Comment gérer au quotidien agitation, violence et fugues en service
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Comment gérer au quotidien agitation, violence et fugues en service
dossier Aller et venir, entre liberté et contraintes stratégie soignante Comment gérer au quotidien agitation, violence et fugues en service de neurologie ? MICHELLE BILLION MOTS CLES • Agitation • Agressivité • Contention • Démence • Fugue • Hôpital • Isolement ❚ La prise en charge des patients opposants ou déments n’est pas sans poser de difficultés aux soignants ❚ La limite entre bientraitance et maltraitance est si étroite qu’il est parfois difficile d’apporter des réponses adaptées aux situations d’agitation, d’agressivité, de violence ou de fugues ❚ Proposer en amont des procédures ainsi que des formations s’avère indispensable, tout comme le maintien d’une collaboration avec le patient et/ou son entourage ❚ Retour sur l’expérience en la matière du service de neurologie du Centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer (62). de santé doivent garantir des Lplaceessoinsétablissements de qualité. Les soignants mettent en des actes et des procédures visant à faire UNE GESTION COMPLEXE DES TROUBLES recouvrir la santé aux usagers. Néanmoins, l’hôpital est un lieu de vie déstructurant pour de nombreux malades, en particulier pour les déments. Si les professionnels ont l’obligation de respecter la Charte de la personne hospitalisée1 et sa liberté d’aller et venir, ils doivent également gérer de nombreuses difficultés face à la prise en charge du patient opposant. Que ce soit face aux personnes âgées avec leur désorientation temporo-spatiale ou aux adultes jeunes avec un comportement agressif, les soignants sont souvent impuissants et engagent leur responsabilité en cas de problème. • Neurologie • Soignant • Violence LA SPECIFICITE DES SERVICES DE NEUROLOGIE ❚ Les unités de neurologie sont des structures ouvertes. Il est donc impossible de les comparer avec des unités psychiatriques ou de prise en charge des personnes démentes, comme les centres d’activités naturelles tirées d’occupations utiles (Cantou), qui sont des structures fermées avec une liberté de mouvement des résidents contrôlée. ❚ Les services de neurologie prennent en charge une mixité de patients, souvent en dehors de l’hospitalisation programmée. De plus, leurs locaux ne sont pas forcément adaptés à la prise en charge des déments avec, par exemple, l’absence de chambres individuelles. ❚ Il est donc recommandé aux soignants exerçant dans ces services de faire preuve au quotidien de patience car celle-ci sera souvent mise à l’épreuve, de philosophie afin d’accepter l’agressivité et la violence de certains patients pris en charge, mais aussi d’humour pour travailler avec entrain et chaleur. 26 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/06/2013 par CH La Chartreuse - (314578) DU COMPORTEMENT DEFINITION DES DEMENCES Les démences peuvent être définies comme « un affaiblissement global, progressif, spontané et irréversible de toute activité psychique. Elles sont dues à une atteinte cérébrale organique et limitent l’activité sociale de la personne. Elles sont de deux ordres : - dégénératives (70 % des cas) : maladie d’Alzheimer, démence à corps de Léwy, démence fronto-temporale ; - non dégénératives (30 % des cas) : démence vasculaire (après un accident vasculaire cérébral – AVC, par exemple), démence infectieuse (VIH) ou démence alcoolique »2. La prise en charge soignante sera adaptée en fonction de l’origine de la démence plutôt que de l’agressivité du patient. L’HOSPITALISATION, UNE ETAPE VERS UN CHANGEMENT Pour les malades, l’hospitalisation marque le début d’un changement. Ils arrivent souvent à l’hôpital par le service des urgences avec les motifs d’entrée suivants : “maintien au foyer de vie difficile”, “troubles du comportement”, “agressivité au domicile”. En général, ces motifs n’exigent pas une urgence particulière. Un long cycle d’attente débute alors SOiNS CADRES - n° 70 - mai 2009 dossier afin de disposer du lit d’hébergement susceptible de les accueillir. Cela majore leur angoisse, leur sentiment d’abandon et leur peur de l’inconnu. LES TROUBLES DU COMPORTEMENT ❚ Les troubles du comportement vont apparaître dès le début de la prise en charge et sont parfois la cause même de l’institutionnalisation de la personne par l’épuisement des aidants. Ces troubles peuvent se traduire