, 13 constructeurs et fournisseurs d’énergie années à venir. se sont associés pour développer des véhicules à hydrogène abordables et sûrs. Cela a abouti à la Le dernier rempart à l’essor des véhicules à hydro- création du modèle FCV de Toyota. L’Empire du gène réside dans la question des points de ravitail- soleil levant a même signé en fin d’année dernière lement. Et sur ce sujet, tout dépend des pouvoirs un contrat avec la société française Air Liquide pour publics. La mise en place d’un réseau de stations mettre en place un réseau de ravitaillement dans demande du temps et de l’argent. Ne vous atten- les villes de Tokyo, Nagoya, Osaka et Fukuoka d’ici dez donc pas à ce que les voitures à hydrogène se 2015. Les premiers véhicules à hydrogène sont pré- banalisent dès les prochaines années. Notre voisin vus d’ici la fin de l’année sur les routes nippones. La allemand a ainsi prévu l’implantation de 50 stations France, de son côté, accuse un sérieux retard en l’année prochaine et 400 d’ici 2023. La révolution la matière. Mais les pouvoirs publics commencent de l’hydrogène est donc en marche... Elle prend à prendre conscience du potentiel de l’hydrogène. juste son temps. Arnaud Montebourg, le ministre du redressement (Boursorama.com productif, a ainsi pris l’initiative d’encourager la filière Guillaume Huault-Dupuy - 30 juillet 2014). 64 65 Gaz naturel : la route est longue : Pour l’Europe, l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC) par Bien malin celui qui peut prédire le destin du Gaz la voix de son vice-président, Paul Lucchese, cite Naturel pour véhicules dans 15 ans. Le GNV est un l’exemple de l’Allemagne et de l’Angleterre, où un carburant de substitution écologique. Il possède plan de déploiement des infrastructures est déjà prêt. de nombreux atouts environnementaux puisqu’il Dans ces deux pays comparables à la France, on rejette 25% de CO2 en moins par rapport à une voi- envisage une production d’environ 300 000 véhi- ture classique, 80 à 90% de production d’ozone en cules par an à l’horizon 2030… Toyota va sortir ses moins, pas d’émissions de substances nocives pour véhicules en 2015 et il y a actuellement au Japon la santé (benzène, souffre, etc.). 30 000 installations domestiques à hydrogène… Le GNV se distingue du GPL (Gaz de Pétrole Liqué- Conclusion de Bernard Frois, Président du Comité fié) qui est un mélange liquide de butane et de pro- des Etats Membres du JTI Hydrogène et Piles à pane qui provient du raffinage du pétrole. Le GNV combustible (expérience européenne de déploie- affiche un prix à la pompe très compétitif et plutôt ment des infrastructures hydrogène) : stable, et des mesures fiscales très avantageuses « La Commission se préoccupe de poser la ques- existent. Le développement du GNV en France est tion aux Etats : comment est-ce que vous mettez très limité, se heurtant à un manque d’infrastructures en place des recharges électriques et des stations et de stations GNV pour faire le plein ainsi qu’à un hydrogène ? désintérêt des pouvoirs publics qui lui préfèrent la voiture électrique. Pour l’hydrogène, c’est beaucoup moins compliqué, étant donné que le parcours d’un véhicule hydrogène Comme le souligne la loi de transition énergétique, est beaucoup moins limité. Aujourd’hui, une voiture les performances d’un véhicule au Gaz Naturel pour standard à hydrogène a une autonomie de 400 kilo- Véhicules sont similaires à celles d’une voiture es- mètres. On a moins besoin de points de recharge. Et sence, avec en prime une conduite plus souple, un ce qui est prévu par la Commission, c’est de l’ordre moteur moins bruyant et qui pollue moins, une auto- d’une centaine de stations en Europe. Ce n’est donc nomie équivalente ou supérieure à un véhicule ordi- pas très contraignant. C’est une incitation. » naire grâce à la bi-carburation gaz naturel / essence. 66 A titre d’exemple, un journaliste automobile autrichien, Gerhard Plattner, a parcouru, l’an dernier, 2 619 km en 5 jours de Vicence (Italie) jusqu’à Stockolm dans une petite Skoda Citigo CNG Green Tec en consommant 81,24 euros de carburant, soit un budget moyen de 3,10 euros pour 100 km. C’est un peu plus cher que l’électrique et le GNV doit lui aussi faire face à la pénurie de stations comme le montre cette carte publiée par le site « Automobile Propre »… les stations gnv en france à l’été 2014. 67 Pour conclure ce chapitre sur les propulsions du futur, il faut dire qu’il n’y aura sans doute pas une mais plusieurs propulsions qui se développeront à leur rythme en fonction de la fiscalité des modèles alternatifs et des perspectives de disparition du pétrole… L’économiste Nicolas Bouzou rappelait deux évidences pour l’horizon 2030 : « Combien d’éoliennes pour remplacer une centrale nucléaire ? Personne ne le sait ». « Quelle sera la technologie dominante en 2030 ? Personne ne le sait ». Le tableau le plus complet des options ouvertes passe par ce récapitulatif des spécificités de chaque motorisation. Avec les matières premières qu’elles consomment, les émissions qu’elles génèrent, leur autonomie, leur statut, leur infrastructure, les coûts de consommation et d’acquisition, ainsi que les perspectives futures de ces moteurs. Seule certitude : la propulsion du futur devra être propre, bon marché, disponible et pratique. 68 Moteur a explosion au gaz naturel Moteur Hybride electrique Moteur electrique solaire Moteur electrique avec batterie Moteur electrique avec pile a combustible - Rayons du soleil Accumulateurs rechargeables (de type batterie lithium-ion) Hydrogène Hydrogène Renvoie du gaz naturel (mélange de méthane), le gaz de pétrole liquéfié (GPL), et le blogaz Libère du monoxyde de carbone, de l’oxyde d’azote, des hydrocarbures et du dioxyde de carbone Ne dégage quasiment aucune émission, mais implique des émissions au moment de sa fabrication Dégage moins de particules polluantes qu’une propulsion essence ou gazole Mêmes émissions que les moteurs à explosion conventionnels, baisse sensible des émissions en zone urbaine Pas d’émissions directes mais la fabrication du silicium entraine d’importantes émissions de co2 Pas d’émissions directes mais émissions lors de la production du courant et problème de recyclage des batteries Ne dégage quasiment aucune émission, mais implique des émissions au moment de sa fabrication 800 kilomètres maximum 350 kilomètres maximum 650 kilomètres maximum 1 000 kilomètres maximum Kilomètres illimités à condition que l’ensoleillement soit suffisant Entre 100 et 150 kilomètres maximum Entre 500 et 700 kilomètres maximum Technique connue et affinée Prototypes en phase de tests, premiers modèles commercialisés en 2015 Technique qui a fait ses preuves avec les véhicules hybrides Les véhicules hybrides électriques sont arrivés à maturité Encore à l’état de prototypes, difficulté d’intégration du nombre suffisant de céllules photovoltïques Véhicules produits en série, poursuite du développement des batteries Problèmes techniques résolus, premiers modèles annoncés pour 2015 11 128 stations-service en France 3 bornes à hydrogène en France 33 stations publiques 11 128 stations-service en France - 1 600 bornes de recharge rapide en France, possibilité de recharger chez soi 3 bornes à hydrogène en France Pénurie croissante en matière première, augmentation du coût du diesel et de l’essence A long terme, l’industrie estime que l’hydrogène pourrait s’avérer plus rentable que l’essence Economies en coût de carburant de 50% Potenteil d’économies en carburant entre 15 et 25% - Prix de l’électricité plus avantageux que celui des carburants classiques A long terme, l’industrie estime que l’hydrogème pourrait s’avérer plus rentable que l’essence Technologie encore en phase de développement Plus chère à l’achat qu’un véhicule essence. Avec amélioration de Technologie la technologie encore en phase des batteries, les de développement voitures électriques devraient être moins chères Rêve d’un véhicule autosuffisant sur le plan énergétique Les véhicules électriques pourraient contribuer à la fabrication de courant propre Perspective Coûts d’acduisition Statut Autonomie Emissions Matière première Alimenté par de l’essence ou du gazole Infrastructure Moteur a explosion a hydrogene Coûts de comsommation Moteur a explosion a essence Remboursement des frais après une certaine durée de vie Des modèles pour tous les budgets Technologie encore en phase de développement Optimisation du processus de combustion et utilisation de carburants bio Vision d’un véhicule zéro émission, à condition de produire de l’hydrogène sans émettre de gaz à effet de serre Bien plus cher qu’un modèle conventionnel doté d’un moteur à explosion Solution transitoire en attendant que le véhicule 100% électrique puisse être produit à grande échelle Infographie effectuée par Covivo, opérateur de mobilité durable - www.covivo.fr - Twitter : @covivo 69 Vision d’un véhicule zéro émission, à condition de produire de l’hydrogène sans émettre dde gaz à effet de serre c) LES VEHICULES EN 2030 véhicules ? Aujourd’hui, le champ est ouvert. On Constat de Mme Danièle Attias, professeur à n’est pas sur une hypothèse où l’on est convaincu l’Ecole Centrale Paris, titulaire de la Chaire Armand que demain nos grands constructeurs seront les Peugeot (PSA Peugeot Citroën). constructeurs. Peut-être qu’ils construiront autre chose, qu’ils offriront des services, plein d’autres « Je profite de la présence des constructeurs pour choses, diverses. Et je crois qu’on est en train de poser une question. Je suis à l’Ecole Centrale de redéfinir aujourd’hui les métiers de chacun, les Paris où, depuis environ six mois, j’encadre un axes de chacun, les frontières qui sont de moins groupe d’étudiants de première année qui sont ab- en moins claires, qui deviennent plus floues. A mon solument passionnés par les plateformes collabo- avis, cette mixité, tous ces maillages, sont des ratives. Ils ont recensé, l’air de rien, environ 3 000 chemins très intéressants pour l’innovation. sites existants dans le monde aujourd’hui, où des jeunes se connectent par web et co-construisent (Propos tenus en janvier 2014 devant l’Office Parle- des véhicules de toutes sortes. Pour des jeunes mentaire des choix scientifiques et techniques). ingénieurs, ce n’est pas si compliqué que cela de Tout en s’interrogeant sur leur destin, les construc- construire un véhicule électrique. Ils savent faire. teurs se mobilisent tous azimuts pour inventer la Ce qui est un peu drôle, c’est que non seulement mobilité de demain… Ainsi Ford lance un concours ils construisent, mais au travers de cette mise en d’applications sous le vocable : commun des informations et des connaissances, ils traduisent aussi des besoins de mobilité. Est- « INNOVATE MOBILITY CHALLENGE SERIES » ce que les constructeurs seraient prêts aujourd’hui Il s’agit d’une compétition à l’échelon mondial des- à intégrer, ou à aller voir ce qui se passe sur ces tinée aux développeurs d’application et aux équi- sites ? Il y a là une richesse incroyable en termes pementiers. d’innovation. Les challenges sont répartis sur huit sites dans le Ce qu’ils traduisent, eux, c’est un besoin de voi- monde et ont débuté le 15 juillet 2014 à Lisbonne tures modulaires ou modulables. Alors là, il y a (Portugal), Los Angeles (Etats-Unis) et Bombay une vraie question, très intéressante. Le matin, il (Inde). Ils se dérouleront ensuite à Delhi et Chennai leur faut une voiture à une place, en fin de journée (Inde), Shanghai (Chine), Johannesburg (Afrique du peut-être une voiture à deux places, une voiture à Sud) ainsi qu’en Argentine à l’échelle nationale. quatre places le soir avec les amis. A travers cette « En s’adressant aux acteurs locaux, Ford peut expression de besoins, c’est finalement leur per- aborder de manière plus efficace les différents ception qui se dessine sur la mobilité dans une ville problèmes de mobilité dans le monde entier », ex- qui est aussi en train de changer. Cela pourrait être plique Paul Mascarenas, responsable technique et pour nous une opportunité extraordinaire. vice-président chargé de la recherche et du déve- Il faudra faire attention. Est-ce que les construc- loppement de Ford Motor Company. « En lançant teurs traditionnels de voitures seront encore les nos Innovate Mobility Challenge Series dans huit constructeurs demain ? Qui demain construira les régions différentes, nous offrons la possibilité à des 70 talents locaux et mondiaux de travailler ensemble pour inventer un réseau de transport plus intelligent et plus performant. » Pour chaque challenge, Ford établira des partenariats avec les autorités et les experts locaux afin d’aborder les différents problèmes de chaque région. Les propositions des participants seront évaluées par un jury composé de personnalités locales et de dirigeants de Ford impliqués dans la recherche de solutions de mobilité. Un engagement à long terme pour la mobilité La croissance de la population mondiale et l’urbanisation représentent des défis majeurs pour la mobilité individuelle et l’efficacité du secteur des transports. Le programme Ford Blueprint for Mobility, présenté par Bill Ford, président exécutif de Ford Motor Company, décrit donc la vision de l’entreprise des évolutions du transport à l’horizon 2025 et au-delà, ainsi que les technologies, les modèles économiques et les partenariats nécessaires pour y parvenir. Les nouvelles technologies seront l’une des clés pour s’attaquer aux problèmes de mobilité. Un réseau de transports plus intelligent et plus connecté optimisera la consommation d’énergie, améliorera la sécurité, réduira les embouteillages et contribuera à préserver l’environnement. Il permettra aussi d’envisager la mobilité individuelle de manière plus efficace. A chaque ville ses besoins Chaque épreuve est conçue pour aborder une question spécifique autour des différents besoins des villes dans le monde. • Lisbonne, Portugal : Les infrastructures de mobilité dépendent de la taille des villes. Le challenge City Mobility de 71 Lisbonne invite les développeurs à optimiser mode de déplacement et contribuent à lutter contre les livraisons de marchandises et de services les embouteillages, afin d’améliorer la qualité de vie. en tenant compte des contraintes de dévelop- Moins d’automobile mais toujours des auto-mobiles… pement durable pour des villes de moins de 600 000 habitants. Symbole parmi d’autres des révolutions en cours, • Bombay, Inde : le marché de l’automobile en Europe ne cesse de Avec une mousson de plusieurs mois qui peut baisser. Les ventes chutent de 8 à 10% par an paralyser totalement les infrastructures de trans- depuis quelques années alors que, dans le monde, ports en raison des crues, des routes coupées les immatriculations ont augmenté de près de moi- et de l’interruption des réseaux ferrés urbains, le tié depuis 2000. On n’a jamais autant vendu de challenge Monsoon App Downpour se concentre voitures en Chine ou au Brésil. Dans ces deux pays, sur l’exploitation des données des véhicules et pour l’instant, les « Nouvelles Mobilités » passent par des informations locales pour faciliter la mobilité l’automobile. Ce qui n’est plus le cas en Europe et en cas de fortes intempéries. particulièrement en France, même si, chez nous, le marché des voitures particulières a augmenté de • Los Angeles, Etats-Unis : Le challenge Parking Lots 2.0 préfigure l’avenir 1,9% sur les 7 premiers mois de 2014 par rapport du stationnement à travers une refonte et une à 2013. réorientation des surfaces de parking extérieure. L’objectif est d’accroître la variété de leurs utilisations et valoriser leur esthétique tout en préservant leur fonction. • Delhi, Inde : Le challenge SUMURR Golden Hour propose aux développeurs de créer des applications capables d’exploiter les informations qui réduisent le temps d’intervention médicale et fournissent plus d’éléments aux équipes de secours afin d’améliorer la prise en charge pendant l’heure critique qui suit un accident (l’heure d’or ou « golden hour »). • Shanghai, Chine : Alors que la population s’accroît et que l’urbanisation progresse, il devient crucial de rendre la circulation plus fluide. Adapté à l’une des villes chinoises les plus grandes et les plus denses, le challenge Urban Commuter appelle les développeurs à créer des applications qui aident à choisir le meilleur 72 Constat de Frédéric Denhez « Tout semble malgré tout aller dans le même sens, indiquer une tendance de fond. Comme le dit si bien le rapport 2013 de l’observatoire Cetelem, « L’Europe automobile est arrivée à son apogée, et c’est le renouvellement qui est à l’origine de la majorité des achats. Comment expliquer que le niveau de saturation soit atteint ? Démographie atone, coûts énergétiques et contraintes économiques, réglementation environnementale, saturation urbaine et concurrence accrue de modes de transport alternatifs sont autant de facteurs explicatifs de la fin de l’âge d’or automobile ». Après, ou avant, l’hypothétique peak oil, ce moment fantasmé où nous aurons atteint le maximum de ce que nous pouvons tirer de pétrole du sous-sol, le peak travel ? C’est un fait : dans les pays industrialisés, la circulation de l’automobile est parvenue à un plafond et l’image de l’automobile s’est dégradée. Lorsqu’un totem vacille, on peut bien parler de révolution. D’autres signes nous avertissent de ce bouleversement. Dans le monde occidental, l’âge du permis de conduire, du premier achat (d’occasion) et du premier achat neuf recule année après année. En France, c’est à 51 ans désormais que l’on débourse pour une voiture neuve. Pour les jeunes, l’auto conserve une image forte, valorisante, surtout si elle est « verte » et hybride. La voiture est en train de n’être plus qu’une fonction. Un outil. Pas n’importe quel outil, pas banal, un outil quand même. Qui doit être optimisé comme n’importe quel outil de travail. Un bon outil, c’est encombrant, contraignant et coûteux, mais voilà, il faut en avoir un. Dans les zones diffuses, là où la ville et la campagne perdent leurs identités propres dans des paysages sans repères, la voiture est la seule à pouvoir assurer convenablement les déplacements quotidiens. A la campagne, c’est tellement évident. Si la voiture a perdu de son aura, et si sa possession est aujourd’hui moins importante que son utilisation, elle n’en demeure pas moins le moyen de transport indispensable pour la majorité des Européens et des Américains des banlieues et des champs. Mais, dépouillée de son aura, elle n’est plus qu’un moyen de transport. En ville, elle est au mieux une source de problème. Au pire, elle n’est plus rien. Plus la ville est dense, plus il y a de gens en bus, en tram, en trottinettes et à pied. Mal nécessaire, l’auto est plus que jamais le véhicule de l’éparpillé ». (« La Fin du Tout Voiture » -Ed Actes sud – septembre 2013). 73 En 2030 nous roulerons en automobile. « Pas de L’accès à bord et le démarrage voiture, pas de mobilité » affirme Benoît Chatelier, par smartphone co-fondateur d’Ubeeqo, d’abord pour des raisons En lien avec Continental, PSA travaille géographiques et démographiques. sur une nouvelle génération de « clé » automobile via le smartphone. Le mobile uilise Aujourd’hui, 21% de la population hexagonale ha- la technologie Bluetooth à basse consomma- bite en zone périurbaine, 18% en zone rurale. En tion (BLE) pour télécommander l’ouverture et la 2030, selon le scénario tendanciel, ils seront 56% fermeture du véhicule à distance. C’est un autre à vivre loin des villes, en majorité des personnes standard, le NFC (Near Field Communication) qui âgées, pour qui la mobilité est toujours un problème. permet grâce à une liaison « sans contact » de Statistique INSEE – Voir www.insee.fr. démarrer. La sécurité est assurée par la carte SIM, qui recourt à des technologies similaires à celles Les constructeurs investissent massivement dans des paiements électroniques. le véhicule du futur qui sera totalement connecté et Mise en service : 2019. souvent autonome. La « VOLT », véhicule électrique Car Easy Apps de Chevrolet, embarque à elle seule, en 2014, plus L’idée est de créer une plateforme logicielle permet- de logiciels que le futur avion de chasse américain tant aux applications du smartphone d’exploiter les F.35… données du véhicule et de commander des actionneurs. Il en résulte ainsi un écosystème, faisant le VOITURE CONNECTÉE = SÉCURITÉ ET FLUIDITÉ lien entre les innovations provenant du monde de C’est l’allemand Daimler qui anime le projet « Drive l’électronique et des télécoms et les impératifs liés C2X », soutenu par l’Union Européenne, avec pas à la conduite automobile. Les applications peuvent moins de 46 partenaires. On parle là de la vraie être issues d’un tiers ou du Groupe de manière voiture connectée, par opposition aux systèmes qui contrôlée et sécurisée afin de se prémunir des se contentent d’intégrer au tableau de bord ce que risques de hacking et de violation de la vie privée. l’on a déjà sur son smartphone. Il réunit PSA Peugeot Citroën, Continental, Altia, Imatia, le CTAG et Gradiant. Les tests réalisés par 200 véhicules sur 1,5 million Premières applications prévues pour 2016. de kilomètres sont plus qu’encourageants. Ils permettraient, selon les ingénieurs, de réduire sensible- La voiture connectée à l’Internet des objets ment le nombre d’accidents. Exemple : diminution Dialoguer à distance avec sa télévision et son lave- de 23% du nombre de morts et de 13% du nombre linge, c’est ce que propose Qeo : une architecture de blessés grâce à l’affichage permanent de la logicielle offrant une interconnexion entre terminaux vitesse limite obtenue par des balises placées à et applications, quels que soient leurs langages des points clés… technologiques. Techniquement, c’est un réseau Voici, par ailleurs, quelques-uns des projets de PSA à disposition d’appareils connectés. Qeo offre l’ac- dont les applications interviendront bien avant 2030 : cès à cet univers par une clé USB intelligente. Dès virtuel sur lequel des données protégées sont mises 74 lors, la voiture communique avec le smartphone mais aussi avec la maison, et tous autres services connectés de la maison : box internet, multimedia, domotique... Antenne intelligente Elle permet l’accès simultané à différentes sources (Internet, TNT, radio, Bluetooth) et aux équipements nomades (tablette, smartphone) des passagers au travers de l’Interface Homme Machine (IHM) du véhicule. Cette solution s’intègre dans l’optimisation de l’architecture électrique et électronique, grâce au décodage du signal radio (démodulation) dès le pied de l’antenne et à une liaison numérique HD. La diffusion des données se fait sur le système embarqué par une liaison HD alors que sur les équipements mobiles elle est assurée par une connexion Wi-Fi. Ce système de connectivité évolutif sera compatible avec les standards (connexion sécurisée à la 4G, réception de la TNT, mises à jour selon les dernières normes Bluetooth ou Wi-Fi…). Premières applications prévues pour 2019-2020. CO2 Cruise Assist En combinant les informations de la cartographie du GPS, celles relevées par les capteurs (radar, caméra) et la reconnaissance des panneaux, on peut donner des consignes adaptées de vitesse et contribuer ainsi à une réduction de la consommation de carburant. Les informations obtenues permettent d’adapter la vitesse en fonction de plusieurs paramètres (levé de pied, zone limitée, véhicule en amont évoluant à une moindre vitesse, pente propice à un passage en roue libre), en «coupant» le moteur et en laissant filer le véhicule en roue libre. Dans un second temps, le passage en roue libre pourra se faire automatiquement et en toute sécurité, en fonction du mode choisi par le conducteur. Premières applications prévues pour 2018. 75 La conduite automatisée Google et Apple s’installent lentement mais sûre- Sur voies rapides, PSA proposera à la demande, ou ment sur le tableau de bord des automobiles de sur la proposition du système, un mode de conduite 2015 avec des perspectives de croissance qui automatisée. Le conducteur pourra alors lâcher le s’annoncent rapides. Apple a lancé, il y a quelques mois, le système Carplay permettant de répliquer volant et les pédales. Le système réalisera du suivi l’environnement de l’Iphone sur l’écran de bord. de file dans la voie en adaptant la vitesse longitu- Google pour sa part va intégrer Android chez plu- dinale à la vitesse réglementaire, à l’environnement sieurs constructeurs comme Hyundai, Audi ou Hon- (virage, autres véhicules, ....) et ceci jusqu’à l’arrêt. da… D’ici 2020, le cabinet d’études américain IHS Il pourra aussi gérer le dépassement et le rabatte- prévoit plus de 100 millions d’automobiles équipées ment en cas de dépassement de véhicule lent, ainsi par Google et 94 millions par Apple… que le changement de voie pour suivre une trajec- Microsoft, le challenger, présentait au printemps toire prédéfinie par la navigation, jusqu’à la surveil- dernier un système dédié à l’automobile « Windows lance conducteur afin de veiller que celui-ci est en in the car » mais sans annoncer de partenariat pour état de superviser la conduite. L’électronique assure l’instant. le fonctionnement en mode automatique du moteur, de la boîte de vitesse automatique, des freins et de La voiture connectée conduit à la voiture autonome. la direction d,icule. C’est là que les discours divergent, sans parler des Premières applications prévues pour 2020. intérêts commerciaux et industriels des uns et des autres… City Park Full Automatic Face à l’offensive de Google dans le véhicule auto- La fonction City Park existe déjà sur certains mo- nome, les constructeurs automobiles réagissent. dèles (Peugeot 208 & Citroën C4 Picasso) en Leur calendrier n’est pas celui du géant des mo- contrôlant la direction. Il s’agit simplement d’auto- teurs de recherche… Qui l’emportera en 2030 ? matiser le reste et de laisser faire l’électronique qui C’est l’une des questions clés pour les « Nouvelles prend en charge en plus le frein, l’accélération et Mobilités », car les conséquences économiques le passage des vitesses. Le conducteur est simple- sont considérables pour celui qui perdra la bataille… ment là pour superviser les manœuvres et intervenir Le marché de l’automobile connecté est plus qu’al- au cas où. léchant : 25 milliards d’euros en 2015, 95 milliards Premières applications prévues pour 2017”. d’euros en 2020. recensés par Laurent Meillaud Quant aux nombres de voitures connectées il devrait, « Voituredufutur.blog » lui, passer de 36 millions d’unités aujourd’hui à 152 millions en 2020. « La voiture, nouvelle frontière de la High-Tech – le Monde 7 janvier 2015. 76 VOITURE AUTONOME = SUR TOUTES NOS ROUTES EN 2030 ? 57% des français l’affirment : la voiture autonome sera un jour généralisée au plus grand nombre. Sur l’échéance, ils sont plus réservés : 5% y croient d’ici 2020, 18% d’ici 2030. Actuellement, près d’un tiers d’entre eux (36%) se sentirait à l’aise à l’idée d’être assis à la place du conducteur sans avoir à tenir le volant. (Sondage Syntec Numérique - Odoxa - Mai 2015). D’ici à 10 ans, la voiture pourra se passer de chauffeur. Tous les constructeurs et éditeurs de logiciels sont d’accord sur le calendrier. Mais pour autant, le véhicule aura-t-il totalement pris le pouvoir sur la conduite ? Mercedes commercialise depuis l’automne 2013 une Classe S qui se déplace seule à 30 km/h. « Ce n’est plus de la science-fiction, contrairement à il y a deux ou trois ans », estime Thierry Le Hay, le responsable pour l’innovation des systèmes embarqués chez PSA. « Le véhicule 100% autonome n’est pas pour tout de suite, mais les niveaux d’automatisation s’accélèrent. » Au centre de R & D de BMW à Munich (Allemagne), Werner Huber, le directeur du projet véhicule autonome, en dresse une typologie : « Le conducteur a d’abord conduit seul et utilisé l’assistance à la conduite comme le limitateur de vitesse. En 2008, l’assistance à la conduite a pris le contrôle sur le conducteur, avec le régulateur de vitesse. Nous en sommes à l’automatisation partielle : un X5 ou une i3 se déplacent seuls jusqu’à 40 km/h. » En attendant la voiture autonome à haute vitesse, puis le véhicule totalement autonome. 