entretien avec frédéric boisdron et najet ben bassou

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entretien avec frédéric boisdron et najet ben bassou
ENTRETIEN AVEC FRÉDÉRIC BOISDRON ET NAJET BEN BASSOU
Dirigeants de la boutique ROBOOTIC à Nantes et du magazine Planète Robots
Frédéric Boisdron et Najet Ben Bassou dirigent le
magazine Planète Robots (N°8 en janvier). Ils ont
aussi créé en plein cœur de ville à Nantes, la
boutique ROBOOTIC, uniquement consacrée aux
robots, ouverte à tous les publics. C’est dans cet
espace où se côtoient des robots de toutes
formes, et de toutes fonctions, qu’ils ont précisé
comment les robots commençaient d’être
approchés par les particuliers.
Interview réalisée par François Mayssal le 19 janvier 2011,
Tout d’abord, comment définiriez-vous
la robotique de service ?
Dans le prolongement de ce qui existe
déjà sur le marché, on peut définir un
robot de service comme une machine
capable de réaliser, à la maison, des
tâches rébarbatives de façon autonome.
Et cette définition est finalement assez
proche de celle qu’on pourrait donner de
la domotique.
Les deux domaines sont proches, mais
pourrait-on les fusionner ?
Cette fusion a déjà commencé. Prenons
l’exemple du robot aspirateur : s’il est relié
à un capteur d’ouverture de porte ou un
détecteur de présence, il est capable de
s’arrêter d’aspirer et de retourner à sa
base pour ne pas déranger les personnes
qui arrivent dans la pièce. On peut aussi le
piloter avec une table tactile : à partir de
l’image d’une pièce apparaissant sur la
table tactile, le robot-aspirateur peut être
dirigé vers les endroits à nettoyer en
priorité.
A quels types de robots de service a-ton déjà accès ? Quel futur peut-on
imaginer ?
Les robots aspirateurs sont maintenant
largement diffusés et il existe aussi des
robots tondeuses, ou des robots passeurs
de serpillère. Mais une autre forme
intéressante est celle des robots de
surveillance comme le Rovio : ce type de
robot n’interagit pas avec le monde
physique, mais il est capable de rendre de
vrais services. On tend alors vers le robot
d’assistance : Rovio est capable de
surveiller un espace en se déplaçant dans
celui-ci ; mais une de ses évolutions
pourrait d’être aussi capable de détecter
une personne immobile pendant un temps
anormal ou de rappeler l’heure de prise
d’un médicament. Un robot comme le
NAO d’Aldebaran serait sans doute aussi
capable d’accomplir de tels services. Mais
attention, ceci n’est pas encore un robot
« majordome » capable de réaliser toutes
tâches ménagères à la demande.
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A quel horizon pourrait-on envisager un
tel robot « majordome » dans un
foyer ?
L’évolution des robots connaîtra des
progrès rapides, selon un modèle proche
de la loi de Moore. Mais, pour voir un
robot humanoïde complètement autonome
dans un foyer, il faudra peut-être attendre
une quinzaine d’années. Même le
nouveau projet ROMEO d’Aldebaran
(robot humanoïde de 1,4 mètre de haut)
ne devrait pas être en mesure de passer
la tondeuse seul ! Il est probable qu’on
passera par un stade intermédiaire,
comme celui d’un robot communicant,
capable de se connecter et de piloter des
petits robots spécialisés sur une tâche,
comme le robot aspirateur Roomba. On
pourrait alors parler de robot en réseau.
Quels
obstacles
technologiques
majeurs va-t-on rencontrer sur la route
des robots ?
La préhension est clairement un
problème : chacun connaît la difficulté du
simple verre d’eau à verser. Mais il faut
être aussi attentif à la question de
l’autonomie énergétique des robots : un
robot majordome avec une autonomie de
2 heures seulement n’aurait pas de sens.
D’où l’intérêt porté à des solutions de
transmission d’énergie sans contact, ou à
plus long terme, à des mini-piles à
combustible, voire à des systèmes fondés
sur la digestion de déchets organiques,
comme dans le projet européen EcoBot
piloté par l’Université de Bristol.
A plus court terme, on peut s’attendre à
une évolution majeure dans le domaine de
l’identification/reconnaissance
avec
l’intégration de solutions RFID dans les
robots (NAO est déjà équipé). Les
passerelles entre produits vont aussi se
développer,
des
normes
de
communication
seront
établies
qui
permettront par exemple de joindre un
robot de surveillance à partir d’un
smartphone ou d’un tablet PC ; ce robot
de surveillance pourra à son tour
éventuellement lancer l’intervention d’un
mini-drone comme celui commercialisé
par Parrot afin d’aller repérer un objet
dans le jardin.