différemment : simple agitation à anxiété profonde, dépression, irritabilité marquée. d’autant plus difficilement que son adaptation au milieu se fait lentement. La non-reconnaissance des lieux et des individus majore son stress et son angoisse vis-à-vis du personnel soignant qu’il ne connaît pas, qu’il ne reconnaît pas et qui n’a pas toujours les gestes ou le ton de voix adaptés par manque de temps, de patience… ❚ Désolidarisé de son lieu de vie habituel, le malade se retrouve alors dans une situation où il ne maîtrise rien, avec des règles que le monde hospitalier lui impose (repas, sieste, promenade). L’agressivité peut survenir et dégénère parfois en violence verbale ou physique (verres jetés au travers d’une pièce, par exemple) mais elle n’est pas dirigée vers les soignants. Il s’agit d’une réponse dirigée vers ce milieu inconnu et la perte de repères. Le patient anxieux ne peut répondre que par une agression. © BSIP/Girand ❚ Pour le patient qui souffre de la maladie d’Alzheimer, tous les changements sont vécus L’agressivité des patients déments ou opposants peut survenir et dégénère parfois en violence verbale ou physique. agressifs sont pris en charge dans les services de neurologie pour adapter leur traitement et améliorer leur comportement. ❚ La violence physique sera exacerbée par le personnel si celui-ci oppose une résistance, emploie ❚ La nécessité d’un séjour hospitalier parfois long complique la prise en charge soignante. En effet, un ton brusque ou des gestes forts avec le patient. La contention physique ne sera pas la réponse appropriée, sauf si le risque de chutes est important afin d’éviter les blessures corporelles. ❚ La réponse à ce comportement consiste à : • organiser la prise en charge du patient en favorisant une collaboration soignant/soigné et avec la famille ; • préserver l’intimité du patient par l’apport d’objets et de vêtements personnels afin qu’il puisse retrouver ses repères. la contention physique n’est pas la solution car le malade n’est pas agressif et ne chute pas. Le bracelet anti-fugue ne s’avère pas non plus efficace car cette population de malades ne se sauve pas. Quant à la mise en chambre d’isolement, il s’agit d’une solution trop radicale ; elle se situe en outre le plus souvent en dehors du service de neurologie (urgences, psychiatrie). Enfin, la collaboration des familles est souvent difficile à obtenir car elles ont du mal à accepter ce type de comportement. ❚ La réponse soignante consiste à recadrer le patient systématiquement de façon douce mais ferme, mais cette démarche de soins est chronophage. LES COMPORTEMENTS DERANGEANTS ❚ Certaines situations laissent les soignants et les cadres perplexes et sans réponse. C’est le cas par L’AGRESSIVITE DES ADULTES JEUNES ❚ L’agressivité des adultes jeunes est mal vécue par les soignants car elle est ressentie comme menaçante et provoque des arrêts de travail SOiNS CADRES - n° 70 - mai 2009 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/06/2013 par CH La Chartreuse - (314578) ▲ exemple des déments fronto-temporaux qui sont totalement désinhibés et peuvent se dévêtir en public, prononcer des mots vulgaires, ou encore effectuer des attouchements sur le personnel ou les visiteurs. Ces patients perturbateurs et non 27 dossier Aller et venir, entre liberté et contraintes 1. Charte de la personne hospitalisée. Ministère de la Santé et des Solidarités, actualisée en sept. 2007 [www.sante.gouv.fr/htm/ dossiers/charte_patient/ accueil.htm]. 2. Phaneuf M. La maladie d’Alzheimer et la prise en charge infirmière. Masson, 2e édition, 2007. 3. Cottereau M-J. (sous la dir. de) Dictionnaire infirmier de psychiatrie. Masson, 2005: 184. 4. Décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médical, article 9, modifié par le décret n° 97-503 du 21 mai 1997. REFERENCES • Chauvire V, Even C, Thuile J, Rouillon F, Guelfi J-D. La démence fronto-temporale : revue de la littérature. L’Encéphale, 2007 ; 33: 933-40. • Lebert F, Robert P, Rigaud A-S. Prise en charge des troubles du comportement dans les démences. Revue neurologique, 2000 ; 8-9(156): 767-72. L’AUTEUR Michelle Billion, cadre de santé, service de neurologie, CH Boulogne-sur-Mer (62) [email protected] par épuisement professionnel. Son caractère imprévisible et souvent inadapté provoque d’autant plus d’appréhension que celle-ci est physique et violente. Elle s’accompagne aussi de menaces psychologiques (chantage, contestation