77 DES STANDARDS À DEFINIR D’ores et déjà, la plupart des constructeurs mondiaux travaillent à la définition de standards de communication. Une BMW et une Renault pourront échanger sur les conditions de circulation, la présence d’un danger ou l’accès à un carrefour à angle mort. « La problématique est la même qu’il y a plusieurs décennies dans l’aviation civile, quand il a fallu définir un langage commun aux avions en vol », juge Josselin Chabert, analyste automobile chez PwC Autofacts. Les constructeurs automobiles doivent faire du véhicule autonome une technologie accessible. Pour une automatisation limitée, c’est-à-dire pour rouler en ligne droite ou se garer seul, le surcoût n’est que de quelques centaines d’euros. Dès qu’on évoque un déplacement en courbe ou la possibilité de doubler, le tarif grimpe proportionnellement à l’automatisation. Chez BMW, on estime qu’il faudra au moins une décennie avant de croiser des véhicules sans chauffeur dans la rue… si la législation les y autorise un jour. « L’une des problématiques clés, c’est la responsabilité », insiste Rémy Cornubert, analyste pour l’automobile au sein du cabinet Oliver Wyman. « Incombe-t-elle au conducteur ou au constructeur ? « Jusqu’ici, la mécanique gérait la sécurité. Demain, ce sera l’électronique. Cela implique des changements législatifs importants. Mais aussi une modification des comportements. Selon PwC Autofacts, si tous les véhicules américains étaient autonomes, les accidents, la consommation de carburant et le nombre de voitures sur les routes seraient divisés par dix ! Les conducteurs adhèrent, semble-t-il, assez largement à l’automatisation de la conduite. Encore faut-il la supporter dans les faits. Quand il lâche le volant, le conducteur n’en est que plus présent. «La conduite autonome demande au 78 véhicule de dialoguer avec les autres, de détecter «Un véhicule autonome est d’abord un véhicule ce qui se passe autour de lui, mais surtout de sa- connecté qui échange des informations et des voir ce que fait le conducteur dans l’habitacle, pour données», décrypte Rémi Cornubert. C’est le savoir s’il peut reprendre la main», analyse Antoine cœur de métier de Google, pas celui de Nissan ou Jouin, le PDG de Continental. de BMW. Si Google met la main sur les logiciels du véhicule, c’est pour mieux piloter la relation client. Les fonctions d’interface homme-machine, comme «L’automobile se frotte à de nouveaux domaines le monitoring de l’attention du conducteur, déter- de compétences que les constructeurs n’ont pas mineront le degré d’automatisation envisageable. en interne », analyse Luc Barthélémy, chef de pro- Entre ces phases de délégation ou de non-déléga- jet chez Akka Technologies. « L’automatisation re- tion de la conduite, l’automobiliste devra acquérir quiert ces connaissances en algorithme. Les lasers de nouveaux réflexes. «S’il a délégué sa conduite et de détection ou les systèmes de communication qu’un 38 tonnes surgit, le conducteur va se deman- viennent de la robotique, mais pour la localisation, der si la voiture l’a vu, si elle va réagir», détaille Marc il faut passer à l’informatique.» Le bureau d’études Pajon. Il faudrait presque que la voiture anticipe la a conçu en 2013 Link & Go, un petit véhicule auto- réaction de l’humain ! Toyota travaille sur des sys- nome visant à proposer son savoir-faire en électro- tèmes qui assistent davantage le conducteur. «Mais nique et en informatique aux constructeurs. Ces celui-ci doit rester le maître à bord », assure Philippe derniers ont du mal à l’admettre, mais leur modèle Boursereau, le responsable de la communication économique, fondé sur la fabrication et la vente du pour la France chez Toyota. « La voiture représente véhicule, pourrait bien disparaître. la liberté.» Redonner de la liberté, c’est ce que vise le véhicule autonome. «40% du temps de conduite se passe dans les bouchons, à chercher une place de parking », souligne Hadi Zablit, directeur associé au Boston Consulting Group (BCG) et spécialiste de l’automobile. « L’auto a été conçue pour gagner du temps et ce gain de temps a été perdu. Le véhicule autonome peut permettre de le retrouver.» Une liberté qui intéresse les conducteurs, mais aussi les spécialistes de l’informatique et de la téléphonie, comme Google qui a donné, en 2010, un coup d’accélérateur majeur au véhicule autonome. Avec la Google Car, l’Américain, qui veut imposer le système Android dans les véhicules, est aux deux bouts de la chaîne : il fournit au conducteur comme au véhicule des systèmes d’échange d’informations. L’un joue avec son «device», l’autre conduit. 79 SANS VOLANT, SANS PEDALES, SANS RETRO… « On peut établir la séquence actuelle : 2018, pre- Bienvenue dans l’ère du post-véhicule individuel ! miers véhicules sur les routes dans les pays pion- « Nous sommes au début de l’histoire, mais cette niers que sont aujourd’hui les Etats-Unis, le Japon solution est radicalement différente, comme on n’en et la France. 2020, c’est un début de commerciali- a pas vu depuis des dizaines d’années», prédit Luc sation en Europe », a-t-il confié à l’AFP. Barthélémy. Certains envisagent la disparition… de Le concept Renault « Next Two » est prêt. Il s’appuie l’auto ! «Le jour où le véhicule 100% autonome sera sur une base de Renault Zoé, la citadine électrique là, ce ne sera plus vraiment une voiture. Elle n’aura bardée de technologies (caméras, capteurs ultra- plus de volant, plus de pédales, plus de rétrovi- son, radars) qui permet d’adopter la conduite auto- seurs, prévoit Philippe Chain. nome à partir d’une tablette de 10 pouces. Les humains ne conduiront pas et n’auront pas la Hyper connectée, la voiture peut aussi accéder à même exigence de conduite. Les constructeurs ne feront plus des voitures, ils feront autre chose, un la multi-modalité. En cas d’accident devant soi, autre objet.» « NextTwo » vous sortira de l’embouteillage en vous amenant à prendre le train ou d’autres solutions de (Elle roule toute seule, ou presque ! – Pauline Du- mobilité. camp – 16 janvier 2014 – L’Usine Nouvelle N°3360). En sortant du véhicule, le smartphone prendra le Ce n’est pas un hasard si, en juillet dernier, Car- relais. Les tickets auront déjà été payés en e-ticket los Ghosn rappelait qu’il était primordial pour les dans le véhicule… constructeurs de garder leur indépendance dans le développement d’un logiciel censé rendre les auto- Les avantages de la voiture connectée et auto- mobiles 100% autonomes… nome sont innombrables… Gain de temps, économie de carburant et plus grande sécurité. D’après Le patron de l’Alliance Renault-Nissan estime dans une étude menée pour Opel, il suffirait que 0,5% le même temps que la Google Car n’est pas une des voitures soient connectées entre elles et à un concurrence directe pour les constructeurs auto- serveur central pour réduire considérablement les mobiles. embouteillages… « L’automobile « est un métier » qu’il faut bien Des capteurs dans les voitures collectent les don- connaître « pour le faire vivre » (…) Pour entrer dans l’automobile, il faut être frugal, il faut accepter beau- nées qu’ils « voient » sur la route et, lorsqu’ils coup de travail et peu de profits, ce qui n’est pas passent à proximité de bornes spéciales, les trans- forcément la direction de ces entreprises qui sont mettent par leur intermédiaire vers un serveur cen- habituées à beaucoup d’innovation et de marge », tralisé qui obtient ainsi une image claire de ce qui se dit-il en ironisant sur Google… passe sur le réseau routier. Carlos Ghosn confirme par ailleurs la commerciali- Les voitures non connectées peuvent alors être sation de la première voiture autonome de Renault prévenues par message radio ou par SMS et ainsi pour 2020. adapter leur vitesse et leur itinéraire. 80 Quant à la sécurité et aux économies de carburant, voici ce qu’en pense Josselin Chabert, analyste automobile chez PwC Autofacts : il considère que le véhicule autonome va durablement modifier le business modèle des constructeurs automobiles. Pour le conducteur, on peut s’attendre, selon lui, à une forte baisse du taux d’accidents, mais aussi de la consommation de carburant et, même, du nombre de véhicules en circulation. L’usine Nouvelle Quel impact aura demain la voiture autonome sur le secteur automobile ? Josselin Chabert – L’arrivée sur le marché de véhicules autonomes aura de l’influence sur trois grands domaines : le système de production des véhicules, la circulation - en particulier le temps de trajet des conducteurs, les flottes de véhicules et la sécurité - et enfin l’achat de véhicules. Quels avantages peut-on tirer de l’arrivée des véhicules sans chauffeur ? Sur le marché américain, on estime que la généralisation du véhicule autonome fera baisser de 90% le taux d’accidents, mais aussi la consommation de carburant et même le nombre de véhicules. De nombreux conducteurs utilisent en effet leurs voitures pour rejoindre le lieu de travail. Le véhicule autonome pourrait alors choisir l’itinéraire le plus efficace, tout en roulant de manière fluide, ce qui éviterait les bouchons. Tout cela sera possible car le véhicule autonome est une exagération du véhicule connecté. De nombreuses données pourront être partagées entre véhicules, pour fluidifier le trafic, mais aussi avec des entités extérieures. On peut imaginer, par exemple, un système de paiement au kilomètre pour les assurances. A terme, la notion même d’achat et de propriété du véhicule changera, ce qui impactera le modèle économique des constructeurs automobiles. 81 Les constructeurs travaillent-ils ensemble dans le développement de ce type de véhicules ? De nombreux constructeurs s’intéressent au sujet, de Toyota à Mercedes. Et ils collaborent également. Depuis 2007, la plupart des groupes automobiles et les grands équipementiers se sont regroupés dans le car-to-car communication consortium. Ils réfléchissent notamment à un langage commun entre véhicules, une problématique qui se rapproche de celle de la communication des appareils dans l’aviation civile. Le véhicule autonome va-t-il changer le rapport à la voiture ? La société moderne s’est beaucoup développée autour de l’automobile. Aujourd’hui, Internet permet d’accéder à de nombreuses informations sans se déplacer, mais la mobilité est toujours un impératif de l’être humain, dans des villes toujours plus importantes : en 2050, 72% des gens vivront en ville. Nous entrons dans l’après voiture individuelle. (Propos recueillis par Pauline Ducamp – « L’Usine Digitale » janvier 2014). Un cadre légal à la voiture autonome commence à s’organiser. L’allemand Daimler travaille sur des voitures pouvant se conduire seules à des vitesses allant jusqu’à 30 km/h en 2016 et 60 km/h en 2020… Thomas Weber, directeur du développement chez Daimler, estime que : « La conduite autonome ne viendra pas du jour au lendemain, mais sera réalisée par étapes ». Un obstacle à surmonter est au niveau légal pour les voitures autonomes. La législation de l’UE appelle les conducteurs à être en contrôle de la voiture à tout moment, de sorte que les véhicules d’essai chez Daimler et BMW ont besoin d’une autorisation spéciale en Allemagne. L’administration américaine vient de définir une classification des voitures autonomes selon leur degré d’automatisme. Un premier pas vers un cadre juridique pour les autoriser à rouler sur la voie publique. 82 « La loi devra s’adapter à la voiture autonome et Des essais à limiter aux autoroutes lui donner un cadre juridique. Cette démarche s’an- La NHTSA a également émis une série de recom- nonce longue mais les lignes bougent, l’Allemagne mandations aux Etats souhaitant ouvrir leurs routes vient d’ailleurs d’autoriser leur circulation à titre ex- aux expérimentations de cybercar. Ils devront périmental sur ses autoroutes. s’assurer que le conducteur comprenne bien comment fonctionne la voiture autonome et que les Cinq niveaux d’automatisme procédures de transition entre conduite manuelle Aux Etats-Unis, certains Etats ont suivi cette même et automatique soient simples et sans risque. Le voie et l’administration centrale songe maintenant conducteur devra aussi être averti si le système au- à harmoniser leur position, en cherchant, dans un tomatique est défaillant. L’administration américaine premier temps, à bien définir ce qu’est une voiture recommande enfin de limiter les essais à l’autoroute sans conducteur. La NHTSA, l’agence fédérale et de mettre en place des processus d’évaluation américaine chargée de la sécurité routière, vient des voitures autonomes. d’établir une classification des voitures autonomes La question des cyber attaques suivant cinq degrés d’automatisme. Parallèlement, la NHTSA mène des recherches • Niveau 0 : Aucun automatisme. Aucun système sur différents aspects de cette technologie. Sur le n’intervient sur le freinage, la direction ou une plan humain, elle s’intéresse au comportement des autre fonction de conduite. conducteurs et notamment à leurs réactions dans différentes phases de conduite, dont la transition • Niveau 1 : Certaines fonctions assistent le entre conduite manuelle et automatique. Elle étudie conducteur : le freinage d’urgence ou l’ESP par aussi la fiabilité des automatismes et leur résistance exemple. Toutes les voitures neuves entrent aux cyber attaques. » aujourd’hui dans cette catégorie. (Benoit Solivellas – CENT – France – juin 2013). • Niveau 2 : Le véhicule possède au moins deux assistances à la conduite fonctionnant simultanément. Le régulateur de vitesse adaptatif et le maintien actif dans la voie par exemple. Plusieurs véhicules du marché répondent à ces critères. • Niveau 3 : La voiture est partiellement autonome. Elle peut l’être à certaines occasions, c’est le cas de la Google Car. • Niveau 4 : Le véhicule peut fonctionner en permanence sans l’intervention de son utilisateur. Le passager ne fait qu’indiquer où il souhaite se rendre. Il n’existe à ce jour aucun véhicule de ce type, même parmi les projets les plus avancés. 83 Autant de questions dont les réponses passent, est autorisé à prendre par ordonnances toute me- sans doute, par une refonte totale de la législation sure relevant du domaine de la loi afin de favoriser des mobilités, qu’il s’agisse du code de la route ou dans des conditions sécurisées l’expérimentation du code des assurances… de la circulation sur la voie publique de véhicules innovants à délégation de conduite, qu’il s’agisse « L’Histoire retiendra que c’est l’Etat du Nevada de voitures particulières, de véhicules de transport qui, le premier, a autorisé la circulation des voitures de marchandises ou de véhicules de transport de autonomes sur sa voie publique, par une loi signée personnes. » Selon nos confrères d’Autoactu.com, le 16 juin 2011 et entrée en application le 1er mars il faudra cependant attendre mi 2016 pour voir dé- 2012. Portée par le géant américain Google, cette barquer les premières voitures autonomes sur les loi a permis les premiers tests en grandeur nature routes françaises. dans un état au trafic plutôt clairsemé. Depuis, trois Reste un épineux sujet : une fois ces automobiles autres états (Floride, Californie et Michigan) ainsi sur la route, en cas d’accident, qui est responsable ? que le District de Columbia (la ville de Washington) Le « conducteur » qui ne conduisait pas ? L’ingé- ont autorisé à leur tour les « driverless cars ». Enfin, nieur qui a programmé la ligne de code fautive ? pas complètement « driverless » : un conducteur Le constructeur ? L’autre usager de la route ? Voilà doit être présent afin de reprendre les commandes qui promet de faire la fortune des avocats en droit en cas de défaillance du système. routier ! Pour tenter d’y voir plus clair, l’Allemagne L’Europe, pour sa part, est un peu à la traîne. Offi- propose une solution qui pourrait faire consensus : ciellement, elle reste soumise à la Convention de rendre les boîtes noires obligatoires sur les Vienne signée le 8 novembre 1968 et qui régit la voitures autonomes. Celles-ci sont en effet bar- circulation automobile sur le sol du Vieux Conti- dées de capteurs, radars et autres caméras dont nent. Son article 8.1 est sans ambiguïté : les données pourraient être stockées afin de déterminer les responsabilités en cas de problème. Tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de Une réglementation allant dans ce sens pourrait véhicules en mouvement doit avoir un conducteur. être présentée au niveau européen, afin d’harSi ce texte de loi ouvre la possibilité des trains rou- moniser les règles sur tout le continent… et faire tiers semi-automatisés, comme Volvo l’a déjà évoluer la vieillissante Convention de Vienne ! Dès testé, il exclut donc toute automatisation complète lors, la voie serait libre pour la commercialisation de la conduite. Néanmoins, le Royaume-Uni a, le en série de voitures 100% autonomes. » premier, autorisé sur son territoire la circulation (Blog de Vincent Desmonts – MOTORSHIFT – juillet de voitures autonomes dès la fin 2013. 2014). La France est également en bonne place : sous l’impulsion de Carlos Ghosn, qui veut se poser en champion européen dans le domaine, le projet de loi sur la Transition Energétique proposé par Ségolène Royal prévoit que « le gouvernement 84 85 De la voiture autonome au véhicule aérien… Si l’on parie sur la voiture autonome en 2030, on sait déjà qu’elle complètera d’autres moyens de mobilité empruntant d’autres territoires. Ou quand l’automobile rejoint l’aéronautique… Sylvain Allano, PSA : «la mobilité urbaine de demain se fera sur les routes et dans le ciel» Pour Sylvain Allano, directeur scientifique et technologies du futur de PSA, il faudra investir le ciel pour continuer d’assurer la mobilité dans les centres urbains. Il nous explique sa vision de la mobilité du futur, qui se fera entre ciel et terre. Sa vision de ce qu’il appelle « la mobilité 3D ». Autoactu.com : Sylvain Allano, en qualité de directeur scientifique du groupe PSA, vous travaillez sur les technologies du futur avec une vision à 30 ans. Mais vous devez vous assurer en parallèle que l’automobile que vous imaginez s’inscrira dans les besoins de mobilité du futur. Quelles sont vos réflexions dans ce domaine ? Sylvain Allano : Si nous nous concentrons sur ce qu’il se passe aujourd’hui, nous constatons que l’explosion démographique en zone urbaine pose déjà un problème de congestion des villes. La mobilité individuelle assurée par l’automobile devient de plus en plus difficile. C’est vrai pour nos grandes villes françaises, c’est encore plus sensible dans les grandes métropoles chinoises. Or, les différentes études prospectives montrent que ce phénomène va s’accélérer avec une encore plus forte concentration de la population en ville. Face à la saturation des routes, il existe bien la solution des deux ou trois roues pour conserver 86 sa mobilité individuelle, mais l’automobile reste le A. A : Comment l’industrie automobile mode de déplacement majeur. Certains gouver- s’inscrit-elle dans ce scénario ? nements nous demandent donc déjà de travailler S. A : L’enjeu est de savoir si nous pouvons adres- sur la réduction de notre empreinte au sol. Pour ser cette question de la mobilité 3D en utilisant des autant, la mobilité terrestre risque de trouver ses technologies issues de l’automobile. Aujourd’hui, limites. Or, si on lève la tête, on peut trouver un notamment sous la pression réglementaire, les nouvel espace formidable de mobilité : le ciel. recherches et développement de notre industrie Selon moi, la mobilité en ville de demain utilisera s’orientent vers des technologies permettant de la complémentarité entre véhicules terrestres et créer les conditions à l’émergence de la mobilité engins volants. C’est ce que nous appelons au 3D. Chez PSA, parmi nos priorités dans notre pro- sein de PSA « la mobilité 3D ». gramme de recherche, une concerne la réduction des émissions de CO2, l’autre le véhicule autonome A. A : Qu’entendez-vous par engins volants ? et connecté. Or, les développements qui en dé- S. A : Je parle d’engins qui peuvent voler bas, coulent ou qui en découleront peuvent être utilisés à 300 ou 400 mètres d’altitude, qui peuvent pré- en vue de cette mobilité du futur. Prenons à nou- senter une faible empreinte environnementale et veau l’exemple du dirigeable. Pour porter 1 kg, un qui ne sont pas bruyants. Si nous prenons ces dirigeable a besoin d’1 m3 de gaz. Or, un dirigeable trois paramètres, l’une des solutions pourrait être 2 places pèserait au moins 300 kg. Aujourd’hui, le le dirigeable. Il ne s’agirait pas là d’un mode de gaz utilisé est l’hélium et, même s’il est recyclable, transport individuel mais d’un mode de transport il coûte cher. La question de l’allègement, central collectif qui présente l’avantage de pouvoir s’ar- aujourd’hui pour l’automobile, est donc tout aussi rêter à tout moment, contrairement à un avion. On essentielle pour les dirigeables. Avec les matériaux peut très bien imaginer l’utilisation de dirigeables composites que nous commençons à utiliser dans pour transporter des gens habitant en banlieue nos véhicules, nous pourrions créer la charpente vers l’hyper centre de Paris. Mais il n’y a pas que du dirigeable. Il pourrait également être propulsé les engins volants. Utiliser l’espace aérien pour avec nos moteurs électriques et utiliser nos inter- décongestionner les routes peut se faire autre- faces homme-machine. Demain, l’industrie pour- ment. On pourrait par exemple utiliser davantage rait donc produire des composants pour les véhi- les téléphériques et beaucoup d’urbanistes s’y cules terrestres et ce type d’engins volants. intéressent. L’installation d’un téléphérique sur le A. A : Pourquoi ferait-on davantage appel plateau de Saclay est d’ailleurs envisagée. à l’industrie automobile qu’à l’industrie Avec le téléphérique, nous pourrions en plus as- aéronautique déjà très en avance sur ces surer une mobilité individuelle en imaginant qu’à questions d’allègement et de pilotage auto- la place des cabines actuelles, les gens utilisent matique ? des petits véhicules à roues pouvant s’accrocher et se détacher du câble pour retrouver la route S. A : Parce qu’il y a convergence de plus en plus quand ils le souhaitent. Nous sommes là dans un forte entre ces deux industries. Pendant longtemps scénario prospectif mais tout à fait réalisable. il n’y avait pas de passerelles entre elles. L’industrie 87 automobile est devenue rapidement une industrie A.A : le gouvernement français anticipe-t-il de masse concentrée sur une logique de produc- des scenarii similaires au vôtre ? tion de volumes à faibles coûts, tandis que l’indus- S.A : Je ne peux pas répondre à sa place. Néan- trie aéronautique est longtemps restée axée sur la moins, le renouveau du dirigeable fait partie des technologie, sans problématique de production à réflexions du gouvernement puisqu’il fait l’objet forte cadence. Aujourd’hui ce n’est plus le cas ; il de l’un des 34 projets pour « La Nouvelle France y a une forte convergence entre ces deux secteurs industrielle ». L’idée ici est d’utiliser le dirigeable qui s’enrichissent de leur savoir-faire respectif. pour le transport de charges lourdes. L’aéronautique a besoin du savoir-faire industriel de l’automobile. L’automobile a besoin du savoir- A.A : Quand la mobilité 3D deviendra-t-elle faire technologique de l’aéronautique, notamment une réalité selon vous ? pour l’allègement et les interfaces homme-machine (IHM) pour le pilotage automatique. Je suis S.A : Je pense que le scénario d’une complémen- convaincu qu’à l’avenir nous aurons des technolo- tarité entre usage des routes et du ciel pour assurer gies génériques pour les deux secteurs. la mobilité dans les villes est réaliste dans un horizon de 20 à 30 ans. Et la période de transition entre A.A : Comment PSA aborde concrètement l’organisation de notre mobilité actuelle et de celle cette question de la mobilité 3D ? que nous avons évoquée sera rapide. S.A : Nous n’avons pas de « complexe » ou de (Propos recueillis par Emilie Binois tabous dans nos réflexions et nos développements Autoactu.com – 2014). possibles. Nous avons déjà dévoilé il y a quelques années des concepts tels que le BB1 ou le VéLV (Véhicule électrique Léger de Ville) qui illustraient notre réponse au problème de congestion des villes. Nous nous positionnerons donc sur des solutions de mobilité urbaine qui complèteront les véhicules traditionnels. Par ailleurs, avec mes équipes, même si nous travaillons sur des nouvelles technologies dédiées à nos voitures (avec un horizon 2020-2030, NDLR), nous le faisons toujours en réfléchissant à l’apport de nos travaux pour d’autres modes de transport. Anticiper l’utilisation de matériaux à faible impact environnemental, ou de matériaux capables de se substituer aux matières premières stratégiques, travailler sur des systèmes de carrosserie mobile ou de nouveaux modes de propulsion, tout cela peut concerner d’autres modes de transport. 