Imperial Tobacco

Transcription

Imperial Tobacco
Déduction refusée pour des montants versés aux
employés contre des options d’achat d’actions dans
le cadre d’une opération de fermeture du capital
(affaire Imperial Tobacco)
Dans l’affaire Imperial Tobacco Canada Limited v. The Queen1, la Cour canadienne de l’impôt (CCI) a conclu que les
paiements effectués par Imperial Tobacco à ses employés en vue d’éliminer un régime d'options d'achat d'actions (ROAA)
destiné aux employés dans le cadre d’une opération de fermeture du capital d’une société étaient à porter au compte du
capital et n’étaient donc pas déductibles. Le tribunal a établi une distinction avec une décision antérieure de la CCI qui
mettait en cause une même opération de fermeture dans le cadre de laquelle le paiement fait par la société Shoppers Drug
Mart avait été déclaré comme étant déductible.
Faits
Imperial Tobacco est la société ayant remplacé Imasco Limited (Imasco) à la suite d’une fusion. Imasco était, jusqu’en
2000, une société publique canadienne. En 1999, British American Tobacco p.l.c (BAT) détenait indirectement 42,5 % des
actions ordinaires en circulation d’Imasco. Le ROAA était offert depuis 1983 et il a été utilisé pour proposer aux employés
qui détenaient des options acquises de les exercer contre de l’argent et de faire ainsi l’acquisition d’actions d’Imasco.
En mars 1999, BAT s’est adressée à Imasco pour discuter d’une opération de fermeture de capital dans le cadre de laquelle
BAT ferait l’acquisition de la totalité des actions d’Imasco qu’elle ne détenait pas déjà. Le 7 juin 1999, un communiqué a été
publié dans lequel il était confirmé que des discussions étaient en cours concernant ce type d’opération. Le 2 août 1999,
une entente sur l’opération projetée a été conclue en vertu de laquelle une filiale canadienne de BAT (BATCA) ferait
l’acquisition de la totalité des actions ordinaires d’Imasco qui n’appartenaient pas en propre à BAT et à ses filiales.
Entre-temps, le 9 juin 1999, Imasco a modifié son ROAA pour permettre aux employés de faire le choix de les céder pour
une somme au comptant plutôt que de les exercer. Si l’employé choisissait cette option, il recevait un paiement au comptant
égal à la différence entre la valeur au marché d’une action ordinaire d’Imasco et le prix d’exercice de l’option.
Conformément à l’entente sur l’opération projetée, Imasco a convenu :
d’encourager les détenteurs d’options en vertu du ROAA d’exercer ou de céder leurs options avant la clôture de
l’opération de fermeture du capital (soit le 28 janvier 2000); et

que l’acquisition des options non acquises serait accélérée de sorte que la totalité des options en circulation puisse être
exercée avant la clôture de l’opération (l’accélération était néanmoins conditionnelle à la réalisation de l’opération).

Le 28 janvier 2000, l’opération a été approuvée dans le cadre d’une assemblée extraordinaire des actionnaires. Le même
jour, la totalité des options d’achat d’actions émises en vertu du ROAA a été exercée ou cédée. Les employés ayant cédé
leurs options reçurent des paiements en argent d’Imasco totalisant 118 575 528 $. Imasco a en fait versé aux employés qui
avaient cédé leurs options pour une somme au comptant un montant majoré pour tenir compte de la perte subie par
l’employé de la déduction prévue à l’alinéa 110(1)d) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi).2
1. 2010 TCC 6482. Ce jugement a été rendu le 21 décembre 2010.
2. L’alinéa 110(1)d) accorde au détenteur d’une option d’achat d’actions admissible une déduction de 50 % dans le calcul de son revenu,
ce qui fait en sorte que l’avantage au titre des options est imposé sur une base équivalente à un gain en capital. Dans les
circonstances, il semble qu’on ait craint que la déduction ne soit pas disponible.
Le 21 janvier 2011
2
Position du contribuable
Imasco a déduit ce montant dans le calcul de son revenu
d’entreprise pour son année d’imposition 2000, en
présumant que ces sommes ont été versées pour
s’acquitter des obligations qu’elle avait à l’égard de ses
employés en vertu du ROAA, lesquelles provenaient des
ententes de rémunération qu’elle avait conclues avec ses
employés, et qu’il devrait simplement pouvoir être déduit à
titre de coût de faire des affaires.