systématique et provocation). Cette violence majeure est due soit à une mauvaise orientation du patient – qui devrait relever d’une prise en charge psychiatrique –, soit à la prise en charge inadaptée d’une cause organique (sevrage alcoolique sans contention chimique, par exemple). ▲ NOTES ❚ En urgence, la réponse à l’agressivité sévère du patient est la contention physique afin de le attaché doit faire l’objet d’une observation paramédicale accrue, notée sur une fiche de surveillance. La pose d’une contention est pénible pour le professionnel car elle met en échec sa démarche soignante et fait perdre sa dignité au patient. La contention est maltraitante même lorsque l’équipe veut bien faire. LE RISQUE DE FUGUE ❚ Une des problématiques de la démence est la lutte contre les fugues. Pour les malades Pour préserver la sécurité des personnes, éviter les fugues, la seule solution réside parfois dans la contention physique avec ses risques associés. déments, le risque d’une issue fatale s’ils ne sont pas retrouvés dans les 24 heures est de 60 %3. Pourtant, la plupart d’entre eux ne sont pas hospitalisés sous contrainte (hospitalisation à la demande d’un tiers – HDT – ou hospitalisation d’office – HO) et peuvent donc sortir sans difficulté. Mais « la loi prévoit que le médecin et toute l’équipe autour de lui peuvent intervenir même s’il n’a pu obtenir le consentement du patient lorsque l’intérêt du malade permet de se passer de son consentement. S’il y a danger immédiat pour la vie du malade, le code de déontologie impose de remédier sans attendre à cette situation »4. ❚ Il existe bien des dispositifs anti-fugue qui s’adaptent le plus souvent au poignet et alertent le personnel soignant dès que le patient franchit une zone déterminée. Néanmoins, ces bracelets n’ont qu’une efficacité limitée : en effet, le patient qui quitte le service pour aller à sa séance de kinésithérapie par exemple pourra fuguer de cette unité qui n’est pas équipée du même système. LA CONTENTION PHYSIQUE CONCLUSION La contention physique est prescrite par les médecins en cas d’agitation, de risque important de chutes ou en cas de déambulation. Néanmoins, elle présente pour les soignants un véritable dilemme : attacher une personne parce qu’elle risque de tomber, de fuguer ou d’agresser quelqu’un, c’est la priver de sa liberté de mouvement et d’aller et venir, donc un acte de maltraitance. En revanche, si elle déambule mais tombe, fugue ou se casse un bras ou une jambe, l’équipe pourrait être responsable de négligence. La contention réduit le patient à l’immobilisation et à la perte d’autonomie. Dans cette situation, il risque de développer une escarre plus rapidement, les changements de position n’étant guère aisés et les soignants doivent surveiller les points d’appuis. En outre, le risque de décès par strangulation et d’asphyxie est grand et un patient Le personnel de santé en neurologie doit avoir une bonne connaissance du patient qu’il va accueillir afin d’adapter au mieux la prise en charge soignante. Pour les situations à risque, il convient en amont de mettre en place des procédures ainsi qu’une formation des personnels afin que ceux-ci puissent répondre de la façon la plus adaptée possible. Le recours à la contention peut s’avérer nécessaire mais ne doit pas être la réponse initiale à toute problématique liée au patient opposant. La privation de liberté ne peut s’inscrire que dans un cadre strict et doit être régulièrement réévaluée. L’objectif principal est d’obtenir la collaboration du patient afin d’avoir une prise en charge médicale et paramédicale cohérente avec sa pathologie. ■ protéger des risques pour lui-même ou pour autrui. Si la situation l’exige, il sera mis en chambre d’isolement, en particulier en cas d’idées délirantes, de risque de suicide ou avant une hospitalisation sous contrainte. Dans tous les cas, cette prise en charge nécessitera une prescription médicale. ❚ Dans la mesure du possible, le soignant ne doit pas répondre à la violence par un comportement agressif (tons et gestes brusques) pouvant ame- ner à une situation de maltraitance. Dans cette situation, il doit rester calme, ne pas s’isoler et ne pas montrer d’angoisse vis-à-vis des comportements du patient. DES RISQUES ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DES SOIGNANTS 28 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/06/2013 par CH La Chartreuse - (314578) SOiNS CADRES - n° 70 - mai 2009