88 Comment modifier en profondeur les usages en matière de mobilité ? Sans doute par l’agrégation de différents services comme le proposent déjà certains opérateurs de mobilité. A terme, l’utilisateur détiendra une clef, intégrée dans un smartphone, donnant accès à une multitude de modes de transport… Les conséquences pourraient être radicales pour diminuer les flux de circulation. Gabriel Plassat, coordinateur du pôle Systèmes de Transports et Mobilités à l’ADEME, auteur du blog « Les Transports du Futur », imagine un scénario pour 2030-2050 : « Le taux de remplissage moyen d’un véhicule est aujourd’hui de 1,2 personne. Nous avons fait le pari fou de parvenir, en 2050, à un taux de 2 personnes dans certains flux. Je propose d’en faire un objectif politique, au même titre que celui du véhicule consommant deux litres aux 100 kilomètres. Nous n’avons ni le temps ni les moyens économiques de négliger cette voie. Nous sommes obligés de développer une filière industrielle de services de mobilité à haute efficacité énergétique, permettant de mettre en moyenne deux personnes par voiture. Cette filière repose sur des pionniers qui conçoivent de nouveaux services. Désormais, il faut passer à l’étape suivante : à leur agrégation. Une moitié des efforts nécessaires pour atteindre cet objectif porte sur les progrès technologiques, l’autre moitié sur l’évolution des comportements. Si nous réussissons à passer de 1,2 à 2 personnes par véhicule, cela équivaudra à un gain de quarante ans – vingt ans de progrès technologique, puis vingt ans pour que les nouveaux objets pénètrent dans le parc. » 89 UN MONDE SANS VÉHICULE DE FONCTION ? Pour Benoît Chatelier, co-fondateur d’Ubeeqo, les DRH cherchent des solutions de « services » pour Avant d’aborder la question du travail en 2030, évo- les salariés qui vivent les déplacements comme des quons la grande problématique de la mobilité en contraintes. Ils cherchent le réflexe « multimodal » entreprise. Là aussi on expérimente de nouvelles mais sont prudents pour des raisons fiscales. pratiques qui pourraient, dans les 15 ans ou avant, changer profondément la gestion des flottes auto- Au lieu de réfléchir sur une voiture, il faudra donc mobiles. C’est déjà le cas chez Athlon aux Pays-Bas. réfléchir sur un salarié… Et proposer une grande qualité de service. C’est dans l’ADN de l’entreprise. L’entreprise a pour actionnaire la banque néerlandaise Rabobank, la banque verte. « Elle est Dans ce contexte, quel est l’avenir de la voiture en avance sur tous les sujets » explique Bruno de fonction ? « Rémunération détournée » elle est Leray, Président d’Athlon France. Athlon propose aujourd’hui aussi avantageuse pour le salarié que déjà un « budget mobilité » aux cadres du siège pour l’entreprise… (Spécificité française si l’on d’Endhoven. Pas encore de plateforme numérique songe qu’aux Pays-Bas, on ne peut utiliser sa voiture de fonction pour ses déplacements privés… Et mais une carte de paiement pour gérer les dépla- les contrôles sont très stricts…). Il faudra donc ima- cements d’un point A vers un point B. Le trajet est giner des budgets mobilité aussi avantageux. Un optimisé et les moyens de déplacement multiples grand nombre de cadres s’y retrouveront, estime- (auto, train, vélo, taxi… autopartage en connexion t-on chez Athlon. avec Blablacar…). En attendant, la route est longue et l’attachement à « Dans quelques années, la voiture en location la voiture de fonction (pour les cadres dirigeants) est longue durée sera une « brique de mobilité », pour- loin de s’estomper. Les batailles internes pour tel ou suit Bruno Leray. « Ce sera notre métier demain tel modèle sont toujours aussi rudes… Et dans la que de proposer des solutions de mobilité… On plupart des cas on monte en gamme… gèrera la mobilité de nos clients… ». Aujourd’hui, nous avons un logiciel qui permet de connaître les coûts de mobilité dans l’entreprise. Demain, nous aurons une vision globale qui permettra d’imaginer une nouvelle organisation de l’entreprise…. Mécaniquement se posera la question de l’organisation du travail ». Gérard de Chalonge, directeur commercial d’Athlon France, estime qu’on aura surtout besoin de flexibilité et de faire évoluer la fiscalité : « Comment fiscalise-t-on un budget mobilité ? Comment calcule-t-on un avantage en nature ? Pour les nouvelles mobilités on ne le sait pas »… 90 Le véhicule de fonction bientôt dépassé ? LE MONDE - 08.04.2014 à 09h03 Par Eric Gibory Pour limiter les coûts de leurs flottes automobiles, et offrir de nouveaux services à leurs collaborateurs, les entreprises expérimentent de nouvelles pratiques. Sous sa forme actuelle, peut-être le véhicule de fonction vit-il ses dernières années. Signe de l’évolution des usages, les sociétés de location longue durée préparent de nouveaux modèles économiques et se réinventent en spécialistes de la mobilité des entreprises. Depuis janvier 2013, Athlon propose ainsi des solutions spécifiques. « En moyenne, un loueur de longue durée sert 10 à 20 % des collaborateurs d’une entreprise, ce qui signifie que 80 à 90 % d’entre eux ont également des besoins de mobilité qui devraient être intégrés dans une politique globale », explique Alexander Prinssen, vice-président d’Athlon Mobility Consultancy. Pour les professionnels de la gestion des flottes automobiles, la mobilité dépasse le périmètre des véhicules et intègre l’autopartage, le covoiturage, les voyages d’affaires, la location courte durée, les transports en commun, le vélo, la marche… Les entreprises les plus avancées cherchent également à limiter les déplacements de leurs collaborateurs grâce au télétravail ou à la visioconférence. TENDANCE DE FOND Au-delà de la gestion de la flotte automobile, un responsable coiffe l’ensemble de la mobilité. Le TCO (coût total d’utilisation d’un véhicule) s’intègre dans le TCM (coût total de la mobilité), 91 indicateur élargi capable d’embrasser l’ensemble préconise de favoriser l’usage des véhicules parta- des lignes budgétaires liées aux déplacements des gés entre les collaborateurs dans le but de réaliser collaborateurs. des économies et de préserver l’environnement. Cette tendance de fond répond à l’évolution des L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES PRATIQUES comportements. Dans une étude réalisée en 2013 Dans une étude d’OpinionWay réalisée pour Brother par le cabinet de conseil en analyse stratégique et auprès de 1 010 entreprises de 0 à 49 salariés, prospective économique Bipe pour le groupe Mobi- les TPE et les PME estiment que les déplacements via, 12,1 % des jeunes de 18 à 30 ans se disent représentent 41 % du temps de travail global de intéressés par les véhicules en autopartage, contre leurs collaborateurs. Près de 88 % d’entre elles 4,2 % pour les autres générations. Le covoiturage dépensent jusqu’à 50 000 euros par an pour la emporte l’adhésion de 16,5 % d’entre eux, contre mobilité. Pour optimiser ce budget, 68 % se disent 9,3 % pour le reste de la population. intéressées par le télétravail et 69 % par les services de visioconférence. Tous les signaux sont donc au MOBILITÉ INTELLIGENTE vert pour l’émergence de nouvelles pratiques. Pour séduire les nouvelles générations et intéresser les plus anciennes, les équipementiers et Dans le cadre de cette nouvelle mobilité, l’auto- constructeurs automobiles misent sur l’innovation. partage occupe une place privilégiée. Acteur de Spécialiste de l’information sur le trafic routier, Inrix poids sur le marché B to B, Carbox a pris le nom s’est associé à BMW pour proposer un système d’Ubeeqo pour exporter son modèle à l’étranger. embarqué multimodal. Disponible sur les BMW i3 Après une hausse de leur chiffre d’affaires de 38 %, et i8, ce service analyse le trafic, alerte le conduc- en 2013, ses fondateurs visent 65 % de croissance teur en cas d’embouteillage et le guide jusqu’à un cette année. arrêt de bus ou de métro en fonction des horaires Dans une étude baptisée « Strategic Assesment de départ. of Europe Corporate Carsharing Market » publiée L’efficacité du système repose sur la fiabilité des en 2014, le cabinet de conseil en stratégie, Frost & informations collectées. Pour promouvoir une Sullivan évalue à 1 900 le nombre de véhicules par- mobilité intelligente, le ministère des transports a tagés aujourd’hui dans les entreprises. Ces volumes annoncé, en février, la création d’un « grand calcu- devraient passer à 85 000 en 2020. Plus de 38 000 lateur d’itinéraire national multimodal ». Prévue pour collaborateurs utilisent déjà un service de ce type 2015, cette application sur smartphone permettra alors qu’ils devraient être 1,3 million à 2,1 millions à de consulter les horaires et la fréquentation des dif- l’horizon 2020. férents modes de transport. AUTOPARTAGE Rédigé par le député PS Denis Baupin et la séna- Autre acteur français, Mobility Tech Green a déve- trice UMP Fabienne Keller, un rapport parlemen- loppé une solution technologique pour gérer les taire, remis début janvier, sur les « nouvelles mobi- services d’autopartage. Baptisée e-Colibri, cette lités sereines et durables » rappelle que les flottes plate-forme compte 10 000 utilisateurs actifs en représentent 30 % des ventes de véhicules neufs. Il France, en Belgique et en Suisse et a convaincu 92 des entreprises comme Bouygues Telecom, Orange et TF1. « En moyenne, e-Colibri permet de réduire le périmètre de la flotte de 30 % et de diviser par deux son prix de revient kilométrique », explique Pascal Roux, son président. Pour accélérer son développement en France comme à l’international, Mobility Tech Green vient de lever 300 000 euros de fonds auprès de Sepamat et Nestadio. Si le mouvement est enclenché, la vague de la mobilité multimodale mettra du temps à s’imposer. « Sur le papier, ces nouvelles solutions intéressent les entreprises », observe Dirk Pissens, président de la filiale française de LeasePlan, leader mondial sur le marché de la location longue durée. « Mais, ajoute-t-il, elles ont encore du mal à franchir le pas. La mobilité s’intéresse à la vie privée des collaborateurs et requiert l’implication des ressources humaines, des gestionnaires de flottes et des services achats peu habitués à travailler ensemble.» (Eric Gibory Journaliste au Monde). 93 En 2015, on voit bien ce qui nous fait passer de l’Automobile à la Mobilité. L’objet automobile n’a plus rien à voir avec ce que nous avons connu avant les années 2000. Le progrès technique des véhicules s’accélère, nos comportements changent, favorisés par le développement des modes alternatifs à l’automobile. Et l’innovation dans le numérique ouvre la voie à une toute nouvelle mobilité. C’est d’abord le progrès technique qui va nous conduire vers cette nouvelle mobilité. Le véhicule électrique va se développer une fois réglée la grande question de l’autonomie. Le véhicule thermique, lui, va voir d’ici 2030 sa consommation réduite de 30 à 40 % et ses émissions de gaz à effet de serre divisées par deux. Quant aux biocarburants de seconde génération, leur coût global de production moyen se rapproche aujourd’hui de 0,7 euro/litre.Ces trois éléments techniques vont permettre d’ouvrir une grande séquence de « transition écologique ». Cette séquence verra « l’objet automobile » toujours présent mais beaucoup plus propre et plus économe. Le développement des modes alternatifs à l’automobile va accompagner cette transition écologique ; voici les sources de progrès identifiées par l’un des meilleurs spécialistes du secteur, Dominique Auverlot. Première source de progrès : le développement des transports collectifs. Le succès des TGV (trains à grande vitesse), le doublement (depuis 1990) du nombre des passagers/kilomètre utilisant des TER (transports express régionaux), le retour dans les centres-villes des tramways et leur forte fréquentation nous montrent que les transports collectifs peuvent jouer un rôle non négligeable, lorsqu’ils présentent une offre suffisante et de qualité. Les résultats de l’Enquête globale transport réalisée en Île-de-France en 2010 par le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), en partenariat avec l’État, a ainsi mis en évidence un net recul de la voiture depuis une dizaine d’années (1,46 déplacement par personne et par jour en 2010, contre 1,54 en 2001) au profit d’une nette augmentation de la part des transports collectifs (avec 0,78 déplacement par personne et par jour, contre 0,68 en 2001). 94 L’équation financière que pose un système ferro- que les niveaux de pollution n’ont pas pour autant viaire confronté à des besoins immenses (augmen- diminué dans la capitale britannique. Deux raisons tation nécessaire des opérations de maintenance pouvant expliquer ce phénomène sont avancées et d’exploitation ferroviaires, rénovation du réseau par les auteurs de cette étude : le périmètre concer- en Île-de-France, amélioration des nœuds ferro- né ne représente que quelques pourcents (environ viaires, poursuite des réalisations de lignes TGV 3,5 %) de la circulation du Grand Londres, qui ne déjà engagées…) doit cependant être revue afin fait que contourner le territoire concerné, et les bus d’améliorer l’efficacité de la dépense, de limiter et taxis présents dans l’aire concernée seraient très dans toute la mesure du possible l’endettement polluants. et de poursuivre la réalisation de lignes permettant Autrement dit, une telle mesure appliquée à une trop de relier les métropoles régionales entre elles(6). petite échelle ne ferait que renforcer les embouteil- Les tramways contribuent à l’amélioration de nos lages autour de la zone théoriquement protégée et mobilités en même temps qu’ils participent de la qu’accroître à la fois la pollution et les émissions de reconquête des centres-villes : leur développe- gaz à effet de serre. ment doit être poursuivi, tout en tenant compte de Faudrait-il appliquer, en Île-de-France, cette mesure la nécessité de réduire nos dépenses publiques. à l’ensemble de la ville de Paris ? Ou l’étendre à Deuxième source de progrès, à un horizon que l’ensemble de la première couronne (ce qui serait l’on pourrait fixer autour de 2035 : l’exclusion nettement plus difficile) ? Les évaluations restent à des hydrocarbures de la circulation urbaine. mener. Sa mise en place conduirait de plus à un Autrement dit, n’autoriser la circulation en centre-ville nouvel essor de services déjà existants (Vélib’ et que des seuls véhicules mus par l’électricité : bus, Autolib’ y trouveraient une nouvelle jeunesse), et/ou automobiles (purement électriques, ou hybrides mais au développement de nouveaux services (des vélos ne fonctionnant qu’à l’électricité durant leur parcours et des camionnettes électriques proposés en libre- urbain), vélos et scooters électriques, tramways, service …). métros… De tels changements ne peuvent cependant se Une telle mesure est inenvisageable à court terme, concevoir que s’ils sont expliqués et intégrés par cha- mais elle sera très vraisemblablement inéluctable cun d’entre nous. Force est cependant de constater à moyen terme, lorsque notre société aura réelle- que les messages nationaux ne sont pas toujours ment intégré la nécessité de lutter contre le chan- compris, voire même entendus, ce qui amène dans gement climatique : une canicule, une inondation, le domaine des transports collectifs à envisager des une irruption d’air polaire glacial d’une ampleur démarches individualisées, autrement dit à « prendre sans pareille, ou leurs répétitions, plusieurs années le citoyen par la main » pour l’encourager à adopter de suite, seront-elles nécessaires à cette prise de de nouvelles pratiques de mobilité. L’exemple de la conscience ? ville de Lund avec ses 90 000 habitants(8), en Suède, Le péage qui a été mis en place à Londres en 2003 est ainsi significatif. Celle-ci poursuit depuis qua- et dont le prix est élevé, nous livre un enseignement rante ans le même objectif, aménager sa voirie, ses majeur : une étude(7) réalisée en 2011 montre en effet transports et son foncier de façon à rendre acces- 95 sibles toutes les activités et tous les sites de travail venir au collège sans avoir à se faire déposer en à pied, en vélo ou grâce à des transports publics voiture par leurs familles. performants et attractifs. Dans le but d’encourager À Londres, l’architecte Lord Norman Foster (célèbre un changement des comportements, des actions en France notamment pour sa conception du viaduc de marketing individualisées y ont été déployées de de Millau et du Carré d’Art à Nîmes) propose que soit façon à ce que chacun prenne conscience des pos- créé un réseau aérien de pistes cyclables, au-dessus sibilités que lui offraient les transports en commun. d’anciennes lignes de chemin de fer(10). Ces actions ont de plus été accompagnées d’une offre d’abonnements à prix extrêmement réduits aux Au-delà des progrès techniques et du dévelop- transports collectifs durant une période limitée : une pement des modes alternatifs, c’est la révolution fois prise l’habitude de les utiliser, peu de conduc- numérique qui va bouleverser totalement le monde teurs sont revenus à l’utilisation de leur voiture. Le du transport et de la mobilité. Dans les services, bilan plus général se passe de commentaires : 30 % l’autopartage a déjà largement fait ses preuves, des habitants sont aujourd’hui des cyclistes quoti- mais c’est en matière d’information en temps réel diens, deux voyageurs sur dix empruntent les trains et d’automatisation de la conduite que le numé- profitant des espaces qui y sont aménagés pour ran- rique est le plus prometteur. ger leurs vélos, les lieux de travail sont accessibles sans voiture, les piétons, même ceux à mobilité réduite, se déplacent en sécurité et les villes voisines sont reliées à Lund, par train ou par autocar tout au long de la journée. Troisième source de progrès : ne pas renoncer à développer la pratique du vélo en organisant un meilleur accès aux pôles de proximité. L’organisation urbaine autour de ces pôles bien desservis par des transports collectifs rapides et fréquents peut être renforcée par des itinéraires cyclables, que ce soit en centre-ville ou en périurbain : le vélo peut constituer dès lors une alternative crédible à la voiture. Jacou(9), une zone périurbaine de Montpellier, peut être prise en exemple : le collège Mendès-France y est facilement accessible à vélo grâce à un réseau de plus de dix kilomètres de pistes cyclables éclairées et à un parking pour bicyclettes de plusieurs centaines de places (qui pour une partie sont couvertes). Ce dispositif permet à 50 % des élèves de 96 (6) La réduction des émissions de gaz à effet de serre ne doit en aucun cas constituer la principale raison de la construction d’une nouvelle ligne TGV : le coût de la tonne carbone évitée est en effet très supérieur, non seulement à sa valeur actuelle mais même à celle envisagée à l’horizon 2050 dans les travaux sur la valeur tutélaire du carbone. (7) The Impact of the Congestion Charging Scheme on Air Quality in London, Authors: Kelly FRANK, H. Ross ANDERSON, Ben ARMSTRONG, Richard ATKINSON, Ben BARRATT, Sean BEEVERS, Dick DERWENT, David GREEN, Ian MUDWAY and Paul WILKINSON, 2011. (8) Voir Pour une nouvelle approche des mobilités dans les territoires périurbains et ruraux, Centre d’analyse stratégique, note d’analyse n°262, février 2012, Christine RAYNARD, assistée de François VIELLIARD et d’Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE. (9) Ibidem. (10) Voir : Think: act STUDY, « Circuler en ville : pour une nouvelle mobilité », Roland Berger strategy consultants. http://www.rolandberger.fr/actualites/Actualites/2014-0327-TAS_Mobilite.html http://www.theguardian.com/artanddesign/architecturedesign-blog/2014/jan/02/norman-foster-skycycle-elevated-bike-routes-london 97 d) QUELLES VILLES EN 2030 ? Mais de quelle ville parlons-nous ? Pour répondre à la double question posée dans ce Une ville numérique, c’est-à-dire « connectée », livre blanc (comment allons-nous travailler et nous « intelligente » et « durable ». déplacer à l’horizon 2030 ?), il faut évidemment évoquer ce que seront les modes de transport en Dans leur livre consacré à la ville du futur, Christophe ville et d’une ville à l’autre dans 15 ans. Barge et Thierry Solère (« La Ville de demain » - Ed. Cherche Midi – mars 2014) rappellent que, depuis Là encore, les nouvelles technologies vont nous maintenant 10 ans dans la plupart des métropoles aider à repenser totalement nos habitudes et notre françaises, les grands projets en matière de transport rapport à l’espace. collectifs se sont concentrés sur le tramway. Propre et silencieux, ce mode de transport a de beaux jours Contrairement aux Pays-Bas, à l’Allemagne ou à devant lui après avoir commencé une carrière fulgu- l’Italie, la France bénéficie d’une faible densité de population (97 habitants au km2 contre 230 en rante au début du XXème siècle. Allemagne, 202 en Italie et 403 aux Pays-Bas). Notons au passage que, dans ses prévisions pour 2030, le Commissariat Général au Développement Nos villes sont plus petites en superficie et en Durable considère que, contrairement à la route, population. L’espace ne manque pas, même si le train et l’avion seront de plus en plus rapides l’environnement urbain est totalement déséquilibré puisque le temps moyen de trajet par voyageur en entre le futur Grand Paris et le reste du pays. 2030 devrait s’établir ainsi : Les projections démographiques vont toutes dans • Routes : + 0,3% par rapport à 2002 le même sens : en 2050, 70% de la population de la planète habitera en ville et la France ne fera pas • Train : - 4% par rapport à 2002 exception. • Avion : - 2,3% par rapport à 2002 98 Pour tous les modes de déplacement envisageables en 2030, un seul dénominateur commun : les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Voici un aperçu de quelques concepts pour le transport du futur en ville ou d’une ville à l’autre. Il a été établi au printemps 2014 par Céline Deluzarche dans le Journal du Net : 12 concepts pour le transport du futur Skytran : un tramway aérien bientôt sur rail Dans les villes saturées de routes et d’immeubles, pas facile de construire de nouvelles lignes de tramway ou des couloirs de bus. La solution ? Un monorail suspendu, tel celui de SkyTran. Cette société a développé en collaboration avec la NASA ce tramway aérien en «capsules», utilisant la technologie par suspension magnétique pour se déplacer le long d’un rail. Un système très économe en énergie, silencieux et rapide (100 km/h de vitesse maximale). Il est surtout entièrement modulable : les passagers réservent leur nacelle avec un smartphone et choisissent leur destination une fois à bord. La première ville à être équipée de ce transport révolutionnaire sera Tel-Aviv, en Israël. Coût estimé : 15 millions de dollars par kilomètre, 10 fois moins qu’une ligne de tramway classique. Les travaux devraient débuter en 2014. 99 Mercedes et Toyota : la voiture autonome Hyperloop : le train sous vide Le charismatique patron de Tesla, Elon Musk, a fait Demain, vous pourrez voyager à bord de votre voi- sensation en août 2013 en dévoilant son projet de ture comme dans un train, sans toucher le volant train en tube, l’Hyperloop. Son projet consiste à faire ou presque. Tout cela grâce à la conduite automati- voyager des capsules hermétiques de 28 passagers sée, sur laquelle planchent plusieurs constructeurs dans un tube à basse pressurisation, ce qui per- et équipementiers. En août 2013, un prototype mettrait de réduire les frottements de l’air et dérivé de la Mercedes Classe S et bardé de d’atteindre une vitesse de pointe de 1 223 km/h. capteurs a parcouru 100 kilomètres de façon Le train serait autoalimenté en énergie, grâce à des autonome. La marque collabore aussi avec Nokia panneaux solaires au-dessus du tube. pour guider les véhicules grâce à des cartes ultra précises. Une idée particulièrement audacieuse et dont le prix estimé (6 milliards de dollars pour la version pas- Toyota teste également un véhicule intelligent qui sagers) semble optimiste. Elon Musk n’est pas le détecte les obstacles et les signaux routiers. Les premier à avoir eu l’idée d’un tel transport. Dans les avantages sont considérables : risque d’accident années 1960, un ingénieur de Lokheed Martin avait quasi nul, réduction substantielle de la consomma- déjà monté une société pour un train en tube sous- tion d’essence et fin des embouteillages. Selon une terrain à San Francisco. Une société suisse, Swiss- étude américaine, si toutes les voitures communi- metro, avait elle aussi lancé l’idée avant de mettre la quaient entre elles, la capacité des autoroutes serait clé sous la porte en 2009. accrue de 43%. 100 Terrafugia : la voiture volante La voiture volante a déjà pris la voie des airs ! La société américaine Terrafugia a mis au point un prototype, le TF-X, censé «révolutionner le transport personnel». Le véhicule de 4 places s’apparente à un croisement entre une voiture et un petit avion. Selon ses concepteurs, il est capable d’éviter luimême les obstacles ou les turbulences météo et l’apprentissage de son pilotage nécessite à peine quelques heures pour un conducteur néophyte. Son autonomie atteindra les 800 kilomètres grâce à une propulsion hybride essence/électrique. Le lancement commercial est prévu pour dans une douzaine d’années et le prix sera celui « d’une voiture très haut de gamme ». De son côté, le Néerlandais Pal-V vise lui carrément 2014 pour commercialiser son engin, le Pal-V One. 101 Et si nous ne conduisions jamais rapidité du transport aérien à la simplicité du trans- de voitures volantes ... port routier. Au terme de l’étude, le modèle retenu … mais plutôt de petits avions ? est celui d’avions automatiques décollant en continu d’aérodromes locaux, avec à leur bord entre 4 Dans un rapport intitulé “Le monde en 2025”, les et 8 personnes à la fois. Cela mettrait alors chaque analystes du groupe Thomson Reuters ont com- Européen à moins de quatre heures porte à porte pilé les découvertes présentées dans la littérature de n’importe quel point du continent. scientifique mondiale et les dépôts récents de brevets pour établir une liste de dix avancées technologiques susceptibles d’affecter radicalement nos sociétés d’ici 2025. Parmi elles figure en sixième position le “décollage” de l’aviation électrique. En 2025, l’aviation électrique “décolle” L’institut prévoit que l’amélioration de l’efficacité et des capacités de stockage des batteries, combinée à l’invention de matériaux à la fois légers et résistants, devrait entraîner le développement d’un nouveau type d’aviation de masse. Au lieu de se concentrer sur le transport de plusieurs centaines de passagers sur de longues distances, cette aviation électrique pourrait inaugurer une ère de transport aérien individuel : de petits appareils transportant moins d’une dizaine de passagers sur de courtes distances. La commission européenne voit dans l’aviation électrique l’avenir du transport individuel C’est également le pari du consortium européen Personal Plane Project. Les travaux de recherche et développement de la commission européenne aux transports sont en effet arrivés à la conclusion que l’aviation électrique individuelle pourrait être la solution idéale pour l’avenir de la mobilité à l’échelle de l’Union. Propre, silencieux, sûr, économique, un avion électrique dans la veine de l’e-fan d’Airbus allierait la 102 Toyota iRoad : mi-voiture, mi-moto A la recherche du véhicule urbain idéal, Toyota a imaginé un concept mi-voiture mi-moto, l’i-Road. Dévoilé au salon de Genève en 2013, il ne mesure que 85 centimètres de large, ce qui permet d’en garer « quatre exemplaires sur une seule place de parking » selon la marque. Entièrement électrique, l’i-Road affiche une autonomie de 50 kilomètres et se recharge sur une simple prise de courant domestique en trois heures seulement. Fin 2014, 70 de ces drôles de véhicules seront proposés en autopartage à Grenoble. Le constructeur américain General Motors avait lui aussi présenté en 2010 l’EN-V, une voiture biplace en forme d’œuf. Un concept que la firme destine d’abord au marché chinois, où la circulation est saturée. Kamaz : le camion qui s’agrandit Le camion représente 88,3% du transport terrestre de marchandises en 2011 en France, selon l’Insee. Et d’après une étude du gouvernement, le trafic poids lourd devrait croître de 33% sur les routes françaises d’ici 2030. D’où l’urgence de se pencher sur le camion du futur. Ce dernier est peut-être préfiguré par le concept « Kamaz Flex Futurum », des designers russes Elena Petrova et Konstantin Fedorov. Ce camion-accordéon est capable de s’étirer de 7,5 mètres à 20 mètres pour s’adapter au volume de marchandises transportées. Il est 100% écologique car fonctionnant à l’hydrogène, et bénéficie d’une conduite automatisée : le chauffeur n’a qu’à superviser le trajet comme un pilote d’avion. 103 Shweeb : le vélo suspendu Aeros : le dirigeable à tout faire C’est en circulant à vélo dans une ville de Tokyo Depuis l’incendie du zeppelin Hindenburg en 1937, saturée par les embouteillages et la pollution que on croyait le ballon dirigeable passé aux ou- Geoff Barnett, l’inventeur du «Shweeb», a eu l’idée bliettes. Ce dernier fait pourtant partie des 34 de son nouveau mode de transport. Il consiste à priorités industrielles présentées par le ministre pédaler pour faire avancer des capsules transpa- du Redressement productif en septembre 2013. rentes suspendues le long d’un rail. Et si vous êtes Le pôle Pégase, chargé de développer cette filière, fatigué, une assistance électrique est possible, explique que le dirigeable est « un moyen de trans- assure Geoff Barnett, qui envisage de déployer port économique et écologique, idéal pour les zones ses vélos suspendus le long des rues, à l’intérieur difficiles d’accès ». de campus, ou pour traverser des obstacles tels Aeros Corp, une société américaine pionnière dans des ravins ou des forêts par exemple. D’après ses ce domaine, a déjà développé plusieurs modèles. calculs, 1 200 personnes par heure pourraient Elle a annoncé récemment le lancement de la embarquer à partir d’une station. production de 24 dirigeables pour le transport de L’engin est déjà en test dans un parc d’attraction en fret, avec des capacités de 66 ou 250 tonnes. La Nouvelle-Zélande. Seul hic : impossible de doubler. compagnie vise également le marché militaire ou Le projet a été récompensé par Google en 2010, qui celui du tourisme, avec de véritables « croisières lui a attribué un million de dollars pour se développer aériennes ». en milieu urbain. 