Position du ministère
Le ministère a refusé la déduction en vertu de l’alinéa
18(1)b) de la Loi. Celui-ci a fait valoir que les paiements
ont été faits pour éliminer le ROAA en prévision de
l’opération de fermeture de capital de sorte qu’ils
constituaient un élément de capital et qu’ils ne pouvaient
être déduits dans le calcul du revenu d’entreprise
d’Imasco.
Décision
La CCI a rejeté l’appel du contribuable. La CCI a examiné
la jurisprudence pertinente. Dans Kaiser Petroleum Ltd.
v. The Queen (90 DTC 6603), la Cour d’appel fédérale
(CAF) avait affaire à une situation dans laquelle des
paiements ont été faits par une société canadienne de
façon à inciter ses employés à céder leurs options d’achat
d’actions (y compris les options qui ne leur étaient pas
encore dévolues) dans le cadre de la vente de ses actions
par son actionnaire contrôlant. Dans ce cas, même si le
juge d’instruction a conclu que le montant était déductible
à titre de rémunération versée aux employés, la CAF a
établi qu’en dépit du fait que la rémunération était la
raison d’être de la mise en œuvre du régime d’options
d’achat d’actions, le versement de primes était un moyen
de remodeler la structure en capital de l’entreprise et donc
que les paiements versés pour la cession des options
étaient au titre du capital.
Dans l’affaire Shoppers Drug Mart3, les faits pertinents
étaient les suivants. Shoppers Drug Mart était une filiale
d’Imasco au moment de l’opération de fermeture de
capital. Ses employés détenaient des options d’achat
d’actions d’Imasco. Comme pour les employés d’Imasco,
les employés de Shoppers Drug Mart ont été invités à
exercer ou à céder leurs options pour faciliter l’opération
3. Shoppers Drug Mart Limitée c. la Reine, 2008 DTC 2043.
de fermeture du capital. Puisque les options pouvaient
être exercées sur des actions d’Imasco, les employés qui
ont cédé leurs options ont reçu un paiement de la part
d’Imasco.
Le différend dans l’affaire Shoppers Drug Mart était le
caractère déductible du paiement que Shoppers Drug
Mart était tenue de faire à Imasco pour lui rembourser les
montants qu’elle avait versés aux employés de Shoppers
Drug Mart qui ont cédé leurs options. La CCI (par
l’entremise de son juge en chef Bowman) a indiqué
qu’elle a commencé par la présomption suivant laquelle
un montant versé par un employeur à un employé pour la
cession de ses options en vertu d’un régime d’options
d’achat d’actions serait simplement considéré, en temps
normal, comme un élément de la rémunération de
l’employé et comme un coût de faire des affaires en vertu
de l’article 9 de la Loi. Le tribunal a poursuivi sa réflexion
en affirmant qu’un paiement à des employés qui sont des
détenteurs d’options ne doit pas devenir un élément de
capital tout simplement parce qu’il a été versé dans le
cadre d’une restructuration d’entreprise de la société
mère et dans le but de permettre à BAT de faire
l’acquisition de la totalité des actions de la société mère.
La CCI a établi une distinction dans cette affaire avec les
faits de l’affaire Kaiser au motif que le réaménagement
de la structure organisationnelle d’Imasco n’empiétait
aucunement sur la structure organisationnelle de
Shoppers Drug Mart.
Dans l’affaire Imperial Tobacco, la CCI a établi une
distinction avec l’affaire Shoppers Drug Mart en
précisant que la structure du capital d’Imasco elle-même
(comme dans l’affaire Kaiser) a fait l’objet d’une
restructuration. Par conséquent, même si le tribunal avait
été en mesure de distinguer l’affaire Kaiser de l’affaire
Shoppers Drug Mart qui lui était antérieure, cela n’était
pas possible dans cette nouvelle affaire. La CCI a
également soutenu que même si les options faisaient
partie de l’ensemble de la rémunération, il était
nécessaire d’évaluer « […] l’effet envisagé de la dépense
d’un point de vue pratique et commercial […] ». Le
tribunal a estimé que le choix du moment dans la
modification du ROAA et le fait que la dévolution
accélérée était conditionnelle à la réalisation de
l’opération de fermeture du capital ne laissait subsister
aucun doute véritable quant à l’objectif de la dépense,
laquelle devait faire en sorte qu’il ne reste plus d’options
en vigueur après l’opération de fermeture du capital.