Faut-il
s’attendre
évolutions ?
à
d’autres
Oui, une autre évolution touchera les
développements de logiciels d’application
utilisables dans ces robots. Il faut
s’attendre à une commercialisation sur le
modèle de l’App-Store. C’est d’ailleurs le
sens de la démarche d’Atlantic 2.0,
association d’entreprises du web de
l’agglomération nantaise, qui va se doter
d’un robot NAO pour développer des
applications.
Pour conduire ces évolutions, comment
voyez-vous la place de la France au
plan mondial ?
La France fait clairement partie des
leaders mondiaux. On accorde facilement
la première place au Japon, qui a fait à la
robotique une place importante pour des
raisons culturelles et sociétales, liées
notamment à un souci de prendre en
compte le vieillissement de la population.
Mais avec des investissements
bien
moindres, la Corée rejoint le niveau du
Japon. Et le paradoxe français est que,
avec des moyens engagés encore plus
faibles, des réalisations françaises comme
celles d’Aldebaran ou Gostaï soutiennent
la comparaison avec des produits
japonais, en termes d’aboutissement. Il ne
faut pas oublier que des robots comme les
robots ASIMO ou Partner de Honda
restent encore des prototypes avancés,
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environnés d’ingénieurs à chacune de
leurs sorties.
Toujours pour illustrer le rôle majeur de la
France, le français Gostaï a développé le
langage de programmation URBI pour
robots, qu’on peut rapprocher du rôle que
joue JAVA pour les ordinateurs. Et le robot
NAO, beaucoup plus accessible
financièrement que ses prédécesseurs
japonais a été choisi pour la RoboCup.
En matière de robotique de service,
quels pôles géographiques majeurs
identifiez-vous en France ?
La première place de la région parisienne
est évidente, avec des entreprises comme
Gostaï et Aldebaran. Il faut citer aussi
Lyon avec Bruno Bonnell et le prochain
Inno-Robo, ainsi que Nantes avec ses
connexions au monde de l’Internet
(Atlantic 2.0) et des laboratoires comme
l’l'IRCCyN. Enfin, en matière de recherche
académique, la place de Toulouse, avec
un laboratoire tel que le LAAS est
importante.
Peut-on parler de votre boutique,
Robootic ? Quels en sont les clients? Y
a-t-il un intérêt à être ainsi en contact
direct avec le public, alors que la
commercialisation passe beaucoup par
Internet ?
Nous commercialisons aussi par une
boutique
en
ligne
(http://www.robootic.com), mais l’enjeu de
la boutique physique est différent : il
permet de montrer que les robots
marchent vraiment. Quand les personnes
s’y intéressent avec une perspective
d’achat, elles ne veulent plus se contenter
de vidéos sur YouTube : elles veulent les
voir fonctionner « pour de vrai ». Et
d’ailleurs, la clientèle n’est pas faite que
de « geeks » ; pour les fêtes de Noël,
beaucoup de personnes non spécialistes
ont poussé la porte de la boutique. Mais
notre choix d’ouvrir une boutique physique
reste singulier et nous sommes, sauf
erreur, la seule boutique de ce type, car
Robopolis s’est concentré sur la
commercialisation par Internet.
Verra-t-on un jour des robots en grande
surface ? N’y a-t-il pas trop d’obstacles
à leur bonne utilisation pour se passer
de vendeurs spécialisés ?
Dans les faits, ils y sont déjà : des robots
aspirateurs sont vendus dans des grandes
surfaces d’électroménager. Pour situer les
compétences nécessaires, on peut donner
deux indications :
•
Utiliser un robot aspirateur est plus
simple
que
programmer
un
magnétoscope,
•
Mettre en service un petit robot de
surveillance peut se comparer à la
connexion et au paramétrage d’une
« Live Box ».
A qui s’adresse votre revue « Planète
Robots » ? Des spécialistes ou des
universitaires ?
Pas du tout. La revue tire à 30 000
exemplaires et sa diffusion se fait
principalement en kiosque, à destination
du grand public curieux de ces sujets, un
peu dans la ligne de Science et Vie. Mais
nous avons bien sûr aussi des lecteurs
universitaires ainsi que dans le domaine
de la robotique industrielle. Et nous serons
d’ailleurs présents sur le prochain salon
Inno-Robo à Lyon !
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