104 N3-X : l’avion presque sans carburant Clip-Air : un avion modulable Malgré les efforts des avionneurs pour réduire la Apporter la flexibilité du rail au transport aérien : voici consommation de leurs appareils, le carburant repré- l’idée maîtresse de Clip-Air, un avion modulable sente toujours un quart des coûts des compagnies futuriste dont la maquette a été présentée au der- aériennes. Et la facture ne devrait faire qu’augmenter. nier salon du Bourget en juin 2013. Développé par Face à ce défi, les projets d’avions super économes l’EPFL, l’école polytechnique fédérale de Lausanne, voient le jour. Le N3-X, imaginé par les ingénieurs cet appareil est composé d’une aile volante de la Nasa, est une sorte d’aile volante propul- sous laquelle on peut accrocher de une à trois sée en partie par des turbines incorporées au capsules selon les besoins. Un tel dispositif per- fuselage. Alimentées par des moteurs électriques mettrait à la fois d’améliorer le taux de remplissage à supraconductivité, elles produisent une poussée et de réaliser des gains significatifs sur le carburant. vers l’arrière et réduisent la friction de l’air. Une confi- « Un avion Clip-Air peut transporter autant de pas- guration qui réduit aussi drastiquement le bruit. sagers que trois A320 avec deux fois moins de moteurs », assurent les concepteurs du projet. Conçu pour 300 passagers, le N3-X permettrait de réduire la consommation de kérosène de 70%. Encore mieux : les capsules seront compatibles De son côté, Airbus espère produire un avion tout avec le train, ce qui assurerait une continuité totale électrique de 100 places d’ici 2030, l’E-fan. entre les différents modes de transport. Des simulations aérodynamiques sont en cours pour valider le concept. 105 Dernier exemple, loin des villes mais toujours dans la mobilité durable : le VINDSKIP peut, à très long terme (et à l’échelle réduite), s’appliquer sans doute à la navigation fluviale… Vindskip : un navire écologique Utiliser la coque du bateau comme voile : c’est le principe simplifié du Vindskip, un navire développé par la compagnie norvégienne Lade AS. La vitesse souhaitée est atteinte à partir d’un système de propulsion par GNL (gas liquéfié), puis c’est le vent qui prend le relais. Le Vindskip permettrait une réduction de 60% de la consommation de carburant. La compagnie recherche encore des investisseurs pour boucler le financement. Les émissions de gaz à effet de serre dues au transport maritime pourraient être multipliées par deux ou trois d’ici 2050 si rien n’est fait, prévient l’organisation maritime internationale. Du coup les projets de cargos écolos fleurissent, comme l’Ecoliner, un porte-conteneur à voiles, le Skysails, tiré par un cerf-volant géant, ou encore l’eFuture 13000C, recouvert de panneaux solaires. 106 Tous ces prototypes ne verront peut-être pas C’est un enjeu d’attractivité de l’Île-de-France et le jour dès 2030 mais ils montrent les capacités de la France, car le développement équilibré de la d’innovation des ingénieurs qui travaillent sur les région capitale est un sujet d’intérêt national. déplacements du futur. C’est un enjeu d’emploi, avec environ 15 000 à Il faut également souligner que tous ces projets ont 20 000 emplois directs créés chaque année par un point commun : une énergie nouvelle et propre les travaux, puis plus encore, une fois les projets accompagnée d’une capacité d’autonomie jamais mis en service, grâce à une meilleure efficacité du vue jusqu’ici. système métropolitain qui bénéficiera à toutes les entreprises. Impossible d’évoquer la mobilité en 2030 sans parler du Grand Paris et des gares intelligentes qui seront Dans ce cadre, le gouvernement et les collectivi- au cœur des nouveaux services numériques. C’est la tés territoriales portent ensemble la réalisation d’un fluidité qui est au centre du projet. Fluidité du trans- ambitieux projet de modernisation et de développe- port bien sûr mais aussi fluidité de l’information et de ment des transports en Île-de-France, qui articule l’interactivité entre voyageurs. de manière cohérente les besoins de modernisation et d’extension du réseau existant, et la réalisation « 8,5 millions de voyageurs empruntent quo- de nouvelles lignes de métro automatique : c’est le tidiennement les transports en commun en « Nouveau Grand Paris des Transports » présenté Île-de-France. Alors qu’elles accueillent sur par le Gouvernement, le 6 mars 2013. 10 % du réseau près de 40 % du trafic national, les infrastructures ferroviaires d’Île-de-France ont besoin d’être modernisées et développées pour faire face à l’augmentation importante du trafic (+ 21 % en dix ans). C’est un enjeu de qualité de vie en Île-de-France, pour que les conditions d’exploitation du réseau soient plus fiables, plus confortables, et apportent une meilleure qualité de service aux usagers. À moyen terme, 90 % des Franciliens habiteront à moins de 2 km d’une gare. Et le temps de transport quotidien, qui n’a cessé d’augmenter pour atteindre 24 minutes en moyenne, contre dix minutes il y a 60 ans, redeviendra un temps raisonnable. C’est un enjeu de solidarité au sein de la région, par le désenclavement des territoires les plus défavorisés de l’Île-de-France, qui ont besoin d’un accès facilité aux zones d’emploi. 107 Un projet, deux volets Le premier volet porte sur la modernisation et l’extension du réseau existant, selon le plan de mobilisation de plus de 12 milliards d’euros convenu entre la région Ile-de-France, l’Etat, les départements et le STIF (dont 7 milliards à engager d’ici 2017). Cela comprend notamment le prolongement du RER E à l’ouest, des prolongements de ligne de métro, la création de bus à haut niveau de service et de tramways, la modernisation des RER et l’amélioration des lignes de Transilien. Le second volet repose sur la création de nouvelles lignes de métro automatique, le Grand Paris Express. Le 6 mars 2013, le gouvernement a réaffirmé la réalisation intégrale du Grand Paris Express en demandant que soient étudiées des optimisations permettant d’en réduire le coût. L’objectif des optimisations est de sécuriser le financement du projet, et donc sa réalisation, en réduisant son coût global de l’ordre de 3 milliards d’euros (CE • Piste 1 : les câbles optiques 2012) pour respecter un coût d’objectif arrêté à 22,625 milliards d’euros. • Piste 2 : les Datacenters Les travaux débuteront en 2015, et de 2020 à • Piste 3 : l’infrastructure mobile cellulaire 2030, toutes les lignes seront mises progressive- • Piste 4 : le réseau très haut débit sans fil ment en service, sans interruption ni phasage. Rap- • Piste 5 : le réseau de géolocalisation pelons que l’ampleur du projet est sans précédent : 200 km de métro, 72 nouvelles gares et 15 000 à • Piste 6 : les données voyageurs 20 000 emplois directs chaque année. A moyen • Piste 7 : les espaces de travail partagés terme, 90 % des Franciliens habiteront à moins de 2 km d’une gare ». • Piste 8 : les living labs 2 millions de voyageurs emprunteront chaque • Piste 9 : les matériaux, objets et équipements jour ce nouveau réseau. Pas de Grand Paris sans intelligents et connectés dimension numérique ; neuf pistes de réflexion et d’action ont été présentées avec un « appel à mani- Il s’agit, à terme, de mettre en place une véritable festation d’intérêt » pour les entreprises des sec- « autoroute digitale » sur les 205 km de lignes et teurs concernés : dans les 72 nouvelles gares prévues pour 2030. 108 Le nouveau Grand Paris Horizon 2030 - objectif de mise en service 109 La société du Grand Paris travaille sur la ville de demain, « durable, inventive et solidaire ». Elle a 2030 pour horizon et l’on voit que ses projets (à tort ou à raison) portent sur une mégapole dont l’architecture générale est la même qu’aujourd’hui en termes de transports. « Comment penser l’aménagement d’un territoire de 12 millions d’habitants et qui représente près du tiers du produit intérieur brut français ? C’est le défi que pose le Grand Paris, un projet urbain, social et économique. Concrètement, l’idée repose sur la rénovation du réseau de transport public existant et le développement de nouvelles lignes de métro pour la région Ile-de-France. Sur ce tracé de transport, vont pouvoir émerger de véritables projets urbains, de nouveaux quartiers accueillant des fonctionnalités multiples, logements et activités économiques, pôles universitaires et équipements culturels, en particulier autour des lieux stratégiques et structurants que sont les gares. Il s’agit tout à la fois de faire émerger des pôles d’activités et d’imaginer un rééquilibre du territoire francilien en faveur des quartiers isolés et enclavés. Le Grand Paris, c’est une certaine idée de la solidarité, c’est l’image de l’égalité des territoires. Il faut redessiner la région dans la logique d’un meilleur équilibre entre les territoires, entre l’est et l’ouest, entre Paris et la banlieue. » (Dossier de Presse – Société du Grand Paris). « Ce schéma est loin des « autres futurs » souhaités par Bruno Marzloff qui propose, à travers son idée de « remobilité », de « chercher des solutions ailleurs que dans le transport ». « C’est, dit-il, un exercice dans lequel les usagers s’avèrent plus créatifs que la puissance publique et les opérateurs »… (Sans Bureau fixe » - Bruno Marzloff – Ed. FYP – octobre 2013). On connaît donc les véhicules et les modes de déplacement du futur mais tous ces outils du transport ne seront efficaces que si les nouvelles technologies permettent d’optimiser vraiment les décisions de déplacement. 110 C’est l’information « en temps réel » qui deviendra la le transport, un grand nombre de collectivités voient règle. Etat du trafic, places disponibles : les réseaux dans le déploiement de ces systèmes billettiques un comme Twitter rendent déjà de grands services aux levier pour rationaliser l’offre de transport, simplifier la voyageurs. Sur fond de données ouvertes, l’usager tarification et mettre en place des formules d’abon- fournit et fournira lui-même de plus en plus d’informa- nement combiné (bus + vélo en libre-service, par tions mais, en 2030, ce sont les capteurs intelligents exemple). Le déploiement de ces offres nécessite qui rendront sans doute les plus grands services. la coopération des divers opérateurs de transports publics et, parfois, celle d’acteurs privés, comme des « Qui dit ville intelligente dit capteurs ; leur but est de sociétés de parking ou des gestionnaires de parc- créer un réseau réparti de noyaux de capteurs intel- mètres. La technologie NFC est aussi utilisée pour ligents qui peuvent mesurer plusieurs paramètres passer les péages, pour accéder aux véhicules des intéressants pour une meilleure gestion de la ville. services d’autopartage ou pour payer son stationne- Toutes les données sont transmises en temps réel ment. La ville de Strasbourg a également commencé aux citoyens ou aux autorités concernés. Rappe- à équiper tous les horodateurs de la ville d’antennes lons-le : la ville numérique, « intelligente », nécessite sans contact (NFC). la mise en place de réseaux de capteurs, de rendre le mobilier urbain « communicant », de favoriser la IBM et le California Center for Innovative Transpor- mobilité avec les applications sans contact ou encore tation ont, de leur côté, mis au point un système de de libérer les données publiques pour en faciliter la prévision personnalisée permettant à l’usager de réutilisation. voir à quoi ressemble le trafic avant même de quitter son domicile et ainsi déterminer le meilleur par- Qu’en est-il en matière de mobilité ? Prenons cours. Le dispositif s’appuie sur les données GPS l’exemple de la communication en champ proche des Smartphones et sur les capteurs placés le long (NFC, de l’anglais Near Field Communication). des chaussées, mais le cœur du système est un outil En 2011, 50 millions de tablettes et téléphones d’apprentissage et d’analyse prédictive. Dans la baie mobiles étaient équipés de ladite puce, chiffres de San Francisco, où elle est testée, cette application que l’on estime à 300 millions fin 2013. A l’heure de prédire de manière personnalisée quand et où un actuelle, les usages courants sont encore limités utilisateur peut le mieux affronter les embouteillages, – et majoritairement réduits au stade d’expérimen- puis pendant son déplacement, elle l’alerte par cour- tations variées -, mais il s’agit d’un protocole à fort riel ou SMS, lorsqu’il est encore temps de choisir un potentiel. Ces technologies « sans contact » per- itinéraire alternatif plus rapide. IBM envisage d’inté- mettent de charger son titre de transport, puis de grer dans son application des informations « multi- le valider ou de le contrôler en ayant juste à passer modales » qui permettront aux usagers de décider, son téléphone à proximité d’un équipement de lec- par exemple, s’il est plus intéressant pour eux de ture. Des opérateurs de transport ont déjà entrepris prendre un bus ou un train plutôt que de tenter d’ef- de remplacer leurs traditionnels tickets par des titres fectuer le trajet par la route. L’application mobile issue de transport mobiles utilisant les technologies NFC. du projet de recherche « Mobile Millenium » combine Après Marseille, Nice, Grenoble, Aubagne, pion- les données GPS des Smartphones et des capteurs nières dans l’application des technologies NFC dans de trafic traditionnels. 111 Revenons sur le territoire hexagonal. La ville de Nice Athlon est sans doute l’un des acteurs les plus mise sur le stationnement intelligent grâce au dispo- volontaristes de son marché sur les questions de sitif Nice Park. L’objectif : réduire le temps consacré mobilité. L’entreprise s’est installée au Bourget il y à la recherche d’une place et connaître en temps réel a quelques mois. les places disponibles sur la voirie - une démarche « Au Bourget, il y a des salles de réunion et des box censée limiter les émissions de CO2 ainsi que les connectés », explique Bruno Leray, Président d’Ath- nuisances liées au temps accru passé en voiture à lon France, « ce qui crée des relations totalement rechercher un lieu de stationnement. Les moyens : différentes avec le management ». 1000 capteurs reliés à près de 70 horodateurs nouvelle génération, un kiosque multiservice permettant Athlon expérimente par ailleurs le télétravail pour une gestion globale des services publics sur la voirie, toutes ses activités à l’exception, pour l’instant, de et un ensemble d’e-services permettant de mieux la production. informer les usagers et agents des services municipaux (ceux-ci étant orientés vers une place de sta- « Dans 15 ans, tout aura changé », ajoute Bruno tionnement libre grâce à leur téléphone portable ou Leray. L’évaluation du potentiel et de la performance leur GPS). Le stationnement intelligent permet en de chacun va considérablement évoluer. C’est déjà outre de faciliter les modalités de paiement et d’ob- le cas de la relation à la hiérarchie. tenir des informations sur les actualités de la ville, le Ce qui n’empêchera pas de s’interroger sur la capa- tourisme et le réseau de transport en commun. cité à mobiliser les équipes si une majorité d’entre elles pratique le télétravail. La généralisation des capteurs a donc un triple objectif : Demain, Athlon ne sera plus un loueur comme il • engendrer des gains de temps considérables l’est aujourd’hui mais un opérateur qui vendra des en favorisant l’information en temps réel ; « solutions de mobilité » aux entreprises et très pro- • limiter les nuisances environnementales bablement, aux particuliers. en réduisant le temps passé en voitures ; « En 2030 », précise Gérard de Chalonge, directeur • rationaliser l’offre de service en privilégiant commercial d’Athlon, « on gèrera tous les déplace- sa simplification (paiement du stationnement ments quels qu’ils soient. Et c’est par l’allègement par une technologie sans contact, par de la fiscalité sur l’ensemble des budgets de mo- exemple). bilité qu’on installera une nouvelle organisation du travail ». La collectivité en sort gagnante - l’usager aussi, qui bénéficie de nouveaux services ». ( La Ville de Athlon se propose d’apporter des réponses Demain - Christophe BARGE et Thierry SOLERE - concrètes à ces enjeux et travaille à développer de Ed. Cherche Midi – Mars 2014). nouveaux concepts novateurs visant à optimiser En attendant l’omniprésence des capteurs, voici la mobilité de l’ensemble des salariés d’une entre- comment une grande entreprise comme Athlon prise, y compris ceux qui ne bénéficient pas d’un envisage les 15 années à venir : véhicule de fonction. 112 Parmi les solutions déjà mises en place : • Athlon propose à ses clients de centraliser leurs rendez-vous en un seul lieu, facile d’accès, si possible à proximité de leurs propres clients ou collaborateurs, afin d’organiser au mieux et de limiter leurs déplacements. Athlon a ainsi mis en place un partenariat avec les Centres d’Affaires Regus. • Athlon propose une offre d’autopartage baptisée ACT ! (Applied Change in Thinking), un service qui résout les problématiques de mobilité courte distance des entreprises grâce à un parc de véhicules de service disponibles, économiques, écologiques et susceptibles de faciliter les trajets domicile - travail. • Athlon et Tesla Motors ont conclu un accord pour établir un programme de location longue durée en Europe, dont la France. Ce programme permet aux entreprises de louer les modèles Tesla existants, le Tesla Roadster, le Roadster Sport et la berline Tesla Modèle S. • Athlon a développé une application compatible sur iPhone et Android permettant au conducteur d’identifier, en temps réel, les différents prestataires partenaires d’Athlon les plus proches pour effectuer l’entretien de son véhicule mais aussi les stations-service, les prestataires en pneumatiques, les carrosseries, etc. L’application iPhone propose également une solution innovante qui permet de s’initier à l’éco-conduite ou de suivre ses progrès. Athlon s’appuie également sur l’expertise d’Athlon Mobility Consultancy. Filiale d’Athlon International, cette entreprise offre un service de conseils en mobilité complet et indépendant. Par son intermédiaire, Athlon est en mesure de proposer à ses clients un audit de mobilité s’accompagnant de recommandations de mobilité globales intégrant trois grands enjeux liés à la mobilité : la rentabilité, le développement durable et le bien-être au travail. 113 Le 2ème « Atelier de la Mobilité Durable » s’est tenu le 13 mai dernier. Toujours organisé et animé par l’Institut OpinionWay, il rassemblait six participants d’horizons divers : • Patricia Cortijo, manager stratégie et innovations, cabinet Utopies • Maryline Passini, fondatrice et dirigeante, cabinet Proâme • Jean-Pierre Orfeuil, professeur émérite de l’Université Pars Est Créteil • Jérôme Beilin, analyste développement durable et RSE Institut d’Urbanisme de Paris • Isabelle Muller, déléguée générale UFIP • François Damerval, attaché parlementaire de Corinne Lepage 3 COMMENT VA-T-ON TRAVAILLER DANS 15 ANS ? Objectifs de l’atelier : > Imaginer collectivement la vision de la mobilité durable à l’horizon 2030 > Identifier les solutions qui pourront en découler en termes d’organisation du travail et de déplacements Périmètre du projet : Solutions pouvant être déployées par les entreprises sans intervention des pouvoirs publics (encadrement juridique, obligations légales, transports publics,…) Critères d’élaboration et de sélection des solutions : > Motivant et ambitieux : va permettre de favoriser la mobilité durable > Duplicable : applicables dans différentes tailles d’entreprises et dans différents contextes urbains > Probable et réaliste : innovantes mais réalisables dans l’entreprise En préambule, voici le constat de ces 6 intervenants sur la Mobilité Durable aujourd’hui, étant entendu que se rejoignent là les deux grands thèmes de ce Livre Blanc : se déplacer et travailler en 2030. 114 Constat 1 : La Mobilité Durable aujourd’hui CONSTAT 2 : LES SERVICES ET LES OUTILS CITÉS Les axes clés qui ont fait évoluer la question FAÇONS DE SE DEPLACER de la mobilité > Les applications de fluidification de ses trajets et voyages (transilien, SNCF direct..) > L’ECONOMIE DE PARTAGE et d’usage (accès vs possession…) qui a aussi réinventé > Les billets et cartes dématérialisés : des notions anciennes de solidarité Pass Navigo, billet électronique > La TECHNOLOGIE, tant dans la connexion > L’économie de partage, autolib, velib, taxis que les supports ou les logiciels : Internet, > La vitesse : TGV, Eurostar devices et applications les 3 moyens de la « smart-mobilité » > Covoiturage > L’interpénétration des espaces et des temps > Les nouveaux taxis (Uber) : accès et services privés/professionnels, avec une aspiration : fournis concilier efficacité et qualité de vie > Solutions flexibles/personnalisées de location Une condition de réussite : FAÇONS DE TRAVAILLER L’extrême proximité, la mobilité est d’abord une question de TERRITOIRE > Le haut débit et la connexion sans fil Un point de vigilance : > Solutions de stockage et de partage : Limiter la mobilité durable à la seule cible des cadres cloud, dropbox,… supérieurs et à la région parisienne la mobilité doit > Les supports : smartphones & tablettes être TRANSVERSALE / UNIVERSELLE 115 QUELLE ÉVOLUTION D’ICI 2030 ? Les signaux faibles de la Mobilité A. LE CO-WORKING, une tendance lourde L’augmentation constante des salariés en horaires décalés ou atypiques (50% aujourd’hui vs 1/3 il y a 20 ans) Une réserve / un potentiel encore élevé d’espaces à occuper Faible occupation du bâti en Europe (bureaux, parkings, appartements) à la différence de l’Asie (maillage plus serré entre espaces pro/perso/ publics) L’approbation par les grandes entreprises de services colloboratifs issus du privé • Du coté clients : Ikéa – covoiturage • Du coté salariés : Blue Car d’Atos • Réseaux sociaux d’entreprises • Réseaux inter-entreprises (pour mutualiser les transports ou les salles de sport) B. L’ÉMERGENCE D’ÉCOSYSTÈME(S)… vs les anciennes logiques de silos L’approbation par les entreprises de services collaboratifs issus du privé • Réseaux sociaux d’entreprises • Réseaux inter-entreprises (pour mutualiser les transports ou les salles de sport) Le développement de partenariats tripartites 116 D. LA SIMPLIFICATION via la convergence entre acteurs publics, entreprises/start-ups et asso- des supports et des moyens ciations locales = Un enjeu clé pour intégrer/régler la problématique de proximité et du territoire >U ne carte porteuse de tous les services Ex. : parkings privés en Belgique réutilisés par des >B itcoin et/ou monnaie unique et dématérialisée entreprises/des acteurs publics E. OBJETS CONNECTÉS : opportunités La prise en compte dans les entreprises de stratégies d’ancrage territorial & menaces En lien avec la prise de conscience que la qualité > Plus d’indépendance : voitures autonomes du lien social dans l’entreprise joue sur la qualité du > Pouvoir gérer la dépendance (personnes âgées) travail et de l’implication des salariés. >M esurer / contrôler… Jusqu’à la surveillance et C. LE BIEN ÊTRE ET LA QUALITÉ DE le flicage L’EXPÉRIENCE vs la seule fonctionnalité •T racer les déplacements / comportements,… Le temps de la mobilité comme un sas de décompression et de recharge. •… pour la sécurité… Développement des modes de transports doux dans •… et la fiscalisation des individus… les centres villes. •… contre le respect de leur liberté et espace • Satisfaction élevée pour les usages des vélos de secret électriques (à noter, un retard de la France Développement d’une société du contrôle / de la élevé vs certains pays d’Europe) sanction et de l’interdiction. Fin de l’automobile • Voitures silencieuses comme espace de liberté individuelle. Développement de services de bien être • Marche à pied. Initiative Pedibus de ramassage scolaire (Belgique) • Offres de massage pendant les temps d’attente • Importance de la convivialité Des technologies qui permettent de mieux respecter notre environnement : Solar Impulse (avion solaire) 117 2030 : QUELS AXES DE DÉVELOPPEMENT POUR LA MOBILITÉ DE CHACUN ? Il ressort de l’Atelier que c’est aux entreprises qu’il revient d’imaginer et de mettre en place des solutions de mobilité. C’est de l’entreprise que vient l’innovation. Il faut garantir la libre concurrence des acteurs pour favoriser le développement de l’Internet des objets. Voici les grandes pistes envisagées pour 2030 : A. LES ÉCOSYSTÈMES TÉRRITORIAUX La création d’écosystèmes territoriaux • Inter-entreprises • Avec des communautés locales (pour encourager la diversité vs le repli sur soi que peut amener la convergence des profils) • Vivants : « Darwin 3.0 » (exemple de l’espace Darwin à Bordeaux) Le développement de l’agriculture urbaine. B. DES ENTREPRISES QUI DOIVENT PRENDRE LEUR PLACE… ET MÊME INITIER DES DYNAMIQUES • Proposer des solutions financières : budget mobilité, primes… • Se réapproprier des solutions ludiques et conviviales : gaming, MOOC (1), food truck • Utiliser les réseaux sociaux d’entreprises pour innover en matière d’organisation du travail • Nouer des partenariats avec le tissu local (collectivités, associations) 118 Les universités françaises lancent leurs cours en ligne(1) 80 % DES ÉTABLISSEMENTS AMÉRICAINS DISPOSENT DE COURS EN LIGNE Le Monde.fr - 16.01.2014 à 21h17 - Mis à jour le Il était temps que la France se lance. Les Etats- 04.09.2014 à 12h09 Unis ont déjà pris une longueur d’avance avec leurs plates-formes Coursera et EdX, créées res- Par Nathalie Brafman pectivement par deux professeurs d’informatique de Stanford et par le Massachusetts Institute of Plus de quatorze mille inscrits au Conservatoire Technology (MIT) et Harvard. Ces deux plates- national des arts et métiers, six mille à l’université formes ont investi 43 et 60 millions de dollars dans Paris X Nanterre et plus de cinq mille à Sciences le développement des outils et des contenus. Aux Po Paris. Etats-Unis, 80 % des établissements proposent des Depuis jeudi 16 janvier, il est possible de suivre l’un cours en ligne, ils sont moins de 3 % en France. Au- des cours hébergés sur la première plate-forme jourd’hui, plus de trois millions d’étudiants peuvent numérique française - FUN, pour France université suivre les cours des plus prestigieuses universités : numérique - de MOOC. Stanford, Harvard, MIT... Cet acronyme peu séduisant signifie en anglais Depuis quelques mois, une espèce de frénésie s’est Massive Open Online Courses (« cours en ligne emparée de l’enseignement supérieur français. ouverts et massifs (CLOM) » ou « cours en ligne ouverts à tous », en français). Créée en octobre 2013, FUN a déjà lancé huit MOOC. Selon les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur, la plate-forme a dépassé la barre des cent mille inscrits vendredi 17 janvier, dont la moitié se sont connectés le jour du lancement des premiers cours. Les premiers cours sont axés autour de six thématiques, comme le management, les sciences ou encore la philosophie. Au CNAM, qui propose déjà beaucoup de cours à distance, c’est un cours intitulé « Du manager au leader » que l’on pourra suivre. Changement total de programme à Paris X Nanterre, où est proposé un cours de philosophie : « Philosophie et mode de vie : de Socrate à Pierre Hadot et Michel Foucault » ; enfin, Sciences Po Paris propose un cours baptisé « Espace mondial ». 