3
Commentaires de PwC
Le résultat obtenu dans l’affaire Imperial Tobacco est
difficile à concilier avec le résultat obtenu dans l’affaire
Shoppers Drug Mart, surtout parce que les paiements en
question provenaient d’une même opération de fermeture
du capital. En outre, il est permis de croire qu’il ne
concorde pas avec certains autres jugements (lesquels
ont été cités à la CCI dans l’affaire Imperial Tobacco)
dans lesquels les tribunaux ont adopté un point de vue
pratique et réaliste des dépenses engagées par les
sociétés ouvertes.4 Sans aucun doute qu’il y aura appel
de ce jugement.
Il est devenu une pratique courante pour les sociétés
publiques de permettre à leurs employés de choisir de
céder leurs options d’achat d’actions pour une somme au
comptant plutôt que de les exercer. L’ARC était d’avis
qu’à tout le moins lorsque l’option était cédée en temps
normal (lorsqu’il n’y avait pas d’offre publique d’achat ni
d’autre forme d’opération d’achat), la société pourrait
obtenir une déduction pour l’argent versé en contrepartie
des options qui lui sont cédées, et qu’en même temps, les
employés pourraient demander la déduction de 50 %
prévue à l’alinéa 110(1)d).5
Le budget fédéral du 4 mars 2010 a instauré de nouvelles
règles6 qui permettent à un employé qui cède des options
d’achat d’actions contre de l’argent de demander la
déduction de 50 % prévue à l’alinéa 110(1)d) uniquement
si l’employeur choisit de ne pas demander de déduction
pour cet argent versé à l’employé. Le choix doit être
produit auprès de l’ARC.
Dans le budget fédéral de 2010, les changements
apportés aux règles sur les options d’achat d’actions
soulèvent un dilemme pour une société qui est dans une
situation comparable à celle d’Imperial Tobacco. La
société peut souhaiter se garder la possibilité de
demander la déduction et, dans ce cas, elle ne produirait
pas le choix de renoncer à toute déduction. Par
conséquent, les employés ne seraient pas admissibles à
la déduction prévue à l’alinéa 110(1)d). Toutefois, si la
demande de déduction du montant versé par l’employeur
est refusée en fonction du raisonnement qui se trouve
dans Imperial Tobacco, alors l’employeur ainsi que
l’employé sont perdants. Cette question devrait être
réglée en fonction de chaque cas.
Pour en savoir davantage
Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez
contacter les personnes suivantes ou votre conseiller
chez PwC.
Denis Langelier
Jean-François Drouin
514 205-5270
[email protected]
418 691-2436
[email protected]
Tax News Network (TNN) permet à ses membres
d’avoir accès à de l’information canadienne et
internationale, à des analyses et à des renseignements
inédits pour les aider à prendre des décisions fiscales et
commerciales éclairées. À vous de l’essayer!
www.ca.taxnews.com
4. Les affaires comme celle de la Boulangerie St-Augustin c. R,
95 DTC 164 (CCI), confirmée par 97 DTC 5012 (CAF),
International Colin Energy Corp. c. la Reine, 2002 DTC 2185
(CCI) et BJ Services Company Canada c. la Reine, 2004 DTC
2032 (CCI).
o
5. Voir le bulletin Impôt sur le revenu – Nouvelles techniques n 7,
21 février 1996 dans lequel l’ARC a confirmé que la déduction
était disponible à la condition que ce soit l’employé qui puisse
choisir de recevoir le paiement.
o
6. Ces règles sont comprises dans le projet de loi C-47, Loi n 2
portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au
Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d’autres
mesures, lequel a reçu la sanction royale le 15 décembre 2010.
© 2011 PricewaterhouseCoopers LLP/s.r.l./s.e.n.c.r.l. Tous droits réservés. Dans le présent document, « PwC » s’entend de PricewaterhouseCoopers
LLP/s.r.l./s.e.n.c.r.l., une société à responsabilité limitée de l’Ontario, membre de PricewaterhouseCoopers International Limited, chacune étant une entité
distincte sur le plan juridique.
PricewaterhouseCoopers LLP/ s.r.l./s.e.n.c.r.l. a préparé la présente publication pour informer les lecteurs des derniers développements à la date de
publication. Le texte ne constitue pas une analyse définitive de la loi et ne saurait remplacer non plus les conseils professionnels. Les lecteurs devraient faire
appel à leurs conseillers professionnels pour déterminer comment l’information peut s’appliquer à leur situation. La présente publication ne peut être affichée ou
imprimée que si elle est destinée à un usage personnel et non commercial et est reprise intégralement (incluant tout avis de droit d'auteur et autre droit de
propriété). Toute reproduction non autorisée est strictement interdite.