119 C. LA MOBILITÉ POSITIVE (*) Si l’expression n’est pas des plus L’expérience : confort, bien être, qualité de vie / d’être (déplacements des corps/sports) connues, le phénomène derrière le sigle BYOD se répand au sein de nombreuses entreprises en France. Les dirigeants La convivialité : la mobilité devient facteur de lien sont d’autant plus concernés que le social, de nouvelles rencontres sont provoquées… BYOD fait partie intégrante de la gestion Des villes plus humaines : repenser l’espace urbain, des espaces plus mixtes (privés, professionnels, de son entreprise. Mais que signifie-t-il au juste ? Que faut-il savoir ? Qu’est-ce que le BYOD ? publics) et plus verts Le BYOD : « Bring Your Own Device » traduit D. LA MOBILITÉ DE L’INDIVIDU de l’anglais, signifie littéralement « Apportez vos appareils personnels ». En français, on Une mobilité choisie et à la demande parle de PAP : « Prenez vos appareils person- • Des notions de propriété et de collectif nels ». Ou encore, d’AVEC : « Apportez votre repensées (cf, BYOD « Bring Your Own équipement personnel de communication ». Device » = « apportez vos appareils En remettant les choses dans un contexte personnels)(*) professionnel, c’est tout simplement le fait • Des solutions personnalisées sur mesure (selon son rythme, ses besoins) via le recours à la mutualisation/l’économie collaborative Avec une interconnexion de l’habit/l’habitat/l’habitacle dans une intégration fluide de la vie privée et de la vie professionnelle. d’apporter et d’utiliser ses équipements personnels sur son lieu de travail. Ce matériel désigne généralement un ordinateur portable, un téléphone mobile, une tablette électronique, … Le BYOD concerne la manière dont les entreprises gèrent l’introduction de ces différents outils, à la base personnels, par leurs salariés. Vous l’aurez sans doute compris, la pratique du BYOD pose quelques problèmes au niveau de la sécurité de l’information et de la protection des données. Des questions d’ordre juridiques et sociales émergent également. La sécurité de l’entreprise compromise La technique du BYOD est considérée comme risquée par les entreprises. Et pour cause, elle n’implique aucun contrôle. L’un des problèmes principaux est la sécurité 120 de l’information et la protection des données. Dans une logique juridique et sociale, Qu’il s’agisse en effet de perte de données, de ça donne quoi ? vol ou d’espionnage industriel, d’opérations pour Le contrat de travail ou règlement intérieur par le moins frauduleuses qui visent à récupérer des exemple, subissent un impact de nature légal et données (virus, logiciel malveillant, mise sur écoute réglementaire. téléphonique),… nombreux sont les risques auxquels se trouve exposée l’entreprise. D’un point de vue social, un salarié détient désormais L’augmentation du nombre d’utilisateurs d’appa- casionnel est ainsi mis en lumière. Certains dirigeants reils électroniques, l’apparition de la génération Y d’entreprise abordent le BYOD sous un angle diffé- (18-30 ans) en phase avec les outils mobiles et le rent en y voyant des avantages non négligeables. Ils web 2.0, ainsi que la rapidité de transmission des perçoivent cette pratique comme un gain de produc- informations semblent y être pour beaucoup. La tivité : traitement de dossiers ou de mails pendant frontière vie privée / professionnelle s’en trouve for- les weekends ou congés, … En plus d’être un gain tement amincie. de productivité, c’est également un gain de coût la possibilité de travailler à distance. Le télétravail oc- puisque le BYOD permet « d’acquérir » du matériel Il n’en reste pas moins que cette pratique se informatique sans avoir à les acheter. voit controversée notamment par le directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’in- Vous le savez, le BYOD n’est pas totalement dépour- ème formation (ANSSI), Patrick Pailloux lors de la 12 vu de risque loin de là mais il confère de nombreux édition des Assises de la Sécurité qui a eu lieu à avantages. Alors, à chacun sa politique d’entreprise ! Monaco. Pour lui, il n’existe pas de solution sur le Dynamique-mag.com – 6 août 2014 marché permettant une sécurité suffisante. Les appareils entrants au sein de l’entreprise constituent une menace potentielle. Ils ont accès au réseau interne, à divers documents, source d’informations confidentielles, peuvent stocker des e-mails. En cela, ils détiennent une capacité pouvant se révéler nuisible à l’entreprise (sécurité informatique, confidentialité des données). Imaginez l’impact si ces informations parvenaient à la concurrence… Certaines sociétés s’attachent tout de même à trouver une réponse à cette problématique. L’idée serait de scinder en deux parties le dispositif. Une partie privée et une partie professionnelle rendrait ainsi possible la sécurisation de ces appareils mobiles. 121 E. …MAIS LA MOBILITÉ POUR TOUS Une mobilité inclusive qui intègre tous les profils, y compris les plus précaires, les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées,… Une mobilité solidaire (compenser les difficultés des uns par la mutualisation des ressources et la collaboration). F. PENSER SMART MOBILITÉ : FLUIDE ET INTUITIVE Rendre les gens agiles et autonomes dans la gestion de leurs déplacements et l’organisation de leur travail. Ex. : regroupement des bouquets de service (métro, Vélib, location de voiture, etc…) sur carte unique avec plateforme d’information unique. Ne pas oublier que c’est bien les technologies qui doivent s’adapter aux usages (et non l’inverse). Favoriser l’innovation/la créativité : garantir la libre concurrence des acteurs économiques et un cadre juridique suffisamment souple / ouvert. 122 CONCLUSIONS Dans un premier temps, les TIC pourraient contribuer à réaliser un tiers des réductions d’émissions L’important est de concevoir la mobilité avec un de GES (Gaz à effet de serre) fixées par le gouver- esprit mobile nement à l’horizon 2020. En termes de vision, les piliers de développe- Les TIC joueront un rôle majeur dans le dévelop- ment de la mobilité durable seront collaboratifs, pement des entreprises à condition qu’elles s’im- inclusifs, fluides et positifs posent partout, ce qui n’est pas le cas en 2014, notamment auprès de certaines parties du grand Les nouveaux outils vont peu chan- public ou des PME. ger d’ici 2030 mais les aspirations qui émergent vont se renforcer. Il ne faut Le taux d’équipement des salariés français en TIC donc pas trop contraindre, ni légiférer ne cesse de progresser. Il favorise aujourd’hui le sur les choix, ouvrir encore le champ des pos- télétravail qui devrait s’installer lentement mais sû- sibles sans contraindre le futur. En 2030, ce se- rement dans le monde de l’entreprise à l’horizon ront surtout les services qui évolueront, pas les 2030. Voici où nous en étions début 2014 : technologies. Isabelle Muller L’important est d’améliorer le cadre du déplacement et de la mobilité : une mobilité à impact positif psycho-physique. Maryline Passini La mobilité de demain sera collaborative, inclu- Une étude d’IDC pour Bouy- sive et fluide. Une mobilité à deux vitesses des gues Telecom montre que personnes très mobiles dans leur tête et physi- la multiplication des équipe- quement VERSUS une partie de la population ments des salariés en smart- sous contrainte, qui n’aura pas le choix/sous phones, tablettes et autres PC portables fait progresser le pression accrue. Face à cette dualité, il est né- télétravail. cessaire de créer des points d’ancrage dans la future société mobile. Le nombre de salariés profi- Patricia Cortijo tant des différentes situations pour travailler (domicile, trajet Commentaire : maison/travail, déplacements A l’horizon 2030, ce sont les Technologies de l’infor- professionnels) concerne près mation et de la communication qui auront le plus d’un tiers des salariés (28%) grand effet de levier sur toutes les problématiques interrogés. de mobilité et de développement durable. 123 « En retard sur nos voisins européens, les Français rapport à 2012. Un salarié sur deux déclare travail- se mettent peu à peu au télétravail. C’est le princi- ler lors de déplacements professionnels (+10% par pal enseignement de la troisième édition de l’étude rapport à 2012) et 42% travailler durant les trajets d’IDC réalisée pour Bouygues Telecom Entreprises. domicile-travail ( + 9%). Le temps journalier moyen de travail réalisé en de- Au total, le nombre de salariés profitant des diffé- hors du bureau - en déplacement, à domicile ou rentes situations de mobilité pour travailler (domicile, dans les transports - a ainsi crû de 15% au cours trajet maison-travail, déplacements professionnels), des douze derniers mois, s’élevant à 23% du temps a augmenté de +26% en 2013, pour concerner de travail journalier. près d’un tiers des salariés (28%). Smartphones, Deux salariés sur trois affirment travailler depuis leur tablettes, ordinateurs portables... le multi-équipe- domicile, en journée comme en dehors des heures ment en terminaux mobiles explique en grande par- légales de travail. Soit une progression de 4% par tie cette progression du télétravail ». L’équipement en outils personnels mobiles se développe fortement en 2013. Parmi les équipements suivants, lesquels possédez-vous ? Tablette entreprise 10% Tablette personnelle 7% 3% 33% Smartphone entreprise 28% 11% 7% 3% Smartphone personnel 5% + 96% vs 2012 + 29% vs 2012 59% 5% 3% 45% PC Portable entreprise + 29% vs 2012 5% 3% + 5% vs 2012 PC Portable personnel 72% PC Fixe entreprise 75% PC Fixe personnel 71% 0% Une moyenne de 2,45 outils mobiles par personnes VS 2en 2012 + 89% vs 2012 20% 40% OUI NON, mais prévu d'ici 12 mois NON, mais prévu dans 12 à 24 mois 124 5% 2% + 7% vs 2012 2% 2% 60% + 3% vs 2012 + 3% vs 2012 80% 100% Le nombre de mobinautes multiplié par 2,7 en 5 ans de la moitié en 2009. En juin 2014, les responsables des achats ont passé 4h12 et consommé 770 pages sur les sites mobile et ont réalisé plus de 200 Le 01/09/2014 à 19:31 par Thierry Wojciak sessions sur des applications mobiles. En juin 2014, la France comptait 29,4 millions de mobinautes, soit 54% de la population de 11 ans Avant d’évoquer le bureau de 2030, l’absence de et plus, selon Médiamétrie. Une population en très bureau ou l’entreprise virtuelle, il faut planter le dé- forte augmentation puisqu’en 5 ans, elle a été mul- cor de ce qui pourrait être l’économie du travail à tipliée par 2,7 entre 2009 et 2014, soit +18,4 mil- cet horizon. lions d’individus. Sur la période, la parité hommes- Quelles seront les grandes données sociétales mais femmes s’est installée puisque les mobinautes sont aussi individuelles qui modifieront d’évidence notre aujourd’hui 51% des hommes alors qu’ils étaient rapport au travail ? 60% en 2009. Et puis les mobinautes ont « vieilli ». Ainsi, aujourd’hui, 53,2% ont-ils 35 ans ou plus, Des chercheurs britanniques ont identifié et analysé alors qu’ils étaient 35,8% en 2009. Médiamétrie treize grandes tendances regroupées en cinq types : constate également que plus de 60% des mobi- (blog de Gilles Martin « Zone Franche » 13 avril 2014). nautes sont responsables des achats contre moins mobinautes total… 22% 25% T2 2009 T2 2010 40% 33% T2 2011 T2 2012 46% T2 2013 54% T2 2014 Sources : Médiamétrie - TSM - T2 2009 - T2 2014 125 Tendances sociétales individuelles tantes, ainsi que les interactions entre colla- 1. Changement démographique : en Angleterre, borateurs. Le travail à distance se développe- la population de 65 ans et plus va augmen- ra. Les jobs seront flexibles, avec les horaires ter de 42% d’ici 2030, alors que la population flexibles, le télétravail. des 16-24 ans ne va, elle, augmenter que de Tendances dans les Technologies et l’Innovation 3%. Les lieux de travail dans les entreprises vont naturellement devenir plus multi-généra- 6. Convergence entre les technologies et les tionnels ; quatre générations vont travailler en expertises : la frontière entre les disciplines même temps. va disparaître. L’informatique, les sciences de 2. Augmentation de la diversité : le rôle des la vie, les sciences naturelles vont converger femmes sur le marché du travail va continuer pour créer de nouveaux business models, à s’accroître en nombre et en importance avec des robots qui vont occuper des tâches dans les hiérarchies. Les 2/3 de la croissance aujourd’hui faites par des humains. des jobs de haut niveau seront occupés par 7. Développement des Technologies de l’Infor- des femmes. Même phénomène sur l’immi- mation et de la Communication, et avène- gration : les migrations en Angleterre contri- ment du Big Data : les performances vont bueront à plus de 10% de la croissance nette continuer en termes de miniaturisation, de de la population. puissance de calcul, nanotechnologies. Les 3. Incertitude des revenus : les salaires et revenus données seront de plus en plus nombreuses; ont de fortes chances de baisser, avec de plus les analyses des Big Data vont aussi changer en plus d’inégalités. Les prévisions indiquent les modèles. que la part de la richesse nationale captée par 8. Digitalisation de la production : les process de les 0,1% les plus riches va passer de 5% à production vont se transformer par la digita- 14% d’ici 2030 (toujours en Angleterre, mais lisation; l’échange en temps réel de données les autres feront-ils différemment ?). entre les machines, les équipements, les 4. Désir plus fort d’un meilleur équilibre vie pro- objets connectés, et les en-cours de produc- fessionnelle – vie personnelle : cela se traduit tion, les systèmes de production et les usines par une demande de plus de flexibilité dans le vont devenir de plus en plus autonomes et travail. Flexibilité sur les horaires, le lieu de tra- automatisés. La décentralisation des process vail, les tâches. Cette possibilité de flexibilité de production complexes sera une réalité va peser de plus en plus sur le choix d’un lieu grâce à de nouvelles techniques comme les de travail et d’un employeur. imprimantes 3D. Tendances du Business et de l’économie 5. Changement de l’environnement de travail : les organisations des entreprises pourront 9. Changement des perspectives économiques : être défaites et reconstruites rapidement. Les du fait de la globalisation et des changements collaborations seront de plus en plus impor- technologiques, l’économie et le système 126 Tendances politiques et règlementaires financier vont encore augmenter en complexité. Face à la volatilité des prix des ma- 13. Décroissance de l’action publique : les fi- tières premières, les entreprises devront plus nances publiques étant limitées, et raréfiées, que jamais pouvoir rendre leurs activités et l’action publique va diminuer; moins de sub- chaînes de valeur de plus en plus résilientes, ventions, moins de redistribution, etc... Les et s’habituer à l’incertitude. actions privées et individuelles vont ainsi prendre plus d’importance. L’investisse- 10. Transfert vers l’Asie : le poids économique ment dans le capital humain va être privé, y du monde va basculer vers l’Asie, là où se- compris dans l’Education, de plus en plus. ront les croissances économiques les plus fortes, et les opportunités d’investissement les plus rentables. D’ici 10 ans, 40% des jeunes diplômés de l’OCDE seront en Chine et en Inde, alors que ceux de l’Europe et des Etats-Unis n’en représenteront que le quart. 11. Nouveaux ecosystèmes Business : les entreprises vont devenir de plus en plus des «chefs d’orchestre de réseaux». Leurs capacités à connecter les expertises et les ressources, où qu’elles soient, seront plus importantes que les ressources qu’elles possèderont en propre dans l’entreprise elle-même. La plupart des innovations viendront de coopérations entre partenaires, à l’extérieur de l’organisation. Tendances sur les ressources et l’environnement 12. Rareté des ressources naturelles et dégradation des écosystèmes : le développement débouche sur un accroissement de la demande de ressources naturelles et de matières premières. On va donc avoir une volatilité des prix, et une recherche de solutions alternatives, qui vont bousculer les modèles d’entreprises. La surexploitation des ressources naturelles va augmenter les coûts d’extraction et de dégradation des écosystèmes. 127 Ces grandes tendances vont déterminer l’organisation du travail en 2030. Frédéric Bleuse, l’ancien Directeur Général de Regus France y ajoute un élément essentiel et nouveau, en tout cas en Europe : « Pour la première fois dans l’histoire, quatre générations sont présentes en même temps sur le marché du travail : la génération de la Seconde Guerre mondiale née dans les années 1945, la génération du baby-boom née entre 1946 et 1964, la génération X née entre 1965 et 1979 et, enfin, la génération Y née entre 1980 et 1999. On observe, au sein des organisations, l’émergence d’un nouvel espace de travail contraint de s’adapter aux différentes méthodes, aux habitudes de chacun, confronté aux idéaux et à la philosophie propres aux générations représentées. Si ces quatre générations luttent pour se faire une place dans l’espace de travail d’aujourd’hui, il est essentiel que les entreprises considèrent cette convergence comme une opportunité, non telle une contrainte. Les baby-boomers et les travailleurs en âge de partir à la retraite, ressources précieuses du fait de leur expérience et de leurs compétences, sont des éléments essentiels et sollicités par les jeunes travailleurs à la recherche d’encadrement et de conseils. Tout comme les jeunes travailleurs sont des maillons essentiels de l’entreprise, du fait de leur capacité à s’adapter et à maîtriser les évolutions technologiques auxquelles ils peuvent initier les plus seniors, a priori moins enclins à se les approprier. La principale problématique pour les entreprises est donc de savoir comment exploiter la synergie inhérente à cet environnement de travail incroyablement diversifié ; les collaborateurs d’âges différents souhaitent apprendre les uns des autres, mais ne 128 savent pas exactement quelles méthodes adopter. Un enjeu difficile à relever face aux changements, non seulement des modes, mais aussi des espaces de travail. » En juillet 2011, le Centre d’Analyse Stratégique publiait un rapport très dense sur l’évolution du travail et de l’emploi en France dans 20 ans. Dans une France plus peuplée, plus âgée et à la population active plus nombreuse, la segmentation du marché du travail se renforce ainsi que la demande d’autonomie et une forme de salariat « moins subordonné ». A la question « à quoi ressembleront nos bureaux en 2030 ? » ou « le bureau aura-t-il disparu ? » les réponses montrent qu’on va sans doute plus vers une évolution que vers une révolution… « C’est la fin du monde vertical et hiérarchisé de l’entreprise et le début d’une nouvelle ère : celle de la transversalité et du travail en mode projet, » résume Andréanne Gallety, directrice marketing chez Form’a, cabinet de conseil en aménagement d’espaces tertiaires. « C’est une évolution culturelle qui privilégie le lien, le relationnel, le partage, la connexion et la participation ». Dans son cahier prospectif Imaginative Workplace 2013, Form’a propose six tendances qui façonneront le monde de demain. Selon le cabinet, le futur bureau sera « intelligent, au coeur d’une mégalopole, sous la forme d’un campus ou d’un hub, organisé par activité, connecté, expérientiel et redonnera sa place à l’individu ». Des salariés nomades en quête de lien social C’est un fait, le monde de l’entreprise s’oriente vers un modèle plus transversal et collaboratif. Pour Pierre-André d’Ornano, p-dg de Mobilitis, société de conseil et services en immobilier d’entreprise, « la notion de bureaux va disparaître au profit d’espaces plus collaboratifs «. Fini le simple poste de travail, 129 « l’entreprise devra offrir une plus grande diversification des lieux de travail, en fonction du type de salarié qu’elle souhaite avoir et de son cœur de métier «, précise Alain d’Iribarne, chercheur au CNRS et président du conseil scientifique de l’observatoire Actineo de la qualité de vie au travail. En d’autres termes, « à une activité ou un mode de travail correspondra un espace dédié », explique la directrice marketing de chez Form’a. Les lieux de travail devront répondre aux diverses situations et modes de travail. Ce même salarié nomade travaillera, en dehors de l’entreprise, dans un bureau intermédiaire ou « tiers-lieu », soit un lieu dédié semblable aux espaces de coworking pour les travailleurs indépendants. Ces tiers-lieux permettent notamment aux salariés de conserver un lien social. « En mettant ces nouveaux espaces à la disposition de leurs salariés, les entreprises favorisent la socialisation de leurs collaborateurs dans un cadre plus large et leur permettent d’avoir accès à un réseau d’innovation et de créativité qui dépasse leur simple métier », souligne Alain d’Iribarne. Ces lieux apparaissent également comme l’alternative pour des salariés habitant loin des centres-villes, à l’image du consortium Tiers Lieux créé en Aquitaine pour « préserver une dynamique économique en milieu rural ». Face au profil du salarié mobile de demain, l’entreprise devra inventer de nouvelles façons de développer le sentiment d’appartenance de ses collaborateurs à son projet de société. Si le numérique envahit les espaces de travail, a contrario, cette révolution technologique n’entraînerait-elle pas la remise en cause de l’existence physique des bureaux ? Pierre-André d’Ornano (Mobilitis) précise, « la notion de siège social est une vision passéiste. Certaines sociétés garderont un 130 centre symbolique, lieu de pouvoir et de prestige tandis que d’autres seront virtuels ». Une vision impensable pour Alain d’Iribarne d’Actineo : « Il existe un mouvement contradictoire entre des entreprises qui souhaitent réduire leur parc immobilier et des salariés français très attachés à leur entreprise comme lieu de vie et de socialisation. » Enfin, à l’instar des grands noms de l’Internet, comme Google ou Facebook, et des grandes universités américaines de la côte Ouest, l’entreprise de demain s’apparentera au modèle du campus ou du hub. L’entreprise se doit d’être un lieu d’innovation ouverte. Ce que l’on appelle plus communément « l’entreprise étendue », soit une entreprise implantée dans la réalité de la vie économique en lien avec la ville, ses clients et ceux qui font l’innovation (écoles, start-up...). Le siège social pourra être installé au sein d’un pôle de compétitivité pour une plus grande ouverture sur le monde. Aux Pays-Bas, le nouveau siège social de la banque Rabobank est un campus aménagé sur une métaphore de la ville. Le rez-de-chaussée est ouvert au public tandis qu’au premier étage, le « city center», est un lieu de rencontre avec ses cafés et restaurants. Les étages de la tour ont des noms de quartiers ou de banlieues. De même, le nouveau centre de Saclay regroupera les équipes de R & D d’EDF aux côtés des grandes écoles (Centrale, HEC, Polytechnique, ParisTech...), des universités (Paris Sud, Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines...) ou encore du CNRS et du Commissariat à l’énergie atomique, dans un esprit de «cluster» scientifique et technologique national. « Si votre entreprise est ouverte, vos salariés seront plus créatifs «, assure le chercheur Alain d’Iribarne ». (Enquête de Marie-Amélie Fenoll – Décision-Achats. fr – 7 janvier 2014). 131 En résumé, l’entreprise de 2030 n’aura plus les frontières d’aujourd’hui. Aller au bureau restera souvent indispensable mais cela n’aura plus le même sens. On ne s’y rendra que quand ce sera nécessaire. Cette évolution sera sans doute lente car il faut changer le regard des managers sur la place du salarié dans l’entreprise. L’entreprise sans bureau n’est sans doute pas pour demain. Mais le nomadisme et les technologies de 2030 auront une vertu évidente : moins d’heures et d’énergie perdues et une mobilité plus fluide. Le monde du travail n’est pas un monde homogène. Les disparités sont innombrables entre un géant du CAC 40, une startup, une TPE ou une PME. Mais toutes ces entreprises ont un point commun : elles doivent se transformer pour s’adapter au « choc Internet »… Ce choc a d’abord touché la société civile avant d’envahir le monde du travail. Qu’en sera-t-il dans 15 ans ? La généralisation des smartphones, tablettes et autres TIC consacre déjà l’introduction de la sphère privée dans la sphère professionnelle. C’est le grand tournant. Toutes les activités numériques privées des salariés se prolongent au bureau et inversement avec la consécration du travail à la maison… Conséquence évidente : on va sans doute vers la fin de l’entreprise telle que les sociétés industrielles l’ont constituée depuis le milieu du XIXème siècle. 132 Cette révolution est aussi portée par l’extraordinaire •C ’est Facebook qui compte le plus déferlante des réseaux sociaux. La France, sur ce d’utilisateurs, avec 1,184 milliard, devant QQ terrain, fait partie des leaders en termes d’utilisa- (816 millions) et QZone (632 millions) tion. Voici quelques chiffres publiés et commentés Quelques chiffres marquants en France : par Fabian Ropars en janvier dernier sur le blog du Modérateur : •5 4 473 474 internautes, soit 83% de la population française. TOUS LES CHIFFRES 2014 SUR L’UTILISATION DE L’INTERNET DU MOBILE ET DES MEDIAS SOCIAUX DANS LE MONDE •6 8% des français sont inscrits sur un réseau social. Publié par Fabian Ropars - 8 janvier 2014 •2 8 millions d’utilisateurs actifs sur Facebook, L’agence We Are Social de Singapour vient de livrer soit 42% des français. une présentation hyper exhaustive de l’utilisation •P lus de 72 millions de téléphones du grand public et des professionnels des réseaux portables activés, soit plus d’un téléphone sociaux dans le monde. par personne. Quelques chiffres marquants dans le monde : •U n internaute français passe en moyenne 4 h 07 par jour sur Internet (via un ordinateur). • Il y a 2 484 915 152 d’internautes (sur un peu plus de 7 milliards d’habitants). Cela •L es mobinautes surfent en moyenne représente un taux de pénétration de 35%. 58 minutes par jour sur leur smartphone. • Il y a 1 856 680 860 utilisateurs actifs des •L es membres des réseaux sociaux passent réseaux sociaux, soit un taux de pénétration en moyenne 1h29 par jour sur ces espaces. de 26%. •4 3% des français ont utilisé Facebook • Il y a 6 572 950 124 utilisateurs de téléphones le mois dernier. mobiles, soit un taux de pénétration de 93%. •1 1% des français ont utilisé Google+ • 13% des internautes sont en Europe et 10% ont utilisé Twitter. de l’Ouest, 11% en Amérique du Nord, 30% dans l’Ouest de l’Asie. • 10% des utilisateurs des médias sociaux sont en Europe de l’Ouest, 11% en Amérique du Nord, 37% dans l’Ouest de l’Asie. • Le taux de pénétration d’Internet en Europe de l’Ouest est de 78%, contre 81% en Amérique du Nord et seulement 48% en Asie de l’Ouest. 133 Dans leur livre « A quoi ressemblera le travail de- nisée par les entreprises. Des accords sur le télétra- main ? » (sous titré : -Technologies numériques, vail ont fleuri à distance. Ainsi, un peu avant 2020, le nouvelles organisations et relations au travail – Ed. télétravail était devenu courant. C’était toujours une Dunod - 2013), Sandra Enlart et Olivier Charbonnier question précisée dans la négociation préalable à la proposent un scénario dit de « Job Fiction ». signature d’un contrat, entre autre pour déterminer les équipements offerts au salarié. Cette organisation Nous sommes en 2025. L’explosion des technolo- du travail s’appuyait aussi sur la qualité des outils et gies de l’information nous a permis à tous de devenir des logiciels, de plus en plus personnalisés et orien- des auto-entrepreneurs potentiels. De très nombreux tés vers la collaboration à distance. systèmes de « débrouille » se sont mis en place sur les réseaux sociaux… Bien sûr, un certain nombre de réunions physiques « Une sorte de marché parallèle d’activités s’est ainsi ont été maintenues, lorsque la durée d’une mission excédait par exemple un an, afin de permettre aux progressivement créé et autogéré. Sans parler de « marché noir », ces systèmes spontanés, finalement divers participants de mieux se connaître. Ont été très efficaces, constituent une sorte de filet de sécu- également développées les sessions créatives inten- rité pour qui n’a pu accumuler suffisamment d’expé- sives, organisées sur deux ou trois jours dans les riences. Ils concernent des jeunes en fin de scolarité lieux ad hoc relativement isolés où se réunissait un obligatoire, mais aussi toute personne en cours de petit groupe chargé d’atteindre un objectif précis en réorientation. En effet, si certains secteurs sont tou- un temps limité. Enfin, dans l’industrie, la nécessité jours porteurs, comme les services à la personne, le de travailler sur des lignes de production ou avec du tourisme ou l’enseignement, en revanche, d’autres, matériel exceptionnellement coûteux a maintenu plus comme l’industrie ou le commerce de proximité, sont de présence physique que dans d’autres secteurs. en déclin chronique. Par ailleurs, même si la situation Mais dans l’ensemble, le télétravail est devenu la s’est fortement améliorée du fait de la démographie, règle, ce qui a permis d’importantes économies en il reste dans ce pays comme dans toute l’Europe, temps de transport, en immobilisation d’immeubles des individus qui n’arrivent pas à trouver de travail. – avec toutes les dépenses afférentes – et bien sûr, Dans un premier temps, la nature personnalisée et corrélativement, en empreinte carbone. Tout était poreuse de l’information a eu pour effet de décon- donc pour le mieux et n’importe quel observateur necter certains espaces de leur fonction, auparavant aurait prédit en 2019 la fin des « bureaux » et même unique, travail ou vie privée. Au début des années des usines traditionnelles. 2010, ces lieux sont devenus de plus en plus polyvalents : les individus se sont mis à travailler ponctuelle- Pourtant, ici et là, le besoin de nous retrouver pour ment chez eux – pour autant que leur activité et leur échanger sur nos productions s’est peu à peu fait organisation le permettaient - ; et quand ils étaient sentir. Ces échanges sont une part importante de « au travail », ils considéraient comme normal de faire notre vie professionnelle, or ils étaient devenus es- leurs courses sur Internet ou de réserver un billet de sentiellement virtuels. C’est pourquoi certains ont train entre deux mails. Cette confusion a progressi- voulu se libérer de cette emprise exclusive des ré- vement donné lieu à une politique promue et orga- seaux sociaux… ». 134 Cette fiction imaginée par Sandra Enlart et Olivier Charbonnier verra peut-être le jour en 2030. Ce qui semble certain, c’est qu’elle porte des valeurs qui seront incontournables dans 15 ans : autonomie, rupture, créativité, coopération, alternance, débat, confrontation, vitesse…, fluidité, mutualisation… imagination…stimulation… transparence… Certaines de ces valeurs sont déjà bien présentes dans l’entreprise mais en 2030, elles pourraient devenir la règle pour tous. Conclusion provisoire des deux auteurs : Des « petits matins » plutôt que le « grand soir » « En synthèse, trois dimensions émergent de cette société entrant dans l’entreprise : la nature de l’information, la gestion de l’information, l’impact de ces changements sur l’individu au travail : - La nature de l’information est de plus en plus personnalisée, poreuse et enrichit nos perceptions du réel (réalité augmentée). - La gestion de l’information consiste à gérer des flux (en lieu et place des stocks), flux qui circulent à une vitesse telle qu’ils donnent l’impression d’ « instantanéité » et obligent à une quasi-totale transparence. - L’individu occupe une triple fonction de producteur, transmetteur et consommateur rendant nécessaire le développement de compétences spécifiques de traitement de cette information et l’implication dans des modes de collaboration systématiques et nouveaux. 135 Ces trois dimensions participent à l’émergence pas tout à fait comme avant et qui progressivement de nouvelles formes d’organisation. Peut-être ce rendront obsolètes, décalées, ridicules, les situations mouvement ne touchera-t-il pas toute l’économie. professionnelles proposées par les entreprises qui Peut-être verra-t-on coexister pendant quelques n’auront pas su penser le travail autrement. C’est années la situation de transition que nous avons donc surtout pour faire réagir celles-ci – qui repré- décrite. Mais un autre scénario est aussi possible : sentent un très grand nombre d’emplois ! – que si ces nouvelles formes d’entreprises et de travail nous avons proposé cette fiction qui n’était qu’un incarnent des modes de production cohérents avec préambule imaginaire ». les évolutions sociétales, elles s’imposeront beaucoup plus vite qu’on ne le pense, creusant alors le décalage avec les entreprises issues de la « vieille économie », au risque pour ces dernières d’y perdre en attractivité, voire plus largement en performance. Cela dit, comme nous l’avons vu plus haut, nous ne concevons pas les choses en termes dramatiques – au sens du drama grec. Le scénario le plus probable est celui d’une phase de transition qui perdure avec un modèle industriel en perte de vitesse et de plus en plus de situations de production de services marquées par les technologies et leur impact sur le travail. Bien sûr, toutes les entreprises ne vont pas être touchées par ces changements. Les émergences que nous avons observées impacteront plus ou moins les organisations et, en leur sein, cer- « La grande innovation, la tains métiers plus que d’autres (les employés d’une grande renaissance à laquelle coutellerie de Laguiole ne seront certainement pas nous assistons actuellement, concernés de façon aussi prégnante par les techno- c’est la fin de la division verti- logies de l’information que les commerciaux d’une cale du travail et de la connais- compagnie d’assurance). Il ne s’agit donc pas de sance et c’est le début de la stigmatiser les organisations qui ne changeraient pas multiplication horizontale de la en pointant leur conservatisme, voire leur archaïsme. connaissance et des savoirs Certaines y auront intérêt, d’autres non. en réseaux » Surtout, il n’y aura sans doute pas de « grand soir » Serge Soudoplatoff – Consul- où tout à coup, seuls les digital natives survivraient, tant-spécialiste de l’économie pendant que de pauvres technophobes mourraient numérique, devant le congrès à leurs côtés dans l’indifférence générale ! En fait, il de l’APM – octobre 2013. y aura surtout de plus en plus de « petits matins » 136 En résumé, les quinze années qui viennent verront sans doute s’amplifier les trois dimensions du nouvel espace économique décrites par David Lacombled(*) : *Disruption, mode d’emploi « Dans cet espace redimensionné, même la notion d’innovation a changé de polarité. Avant, la plupart des innovations s’assignaient comme objectif de faire mieux que - L’accélération du temps le produit concurrent. L’avantage concur- - La mondialisation rentiel pouvait s’installer dans le temps et l’on tendait vers une lutte frontale entre les - La dématérialisation entreprises, via leurs produits et leurs serNous entrons dans un nouvel espace économique vices, à coups d’avantages concurrentiels. où on ne peut plus penser l’entreprise comme Or aujourd’hui, une telle ambition n’est plus avant. Le monde ancien se meurt. Le nouveau opérante. Faire mieux ne suffit pas, il faut commence à apparaître. Le vieux slogan de 68, surtout faire autrement. Et même autrement « l’imagination au pouvoir » devient une ardente mieux. obligation. Sur fond de « disruption », apparaissent De fait, nous sommes entrés dans l’ère les nouvelles formes d’organisation du travail. des innovations de rupture (appelées aussi disruptions). Ce type d’innovation dans la nouvelle guerre économique ne s’assigne pas pour objectif de prendre des parts de marché mais de s’assurer par une innovation de rupture la plus grosse partie du marché en le déplaçant. Un seul mot d’ordre – non exprimé : capter tout l’air disponible pour empêcher les concurrents de respirer. C’est pourquoi les innovations d’au- jourd’hui ne requièrent pas uniquement du talent, il faut faire preuve d’une forme de génie pour anticiper et créer les éléments d’une disruption. Parmi les génies de la disruption, on retrouve notamment tous les géants du numérique, Google, Apple, Facebook, Twitter… Chacun à sa façon a disrupté son marché en créant de nouveaux marchés à sa mesure. C’est également le cas de Nestlé avec une célèbre marque de café. C’est 137 encore l’exemple d’Apple, non seulement avec ses équipements Mac, iPod ou iPhone, mais aussi avec la musique et la culture via iTunes. En se payant de surcroît le luxe de créer un nouveau marché, celui de la tablette avec l’iPad, puis l’iPad mini, dont nous parlerons plus loin. Une telle situation est inédite dans l’histoire de l’économie. Cela explique que des entreprises qui n’existaient pas il y a encore trente, vingt, voire cinq ans (comme Twitter) dépassent aujourd’hui en capitalisation des entreprises mondiales installées depuis des décennies ou même des siècles. On peut lire un emballement frénétique et une précarisation mondialisée dans un vaste mouvement de prédation porté par les disruptions à répétition. En revanche, rien n’empêche au contraire d’y déceler le signe d’une remise à plat des chances. Car les pesanteurs d’hier n’empêchaient-elles pas les nouvelles entreprises de trouver leur place sur le marché par un verrouillage volontaire de l’une d’entre elles ou le simple fait de leur masse critique qui interdisait toute remise en cause de leur prépondérance ? Force est de constater que, avec la nouvelle économie, l’imagination est revenue au pouvoir. C’est le cas notamment de Paul Vacca qui, dans la Société du Hod-up (Mille et Une Nuits/Fayard, 2012), voit dans l’avènement de la nouvelle économie la mise en place d’une économie de hold-up généralisée où, par la disruption, « les marchés ne se conquièrent plus mais se braquent ». David Lacombled – « Digital Citizen » - Manifeste pour une citoyenneté numérique – Ed Plon – 2013. 138 a) QUELS BUREAUX EN 2030 ? On ne parlera sans doute plus de bureaux, mais les espaces de 2030 verront s’installer la robotique avec les avatars de réalité virtuelle ou les robots de téléprésence… Voici comment l’Agence France Presse les décrivaient en mai dernier : « Ces robots, dits de téléprésence, peuvent participer à des vidéo-conférences ou d’autres interactions. Un produit conçu par la start-up californienne Double Robotics utilise un Ipad sur une tige munie de roues qui se déplace dans les bureaux et interagit avec les collègues. Même si ces technologies ont été raillées dans des shows télévisés, les entreprises commencent à les apprécier, assure le porte-parole Double Robotics, Jay Liew. « Nous avons des clients qui nous disent qu’ils ne se souviennent plus si la personne était vraiment là ou si c’était le robot ». « Plus les gens voient (le robot), plus ça devient normal. Une fois l’enthousiasme du début envolé, ce n’est pas seulement un robot. C’est John. C’est Connie, du bureau de Seattle ». Et la personne qui travaille à distance, présente sous la forme de ce robot, peut participer au travail d’équipe en se déplaçant dans le bureau, en bavardant près de la machine à café, ou en passant « voir » un collègue pour lui poser une question. - Poignée de main virtuelle – Encore plus futuristes, les personnages virtuels : les employés peuvent communiquer comme dans un dessin animé avec des « avatars » ou des images qu’ils ont eux-mêmes créées. 139 Jeremy Bailenson, directeur du Virtual Human Inte- monde entier sur des rétroviseurs ou des essuie- raction Lab à l’université de Stanford en Californie, glaces. « C’est comme un jeu Second Life », cé- affirme que ces rencontres entre avatars peuvent lèbre jeu virtuel à trois dimensions, reconnaît Ford. même être meilleures que celles qui sont organi- « Nous avons maintenant des ingénieurs de Ford sées de visu. du monde entier qui travaillent ensemble virtuel- « Les gens disent que rien ne peut remplacer la lement sur le même produit », explique Elizabeth poignée de main et le contact visuel », relève M. Baron, spécialiste de réalité virtuelle chez Ford. Bailenson. « Moi, je conçois des systèmes qui vous permettent d’avoir cette poignée de main et ce contact visuel ». Chacun peut modifier son avatar pour lui donner des traits et un comportement spécifiques, explique-t-il. « Je peux faire des choses dans une réunion virtuelle qui peuvent faire de moi un vendeur plus efficace ou un meilleur chef », souligne-t-il. Selon lui, le personnage virtuel présente beaucoup d’avantages : il réduit les coûts en carburant et les accidents de la route, et permet aux employés de gagner du temps. Mais pour que les salariés adoptent en masse ces personnages virtuels, il faudra rendre leur usage plus naturel, en supprimant les encombrants casques et capteurs qu’il faut actuellement porter pour les utiliser, note-t-il. L’achat par Facebook à prix d’or de la société de représentation virtuelle Oculus Rift suggère que cette tendance va se développer. Venu récemment visiter le laboratoire, le patron du réseau social Mark Zuckerberg « a dit qu’il était temps de sortir tout ça du laboratoire et de le mettre dans le salon », selon M. Bailenson. Le constructeur automobile Ford a commencé à utiliser des personnages virtuels dans son laboratoire Immersion, ce qui lui a permis de faire travailler ensemble des ingénieurs et des designers du 140 Dans les années 2020 / 2030 Des robots faciliteront notre vie Les robots effectueront de nombreuses tâches ad- On ne parlera plus de « bureau » ministratives. Ils répondront au téléphone, réserve- Si la technologie permet de travailler n’importe où, ront des voyages, commanderont de la nourriture, les collaborateurs n’auront plus besoin de se rendre règleront les factures et s’occuperont de la comp- dans un bureau traditionnel tous les jours et les tabilité. En outre, vous pourriez posséder chez vous entreprises n’auront plus à supporter le coût élevé un robot tondeur de pelouse, ou un frigo qui vous de la conservation d’aménagements immobiliers suggère vos menus en fonction des ingrédients qu’il du vingtième siècle. C’est déjà une réalité pour de contient. De plus, votre voiture roulera en pilotage nombreuses entreprises qui utilisent des espaces de automatique avec le GPS : il vous suffira de saisir travail flexibles : pour elles, le travail n’est déjà plus un votre destination et de vous détendre. lieu où l’on va mais quelque chose que l’on fait. L’effet cumulatif ? Nous aurons beaucoup plus de Nous n’aurons pas besoin d’écrans pour travailler temps libre, et plus d’espace pour créer et innover. Les chercheurs du Massachusetts Institute of Technology ont mis au point un prototype appelé Nos ordinateurs seront intégrés à nos vêtements SixthSense, un équipement portatif qui transforme La différence entre ordinateurs portables, tablettes en ordinateur le monde qui vous entoure. Vous vou- et mobiles sera encore plus floue. A l’avenir, vous lez écrire un e-mail ? Projetez un clavier dans les porterez votre appareil comme une montre-bracelet airs et commencez la saisie. Besoin de naviguer sur ou un collier et vous le déplierez pour passer un ap- Internet ? Un écran apparaît et vous pouvez navi- pel ou envoyer un e-mail. Quant aux batteries, elles guer en effectuant de petits gestes. seront chargées à l’énergie solaire : plus besoin de prise électrique ! Le concept « Morph » de Nokia Nous utiliserons tous des zettaoctets explore déjà ces possibilités. Dites adieu aux gigaoctets. En 2025, on prévoit que Serons-nous plus heureux et plus productifs ? 100 zettaoctets de données seront enregistrés dans le monde (c’est-à-dire 100 sextillions d’octets). Ce qui représente 36 milliards d’années de vidéo HD. Cette nouvelle philosophie du travail n’importe où A plus long terme permet aux gens de choisir comment, quand et où ils travaillent. C’est pourquoi nous serons plus Nos collègues seront des avatars holographiques productifs. British Telecom a constaté que les em- Lorsque vous participerez à une téléconférence, ployés flexibles (qui travaillent où ils le souhaitent) votre visage ne s’affichera plus sur un écran d’ordi- sont plus productifs de 20 % que leurs homologues nateur, mais votre avatar 3D apparaîtra réellement qui restent au bureau ; ils sont aussi moins souvent dans la salle. Microsoft travaille déjà sur la techno- en arrêt maladie et témoignent d’une plus grande logie de téléprésence holographique qui utilise des satisfaction au travail. caméras infrarouges pour « créer l’hologramme 3D d’un utilisateur distant afin de permettre des réu- Interview Frédéric Bleuse - Au quotidien FINYEAR – nions en face-à-face ». septembre 2013 - 141 Kori Inkpen Quinn, du centre de recherche Micro- mobile », observe Catherine Gall, directrice de la soft, fait toutefois valoir que beaucoup d’employés recherche chez Steelcase (mobilier de bureau). Et a ne sont pas encore prêts à travailler avec des réduit les temps de transport de ses salariés. De son avatars. côté, Regus expérimente des centres de télétravail (avec bureau, WiFi, photocopieuses et machines à « Même si je veux bien ressembler à un chat, je ne café) à la gare du Mans et dans une station Shell, sur suis peut-être pas à l’aise pour avoir un rendez- l’A10, entre Paris et Bordeaux. Objectif : 400 dans vous d’affaires avec un chat », note-t-elle. les six ans ». Pour Lindsey Pollak, consultante pour la société capital.fr - Octobre 2014 d’assurance The Hartford, ces salariés d’un nouveau genre risquent aussi d’être confrontés à davantage de stress, car ils ne se déconnectent quasi jamais de leur travail. Un tiers des salariés, selon un récent sondage Gallup, affirment que les employeurs attendent d’eux qu’ils vérifient leur courriels et restent joignables bien après leur journée de travail. « Ça devient la nouvelle norme et ça crée un stress énorme », dit-elle. Voici le panorama des « bureaux de demain » que propose le magazine Capital : « Empreinte rétinienne, logiciel de reconnaissance faciale… Bientôt, pour entrer dans les locaux, on subit un contrôle biométrique. D’ores et déjà, l’entreprise est de plus en plus connectée : le WiFi commence à être accessible partout, la vidéoconférence s’impose comme l’outil de communication numéro 1 et le marché de la communication unifiée (téléphone fixe, mobile, applications bureautiques, visioconférence…) aura, en 2015, dépassé les 13 milliards d’euros en Europe. Aux Pays-Bas, les salariés de l’opérateur mobile Vodafone peuvent travailler à trois endroits (Amsterdam, Eindhoven et Maastricht), selon l’heure à laquelle s’est terminée leur dernière réunion ou le lieu de leur rendez-vous du lendemain. « Vodafone a ainsi diminué de 40% son budget location auto- 142 « L’espace de travail est un outil de management » SERIE D’ETE « Votre bureau demain » (2/2). Chercheur en organisation et espaces de travail, Françoise Bronner étudie notamment le rôle de l’espace dans les processus d’innovation, dans la création et la transmission de connaissances, et l’articulation entre les modes de management, les formes de communication, les NTIC et les espaces de travail. Elle décrypte pour nous quelques tendances. D’un pays à l’autre, les espaces de travail sont-ils si différents ? Nous observons, en Europe, quatre grandes cultures : anglo-saxonne, germanique, latine (la nôtre) et scandinave. Dans les pays anglo-saxons, l’attribution des espaces de travail est plus égalitaire : certes, les chefs ont plus facilement accès à ces fameux bureaux qui occupent les angles des étages des gratte-ciels, mais les collaborateurs peuvent eux-aussi espérer l’accès aux fenêtres. Dans la culture scandinave, la réflexion porte sur divers sujets : qui a besoin de quoi, cela en fonction de ses activités et de son métier ? Par exemple, on peut très bien être chef mais ne pas avoir de bureau attitré, mais plutôt un bureau-salle de réunion accessible à tous quand ce chef n’est pas là. Du coup, il est possible d’accroître le taux d’occupation des espaces de travail. Ce qui n’est pas le cas chez nous. Ici, quel que soit l’instant T, 45 % des bureaux sont vides. Les collaborateurs sont soit en vacances, soit en maladie, soit en réunion, soit en pause... Vous pouvez diminuer les surfaces de travail : si vous revenez 6 mois plus tard, rien n’aura changé, vous aurez toujours 45 % de bureaux vides. Les personnes travailleront dans des tiers lieux, en mode dispersé et il y aura moins d’échanges, d’interaction, de transfert de connaissances et d’efficacité. 143 Y a-t-il un pays « champion du monde » de l’espace de travail ? et les savoirs complexes ne peut plus négliger ces Prenons la Hollande. On n’y travaille, en moyenne, s’est intéressé à ces sujets, tout particulièrement à que quatre jours par semaine, et on y privilégie la l’élaboration de stratégies, de services et d’outils de qualité de vie et l’équilibre entre sphère privée et diagnostic collaboratifs, qui permettent à des entre- professionnelle. Selon la tradition du Polder Model, prises et à des organisations d’être plus compéti- les salariés, les pouvoirs publics, les entreprises tives et plus performantes. et les acteurs politiques, sociaux et économiques Quels types d’espaces favorisent l’échange ? environnements spécifiques. Le Dr. Kjetil Kristensen concourent à faire évoluer les modes organisa- J’ai identifié trois types d’espaces qui ouvrent de tionnels et les espaces de travail. On parle sans nouvelles perspectives ! Les espaces « physuels » tabou de productivité, de performance et des outils (physiques et visuels), les espaces de codesign et à développer afin de mesurer la satisfaction des les espaces de contemplation. Ces nouveaux envi- employés, la productivité du travail et les coûts liés ronnements sont tous issus d’une réflexion en pro- aux environnements. Il ne vient à l’idée de personne fondeur sur les activités des fameux travailleurs du d’entasser le maximum de salariés dans le minimum savoir. Ces derniers consacrent en effet 60 à 80 % de mètres carrés. Organisations et entreprises, pu- de leur temps à du travail collaboratif. Les entreprises bliques et privées, mènent ou financent des études leaders de secteurs à haute intensité collaborative et des recherches avancées afin d’innover dans la sont en moyenne neuf fois plus performantes que les conception et l’organisation des espaces de travail. autres. La collaboration intensive est donc une activi- Il ne s’agit pas de sauver les meubles, de repeindre té qui requière des environnements spécifiques. Les les murs en orange ou de fumer des substances. espaces « physuels » en sont un premier exemple. Mais de remettre l’humain au cœur des préoccupations et de lui permettre de travailler dans des Ils associent des espaces physiques, des outils de conditions optimales. Réellement. visualisation et des logiciels de virtualisation. Pouvoir modéliser un problème en trois dimensions et utili- Selon vous, le collaboratif est un levier de performance... ser des logiciels 3D accroît l’efficacité et la productivité des collaborateurs. Ils assimilent le contenu d’un Tout à fait ! Mais, que font les entreprises pour rapport en moitié moins de temps et effectuent leur améliorer la manière dont leurs employés travaillent travail beaucoup plus rapidement. ensemble ? Rien… ou presque. Or les travailleurs du savoir consacrent jusqu’à 80% de leur temps à Qu’est-ce qu’un espace de co-design ? des activités collaboratives qui font l’objet de peu Ce sont des environnements de travail qui ne sont d’organisation et de coordination. D’où les énormes plus structurés selon les organigrammes (et le statut), différences de performance que l’on observe entre mais intègrent de nouveaux espaces conçus spécifi- les bons et les mauvais élèves de la collaboration. quement pour les modes collaboratifs et qui influent En réalité, la collaboration est une force disruptive également sur l’état mental des personnes qui vont y et perturbante qui requiert des espaces physiques, travailler. Il s’agit de créer une expérience particulière, des processus et des équipements particuliers. un climat de confiance et de respect, une atmos- Aucune entreprise basée sur l’intelligence collective phère source d’implication et d’inspiration. Il importe 144 de favoriser les échanges informels et les temps d’in- appel à beaucoup plus de ressources du cerveau. Le teraction spontanée, source d’innovation et d’idées bénéfice d’un instant de rêverie au travail sera donc à nouvelles. Ces espaces de codesign permettent de la fois quantitatif et qualitatif, car le collaborateur ayant passer instantanément d’un mode de travail indi- déconnecté reviendra des limbes oniriques avec plus viduel à un mode de travail collectif. Ils offrent une de ressources cérébrales activées, plus créatif, plus variété de zones pouvant accueillir différents modes inspiré et capable de concevoir des solutions avan- de travail (se concentrer, se détendre, se ressourcer, cées. Les espaces de contemplation ne sont pas de rechercher des informations, échanger informelle- simples espaces de détente : au même titre que les ment). De larges surfaces d’affichage permettent par espaces « physuels » et les espaces de codesign, exemple de stimuler la production d’idées et de faci- ce sont des ressources dans l’atteinte des objectifs liter la construction d’une vision partagée. organisationnels de toute entreprise. Bienvenue dans Qu’est-ce qu’un espace de contemplation ? de nouveaux espaces ouverts et prometteurs ! Les espaces de contemplation ont vocation à créer Julie Le Bolzer – Les Echos.fr – 18 août 2014 des conditions sensorielles, émotionnelles et cognitives particulières. Ils se caractérisent par une hauteur sous plafond importante et une perspective aussi large que possible sur un paysage urbain ou naturel. Leur architecture d’intérieur, les couleurs, matériaux, finitions et mobiliers sont conçus pour créer l’étonnement et la surprise. Ces espaces suscitent ainsi un décadrage émotionnel et sensoriel, une stimulation « expérientielle » bienvenue, qui est un préalable à la génération de nouvelles idées et à la créativité. Ils invitent à la rêverie, dont on sait aujourd’hui que cet état stimule et accentue l’activité du cerveau. Selon le Professeur Kalina Christoff, directrice du laboratoire de neurologie de la très sérieuse université de Colombie Britannique, les personnes qui rêvent éveillées activent en fait de nombreuses zones du cerveau et notamment celles associées à la résolution de problèmes complexes. La contemplation a-t-elle sa place dans l’entreprise ? Certainement ! L’étude du Professeur Kalina Christoff démontre que lorsqu’on rêvasse, l’activité cérébrale est supérieure à celle que l’on a lorsque l’on se concentre sur une tâche spécifique et lorsque l’on fait 145 Le constat et le projet de MICROSOFT « Nous sommes dans un monde plus global où 3 milliards de personnes ont un terminal connecté à Internet, où plus de 200 milliards de capteurs et de terminaux seront en circulation en 2020. S’il n’y a pas le cloud – l’informatique à distance – il n’y aura pas d’expérience globale possible. C’est une opportunité extraordinaire. Nous sommes l’entreprise et l’écosystème qui vont bâtir la productivité et les plates-formes pour ce monde du « mobil first, cloud first ». Nous allons permettre à chacun et à chaque organisation de la planète de faire plus, d’accomplir d’avantage. C’est notre mission, c’est dans notre âme, c’est ce que nous allons faire… » SATYA NADELLE Directeur Général de Microsoft 16 juillet 2014 146 b) ET EN FRANCE, COMMENT PRéPARE-T-ON 2030 ? et la loi de Moore, selon laquelle la puissance de Avant d’évoquer ce chantier immense, il faut tenter calcul des circuits double tous les dix-huit mois, de décrire ce que peut être la France dans 15 ans. serait en voie d’épuisement. Les économies avan- Voici ce que nous disent les experts consultés à cées, qui sont par ailleurs confrontées à des défis l’été 2014 : démographiques et macroéconomiques, devraient donc se préparer à une croissance du PIB par tête Parmi les travaux les plus récents figure le rapport très ralentie, sans doute inférieure à 1% par an. des équipes de France Stratégie (Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective) conduit Pour d’autres au contraire, nous vivons un boule- par Jean Pisani-Ferry et publié en juin dernier. Ce versement qui va aller en s’amplifiant : les progrès rapport titré : « Quelle France dans 10 ans ? » est le continus de la puissance de calcul, l’innovation par fruit de recherches et d’enquêtes menées dans tout recombinaison et la connectivité généralisée nous le pays autour de trois grandes questions : promettraient un nouvel âge de la productivité. A l’horizon de dix ans, les métiers de la finance • Quels buts la France peut-elle rêver d’atteindre ? ou de la médecine, pour ne prendre que deux • Quelles priorités doit-elle se fixer ? exemples, devraient être profondément transfor- • Quels moyens doit-elle se donner ? més par les progrès de l’intelligence artificielle. Il en irait de même des services publics Ces mutations Ces trois questions sont déterminantes pour imagi- seraient globalement facteurs d’accélération de la ner ce que sera la mobilité durable en 2030. croissance et de prospérité. Il faudrait cependant « Nous vivons actuellement un paradoxe écono- prendre garde aux effets sociaux de ces avan- mique : les mutations techniques sont intenses, or cées : comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis, le progrès technique tel que le mesurent les statis- elles bénéficieraient de manière disproportionnée tiques est plus lent qu’il ne l’a jamais été au cours aux salariés les plus qualifiés et aux innovateurs. des dernières décennies. En 2013 par exemple, Les emplois les moins qualifiés – essentiellement la productivité horaire du travail au Royaume-Uni manuels, ou de service à la personne – seraient a été inférieure à son niveau de 2007, et dans le préservés, mais les emplois intermédiaires à ca- reste de l’Europe elle lui était à peine supérieure. ractère routinier, eux, seraient fortement pénalisés. Vie quotidienne et macroéconomie nous renvoient A niveaux de formation analogues, les individus deux images contradictoires. les plus créatifs verraient leur productivité et leur revenu décupler. En résulterait une forte polarisa- Pour certains, nous sommes victimes d’une illusion : tion du marché du travail, facteur de délitement de smartphones et autres gadgets transforment notre la classe moyenne et d’inégalités, tant entre caté- vie quotidienne, mais l’impact sur l’efficacité produc- gories sociales qu’entre individus au sein d’une tive des technologies de l’information est moindre même catégorie. qu’il n’y paraît. Les grandes inventions du passé - l’électricité, l’automobile, l’ordinateur - étaient en Macroéconomiquement, il est aujourd’hui difficile fait d’une plus grande ampleur. La miniaturisation de trancher entre ces deux perspectives. La pre- des composants électroniques atteindrait ses limites mière s’inscrit dans le prolongement des tendances 147 récentes, notamment en Europe, dont elle tente de rendre compte. La prudence oblige à lui donner du poids, ne serait-ce que pour éviter de gager l’équilibre futur de la protection sociale et des finances publiques sur des anticipations économiques par trop favorables. C’est d’ailleurs ce que font la plupart des organisations internationales, qui retiennent pour les économies européennes l’hypothèse d’une croissance durablement ralentie. La seconde perspective a pour elle d’être plus en phase avec le vécu des entreprises et de tous ceux qui sont au contact direct des mutations techniques. Il ne faut pas y voir de la futurologie mais au contraire la prendre au sérieux, sur le plan macroéconomique mais aussi pour ses conséquences sociales. Elle invite à intensifier les efforts de formation initiale, et surtout à repenser la formation professionnelle pour en faire enfin, et avec le concours de la technologie, un instrument efficace de l’égalité des possibles à tous les âges de la vie. Plus que jamais en effet, l’inégalité au cours des décennies à venir résultera d’une course de vitesse entre éducation et technologie. Pour les responsables publics, cette ambivalence des perspectives ne sera pas facile à gérer. Il leur faut aujourd’hui envisager à la fois la possibilité d’une quasi-stagnation et l’éventualité d’un bouleversement technologique. Ils doivent se préparer à faire face à l’une comme à l’autre de ces perspectives. » Quelle France dans 10 ans ? » - Jean Pisany-Ferry - Ed Fayard - juin 2014 Dans ce contexte, il est clair, aux yeux des experts, que les grandes questions de mobilité concerneront avant tout les métropoles car c’est là que se développe d’abord la croissance économique. « Entre 2000 et 2010, le PIB des métropoles françaises a évolué au rythme annuel moyen de 1,6% contre à peine 1,1% pour la moyenne nationale. En 2010 les métropoles françaises représentaient plus de 50% du PIB national ». (Source : base de données Métropoles et Régions - OCDE). Le mouvement va se poursuivre et implique l’organisation de mobilités intra régionales tout en gardant à l’esprit que le Grand Paris est considéré comme un facteur d’entraînement majeur pour l’ensemble du pays. 148 RéINVENTER L’ENTREPRISE Ce que recouvre cette appellation générique de Le rapport de France Stratégie s’attarde longuement big data défie l’entendement. Le sens commun ne sur les mutations qui vont conduire à repenser totale- peut concevoir l’accélération de la production de ment les rôles au sein de l’entreprise. données : les quantités sont de si grands nombres qu’il devient vain de chercher même à se les repré- « Chacun peut le constater aujourd’hui : le modèle de senter. On peut à peine en donner une idée : entre l’entreprise hiérarchique avec des fonctionnements 2010 et 2020, la multiplication des informations en silo a vécu. On va vers des changements pro- sera sans doute dans un rapport de 1 à 40 ; et fonds dans la gouvernance. Trois grandes raisons y 90% des données existantes ont été produites au conduisent : cours des deux dernières années… • L’élévation continue du niveau de formation des inL’une des origines de cette démultiplication peut être dividus qui donne au capital humain un rôle central, trouvée dans les technologies de l’information et leur • L’évolution des technologies numériques qui vont usage exponentiel ; Twitter à lui seul engendre une donner un rôle plus important à la connaissance, production de 7 téraoctets de données quotidiennes, aux initiatives et à la créativité des salariés, Facebook, 10. Pour mémoire, 1 téraoctet est égal à • L’aspiration sociétale, chez les jeunes notamment, 1 000 milliards de milliards de données, pétaoctets, à plus d’autonomie et d’épanouissement dans le exaoctets, zettaoctets (1024 octets), etc. travail. Ces données en nombre gigantesque concernent Ces grandes tendances rejoignent les constats éta- des applications rivalisant toutes dans le traitement blis et les aspirations manifestées à l’occasion des de volumes faramineux d’informations, dans des ateliers organisés par OpinionWay. domaines aussi variés que la finance, le commerce, S’y ajoute la grande question du « Big Data » qui l’industrie, les loisirs, la vidéo, la musique, les opé- conditionne la révolution numérique. rations militaires, et surtout, loin devant les autres, les installations scientifiques. Un projet comme celui Définition et explication de l’économiste Philippe du radiotélescope géant appelé Square Kilometre Dessertine : Array produira, à lui seul, l’équivalent de cinq fois le Le big data volume de tout le Facebook mondial. « La révolution numérique a quitté son terrain d’ori- L’enjeu est bien de dépasser les limites du cerveau gine. Elle est encore associée aux ordinateurs, aux humain, et même de la totalité des cerveaux humains smartphones, aux caméras, à Internet. Mais elle va vivants, d’en démultiplier la puissance, la rapidité, la conquérir la production, les usines, les champs et capacité d’analyse. Le rassemblement des équipes l’agriculture. Entre autres. les plus brillantes, des savants les mieux formés, tous Cette histoire-là a commencé par des mots étranges : plus doués les uns que les autres, n’est rien auprès big data (« données massives »). C’est le grand jeu, des capacités vertigineuses de ces outils de gestion l’entrée dans un autre univers, la vague suivante, de données qui sont créés à partir de processeurs celle qui submerge les constructions précédentes. miniaturisés. 149 Leur philosophie dite tridimensionnelle repose sur les 3 V : volume, vélocité et variété. Ces outils permettront eux-mêmes d’inventer ceux qui les remplaceront dans une sorte de tourbillon où les prévisions, les projections seront sans cesse revues, au gré de l’accroissement encore plus imprévisible des régénérescences technologiques. Gordon Moore, l’un des fondateurs de la marque Intel, prédisait que le nombre de transistors sur une même puce doublerait tous les deux ans. C’était en 1975, et depuis lors la « loi de Moore » s’est toujours vérifiée. En ce début de XXIe siècle, les récits de science-fiction des auteurs les plus inspirés sont déjà loin derrière la réalité. Ni les artistes ni les écrivains ne parviennent à représenter la dimension nouvelle dans laquelle entre l’espèce humaine. Quant au grand public, aux journalistes, aux politiques, ils en sont déconnectés à un point tel que c’en est devenu le cœur du problème. La science est si loin de ce qu’en connaît une personne normale qu’elle ressemble à un continent chimérique. Cet éloignement est dangereux, il produit du pessimisme, un sentiment d’impuissance. L’ignorance peut coûter cher. Mais comment peut-on être pessimiste quand se profilent ces applications géniales, au sens propre ? Comment imaginer de rompre cette collaboration de toute l’humanité ? Oui, l’ancien monde se confrontait à d’inquiétantes limites physiques, oui, sa consommation énergétique, son mode de fonctionnement semblaient conduire au chaos. Mais les solutions sont à portée de main. Pourvu que les belles âmes ne se trompent pas d’époques. » Philippe Dessertine - « En tout espoir de cause » - Ed : Anne Carrière - 2014 150 COMMENT GéRER LES DONNéES NUMéRIQUES EN 2030 ? glementaire pour concilier compétitivité et capacité Le rapport de la Commission Innovation 2030 pré- vie privée…]. d’innovation des entreprises avec le respect de la sidée par Anne Lauvergeon identifie les besoins et La commission Lauvergeon rappelle que la France les attentes qui conduisent à proposer 7 « grandes abrite plusieurs sociétés de niveau international, ambitions » technologiques et industrielles pour la notamment dans le domaine de l’Internet des objets France dans 15 ans. Parmi ces ambitions, le stoc- (Withings, Sigfox, Parrot…). kage de l’énergie, le recyclage, la médecine individualisée et, ce qui nous concerne ici directement : Plusieurs grands groupes sont leaders de soussegments (Dassault Systèmes, Gemalto, Ingenico, « La valorisation des données informatiques mas- Morphosytèmes,…). Un écosystème dynamique de sives (Big Data) » start-up existe ainsi en France autour de ce sujet. Voici pourquoi : Des pôles de compétitivité du domaine des TIC, qui Mc Kinsey estime qu’en 2025, les Big Data repré- favorisent les coopérations publiques privées, tels senteront 5 000 milliards de dollars par an. Les ap- que Systematic, Cap Digital, Images & réseaux ou plications seront multiples et concerneront tous les Solutions communicantes sécurisées, sont un outil domaines industriels. La valeur ajoutée française de concentration de cet écosystème. de cette filière est estimée à 4,8 Mds € en 2010 Le statut de jeune entreprise innovante est particu- avec une croissance d’environ 7% par an, mais lièrement pertinent pour ce domaine. avec un impact bien supérieur sur tous les secteurs économiques, et notamment par la « mar- Du coup la commission formule quelques proposi- chandisation » progressive de bases de données tions qui sont autant de leviers d’action pour 2030 : (Massive Open Online Courses, par exemple). Ouvrir les données publiques, rendues anoCette évolution technologique rencontre des ten- nymes, pour favoriser la création de start-up dances sociétales de fond. Le citoyen consomma- et créer des écosystèmes en France par la teur souhaite avoir accès à de plus en plus d’in- valorisation de certains usages à des fins formations pour décider par lui-même. Il demande commerciales. également, de plus en plus, une information person- Cette mesure, déjà adoptée notamment en Grande- nalisée, c’est-à-dire adaptée à son cas précis. Bretagne sous le terme d’« Open Data », est gratuite L’information extraite doit donc être individualisée pour l’État et peut permettre une meilleure connais- pour répondre à un besoin précis : traiter ses mala- sance des marchés par les entreprises. Tous les dies en fonction de son génome et de ses habitudes secteurs et toutes les infrastructures sont concer- de vie, apprendre selon son profil et ses ambitions, nés : santé, énergie, transport…. définir son profil de risque personnel, etc. De telles offres doivent également scrupuleusement respec- Faire changer d’échelle les entreprises fran- ter la vie privée des individus. L’enjeu est donc non çaises en lançant des défis de valorisation de seulement technologique mais aussi législatif et ré- stocks de données massives. 151 La France, par sa tradition centralisée, dispose de réduire le time-to-market des « jeunes pousses », stocks de données de dimension très importante maximalisant leurs chances de devenir des leaders (INSEE, données administratives, sécurité sociale, mondiaux. etc.). Il s’agit de lancer des programmes de valorisa- Il s’agirait de mettre à la disposition des acteurs inno- tion par licence de cinq « stocks » de données mas- vants des outils logiciels, des méthodes statistiques sives dont l’analyse pourra apporter une plus-value à ou mathématiques, des jeux de données massives l’ensemble de notre société : Pôle emploi, la Sécurité ou des infrastructures de calcul massivement distri- sociale, l’éducation nationale et enseignement supé- buées, permettant de mettre au point très rapidement rieur ainsi que les aides à la valorisation du patrimoine de nouveaux usages fondés sur les technologies du touristique. D’autres défis de valorisation comme la Big Data. Ce centre de ressources technologiques gestion intelligente de l’énergie peuvent également serait ouvert à tous (start-up comme grand groupes) être envisagés par les pouvoirs publics en lien avec le et chacun pourrait y contribuer...] monde économique. Rapport de la Commission Innovation 2030 présidée Par leur masse, l’exploitation de ces données repré- par Anne Lauvergeon - Octobre 2013 - elysée.fr sente un objectif essentiel pour les entreprises participantes et constitue une référence de valeur. Par Il s’agit là de recommandations qui n’occultent ailleurs, cette valorisation des données publiques pas, pour autant, les handicaps français en matière permettra de renforcer l’efficacité de l’action pu- d’innovation (fiscalité, contraintes règlementaires…). Chacun se dit qu’après avoir raté les smartphones blique par l’exploitation « intelligente » des données ou les tablettes numériques, la France doit impé- considérables dont dispose l’administration et la rativement réagir et valoriser son énorme potentiel découverte de nouvelles possibilités d’analyse. sur le long terme. Bien au-delà des alternances Ponctuellement, l’intervention de l’État pourra aussi politiques… se concrétiser par le soutien au développement des start-up du domaine, souvent très consommateur de capital dans les premières phases. Il importe également de favoriser les start-up qui créent et accumulent des données en propre. Ces entreprises auront en effet un avantage compétitif décisif sur le marché et capteront une part essentielle de la valeur. Créer un centre de ressources technologiques. Un « centre de ressources technologiques » dédié pourrait contribuer à abaisser considérablement la barrière à l’entrée que constitue la maîtrise des technologies très complexes du Big Data, et ainsi 152 3ème ATELIER MOBILITÉ DURABLE > Loraine Drevon (GreenOn) Le dernier atelier créatif « Mobilité Durable » organisé > Marie-Xavière Wauquiez (consultante indépendante) pour nourrir ce Livre Blanc s’est tenu le 4 septembre 2014 à Paris. Le premier grand thème portait sur le diagnostic Il avait pour objectif de cerner la vision des chefs posé en 2014 sur ce qu’est la mobilité aujourd’hui : d’entreprises et d’identifier leurs scénarii de dévelop- du positif au négatif… pement à l’horizon 2030. DES POINTS DE RÉUSSITE NOMBREUX EN TERMES DE DEPLACEMENT Voici quelques éléments de méthodologie définis par OpinionWay : Transports en commun Périmètre du projet : Covoiturage (Blablacar) Direction et solutions à mettre en œuvre par les Gestion flotte évolutive & personnalisable : entreprises (sans qu’il y ait besoin de faire interve- • Nouveaux modes (vélib, autolib) nir les pouvoirs publics, les transports publics, un • Souplesse (possibilité de choisir son moyen encadrement légal et juridique,…) et type de transport selon ses besoins Critères de construction des scénarii : professionnels et familiaux) > Motivants et ambitieux (changer, favoriser • Politique de soutien financier élargie : la mobilité durable) indemnités km achat vélo, prise en charge > Duplicables : applicables dans différentes des forfaits Vélib, budgets mobilité tailles d’entreprises et dans différents Actions environnementales coup de poing contextes urbains (ex: plaques de voiture paires/impaires) > Probables et réalistes : idées innovantes Les technologies qui augmentent la fluidité et réalisables dans l’entreprise des parcours : Pass Navigo, applications Méthodologie : EN TERMES D’ORGANISATION DU TRAVAIL Un atelier d’échange et de prospective d’une demijournée à Paris chez Regus Paris. > Horaires variables Participants : 6 managers et décideurs > Les moyens techniques (du télétravail) en entreprise • Web et outils technologiques > Sébastien Grellier (Toyota) • E-Learning > Charles Poretz (Cyclez) • Web conférence > Frédéric Bedin (PublicSystème Hopscotch) > Politique de recrutement (en fonction > Luc Raffestin (Schneider Electric) de la proximité géographique) > Valérie Paradis (Athlon) > Bureaux et espaces partagés 153 MAIS DES DIFFICULTéS ET POINTS D’ACHOPPEMENT Au plan des déplacements : la place de la voiture dans l’entreprise Un tiraillement entre voiture (objet de confort et/ou nécessaire pour la fonction) vs objet de statut. Les entreprises doivent réinventer la notion de voiturestatut, avec par exemple le chauffeur partagé. Au plan de l’organisation du travail : l’organisation ! La gestion fluide des process de travail (entre les rythmes et impératifs des présents physiques et des présents virtuels) en termes: • D’efficacité • Tout autant que de relationnel (la liberté des uns s’arrête à celle des autres) • … Et de confiance (« qu’est-ce que vous faites pendant les calls ? ») Au plan du développement et du changement d’échelle (de la mobilité durable) : le fonctionnement (encore) en silo des acteurs Pour garantir un développement durable de la mobilité, Il faut dépasser l’étanchéité des acteurs et des modes (trop prégnants encore aujourd’hui), que ce soit entre le public et le privé comme entre les entreprises elles-mêmes. Les opportunités sont immenses. Elles doivent être saisies par tous les acteurs, à commencer par les entreprises… Une vision unanimement positive et pragmatique • Une opportunite économique … Un fantastique réservoir de croissance : la création de nouveaux services 154 • …Et une révolution sociétale •V aloriser : sur laquelle (il faut) surfer les personnes et les initiatives : ex : employé du mois mobile, bonus quand on utilise les • La mobilité durable est indissociable modes alternatifs, les primes hybrides de la révolution sociétale du 21ème siècle : •C hanger les RH : des contrats de travail à « l’individu réseau » adapter (porosité des frontières pro et perso) • La génération Y et les milleniums forcent les acteurs économiques à repenser leurs modèles Les tendances émergentes définies au cours de et leurs blocages (corporatisme). Ex : Blablacar cet atelier font une large place au vélo… solution pour se déplacer de vallée en vallée dans les souvent plébiscitée dans les centres villes sur des Alpes du fait des blocages et fonctionnement trajets relativement courts pour des raisons de en silo des acteurs locaux. protection des intempéries et de sécurité…une solution parmi beaucoup d’autres…. Nécessité pour les entreprises d’intégrer les LES INITIATIVES ET EXPERIMENTATIONS INTERNES AUX ENTREPRISES modes de fonctionnement et les valeurs des réseaux sociaux. > Les initiatives « pas à pas » pour expérimenter La nécessité d’un accompagnement les nouveaux modes de mobilité comme volontariste par exemple : l’opération « 1 jour par semaine Nécessité de faire de la “conduite du change- en vélo » ment” pour favoriser l’adoption de la mobilité du- > Flotte de vélos électriques dans les entre- rable et casser les barrières des habitudes prises = mettre en place un contexte / des conditions > Les solutions « dernier km » : ex : voitures favorables en gare SNCF • Imposer par petits pas : > Les bus cyclistes (pour rassurer, casser ex. le 1/5ème généralisé sur un mois (1 J/5 : les barrières) qui répondent à l’enjeu pas de voiture ; 1 Jour/5 : bus cyclistes) de sécurité et convivialité. • Informer : des comptoirs de mobilité en entreprises • Rassurer : sur la sécurité : Vélo ++ : Ex appli pour les routes qui sont sûres, les initiatives sécurisées : co-cycling, bus cyclistes) • Faciliter : les procédures de réservation / d’abonnement, les modalités de paiement (évaluation des coûts de déplacement selon les flux) 155 LES BIG DATA ET L’INTERNET DES OBJETS • Services bien-être : massages Pour faciliter fluidité et intermodalité des modes • Rentabilisation des modes et espaces immobilisés (pour la voiture : mes courses FOCUS SUR LE VELO dans mon coffre + livraison en parking relais) • Attention au sur-investissement du vélo pour • Micros réseaux sociaux au sein des clusters des raisons d’image/ communication vs déve- (= mode de transport x temps passé) (cf. loppement de modes réellement au service des Exemple « Fête des voisins dans un TGV ») clients et salariés LA RENTABILITE DES POINTS DE TRANSITION Quelques pistes à l’horizon 2030, où l’on mesure • Le point de stationnement : mise à disposition encore l’importance des innovations technolo- d’une place pour plusieurs clients (aux besoins giques prévisibles ou espérées… et créneaux horaires différents) LES NOUVEAUX SERVICES PUBLICS ou la • Les moyens de déplacement : livraison mobilité revue par la génération Y dans les coffres de voitures garées • Les cartes d’abonnements : En 2030, il y aura des services publics,qui ne seront - Intermodaux, tickets de parking valables plus assurés par l’Etat mais par des particuliers ou dans le métro des communautés de particuliers. - Incitatifs sur les modes alternatifs L’OPEN MOBILITE (ex : parking moins cher pour les vélos La mobilité de demain sera une mobilité décloison- électriques ou si utilisé par plusieurs née (= le moyen de donner de la fluidité extensive) où personnes dans 1 journée) seront tombées les barrières : • Au niveau des entreprises : Blabla Office : partage des bureaux entre les entreprises (10% de son parc ouvert à d’autres entreprises et vice et versa) • Au niveau des flux : Open data généralisé entre tous les acteurs (TC, chauffeurs privés et taxis, individus) • Au niveau des supports : pass universel (entreprises et TC) dans une vision 100% usage (et non gestion de modes de paiement) LA MOBILITE POSITIVE = redonner de la valeur au déplacement : bien-être, utile ou social 156 AMBITION LES SCÉNARIOS DU FUTUR Équipe 1 Équipe 2 Équipe 3 Accompagner le changement, casser les habitudes Mobilité positive, créatrice de valeur économique, qualité de vie, de lien social et respectueuse de l’environnement. La mobilité augmentée : 1. Multi-modale 2. Centrée sur l’usage 3. Créatrice de valeurs CONDITIONS DE SUCCES SOLUTIONS CONCRETES • Budget mobilité • Plateforme unique d’information, de gestion et de suivi : plateforme open data sur mobile • Panoplie de services associés • Applications centralisées pour faciliter l’ergonomie pour le client) et le pilotage (pour l’entreprise) • Un seul ticket pour tout • KPI et retours d’expérience (test&learn) • Accompagnement quotidien et test & learn • Infrastructures adaptées • Télétravail • Plateformes de mobilité : abonnement à des services de mobilité très larges • Dialogues inter-entreprises (norme & mises en commun de ressources) • Expérimenter • Intermodalité/fluidité : cognitive, physique, économique •D isposer d’indicateurs pour piloter : ROI & KPI financiers, DD et humains • Conseiller • Concertation interne avec salariés, bâtir la solution depuis le bas. LES CONVICTIONS Un rôle clé à jouer par l’entreprise, un acteur de changement Nécessité de concevoir la mobilité durable positivement et comme source de création de valeur (vs comme une contrainte) Un rôle clé de data Nécessité d’intégrer les nouvelles technologies et surtout les (big et open) data au service de la fluidité et de la personnalisation des déplacements et gestion du travail. 3 conditions de succès : expérimentation, accompagnement et décloisonnement Pour le Club de la Mobilité Durable, passer du diagnostic (think tank) à l’action /développement de projets pilotes (action tank). 157 Toutes les technologies nouvelles et futures vont caractère absolu de limite indépassable. L’accé- permettre de fluidifier considérablement nos lération semble sans limites ; les dernières puces déplacements. Le numérique et les réseaux de numériques étaient inimaginables il y a deux ans ; communication entraîneront la limitation des tra- il est plus que probable qu’elles seront obsolètes jets quotidiens domicile-travail. à peine commercialisées. En réalité, quand elles arrivent sur le marché, leurs remplaçantes sont Peut-on pour autant, comme le souhaite l’écono- déjà en phase de réalisation opérationnelle. Le miste Philippe Dessertine, « décréter le principe chambardement de tous les repères est la logique du non-déplacement de toute personne réalisant récurrente des spécialistes de ces technologies au l’essentiel de son travail devant un téléphone ou un cœur de nos vies. On les retrouve dans nos véhi- ordinateur » ? (En tout espoir de cause » - Philippe cules, dans nos réfrigérateurs, comme dans les Dessertine – Ed. Anne Carrière – 2014 ). jouets bon marché. C’est un pari qui dépend autant de la volonté des Si les humains du XXIe siècle acceptent de réflé- managers que des souhaits de leurs équipes. chir un instant aux conséquences des innovations Aujourd’hui on en est loin, mais le développement qu’ils voient se développer sous leurs yeux, ils spectaculaire du mode de fonctionnement en ré- peuvent aller jusqu’à « faire tapis », comme on dit seau pousse bon nombre d’entreprises dans cette au poker, ce jeu ayant les faveurs de la jeunesse direction, même si la fin des transports quotidiens contemporaine cherchant le frisson de la ruine, pour tous relève de l’utopie. ou celui de la fortune rapide. « Faire tapis », ce Sur fond de « big data », Philippe Dessertine se veut serait tout jeter à bas : les villes dans lesquelles résolument optimiste : nous habitons, les conditions dans lesquelles nous travaillons, une grande partie des emplois pour les- « Les méninges des gamins du XXIe siècle ne se quels nous sommes formés, une part plus grande développent plus comme celles de leurs aînés… encore des objets que nous consommons, que d’il y a quinze ou vingt ans. Ce sont des mutants, nous avons désirés mais qui soudain sont devenus au sens propre ! brocantes surannées. Le recours aux outils du numérique dès le plus « Management agile », telle est la dénomination de la jeune âge modifie le développement des différents gestion innovante des entreprises ressemblant aux lobes du cerveau, transforme la mémoire, change jeunes du nouveau millénaire, celles qui montent au les séquences de l’évolution de la personnalité. Les firmament des marchés boursiers. On y vient par vieux n’y entendent rien. Le monde nouveau sera plaisir, on y travaille comme on y consacrerait ses d’abord celui de ces générations-là, de celles qui loisirs. La banque Goldman Sachs à New York, couvent sous les projecteurs géants d’Internet et de construisant son nouveau site sur Ground Zero, les la 2.0 stimulation. Et encore, nous n’avons rien vu… ruines du siècle passé, cherche à imiter les locaux Les technologies évoluent à chaque seconde, de Google. Même la finance s’y met… Pas le choix, repoussant les frontières un peu comme si, tous si elle veut capter les individus brillants pour qui les les dix ans, la vitesse de la lumière perdait son bonus ne sont plus l’unique finalité. 158 Pour l’exercice, essayons-nous à celui du coup de Que dit ce scénario noir ? En gros, que les progrès balai, sorte d’onde atomique, d’explosion générale, technologiques et les gains de productivité sont en déclinant certaines des conséquences de cette beaucoup plus faibles que prévu. nouvelle organisation, si d’aventure l’espèce hu- Le quotidien « Le Monde », daté du 2 septembre maine se décidait à vraiment tirer les conséquences de 2014, expliquait, sous la plume de Claire Guélaud, l’état de ses connaissances actuelles. Supprimés : pourquoi le manque d’innovation menace désor- l’empilage dans les gratte-ciel, la définition même mais la croissance et donc, très directement, l’ave- de l’espace urbain généralisé aujourd’hui à la totalité nir de la mobilité durable. de la planète, les autoroutes, les réseaux de transport quotidiens, les hypermarchés, l’ensemble des métiers tournant autour du déplacement des personnes ; les hiérarchies des objectifs ; les questions de l’énergie, de la construction, de l’équipement. On compare ? Quand le moteur est arrivé dans les campagnes au début du XXe siècle, cela a été la fin de la force animale pour les travaux des champs et les transports de biens, la fin de tous les métiers qui s’y rattachaient ; et aussi l’augmentation de la taille des exploitations, le moins grand nombre de personnes employées, les destinées autrefois écrites des enfants qui, du jour au lendemain, se sont retrouvées changées du tout au tout. Nous trouvions pourtant émouvant de lire les Lettres de mon moulin, de regarder des films de Pagnol, d’observer des photos de Jacques Henri Lartigue… Eh bien, la même chose nous attend, à la puissance 10, à la puissance 100. » Qui ne souscrirait au scientisme euphorique de Philippe Dessertine ? Qui n’a pas envie de croire que les nouvelles technologies auront réglé ou considérablement amélioré, en 2030, les grandes problématiques du travail et des déplacements ? Cet optimisme s’est trouvé sérieusement tempéré, à l’automne 2014, par les conclusions du rapport que le Conseil d’Analyse Economique (CAE) a remis au premier Ministre Manuel Valls. 159 Un faible effet de l'ordinateur et de l'Internet sur la productivité du travail HAUSSE ANNUELLE MOYENNE DE LA PRODUCTIVITÉ DE L'HEURE DE TRAVAIL DEPUIS 1891, EN % Etats-Unis Zone euro Japon 8 L'essor du machinisme, facilité par une énergie abondante et peu chère (le pétrole), entraîne un choc de productivité précoce aux Etats-Unis et qui culminera au Japon avec des hausses annuelles de 7,5 %. 7 6 5 La révolution des technologies de l'information et de la communication n'a pas produit d'effet massif sur la productivité du travail. Seule l'Amérique a fait un bond productif pendant les années 1980 et 1990. 4 3 2 1 0 1891 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2012 Source : Gilbert CETTE 160 UNE PRODUCTIVITÉ DE 0,7 % PAR AN « Les controverses sur le progrès technique ne datent pas d’hier. Elles sont aussi anciennes que l’écono- Quelques chiffres, empruntés à un récent travail mie. Mais elles se sont ravivées ces dernières années de Natixis, donnent la mesure du phénomène. car le ralentissement des gains de productivité est tel, Sauf aux Etats-Unis, la productivité du travail, que depuis un demi-siècle, que l’on peut se demander si ce soit la productivité par tête ou la productivité le progrès technique est menacé d’épuisement. horaire, décline depuis le milieu des années 1960. Pour les économistes, qui en débattent, comme A cette époque, elle augmentait de plus de 3,5 % pour les responsables politiques, souvent portés à par an en Allemagne, en France et en Espagne, se mettre la tête dans le sable, toute la question est elle ne progresse plus actuellement que de 0,71 % de savoir s’il y aura – ou non – une nouvelle grande dans ces deux premiers pays et de 0,62 % en vague d’innovations technologiques susceptibles Espagne. Seule la première économie mondiale de redresser la croissance dans les prochaines tire son épingle du jeu. Les gains de productivité années. L’avenir ne s’écrira pas de la même façon y ont augmenté, passant de + 1,56 % par an dans selon la réponse. les années 1960-1970, à + 2,09 % par an depuis 2000, à la faveur de la vague des technologies de Le CAE a jugé le sujet suffisamment sérieux pour l’information et de la communication. y consacrer son prochain rapport. Sobrement intitulé « Croissance potentielle », ce document a LE PIRE N’EST PAS CERTAIN été rédigé par trois auteurs : Patrick Artus, chef économiste de Natixis, Cecilia Garcia-Penalosa, Le scénario d’une croissance potentielle durable- chercheur à l’université d’Aix-Marseille et au CNRS, ment faible n’est toutefois pas le plus sûr. Certains spécialiste des questions d’inégalités et de marché biais peuvent être corrigés, qui devraient conduire à revoir la progression du produit intérieur brut du travail, et Pierre Mohnen, professeur à l’univer- (PIB) à la hausse. sité de Maastricht et spécialiste de l’innovation et de la R & D. Les statisticiens, par exemple, admettent aisément qu’ils sous-estiment le PIB faute de savoir mesurer « Nous sommes à la fin d’un cycle de vingt-cinq la qualité des services procurés par les nouvelles ans lié à la diffusion des technologies de l’informa- technologies. Ils s’y emploient, notamment à l’In- tion et de la communication (TIC). see, mais ce travail prendra vraisemblablement du temps. Contrairement à ce que l’on imagine, les gains de productivité associés à ce cycle ont été assez Autre sujet en débat : y a-t-il ou non dans les faibles en comparaison de ceux liés à la deuxième tuyaux des nouvelles technologies susceptibles de révolution industrielle, celle de l’électricité, du mo- redresser la productivité de l’économie ? Sur ce teur à explosion, du développement de la chimie, point central, les avis divergent. qui a duré soixante-quinze ans », observe aussi Gilbert Cette, professeur à l’université d’Aix-Mar- L’Américain Robert Gordon, auquel on doit d’avoir seille et l’un des spécialistes français de ces sujets. établi que la révolution des TIC a eu des effets bien 161 plus modestes que la deuxième révolution industrielle, ne croit pas à une prochaine grande vague technologique aux Etats-Unis, du moins à une vague suffisamment puissante pour aller à l’encontre du ralentissement tendanciel de la productivité. A l’heure des nanotechnologies, de nombreux industriels et économistes sont en désaccord avec cette vision. Ils la jugent par trop pessimiste et pensent qu’elle ne tient pas compte des promesses que recèlent les nanotechnologies. « Nous sous-estimons la portée potentielle des innovations technologiques à venir. Dans les dix ans qui viennent, la puce en 3D va s’imposer. Ce sera un tournant majeur et il aura des effets sur la productivité même si cette diffusion prendra, comme toujours, un certain temps », analyse M. Cette. Pour les pays de la zone euro, France en tête, ce chercheur veut donc croire à l’existence d’un bon scénario : « Celui du rattrapage du retard européen dans la mobilisation des nouvelles technologies, combiné à l’arrivée d’une nouvelle vague de progrès technique. S’ouvrirait alors, dans l’Union européenne, une longue période de productivité assez dynamique. » Mais attention ! Pour en profiter, assurent aussi bien Gilbert Cette, Patrick Artus ou le CAE dans ses publications récentes, la France doit s’atteler d’urgence aux réformes structurelles susceptibles de dérigidifier son économie et d’inciter les chefs d’entreprise à prendre davantage de risques. Dans un pays où quelque 100 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, le niveau de formation de la population active doit aussi être relevé. Faute d’un tel effort, la France raterait le coche et s’appauvrirait. (Claire Guélaud - « Le Monde » - 2 septembre 2014). 162 QUELQUES PISTES ET PREMIèRES CONCLUSIONS : propulsion de 2030, compte tenu des bonds Au terme de ce Livre Blanc, on peut proposer technologiques attendus en matière d’auto- quelques pistes de réflexions ouvrant des perspec- nomie des batteries et d’énergie tives pour 2030… solaire (photovoltaïque et éolienne). Le pari de l’électrique est un pari 1. En 2030, « l’objet automobile » sera toujours présent. « technologique ». Il dépend bien sûr des Il s’agira bien sûr d’une autre automobile. choix de société. Ces choix stratégiques Elle sera toujours connectée et souvent sont avant tout politiques. Ils sont aussi, autonome. C’est son usage et son mode voire plus influents, que les ressources d’utilisation qui auront considérablement et la technologie. changé. 8. Le télétravail sera généralisé. Il se combinera avec une pratique 2. Le Covoiturage sera omniprésent. répandue du partage de bureaux entre 3. L’Autopartage sera en plein essor. grandes entreprises. C’est un marché d’ailleurs très prometteur 9. Les tiers-lieux se seront multipliés pour les constructeurs. Dès 2020, il pourrait représenter jusqu’à 15 millions d’utilisateurs – et le bureau fixe, sans avoir disparu, ne en Europe et 240 000 véhicules dont un tiers concernera qu’une petite partie des salariés. de véhicules électriques… 10. L’ordinateur portable 4. Le vélo prendra une dimension nouvelle aura peut-être disparu. On se connectera dans les « Smart Cities ». sur n’importe quel écran tactile public Classique ou à propulsion électrique, il sera ou privé avec un code personnel. omniprésent et complémentaire. 5. L’Interopérabilité sera généralisée. Tous les titres de transports seront compatibles avec les moyens de paiement électroniques généralisés. Une sorte de « pass navigo universel » devrait permettre d’utiliser tous les moyens de transport du futur. 6. Le smartphone (ou son successeur) sera le centre de pilotage de toute mobilité. 7. L’énergie électrique sera dominante. Pour l’automobile, le scooter, le vélo ou le tramway, c’est sans doute le mode de 163 En 2030, le monde du travail aura totalement - de nouvelles formes d’organisations issues de changé. réseaux sociaux, reposant sur des sciences et techniques comme les game design, les neu- L’actuelle génération Y (et celle qui va suivre) sera rosciences, la psychologie du flow, etc. ; aux commandes. Il lui faudra sans doute adopter les comportements et les savoirs décrits par Sandra - un monde globalement connecté dans la Enlary et Olivier Charbonnier dans leur livre : « A quoi prolongation de la globalisation que nous ressemblera le travail demain ? » - (Ed. Dunod) – : connaissons déjà ». « Fin 2011, l’Institute for the Future de l’Université Toute prospective a ses limites. Et la seule loi de de Phoenix (IFTF – Palo Alto, Etats-Unis) réunissait l’histoire, c’est la surprise. plusieurs experts pour se pencher sur les com- Avant de formuler quelques propositions, il faut pétences professionnelles qui seront nécessaires évoquer les quatre grands freins qui peuvent ralen- en 2020. Pour ce faire, ce groupe de chercheurs tir ou faire bifurquer le changement vers une vraie a identifié six thèmes majeurs de changements mobilité durable ; (drivers of change) qui leur ont permis ensuite de proposer dix compétences clés pour les futurs tra- • le poids des incertitudes économiques - que vailleurs. seront les investissements et les financements si nous devons vivre 15 années de croissance En 2020, les six « drivers » du changement sont faible ou de croissance zéro ? les suivants : • Le poids des habitudes… • une très grande longévité et donc une réorganisation des idées de carrière, vie de famille, • Le poids des lobbys… éducation… Mais aussi un impact énorme sur les services et les produits demandés à • Le poids des incertitudes technologiques la société ; Et cette question clé : • l’émergence de machines et systèmes intel- Les NTIC tiendront-elles leurs promesses en 2030 ? ligents (smart) totalement intégrés à toute forme de production ou présents dans tous les domaines de la vie. Ceci amenant aussi à poser la question de la valeur ajoutée des hommes dans le travail par rapport à ces machines « parfaites » ; • un monde « computationnel » où tout sera transformé en données : notre travail comme notre vie personnelle ; • une nouvelle écologie des médias avec des questions autour de l’identité virtuelle, l’ubiquité, la surveillance, le réel, etc. ; 164 165 166 VOICI DONC 10 PROPOSITIONS : PROPOSITIONS DU CLUB DE LA MOBILITÉ DURABLE 1 / CRÉATION D’UNE MUTUELLE MOBILITÉ : Elle consiste à créer une « caisse commune » alimentée par une cotisation des salariés et un abondement de l’employeur. Elle permettrait de financer toute nouvelle solution de mobilité et concernerait l’ensemble des salariés. Elle dynamiserait le recours aux solutions durables, soutiendrait les bas revenus en facilitant le recours à d’autres solutions que le Au delà de ces pistes et en guise de conclusion, recours à sa voiture personnelle et valoriserait les le « LIVRE BLANC DE LA MOBILITÉ DURABLE » comportements vertueux. formule un certain nombre de revendications fortes sous forme de demandes précises adressées aux 2 / BONUS DÉ-MOBILITÉ PAR LE TÉLÉTRAVAIL : pouvoirs publics (Etat, Régions, Collectivités locales) complétées par quelques propositions-suggestions Afin d’encourager le télétravail à la carte : défiscalisa- aux entreprises. tion partielle des cotisations patronales et salariales pour les entreprises qui favoriseraient ce phénomène Ces revendications-propositions validées par Athlon, pour l’instant marginal. Exemple : dans les secteurs Ubeeqo et Regus nous semblent incontournables d’activité où c’est possible, les entreprises concer- pour réussir le pari de la Mobilité à l’horizon 2030. nées mettraient en place 20 jours de télétravail par an et par salarié éligible (1 jour tous les 15 jours) La plupart d’entre elles concernent la fiscalité. au domicile ou dans un tiers-lieu. Bonus : moins de Comme dans tous les pays d’Europe engagés dans charges sociales pour chaque salarié qui respecte cet effort, la fiscalité reste le levier le plus puissant et ses 20 jours de télétravail par an. le plus efficace. En région parisienne, on estime que si 20% des Rappelons, par exemple, qu’aux Pays-Bas la cadres sont candidats au télétravail, on réduit le voiture de fonction premium d’un cadre supérieur nombre de bureaux au profit des open-spaces et est taxée à 16 000 euros par an si l’automobile on réduit de 2% le trafic routes et rail. Plus d’un mil- dépasse le seuil des 100 grammes de CO2. lion de personnes empruntent chaque jour le RER Du coup , les flottes de voitures hybrides et hybrides- A. On a vu fin janvier 2015 le cauchemar engendré rechargeables se multiplient. par l’arrêt et la saturation du trafic …. 167 3 /MUTUALISER ET OUVRIR LES DONNÉES DE MOBILITÉ Cette proposition est reprise du rapport Lemoine sur la « transformation numérique » de l’économie française remis au gouvernement à l’automne 2014. « L’exploitation des données est aujourd’hui rendue difficile du fait de la multitude d’acteurs. La mutualisation de ces données de mobilité permettrait de mieux comprendre les usages et de créer de nouveaux services pour optimiser les parcours : espace de travail, infrastructure, parking, habitat, lieu de vente… ». Les professionnels de l’autopartage ne peuvent lancer une offre de « dépossession des véhicules » à Paris que si la Mairie contraint le groupe Bolloré (à qui elle a accordé une délégation de service public) à donner accès aux données d’Autolib. Même chose pour Vélib (groupe JC Decaux). Ouvrir les systèmes de réservation et d’abonnement dans un cadre légal permettrait l’interopérabilité et la standardisation des données. C’est l’étape indispensable pour installer des plateformes multimodales permettant l’accès (avec un même Pass) à la SNCF / RATP / Autolib / Taxis/ VTC/Loueurs classiques/autopartage de véhicules thermiques et électriques. 168 4/ CRÉATION D’UN « PASS MOBILITÉ UNIVERSEL » : On pourrait imaginer le « Pass Navigo » actuel de 7h à 9h et de 17h à 19h. Hors ces heures de pointe, le Proposition également inspirée du rapport Lemoine. « Pass Navigo » serait vendu 30% moins cher. Lancer un « pass mobilité universel » pour permettre Là encore, toutes les entreprises et toutes les villes à chaque individu, quelle que soit sa situation de ne sont pas concernées mais, en région parisienne mobilité, de se déplacer d’un point A à un point B et dans les grandes métropoles, les pics d’affluence sans discontinuité de son parcours grâce à : seraient réduits, tout comme leur coût humain et • Un billet unique utilisable partout en France financier. avec un système de paiement intégré 6/ CRÉATION D’UN « CRÉDIT MOBILITÉ » : au mobile. Aujourd’hui, l’entreprise prend en charge 50% du • Des services accessibles sur mobile « Pass Navigo ». La création d’un « crédit mobilité » enrichissant son trajet. avec un cadre fiscal précis permettrait de proposer • Une information contextuelle lui permettant une autre forme de mobilité. Ce crédit prendrait la d’arbitrer en faveur du mode de transport forme d’une enveloppe budgétaire à dépenser sur de son choix, et générée à partir d’une une plateforme multimodale agrégeant plusieurs exploitation des données des opérateurs de acteurs et plusieurs types de transport. transport et de la communauté d’utilisateurs. Il faut pour cela déplafonner les exonérations de La dynamique du projet implique : charges pour ceux qui choisissent métro, Vélib ou Autolib et pour l’entreprise qui les emploie. • Le billet dématérialisé unique qui nécessite de régler la question de l’interopérabilité L’Etat pourrait d’ailleurs donner l’exemple en allant des systèmes de la plupart des acteurs au-delà du « Pass Navigo » avec un « Pass Mobilité » de transport, conduisant aux plateformes multimodales. • L’application des services géolocalisés et d’informations contextualisées 7/ CRÉATION DES « HUBS DE LA MOBILITÉ » : qui reposent sur le Big Data. Pour renforcer et faciliter le covoiturage et donc décongestionner le trafic, nous 5/ CRÉATION D’UN « PASS-FLUIDITÉ » : recommandons la mise en place d’un système de parkings relais Proposition adressée aux opérateurs publics et gratuits en amont et en aval des axes les plus privés de transport. fréquentés (cinq à six grands axes autour de Paris, Lyon ou Marseille). Partant du principe toujours vérifié que les transports en communs sont bondés aux heures de pointe et Les automobilistes y déposeraient leurs voitures avant quasiment vides aux heures creuses, création d’un d’être récupérés par d’autres automobilistes…. « Pass Heures creuses » ou « Pass Fluidité » qui Une automobile en covoiturage peut remplacer coûterait évidemment moins cher à l’usager. quatre voitures. 169 170 Exemple : Entre Rambouillet et Paris (56 kms), un Exemple : une entreprise met à disposition une parking relais à Versailles, sur le modèle du hub, partie de sa flotte le soir et le week-end pour ceux accueillerait les candidats au covoiturage. Ensuite, la qui résident dans son secteur géographique. voiture choisie filerait vers Paris en bénéficiant d’une On peut aussi envisager une incitation plus « punitive » : voie spécifique avec autocollant sur le pare-brise Toutes les entreprises de plus de 100 véhicules sur indiquant qu’elle est passée par le hub et qu’elle un seul et même site ont l’obligation de partager transporte d’autres salariés. Arrivé Porte d’Auteuil, 5 à 10% de leur flotte. le covoituré peut poursuivre en bus, métro, RER, Autolib ou Vélib. Trajet plus rapide à coût réduit. 9/ le PROMOUVOIR AU PIED DES IMMEUBLES : Circulation plus fluide. Les promoteurs ont aujourd’hui l’obligation de Le financement de ces hubs pourrait été assuré par construire des places de parking au sous-sol ou à les Régions qui ont tout à gagner à la généralisation l’extérieur de leurs immeubles. du covoiturage. Cette obligation pourrait être modulée : en la ré- 8/ INITIER ET IMPOSER L’AUTOPARTAGE : duisant de 20%, soit par exemple pour 20 places de parking en moins, le promoteur proposerait L’initiative doit être prise par l’entreprise et portée 10 voitures en autopartage. par l’Etat à travers une fiscalité réduite. L’objectif est d’inciter les salariés à choisir une autre solution que la place de parking. 10/L’ENCOURAGER AUPRÈS DES FLOTTES DES COLLECTIVITÉS LOCALES : Ce pourrait être un abonnement à une plateforme Les flottes des collectivités locales et des très multimodale payée par l’entreprise. grandes entreprises sont inutilisées le soir et le week-end. Pourquoi ne pas les partager ? Concrètement, l’entreprise dont le salarié renoncerait à sa voiture au profit de l’autopartage verrait Si toutes les collectivités proposaient seulement 10% ses cotisations patronales diminuées au prorata du de leur flotte en partage moyennant un abonnement nombre de salariés concernés. modeste, tout le monde y gagnerait, même si cette formule entre en concurrence avec les loueurs Et le salarié qui renoncerait à sa voiture et donc à sa du week-end dont les formules et les acteurs se place de parking au profit de l’autopartage verrait, multiplient. lui aussi, baisser ses cotisations salariales. C’est à l’Etat de supporter cet effort financier comme il le fait lorsqu’il prend en charge les bonus des véhicules électriques. Effort compensé par une plus grande fluidité du trafic, des bouchons réduits et donc moins d’argent public dépensé. Tout véhicule partagé verrait sa fiscalité allégée (TVA et/ou TVS). 171 BIBLIOGRAPHIE : 172 Sandra Encart et Olivier Charbonnier Mathieu Pigasse « A quoi ressemblera le travail demain ? » « Révolutions » Dunod - 2013 Plon - 2012- Frédéric Denhez Georges Amar « La fin du tout-voiture » « Homo mobilis » Actes Sud - 2013 FYP - 2011 Frédéric Denhez Christophe Barge et Thierry Solère « Quelle France en 2030 ? » « La ville de demain » Armand Colin - 2009 Cherche Midi - 2014 Jean Viard Philippe Gerber et Samuel Carpentier « Éloge de la mobilité » « Mobilités et modes de vie » L’Aube - 2014 PUR - 2013 David Lacombled Yasmine Abbas « Manifeste pour une citoyenneté numérique » « Le néo-nomadisme » Plon - 2013 FYP - 2011 Bruno Marzloff Jean-François Fogel et Bruno Patino « Sans bureau fixe » « La condition numérique » FYP - 2013 Grasset - 2013 Franck Cazenave Gilles Finchelstein « Stop Google » « La dictature de l’urgence » Pearson France - 2014 Fayard - 2011 Philippe Dessertine « Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques » « En tout espoir de cause » Anne Carrière - 2014 Sénat - Juin 2014 Jean Pisani-Ferry « Quelle France dans dix ans ? » « Rapport du Conseil d’Analyse Economique » Rapport de France Stratégie - Fayard - 2014 Paris - Septembre 2014 173 Préface .. . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Introduction . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 1 – De l’automobile à la mobilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 a) Nouvelles pratiques, nouveaux comportements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 b) Quelle énergie en attendant demain ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Diesel : une mort programmée ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 En attendant l’électrique pour tous… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Essence : une nouvelle vie commence… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Hydrogène : le carburant du futur ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 c) Comment roule-t-on en ville ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Paris asphyxié, mais bientôt libéré .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 A bicyclette : la déferlante du vélo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 SOMMAIRE 174 2 – Quelle mobilité en 2030 ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 a) C omment va-t-on se déplacer dans 15 ans ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Génération Y : « autonomie, technologie, partage » .. . . . . . . . . . 41 Le rôle central des générations Y et Z . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 b) Les énergies en 2030. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 Pétrole : l’interminable débat .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 Bio-carburants : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 l’une des composantes du mix énergétique Electrique : vers l’autonomie et sans le nucléaire .. . . . . . . . . . . . 61 Hydrogène : déjà commercialisé .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 Gaz naturel : la route est longue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 c) Les véhicules en 2030 .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Moins d’automobiles, mais toujours des auto-mobiles .. . . . . . 72 Voiture connectée : sécurité et fluidité .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Voiture autonome : sur toutes les routes en 2030 ? . . . . . . . . . . . . 77 De la voiture autonome au véhicule aérien .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 Un monde sans véhicule de fonction ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 d) Quelles villes en 2030 ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 3 – Comment va-t-on travailler dans 15 ans ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 a) Quels bureaux en 2030 ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 b) ET En France, comment prépare-t-on 2030 ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 Quelques pistes et premières conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 4 – PROPOSITIONS DU CLUB DE LA MOBILITÉ DURABLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 Bibliographie et annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 175 Création Les Ateliers Corporate/Studio des Plantes Athlon - RCS 572 063 972 Personne à contacter Gérard de Chalonge 01 56 63 25 79 [email protected]